Entre terre et mer

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Je mets les voiles ! L'appel de la mer a soufflé à mon oreille. C'est ainsi que je me retrouve embarquée en tant que volontaire à bord du Kraken au sein de l'association Wings of the Ocean. Suivez moi
Du 9 mars au 30 juin 2021
114 jours
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Publié le 31 mars 2021

Une fois de plus je mets les voiles. Je n’aurais pas attendu un an avant de me déraciner à nouveau de mon cocon français. Ma mère me le fait remarquer, non sans une once de reproche dans la voix. Il faudra que mes proches s’y fassent ! J’ai la bougeotte. Rester sur place ne m’intéresse nullement. Je cherche constamment à vivre de nouvelles expériences et à me surpasser. Cette fois-ci, lorsque j’écris que « Je mets les voiles », ce n’est pas pour déployer les petits trésors de la langue de Molière. C’est à prendre au pied de la lettre. Je suis engagée en tant que volontaire sur un navire trois mâts nommé « Le Kraken » au sein de l’association Wings of the Ocean. Volontaires, matelots, salariés de l’association et capitaine s’y côtoient et y coopèrent à bord du Kraken pur traquer les déchets plastiques qui jonchent les côtes maritimes et finissent par polluer nos mers et nos Océans. On m’appelle le mercredi 3 mars pour m’annoncer la nouvelle. Ma vie prend un tournant. En moins d’une semaine, il me faut trouver la force de quitter ma vie, certes tranquille, mais si peu stimulante au quotidien, me préparer, penser à tout et me faire à l’idée que les prochains mois à vivre vont peut-être bouleversés mon existence. Ça peut paraitre comme n’étant pas grand-chose pour certain.e.s, mais pour moi, qui ne fonctionnent absolument pas dans l’empressement, dans le stress, la pression et tous ses synonymes, ça devient presque une galère (jeu de mot pour les plus attentifs). Et pourtant, j’en ai rêvé de monter à bord de ce Kraken, de rejoindre cet équipage du tonnerre pour donner un sens à mon quotidien. Je m’étais fait la promesse de candidater pour faire partie de l’association à la fin de mon Master. Pari tenu ! Cette candidature envoyée sans grand espoir me mène à réaliser un de mes rêves. Ça tient à rien, 30 minutes pour décrire mes motivations, ma personne, mon projet, qui m’amènent à vivre pendant plusieurs mois une expérience de folie.

Passons les effusions émotionnelles personnelles pour attaquer le vif du sujet ! J’ai pris l’avion ce mardi 9 mars à Paris pour rejoindre Valencia. Première nouveauté de cette baroude : voyager à l’ère de la Covid-19. Quelle bizarrerie de rentrer dans un aéroport où seuls les voyageurs peuvent entrer. Il y a tellement de place, le lieu en deviendrait presque glauque. On est loin de la frénésie des grands départs. L’enregistrement et le dépose-bagage se font en autonomie. La prise en charge est minime bien qu’il y est toujours du personnel pour aiguiller et accompagner. En dehors de cela, rien ne change globalement. Si, j’ai tout de même été étonné que la descente des passagers s’effectue rangée par rangée pour éviter que tout le monde se croise ou se lève en même temps après l’atterrissage.

J’ai réalisé en atterrissant, ou plutôt 30 minutes avant d’atterrir que j’avais quitté la France. Nous survolions les côtes espagnoles lorsque le capitaine nous indiqua que nous allions commencer notre redescente. J’ai compris à cet instant que j’étais partie, encore une fois. Ce qui m’a le plus bouleversé à ce moment-là c’est que je ne savais pas du tout ce qui m’attendrait dans les prochaines semaines. Je plongeais pieds joints dans l’inconnu. Excitation et stress se mêlent et s’emmêlent assez facilement face à ce constat.

L’aéroport est une formalité, encore augmenté par les tests PCR à présenter et les différents documents à remplir ou à avoir sur soi pour pouvoir entrer dans le pays. Me voilà à Valence, pour la deuxième fois dans ma vie. J’y avais passé une semaine de vacances entre amis il y a trois ans. Le métro jusqu’au centre-ville et l’immersion dans la langue espagnole finissent de me ramener sur terre. J’ai quatre heures devant moi avant de prendre un train qui me conduira à Cartagena, où l’équipage est arrimé. Je n’entame pas une visite de la ville avec mon sac de 13kg sur le dos. Posée sur un banc sur une place, je laisse le soleil me caresser la peau avant d’aller casser la croute dans un petit restaurant. Je me rends compte à quel point il est plaisant de s’attabler pour se voir servir un bon petit plat commandé. Les restaurants me manquaient plus que je ne l’imaginais ! Repue par un riz à l’encre de seiche avec du calamar, je trouve la force de me promener dans la ville. Je prends la direction du Marché central, au hasard des rues typiquement espagnoles. Je me retrouve quelques années auparavant et je me souviens avoir foulé les mêmes pavés accompagnée d’une fine équipe amicale. C’est pas grand-chose mais ça me rend heureuse. Je me dis que ce jour est le premier jour d’une grande aventure. Je ne sais pas de quoi est fait demain. Je ne sais pas ce qui m’attend, mais je me sens apaisée, calme et confiante.


La gare du Nord (Estacion del Nord) présente une très belle architecture à côté de son Colysée espagnol. Le train part et file à travers des paysages type méditerranée. Les quelques montagnes ajoutent un vrai charme et du caractère aux terres parcourues. Les villes paraissent le plus souvent sales et mal entretenues, vieilles et vieillissantes. En attendant que les cinq heures de train passent je commence ma formation voilier en visionnant plusieurs C’est pas sorcier, dans lesquels Jamy explique les rudiments des vents, des allures, du vocabulaire, de l’histoire de la voile, etc. Je me remets aussi rapidement à l’espagnol pour appuyer les deux, trois bases que j’ai en tête (manger et boire). Un problème sur la voie ferrée nous fait quitter le train pour continuer le chemin en bus. Nous arrivons à 21h45 à Cartagena. Indiana, un volontaire est venu me chercher pour rejoindre le port. C’est parti ! Au bout du quai, le bateau apparaît plus petit que lorsque je me l’imaginais. L’équipage est grand, il y a beaucoup trop de têtes. J’ai faim, je suis fatiguée, mais tellement heureuse. En plus, ils sont en train de visionner un C’est pas sorcier. Ce sont vraiment de bonnes personnes ! Je m’installe dans ma cabine toddy que nous partageons à trois. Une des plus petites cabines, mais très bien située. Je ne fais pas long feu et je vais me coucher pour recharger les batteries. Demain, la journée commence tôt et elle sera longue !

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Publié le 31 mars 2021

Chaque matinée démarre par un petit déjeuner pour recharger les batteries : compote, pain fait maison, confiture, pâte à tartiner chocolat noir, miel, etc. A la suite duquel, après que chacun.e aie lavé son petit déj’, une petite réunion s’installe dans la salle de bar. Pour la première journée, une équipe part en dépollution sur la côte et l’après-midi sera consacré aux projets associatifs.

Ça part sur 7km de marche pour rejoindre la plage à dépolluer. Le temps de faire connaissance avec les membres de l’association, de se mettre au goût du jour au niveau des aventures passées, etc. Arrivés sur les lieux, l’organisation est rodée. On étale une bâche sur le sol, on place les panneaux des différents types de déchets pour la catégorisation. Le but étant de faire de la science participative en catégorisant les différents déchets ramassés, de les recenser et de tout noter pour en référer à une association. Situé entre un parking et une plage, le lieu est jonché de déchets dont des mégots, des emballages plastiques et des mégots, entre autre. Cette matinée aura permis de dépolluer la côte de 55kg de déchets en tout genre. C’est une petite collecte, comparée à ce qu’ils ont déjà fait, mais les effectifs étaient réduits pour cette dernière.

Nous arrivons pile poil pour le déjeuner avec un événement spécial : l’anniversaire de Gaëlle, une bénévole qui a rejoint le Kraken depuis une semaine. Un super gâteau est partagé entre tout l’équipage.

Une pause s’impose après ce festin de roi. Le filet de beaupré semble être un bel endroit où se poser pour profiter du soleil et du vent dans les cheveux. Arnaud, un bénévole arrivé deux jours auparavant me fait une pré-formation voiles et mâts. J’apprends les premiers termes et le vocabulaire utile pour comprendre ce dont on parle sur ce rafiot.

La réunion projet de 15h débute l’après-midi. Il y a cinq pôles :

  • Zéro déchet : il est primordial que le Kraken honore son titre de bateau zéro déchet grâce aux recettes maison de l’équipage. Du liquide vaisselle, au dentifrice en passant par le déodorant, tout est fait maison ;
  • Science participative : les dépollutions servent également à caractériser les déchets, pour en référer à des associations qui mettent en avant la participation citoyenne dans la science ;
  • Revalorisation : pour imaginer le recyclage des déchets récoltés pendant les dépollutions ;
  • Navigation : afin de prévoir les grandes étapes de navigation, les arrivées dans les ports, lieux de mouillage, etc.
  • Sensibilisation : la sensibilisation et l'information sont les maitres-mot de ce pôle, afin de prévenir la création de nouveaux déchets auprès des différents publics.

Sans grande hésitation je rejoins le pôle zéro déchet. Nous venons doubler l’effectif de ce groupe avec une nouvelle embarquée, comme moi. Notre mission du jour est de trouver du savon de Marseille, de l’oxyde de zinc et de l’argile verte pour confectionner de nouveaux produits tout en débrieffant sur les prochains projets zéro déchet. Soit, tourner des petites vidéos pour expliquer les recettes testées à bord du Kraken. Une petite balade en ville pour trouver tous ces petits produits nous permet de digérer le bon repas du midi. Malheureusement, nous voilà en Espagne ! Les boutiques sont fermées en début d’après-midi. Vu que c’est l’heure de la sieste, nous rentrons, non sans avoir trouver du savon, bien qu’il ne soit pas de Marseille !


Après la réunion de restitution, nous embarquons pour un safety tour des plus sérieux. L’objectif est de connaitre les règles de sécurité, les actions à mener en cas d’incendie, panne, homme à la mer, etc. Ca fait un petit coup de pression. Je me rends compte réellement des risques pendant la navigation. Il faut être prêt à toute éventualité et avoir les bons gestes, les bons réflexes, rapidement. Mon sang froid vaêtre mis à rude épreuve, je le sens.

Un petit apéro en ville se prépare. Je décide de manger au bateau et de faire honneur au repas que les "cooks" nous ont concocté. Une équipe rejoint la première en terrasse. Tout l'équipage arrive au compte-goutte pour terminer séparé sur quatre tables différentes (covid oblige). Les discussions vont bon train, les verres également. Nous fêtons l'anniversaire de Gaëlle tout de même ! Le couvre-feu nous renvoie dans nos pénates assez tôt dans la soirée.

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Publié le 2 avril 2021

Le brouillard se dissipe peu à peu de mes yeux. Le soleil vient caresser mes paupières alors qu'Hélène ouvre les rideaux. Une journée ensoleillée nous attend. Cette journée commence par une trempette dans la piscine pour nos deux folles Manon et Hélène, avant d'aller chercher le petit déjeuner dans une bonne Boulangerie. Ça regorge de pâtisseries, de fruits, de sucre, de chocolat, de miam quoi ! On réfléchit à acheter la boutique avant de se raviser et de se ravitailler en brioche, croissants et jus d'orange. Obregada !


Hélène, Manon et Louise

Prêtes à attaquer la journée, nous partons louer une voiture avec Hélène. La team balade est de nouveau en train de fouler les trottoirs ! L'affaire est vite vue pour la location. Pas de caution, pas de tour de la voiture, une simple explication sur la manière de démarrer et hop salut ! Je me méfie tout de même et indique à Hélène qu'il serait préférable de prendre en photo toutes les écorchures au cas où. C'est du boulot ! Il y en a toute une ribambelle !

Nous allons chercher les deux autres à l'appartement et on the road again ! Nous roulons en direction de Porto Moniz, dans le nord de l'île, pour y découvrir une merveille de la nature. En une demie heure nous avons traversé ce bout de terre, vallonné de montagnes. Les routes serpentent entre vallées et pic montagneux. De l'autre côté, les vagues se dessinent en beaux rouleaux avant de s'échouer sur les rochers. La côte est abrupte, taillée dans le basalte par vents et marées. Nous la découvrons entre deux tunnels, éblouis par la beauté du paysage. Nous arrivons enfin sur la route qui longe la côte. Seixal est la première ville que nous traversons. Un restaurant perché au dessus de la plage nous fait de l'oeil. Qu'à cela ne tienne ! Une halte s'impose à la terrasse du dessus pour prendre un verre à notre santé et à cette journée qui s'annonce très bien. La vue est imprenable sur les vagues, les rochers, les petites maisonnettes au loin, la végétation, les cocotiers, etc. De petites discussions au soleil n'ont jamais fait de mal à personne, surtout en bonne compagnie. Les effluves des bons petits plats du restaurant du bas nous chatouille les narines. Jusqu'au moment où nous décidons que nos estomacs ont libéré assez de place. La journée continue avec toujours la même vue, trois étages plus bas, en terrasse. Le serveur nous apporte deux cassolettes de bacalau et une assiette de poulpe avec des frites. Quel régale ! La morue est finement mélangée avec une purée de pommes de terre et des épinards. Le poulpe est assaisonné avec le plus grand soin, ce qui le rend tendre et goûteux.


Il est 15h00, nous sommes repues, prêtes à entamer le reste de la journée. Nous reprenons la voiture pour continuer notre route vers Porto Moniz. Connue pour ses piscines naturelles, de nombreux touristes s'y pressent chaque année. En ces temps de pandémie mondiale le lieu est relativement vide. Cela nous laisse tout le loisir d'en profiter comme nous le souhaitons. Quand bien même certaines parties des rochers ont été bétonnées, je reste subjuguée par la beauté de l'endroit. L'eau apparaît tantôt bouillonnante et tourmentée, tantôt lisse comme un miroir. Le contraste est saisissant. Nous installons nos affaires dans un recoin pour nous préparer à aller goûter l'eau. Glacée ! Le froid me laisse figée dans ces eaux turquoises. Mon côté breton reprend le dessus et je plonge d'un coup. Je ne suis pas du genre à m'arrêter pour quelques frissons. Finalement, une fois qu'on est dedans, l'eau glisse tranquillement sur la peau et stimule le corps et l'esprit. Je nage un peu dans les rochers jusqu'au débordement de la piscine naturelle. L'eau ruisselle dans une cascade avant de se déverser dans le remous des vagues déferlantes sur la côte. J'aurais pu rester des heures, les yeux perdus dans l'écume, les pensées noyées dans les tourments liquéfiés. J'avais trouvé la position idéale, le tronc hors de l'eau réchauffés par les rayons du soleil et les jambes au frais. Malheureusement, ici aussi existe le couvre-feu ... Nous devons nous arracher à nos rêveries humides pour rentrer sur Funchal.

19h00 arrive et les filles me ramènent au bateau. Une nouvelle équipe se prépare pour aller passer la soirée et la nuit sur la terre ferme dans l'appartement. Je cède ma place et reviens occuper mes obligations sur le bateau : faire la ronde nocturne.

L'ambiance est à la rigolade et a la bonne camaraderie a bord ce soir. Nous dégustons un petit punch fruit de la passion fait maison alors que la chaîne du marnage a été sortie sur le pont pour réfection. Ça tape de la rouille a grand coup de marteau sur le pont avant. Certain.e.s (dont moi) se réfugient sur le pont arrière pour être un peu plus au calme et profiter des derniers rayons du jour.

La suite de la soirée n'a rien d'exceptionnelle entre dîner, film et assoupissement. Je me couche de bonne heure pour être en forme pour le lendemain. Une grosse journée de randonnée m'attend.

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Le réveil matinal est d'une douceur infinie quand je pense à la journée qui m'attend. Une équipe de huit se prépare à rejoindre un guide madérien. Il va nous mener dans la forêt primaire de l'île. Une des premières forêts sorties de terre et préservées jusqu'à aujourd'hui : Laurissilva.

Avant cela nous embarquons pour une bonne demi-heure de bus. Notre guide, Miguel, en profite pour s'introduire. Il est le premier guide randonneur de Madère. Ayant commencé à parcourir les nombreux sentiers de cette île a partir de quatre ans, tout ce qui la compose n'a plus de secret pour lui. Sa paix était tracer. Il a commencé pour le plaisir et vit désormais de cette activité. Il a formé toute une génération de guides à Madère et au Portugal. Il lutte aujourd'hui pour défendre cette forêt primaire de Madère, pour la faire connaître tout en la préservant. Toute l'équipe est excitée et enchantée à l'idée de passer la journée avec Miguel, prête à boire ses paroles.

Arrivés à destination, Miguel souhaite nous faire visiter un élevage de truite situé juste au dessus du sentier de randonnée. L'élevage de truite était un loisir au début. Les paysans ont construit des bassins sur les nombreuses rivières et a y faire grandir des truites. Peu à peu l'Etat a appuyé cette activité, pour qu'elle devienne commerciale. C'est ainsi qu'il est possible de trouver des truites arc-en-ciel au milieu de l'île.

Le sentier commence en contrebas de l'élevage, impeccablement aménagé. Comme la dernière fois, nous allons suivre une levada. Aujourd'hui j'ai enfin les explications au sujet de cette voie d'irrigation qui serpente le long de la randonnée. "Levada" signifie "aqueduc" en portugais. Les premières furent creusées au début du 15e siècle afin d'acheminer d'importantes quantités d'eau du versant nord-ouest de l'île, plus arrosé, vers le versant sud-est, plus sec mais plus habité et cultivé. On compte plus de 2 000 km de voie de levadas sur l'île. La plupart suivent le flanc des montagnes, mais des tunnels ont été creusés sur environ 40 kilomètres pour favoriser l'écoulement de l'eau.

De nombreuses promenades ont été aménagées le long de ces aqueducs. Comme celle que nous empruntons aujourd'hui. Le soleil reste caché derrière l'épaisse masse de brouillard humide, mais les corps se réchauffent vite en marchant. De toute façon, la végétation envahit tous les espaces. Elle est si luxuriante. Plus de 700 espèces de végétaux composent cette forêt. Miguel s'arrête de temps à autre pour nous décrire telle ou telle feuillage. Il est une vraie encyclopédie sur pattes. Quelques cascades des plus rafraîchissantes ponctuent notre randonnée, tantôt minuscule filet d'eau claire, tantôt torrent déferlant. L'humidité se fait ressentir à chaque pas. Des gouttelettes ruisselant sur la mousse nous tombent de temps à autre sur le haut du crâne. L'eau est potable et j'en profite à chaque mini-cascade. Je m'en met plus sur le visage que dans la bouche mais peu importe.

Nous marchons à flanc de montagne. De l'autre côté de la vallée, d'autres montagnes se dessinent dans le brouillard. On croirait avoir découvert Jurassic Park. Le paysage plonge dans une ambiance assez fantastique avec son épais voile, sa végétation luxuriante et son calme apaisant. Cette randonnée à quelque chose de méditatif, au coeur des éléments. Elle nous replace dans l'univers. Tous petits que nous sommes. Peu de discussions se font entendre. Chacun.e est émerveillé.e par le paysage.

Une pause casse-croûte s'organise. Marc retrouve à cette occasion une tablette de chocolat cachée au fond de son sac. Ça ne pouvait pas mieux tomber ! Pleins d'énergie, nous continuons jusqu'à rencontrer une belle cascade surplombant un bassin. Marc y plonge la tête la première tandis que j'y goutte l'eau avec mes jambes. Tellement glacée que je ne sens plus mes pieds au bout de quelques minutes. Ça ravigote ! La randonnée peut reprendre en toute quiétude.

Nous traversons la montagne par un passage souterrain. De l'autre côté, nous rejoignons la brume et nous nous enfonçons dedans. L'autre côté de la vallée est indiscernable. L'humidité plane tout autour. C'est féerique. Le chemin est taillé dans la roche, nous faisant serpenter entre les cascadelles et les pluies éternelles. Il n'y a rien à dire, seulement se connecter avec les éléments qui nous entourent.

Nous entamons notre descente sur une route pavée envahie par la gadoue. Petit à petit, une forêt d'eucalyptus nous entoure. L'odeur particulière de cet arbre nous enveloppe. Après la vue et le toucher c'est l'odorat qui est mis en avant. C'est une vraie randonnée sensorielle.

Nous atterrissons sur une route et prenons la décision de remonter un peu jusqu'à un départ de parapentistes. Un homme s'élance juste quand nous arrivons. Jayma, parapentiste à ses heures perdues entame la conversation avec un des hommes afin d'obtenir les dernières informations nécessaires pour son prochain vol. Il décollera dans les prochains jours pour sûr !

L'idée de nous reposer un verre à la main nous chatouille de plus en plus. Malheureusement, en ce jour férié tous les bars sont fermés. Nous n'avons d'autres choix que d'entamer le chemin du retour. Un miraculeux taxi garée au milieu de nulle part accepte de nous transporter jusqu'à Machico, d'où nous pourrons prendre un bus. Tout s'enchaîne impeccablement. Nous avons même le temps de déguster un fabuleux pain d'épice, spécialité de Madère en attendant le bus retour.

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Publié le 5 avril 2021

C'est une matinée réunion qui nous attend ce matin. 8h30 tout le monde est présent dans le bar. Les problématiques sont mises sur la table pour être résolu. Globalement, sont à relever des couacs au niveau de l'organisation et de la vie en communauté. Des solutions sont trouvées dans la bienveillance et l'écoute.

Julien, le président de l'association qui nous a rejoint la veille clôture la réunion en 'ous présentant les grandes avancées de l'année passée et le futur de Wings of the Ocean. L'année 2020-2021 a été pleine de surprise, avec de nouveaux projets de grande ampleur. Le Kraken continue ses dépollutions d'île en île, tandis qu'un nouveau voilier vient d'être mis à l'eau pour dépolluer l'étang de Berre. Au niveau de l'administration, nous rejoignons le groupe SOS comme la première association de dépollution marine a partir de jeudi. Les nouveaux statuts seront créés à l'issue d'une assemblée générale. En résumé, cela donnera une aide considérable à l'association en termes de financements, tout en gardant la main sur les actions menées et les différents projets. Deuxièmement, cela permet à Wings of the Ocean d'être officiellement propriétaire du Kraken, qu'elle rachète à Julien. C'est une concrétisation incroyable pour notre président qui en rêvait depuis le début. C'est l'instant émotion de la réunion.

Après trois heures d'intense discussions, nous sommes tous heureux de se remettre en jambe. Je file dans la chambre des cooks pour débarrasser notre chantier qui est désormais terminé. C'est une réelle satisfaction !

La cloche du déjeuner sonne enfin. Il est temps de faire le plein d'énergie avant de partir en dépollution. Direction Ponta do Sol et sa magnifique plage de galets sur laquelle se déverse une petite rivière. L'objectif du jour : remonter la rivière pour y ramasser le maximum de déchets. La tempête de la semaine passée a charrié une bonne quantité de boue mélangée aux déchets plastiques formés par les emballages et sacs plastiques déchirés. Je remonte tranquillement. Peu à peu je me rends compte de la pollution plastique qui a envahi les plantes présentes dans le lit de la rivière. Les racines, les tiges et le bois morts emprisonnent des quantités impressionnantes de morceaux de plastiques de tout type et de toute taille. Il me faut tirer, démêler, nettoyer et soulever les galets. J'ai les pieds dans l'eau la plupart du temps et dans la boue le reste du temps. C'est comme une thalasso ! Il faut voir le positif. Arnaud vient nous extirper du lit de cette rivière parce que la collecte est terminée. La caractérisation poursuit son cours alors que je discute avec des volontaires français expatriés à Madère. Ils nous ont rejoint de bon cœur et espère pouvoir visiter le bateau dans les prochaines jours.

C'est une belle dépollution, avec un total de 226kg de déchets. C'est autant de déchets qui ne finiront pas dans l'océan emportés par les eaux de la rivière.

Des volontaires nous ayant rejoint cet après-midi nous propose de venir boire et manger un petit quelques chose. Ils installent un bar en plein air tous les dimanche à l'endroit où se tient le marché de la ville. Tout le monde apporte un petit quelques chose à manger et le propriétaire d'une brasserie offre sa tournée. Quelques dizaines de personnes nous acclament lorsque nous arrivons. C'est la première fois que ça m'arrive ! Quelle sensation de satisfaction. On nous accueille bière à la main. Quelle chance nous avons de pouvoir nous regrouper tous ensemble en temps de covid. Il ne faut pas oublier que nous sommes des privilégiés.

Enivrés d'un bon moment, nous reprenons le chemin du retour en promettant de revenir dimanche prochain puisqu'il reste encore pas mal de déchets.

Les cooks se sont fait offert du piment. Un jeu s'organise : pour combien tu croques dedans ? Pas besoin de jouer, je croque. Dans un premier temps, ça pique la langue, puis la gorge. Ensuite, une sensation de chaleur m'envahit. Tous les goûteurs sont en PLS dans le bus, larmes aux yeux ... Quelle bande d'amateurs !

Le temps de se poser et l'équipe média nous invite à une projection en avant-première. Ils ont trois projets en tête, dont un se concrétise ce soir : une série "Depollution crew" retraçant toutes nos péripéties, nos rigolades, nos débats, et bien plus encore. Nous nous installons dans le mess, hublots fermés, projecteur allumé. Le visionnage commence. J'en ai des frissons, de revoir ces instants vécus pendant la navigation et nos premières dépollutions a Madère. L'émotion est forte entre tous les bénévoles. C'est notre aventure ! La vie à bord reprend son cours après une séance d'applaudissements intense.

Dans l'après-midi, deux bénévoles ont terminé la couture de la grand voile d'etai. Nous allons enfin pouvoir la hisser de nouveau ! Une équipe s'organise pour la remettre en place, dans la joie et la bonne humeur. Ça se passe toujours comme ça sur le Kraken. Faites que ça continue !

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Publié le 25 juin 2021

Après avoir passé deux semaines sur l'île de La Gomera, nous nous apprêtons à prendre le large. Dès le réveil, l'excitation se fait ressentir. Pauline, ma coloc' de cabine revêt son plus bel apparat de matelote : bonnet, lycra, pantalon de qui va bien et chaussure qui agrippé le pont. Le petit déjeuner ne s'éternise pas et tout le monde est en avance dans le bar pour la réunion.

Les officiers nous font état des prochains jours. Nous allons longé la Gomera par le sud pour ensuite suivre la côte ouest de La Palma. Passé seize heures de navigation nous devrions être à la pointe de La Palma. Nous naviguerons à la voile, avec appui moteur puisque le vent devrait être très léger en suivant le littoral. Entre la Gomera et la Palma et après la Palma pas contre le vent nous viendra de tribord avec un bon vingt nœuds. Il faudra être vigilant à la veille parce que nous traverserons une zone de pisciculture et un parc naturel. La météo ne sera pas clémente avec nous. C'est l'Atlantique les petits gars ! Eh bien ça promet.

Tout le monde est excitée. Pour beaucoup d'entre nous c'est la première fois en mer, pour d'autres, dont moi, ce sera le temps le plus long en mer. Personnellement, je suis heureuse de reprendre la mer. Le temps y est suspendu. Les pensées sont plus profondes. La fatigue reste présente mais elle permet de dormir à points fermés a toute heure du jour ou de la nuit. La cohésion de l'équipage est portée au premier plan. Les langues se délient et s'étendent sur les morceaux de vie de chacun dont on n'a pas le temps de parler.


Le départ est donné. Il est 10h30. Manœuvre impeccable. Tout le monde connaît son poste et ce qu'il a à faire. On prend appui sur la garde arrière pour décaler l'avant du bateau du quai. Puis le lamaneur largué la dernière amarre. C'est parti !Il est 11h passé. Le début de la navigation se fera au moteur. Je prends mon quart dans une heure. J'aimerais bien faire une sieste. Je suis déjà épuisée malgré tout le repos que l'on a eu ces derniers jours. Héloïse nous régale avec des galettes de sarrasin complète accompagnées d'une salade de choux. Le ventre plein, je finis de me préparer. J'ai un peu de temps pour écouter de la musique et me ressourcer avec une méditation.

Je commence par tenir la barre avec Camille, nouvellement arrivée sur le Kraken. Je lui explique ce qu'il faut savoir pour manier ce gros pépère de voilier. Son expérience à elle ressemble à celle d'un petit voilier avec lequel on joue avec la houle. Avec ce trois mâts, ce n'est tout simplement pas possible. On met tous un peu de temps avant de comprendre comment se comporte ce gros tas de fer. Elle se débrouille bien malgré sa petite taille qui l'empêche de voir correctement le compas. Nous slalomons entre les bateaux de pêche. Ça n'a rien d'un jeu et il faut être attentif parce que nous pouvons nous prendre dans des filets ou des lignes à tout moment.

Au bout d'une heure, la première rotation s'organise. Nous sommes relevées à la barre et nous passons à la ronde. Notre objectif pendant cette heure est de faire un tour du bateau a l'extérieur et a l'intérieur pour s'assurer que : tous les bouts sont rangés, qu'il n'y a pas de départ de feu, pas de voie d'eau dans les cales, que la chambre froide est bien fermée, bref que tout est en ordre. Nous reportons ensuite nos observations dans le cahier des rondes pour qu'il y est un suivi.

Le vent commence à forcer lorsque nous arrivons à la pointe de La Gomera. L'effet venturi nous pousse vers le large. Le vent venant du Nord-Ouest s'engouffre entre les deux îles et accélère. On établie les voiles rapidement, on déborde les baumes pour faire les derniers réglages. Le vent nous porte désormais. La houle se durcit, le bateau gîte. Les conditions changent. Nous passons à la veille sur le gaillard d'avant avec Camille. Les officiers nous indiquent de prendre des congés afin d'être attachée en sécurité. C'est le calme plat entre les deux îles, mis à part le vent. Seul un voilier en direction de la Gomera croise notre chemin.


Cela fait maintenant trois heures que nous sommes en quart. La dernière heure se découpe en 3x20minutes, soit 20min de barre, 20min de ronde et 20min de veille. Il ne se passe rien de spécial ni de croustillant. Je décide de m'affaler sur le pont arrière, au soleil. Je trouve la détermination d'aller chercher un livre, mais je finis par m'endormir au soleil, prise d'un soudain mal de mer. Je renonce à rester éveiller et je rejoins mon lit après avoir passé deux heures à faire la larve, étalée sur le pont, en demie mal de mer.


Je dors de 18h30 à 23h, d'une traite. On n'appelle plus cela une sieste à ce niveau-là. Je manque d'énergie mais les deux parts de pizza qui m'ont été mise de côté ne me font pas du tout de l'œil. Je me coupe un morceau de pain et je chope une banane avant de sortir sur le pont. La lune éclaire suffisamment pour y voir sans allumer les frontales. Je retrouve le quart d'avant. Ca discute et ça rigole. On debrief sur ce qu'il s'est passé. Rien de bien crépitant. Les voiles sont affalées parce que La Palma nous cache du vent. On devrait arriver à la pointe d'ici quelques heures, reprendre du vent et envoyer de la toile. Il y a en a marre du moteur qui tourne à plein régime.

Ce quart ressemble en tout point à celui de l'après-midi. A une différence près puisque la veille se fait depuis le pont arrière. C'est trop périlleux de veiller de l'avant, et surtout inutile parce que les feux de navigation, balises, bouées, etc. sont bien visibles de nuit. Comme je suis en formation pour devenir cheffe de tiers (la personne qui gère les manœuvres et le réglage des voiles), je pilote la manœuvre pour établir les voiles. C'est excitant et stressant à la fois. Je vais gagner en assurance avec le temps. Les étoiles sont magnifiques. J'aperçois deux étoiles filantes au hasard d'une veille sur le ciel. L'ambiance en quart de nuit est tranquille. Personne n'est sur le pont, si ce n'est notre quart, Jérémy (le média) et Héloïse (la cook). Ils sont tous deux hors quart et sortent un peu quand ça les chante.

Les quatre heures passent au rythme de l'eau au rythme d'une discussion sur les voyages et sur le Japon avec Héloïse. J'essaie de réchauffer et de soutenir Pauline qui est un peu brassé sur le pont arrière. Et finalement, c'est moi qui finit par être brassé. Nous dépassons la pointe de la Palma pour plonger dans le grand bain à la fin de notre quart. Cap sur les Açores ! Il est temps d'aller se coucher. La houle a raison de moi très vite. A peine descendue dans ma cabine, j'enlève mes chaussures, je vais pour enlever les trois couches de vêtements que je porte, mais je finis la tête dans le seau en moins de deux minutes. Rapide et efficace. Je vide et nettoie le seau et vais me coucher épuisée. Il y en aura d'autres, on finit par s'y faire à force d'être brassé par l'Océan. Ca ira mieux demain !