18h30, c’est l’heure de mon lyophilisé 😀. Ce soir, ce sera Poulet/Riz – histoire d’avoir quelque chose de consistant mais également de digeste. Ca ferait désordre de vomir à 8500m.
20h00 : nous sortons de la tente, à la lueur de notre frontale.
Les crampons sont mis rapidement, enfin ¼ heure c’est un bon score à 8260m 😉
Et nous partons à 20h20 pour une longue montée.
Notre Sirdar avait prévu 10heures. Nous mettrons 8h30 pour arriver au sommet avec de nombreuses poses et un rythme qu’il a volontairement ralenti.
Nous pensons avec Michel qu’il avait réellement mal analysé notre niveau d’acclimatation et que nous aurions pu faire le sommet en 7h30.
La nuit se passe avec un peu un sentiment d’irréel. C’est bien moi? Je suis en train de gravir les dernières pentes pour atteindre le toit du monde. Je suis bien.
Pourquoi le sirdar s’arrête tout le temps, pourquoi marche t’il aussi doucement ?
Rétrospectivement, c’est assez surprenant tout ce qui nous passe par l’esprit.
Le pas est lent, le souffle est correct, le rythme cardiaque pour moi est aux alentours de 110pulsation/min.
Nous atteignons l’arête vers 8 500 m. La neige est plus dure et nous sommes très exposés au vent. Impossible de s’arrêter pour manger ou boire dans ces conditions. Nous passons le premier ressaut
Celui-ci (First Step) est une courte escalade sur des gros blocs (PD, II). Ensuite la traversée continue vers la droite, le long de l’arête étroite. Le 2e ressaut (8 610 m) est la section la plus dure de la voie. La partie du bas est constituée à nouveau de gros blocs (III) que je grimpe comme je peux en utilisant mes mains, les genoux et les coudes. Ensuite une courte et raide goulotte mène à la fameuse échelle de la 2e partie.
Cette échelle a été mise ici lors de la première par les Chinois en 1960. Elle permet de franchir la dalle en 5+. Monter le long de l’échelle est relativement facile mais la traversée au dessus de l’échelle est technique et exposée. J’enlève le masque à oxygène plusieurs fois pour essayer de voir les prises de pieds et de mains. La corde fixe est inutile et mal placée, pendant en contre bas.
Passer le 2e ressaut a fait du bien mentalement. De là il reste environ 2 heures jusqu’au sommet de l'Everest.
Comme prévu, nous changeons nos bouteilles d’oxygène. La première n’est pas vide mais il y a peu d’endroit sur l’arête où l’on peut changer. Au dessus, le 3e ressaut est plus facile (II) et plus court (10 m).
Le sommet se profile, le soleil également.
Et tout d’un coup, plus rien au dessus de nous.
We did it – nous l’avons fait. Nous voilà sur le toit du monde.
Le vent est fort : 40km/h, 60 en rafale, -60°C
5 photos plus tard mon téléphone n’a plus de batterie – alors que je l’avais gardé au chaud dans ma combinaison.
Même histoire avec les batteries de mon appareil photo que j’avais gardé dans mon slip.
Chaque accu va me permettre de réaliser 4-5 photos. C’est la cata!
Il faut tout de même dire que même ma gourde que je gardais dans ma combinaison est gelée.
Impressionnant !!!
Nos amis Sherpa font également quelques photos et nous voila reparti.
En tout et pour tout, nous serons restés au sommet 1/4heure.Trop déçu.
En 2014, Michel y était resté 1 heure.
Et c’est la longue redescente vers C3 et plus tard vers ABC.
Le jour est levé. Nous découvrons tout ce que nous avons gravi pendant ces 8heures.
Vraiment impressionnant mais tellement beau.
Le vent souffle toujours.
Après la descente du deuxième ressaut, je veux enlever mon masque et je perds mes lunettes.
Heureusement, j’ai mon masque de ski dans mon sac.
Plus tard vers 8500m, j’ai le souffle court, je n’arrive plus à avancer. En gros je suis en apnée 😀
Je demande à mon sherpa de regarder ma bouteille d’ox. Je suis à plat.
Le changement de bouteille est rapidement réalisé.
Et là, je prends conscience de toute la difficulté de monter sans oxygène.
Un coup de vent malheureux « m’arrache » mon gant que j’ai enlevé.
Il s’envole et atterri 3m plus loin.
Cas de conscience : est-ce que je me détache de la corde fixe pour le récupérer ou bien….?
J’ai retenu la solution la plus sage. J’en rachèterai une autre paire 😀
Camp 3 : 8260, 9heures du matin.
Nous faisons une halte pour boire, manger et se reposer.
Nous en profitons pour refaire nos sacs et récupérer le matériel que nous n’avons pas utilisé.
Après une petite sieste, c’est le départ.
Je suis seul. Mon sherpa fini de plier la tente, Michel partira plus tard ainsi qu’Alyssa avec le Sirdar.
2000m de descente pour rejoindre ABC et quelques kilomètres.
Ce seront les kilomètres les plus longs de ma vie.
Je comprends mieux pourquoi l’on dit que les accidents arrivent à la descente ;
Durant toute la montée, nous fonctionnons avec une sorte de stress et de tension (dont on n’a pas ou à peine conscience) et une fois le sommet réalisé, toute cette tension se relâche.
On m’avait dit que le mental y était pour beaucoup. Je confirme.
Voir l’ABC 2000m plus bas casse vraiment le moral.
Tout seul au milieu de la montagne, on se demande comment l'on va faire pour atteindre cet ABC qui est si loin.
Et puis assez naturellement, je vais découper la descente en me disant que je marche une demi-heure puis je m’arrête pour manger ou boire un coup.
9heures plus tard, il est 17heures, me voilà à l’ABC.
L’ascension et la redescente (du C3 à l’ABC) auront durée 21heures et la « journée » aura durée au total 40heures.
La récompense suprême : une bière qui descend directement dans le gosier 😀
Michel me rejoint vers 20h30, il était parti du C3 plus tard que moi.
Le lendemain c’est rest day – journée de repos avant d’attaquer, pour la dernière fois, la longue descente du Glacier du Rongbuk.
Là encore, une journée très difficile. La tension est redescendue, le sommet a été réalisé, l’effort fourni précédemment a été conséquent.
Et ainsi, au lieu de 5h15 pour descendre la première fois, nous allons mettre 6heures pour faire les 25km. Mais où est notre acclimatation? 😀
On tire à la courte paille qui va prendre la « douche » en premier.
7 jours que l’on transpire dans nos vêtements. Je vous passe les détails.
Quel plaisir immense de s’arroser avec la cruche. J’ai appris à me laver avec 3 litres d’eau.
Tient, ça me donne une idée. Il faudrait que j’envoie ma fille en expé pour lui apprendre à se doucher avec « un peu » moins d’eau 😀
Le retour à Katmandou fut rapide. Chapeau à ASIAN TREKKING qui dans la même journée a su organiser notre retour du BC à 5300m à Katmandou : 1300m et à traverser la frontière chinoise en moins d’1/2heure. Record battu 😉
Dans la foulée, nous avons réussi à avancer notre vol d’une semaine.
Je vous laisse imaginer la joie de nos familles à l’annonce de notre retour anticipé.
Par contre, la semaine suivant notre retour a été également assez difficile. Autant Michel que moi nous avons subi le contre coup du retour avec une grande fatigue qui va durer jusqu’au Vendredi.
C’est assez impressionnant de voir comment le corps peut résister à un stress ou une tension pendant des semaines (6 au total) et une fois que notre expé a été finie, celui-ci s’est complètement relâché.
Mais bon, je vous rassure, nous nous sommes remis et nous parlons déjà des prochains sommets, Mont-Blanc à court terme et DENALI (Amérique du Nord – Alaska) pour l’année prochaine.
Je sais, nous sommes incorrigibles 😀
Pour le mot de la fin, je dirais que ce fut un voyage au bout de nous-mêmes.
À bientôt pour de nouvelles aventures !!