Après avoir traversé du Nord vers le Sud l'immense île de Sumatra, deux heures de ferry nous amènent sur Java. Une nuit dans la capitale Jakarta, puis 8h de train, nous arrivons à Yogyakarta, la plus grande ville du centre de Java. Réputée pour être la capitale culturelle de l'île, la cité vit également sous la menace constante du stratovolcan 🌋 Mérapi (2915 m), le plus actif du pays selon les spécialistes (sur les 150 en activité dans l'archipel). La dernière éruption meurtrière remonte à 2010 (près de 400 victimes, toutes ayant refusé de quitter la zone malgré l'alerte), et le volcan est en éruption permanente depuis 2020, sans que pour l'instant il soit demandé à la population vivant sur ses flancs d'évacuer.
le Mérapi au lever du jour Mais avant de rendre visite à ce géant, nous nous dirigeons vers Borobudur, un complexe bouddhiste vieux de 1200 ans à 40 km de Yogyakarta. Édifié entre 750 et 850 après JC, à l'aide de millions de blocs de pierres volcaniques taillés et ajustés sans ciment, ce temple majeur représente, vu du ciel, un grand mandala orienté selon les points cardinaux.
Schéma (wikipédia)Vue de profil, c'est une pyramide de dix étages, chaque niveau s'approchant un peu plus du Nirvana. De nombreux bas reliefs ont été sculptés, ils servaient de support pour y enseigner le bouddhisme. Le troisième étage, par exemple, est consacré à la vie de Bouddha, depuis sa naissance à Lumbini, jusqu'à sa mort.
Le site a été assez rapidement abandonné, quelques dizaines d'années après son achèvement. Déplacement du pouvoir, déclin du bouddhisme, séisme et/ou irruption volcanique, Borobudur tomba dans l'oubli. Ce n'est qu'en 1815 que le site fut redécouvert et excavé de la végétation et des cendres sous lesquels il était enseveli. Plusieurs étapes de restauration eurent lieu. La dernière en date (1973-1983), sous l'égide de L'UNESCO, consista à démonter le temple pierre par pierre, à solidifier les fondations, installer un système de drainage et à réinstaller le tout. Le plus grand puzzle du monde !
Après avoir été sauvé des pillards, des tremblements de terre et des éruptions, de l'érosion des pluies diluviennes de la mousson, c'est aujourd'hui le tourisme qui menace le site le plus visité d'Indonésie. Aussi, depuis la réouverture suite à la pandémie de Covid, le nombre de visiteurs est limité à 1200 par jour sur le monument en lui-même (cela pouvait monter jusqu'à 90 000 auparavant).
On peut aussi monter sur une petite colline pour admirer le paysage au lever du jour.
Borobudur dans la brume matinale Les paysages autour, entre rizières, petits villages, reliefs recouverts de forêts, valent bien une petite escapade.
Nous prenons ensuite la direction de Kaliurang, un petit village niché à 900m d'altitude sur les flancs du Mérapi. Nous avons choisi cet endroit car il est apparemment possible d'y admirer - de nuit - la lave qui coule sur les flancs du volcan. Nous espérons vraiment que la chance nous sourira🤞.
Un indonésien dénommé Christian emmène les touristes depuis 40 ans sur les pentes du volcan, plus ou moins proche du sommet en fonction des conditions. Or, depuis 2020 et le début de l'éruption de lave, le niveau est passé à 3 (au niveau 4, c'est l'évacuation), ce qui implique qu'il n'est pas possible d'aller au-delà du village et de pénétrer dans zone du parc national, fermée. L'homme de 77 ans accuse le coup des années et de récents ennuis de santé ne lui permettent plus d'arpenter le secteur. Sa guesthouse semble suivre la même destinée, mais nous décidons de nous y installer quand même. Heureusement, malgré le carpharnaüm de la cuisine (dans laquelle je verrai se faufiler le plus gros rat qui m'aura été donné de voir), sa femme réalise des prouesses.
Quand je demande à Christian si nous avons des chances d'admirer la lave demain matin, il me répond "60%". C'est déjà ça !
Le Mérapi et son cône fumant C'est son fils, Aldrin, qui nous emmènera de nuit, par un chemin secret, admirer - nous l'espérons - la lave rouge régurgitée par le géant.
Pie grièche schach Trois heures du matin, le réveil s'active, il est l'heure d'émerger.
Quatre heures, nous traversons le village endormi (sauf le muezzin qui a chanté à 4h30) puis pénétrons la forêt à la lueur de nos lampes frontales, en file indienne derrière Aldrin. Le sentier est peu emprunté, la végétation est dense. On se contorsionne pour éviter les épines des tiges de "ratane", on déjoue les pièges tendus par les lianes et les racines. Après 1h de grimpe, nous arrivons à une tour de guet, un belvédère sur le sommet éventré. Seulement l'escalier est cassé et la tour brinquebalente. Aldrin nous montre comment y monter en escaladant par la rampe en faisant bien attention aux vis rouillées qui dépassent... On hésite, puis on se lance. Ça passe. L'escalier pour le deuxième niveau est en meilleur état, on arrive au sommet, prêts pour le spectacle.
Comme c'est beau ! La lave rouge brille dans la nuit. Nous pouvons l'observer dévaler la pente, ou bien jaillir du cratère. C'est la première fois que nous voyons un tel phénomène tous les 4.
Et malgré les 6 kms qui nous séparent de l'enfer du cratère, nous entendons les crépitements, une expérience impressionnante.
Six heures, le soleil se lève, le chant des oiseaux prend le relais.
Nous redescendons de la tour, et prenons le chemin du retour.
Aldrin nous explique que la jungle luxuriante que nous traversons, avec des arbres pouvant dépasser les 20 mètres, est âgée de seulement 13 ans (comme Maxime!). La zone avait été dévastée par l'éruption de 2010, preuve en est ces vestiges d'arbres ça et là : des troncs nus et gris. La cendre qui fut déposée est tellement riche en nutriments que la forêt a repoussé à une vitesse incroyable.
Au retour, la femme de Christian nous a préparé un mega brunch : sandwichs, pancake, salade de fruits tropicaux. On se régale.
Avec Christian Une petite sieste puis nous reprenons le chemin de Yogyakarta. Yogyakarta, dont nous retiendrons les danses javanaises, l'ancienne piscine privée du Sultan, la grande rue commerçante de Malioboro, les selfies avec les indonésiens toujours aussi sympas, et le restaurant Mediterranea, idéal pour soigner son addiction au fromage...
L'aventure se poursuit, prochaine étape le Bromo, encore un lever de soleil à ne pas manquer !