De Lhassa à Katmandu par la friendship highway

Arrivés au Tibet à pied depuis le Yunnan, notre but est de rallier Lhassa puis Katmandu, en stop, en bus, etc.
Octobre 2006
4 semaines
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Téléportation immédiate avec ce morceau de musique :

Quelques images du périple :

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Devant le monastère de Jokang 
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Drepung, 8 km a l'Ouest de Lhassa.

A flanc de montagne, ce monastère est composé de bâtiments blanc éclatant, rehaussés d'une chaude couleur ocre sur les derniers étages. Les toits en terrasse sont plats et l'allure générale est assez carrée... ou plutôt trapèze. Mais ne vous y fiez pas. A peine a-t-on pénétré en son for que l'on se laisse happer par le labyrinthe de ses ruelles étroites. Elles se croisent et s'entrecroisent dans d'agréables senteurs de pin, de thym et d'encens, abritant moines et visiteurs des rayons ardents du soleil sur cette montagne aride. Quel délice que de se perdre dans ce dédale! Une fois dans les temples, l'architecture biscornue se répète. Des étages inégaux s'enchevêtrent autour d'une chapelle de Bouddha (Bouddha du Présent, du Futur, de la Longévité, ...). De temps en temps, un étroit escalier de bois sur lequel une trappe est ouverte mène directement à l'une des terrasses blanchies à la chaux qui me rappellent Marrakech.

Un moine engage la conversation avec nous. Il est étudiant ici. Pour combien de temps? Pour une vie. Peut être aura-t-il la chance d'être professeur dans une vie prochaine! Puis il ouvre son cœur. Contraint à l'exil en Inde depuis les années 1950, leur Dalaï Lama leur manque terriblement. Ce grand gaillard en toge ocre est tellement émouvant lorsqu'il répète "We miss him so much..." Il exprime son ressentiment vis à vis de l'occupation sournoise des chinois. Ce ressentiment est accru depuis l'ouverture de la ligne de train Pékin - Lhassa qui déverse chaque jour ses milliers de touristes Han.

13h, il nous laisse car il a un "meeting religieux". Et il n'est pas le seul car tous les moines sont rassemblés pour une séance de prières dans le temple principal. Ils entonnent leurs incantations, écuelle à la main, sur le ton monocorde que l'on connait bien. Pendant ce temps d'autres courent entre la cuisine et les différentes allées, tentant de ne pas se brûler avec leurs lourds récipients de cuivre débordant de soupe fumante.

Puis la prière s'arrête et on n'entend plus que le bruit du raclement des écuelles. On les laisse tranquilles mais on ne peut s'empêcher de jeter un œil en cuisine à l'énorme cuve qui a permis de remplir ces 500 bols!

Et c'est non sans peine que nous quitterons ce monastère; d'abord car il n'est pas si aisé de retrouver la sortie, mais surtout car son atmosphère calme et paisible nous a littéralement séduits.

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Bienvenu aujourd'hui au monastère de Samye. Construit au VIIIème siècle, c'est le plus ancien monastère bouddhiste du Tibet. Écoutez aussi les ouvriers tibétains qui travaillent à la restauration des bâtiments. Ils damnent les graviers du toit au rythme de leurs chants traditionnels.

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Sur la route de l'Amitié, entre Lhassa et Kathmandu, il y a un petit détour qu'il ne faut pas manquer, celui du Camp de Base de l'Everest (EBC). Le seul problème, c'est que cet endroit unique est la chasse gardée des agences de 4x4 qui proposent depuis Lhassa des tarifs bien trop élevés. Aussi, depuis 3 jours, nous enchaînons stop et transports publics, et ce n'est pas chose facile au Tibet. Tout d'abord parce que les bus publics n'acceptent pas toujours les étrangers, et ensuite, le stop étant officiellement "interdit", les chauffeurs de camions ont quelques réticences à prendre les auto-stoppeurs vu les sanctions qu'ils encourent. Ainsi, nous avons enchaîné entre Samye et Shigatse : un premier bus, puis un premier stop dans un van, un deuxième, puis un tracteur, et enfin un bus de touristes chinois tout heureux de nous emmener pdt quelques heures (ils étaient morts de rire de nous voir à l'arrière du tracteur...)... Tout ça pour 9 heures de trajet et 200 kms environ...

Nous sommes également restes bloqués une journée à Shigatse (2ème ville du Tibet quand même, et lieu de résidence du Panchen Lama), faute de pouvoir trouver des transports pour New Tingri, la destination suivante. Cet heureux contretemps nous a permis d'assister à une grande fête religieuse dans le monastère : la danse des masques, une cérémonie colorée qui a lieu 3 jours par an et qui rassemble tous les moines de Shigatse ainsi que des milliers de pèlerins.

La danse des masques de Shigatse 

Nous faisons ce jour là connaissance de Bronwen et Bradley, un couple Sud africaine/australien résidant en Chine. Ils veulent se rendre à Kathmandu et ils voyagent comme nous ! Notre petite équipe ne se quittera plus jusqu'au Népal. Bradley parle couramment chinois ; cela nous permet de demander à un intermédiaire de nous acheter (moyennant commission...) des billets pour le bus public qui part à New Tingri le lendemain matin. Nous y arrivons après 8 heures de routes et de pistes chaotiques, au milieu de paysages grandioses :

Le camp de base n'est plus qu'à 3 heures de piste, mais il nous faut trouver un moyen d'y aller. Nous n'avons pas à chercher trop longtemps, un chauffeur de camion se présente spontanément. Ses tarifs sont exorbitants (17 euros/personne), mais nous n'avons pas le choix : nous sautons sur l'occasion ! Il nous explique son plan pour passer sans encombre les différents "barrages" et nous décollons vers 17h15, une heure un peu tardive pour prendre la route du camp de base... Ne voulant pas que les habitants voient son petit manège au risque de se faire dénoncer, nous marchons tout d'abord 30 minutes, puis il nous cueille sur le bord de la route.

Peu avant le contrôle d'entrée du Parc National, il nous pose, nous passons le contrôle à pied ("Vous montez à pied à cette heure la ? - Oui, oui Monsieur..."), puis il nous reprend plus loin dans le creux d'un virage. Au fur et à mesure que les virages en épingle défilent, nous nous élevons lentement. Le temps est magnifique, et le soleil couchant frappe d'une lumière horizontale les versants des montagnes qui s'illuminent.

Depuis la benne du camion, nous sommes littéralement subjugués par les paysages extraordinaires qui s'offrent à nous. Le camion passe un col à 5200m et nous le découvrons enfin, au loin : l'EVEREST ! Nous jubilons comme des gamins !

Au loin, l'Everest... 

Nous ressautons vite dans la benne, car il reste encore pas mal de route. La nuit tombe, la température aussi et nous arrivons à moitié congelés et morts de faim à 22h30 au monastère de Rongbu pour y passer la nuit. L'accueil glacial n'est pas des plus sympathiques. L'endroit est complètement dénaturé par le tourisme, il ne faut pas venir ici pour rencontrer la culture tibétaine, mais bien pour y voir l'Everest... Demain, 2 à 3 heures de marche nous mèneront au pied du géant mythique, mais pour l'instant, il est temps de se rassasier avec une soupe de nouilles puis d'aller se réchauffer dans le sac de couchage...

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Malgré la fraîcheur matinale, nous sommes pressés de sortir. Étant arrivés dans l'obscurité la plus totale la veille, nous sommes curieux de voir l'Everest, en plus grand, en plus haut, en plus fort ! Et dire que les touristes qui sont passés la semaine juste avant nous n'ont rien vu du tout faute de mauvais temps... Certains sont mêmes restés 5 jours de suite, mais non, ils n'ont rien vu ! Encore plus dommage lorsqu'on sait ce qu'ils ont payé pour venir dans un confortable 4x4 jusqu'ici...

Deux heures de marche facile, entre 5000 et 5200m d'altitude, vont nous permettre de rejoindre le camp de base situé quasiment au pied du géant. C'est difficile à décrire. Il faut juste regarder les photos, puis fermer les yeux pour essayer de se projeter au milieu de cet univers unique :

Nous ne pouvons nous lasser de contempler ce spectacle. Mais il faut penser à redescendre, car vue l'ambiance qui règne à Rongbu, nous voudrions éviter d'y dormir une nuit supplémentaire. Mais voilà... Impossible de trouver une jeep qui veut bien nous prendre pour les 3 heures de pistes jusqu'à la route principale... Soit elles n'ont pas de siège de disponible, soit leurs passagers ne veulent pas nous faire monter. Et nous comprenons alors que nous les voyageurs indépendants ne sommes pas du tout en odeur de sainteté dans cet endroit. Certains touristes, pensant qu'ils ont payé assez cher leur tour organisé, ne veulent pas prendre dans leur jeep des voyageurs qui sont arrivés jusqu'ici pour le tiers du prix. Certaines agences ont également donné des ordres précis à leurs chauffeurs, leur interdisant de prendre qui que ce soit en stop. Après 3 heures d'attente et de tentatives d'approche, nous nous faisons une raison : nous allons devoir passer une nouvelle nuit à Rongbu... Nous retournons avec nos sacs dans le seul hôtel du site, mais trop tard, il est complet ! Nous finissons par négocier difficilement une chambre dans le monastère, finalement beaucoup plus sympathique et authentique.

Le lendemain est consacré à la recherche d'un moyen de transport pour descendre de cet endroit certes magnifique mais où les gens ne semblent pas partager notre conception du voyage. Dès le petit déjeuner, nous abordons les touristes et leur demandons s'ils ont de la place pour nous, quitte à se séparer en plusieurs groupes (nous sommes 4). Les réponses ne sont guère variées : "Vraiment désolés, mais nous n'avons pas de place..." Et quand nous regardons les jeeps partir, nous observons qu'il y a une place dans celle-ci, 2 dans celle-là, ou même jusqu'à 3 places de libres ! Je suis fou de rage, je ne comprends pas que les gens puissent nous laisser en galère ici ! Une vingtaine de jeeps nous passent sous le nez, nous aurions pu descendre sans problème. Un chauffeur de camion vient même nous voir et nous demande tranquillement 30 euros par personne, pour nous conduire 4 heures sur la piste !!!

Enfin, un couple se propose de descendre 1 personne... Il aurait pu en prendre 3, mais bon, il n'en voulait qu'une... Je regarde Anne-Laure partir en lui donnant rdv dans la ville suivante, sans vraiment savoir si je pourrai la rejoindre le jour même... 1 heure plus tard, Bradley et Bronwen trouvent une jeep qui veut bien les emmener à la jonction de la route principale, enfin des touristes sympas ! Je reste seul un peu abattu par le comportement de la plupart d'entre eux. Mais nous sommes en période de chance, et bientôt une française extrêmement sympathique me propose un siège dans son 4x4 alors qu'ils sont déjà 5 personnes dedans ! Je suis trop content, je vais pouvoir rejoindre Bradley et Bronwen à la jonction.

Et en effet, 4 heures plus tard je les retrouve plantés au bord de la route, à attendre un moyen de rejoindre Old Tingri où se trouve déjà Anne-Laure... Nous sommes tous réunis 2 heures plus tard, prêts à prendre la route de Katmandu le lendemain, même s'il faudra encore parlementer, et peut-être se séparer...