Escapades Nomades

A la rencontre de l'Âme mongole
Juin 2006
4 semaines
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Sept heures du matin, le train entre en gare d'Oulan Bator. Les immeubles style soviétique côtoient des yourtes. Les montagnes semblent cerner la ville.

Nous voilà en quête d'une auberge de jeunesse. Les deux premières auxquelles nous nous adressons ne répondent pas... La ville ne semble pas s'éveiller trop tôt. Mais à peine éveillée, elle s'agite dans tous les sens : coups de klaxon à tout va, circulation incessante et à vive allure... Nous décidons de nous éloigner de ce tintamarre, direction Gandantegchinlen khiid, le plus grand monastère de Mongolie en plein cœur de la capitale. Le seuil à peine franchi, nous voilà happés dans une séance de prières bouddhistes.

La salle est rectangulaire, nous en faisons religieusement le tour dans le sens des aiguilles d'une montre. Des vapeurs d'encens s'élèvent au milieu des livres de prières, des tapisseries rouge et or, et des moines drapés dans leurs toges traditionnelles. Ils ont l'air de confesser certains fidèles assis face à eux (du moins c'est ce que l'on suppose). D'autres croyants se prosternent devant la statue de Bouddha. Soudain, tous se pressent au milieu du temple, formant une large file indienne face à Bouddha. Un "ruban" bleu circule parmi l'assemblée et l'entoure rapidement. Puis des voix graves s'élèvent, les moines entonnent leurs chants de prières, qui, répètes sur un ton monocorde, mènent sans doute à un état de résonance intérieure...

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Gobi or not Gobi ? That's the question !

"I live in the Gobi, ger is made for me !

I like Mongolia, but I prefer Vodka !"

"Je vis dans le Gobi, la yourte (ger, prononcez "guerre") est faite pour moi !

J'aime la Mongolie, mais je préfère la Vodka !"

C'est par ces douces paroles poétiques que nous avons été réveillés en plein désert par un américain à la recherche de sa tente, une guitare dans une main, une bouteille dans l'autre. Il était 3 heures du mat, et vous l'aurez compris, le bougre avait visiblement (pour ne pas dire audiblement) forcé sur la boisson. Américains, Russes, la Vodka est sans frontière et met tout le monde par terre...

Après le Transsibérien et le Lac Baïkal, un autre nom nous faisait rêver, le désert de Gobi ! Nous ne voulions pas y passer si tôt, mais le destin en a décidé autrement.

Le désert étant par définition désertique, les transports publics sont inexistants puisqu’il n’y a personne à transporter (ou presque). C’est donc à bord d’une fourgonnette russe, en compagnie d’un chauffeur et d’une guide mongol, d’une slovène et de son mari italien (habitant en Irlande), d’un chercheur hollandais (habitant en Corée) que nous sommes partis en vadrouille dans cette vaste étendue inhospitalière.

Car le Gobi (littéralement « désert » en mongol) est un des endroits au Monde qui connaît les plus grandes variations climatiques. Depuis – 40 degrés l’hiver, la température monte à +40 l’été, voire plus. Sans parler du vent et des tempêtes de sable. De plus, il n’y a pas un gramme d’ombre et encore moins d’eau (il pleut tous les deux ans), bref l’endroit idéal pour passer les grandes vacances en famille !

Nous n’avons en rien souffert de tout cela (ou si peu) puisque nous étions motorisés et que nous avions nos provisions d’eau, mais nous avons beaucoup pense a Bernard Ollivier (« La Longue Marche ») et à Sylvain Tesson (« Sous l’Étoile de la Liberté ») qui, eux, l’ont l'ont traversé à pied et en solitaire...

Les kms défilent à 40 km/h de moyenne. A mesure que nous descendons vers le sud, les paysages changent, lentement. Ils deviennent plus arides, plus rocailleux, les arbres se font de plus en plus rares. Les plaines sont tellement immenses qu’il nous faut parfois 2 à 3 heures de piste avant d’atteindre les montagnes qui forment l’horizon. Malgré ce tableau peu engageant, le Gobi est habité. Par des hommes. Moins de 0.5 homme au km carre y a élu domicile. Il n’est pas rare de faire 50, 60 kms sans croiser âme qui vive. Et soudain, au milieu de nulle part (expression qui prend tout son sens en Mongolie) apparaît une ger, et on se demande de quoi peuvent bien vivre ces gens...


Le Gobi abrite également une faune particulière qui a su s’adapter à cet environnement hostile. Nous avons eu la chance d’observer des antilopes, des aigles et des vautours gigantesques, des grues, des marmottes et même un loup débusqué au creux d’une colline, alors que notre chauffeur cherchait sa route.

Le premier soir nous nous arrêtons non loin des ruines d’un monastère bouddhiste. Du haut d’intrigantes formations rocheuses nous assistons a l’embrasement des montagnes lorsque le soleil disparaît derrière l’horizon.

Deuxième jour. Les kms s’enchaînent, nous ne croisons aucun autre véhicule de la journée. A midi, nous nous arrêtons déjeuner dans une famille. S’improvise alors une partie de basket surnaturelle avec les enfants en plein désert...

Le troisième jour est un jour faste. Tant sur le plan des paysages traverses et curiosités géologiques, que sur le plan des relations avec notre jeune guide qui se détériorent d’heure en heure. Elle répond quasiment à toutes nos questions par un « I don’t know » évasif, gère très mal le timing serre du voyage et ne comprend pas que nous voulions nous arrêter visiter les ruines d’un monastère (« It’s only ruines ! ») ou bien faire un petit détour pour prendre des antilopes en photo.

Heureusement ces tensions n’enlèvent rien à la beauté de la dune de Moltzog Elz sur laquelle nous nous amusons comme des gamins, ni à la surprise de découvrir Yolyn Am, une gorge recouverte de glace en plein désert. Nous finissons la journée à Bayangzag, rendu célèbre dans les années 1920 par les découvertes de multiples fossiles de dinosaures (une centaine) par l’archéologue Roy Chapman Andrews.

La rando en chameau du quatrième jour sous un soleil de plomb ne nous a pas emballés. Moins rapide qu’un homme qui marche, inconfortable, aussi expressif qu’un radiateur, les relations avec nos montures respectives s’en sont trouvées assez superficielles. De plus, ayant perdu la moitie de leur pelage, il ne restait que des Camels Light...

Et pourtant, le chameau est pour les habitants du Gobi une véritable richesse : Monté sur coussins d’air il peut transporter jusqu’à 250 kg de fret, fournir de la laine (avec laquelle on fabrique les gers (yourte)), du lait, de la viande et peut s’abstenir de boire pendant 60 jours.

Quelques heures de pistes plus tard (Pierre a conduit toute l’après midi, résultat : 1 crevaison), nous quittons le Gobi et arrivons au monastère dOngiin Khiid. L’endroit est charmant, bordé par une rivière, entoure de petites montagnes que nous nous empressons de grimper pour nous dégourdir et admirer la vue.

Le monastère, comme la quasi-totalité de ceux de Mongolie, a été détruit par les soviétiques dans les années 1930. Sur 60 ans d’occupation, les russes n’auront pas fait que du bien aux mongols. Certes, leur taux de d’alphabétisation a grimpé en flèche (obligés d’apprendre le russe), leur santé s’est améliorée, mais tous les lieux de culte ont été détruits, les moines systématiquement exécutés ou déportés en Sibérie (ce qui revient au même). Environ 28 000 civils et religieux auraient péri pendant cette période.

Les quelques ruines restantes nous permettent cependant d’imaginer quelque peu la vie des moines à l’époque : simple, modeste, tournée vers la méditation et la nature. Lorsque nous revenons de notre ballade, une vision d’horreur s’offre à nous : cinq autres camionnettes sont arrivées entre temps, toutes remplies de touristes bruyants, chantant les standards de Queen à tue tête... Le genre de rencontre qui vous rappelle que, même dans le Gobi, vous n’êtes qu’un touriste parmi tant d’autres, dépendant d’un voyage organisé vous vendant l’authenticité, l’unicité de l’expérience et vous conduisant finalement dans les endroits où des milliers d’autres passent chaque année...

« I live in the Gobi, ger is made for me ! »

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"Si au milieu du gué tu as un doute, sors ta boussole et trace ta propre route" Proverbe citrouillen

Nous voici à Tsertserleg, la capitale de l'Aimag (région) de l'Arkhangai, 430 kms à l'Ouest de Oulan Bator. Bien décidés à rencontrer les mongols plutôt que leurs agences de voyage, nous partons à pied pour Ikh Tamir, à 22 kms de là.

A nous les montagnes ! A nous les grands espaces, vides de touristes "parqués" dans des camps impersonnels, pales copies des habitations traditionnelles, si loin de "l’Âme Mongole". Peut-être aurons nous la chance d'être invités sur le chemin dans une ger pour y boire le thé ? Et peut être plus, qui sait ? Il faut parfois provoquer le destin, les rencontres.

En marche pour Ikh Tamir 

Après 3 heures de marche et le passage d'un petit col, nous débouchons dans une large vallée d'où nous pouvons déjà apercevoir au loin Ikh Tamir. Des gers sont disséminées, toujours espacées de quelques kms, des troupeaux de yacks et de chevaux en liberté paissent paisiblement. Une voiture s'arrête et nous propose de nous emmener au village. Préférant y arriver à pied, nous refusons poliment.

Finalement, avant d'arriver à Ikh Tamir, nous décidons de tenter notre chance dans une ger au bord de la rivière. Une petite fille nous a repérés, elle va directement chercher son ballon, trop heureuse d'avoir trouvé deux nouveaux compagnons de jeu. Le père de famille arrive à notre rencontre, souriant, il nous invite à entrer pour boire le thé. Personne ne parle anglais ici, alors la communication est assez sommaire. Chacun se regarde, s'observe, se sourit... Un autre homme arrive, puis un autre, la ger se remplit peu à peu de curieux voulant voir les étrangers. L'un d'eux bredouille trois mots d'anglais, la conversation s'engage.

"Où voulez-vous aller ?" nous fait-il comprendre. Nous sortons la carte et pointons Tariat et le Lac Tsagaan Nuur, à 180 kms à l’Ouest. "Vous voulez des chevaux ?" L'éventualité de rejoindre le lac à cheval nous avait déjà traversé l'esprit, l'occasion est trop belle, nous acquiesçons. Mais nous avons besoin d'un guide aussi ! Et un cheval pour nos deux sacs à dos. Pas de problème, nous partirons dans 2 jours avec 2 de nos ôtes et 5 chevaux pour 7 jours de rando, le tout pour 200 dollars, soit un voyage peu cher pour nous et une sacrée rentrée d'argent pour nos 2 fermiers s'improvisant, sûrement pour la première fois, guides pour voyageurs en mal d'authenticité.

Marché conclu avec notre “famille d’accueil" d'Ikh Tamir, nous partirons à cheval en direction du lac Tsagaan Nuur après-demain, le temps de préparer selles et chevaux. Mandakh, le chef de famille, nous fait comprendre que nous pouvons rester chez eux en attendant. Nous sommes ravis! C’est l’occasion rêvée de passer une journée “à la ger”! Ici et comme partout en Mongolie, les gens vivent en famille, partageant tous la même ger. Pas de place pour l’intimité.

Notre "famille d'accueil" 

Notre petite tribu se compose de Mandakh, de sa vieille maman, de sa sœur et ses deux enfants : Namon, 8 ans, et Namon Tsetg, 4 ans, ainsi que d’un adolescent, dont l’habileté à cheval nous a subjugués. Six heures, le réveil est matinal. Pas de montre bien sur, mais le jour est déjà levé. Seuls les petits dormant encore à poings fermés. La mère rallume le feu du poêle, et prépare le premier thé (prononcez “tsa”) de la journée. Unique boisson mais consommée sans modération, il est préparé au dessus du poêle central. On y fait bouillir une grande quantité d’eau, à laquelle on ajoute du thé noir, du lait, et une pincée de sel. On le boit brûlant, si possible en faisant beaucoup de bruit en aspirant! Petit déjeuner rapide, on étale de généreuses couches de beurre fermier (orum) sur le pain fait maison. Mmmm… le meilleur qu’on n’ait jamais mangé, parole de Français! Puis chacun vaque à ses occupations.

Mandakh, habile cavalier, prend soin de ses chevaux, les rassemble et les emmène boire a la rivière. Pendant ce temps, la mère et la grand-mère se chargent de la première traite de la journée. Vaches, chèvres, brebis, femelles yacks, la famille ne manquera pas de lait. Par la suite, il sera d’ailleurs savamment transforme. Sur un poêle en plein air, la grand-mère fait bouillir une cuve entière de ce lait fraîchement tire, qui au fur et à mesure de l’ébullition forme de petites boulettes. Celles-ci sont séchées et dorées au soleil, et deviennent de petits morceaux de fromage sec.

Pendant ce temps, la mère s’affaire dans sa “cuisine”. Hormis la farine, le sucre et le sel achètes au village, la famille vit en autonomie complète en ce qui concerne la nourriture quotidienne. Bien entendu, le menu est immanquablement le même chaque jour : pâtes fraîches et viande de mouton (parfois agrémentés d’oignons et de pommes de terre). Seul le mode de cuisson diffère : frit ou en soupe!

La matinée est avancée et les enfants pointent leur nez dehors. Ils ont droit eux aussi à leur bol de thé et tartines. Une fois leur petite frimousse débarbouillée, les voilà bien enjoues et ils s’amusent comme des petits fous à courir après les biquettes et à chatouiller les vaches! La grand-mère, entre 2 cigarettes roulées dans son papier journal, couvre de baisers le petit dernier. Sa tendresse est tellement touchante…

Tout à coup tout le monde file dans la ger : la mère de famille sort de sous son lit le fameux fromage blanc. Mélange a du sucre, c’est un savoureux en-cas rafraîchissant en cette chaude matinée. Puis chacun repart à son poste.

La maman de Mandakh 

Cette fois-ci, la mère se charge de laver le linge de toute la famille, pendant que l’adolescent fabrique une des selles pour le lendemain. Une poche de cuir, dans laquelle il fourre 3 ou 4 épaisseurs de tissu; il coud le tout avec du gros fil, et le tour est joue. Puis il fait rougir une pointe de fer dans les braises, afin de perforer les lanières de cuir qui formeront mes futures rennes!

La journée suit ainsi son cours sous le ciel bleu, tranquillement mais sans oisiveté. On scie le bois, on trait une 2ème fois, on attelle les yacks pour aller chercher de l´eau à la rivière, on court après les chèvres en agitant les bras pour les faire rentrer dans l’enclos.

Lorsqu’un visiteur se présente, le rituel du thé s’enclenche ; et si de nouveaux voisins nomades décident d’emménager non loin de la, on les aide spontanément à monter leur ger.

A chaque jour suffit sa peine ; la nuit est tombée et il est temps de se rendre dans les bras de Morphée. Le dernier tableau est joli : la grand-mère partage son petit lit avec sa petite fille, tandis que la mère fait de même avec son fils.

Et demain matin le soleil brillera sur cette verte vallée de l’Arkhangai ...

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Après avoir passé une journée à la ger, nous voilà donc à cheval pour traverser une partie de l'Arkhangai. C'est clair, nous n'avons pas des canassons de compétition. La jument d'Anne-Laure traîne la patte, elle doit sans doute abuser de la gentillesse de sa cavalière. Le cheval de Pierre trébuche tous les 500 m et, à l'image de son cavalier, c'est une vraie tête de mule. Mais notre petite caravane enchaîne les kms sans trop de problème et le plus souvent dans la bonne humeur. Nos guides, Mandakh et Bator, sont très sympathiques, et heureusement qu'ils sont là car nos compétences équestres sont relativement limitées. Le premier midi, le cheval qui porte nos sacs trompe leur vigilance et en profite pour détaler comme un lapin. Sautant sur leurs chevaux ils n'eurent pas trop de mal à le rattraper, mais nous en aurions été bien incapable... Mandakh enfourcha à cette occasion la jument d'Anne-Laure et nous ne l'avons jamais vu galoper aussi vite... Comme quoi...

Le côté magique de cette escapade fut les nuits passées chez les habitants, des vrais cette fois-ci. Bator et Mandakh étaient nos "Sésames" qui nous assuraient l'entrée dans l'univers des familles nomades, avec ses codes bien précis. Par exemple, le voyageur, lorsqu'il rentre dans une ger, est invité à aller s'asseoir par terre à gauche. Les mongols n'allongent jamais leurs jambes, il faut s'asseoir en tailleur ou sur ses jambes. S'en suit le rituel du thé et suivant les familles, du pain, des biscuits maison, des boulettes de fromage. Parfois, le chef de famille sort une fiole de jade de son "del" (le manteau traditionnel mongol) et vous la présente de sa main droite. Vous devez vous en saisir de votre main droite, sentir la fiole, la déboucher, puis prendre un peu de poudre sur votre pouce et la sniffer. Ensuite, vous repassez la fiole au chef de famille par la main droite, mais surtout pas à votre voisin !

Nous assistons en spectateur ébahi aux tâches quotidiennes et nous sentons bien incapables de réaliser la plupart d'entre elles... Traire les animaux, tondre les montons, monter une ger, ou même préparer le thé ou faire le fromage, tout est si naturel pour eux et difficile pour nous. Monter à cheval par exemple : Les gamins de tous les endroits traversés nous ont impressionnés par leur aisance sur le cheval. C'est comme s'ils étaient nés dessus. Alors que nous... Il fallait nous voir après une journée de cheval... De vrais petits vieux ! J'ai mal au dos et toi ? Moi, au cul, mais aussi aux genoux, aux épaules, à la nuque...

Après avoir quitté nos guides, quelques images nous reviennent en tête :

Un soir, après une longue journée de cheval où nous ne nous arrêtons que vers 21 heures, nous descendons dans un canyon escarpé et rocailleux à la tombée de la nuit. Une rivière y coule et les chevaux n'ont pas bu depuis ce matin. Le chemin est abrupt, nous guidons à pied nos montures et le spectacle est grandiose.

Un autre soir, nous aidons une famille à rassembler les bébés yacks dans l'enclos pour qu'ils y passent la nuit. Le plus jeune yack nous fera courir presque une heure avant que nous ne finissions par l'attraper ! Le lendemain matin, lorsque nous sommes priés de nous réveiller vers 6 heures, nous nous apercevons que la ger dans laquelle nous dormons est déjà à moitié démontée, la famille migre aujourd'hui dans une autre vallée !!! Vous imaginez vous accueillir 4 étrangers dans votre maison la veille d'un déménagement ?

Un autre jour, on trouve que Bator a un peu de mal à monter sur son cheval... Peu après il se met à chanter Joe Dassin à tue tête... Nous nous rendons compte rapidement qu'il a picolé en douce et qu'il n'a pas tout cuvé pendant la nuit. Le soir, encore embrumé, il nous explique environ 100 fois que lui dors dehors alors que nous dormons dans la ger : "You ! sleep inside ! And me ! Sleep outside ! OK ?" OK Bator, ne t'en fais pas, demain ça ira mieux...

Après 6 jours de rando, de nuits à même le sol, de vent, de pluie, de soleil, nous trouvons une rivière dans laquelle nous pouvons nous laver pour la première fois depuis le départ ! Malgré la fraîcheur de l'eau c'est une des toilettes que nous avons le plus apprécié de toute notre vie !

Et puis vient l'heure des adieux. L'estomac un peu noué de notre côté. On soupçonne la même chose de nos deux gaillards, mais ça na pas l'air d'être dans la tradition Mongole de s'attendrir! On se souhaite donc comme on peut le meilleur pour la suite. En signe d'amitié, Mandakh nous promet que si nous revenons dans 3 ans, il nous fait cadeau de la jument sur laquelle Anne Laure à passé les sept derniers jours...

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Vous venez de recevoir votre ger (dites « guerre ») commandée aux 3 Mongols ? Vous en avez acheté une chez Ikebator mais il vous manque la notice de montage ?

Pas de soucis, la Citrouille est là pour vous aider à assembler la maison de vos rêves !

Tout d'abord, choisissez le lieu idéal. Au printemps, abritez-vous du vent en vous réfugiant au creux d'une colline. En été, descendez dans la plaine pour trouver la fraîcheur de la rivière. En automne, accrochez-vous au versant le moins exposé aux pluies. Et en hiver... et bien en hiver vous êtes foutus, car à moins 40 degrés, il vaut mieux dormir ailleurs que dans une ger !!!

Dans tous les cas, pour ne pas froisser les dieux, orientez toujours la porte de votre nouvelle habitation vers le sud.

Posez la porte et dépliez de manière circulaire les croisillons en bois. Fixez les croisillons à la porte.

Il est maintenant temps de monter le toit. Prenez les 2 seuls poteaux que vous trouvez dans votre kit et placez-les au milieu de la ger. Demandez à un ami, voisin ou collègue des les tenir.

Placez-y sur le dessus la "roue", sorte de clé de voûte de la maison. Commencez a fixer les 64 tasseaux en les emboîtant dans la roue et les attachant aux croisillons.

L'ossature de la ger est maintenant terminée. Reste l'habillage. Dérouler les tapis en laine de chameau ou de mouton (cela dépend si vous êtes allés au Mongol moquette du Gobi ou de l'Arkhangai) autour des croisillons.

Rajouter la bâche de plastique pour assurer une étanchéité totale (ne devait pas exister du temps de Gengis Khan...).

Une dernière couche de feutre, des sangles pour bien maintenir le tout, et hop voilà votre ger terminée !

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A plusieurs reprises lors de nos escapades en Mongolie, je me suis surprise à trouver des similitudes entre le Ghana et ce pays (leurs capitales respectives Accra et Oulan-Bator mises à part).

Et pourtant ... pas sur que ces peuples éloignés de milliers de kilomètres se soient un jour croisés dans l'histoire de l'Humanité!

Alors comment expliquer ces ressemblances?

L'une des pistes que nous avons trouvées est le fait que les hommes y sont ou y ont été nomades, et qu'ils s'adaptent à la nature, sans chercher à la façonner selon leurs besoins comme dans nos contrées occidentales.

En effet au Ghana comme en Mongolie, les hommes ont du s'acclimater à une nature sans pitié. D'un cote la chaleur accablante des Tropiques, la sécheresse, les épidémies; de l'autre de longs hivers rigoureux qui ne tolèrent aucune faiblesse. Le nomadisme s'impose. On fuit une sécheresse dans l'espoir d'une terre meilleure; on va s'installer a flanc de colline pour s'abriter du vent glacial.

Et dans de telles conditions, la solitude est fatale!

Alors on vit en famille, en clan ou en communauté. Hutte ou yourte, la maison est ronde et la porte toujours ouverte. La vie quotidienne se déroule tranquillement en extérieur, chacun à sa tache.

La tradition est orale. Pas de bouquins : ni dans les huttes, ni dans les yourtes. Mais les mêmes gestes précis se répètent inlassablement d'une famille à l'autre : depuis la préparation du thé au pétrissage de la pâte, en passant par la quête de l'eau, rapportée du puits sur la tête ou de la rivière sur la charrue.

On ne possède rien de matériel qui ne soit "vital"; car demain il sera peut être temps de partir vers une terre meilleure pour les hommes ou pour les bêtes. On laissera alors la hutte ou on démontera la yourte, et en quelques heures on abandonnera la terre sur laquelle on a vécu. Les endroits ou vivent actuellement ces populations ne sont pas forcement ceux ou ont vécu leurs ancêtres.

Si aujourd'hui ce nomadisme n'est plus vraiment d'actualité au Ghana il l'a été; mais il se perpétue encore en Mongolie, même si les "déménagements" n'ont plus lieu que quatre fois par an au lieu de huit ou neuf au début du siècle.

Inutile aussi de chercher des monuments ou bâtiments anciens; ici tout est éphémère et la nature est Reine; Savane, brousse ou steppe, elle reste intouchée ... oui mais jusqu'à quand?