Carnet de voyage

Journal de bord ⚓ Marseille - Canaries

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Récit d'une aventure en Méditerranée & en Atlantique.
Novembre 2022
25 jours
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Publié le 25 novembre 2022

Levé à 8h30 et ready pour l'avitaillement ! C'est l'approvisionnement en vivres nécessaires pour tenir jusqu'aux îles Canaries. 4 caddies plein de nourriture et d'eau. On remplit aussi les réservoir du bateau d'eau (760L) et de gasoil (400L).

Avitaillement n°1 : 4 caddies de vivres !

Et à 15h, on part !

Tout s'est enchaîné très vite ce matin, et on comprend doucement qu'on est partis pour une petite dizaine de jour sans mettre pied à terre, naviguant jour et nuit. Un avant goût de la Transatlantique ⛵🥲


Notre capitaine, César, est téméraire, on part par temps de Mistral. On s'éloigne de Marseille avec émotion, laissant le ciel gris derrière nous et navigant vers un ciel qui semble prometteur. À ce moment-là, on ne comprend pas encore ce qui nous attend. On admire notre premier coucher de soleil sur l'eau, ballottés par les vagues et un petit vent.

César nous montre la différence de couleur et d'aspect dans l'eau un peu plus loin en nous informant que c'est le front qui arrive. Effectivement, 30 minutes plus tard, d'un seul coup, rafales de vent qui nous plaquent au bateau. Impossible de se lever, on s'assied, on s'aggripe et César reprend le poste de pilotage. Il est 18h, le soleil est couché, en mer il fait déjà presque tout noir, on a déjà 35 noeuds de vent et des vagues de 2 à 3m. César réduit la voilure du génois et on prend rapidement 1 ris dans la grand-voile. Puis un 2ème. Puis un 3ème. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec le vocabulaire marin, prendre un ris, c'est diminuer la surface de la voile parce que le vent est trop fort. Il est alors seulement 19h, il fait nuit noire, un noir qu'on n'a pas l'habitude de voir quand on est citadin. On est tous les 6 au poste de pilotage, dehors, à observer cette mer agitée, ces vagues qui viennent de tous les côtés, à écouter ce vent qui siffle. Impossible d'aller à l'intérieur, ça tangue beaucoup trop. Je me dis alors que je vais passer la nuit à veiller dehors, équipée comme par gros temps, fouettée par ce vent qu'on sent si puissant, éclaboussée par ces vagues parfois si hautes qu'elles éclatent sur le bateau en nous trempant, à 3m de haut, parfois si grosses que le bateau surffe dessus.

Les quarts (= veille durant la nuit, à tour de rôle) sont déterminés. Ils se feront comme suit : 3h de quart chacun chaque nuit, la première heure avec celui qui termine son quart, la deuxième seul, la troisième avec celui qui commence son quart. Cette nuit, je ferai 5h-8h. Je me réjouis de voir le lever de soleil après cette nuit mouvementée. Mais finalement je vais quand même essayer d'aller dormir. C'est le parcours du combattant pour rejoindre l'intérieur, tellement ça souffle. Une fois dedans, il faut se coucher directement pour ne pas être malade. Dans ma cabine, les bruits s'intensifient. Je ne sais pas ce qu'il se passe dehors, mais ça me donne l'impression que César se débat avec ce vent. Lui, va évidemment veiller toute la nuit, sans quitter son poste. Les vagues tapent sur la coque, le catamaran rebondit et claque dessus. Le vent s'est encore intensifié et a atteint les 45 noeuds vers 1h.

À 4h45, je me "réveille" (pour le peu que j'ai pu m'assoupir) et je retourne dehors au poste de pilotage. Le vent et les vagues sont moins forts que ce qu'il paraît à l'intérieur. Ça se calme un peu, je passe mon premier quart émerveillée par ce lever de soleil et cette étendue d'eau qui nous entoure. On n'est pas si loin des côtes mais pourtant, déjà, on ne voit plus rien aux alentours et impossible de capter le moindre réseau. C'est déjà bel et bien un avant goût de la Transatlantique. Et cette première nuit, une belle mise en condition. Au petit matin, nous sommes à la frontière espagnole.



(On aurait dû traverser le golfe du Lion en direction des côtes espagnoles mais il a fallu réadapter le cap en fonction du vent. On s'est donc éloignés, afin de prendre le vent plutôt arrière. Sur un voilier, on n'est pas vraiment maître du voyage, c'est le vent et la mer qui décident. Nous, on s'adapte.)

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Publié le 25 novembre 2022

Après mon quart, qui se termine donc à 8h du matin, je me recouche 2h. Le temps est plus calme, même si la mer est toujours agitée. Je m'endors comme une masse jusqu'à 10h, l'heure à laquelle, peu importe les horaires de notre quart et la nuit qu'on a passée, on doit être au taquet pour la journée. Avec cette houle permanente, j'ai toujours l'estomac noué. Les filles et César se motivent pour une séance de sport. Il faut beaucoup d'équilibre pour pouvoir tenir debout ! L'après-midi, ce sera démêlage du fil de pêche. Objectif : pêcher un thon !

Petite sieste avant d'entamer mon quart du soir, je m'endors encore comme une masse de 17h à 18h. Il faut s'habituer aux mouvements constants du bateau, et ça fatigue et retourne l'estomac. Surtout à l'intérieur ! Je passe d'ailleurs tout mon temps dehors. Ce soir, c'est moi qui commence et fini la nuit : 19h-22h puis 7h-10h. Le vent vient de face, donc c'est moteur obligé. La mer est calme. Il y aura juste le bruit du moteur pour dormir mais on ne sera pas trop ballottés dans tous les sens.

J'ai passé tout mon premier quart à regarder les étoiles. Le ciel est si beau. Et pourtant, on passe Barcelone et c'est fou la pollution lumineuse que la ville dégage. Vivement voir le ciel en Atlantique. Je vous rassure, je regardais de temps en temps au loin pour voir si un feu de navigation de bateau n'apparaissait pas. Mais rien ! Depuis qu'on est partis on n'a croisé que quelques cargos et bateaux de croisière. On est presque les seuls à traverser la Méditerranée à cette période.


Pollution lumineuse de Barcelone
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Publié le 25 novembre 2022

La journée commence bien. Réveil à 6h45 pour faire mon quart de 7h à 10h. Un de mes quarts préférés je pense, car on voit le lever de soleil. Petit bonus ce matin : les dauphins 🐬. On est à hauteur de Majorque.


On enchaîne avec une petite séance de sport. On a la chance d'avoir deux professeures d'éducation physique avec nous et un assez grand bateau pour faire une séance tous ensemble à l'avant du bateau. 👍 Le soleil perce doucement les nuages et il commence déjà à faire meilleur. La nuit, il fait encore très froid.

Aujourd'hui, on se permet de prendre une douche (et oui, à 6 sur un bateau pendant plusieurs jours, il faut économiser l'eau!) et honnêtement, ça fait du bien 😀

Petit débrief matinal post sport

Je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre pour les repas sur un bateau qui navigue pendant plusieurs jours, voire semaines. Je pensais à beaucoup de conserves, des pâtes, du riz. Mais c'est tout le contraire ! On a un grand frigo et même un congélateur. On mange comme au restaurant : des tartes salées, du poulet, et ce soir... ce sera thon au menu, parce que cet après-midi, on a péché notre premier poisson ! 🐟


Le vent se lève un peu cet après-midi, mais j'aime être sur le pont, dehors, à contempler les paysages. On pourrait penser que c'est monotone sur la mer, mais pourtant je ne m'en lasse pas. Les nuages sont magnifiques, la mer est sublime, et on a encore droit à un superbe arc-en-ciel. ❤️


Le soleil se couche tôt, à 18h30 il fait noir. Ce soir, au menu, après un coucher de soleil magique, ce sera tartare de thon, fraîchement pêché l'après-midi 😋

Mon quart cette nuit, c'est 23h-2h. Je vais dormir quelques heures avant de l'entamer. Cette nuit, on est à la voile, c'est quand même bien mieux que les moteurs, bien que le vent siffle très fort sur les coques et ça secoue assez bien ce soir. Il y a des rafales de vent à 35 noeuds et des vagues. Ça chahute comme le premier soir, dans tous les sens.

À 19h, on aperçoit des orages derrière nous. Et à nouveau, comme le noir de la pleine nuit qu'on n'a pas l'habitude de voir, c'est incroyable de voir un orage éclairer un ciel absolument noir ! C'est beau ! Les orages semblent localisés sur le nord de Majorque. On espère qu'ils resteront là. Aujourd'hui, on a vraiment eu toutes les météos sur la journée : soleil, pluie, vent, orage.

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Publié le 25 novembre 2022

Jour 4 et je n'ai pas encore eu le temps d'ouvrir un livre. Les journées passent vite car les nuits sont plus longues. Pour peu qu'on ait eu un quart difficile (se lever pendant la nuit), on dort facilement jusque 10h. Et le soleil se couche vers 18h30. Nos journées sont rythmées par le soleil et le vent. C'est agréable de vivre différemment. Les quarts ne sont pas toujours faciles à gérer, point de vue sommeil. Mais ce sont malgré tout presque mes moments préférés (je dis presque parce que j'aime tous les moments). On fait donc 3h chacun chaque nuit. Nos quarts se chevauchent. La première heure est partagée avec celui qui termine son quart, la deuxième on est seul, et la troisième est partagée avec celui qui commence son quart. C'est donc deux moments privilégiés avec un membre de l'équipage et un moment seul, face au noir complet de la nuit, à observer les éléments qui nous entourent. Pendant notre quart, le pilote automatique est branché (il est d'ailleurs branché en permanence, ce qui nous laisse tous libre de nos mouvements la journée et la nuit. Personne ne barre, c'est le pilote qui gère le cap qu'on lui donne), et on ne touche à aucun réglage de voile ou de cap. C'est César qui fait tout ça et il n'est pas rare qu'il se lève plusieurs fois sur la nuit pour ajuster le cap ou les voiles en fonction du vent. La veille consiste à vérifier qu'on n'entre en collision avec aucun bateau. Si on aperçoit des feux de navigation, on comprend d'abord de quel bateau il s'agit et dans quelle direction il va, et on le surveille. S'il s'approche trop, on réveille César. On ne prend pas de décision seul. Si le vent se lève, faiblit, forcit, change de direction, on réveille César.

C'est donc un moment où on peut parler, partager, admirer les étoiles, lire, s'évader dans ses pensées, regarder la nuit noire et le mouvement du bateau, écouter les vagues.

Moi, j'aime ça. Malgré qu'il est parfois dur de s'endormir pour quelques heures sur un bateau en mouvement pour se réveiller quelques heures plus tard, se rhabiller chaudement et sortir sur le pont veiller. On apprend à dormir par tranche de quelques heures par ci, par là, la nuit et en journée.


Depuis la nuit passée, on longe les côtes espagnoles, suffisamment proche pour voir les lumières des villes le soir et distinguer les côtes la journée. Jusqu'ici ce n'était pas le cas, on ne voyait jamais les côtes, juste la mer à 360 degrés.


Ce matin, on remet la traîne à l'eau, en espérant avoir un autre poisson. 11h, un poisson mord à l'hameçon. Une dorade, qu'on relâche car trop petite. 11h15, un deuxième poisson mord ! Pareil, on le relâche pour les mêmes raisons.

Je passe la fin de matinée à lire sur le pont, bercée par un petit mouvement agréable et réchauffée par le soleil. Comme je suis bien sur ce catamaran.

13h45, un autre poisson ! On ne pensait pas qu'il serait si simple de pêcher. Plus besoin de faire de courses 👌 Je me lance dans une tarte salée, pendant que le reste de l'équipage part sur une séance de sport en musique. La vue de cette cuisine est quand même incroyable.


Cet après-midi, c'est mer d'huile, pas de vent, donc on avance on moteur. Mais ça fait du bien d'avoir un bateau stable. On profite de cette mer calme pour réparer le lazy bag de la grand-voile qui s'est déchiré le premier soir avec le vent (absolument rien de grave). Il faut monter au mât et César se lance, en tant que bon capitaine.


On a fini par retirer la traîne parce qu'on avait encore un poisson qui avait mordu à l'hameçon, mais toujours trop petit.

Ça ne paraît pas mais pourtant il est déjà 17h, et la journée a encore filé. C'est bientôt l'heure de l'apéro en admirant la beauté du coucher de soleil, toujours en longeant la côte espagnole. Que dire de plus. Waouw.

Ce soir, 2 salles 2 ambiances, la bière devant le coucher de soleil ou devant le match de la France.



Et c'est parti pour des pâtes bolo, avant une petite sieste parce que ce soir c'est 1h-4h pour moi 👍

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Publié le 25 novembre 2022

J'ai su dormir 3h avant que mon réveil ne sonne à minuit 45 pour aller faire mon quart. Au moment du réveil, c'est difficile, je sens la fatigue et je n'ai qu'une envie : me rendormir. Mais on est responsables pendant nos quarts et il n'est pas question d'y échapper. Je m'habille, 1 legging, 1 pantalon, 1 t-shirt, 2 pulls, 1 veste et c'est parti. À peine sur le pont, mon humeur change, je suis contente d'être là. Ce ciel, ce noir intense qui nous entoure, ce calme (bon, les moteurs tournent quand même)... Je passe la première heure avec Martin, puis je suis seule et je me plonge dans le livre de Florence Arthaud. Sa manière de décrire l'océan et la relation qu'elle entretient avec m'envoûte tant que mon quart défile sans que je vois le temps passer. Malgré le bruit du moteur, j'entends des bruits dans l'eau. Je descends sur le pont avant avec ma lampe frontale et j'aperçois une bande de dauphins en train de jouer à l'avant du catamaran. Ils passeront plus d'une heure à s'amuser, pour mon plus grand plaisir. J'ai un sourire aux lèvres que je ne peux faire partir. Ces moments de quart sont si simples, mais si purs et profonds. Je retourne dans mon lit, à 4h. Quel plaisir de m'être réveillée pour vivre ces moments hors du temps.


Je n'ai su me rendormir qu'à 5h tellement j'étais éveillée, grâce à ce quart merveilleux. Réveil à 10h qui me sort d'un profond sommeil. Je pourrais encore dormir mais ce serait rater ce qu'il se passe à l'extérieur. On longe toujours les côtes espagnoles, on y aperçoit les serres de production de légumes et un mont enneigé, qui provoque apparemment des rafales, lorsqu'il y a du vent évidemment. Pour le moment, c'est pétole (= absence totale de vent), une mer plate, qui a l'inconvénient de nous obliger à mettre les moteurs pour avancer, mais l'avantage de nous permettre d'apercevoir parfaitement les dauphins et globicéphales qui sont absolument partout depuis hier. L'avantage aussi d'avoir un bateau stable, qui ne nous oblige pas à chercher notre équilibre en permanence.

Ce matin, tout le monde est calme, dans ses occupations, sauf César qui lance la sono, danse sur le pont et nous extrait de nos lectures. "Allé Sophie, tu prends un ris". La grand-voile est hissée (malgré qu'il n'y ait que très peu de vent et que le bateau avance grâce aux moteurs, elle permet de gagner quelques noeuds en vitesse) et on profite de ce temps pour faire des exercices de voile. On passera 1h à enchaîner les exercices de prise et renvoi de ris, s'encourageant entre nous, petits moussaillons en apprentissage que nous sommes.

On le soupçonne de nous préparer à ce qui nous arrive droit dessus ce soir. La mer est d'huile mais pourtant on annonce du vent rentrant dans le détroit de Gibraltar. Et nous on aimerait le passer ce soir ce détroit. Aucune météo ne s'accorde sur l'intensité du vent, mais ça risque d'être fort. Le calme avant la tempête, comme on dit.


Après nos mises en situation, on décide de manger dehors, parce que ça y est, on est à peine dans le sud de l'Espagne qu'on a déjà du beau temps ! Fin novembre, on peut à nouveau être en t-shirt, short et pieds nus. Le temps est doux la journée, mais toujours un peu froid la nuit.

La cuisine est simple dans le bateau, mais je ne voudrais pour rien au monde d'une cuisine complexe. C'est de loin la meilleure cuisine, la meilleure terrasse avec la meilleure vue qui existe.

On fait cap sur le détroit mais César se rend compte qu'un des réservoirs consomme plus de gasoil que l'autre. Étrange. On bifurque sur la première ville, Motril, on va remplir les réservoirs pour ne pas tomber à sec.


Après une petite séance de sport, on poursuit avec l'apéro devant un coucher de soleil qui s'avère encore une fois enivrant, avant de préparer le bateau au gros temps qui nous attend. On range les coussins, les tables, on sécurise le passage extérieur jusqu'à la cabine de pilotage, on est prêts ! Il est 19h, les quarts commencent. Les filles nous préparent un Pad Thai en musique pendant que Martin prend son quart. Je fais 23h-2h ce soir. Apres une journée relax sur cette mer calme, je suis presque excitée de ce gros temps qui arrive. J'ai confiance en César et ses compétences de marin.



Un quart n'est pas l'autre, réveil difficile après seulement 1h de dodo, le vent nous vient de face et il fait froid. Après 3h de quart, le vent n'est pas encore monté et je vais me coucher.

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Publié le 25 novembre 2022

J'ai passé ma nuit dans un demi sommeil, qui m'a donné l'impression qu'on était dans une course et qu'on allait tellement vite que le bateau volait à la surface de l'eau. Un vrai voilier de course. Mais pas du tout, en réalité cette nuit, le vent ne s'est pas tant levé que ça, mais était de face avec un courant très fort contre nous. On allait donc très lentement et les vagues nous faisaient faire des bonds, comme le mouvement d'un dauphin. Ils nous ont d'ailleurs encore accompagnés hier, pendant la nuit.


A 10h, on passe le détroit de Gibraltar, ce gros rocher britannique, passage où transitent beaucoup de cargos. Il y a des bateaux partout, il faut être attentif.


Moment hautement symbolique, puisqu'on passe à la fois entre deux continents et qu'on quitte la mer Méditerranée pour entrer dans l'océan Atlantique. ❤️

À 14h, on est encore dans le détroit de Gibraltar ! Il y a énormément de courant (5 noeuds, c'est énorme) contre nous qui freine notre progression dans ce passage. On fait une moyenne de 2 noeuds (un peu moins de 4 km/h).


Les plans changent tout le temps, car la météo ne cesse de varier, presque d'heure en heure. On aurait aimer s'arrêter à Tanger avant de faire cap sur les Canaries. Mais finalement le vent est plus favorable pour un arrêt à Casablanca.

Quoique, finalement on va peut-être filer aux Canaries directement car sinon, d'après les dernières météos, on resterait bloqués au Maroc plusieurs jours. Un arrêt avant les Canaries semble finalement compromis.

Vouloir naviguer sur un voilier, c'est être tributaire du vent, laisser les éléments décider pour nous, alors qu'il en soit ainsi !


À 15h, on passe enfin ce fameux détroit ! Le courant s'est inversé et est désormais favorable à notre direction et progression. Il nous aura fallu 5h pour véritablement entrer dans l'Atlantique, de la patience et de l'attention (une trentaine d'enormes cargos croisés de tous côtés). Ne serait-ce pas l'occasion de fêter ça ? Ti Punch ! 🍹

Les différences de mer/océan se voient dans les vagues et la couleur de l'eau : au revoir la Méditerranée.

Dernier changement de plan : filer aux Canaries s'avère trop dangereux. Le météo se gâte dans quelques jours et César ne veut pas prendre le risque. On va donc s'arrêter à Mohammedia au nord de Casablanca, et sans doute y rester plusieurs jours, le temps d'avoir une fenêtre météo clémente pour les Canaries. On est tous plutôt contents de découvrir une partie du Maroc. De toute manière, on n'est jamais opposés à rien, juste heureux d'être ici. Comment ne pas être content à tout moment ? Comme le remarque si bien Alizée : "Quelle vie!".

C'est donc parti pour longer les côtes marocaines. On gagne 1h, mais on décide de rester sur l'ancienne heure, qui s'adapte mieux à nos quarts. J'attends au tournant le premier des gars qui usera de cette excuse pour avoir oublié de mettre son réveil pour son quart 😀 Heureusement que les trois nanas sont au taquet 💪


Le vent est faible mais les vagues, imposantes. Mais ça ne nous arrête plus pour cuisiner ou rester assis à l'intérieur. Pauline m'aide à faire un banana bread, puis Alizée me propose de m'essayer à l'aquarelle. Grâce à elles, je vais devenir sportive mais peut-être aussi me découvrir des talents d'artiste 😀

Nos coups de pinceau leur donnent d'ailleurs l'idée d'un jeu : "dessiné, c'est gagné". Fou rire sur fou rire avec ces gribouillis des six grands enfants que nous sommes.



Moments de partage, de calme ou de rire, on n'a toujours pas eu le temps de s'ennuyer avec cet incroyable équipage !


Au menu ce soir, croziflette, un plat bien réconfortant pour nous donner de l'énergie pour nos quarts. Le mien sera de 21h à minuit. J'ai hâte de passer une bonne nuit sans me réveiller.


Ce soir, les moteurs tournent toujours, mais on a enfin un petit vent arrière. Les voiles sont hissées, pour gagner un peu de vitesse. Mais elles claquent et, malgré nos réglages, rien ne change. De toute manière, on gagne toute la vitesse grâce aux moteurs. Selon moi, les voiles ne servent à rien, il n'y a pas assez de vent. Je suis avec Alizée et Martin, les autres dorment et on ne veut pas réveiller César pour si peu. Que fait-on ? Y a-t-il un meilleur réglage ? Devrait-on enrouler le génois ? Ce n'est pas toujours facile de connaître la bonne décision ni de la prendre (César nous laisse désormais agir, si on se sent sûr de nous). On espère devenir meilleur au fur et à mesure du séjour.

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Publié le 25 novembre 2022

Cap sur Mohammedia, on devrait y arriver ce soir. On y restera plusieurs jours. Lorsque la météo nous permettra de repartir, on fera cap sur les Canaries.

J'aime le voilier pour cette raison. Naviguer avec les éléments force l'humilité et le respect face à la nature. C'est elle qui décide, elle qui est plus forte et nous qui composons avec elle. Si tout le monde montait un jour sur un voilier, se perdait en montagne ou dans les profondeurs de l'océan, on n'en serait peut-être pas là aujourd'hui. À force de s'emmurer dans du béton, on en oublie notre condition d'être humain, une simple espèce vivant au milieu d'une nature puissante. Mère nature, dit-on.


Voyager m'avait déjà fait prendre conscience de la beauté du monde. Le voilier m'en apprend sur la force, la grandeur et le prestige de la nature.


S'arrêter au Maroc m'enchante totalement. Personnellement, j'ai le temps. Je suis partie en voyage mais sans destination ni condition (si ce n'est de traverser l'Atlantique à la voile). Juste à la découverte de la vie. La chance dans ce convoyage, c'est de ne pas être pressé par le temps. César doit délivrer ce bateau aux Bahamas mais n'a pas de date. Nos plans à tous les six sont totalement flexibles. Que c'est bon de ne pas se laisser dicter nos vies par le temps.


Ce matin, je demande à César ce qu'il aurait fallu faire hier soir pour que les voiles cessent de claquer. Nos réglages étaient corrects, il aurait fallu modifier le cap car vent arrière + moteur annule l'effet du vent. Désormais, on peut agir seuls. Si on est sûrs de nous, pas besoin de le réveiller. Petit à petit, on gagnera en compétences et en confiance.


Je sors sur le pont dire bonjour aux filles et à peine depuis 5 minutes dehors, j'aperçois du mouvement dans l'océan pourtant déjà mouvementé. On file à l'étrave et waw, une vingtaine de dauphins. Ils sont joueurs et bondissent de tous côtés. On continue de s'émerveiller comme des enfants à chaque saut. Je ne sais pas si c'est possible de s'en lasser un jour.


C'est une journée calme, bercée par le doux mouvement de l'océan, le faible vent et les récits de Florence Arthaud.


On arrive vers 19h au Maroc. Les autorités nous attendent de pied ferme sur le quai, ils montent à bord et passent 1h à vérifier les papiers du bateau, les nôtres et nos covid pass. On leur demande s'ils connaissent un resto où manger un bon couscous. Ce à quoi ils nous répondent "demain". Ils gardent en fait nos passeports et nous devons les récupérer pour sortir du port et aller en ville. Ils décident pour nous et n'ont pas envie de nous laisser sortir ce soir, c'est fou. Finalement on les convainc avec une pomme de Touline (porte-clé fabriqué en cordage) et une bouteille de vin ! On a l'autorisation de 23h. Il est déjà 21h et on arpente les rues de cette sombre ville à la recherche d'un restaurant typique. On tombe sur les enseignes Paul, Burger King, Dominos Pizza et d'autres chaînes de fast-food. La ville est sale et peu accueillante. On rentrera bredouille, manger des pâtes au pesto au bateau.


Mohammedia est un port pétrolier et une ville industrielle, absorbée par Casablanca. C'est ici qu'on trouve la plus grande raffinerie du Maroc.

Waw, quelle découverte du Maroc ! 😅

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Publié le 25 novembre 2022
Les pêcheurs du port de Mohammedia

On se réveille pour faire le point ensemble sur la météo et les futurs plans. Parce que notre épopée n'en serait pas une sans changement de plan absolument toutes les deux minutes, nous voici encore face à plusieurs propositions. N°1 : passer la journée à Casablanca et partir pour les Canaries en fin de journée, Lanzarote à coup sûr, Gran Canaria ou Tenerife si le vent le permet. N°2 : partir maintenant pour les Canaries. N°3 : descendre la côte marocaine jusqu'au prochain port, à savoir Agadir, pour continuer notre progression et être sûr et certain de la météo avant de rejoindre les Canaries. Bref, en fonction de la météo, qui semble désormais clémente pour atteindre les Canaries directement, on opte pour la N°1. La dépression qu'on surveille depuis plusieurs jours semble passer au dessus des îles et ne nous gêne donc plus dans notre navigation jusqu'à celles-ci.

La découverte de Mohammedia, hier soir, nous a également fait déchanter. Nous qui faisions des plans sur la comète comme celui de faire une randonnée ou de découvrir des coins typiques marocains sommes un peu déçus.

Si la météo le permet, reprenons notre progression dans l'Atlantique ! Mais tant qu'à être au Maroc, profitons de cette journée pour visiter Casablanca, qui est à seulement 20minutes de train. Le plan c'est d'aller visiter la Medina, manger un couscous et se perdre dans les souks.

Avant de partir pour la journée, on profite de la marée basse pour refaire le plein d'eau et de gasoil au port de Mohammedia. Ils nous demandent de payer en cash. A nouveau, ils semblent créer leurs règles et lois à la tête du client. On comprend qu'à leur yeux, avec ce gros catamaran qui vaut une fortune, nous ne sommes que de riches occidentaux.


On arrive à Casablanca vers 13h, on a anticipé nos recherches de restaurant dans le train et repéré un bien coté. On attendait depuis hier ce couscous royal et ce thé à la menthe. Un délice !


On poursuit vers les souks, dans lesquels on se fait rapidement accoster de tous les côtés. Une bande d'occidentaux se répère rapidement et à nouveau, c'est synonyme de richesse à leurs yeux. Le schéma est toujours le même, profiter de notre intérêt pour un étal pour discuter avec nous et nous emmener sillonner la moitié du marché. Ces hommes sont connus partout dans les souks et ont probablement des commissions si on achète dans l'un des étals où ils nous emmenent. Parfois, ils sont insistants et il faut pouvoir formuler un non ferme. Mais parfois, on peut aussi décider de se laisser prendre au jeu. C'est ce qu'on a fait hier, lors de notre rencontre avec Omar qui a discuté avec nous pendant que les filles se faisaient faire un tatouage à l'henné. Les marocains abordent les gens très facilement, on a été charmés par leur gentillesse et leur acceuil. Nombre d'entre eux nous ont lancé un "bienvenue au Maroc" au détour d'une rue, ou nous ont informé du score du match en jeu (France-Algérie) supposant, à raison, qu'ils avaient en face d'eux une bande de français (Belgique, tu restes ma préférée 😀).

Omar, lui, nous a fait découvrir plusieurs étals intéressants, une rue décorée par des artistes, et certains monuments et endroits importants de Casablanca ; une synagogue, un point de vue, l'atelier des artisans. À chaque lieu, il nous racontait son histoire. Omar est un homme généreux et attachant. Bien qu'on savait qu'il espérait une petite dringuelle en échange. Pour nous, c'était clair depuis le début et, en le suivant, on acceptait avec plaisir son rôle de guide.

La journée file à toute vitesse, mais on veut à tout prix marcher jusqu'à la Grande Mosquée. Elle est impressionnante, en bord de mer. L'appel à la prière est lui aussi impressionnant, chanté dans les hauts-parleurs de cette majestueuse mosquée. Le temps nous rattrape, il est presque 19h, on n'a toujours pas de bouteille de gaz pour le bateau et il nous faut 30 minutes pour rejoindre la gare. On achète la bouteille de gaz en chemin, 20kg à transporter jusqu'à la gare. Où on se fera refuser l'entrée, parce que, de manière assez évidente, on n'a pas le droit de voyager en train avec une bouteille de gaz. On saute dans un taxi, finement négocié par notre capitaine. Et à 20h, on est de retour dans ce petit port qu'on a hâte de quitter. On passe à la douane avertir de notre départ. Mais le sketch continue ! "Ah non ça ne va pas être possible de partir le soir". Donc on ne peut ni sortir le soir pour aller en ville ni quitter le port en bateau. Mais César n'est pas du genre à se laisser dicter sa conduite et affirme que nous partirons ce soir. C'est vrai aussi qu'avec les marocains, il y a toujours moyen de s'arranger.

Finalement, on partira de Mohammedia à 22h, reprenant nos habitudes de matelots, à veiller la nuit et chercher notre équilibre à chaque mouvement du bateau. Ce soir, je ferai mon quart de 4h à 7h. Je pesterai encore au réveil, c'est dur de s'extirper du sommeil après seulement 4h de repos. Mais comme à chaque fois, mon humeur grognon s'adoucit une fois le nez dehors. Plongée dans l'obscurité de la nuit, avec ce petit vent qui devient chaud et gonfle les voiles, je me sens détendue et heureuse.


Cette parenthèse marocaine a été un régal pour nos papilles, nos yeux, nos cœurs. C'est un souvenir agréable et chaleureux qu'on gardera tous de Casablanca. Peut-être un peu moins de Mohammedia.



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Publié le 25 novembre 2022

Quelle nuit mouvementée ! À chaque vague, on décollait tous de notre lit, littéralement. Il y a un moment où notre corps est en suspension et touche à peine le matelas avant de s'écraser à nouveau dessus. C'est marrant une fois, mais épuisant lorsque ça dure toute la nuit, nous privant de sommeil, et agaçant lorsque ça perdure encore la journée suivante, nous retournant l'estomac et nous privant de nos mouvements. On est comme dans une machine à laver aujourd'hui. Ça bouge à droite, à gauche, en avant, en arrière, et ça claque sur les vagues. Il faut avoir l'estomac bien accroché, et un sens de l'équilibre développé.


Ce sera certainement une journée repos pour tout le monde. Après ce retour en mer, on est tous un peu fatigués et il faut presque s'amariner à nouveau. Sieste, lecture, écriture, en attendant que les vagues s'alignent et nous laissent tranquilles sur notre maison flottante.


J'ai hâte de naviguer à la voile plus souvent. Depuis notre départ, on a souvent les moteurs, soit en appui aux voiles, parce que la houle est trop forte et fait lofer le bateau (= le voilier se rapproche de l'axe du vent, venant de face) voire même virer (= changer de bord et donc de cap). Soit parce que le vent nous vient de face. Soit parce que c'est pétole (= absence totale de vent). Lors de la traversée de l'Atlantique, dès que nous attraperons les vents des alizés, ce sera vent arrière et voiles. Vivement.


Après une journée si calme, on est plutôt en forme en fin de journée. On prend l'apéro, et... l'apéro s'éternise. Les trois nanas sont lancées, on ne nous arrête plus. Vin rouge, confidences et fous rires. On décide de veiller ensemble et de conjuguer nos quarts. Pour une fois, on fera la veille depuis l'intérieur du bateau, en s'assurant de sortir faire une veille 360° tous les 1/4 d'heure, de 20h à 3h. Vers 2h, on sort finir le quart dehors, l'air devient chaud et le noir habituellement intense de la nuit est baigné de la douce lumière de la demi-lune. Quelle chouette soirée, et quel sentiment de plenitude lors de ces quarts, tous plus beaux les uns que les autres.



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Publié le 25 novembre 2022

Il ne se passe plus un jour sans qu'on aperçoive des dauphins. Aujourd'hui, c'est une trentaine de dauphins qui viendront jouer à l'étrave (= avant) du bateau, plusieurs fois sur la journée. Chaque nuit, on les voit aussi, ils nous accompagnent.

C'est magique. Nous sommes dans la contemplation de ce spectacle qu'ils nous offrent, à chaque fois.


On attend patiemment le vent, qui peine à forcir. J'ai vraiment hâte de stopper ces moteurs et naviguer à la voile uniquement. En plus de la pollution et du bruit, je ressens leurs vibrations car j'ai la cabine arrière tribord. Malgré tout, on arrive tous à dormir dans le bruit, les vibrations et le mouvement. Après cette aventure, on pourra dormir n'importe où.


Nuit et jour, notre job consiste à surveiller les alentours de notre bateau pour éviter une collision et ainsi le mener à bon port. Ce sont nos quarts qui déterminent nos heures de repos. Il se peut qu'on dorme parfois en journée pour compenser un manque de sommeil. Quoiqu'il arrive, nos journées sont paisibles et les activités, variées : lecture, pêche, cours de navigation, musique, écriture, jeux, sieste, cuisine, pâtisserie, peinture, contemplation du paysage, séance de sport, réglage des voiles (quand on a du vent 😓). Il n'y a pas de place pour l'ennui, c'est du temps pour soi, du temps de partage, du temps de repos.


Aujourd'hui, ça fait 10 jours qu'on vit ensemble sur cet espace restreint, 10 jours qu'on apprend à se connaître. Chaque jour, on se découvre davantage, au détour d'un jeu, de nos moments de quart ou simplement des moments de la vie quotidienne. 10 jours c'est peu. Mais en même temps beaucoup quand on vit H24 ensemble. On se répète qu'on forme une chouette équipe, avec des caractères et tempéraments qui se complètent. J'aime l'énergie et la joie de vivre d'Alizée et Pauline, le calme de Lorian, l'humour et la bonne humeur de César et la sagesse de Martin. Chacun a sa place dans l'équipage, nous partageons certaines valeurs, et sommes tous admiratifs de ce vaste océan qui nous entoure.

Ce soir, mon quart est de 22h à 1h. Ce soir, et c'est rare, je n'ai pas envie. C'est sans doute la fatigue accumulée ces derniers jours, avec la reprise des quarts avant hier et la petite soirée d'hier.

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Publié le 27 novembre 2022

La nuit, il y a de la vie sur un bateau en navigation. Au minimum une personne est éveillée, souvent deux. Une certaine routine se crée : se réveiller au milieu de la nuit pour prendre son quart, s'emmitoufler pour ne pas avoir froid, se délester de ses vêtements de quart après ses 3 heures de veille, fatigué, pressé de retourner au lit. Au petit matin, notre espace de vie témoigne de cette vie nocturne chahutée.

Cette nuit, on a pu arrêter les moteurs quelques heures. Mais ils reprennent de plus belle ce matin. Le vent peine à atteindre les 20 noeuds, force nécessaire pour que nos voiles se gonflent suffisamment pour nous faire atteindre une vitesse entre 5 et 7 noeuds.


Les moteurs nous permettent de continuer notre progression jusqu'aux Canaries, sans perdre de temps. La traversée de l'Atlantique sera, à ce niveau, plus appréciable car, avec les vents portants des alizés, nous serons à la voile et de toute manière, nous n'aurons pas assez de gasoil pour 15 jours de traversée.


Sur notre itinéraire depuis le passage de Gibraltar, on distingue nettement les moments où on a pu naviguer à la voile uniquement. On ne maintient pas le cap le plus direct, mais on tire des bords, en fonction du vent. Ces moments sont trop rares. César le pense aussi, mais pour l'instant, la priorité est de rejoindre les îles, et y être à l'abri en attendant une fenêtre météo pour entamer la traversée.



On a remis les traines à l'eau depuis hier, mais on est moins chanceux qu'en Méditerranée. On a bien attrapé quelques poissons ce matin mais si petits qu'on leur a rendu leur liberté. C'est de loin la manière la plus écologique et éthique de pratiquer la pêche, mais je doute qu'ils survivent tous aux blessures qu'on leur occasionne et ça me fend le cœur de les voir abîmés de cette manière par nos hameçons.


Cet après-midi, cours de voile. Capitaine César endosse sa casquette de professeur et nous explique les différences de cap compas, cap vrai et calculs de route fond. C'est pas demain qu'on sera capitaines, mais ça nous aide à comprendre les calculs et réglages de nos caps.

L'équipage entier se motive pour une séance de sport. À force de faire des gâteaux tous les jours, on essaye de compenser par un peu de dépense physique. Même si les mouvements du bateau nous obligent à chercher l'équilibre et donc contracter nos muscles en permanence.


L'apéro se déroule en musique. Nos deux artistes sont lancées et nous envoûtent de leur voix mélodieuse. Elles sont talentueuses, vraiment !

Pendant que la soirée tourne au karaoké, je m'éclipse dehors commencer mon quart. À 22h, il baigne une douce lueur. La lune nous accompagne désormais durant nos quarts.

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Terre en vue ! Voilà 4 jours que nous sommes partis du Maroc et nous arrivons à Gran Canaria. Finalement, cette traversée aura été plus courte qu'on ne le pensait. On ne peut pourtant pas dire que le vent nous ait aidés ! Les moteurs ont tourné presque tout le temps. Proche de l'arrivée, en voici d'ailleurs un qui nous lâche. Peut-être un bout (= cordage sur un bateau) coincé dedans ? On verra une fois arrivés. Mais en tout cas on est arrivés avant le coup de vent et c'est tout ce qui compte pour le moment. Le moteur redémarre à l'entrée du port. C'est quand même plus sécurisant pour manœuvrer.


Vers 15h, on arrive.


Le port de Las Palmas est fort demandé à cette période par tous les bateaux qui ont pour projet de traverser l'Atlantique. Il y a actuellement une file d'attente de 50 bateaux. César y va au culot, évidemment. On accoste sur le quai de la station service, fermée parce que c'est dimanche, en prétextant que nous n'avons plus de gasoil et que nous attendons demain pour faire le plein (c'est évidemment faux). Mais la capitainerie nous demande de partir. César maintient sa version, nous n'avons pas d'autre choix que de rester, nous ne pouvons pas prendre le risque de repartir pour se mettre au mouillage. Et puis on ne gêne personne et c'est promis on sera partis pour 8h demain. À bout de patience, ils s'en vont et c'est désormais la police qui arrive et nous menace d'une amende. Rien ne fera flanchir César. La police s'en va et... ne revient jamais. Il est 18h, on a perdu 3h à argumenter et battailler, mais on reste à quai. C'était une belle démonstration de l'ego masculin 😀


Apéro, pour fêter cette victoire. Tout devient un prétexte pour trinquer. À 20h, on rejoint José, un ami de César. Il est espagnol et nous propose un resto à tapas typique. Croquetas, papas arrugadas, calamares y cervezas. C'est à la bonne franquette et j'aime cet esprit simple et bon vivant de l'Espagne. José nous emmène découvrir l'espace de co-living qu'il a ouvert ici à Las Palmas. La décoration nous fait voyager et le toit aménagé donne envie de s'y poser. Le début de soirée est animé par les chants/guitare de Pauline et Alizée et par le One-Man-Show de César.

Il est dimanche, minuit mais la boîte dans laquelle nous amène José est bondée. Ambiance latino pour le plus grand plaisir des filles qui nous apprennent quelques pas de danse. C'est une vraie soirée à l'espagnole : c'est bon vivant, festif, dansant. Au petit matin, il est l'heure de rentrer.



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Publié le 27 novembre 2022

On est toujours amarrés au quai de la station service, qui est désormais ouverte. Hier, César a argué qu'on serait partis à 8h, pour ne pas gêner les va-et-vient des bateaux qui s'approvisionnent en gasoil. Il est 11h, lorsqu'on émerge. La soirée a été rude mais on n'abusera pas plus longtemps de cette situation. D'autant plus qu'aujourd'hui, on avait prévu de faire un mouillage dans une petite crique paradisiaque, sachant pertinemment bien qu'aujourd'hui, ce serait lendemain de veille, comme on dit chez nous. La côte est plutôt industrielle sur cette partie de l'île, près du port. Adieu la plage de sable blanc, la crique turquoise et les tortues, on se baignera parmi les cargos avec un bruit de fond de klaxons. Bon je caricature un peu, la baignade dans l'océan et la sieste au soleil auront presque rendu la gueule de bois agréable.


Retour au mouillage devant le port en fin de journée, parce que ce soir c'est cours de bachata au co-living. Une opportunité à saisir pour les filles, un prétexte pour sortir boire un verre pour les gars, une occasion pour moi de profiter d'un moment seule au bateau. Je me prépare aussi psychologiquement au réveil très matinal qui nous attend demain, parce que demain c'est journée randonnée.

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Publié le 27 novembre 2022

Les filles ont envie de randonner. Moi je suis carrément partante, j'adore découvrir des horizons nouveaux. Le plan de la journée est chargé et effraie les hommes du bateau. Mais pas nous ! 💪



Depuis hier soir, faute de place dans le port, nous sommes au mouillage devant celui-ci. Nous avons une annexe et il nous faudra donc ramer jusqu'à la plage.

Réveil piquant à 4h50 pour un départ à la rame à 5h10. 10minutes jusqu'à la plage, dans le noir de la nuit. Et c'est parti pour 20min de marche jusqu'à l'arrêt de bus. 40 min de bus, 10 min d'attente pour le suivant et encore 20 min de bus. Il est 7h30, nous sommes dans le village de San Pedro, là où démarre la randonnée. Le soleil se lève dans 10 minutes, notre timing est parfait. Sac au dos, chaussures de marche et c'est parti pour les 18km et 1200 m de dénivelé qui se profilent devant nous. La randonnée est magnifique, nous plonge dans des paysages qui alternent montagnes, océan et forêts, et nous dépayse totalement. 1200 m de dénivelé, c'est une partie de plaisir pour Ali et Paupau, sportives, mais un petit challenge pour moi.

À 15h, la boucle est bouclée. Retour au point de départ dans ce charmant village de San Pedro. On aperçoit une finca (= domaine), connue pour ses oranges, son café et ses vins. La Finca de La Laja, vieille de plus de 200 ans. La visite coûte 10euros et se clôture par la dégustation de leurs vins et leur café. Allé go ! Après 6h30 de marche, 1200m de dénivelé et 18km, imaginez notre état après 3 verres de vins. Nos fous rires incessants perturbent la tranquillité des autres tables. Si on essaie de se contenir, c'est pire, Paupau finit par recracher sa dernière gorgée... sur moi. Bon, il est temps de s'éclipser. De toute manière, aucune de nous n'a apprécié leurs vins, tous trop sucrés, ni leur café, insipide. Pourtant, on repartira avec une bouteille de rouge, débouchée, après un "pour combien tu...", défis qu'on se lance depuis tout à l'heure. Un peu de nectar noble pour le trajet du retour qui s'annonce aventurier : on rentre en stop. Allé go ! Première voiture qui passe, première voiture qui s'arrête ! Mince alors, nous qui voulions boire un coup à chaque voiture manquée. C'est un allemand qui nous fait monter, il a voyagé en sac à dos plus jeune. Il nous arrête à la ville où nous avions attendu notre deuxième bus ce matin. Le rond-point se prête parfaitement à une seconde tentative de stop. Mais cette fois on n'a pas la chance du débutant. On a par contre le temps de boire un coup à chaque voiture qui passe sans s'arrêter. 20 minutes plus tard, la bouteille est vide et un espagnol s'arrête. Il est du coin et nous conduira jusqu'au port, où on retrouvera les trois gars, occupés à regarder le match et boire des bières. Nous on commence à avoir faim et l'envie de manger des croquetas ! Finalement, les gars repartent au bateau et on reste entre filles. Au resto, on repart en fous rires et défis. Inutile de vous dire qu'on repartira avec une autre bouteille de vin... débouchée. De retour au bateau, il en faut peu pour convaincre les gars de boire un coup avec nous. On terminera la journée sur notre dernier défi : sauter de l'étrave du bateau. Il fait nuit mais pas froid et on trouve l'idée plaisante après cette journée d'efforts et de réconforts.

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Je pensais me sentir moins bien après une journée comme celle d'hier : un levé avant l'aube, 18km de randonnée dans les jambes, 1200m de dénivelé dans les cuisses, quelques verres de vin dans le nez et un couché tardif. Mais c'est sans doute l'air marin qui me procure cette santé d'enfer 👌

Aujourd'hui, c'est journée courses. La fois dernière, on avait imaginé le juste prix, cette fois le juste temps. Comme à mon habitude, je n'ai aucune notion du temps, et estime cette mission à une trentaine de minutes. On prendra environ 4h à atteindre le supermarché (bon, on a peut-être perdu 20 min à prendre des photos en chemin, perdre les gars et les retrouver au bar suivant, une bière à la main), déambuler dans ses nombreuses allées (à ma décharge, je ne m'attendais pas à un si grand magasin), et collecter les vivres nécessaires à notre survie pour plusieurs semaines (il manque l'eau et les bières, tout aussi nécessaires à notre survie, qu'on acheminera au bateau demain). Petite anecdote amusante : à force de se perdre dans les allées de ce magasin, on entendra dans les hauts-parleurs "Sophie, Pauline y Alizée estan esperando a la caja 23" 😅 Inutile de préciser que c'est l'œuvre des trois comiques.

Cette fois le supermarché est trop loin du port pour qu'on pousse les quatre caddies remplis. Solution : taxi. Par chance, on en trouve un grand, qui accepte de nous prendre avec nos courses. Dans ce genre d'aventure en bateau, même l'avitaillement en est une. Le taxi nous dépose au port, on décharge les courses, puis on les range dans le catamaran. On aura finalement passé tout notre après-midi à remplir cette mission.

La suite du convoyage/du voyage/de l'aventure/de l'épopée se profile comme suit : cap sur Ténérife demain, puis cap sur le Cap Vert vendredi ou samedi. On espère notre grand départ pour traverser l'océan en fin de semaine prochaine. 🌊

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Publié le 7 décembre 2022

Cap sur Ténérife. Les moteurs rugissent à 6h30. Il y a beaucoup de mer, ça tape et ça claque. Cette sensation ne m'avait pas manqué. Ce n'est qu'une petite navigation d'environ 10h pour arriver à Ténérife. On doit faire quelques achats et un passage à la laverie automatique. Avec ces remous, je me sens nauséeuse comme le premier jour. Ce n'est pas agréable comme conditions.

Gran Canaria à gauche (et le mont qu'on a gravi), Ténérife à droite

Un beau coucher de soleil nous accueille à Ténérife, où on mouille l'ancre devant le port.

Guacamole, saucisson, apéro, jeu de société et... karaoké. Quelle incroyable team ❤️

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Publié le 7 décembre 2022

"Debout, il est 8h" nous réveille César ce matin. Il faut dire que le planning est chargé : team filles à la laverie, team gars aux courses (il nous manquait l'eau) avant le départ prévu en fin de journée vers le Cap Vert. On monopolise la laverie entière pendant plusieurs heures, pendant qu'ils monopolisent la caisse du supermarché pendant de longues minutes. Imaginez les quantités d'eau nécessaires pour 6 personnes pour plusieurs semaines !

Dire que l'avitaillement était une aventure hier, c'était clairement sans savoir ce qui nous attendait aujourd'hui pour la mission laverie.

Après avoir monopolisé les trois machines pendant 2h, tout est lavé ! Enfin comme peut laver une machine de Marina. Le premier séchoir tourne. Et... ne sèche rien. Catastrophe, tout est trempé et avec la quantité de linge qu'on a, impossible de tout étendre sur le bateau. Plan b : tout remettre dans les sacs, appeler un taxi et aller à la laverie de la ville. Tout remettre dans les séchoirs. Faire tourner une fois. Deux fois. Trois fois. Ça semble plus ou moins sec. Ça fait 5h qu'on fait le linge et rien n'est parfaitement propre ni sec 😅 On rentre en taxi au port, et on se prépare mentalement à partir. Mais... finalement non.


Nous sommes aux îles Canaries depuis dimanche. Il s'agissait à la base d'un passage presqu'éclair pour faire le dernier gros avitaillement avant la traversée (même si on prévoyait un petit stop à Ténérife et au Cap Vert). Comme d'habitude, des petits imprévus reportent notre départ. Et pour une fois, ce n'est pas la météo. Un rendez-vous médical manqué. Un colis important non reçu. Peut-être arrivera-t-on à partir lundi ? 😅


Je ne me prononce plus, on verra ! En attendant, on va profiter de Ténérife ce week-end. Au programme : paella, rando et farniente.


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Publié le 10 décembre 2022

Aujourd'hui, le temps me rappelle la Belgique. Il fait gris, nuageux et pluvieux. Ces pensées en entraînent d'autres, me font penser à la vie que je menais en Belgique, à ce temps morose qui me pesait tant sur le moral. Et soudain, je me replonge dans l'instant présent. Je suis sortie de la grisaille et de la routine monotone pour voguer sur un voilier dans les îles Canaries et bientôt dans les Caraïbes. Je suis au bon endroit au bon moment.

3 heures de nav' et on arrive dans une crique époustouflante. Ces roches noires plongent de manière abrupte dans l'océan et nous laissent sans voix.

Cette crique est le point de départ d'une randonnée dans les gorges. Ça a l'air magnifique, mais suite à des éboulements, il faut désormais s'inscrire et porter un casque. La prochaine créneau pour s'y aventurer, c'est en février ! Déception mais on va en chercher une autre dans le coin pour demain.


En attendant le match de foot, les filles nous bercent avec leurs chants. On dormira dans une autre petite crique non loin de la précédente.

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Publié le 11 décembre 2022

1 journée, 2 points de vue.

Les filles abritent un brin de folie en elles. Elles ont l'envie de randonner, coûte que coûte. Elles repèrent une randonnée qui semble démarrer d'une plage, y vont en éclaireuses, à la nage avec un seau à bout de bras contentant leurs chaussures et vêtements. Chaque randonnée est une épopée avec ces marcheuses folles ! J'adore ! Mais pourtant, de la plage, elles agitent leurs bras dans tous les sens. Leurs signes semblent vouloir dire "ne venez pas" et "14h".

Moins sportifs, la petite nage musclée d'avant randonnée nous refroidit de toute manière. Bon, nous on va aller mouiller dans la crique à côté car celle-ci remue trop pour faire un mouillage. Les vagues sont grosses et claquent sur les roches. Nous reviendrons à 14h chercher nos randonneuses. Pendant ce temps, César nous fait faire des exercices d'homme à la mer. On est au moteur uniquement et, à tour de rôle, Martin, Lolo et moi passons à la barre pour aller rechercher la bouée de sauvetage lestée du seau. C'est important de savoir réagir en cas de problème.


On avait bien compris les signaux gestuels des filles, elles nous attendent à 14h sur la plage. Il leur faudra de la force et une bonne dose d'adrénaline pour revenir au bateau. On est tous contents de les avoir à bord avec nous.


Ensemble, on retourne vers le port de San Miguel à Ténérife car demain on part normalement vers le Cap Vert et on doit réceptionner un colis avant notre départ.


Le soir, on décide d'aller se promener, même si ce n'est clairement pas le coin le plus agréable de l'île : ce sont majoritairement des résidences secondaires pour les retraités anglais. On passe de resto en resto, sans trouver notre bonheur : asiatique, italien, irlandais, bref tout sauf authentique et typique. On trouve finalement un restaurant à tapas, ça fera l'affaire, même si les serveuses nous parlent en anglais, alors qu'on fait l'effort de parler espagnol. Bref. Nos trois extravertis nous font rire aux éclats. S'enchaîne concours d'avions en papier, discussions autour des pommes (😉 à la team), danses endiablées et une soirée qui restera gravée dans nos mémoires (ou pas).


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Publié le 13 décembre 2022

Il est environ 11h quand on émerge, réveillés par des "Hola!" incessants et de plus en plus forts. L'histoire se répète, c'est le même scénario que lundi passé, lorsqu'on se faisait réveiller par les autorités portuaires criant à notre bateau pour qu'on libère la place qu'on s'était auto-attribuée. Rebelote, c'est lendemain de veille pour nous et on squatte au ponton essence, sans autorisation. Lors d'une arrivée au port, il faut contacter la capitainerie au préalable pour savoir s'ils savent nous acceuillir et annoncer notre venue. Bon, disons qu'on ne respecte pas vraiment les règles. Voire pas du tout. Je pense que le bagout de César y est pour quelque chose. Il les calme d'ailleurs en leur disant qu'on part bientôt. Avant de se retourner vers nous, amusé, "oui enfin bientôt, à 17h quoi". Nous avons encore besoin de temps pour aller faire quelques courses (les stocks de fromages et de bières descendent à une vitesse alarmante !), faire le plein d'eau (encore ! À 6 sur ce bateau, les réservoirs se vident très vite. Pour la Transatlantique, on usera d'astuces pour économiser l'eau) et de gasoil (malheureusement, la météo n'a pas encore été si souvent clémente pour les voiliers). Vite vite, partir aux courses avant qu'ils ne nous voient.


C'est une aventure rocambolesque qu'on vit ! Rebondissement sur rebondissement. Si nous ne sommes pas partis vendredi, c'est parce qu'on attendait un colis important, le téléphone satellite. Ce téléphone, l'iridium, sert à récupérer des fichiers météo afin d'éviter une dépression ou un anticyclone et de réadapter notre cap pour avoir les meilleurs vents. Il sert aussi à envoyer des SMS et mails à nos proches, ou à contacter la SNSM (sauveteurs en mer) pour qu'ils relaient notre position GPS aux éventuels navires avoisinants en cas de pépin. Il était possible (mais pas certain) qu'on le reçoive aujourd'hui. Nous avions donc décidé de passer le week-end à Ténérife. Ce matin, nous avons appris que le colis a fait demi-tour. Ah. Après d'autres recherches, fructueuses, nous pourrions en recevoir un dans 5 j au Cap Vert. Parfait ! Départ prévu à 17h. On est pressés de reprendre la mer, après cette semaine entre terre et mer.

Mais à 16h, on apprend que le téléphone n'arrivera pas avant le 30 décembre au Cap Vert, c'est trop tard pour nous. Mais il pourrait être livré dans 3j à Ténérife... Ok, bon, on reste ? Une fois de plus, départ avorté. Mais on commence à avoir l'habitude. Je me souviens des paroles de César le premier jour "sur un bateau, on apprend à toujours dire "normalement" dans une phrase". Tout est sujet à changement, toujours partout mais plus encore quand on navigue.


Puisqu'on avait annoncé notre départ au port de Ténérife (et aussi parce que bon, on a assez exagéré comme ça), on décide de faire cap sur l'île voisine, La Gomera, plus sauvage, moins touristique. On appareille (dans le vocabulaire marin, ça veut dire se préparer au départ et partir) vers 17h, on y sera vers 23h. Pour quelques heures, on va retrouver le charme et le calme des quarts de nuit, qu'on aime tant. Ces moments doux, profonds, de communion avec l'océan et le ciel, d'introspection et de retrouvailles avec soi-même. La lune n'est pas encore levée, on s'avance à l'aveugle dans cette nuit noire. Les villes, éclairées, sont visibles sur Ténérife, désormais sur notre droite, et sur La Gomera, devant nous. On s'approche, guidés grâce à nos appareils électroniques. On se répère grâce à nos sens, on entend le bruit des vagues qui s'éclatent et qui annoncent la terre qui se rapproche, on distingue les falaises qui se détachent du noir profond qui unissait le ciel et l'océan. Le GPS nous indique qu'on est suffisamment proche pour mouiller l'ancre, suffisamment loin pour ne pas s'éclater dans les rochers. À la frontale, on jette l'ancre. J'ai hâte de me réveiller demain et découvrir cette crique en lumière.

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Au réveil, je me hâte dehors pour voir cette crique dans laquelle on a dormi. C'est beau, calme. On est seuls. Petite baignade matinale, avec PMT (palmes-masque-tuba). Poissons colorés et raies nous émerveillent. L'eau a la température parfaite. En décembre. Il fait bon vivre aux Canaries. Je comprends que tous les retraités viennent y vivre et enfin profiter d'une vie paisible.


Aujourd'hui, il y a un peu de vent. On hisse la grand-voile et le génois et on navigue un peu. C'est le moment de reprendre nos exercices d'homme à la mer. Cette fois à la voile. Si César tombe à l'eau, on doit être capable de manœuvrer le bateau pour le récupérer. C'est une mesure de sécurité, et puis on est tous demandeurs pour apprendre les manœuvres. Il y a un peu de courant qui ne nous aide pas, et puis ce bateau est conçu pour le confort, pas pour les performances. Il n'est pas réactif.


J'apprécie que César prenne le temps de nous donner de temps en temps des cours de navigation. Il est skipper, c'est son métier de convoyer des bateaux notamment. Tous les skippers n'ont pas cette patience et gentillesse envers leur équipage. César aime sa passion mais surtout la partager. Je lui suis reconnaissante de nous permettre de vivre cette expérience, si riche à tous niveaux.


Cette fois on a une place au port ! San Sebastián est un ancien port commercial aux ravissantes maisons coloniales colorées. Christophe Colomb y serait passé en 1494. Cette ville est accueillante, avec ses maisons colorées construites sur les flancs des falaises. La visite de la ville se termine à la plage de sable noir. S'en suit un match de volley avec nos deux professeures préférées, qui savent nous encourager et nous faire prendre confiance en nos petits progrès. À 19h, le soleil se couche, on va se baigner après ce chouette match, partagé avec quatre jeunes espagnoles, et on se répète à nouveau la chance qu'on a d'être ici, en décembre, à profiter du soleil, de l'océan et de la vie.


Petite soirée team filles au bateau/team garçon au bar pour regarder le match de foot. Ça nous fait du bien de se retrouver entre nanas aussi de temps en temps.

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Aujourd'hui, c'est rando tous ensemble.


La Gomera, l'île sur laquelle nous sommes, est un caillou volcanique de 369 km2 qui offre des paysages variés et qui est encore préservée du tourisme de masse. C'est aussi l'île la plus verte des Canaries, avec son parc national de Garajonay qui surplombe l'île et qui offre une végétation luxuriante.


On va prendre un bus qui nous emmène tout là haut, et on fera un parcours de randonnée circulaire. Il fait magnifique quand on s'embarque pour notre journée. Mais, de manière plutot évidente, plus on monte, plus il fait frais et plus la biodiversité se métamorphose. On est passé des plages de sable noir aux canyons à une forêt humide primaire, perchée à 1500m d'altitude.


C'était plutôt évident, mais on y avait pas tant réfléchi. Il fait venteux, froid et on est littéralement dans les nuages là-haut. On repense alors la randonnée initialement prévue pour un sentier qui redescend jusqu'à San Sebastián. Je vous passe les détails, mais on a réussi à se tromper de chemin et finir au village voisin (à 1h de route du nôtre). Et oh misère, la France joue à 20h (19h pour nous ici)! Tout est bien qui finit bien, on rentrera gentiment en car, à temps pour le match. Et ce soir, on dormira encore au port de San Sebastián.


La randonnée était époustouflante, les paysages magnifiques et si verdoyants. Nos yeux et nos cœurs sont remplis de toute cette magnifique nature. Et parce que parfois les mots ne suffisent pas, les images parlent.

Sur l'avant dernière photo, la décoration du père Noël nous rappelle que nous sommes en décembre. Il fait 30 degrés, et nos épaules rougies par le soleil nous font oublier que Noël approche.

Sur la dernière photo, on aperçoit le village de San Sebastián. Et derrière, le volcan de Ténérife.

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Publié le 20 décembre 2022

Coup de massue ce matin !

Alors qu'on s'apprêtait à aller récupérer ce fameux téléphone satellite à Ténérife et partir vers le Cap Vert, César reçoit un message "Le bateau doit s'arrêter. Défaut de construction au niveau du mât."

Autant de rebondissements depuis le début du séjour mais à aucun moment on n'avait envisagé que le voyage pouvait s'arrêter net. On est abasourdis, tristes, déçus et pourtant on n'a encore aucune information supplémentaire. On fait alors ce qu'on ne devrait jamais faire : supposer. Décortiquer et analyser le problème dans tous les sens. Imaginer toutes les théories, actions et réactions possibles. On y passe la matinée...


Au revoir La Gomera. Cap sur Ténérife... En attendant d'en savoir plus.


Pour une fois qu'on a un petit vent ! On ne peut même pas utiliser les voiles puisque ce mât peut potentiellement... casser.


On refuse d'y croire, on aime tant cet équipage, ce voyage. On ne veut pas le stopper de cette manière, pas maintenant, pas comme ça. Plutôt que d'être tristes et de s'apitoyer sur notre sort (qui n'est pas si terrible que ça quand même hein), on chante, danse et rit. Demain, on devrait en savoir plus.

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Étant à l'arrêt au port (San Miguel à Ténérife), écrire chaque jour n'a plus le même sens pour moi. J'avais envie de partager mon récit journalier parce que j'imaginais vivre une vie différente, dans un espace restreint et en mouvement, jour & nuit. Cela fait presque deux semaines que nous sommes à Ténérife et, ce qui devait être une courte escale, s'est transformé en stand-by de durée inconnue. Nous voilà donc à attendre, au port. Et cette fois, nous avons une place pour plusieurs jours, le bateau devant être immobilisé.


Le vendredi 16 fait suite au jeudi festif qui mêlait déni et semblant d'adieu. César a perdu son téléphone, et c'est un miracle qu'il n'ait encore rien perdu avant d'ailleurs, mais un comble de perdre son moyen de contact lorsqu'il en a le plus besoin ! Hier on avait l'information que le convoyage devait s'arrêter. Aujourd'hui, on apprend (tant bien que mal, sans le téléphone de César) que le bateau peut être réparé ici à Ténérife. Génial ! Ça on n'y croyait pas du tout, à vrai dire on avait à peine envisagé l'option lors de nos multiples suppositions. Notre déception d'hier se transforme en espoir.


Tant qu'à être sur l'île, autant en profiter en attendant les nouvelles. Le samedi 17, on décide d'aller visiter une petite ville au nord, Garachico, en stop. On fait trois teams : Ali. Paupau et Martin. Lolo et moi. Ali, Paupau et Martin arriveront en même temps une heure plus tard. Lolo et moi on décidera de rester dans la ville dans laquelle notre première voiture nous déposera : Los Gigantes. Malgré nos journées éloignés les uns des autres, le "hasard" (rien n'arrive par hasard 😉) nous remet sur le même chemin en fin de journée : la même voiture nous ramène tous ensemble au bateau.


Dimanche 18, c'est matinée brunch et sortie en bateau (au moteur, devant le port) pendant laquelle César nous fait faire des exercices : homme à la mer et révision des nœuds de chaise. À 15h, la France dispute la finale de la coupe du monde. Le foot ne m'intéresse pas, je reste profiter du soleil au bateau pendant que les autres filent au bar. Le soir, on est invités à boire l'apéro sur le catamaran des voisins de port, deux suisses, Angélique et Christophe, qui ont tout quitté pour vivre sur l'eau. Est-il encore utile de mentionner que la soirée vire au karaoké ? 😀


Lundi 19, Angélique et Christophe nous invitent à passer la journée sur leur bateau, un Bali 4.8 (plus gros que le nôtre). Le nôtre est à quai et ne bougera plus car César profite de ce break pour faire un aller-retour en France. On a bien appris à faire quelques manœuvres, mais pas assez pour partir en excursion à la journée 😉


Mardi 20, c'est au tour de Lolo et Martin de prendre l'avion pour aller passer les fêtes dans leur famille. Ali, Paupau et moi, on fait ce voyage à la voile par envie mais aussi pour ne pas gonfler notre empreinte carbone. Ça n'a pas de sens pour nous de faire un aller-retour en avion, même si c'est la période des fêtes et que c'est tentant. Personnellement, je suis contente de me retrouver entre nanas pour quelques temps. Mine de rien, ça va faire un mois qu'on est tous ensemble sur ce bateau !


Ces jours-ci, je parle peu de mes ressentis mais pourtant c'est l'ébullition dans nos cerveaux. On est à l'arrêt dans le convoyage, on sait que le bateau doit rester à Ténérife et qu'il peut y être réparé. Mais on n'en sait toujours pas plus que vendredi. Dans ce voyage, j'ai le temps. Mais les filles sont pressées par le temps, elles recommencent à travailler le 1er février. Et si le bateau n'était pas réparé suffisamment vite ? Et si le problème était plus grave et qu'il fallait sortir le bateau pour le démâter ? Et si, et si, et si. Les fêtes approchent et c'est souvent un moment où tout est au ralenti.

À l'annonce de cette mauvaise nouvelle, jeudi passé, on avait chacune pris la décision de reposter une annonce de recherche de bateau. Les filles de leur côté. Moi du mien. Et si on trouve un bateau qui nous embarque toutes les trois, tant mieux ! Mais la priorité c'est leur départ.

En ce mardi, on reçoit un message de Rafik en réponse à nos annonces. Il vient d'arriver à Ténérife et veut partir rapidement vers les Antilles. Il a deux places. On décide d'aller à sa rencontre à Santa Cruz, à 1h au nord de l'île. On n'y est encore jamais allé et c'est l'occasion de visiter la ville. Rafik est sympa, il convoit un catamaran, veut partir dans deux jours et nous accepterait toutes les trois. Ce serait lui et nous. Waw, c'est clairement une proposition qui mérite d'être réfléchie. Autour de croquetas (bien-sûr) et d'un délicieux dessert à base de gofio, une explosion gustative. Il est 16h, on s'est (un peu trop) bien acclimatées à la vie espagnole. Rafik semble à l'antipode de César. Avec lui, ce sera bateau sec (= pas d'alcool), quart de 3h seul sans livre ni musique (il considère qu'on doit être à 100% disponible pour une veille visuelle et auditive permanente), four non utilisable (le bateau doit être livré le plus neuf possible, il a d'ailleurs recouvert chaque endroit possible de carton et protection), pas de musique (utilisation modérée des batteries + veille auditive permanente), et impossibilité de faire des séances de sport car le pont avant n'est qu'en filet. En réalité, on prend conscience de la chance et du luxe d'être sur notre bateau. On se rend aussi compte que, si Rafik semble un peu strict, César est peut-être un peu souple. Notre raison penche pour un départ avec Rafik mais notre cœur bat pour notre bateau et équipage.


Mercredi 21 est une journée émotionnellement chargée. Je dois dire que j'admire le calme et la ténacité des filles. Si c'est elles qui ont tout géré hier avec Rafik, elles rebondissent encore sur une autre proposition aujourd'hui. Après plusieurs contacts avec Christophe, un autre skipper qui avait répondu à leur annonce, les filles lui demandent si on peut embarquer à trois. Il me tient à cœur qu'elles traversent au plus vite, pour vivre un maximum de la suite de leur aventure après la transatlantique, mais les filles ne veulent pas casser le trio qui s'est formé. Elles m'ont toujours accueillie au sein de leur duo, avec gentillesse et bienveillance. Elles sont adorables et ça me touche beaucoup qu'elles aient l'envie de poursuivre aussi avec moi. Christophe accepte ! On partagerait une cabine toutes les trois. Moi qui me plaignait d'avoir trop de confort sur notre bateau, voici le revers de la médaille. Il y a deux autres gars sur le bateau, ce qui nous replongerait dans le schéma mixte actuel : 3 filles 3 gars. Alcool, four et musique autorisés. Départ dans deux ou trois jours, le temps de recevoir une pièce pour le bateau. Carrément partantes ! On s'active, on range et nettoie le bateau, fait nos lessives et prévient César.


Il faut se rendre compte qu'énormement de gens cherchent à embarquer pour traverser l'océan. Certains déambulent dans les ports, d'autres attendent patiemment chez eux une réponse, d'autres abandonnent après des semaines/mois de recherche et d'attente, et d'autres encore ne trouveront jamais de bateau. Nous sommes moins d'une semaine après la mauvaise nouvelle, avec deux nouvelles propositions d'embarquement ! Je pense qu'on a toutes les trois une bonne étoile au dessus de nos têtes. On est chanceuses. D'avoir ces propositions. D'être sur ce bateau (sur lequel on veille, avec la confiance aveugle de César). D'avoir déjà vécu cette expérience exceptionnelle depuis un mois.


Mais l'ascenseur émotionnel reprend de plus belle. César nous rappelle : les travaux devraient être faits cette semaine, au plus tard lundi. Et il nous assure, nous promet, nous garantit un départ mardi ! Autant de synonymes pour appuyer son inébranlable certitude. Entre Rafik, Christophe et César, notre cœur balance (façon de parler Jojo et Matthieu 😀). Indéniablement, notre premier choix est de poursuivre sur ce bateau, avec cet équipage. En un mois, on a appris à se connaître, on a créé des souvenirs ensemble. Notre groupe fonctionne bien. Mais on reste dubitatives sur ces réparations. On a appris que plusieurs catamarans de cette série avaient demâté, et que deux autres seraient réparés début janvier seulement. Pourquoi le nôtre serait-il réparé plus vite ? En seconde position, c'est Christophe qu'on choisi. On prévient donc Rafik qu'on ne partira pas avec lui.


La journée est passée. Mais on n'est pas plus avancées. On attend que les dires de César se vérifient avec le passage du technicien agréé Catana pour être sûres à 100% de notre départ. Et on attend que Christophe reçoive sa pièce pour valider un potentiel départ avec lui.


(Anecdote : vous souvenez-vous du téléphone perdu de César ? Celui à cause duquel on peinait à recevoir plus de nouvelles de la situation. Et bien, on l'a retrouvé ! Ali, en tenant de le joindre via messenger, s'est retrouvée face à une voix féminine : "hola, tengo el movil de vuestro amigo". On éclate de rire, que de péripéties !)


Jeudi 22, on décide de jouer la carte de l'honnêteté (quoi d'autre !?) envers Christophe : si notre bateau est réparé en début de semaine prochaine, on reste. Si non, on le rejoint. Les choses se mettent finalement bien car Christophe est toujours en attente de la réception de sa pièce et il ne l'aura qu'en début de semaine prochaine, donc c'est ok pour lui qu'on le tienne informé dès qu'on en sait plus. Du côté de César, on attend toujours plus de nouvelles quant au passage du technicien agréé Catana. Dès qu'il sera passé, là on sera fixé sur le sort de ce bateau, et le nôtre.


Aujourd'hui, les filles partent en rando. Elles ont loué une voiture, qu'elles vont récupérer avant de faire cap (oui ok la navigation me manque) sur le volcan. Elles vont faire un petit repérage parce qu'on prépare une grosse rando demain.

De mon côté, je reste au bateau, seule. J'en profite pour continuer le grand nettoyage et la lessive. J'aime mes moments seule, je me ressource. Même si j'attends les filles avec impatience.


Il y a 1 mois, jour pour jour, on se rencontrait !! C'est fou comme le temps passe vite. Plus on passe de temps ensemble, plus on s'apprécie, se rapproche et se lie d'amitié ❤️ On a d'ailleurs passé la soirée à se replonger dans nos vidéos et photos. On était déjà nostalgiques de ces beaux moments partagés.

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Publié le 26 décembre 2022

Vendredi 23. Jour de randonnée : le volcan du Teide est la star de Ténérife, on se doit de lui faire honneur. Voici le plan que mes coéquipières ont élaboré : hier, elles sont parties repérer les lieux. Le plan est donc supposé être bien ficelé quand on se réveille ce matin... à 1h15. Il y a 1h de route jusqu'au parking et nous débutons la randonnée à 3h du matin, à la lampe frontale, sous 4°C, à 2000m d'altitude.

Le froid nous incite à nous mettre en mouvement rapidement. On arpente le chemin tracé, à la lueur de nos frontales, baignés dans le calme profond de la nuit et des lieux, humbles et respectueux face à ce volcan massif qui se dresse devant nous. C'est nous, le Teide et le ciel étoilé. On marque plusieurs pauses pour éteindre nos frontales et profiter de ce ciel si pur. On distingue nettement les constellations et on aperçoit plusieurs étoiles filantes. C'est magique.

Randonner de nuit, c'est imaginer le paysage qui est devant nous, on distingue des formes, des ombres et on se crée un univers. C'est intéressant parce que le jour nous apportera tous les détails qu'il nous manquait la nuit pour nous faire une représentation correcte : les couleurs, les textures, la perspective, l'échelle.

Mais on n'en est pas encore là. On grimpe depuis 3h déjà lorsqu'on arrive au premier point d'intérêt : le Pico Viejo, un premier volcan situé à 3129m d'altitude. Les filles nous avaient annoncé une randonnée à 1200m de dénivelé pour une ascension de 4h environ. Ok, on y est presque alors ! On a froid (plus on monte, plus la température diminue. Il fait désormais 0°C) et personnellement je suis "déjà" épuisée, presqu'à bout de force. Mon corps puise dans ses réserves pour contrer le manque de sommeil, l'altitude, le froid et l'effort.

Là, nous sommes face à un panneau indicatif pour la suite.


Il y est marqué le niveau de difficulté : extrême ! Les filles sont des randonneuses chevronnées, Thomas (un voisin du port) semble aussi l'être. Moi pas du tout. Du tout. Du tout. 😀

Selon le plan, on n'y est pas encore, puisque le sommet est à 3718m. Hier, lorsqu'elles ont repéré les lieux, elles ont remarqué que le chemin de randonnée principal qui mène au sommet est gâché par le passage du téléphérique (qui amène les touristes paresseux à 200m du sommet). Elles ont donc pensé au second sentier de randonnée, qui démarre du côté opposé et lui ont attribué le même dénivelé et temps de marche. Grave erreur, cette randonnée est bien plus escarpée et difficile. J'entends Alizée : "Fichtre, ça voudrait dire qu'on va se prendre quasi 2000m de deniv du coup ?". À ce moment-là, j'ai froid, il est 6h du matin, il fait toujours nuit noire et les options ne se bousculent pas : rebrousser chemin seule serait dangereux et il est hors de question que les filles soient obligées de stopper cette rando. Je me concentre sur mon corps qui tremble et me conditionne à avaler 600m supplémentaires de deniv sur 2km. Je comprends que ça va être rude. Très rude. Elles ne me le cachent d'ailleurs pas. "Soso tu vas aller puiser dans tes ressources, tu vas être poussée dans tes retranchements mais ça va aller!" Allez go, il fait trop froid pour faire un long break. On entame la seconde partie, l'ascension jusqu'au sommet du Teide.


Il nous reste 2h avant que le soleil se lève. C'est le temps qu'on estime pour arriver au sommet. Cette partie est plus difficile que l'autre, c'est presque de l'escalade à certains moments, et je fais de plus en plus de pauses. Je suis très vite à bout de souffle. Outre le fait que je ne sois pas une grande sportive, l'altitude joue aussi. Je marque des arrêts aussi souvent que j'en ai besoin pour récupérer un peu de souffle. Mes jambes supportent encore bien l'effort. C'est vraiment le cardio qui est problématique. Les filles me motivent et me félicitent. Comme à leur habitude, elles sont au petit soin avec moi. Les étoiles disparaissent petit à petit pour laisser place à une lumière rouge. Le jour se lève. On y est presque. Je laisse Thomas et les filles gravir les derniers mètres pendant que je puise dans mes dernières ressources pour les finir. Je m'arrête littéralement toutes les 5 secondes, mon corps ne veut plus fournir d'effort. Et puis, enfin ... j'y suis ! C'est magnifique ! La luminosité nous laisse enfin apercevoir ce paysage dans lequel on donne tout notre être depuis 5h maintenant. On aperçoit l'île de La Gomera au loin et le cratère du Pico Viejo s'illumine dans des tons rouge qui rappellent le feu.


Arrivée en haut, mon corps se relâche et je ne sens alors plus mes doigts, je ne sais presque plus les bouger tellement j'ai froid. Paupau me prête ses gants et sort son sac de couchage dans lequelle elle m'emmitoufle. (Ne vous fiez pas à Ali qui a fait sa randonnée en short sous 0°, elle est surhumaine, il n'y a pas d'autre explication 😀).

Seconde surprise. Quelques mètres plus haut, le téléphérique dépose les premiers touristes. Il reste donc les 200 derniers mètres d'ascension pour être tout au dessus du Teide. Mon corps tremble et est au bout de ses limites. Je m'étais conditionnée à finir la rando indiquée et elle n'incluait pas ces derniers mètres. Je suis incapable de les gravir. Ce n'est rien, la vue est magnifique et je suis fière de moi. Je préfère nettement avoir mérité cette vue après cette rude ascension plutôt que d'avoir emprunté le téléphérique et gravi les 200 derniers mètres pour clamer être allée au sommet du Teide.


Le soleil perce maintenant et réchauffe l'atmosphère. Enfin, il fait jour et de plus en plus chaud. Il est temps d'entamer la descente. Ce serait mentir que de dire que l'idée de redescendre en téléphérique ne m'a pas traversé l'esprit. Mais j'ai vite chassé l'idée. Je n'ai pas gravi tout ça pour ne pas voir le paysage au grand jour. Si j'ai su monter, je saurai descendre. La descente demande moins d'effort mais plus d'attention.


Les paysages sont magnifiques, on a beaucoup moins froid et on peut donc s'arrêter pour manger sans geler sur place. Bonheur. On savoure pleinement le moment.



On redescend la première partie très vite, en 1h à peine, pour revenir au premier volcan. C'est juste magnifique et je ne regrette en aucun cas cette descente. Les paysages sont lunaires et cette terre ocre contraste avec les pierres volcaniques noires qu'on trouve au sommet.

On a désormais chaud et on profite pleinement. On entame la seconde partie. Je ne peux m'empêcher de me répéter toutes les cinq minutes "Mais on a vraiment monté tout ça ?". Il nous faudra deux bonnes heures pour descendre cette part, qui m'a semblé interminable. Voilà 10h30 qu'on a commencé cette randonnée quand on arrive, enfin, au parking. Je suis exténuée, mais fière de cet exploit.

Le Teide, avec son altitude imposante (3718m), est la troisième structure volcanique la plus haute et volumineuse de la planète, derrière le Mauna loa et Mauna kea à Hawaï, et le plus haut sommet des îles Canaries, de toute l'Espagne et de l'Europe.

Et on l'a fait ! 💪


Hâte de voir dans quelle future aventure rocambolesque elles vont m'entraîner. 😀

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Samedi 24. Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de Paupau ! Ali nous réveille avec des odeurs de crêpes et une douce musique d'anniversaire. Au planning de la journée : profiter de la voiture de location pour aller visiter le nord de l'île qui abrite le parc rural d'Anaga. Mais pas de rando, juste du farniente. Malgré qu'on n'aie (étonnement) pas de courbatures, on tient quand même à se reposer. Les paysages nous offrent une flore verdoyante et luxuriante. C'est magnifique. La côte semble être le lieu de rendez-vous des surfeurs hippies. Tous les vans sont garés devant la plage de sable noir qu'on vise pour cet après-midi repos.

On emprunte le sentier de la poésie au coucher du soleil et on comprend pourquoi il se nomme ainsi.

Et on termine cette journée paisible sur une note originale : on s'arrête dans le bar/resto du petit village pour y boire un tinto de verano et manger quelques tapas. Le lieu est typique, les habitants sont accoudés au bar, se racontant haut et fort leurs vies. On arrive ensuite au resto auquel Paupau a téléphoné quelques heures auparavant. Il est 20h30, le lieu semble fermé et c'est "la doyenne" qui nous ouvre. L'endroit ne paye pas de mine, mais c'est parfois bon signe. On commande quatre tapas et on se retrouve avec quatre plats qui dépeignent parfaitement la cuisine de grand-mère espagnole : tout baigne dans l'huile. Les murs en sont d'ailleurs imprégnés et l'odeur gratte petit à petit du terrain jusqu'à nos vêtements. On rigole et quitte cet endroit rapidement.

C'est le repas de Noël le plus improbable qu'on aura mangé. Mais au moins Paupau se souviendra longtemps de ses 27 ans.


Dimanche 25. Être au soleil pendant les fêtes de fin d'année n'est pas naturel pour nous qui avons l'habitude de les passer dans le froid. C'est agréable (parce que le soleil, c'est la vie 😍) mais ça ne nous plonge pas dans la féerie de Noël. Mais au réveil de ce 25 décembre, Mère Noël est passée. Cette attention me touche et m'émeut particulièrement. Les filles m'apportent beaucoup dans cette aventure.

On prend le temps de se réveiller, vivre nos émotions, mais on ne tarde pas à se mettre en route. Aujourd'hui, on retourne dans le parc rural d'Anaga qui regorge de randonnées et paysages somptueux. Ce parc occupe une grande partie du massif montagneux qui s'étend sur près de 14 500 hectares au nord-est de l'île de Ténérife. On n'a donc pas fini de le découvrir. Cette fois, c'est moi qui choisi la rando. Pas folle la belge 😀 Une petite rando de 9km et 700m de dénivelé qui alterne entre montagne et plage. Environ 4h30 en tout, y compris le stop baignade et pique nique. C'est parfait car on doit rendre la voiture à 18h dans le sud de l'île. La randonnée est grandiose.


Aujourd'hui, ça fait aussi trois semaines qu'on est dans les Canaries. Trois semaines !! On ne s'en rend pas compte, le temps est passé si vite. Cette escale aux Canaries, bien que truffée de péripéties et bien plus longue que prévue, nous aura permis de découvrir ces îles, si riches au niveau de la flore. Merci au retard de livraison de l'iridium en fin de compte !

J'ai lu une phrase récemment qui pourrait faire écho à cette situation (même si attention, on vit juste des rebondissements. Je reste personnellement bien consciente de la chance que j'ai à tout moment) : "Avant de s'apitoyer, attendons de voir si le Ciel n'a pas de meilleur plan pour nous". Un changement de plan peut être décevant de prime abord avant de révéler un plan encore meilleur. C'est en tout cas l'état d'esprit que j'essaye d'adopter en toute circonstance.


Lundi 26. Cette nuit a été le théâtre d'un orage foudroyant. Pluie torrentielle et éclairs se sont succédés de 2h à 10h, rafraîchissant l'atmosphère et laissant tomber la neige sur le Teide. On la voit nettement sur le sommet depuis le bateau. Les filles sont directement saisies par l'envie d'y retourner, refaire la randonnée pour voir le volcan enneigé. C'est vrai que ça doit être joli mais moi je trouve qu'on le voit bien d'ici 😇.

Aujourd'hui, c'est lundi. Ça fait trois jours qu'on a mis de côté les problèmes et retards de livraison, les suppositions et les questions. On a délaissé cet ascenseur émotionnel pour vivre les émotions que nous procurent la nature. Mais aujourd'hui, c'est lundi. Aujourd'hui, César revient au bateau, les pièces commandées pour la réparation du mât sont censées arriver et le technicien agréé Catana est supposé venir. Ça fait beaucoup de si, encore une fois. Mais César était sûr de lui et avait transformé les suppositions en affirmations. À voir !


18h, on reçoit un appel de Christophe. C'est le skipper de l'autre bateau sur lequel on pourrait embarquer. Il attend également une pièce avant son départ. Aujourd'hui, c'est apparemment férié en Espagne et donc... pas de news de la pièce. Stand-by. Encore.


20h, César revient au bateau. C'est vrai qu'on n'a pas eu la livraison aujourd'hui mais du coup on l'aura demain, à coup sûr ! Stand-by. Encore.


Un jour de plus dans le flou !

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Mardi 27. Voilà trois semaines que chaque jour on se prépare à partir le lendemain ou surlendemain. On est sur le qui-vive, prêts à larguer les amarres et s'éloigner des terres en direction de l'horizon. Mais voilà trois semaines que ça ne se passe pas. Heureusement, être bloqués dans les Canaries en hiver, c'est plutôt chouette. Je me tracasse plutôt pour les filles qui voient leur voyage aux Antilles se raccourcir de plus en plus.

Aujourd'hui, j'ai besoin d'air, de me retrouver seule avec moi-même. Le temps est gris et venteux depuis hier, mais je m'échappe sur le sentier du littoral. Les vagues s'éclatent sur les rochers, j'aime le bruit qu'elles font et j'admire la force de l'océan.

Martin et Lolo reviennent au bateau aujourd'hui, on les attend en préparant le souper. Le vent siffle fort et risque de monter encore plus cette nuit. On a beau être au port, ça bouge un peu quand même. Et comme toujours dans notre cabine, les bruits donnent l'impression d'une tempête à l'extérieur.


Soirée retrouvailles, avec un nouveau jeu de société, puis apéro, bar karaoké, on invite les voisins du port à nous rejoindre, cocktails, danses, rires, on rentre au bateau et on fait fiesta toute la nuit tous ensemble, que du bonheur ! On se demande comment les gens du port ne nous détestent pas encore, parce qu'on donne de la voix, oups.

Mercredi 28. Alors ce matin, c'était radio César ! One-man-show dans le bateau dès 9h, alors qu'on dormait tous. On a eu droit à une émission radio entière composée de chronique, horoscope et musique par notre skipper, au pic de sa forme ! On a bien rigolé chacun dans notre cabine, dans un demi sommeil. A force de l'entendre, on s'habitue au son de sa voix et il est même possible de se rendormir 😅. Je suis réellement sortie du sommeil vers 11h, lorsque César nous appelle sur le pont pour une manœuvre. On doit changer de place au port et avec le vent et courant qu'il y a, il a besoin de l'aide de tout l'équipage. Notre nouvelle place attribuée se trouve en face de nos amis. C'est super ! Mais fini la tranquillité 😀 Effectivement, Thomas et Facundo passeront la journée sur le bateau avec nous, à boire des tisanes régénérantes (potion magique de Paupau) et nous soutenir mentalement dans nos péripéties.


Ali prend les choses en main aujourd'hui. Elle parle bien espagnol (malgré ce qu'elle en dira) et téléphone à DHL pour faire avancer les choses. En ce moment, tous les colis sont arrêtés à la douane. Et c'est le parcours du combattant pour les débloquer. Ça commence par le manque d'information. Si on ne va pas vers eux, on ne sait même pas que les colis sont bloqués ! Ainsi notre iridium (qu'on attend maintenant depuis deux semaines) pourra repartir en contrepartie de... 1 euro ! Mais ils ont besoin de la certitude qu'on les paiera. 1 euro pour un colis qui en vaut 1000, qui ne les paierait pas à la réception ? Lorsque César, énervé, donne son accord, on apprend ensuite que le colis reste bloqué car à la douane, ils ne comprennent pas pourquoi un colis qui contient un objet si cher ne vaut qu'1euro de dédouanement. Sketch ! Ali s'arme donc de patience avec la douane pour dénouer les choses. Ils ont besoin des factures de l'iridium et du deuxième colis qui contient les pièces pour la réparation du mât. Ok, on les envoie. Mais les factures sont en français. Ben... Oui ! Non il les faut en anglais au moins. Et aussi, le passeport de César. Ok. Ah mais en fait avec un passeport français, il y aura un délai de 48h de vérification. Avec un espagnol, c'est instantané. Ok, le père de César a la double nationalité. On envoie. Non, le passeport ne fonctionne pas, il faut une carte d'identité. Ok... Non, il n'est pas né en Espagne. Euuuuh ok ! Contact avec José, l'ami de César qu'on avait vu à notre arrivée à Gran Canaria. Envoyé ! Ça fonctionne ! C'est débloqué. Ali a été d'un calme, d'une ténacité et d'une patience à toute épreuve. Cet épisode raconté sommairement a duré toute la journée. Entre chaque appel, elle retombait sur un nouveau correspondant à qui il fallait réexpliquer le problème ou, pire, sur un/e secrétaire qui ne voulait plus transférer son appel au bureau direct des douanes. À 18h, elle arrive à faire vérifier tous les documents envoyés et faire dire que les colis quittent la douane. Il y a beaucoup de chances qu'ils arrivent après-demain 🤞. Si elle n'avait pas fait tout ça, nous n'aurions pas été avertis de tous ces problèmes et les colis ne seraient pas arrivés avant la semaine prochaine. Ali est déterminée et on peut tous la remercier chaleureusement si on arrive à partir avant le nouvel an !


Jeudi 29. À 8h30, César rappelle DHL pour savoir quand les colis seront livrés. Demain ! Allez cette fois on y croit ! Tant de fois on s'est préparés à partir le lendemain, mais cette fois c'est la bonne. Le réparateur agréé Catana est averti et prêt à intervenir demain.

On décide d'appareiller le soir en direction du nord de Ténérife, là où se trouve le réparateur. Ali a réussi à faire bloquer les pièces au centre de tri DHL pour qu'on les récupère demain première heure.


C'est le moment de dire au revoir à nos amis du port, avec un petit pincement au cœur quand même. J'ai hâte de partir mais j'aimais beaucoup la vie au port. C'est paisible, et j'aime l'ambiance de confiance et d'entraide qui y règne.