C'est parti pour une aventure au fil des bolongs (bras de la mangrove) ! Avant de grimper sur la pirogue, les petits crabes violonistes présentent leur ballet sur la plage. Certains creusent leur trou en y sortant de grosses boulettes de sable, et d'autres se servent de leur petites pinces pour former de toutes petites boulettes de sable. Les grosses boulettes sont mises de côté jusqu'à la prochaine marée montante où elles serviront à boucher l'entrée des cavernes souterraines.
Le reste du groupe nous rejoint et nous embarquons tous ensemble à bord d'une assez grande pirogue. A la barre, Edouard, se préoccupe de ce que nous observons. Ce piroguier attentif ralentit au fil de nos discussions pour que nous puissions regarder de plus près les huîtres de mangrove. Ces huîtres s'accrochent directement sur les racines d'une certaine espèce de palétuvier (rhizophora), elles grossissent et sont récoltés par les piroguiers, pas toujours de la bonne manière. Certains sont respectueux de cet écosystème et prélèvent les huîtres une par une sur les racines sans endommager l'arbre, alors que d'autres coupent les racines à la machette. Cet geste irresponsable est une des causes de la déforestation de la mangrove.
Un peu plus loin le brouillard dévoile Ehidje, l'île des féticheurs au fil de l'eau. Pour faire une aparté, il est vrai que nous n'avons pas eu de chance avec le temps maussade de ce week-end. Cette grisaille est en fait due au sable qui s'est envolé de Mauritanie pour venir obscurcir le ciel sénégalais pendant quelques jours. Revenons sur cette île singulière. A l'origine du village, il y a un pêcheur venu s'installer pour gagner sa vie. Lorsqu'il arrive sur l'île, le pêcheur, aussi grand féticheur, rencontre un esprit qui accepte qu'il s'installe ici, à condition qu'aucun humain ne soit enterré dans cette terre. Le marché est conclu. A la mort du pêcheur, ses enfants l'enterrent tout de même sur l'île, ne croyant pas à l'histoire que leur avait conté leur père sur cet esprit. Le lendemain pourtant, la terre a refusé le mort et la ramener à la surface. Depuis lors, les morts de ce village sont enterrés sur l'île voisine.
Le premier arrêt se fait sur la plage d'Elinkin. Ce village abrite une population vivant principalement de la pêche. Nombre de pirogues sont accostées à la plage. La ville en elle-même n'a rien d'extraordinaire à offrir. La seule grande rue est peuplée de petites boutiques et elle mène jusqu'au séchoir à poisson. L'odeur y est assez repoussante et la vue ne laisse pas place à la rêverie, mais c'est une bonne activité financière pour l'île. Juste à côté de là se trouve le campement villageois dont la seule attraction est l'enclos à crocodiles. Ils sont là pour que les touristes aient la chance de pouvoir les observer, les pauvres ...
Nous mettons enfin le pied sur l'ultime étape de notre voyage au fil des bolongs : Carabane. Située à l’embouchure du fleuve, cette île est l’ancienne capitale de la Casamance, à l'époque coloniale. Les derniers vestiges de cette période sont encore debout. Nous avons l'Ecole spéciale dans laquelle on envoyait les esclaves récalcitrants, une sorte de maison de redressement à la mode coloniale. Les bâtiments sont laissés en ruine, sans entretien ni explication sur ce qu'il s'est passé en ces lieux. Juste à côté est l'ancienne maternité et poste de santé, puis "l'église bretonne" tout juste rénovée. Malheureusement ses portes étaient fermées.
En entrant plus dans le village nous commandons des habits chez "Paco Carabane", le tailleur de l'île, puis nous continuons jusqu'à l'école primaire où les enfants jouent au foot dans la cour. L'ancien cimetière abrite la tombe d'un capitaine français mort en Casamance. Il désirait se faire enterrer sur cette île, face à l'Océan, avec son chien. Ses officiers l'ont donc enterré là debout. Drôle de tombe.
Nous retournons là où nous avons débarqué par la plage. Cette grande étendue de sable est paradisiaque, pense-t-on, lorsqu'il y a du soleil. De nombreux hôtels ou campements sont cependant laissés un peu à l'abandon sur le bord. La propreté laisse également à désirer sur toute la longueur, c'est dommage. Des pêcheurs tendent des filets depuis le matin pour attraper du poisson, mais la journée n'est pas très bonne.
Nous avons déjeuné dans un restaurant en bord d'Océan, le temps de digérer, et nous sommes repartis pour faire le chemin inverse et regagner nos pénates.