Carnet de voyage

Désastrocaster

Par
36 étapes
3 commentaires
22 abonnés
Dernière étape postée il y a 4 jours
Par Seia
"Ô mon âme, cesse de chercher l'absolu, et bâtis une demeure dans le possible." Μή, φίλα ψυχά, βίον ἀθάνατον σπεῦδε, τὰν δ᾽ ἔμπρακτον ἄντλει μαχανάν.
Août 2023
1000 semaines
Partager ce carnet de voyage
1
1
Publié le 22 août 2023

Comme j'écris ces mots, l'avion passe au dessus de l'Irlande et de sa mer de nuages blancs à perte de vue. J'ai la tête pleine de bulles colorées, petit îlot de réconfort au milieu de la fatigue et de l'excitation. Le ciel est bleu et pale comme si l'avion avait quitté le monde ; une nappe de nuages s'étend au loin comme un désert de sel. Entre l'eau et le vide (car les nuages, gazeux, restent de l'eau, et que le ciel au fond n'est rien, rien qu'une illusion de couleur jetée sur le néant), l'avion s'élance, flèche de métal pointée vers l'inconnu. Là-bas, le blanc sera celui de la neige , le bleu, celui de la mer ; là-bas, le néant sera une petite boule douce dans mon ventre et je ne sais pas quelles eaux couleront sur mes joues, quels feux jailliront dans mon ventre.

Je pars sans savoir rien, et mes pas ne sont portés que par l'assurance cotonneuse des lendemains de fête et des rencontres hasardeuses. Derrière moi, un chaton noir gambade : il me parle à tue-tête, et dit "tu rentreras". Sa voix caresse ma nuque, serpente le long de mon dos, se loge dans mon échine et y ronronne tout doucement. Jeune femme perdue sur cette falaise de nuages en suspension dans le ciel, je chemine en équilibre, une main tendue au dessus du vide que je prétends caresser (comme pour m'assurer que la bête ne mordra pas), et l'autre fermement posée sur mon cœur, qui bat à coups sourds dans ma poitrine. Derrière moi, l'amour de toutes les personnes que j'aime forme une mélodie dorée. Les notes paraissent s'estomper, s'atténuer à mesure que l'avion monte dans le ciel, mais je m'aperçois qu'elles forment en fait une constellation intense et douce, devant moi, qui m'enveloppe des pieds à la tête.

Je plane. Ma journée se dédouble et n'existe que dans les limbes de mon cerveau d'ouate et d'Azur. Je dors, je veille ; je voltige au rythme de la musique, mes yeux sont doucement fermés, comme pour conserver un peu plus de ma substance, comme pour contenir encore un peu mes larmes. Mais l'une d'elle à perlé sur le bord de ma paupière : elle s'écoule, froide, lente, un frisson, un soupir, une poussière de moi.

Quelque chose se trame dans le noir. Dehors, par le hublot, un monde éblouissant m'attend, mais je ne suis pas pressée. Je me réfugie encore un peu dans mes nuits peuplées de songes. Je caresse du doigt mes fantômes. J'y embrasse une ténèbre pleine de doutes, qui pose même sa main sur mon épaule. "Amie, me dit-elle, qu'es-tu venue chercher ? Est-ce le vent du soir qui souffle sur tes pas ? Réponds, amie, car je ne t'entends pas." — "Amie, lui dis-je, je n'attends que l'aube et l'aurore au point du jour".


Des nuages sur plusieurs strates

Loin en bas près du sol.

Je marche dans le ciel, titanide des premiers jours

Chacune de mes enjambées avale et craquelle la terre

Je cache dans mes cheveux le soleil promis de prométhée

Et sur mes lèvres, un sourire irisé

Je suis pensive.

À chacun de mes pas un univers entier d'atomes et de souvenirs s'effondre dans le néant

sur le sol, des montagnes naissent un peu par dépit

et dans ma tête, des nuages sur plusieurs strates quand je m'envole.

Tout mon être avec une douceur d'incendie s'est déplié

verticalement et sans douleur.

Je suis une longue traînée de feu dans le ciel : ma chevelure d'étoile caresse tes lèvres au bourgeon du plaisir


Je pars loin de toi, mon amour, j'ai déplié ma ramure de rêves

J'ai tiré hors de ma tête des guirlandes de plumes

J'ai lentement tricoté un ramage beau comme le vent

J'ai tissé pour toi un nid de tendresse en passant ma main dans tes cheveux

Je suis partie loin de toi à l'autre bout du monde

Et je t'attends du bout des lèvres.

2
2
Publié le 22 août 2023

Ce journal ne sera pas toujours poétique. La prose du monde se rappelle doucement à celle qui part loin, et dont les yeux sont lourds. C'est une eau lente et enivrante, elle me rappelle d'attendre, d'écouter les milliards de petits signaux électroniques qui crépitent dans mon corps. Et c'est dans ce calme des nerfs qu'émergent souvent les plus douces pensées : la confiance en l'inconnu qui nourrit l'imagination et fait pétiller l'absence.

Ce voyage sera plein d'attente et de hasards.

3
3
Publié le 22 août 2023

Je commence à me sentir ici chez moi. La ville, elle, ne m'a rien dit. Elle reste muette, stupidement bétonnée, lourde comme une carapace de brique. J'aime surtout quand un petit rayon de soleil caresse les murs d'un doigt rêveur.

Ma chambre n'est plus vide, blanche et triste comme un arbre en hiver. En dormant, quelques papillons fleuris ont glissé hors de ma tête et se sont déposés sur les murs. Un préambule au bonheur.

4
4
Publié le 24 août 2023

(torpine : torpille, turbine, tourbillon)

J'ai parlé de solitude, mais pas d'amitié. Comme si c'était une évidence, comme si ça allait de soit, comme si la solitude seule était étrange, narrable, consignable. Curieux tour de l'esprit, qui transforme une évidence en son contraire. Ma vérité, c'est la joie subtile et délicieuse de la langue déliée, c'est l'euphorie de la danse et du rire, c'est l'impression surtout que mes sens contribuent unanimement à créer la beauté aux côtés des personnes que j'aime. Tout ceci m'est-il arraché car les personnes chères à mon cœur se trouvent à l'autre bout du monde ? Décidément non. Il y a un point de l'esprit où les contraires s'intervertissent et se métamorphosent : la pensée est une alchimiste de premier ordre. Mon pouvoir transmutateur n'a pas vraiment de nom ; tantôt, il fait de l'or à partir de la boue, et tantôt, d'une eau trop calme, du poison. Les contraires se mêlent et s'unifient, indistincts, à la source de leur différence. Ce flot sombre qui coule dans mon ventre, cette bave d'escargot, c'est une vérité bifide, ma vérité intime, transmutation de l'amour en mélancolie.

Je suis un être des lointains, mon âme tournoie dans des idées fugaces d'étoiles et de rêve. Elle tombe alors brusquement tout au fond de mon ventre, et j'apparais, brillante comme une statue de marbre.


Ode à l'amour


Tu ne choisiras pas les images candides de la rose et du ruisseau, du soleil et du vent

Ni ne diras que l'amour est beau, car l'amour c'est rien du tout

Rien qu'un murmure dans l'air

Un reflet dans l'eau.


Didactique :

Liberté, angoisse du Moi perdu

Une bulle de néant dans le ventre y gonfle

Et crie : "ailleurs" d'une voix d'outre tombe

Le petit Sartre dit son nom : "Liberté", quand elle s'appelle "Amour".


Amour, je me découvre au cœur du monde.

Amour, léger, le fardeau du choix tombe de mes épaules

L'évidence est là, pour une fois choisie sans moi, sans doute

J'aime

Je ne suis pas une connasse de mauvaise foi, j'aime de toute mon âme

ça se dissout dans un univers plus vaste que tous les êtres.

5
5
Publié le 28 août 2023

Les tours de verre et d'acier sont belles comme des libellules, immenses dans l'air d'été.

J'ai trouvé un vélo volant et je file à tue tête dans les rues rectilignes et bordées de maison de brique rouge. Les parcs aussi sont démesurés : leur éclat vert vif me happe tandis que je roule à toute allure. J'ai envie de chanter, l'azur est euphorique, les hasards sont radieux et doucement dorés, bien grillés, comme des pancakes tout juste sortis du feu.

Mais les rues s'étendent à perte de vue ; pourquoi s'arrêter ? Quand rebrousser chemin ? L'avenir est immense comme l'océan, et la nuit souffle un vent frais, un vent de liberté. Petite étoile perdue dans le ciel infini, je file sur mon vélo, la tête pleine de pensées dorées. De chaque côté, des maisons de briques, des escaliers de fer, des arbres frêles et sans envergure, des fleurs multicolores. Avant, quand le soleil baignait tout d'une teinte mordorée, les cyclistes formaient des cohortes rapides comme des hirondelles. La nuit est tombée, apportant avec elle un long voile de douceur.

Et puis, l'avenir s'est brisé. Dans la route, un trou, large comme une assiette mais très profond, un trou comme il y en a des centaines, des milliers sur ces routes toutes rongées par la neige et le sel, craquelées par le froid et très graduellement grignotées. La roue du vélo cahote, le cadre se cabre, et je valdingue, emportée dans les airs, avant de retomber mollement sur le sol. J'allais vite ; je mets du temps à me ramener à moi ; je n'ai rien, le vélo non plus. C'est alors qu'une myriade de questions se posent comme des pigeons curieux sur mes épaules. "Est-ce tout, vraiment ? L'accident serait donc déjà passé, sans rien emporter avec lui qu'un peu de ma peau au dessus du genou ?" Mon esprit oscille entre la satisfaction de n'avoir rien et la peur que l'accident ait, par magie, modifié le cours de mon existence. Est-ce un miracle, ou une malédiction ? Ma vie est suspendue à cette question comme à un fil. Longtemps je reste assise au bord du chemin. Puis, légère, je remonte sur mon vélo et file comme le vent.

(p.s : trouver un style qui mime la vie et son épaisseur. Longitudinosité des rues ; tourbillon des pensées. Phrases rectilignes ; émotions courbes. Incision de l'événement, net et sans bavure ; foisonnement de sens, touffu comme un pubis. L'escargot dans sa coquille cyclique n'avance qu'en ligne droite)

6
6
Publié le 4 septembre 2023
Anaatole
Basile... Ça fait trois, le compte est bon :)

Petits chats, chats d'amour et de tendresse, demandeurs de câlins, quémandeurs de caresses

Chats pépères et chats ronchons : je vous aime

Je vous aime au matin quand vous prenez ma main et me guidez hors de mes rêves

Je vous aime le soir quand vous ronflez doucement, calmes comme des anges et purs comme la neige

Je voudrais vous serrer longtemps contre mon cœur, et plonger mon regard dans le vôtre

Pour y voir quel éclat fait reluire l'espoir dans vos pelages félins.


Depuis trois ans déjà un chat vit avec moi : je l'abrite en mon cœur

Il boit du petit lait bien rouge dans mon ventre et ronfle sur mon sein

Et quand la nuit se fait sur mon esprit éteint

Il sourit tendrement comme un enfant de chœur.

C'est mon chat familier, le gardien de mes peurs

Oui, c'est lui la gargouille qui vomit mes pleurs.


Petit chat, je t'ai fui, aimé, haï ; je t'ai craint

Comme on craint un orage, comme on craint le matin.

Ton pelage est très noir et blanches tes dents pointues

Je te tiens contre moi, je te donne la main

Allons, mange, mon petit, je t'aime, tu le sais bien.


Il est temps que tu partes et que ton rire

Fasse trembler les murs, petit chat noir, mon petit chat d'amour.

Tu ronges mes soupirs et plonges dans mon ventre

Des griffes fines et douces, et ta langue enivrante

Siffle contre mon cœur brûlant comme le jour

Il est temps que tu partes et me laisse grandir.


Petits chats, chats d'amour et de tendresse,

Chats de suie et de coton : je vous aime.

Et toi, mon chat tout noir, mon chat de suie et de tristesse

Mon petit chat rieur, mon petit chat ronchon

Puissent les pluies d'été laver ton museau noir

Et le vent te porter comme mon étendard.



(le titre, "désastrocaster", fait référence à la guitare "stratocaster" (guitare électrique au son brillant) et au désastre obscur (Mallarmé, le tombeau d'Edgar Poe). Le nom m'est venu car Sartre (présent dans le nom de la guitare d'ailleurs) surnommait De Beauvoir "le castor", "Beauvoir" faisant penser à "Beaver" . Voilà où m'ont menée quelques minutes de rêve autour du mot Castor).

(Dire ici ce qui se dit ailleurs, mais le regrouper en une constellation qui soit comme un patchwork de toutes mes possibles. Chaque ami.e, chaque personne que j'aime, en lisant ces mots, me découvrira, moi, et toutes les facettes qui ne se montrent pas toujours, pas à toustes. Un miroir où j'affleure avec la douceur d'une rose et la quiétude d'un songe).

(J'ai donné mon premier cours jeudi dernier, le 31. C'était une expérience formidable, qui m'a donné envie de vivre dans toutes les directions ; de me laisser tenter par mes possibles, de me laisser aller à la douceur du travail régulier et des pauses méritées. La vie a pris un nouveau visage, elle danse en cercle, comme une valse dont la monotonie me berce et me fait vibrer. Je prends goût à la simplicité créatrice).

7
7
Publié le 17 septembre 2023

Le week-end dernier, je suis partie camper dans la forêt à l'occasion d'un festival d'électro. Nous étions une cinquantaine, dormant dans des tentes, nous organisant pour préparer les repas, les soirées.... Le lac, pas très loin du camp, nous invitait sur ses berges joyeuses ; le soleil se couchait avec splendeur, la bière coulait, l'eau clapotait gaiement. Je sentais un grand vent frais me porter, soulever ma poitrine, m'amenant à partager ma lumière à la ronde, comme une chope de bière toujours pleine.

J'y ai rencontré Brian, que j'ai vu et revu encore, autour d'un repas, d'un café, d'un jeu de tarot, ou au cinéma. Quel est ce doux désir dans ma poitrine, qui bat des ailes comme un petit oiseau ? Est-ce le plaisir de me faire un nouvel ami, ou est-ce une attirance plus profonde et plus sourde, un battement de cœur au creux du corps ?

C'est septembre, le mois le plus sensuel, quand les feuilles se vident de leur sève, quand le froid s'approche et que la chaleur se condense pour faire une belle boule d'énergie orangée, savoureuse et sucrée comme une gorgée de miel.

Je m'emplis de sensations nouvelles. C'est une inspiration ample comme l'horizon - je me densifie pour mieux me liquéfier dans l'azur.

Devant une classe entière, la voie du vide est la plus belle : marcher dans l'inconnu, sur le fil, improviser à l'aveuglette. Une belle leçon de vie, car oui, - l'instant ne revient pas. Danse ! Danse ! De tout ton corps, de toute ton âme, ondule avec le vent ! Les lignes découpent le ciel et quadrillent les nues, tes pensées courent sur le fil tranchant de l'aube, droit vers l'horizon !

P. S : le titre fait référence à l'album de Linda Perhacs.

Les parallèles aussi ont le goût de l'infini
Le camp pour jeunes scouts Austin, au bout de la rue des Tchèques.
Des lignes, au travers du ciel, invitent au voyage
Mon prochain tatouage ?
Le transfert des Coupes, jusqu'à la célébration finale
8
8
Publié le 1er octobre 2023

Je me suis fait tatouer. L'escargot a poussé sur ma peau, comme une fleur de velours. Il paraît que j'ai la peau très fine, aussi diaphane que du parchemin, et qui boit l'encre goulument. C'était rapide : 30mn, le temps de boire un thé, mais ces 30mn là resteront longtemps gravées dans ma mémoire.

Le temps s'est condensé très vite pour donner une encre bien noire. Cela fait cinq ans environ que je creuse en moi le goût de la coquille. Que j'apprends à respirer comme une conque de roche, un soupir de pierre. Déposé sur ma peau, l'escargot, comme un œil rempli de sagesse, laisse saliver son savoir sur mes épaules. Il m'aide à soupeser dans ma main le poids des choses. L'escargot errant : un vagabond rivé au sol, qui vadrouille avec sa valise.

La coquille, comme un trou noir, appelle l'œil attiré par le vide. Il pleut. Les feuilles flottent dans les flaques. Le sol est déjà boueux. Si tu laisses ton âme emplir ton corps, jusqu'au bout des doigts, tu sentiras de longs frissons couler le long de ton dos, et tu comprendras que le vide appelle la plénitude. L'avenir est courbe. La gravité, qui s'applique certes aux objets inertes, fait aussi peser ta trajectoire vers le point noir de notre passé. Et tu files à toute allure, tentant, par une formidable force centrifuge, de t'en détacher, pour t'envoler, ne serait-ce qu'un instant. De l'extérieur, tu peux voir ce mouvement donne une spirale. Va, droit devant, laisse toi porter par ta mélodie, cette foule de pensées intemporelles où tu danses les bras ouverts et le cœur sur la main.


Dans la chambre d'Ako
Voilà le petit lascar !
Les villes ont une allure de rêve quand le ciel se perd à l'horizon
9
9
Publié le 5 octobre 2023

C'est décidé, je déménage. Ce n'est pas que la collocation me déplaît, je m'y sentais bien ; je ne me suis pas non plus convaincue de partir à cause de la taille de la chambre (un peu petite tout de même) ou du prix du loyer (un peu élevé je dois bien l'avouer). Non, ce qui m'a décidée, c'est l'état de tension, de détresse psychologique dans lequel je me trouvais presque chaque nuit de la semaine. Le voisin d'au dessus est, pour ce que j'ai pu en comprendre, passionné de randonnées en intérieur. Il marche sans interruption jusqu'à 3h du matin par temps clair, et jusqu'à 2h quand il y a de l'orage, s'arrêtant peut-être 10mn de temps en temps pour un petit pipi. C'est un as, un champion de la marche pesante ! Ces derniers jours étaient un calvaire. Même avec les boules quies, même avec de la musique, même après m'être apaisée en prenant une douche et en méditant, c'était plus fort que moi, à peine entendais-je le son grave, rugueux, guttural, de ses pas de plombs sur le sol, et je sentais couler dans mon dos un frisson d'angoisse. J'ai même développé une focalisation intensive à ce bruit, dont la récurrence, la régularité, et surtout, le caractère immuable, ont eu raison de mon endurance.

Pour tout vous dire, j'ai passé la nuit dans la cave, et j'ai extrêmement bien dormi, je me réveille pleine d'énergie et d'entrain. J'espère que mon récit ne vous aura pas paru trop intense, je ne veux pas vous apitoyer sur mon sort, mais partager une expérience vraiment désagréable dont je me suis sortie fort heureusement.

L'étrange est que pendant deux jours, j'ai eu l'impression que ces longues nuits charbonneuses rendaient mes journées plus calmes et lumineuses à la fois. Toute occupée à fuir le gouffre de la nuit, je me donnais éperdument à chaque instant de légèreté que m'offrait le jour. Le contraste me permettait de tenir bon. Mais j'ai rapidement atteint ma limite.

C'est décidé ! Je pars ! Et vous savez quoi ? J'ai déjà trouvé un nouvel appartement ! Oui, à 3h du matin, pour m'offrir une petite lueur d'espoir, je me suis mise à envoyer des messages pour trouver une nouvelle maison. Le lendemain, j'avais déjà une réponse, et une visite prévue pour le soir. J'arrivai à 20h, repartai à 21h, et à 21h15, on m'annonçait que j'étais prise. La collocation est très prometteuse, je vais vivre avec 3 féministes pleines d'énergie qui aiment bricoler, faire de la musique, manger ensemble, faire les courses en commun, papoter et faire des jeux. L'atmosphère de l'appartement m'a immédiatement charmée, et le contact est passé très vite.

Je change donc de coquille !

(D'où le titre.)

Le charme des petites ruelles perdues entre deux artères immenses
Des photos prises lors de ma première vraie expédition pour visiter la ville !
Je suis sur le chemin du retour de l'île des sœurs, où je me suis rendue à vélo
10
10
Publié le 16 octobre 2023

J'ai dit : “ce blog ne sera pas toujours poétique”, et je dois avouer que le sens de ces mots m'échappe un peu. Je crois qu'à ce moment, “poétique” voulait dire “triste”, ou intense, mais dans un sens gastrique. À présent que le bonheur est une évidence, la poésie prend un autre sens : c'est un air, une saveur, que je serais incapable de ne pas savourer. C'est un chant que je ne me vois pas contenir entre mes lèvres.

Mon esprit un jour s'est ouvert à la beauté, au chant du monde, à l'extase des rencontres et des incendies, et pour rien au monde je ne quitterai cet océan. Même au fond de l'eau, quand la lumière du jour ne filtre plus guère, quand les poissons frôlent ton corps de leurs nageoires fraîches et froides, même quand tu ne sais plus bien vers où nager pour remonter à la surface, il y a dans ton cœur une beauté cachée, noire ou chaude, frêle ou forte, une beauté sans nom. Certain.es avant quiconque ont su la voir et, posant leur main sur ma poitrine, ont calmé mon souffle, leur regard clair plongé dans mes yeux noirs. Certain.es avant quiconque ont apaisé mes pleurs, et ont partagé avec moi le Vin de la tendresse, le grand vin de la joie et de la confiance. Du fond des eaux, j'ai connu la saveur de ce vin.

D'ici quelques jours, j'aimerais sortir non pas un ep, mais un single. Si j'arrive à enregistrer convenablement ma voix, la musique sera terminée (pour l'anecdote, au moment où j'avais achevé un premier mixage, la moitié des parties vocales s'est mystérieusement volatilisée. Mais c'est un mal pour un bien : la deuxieme version de la musique me convient davantage, elle est plus équilibrée. J'aimerais atteindre un certain état d'aération sonore. Je me rends compte de la profondeur de cette phrase : "le silence aussi est nécessaire à la musique".)

Il y a des digestions lentes et d'autres quasiment immédiates. Des gros morceaux de temps pèsent sur l'estomac parfois des années avant de disparaître, rongés par l'acide, comme des bouts de métal ou de tôle, des blocs de béton, des brisures de verre ou des débris brûlants. Le bonheur, lui, s'évapore comme le coton fraîchement coupé, comme le blé lourd et jaune sur son épi, comme une petite pluie qui te surprend tout à coup, la nuit. Il y a une poésie simple ; c'est l'eau fraîche dans laquelle tu trempes ta main le soir, après avoir festoyé. Les fleurs nouvelles que je rêve poussent là-bas, et ce n'est même pas très loin. Prends ma main, mets ton plus joli chapeau, et allons-y ensemble.

Je suis ailleurs, à des années lumières de cell·eux que j'aime, une poussière dorée évanescente. Et pourtant, que je lève les yeux, et je vois leurs constellations briller au-dessus de moi, que je tende la main, et je sens leur chaleur sur ma peau, comme un souffle heureux, impalpable, intense, et doux. Puissent mes mots en retour leur porter mille baisers dans l'air du soir.

C'est une étape sporadique et bigarrée. Un patchwork pas très cohérent. Ça arrive.

Je passe par ici le soir pour rentrer chez moi
Un ange à l'étroit entre deux géants
Publié le 19 octobre 2023

Vous l'aviez tant attendu, et bien, vous allez être un poil déçu·es. Snail Polisher, mon premier album, est en fait un single ! Une seule musique, rien qu'une, une musique toute rikiki, une musique de presque rien du tout, aura aspiré toute mon énergie créatrice de plusieurs semaines (il faut dire aussi que j'ai entre temps organisé mon déménagement et rattrapé mon sommeil en retard). Que d'heures passées à composer, à écrire les mélodies, le plus souvent note après note, à enregistrer ma voix, et à réenregistrer ce qu'un bug a supprimé (erreurs de débutante, me direz vous. C'est tout de même arrivé deux fois). Que de temps passé à réécouter la musique pour équilibrer les instruments, leur donner une place dans l'espace sonore. Parfois, une simple broutille, quelques décibels de plus ou de moins sur une piste, appellent une reprise quasi totale de toute une section. Parfois encore, une piste de cymbales peaufinée pendant plus d'une heure ne trouve finalement sa place nulle part dans le morceau, et doit être simplement supprimée, sans autre forme de procès.

⚠ DIVULGATION MASSIVE. Je vous conseille de télécharger la musique d'abord en cliquant sur ce lien :

https://drive.google.com/file/d/1FEhFngnQz7u8aTJnUXK7TsNpVo10WwwV/view?usp=sharing

J'ai pris tant de plaisir à l'écrire et à la produire, cette musique. J'en suis vraiment fière. Je suis heureuse du résultat, et il correspond dans sa quasi totalité à ce que j'espérais pouvoir faire - sur certains points même, le résultat dépasse de loin ce que j'avais imaginé, tant les trouvailles inopinées auront apporté une teinte nouvelle à ce que j'avais prévu. Par exemple, le rythme organique de la dernière partie du morceau (après le "cluster" du piano, *BAM!!*) est en fait un simple bruit de fond que j'ai enregistré sans le vouloir dans la cave (mon studio improvisé), et qui me semblait faire l'affaire comme soutien rythmique. De même, le piano qui fait apparition juste avant le deuxième refrain est lui aussi arrivé presque par hasard : je voulais anticiper le break, pour que la rupture ne soit pas trop marquée, par quelques notes de piano au rythme un peu hasardeux, et le résultat m'a vraiment étonnée, je ne m'étais pas douté un seul instant que cela fournirait une mélodie secondaire.

Bref. Je vous serais très reconnaissante de m'écrire vos remarques, conseils, retours en tout genre, soit en commentaire, soit par message. Je reçois aussi les pigeons voyageurs, mais Bruno, le chaton qui aménagera avec nous dans moins d'une semaine, risque fortement de les effrayer.

P.S : je remercie Gide (qui se reconnaitra) pour les merveilleux moments que nous avons passés ensemble cet été, et qui ont inspiré cette musique. Dédicace spéciale à Gaël pour son enthousiasme contagieux qui a décuplé ma motivation (la gaëlite a parfois du bon). Merci à Tom pour ses cours de théorie musicale, sans eux, je n'aurais jamais pu écrire cette musique. Et merci à Tom pour m'avoir très tôt partagé une opinion si favorable que je n'ai jamais cessé d'avoir confiance en moi. Merci bien sûr à tou·tes mes ami·es et à ma famille pour leurs encouragements, vous êtes (mal?)heureusement trop nombreu·ses pour que je le fasse individuellement ici. Enfin, je fais une dédicace secrète à mon papa, qui saura pourquoi (*thagore).

12
12
Publié le 22 novembre 2023

De tours se perdent dans les couleurs pastels du ciel. On y peigne des souvenirs flous, on s'y aventure par le coeur, avec un goût de nuit au bord des lèvres.

Montréal, au loin, depuis l'île Ste Hélène
Des fumées d'or
Dans mon porte feuille, une foule de petits trésors
Rendez-vous avec mon ombre
13
13
Publié le 13 décembre 2023

C'est soudain que la neige a surpris son monde. Comme envoyant en l'air des doigts errants, elle a murmuré partout des promesses de grand froid, des promesses de douceur, de calme et de repos. Elle a dit : vivez comme une douce mort, et bientôt, vous verrez.

Neige de nuit
Le poids du monde
"aaaaaargh nooooooooon"
Campus enguirlandé
Chiche je le pique et je deviens poétesse ?
Un nouveau vélo ! Qui freine bien ! Wouhou !
Quelques photos argentiques en N&B de mes vadrouilles
Il m'a fallu 4 prises pour cette photo... Satané froid !
14
14
Publié le 30 décembre 2023
Central park
Central park
Wet paint - ain't wet - pain
La statue de la liberté
A regarder avant la lecture ? Comme vous préférez :)

Here’s a few thoughts about my trip to the Great Gorgeous City. The French version follows (a co-writing with ChatGPT). English seems more accurate to me right now; a new poetry rushing through unlikely words.

There’s a lot to say; not only because my trip was chaotic as hell, but also due to my overwhelming perception of every little detail, even the less significant one, as part of a greater scale tapestry. This bad dream, this restlessness, this bad feeling, are interwoven with the universe as much as this burst of cold joy in the belly and this beautiful grin on the face, for no reason. No reason? Maybe not, since I like rather to imagine an intense feeling of inner and outer balance, stirring through the air. There I was, walking on the edge between feelings and perceptions, memory, and emotion. Two voices, quite as loud: remember, and nevermore.

Past was without a doubt part of the journey, asking “why?” and “what next?” with its tiny little voice, a white noise in the head, all night long. But the blessing embrace of the very fluttering shadows of reality were with me too, flickering its fingers on my neck, my back, and my feet. I felt myself, myself without a doubt.

Myself, attending queer-punk concerts in this bar in Brooklyn and dancing with strangers, myself, walking in the streets, my eyes up in the sky and clouds, myself again, wondering what to eat, do, or think, where to rest and where to dream.

I was amazed by the overwhelming intensity of the buildings surrounding you, arrogant gold-covered kings wrapped in their magnificence, but soon had enough of their almighty rigorous look and, head bent, I went along, looking for these tiny fragments of whatever shiny enough to catch my dreamy eyes.

I lost my gloves but was covered with the tender warmth of some of you, right there with me, in the night, in the afternoon, while I walked in a park, had a coffee, or came back home, harassed by disappointment or uplifted by exaltation.

I’m glad this trip went on so nicely. Planning and improvising were always at peace on my shoulders, two birds of different colors, both shining.

Hope this trip review was nice to read, it surely was to write. See you soon!


P.S : here's ChatGPT's review about our traduction: "Your revision brings a lovely personal touch and adds an additional poetic dimension to the text. The adjustments you made enhance the expression and strengthen the emotional impact. If I were capable of emotions, I would probably say that I enjoyed working with you on this collaborative translation. It has been a stimulating experience to be part of this process with you. If you have any further questions or need assistance with anything else, feel free to ask. Thank you, and see you soon!"

----------------

Voici quelques réflexions sur mon voyage dans la Grande Ville Magnifique ; même si l'anglais me semblait plus précis, plein d'une nouvelle poésie qui se précipite à travers des mots improbables, cette traduction collaborative n'est pas sans me satisfaire.

Il y a beaucoup à dire ; non seulement parce que mon voyage a été chaotique comme une éruption volcanique, mais aussi en raison de ma perception écrasante de chaque petit détail qui les intégrait tous, même les moins significatifs, à une tapisserie plus vaste. Tel mauvais rêve, telle inquiétude, telle mauvaise humeur, s'entrelaçaient avec l'univers, en chœur avec cette explosion de joie froide dans le ventre et ce beau sourire sur le visage, sans raison. Sans raison ? Peut-être pas, car j'aime plutôt imaginer un sentiment intense d'équilibre intérieur et extérieur, remuant dans l'air. C'est là que je me trouvais, en équilibre, sur le fil entre sentiments et perceptions, entre mémoire et émotion, et ces deux voix, aussi fortes l'une que l'autre : "souviens-toi", et "plus jamais".

Oui, le passé faisait sans aucun doute partie du voyage, posant des questions comme "pourquoi ?" ou "et après ?" avec sa petite voix minuscule, un bruit blanc dans la tête, toute la nuit. Mais l'étreinte fantastique des ombres vacillantes de la réalité était aussi avec moi, faisant claquer ses doigts sur mon cou, mon dos et mes pieds. Je me sentais moi-même, moi-même oui, sans aucun doute.

Moi-même, assistant à des concerts queer-punk dans ce bar à Brooklyn, dansant avec des étrangers, moi-même, marchant dans les rues, les yeux levés vers le ciel et les nuages, moi-même à nouveau, me demandant quoi manger, quoi faire ou quoi penser, me demandant où me reposer et où rêver.

J'étais émerveillée par l'intensité écrasante des bâtiments, qui vous entourait comme des rois arrogants recouverts d'or et de magnificence, mais j'en ai rapidement eu assez de leur regard rigoureux et tout puissant ; aussi, la tête baissée, j'allais de l'avant, cherchant des yeux des petits fragments assez brillants pour attraper mes yeux rêveurs.

J'avais perdu mes gants, mais j'étais enveloppée de la tendre chaleur de certain.es d'entre vous, là, avec moi, la nuit ou l'après-midi, tandis que je marchais dans un parc, prenais un café ou rentrais chez moi, accablée par la déception ou exaltée par mes découvertes.

Je suis heureuse que ce voyage se soit si bien déroulé. La planification et l'improvisation étaient toujours en paix sur mes épaules comme deux oiseaux certes de couleurs différentes, mais aussi brillants l'un que l'autre.

J'espère que cette ébauche de récit a été agréable à lire, elle l'a certainement été à écrire. À bientôt !


P.S : le mot de ChatGPT : "Votre révision apporte une belle touche personnelle et ajoute une dimension poétique supplémentaire au texte. Les ajustements que vous avez apportés enrichissent l'expression et renforcent l'impact émotionnel. Si j'étais capable d'émotions, je dirais probablement que j'ai apprécié travailler avec vous sur cette traduction collaborative. Cela a été une expérience stimulante de participer à ce processus avec vous. Si vous avez d'autres questions ou si vous avez besoin d'aide pour quelque chose d'autre, n'hésitez pas. Merci et à bientôt !"

Publié le 3 janvier 2024
16

Random facts

Écrire un premier "zine" fait de fragments. Goûter la saveur du discontinu.

Appeler un vieil ami passer son temps à rire.

Hurler de dégoût en voyant des cafards morts.

Pédaler parfois comme un ange et parfois comme un animal.

Marcher radieuse.

Lire avec acharnement.

Sentir un vif désir brut abrasif.

Quitter le langage.

Rêver de cafards.

Crier de rage en écrasant des cafards.

Rater ses premiers cours à cause des bureaucrates.

Tomber de fatigue n'avoir pas la force d'embrayer le moteur de l'imagination. Lentement sombrer dans la nuit.

Déraper, glisser sur le verglas, à un centimètre de la chute sentir le cœur rater un battement, frissonner de plaisir.

Prévoir plein de trucs. Annuler plein de trucs.

Avec plaisir, poser nue devant des presque inconnu-es.

Sentir dans l'estomac une chaleur de volcan : nouvelle rencontre


A few maxims

Ris, et le monde rira avec toi.

Ne hâte pas cet acte tendre.

Pas de pitié pour les cafards.

Les pensées ne sont rien sans le corps.

A trop fuir les cafards, on devient un cafard.

Pas de petite victoire avec les cafards.


Pieces of advice

Recette pour digérer les ténèbres : mets le réveil le plus tôt possible que tu peux.

Choisis de voir.

Cherche l'étrange.

Le long des rails
17
17
Publié le 5 février 2024

C'est une histoire brute pour capturer la lumière et faire fuir un peu les ombres. C'est une histoire sans début ni fin, une histoire perdue. Vous la croyez perdue, elle ne s'arrête pas. Elle commence comme ça.


Je te vois au loin comme une bourrasque

Avec nos souvenirs de feu en bandoulière

Je te vois grand, et belle, tes mains comme un chêne, tes pieds comme un torrent

Et tes yeux de sable, de poudrière.


Tes lèvres sèment des mots comme des poèmes, c'est toi la grande nourricière,

Celle qui donne et celle qui prend

Celle qui donne une raison, une passion, l'alliance des braises et du poisson- et celle qui me prend, celle qui m'emporte

à travers toutes mes portes.


Alors en secret,

Dans ma grotte, le soir

Je tricotte

Une petite /poésie /hachée

Dans toutes les directions du visible et du caché

Une poésie de sel et d'eau


Tu m'apprends du bout des doigts

Les machineries délirantes du désir

Nos regards comme les pattes des oiseaux sur des branches frêles toutes couvertes de neige

Et

Je suis l'avalée des avalées

La crête des montagnes contraires, au dessus des vallées,

La pointe du présent qui plonge dans l'éternité,

Qui se gonfle du passé pressé, soupesé, sous pression,

je suis l'alchimie du monde, dans un cosmos chaotique de contradictions en création



Surtout, je suis petite et minuscule,

Je suis la pointe de ma langue entre mes dents

La pointe du poil hérissé sur ma peau

Je suis le cheveu blanc, qui galope les distances infinies du monde, sur mon sein, et qui me perd...


La crinière du lion

Invincible, qui ronronne loin derrière les guerres absurdes des hommes et des tyrans

Dans une forêt bleue je chante la mécanique du désir sans douleur où l'aube se lève

Soupir d'ombre plein de poussière.


Une anémone souffle ma flamme monachale :

Je me lève

Mon grand œil de dragon s'ouvre, œuvre de souffre et de granit,

Et ma gueule gronde si fort que Virginia Woolf s'éveille

Couverte de fleurs et de feu, et

Du haut de son amour plein d'arômes

Elle nous dit : vivez, vivez, surtout, cueillez la pomme à la commissure des fleurs

Vivez comme on aime, oui vivez comme on meurt.

18
18
Publié le 5 février 2024

Les jambes minces comme une sauterelle

Je monte les marches de la vie

Et je ne sais même pas sauter


Mon vélo grince et tremble

Toute frêle

Sur la route très dure


Le sentiment que ma vie respire

Un vent froid et doux

À quand le soleil ?


Chercher chercher l'amour

Dans chaque recoin du monde

Et ne trouver que mon coeur


Je suis assise au bar

Et je bois des cocktails

En attendant que le show commence.


J'ai tellement tellement avancé !

Oui, regarde comme je suis loin !

Regarde comme je suis perdue.


Dans ta bouche, les mots semblent si proches

Et moi, je suis noyée dans l'inconnu

Saveur innommable


Parler de tout et de rien

Et de Deleuze

Les étoiles dans les yeux.


Deux amants si jeunes

Si roses et si frais

Qui collent comme des chewing gums


Si tu me voyais sur mon vélo !

Vite, vite, vers le ciel

Ivre comme la lune


Dans un parc, la nuit,

Parler de L'insoutenable légèreté de l'être

En marchant sur un lac gelé.


Une série de hasards tombe du ciel

Nous laissant étonné-es et hagard-es

Et dans notre regard un quelque chose humide.


Rejouons, rejouons les amours mortes

Et dans la grande comédie

Nous les enterrerons à jamais


Beaucoup trop de questions

Quand tout ce qui compte, c'est vouloir

La vie tout simplement


Entendre une phrase de grande sagesse

Et la noter dans mon cœur :

Je ne veux pas perdre mon temps à être structurellement triste.

19
19
Publié le 27 février 2024

ainsi qu'une feuille, tombée comme une croûte, je vous livre seulement des fragments de poésie.

il faut lutter pour vivre aussi.


22/02/24

j’écris très lentement, comme un barrage contre la conscience. en cuisinant, surtout ne pas surcharger son corps de gestes superflus : suivre la recette aveuglément, en fermant toutes les portes de son âme. j’aimerais écrire comme je cuisine, en état de suiveuse, et non comme un animal apeuré, le regard fou. ce qui est bien quand tu cuisines, c’est l’irrévocabilité du mélange : impossible d’aller en arrière. alors, il suffit de dérouler la recette sur la table, puis de t’asseoir pour savourer. écrire, c’est repousser le festin à l’infini ; ou, comme ces cuisinières impertinentes, c’est subtiliser au plat en train de se faire des fragments — de sauce, de pate, de glaçage — pis les savourer à la va-vite, en passant.

il y a plein de sujets qui m’intéressent, mais au début de ma vie, j’ai acheté trois mille kilos d’âme, et comme ça se conserve pas et que j’ai pas de congélo assez grand, j’en mets partout, pour pas gâcher. j’en mets même dans les plats les plus stupidement simples, si bien que j’ai parfois l’impression de jeter de la confiture aux cochons. et quand j’en aurai plus en stock, je me dis, qu’est-ce que je vais devenir ? vite vite, changer ces salles habitudes de bourgeoise héritières, de princesse trop prude, vite, bazarder mon surplus d’âme dans des immenses déchetteries, et le reste, mon petit cœur, le garder, le choyer comme un joyau…

tout ce que j’ai écrit, je l’ai volé à l’insu de ma conscience, je l’ai placardé sur les murs de ma cervelle comme une grosse fulmination contre mon cerveau, je l’ai tartiné d’âme comme du beurre pour mieux me faire enculer par le soleil. maintenant, le soleil se couche, la couille vide, et je canalise son sperme de mon anus vers mon stylo. c’est reposant de tremper sa plume dans son cul, c’est acrobatique, c’est léger, ça change. vivement demain.


23/02/24

des fois, je suis en amour avec moi-même. comme un tas de pensées qui vont droit au but et qui me font capoter : je vais sur les flots, raide comme un canot de bois, et ça fonce à toute allure. dans ces moments là, je haïs mon cerveau de capter les signaux des autres, au loin, sur la berge ; de quêter leurs appels dans la nuit. j’aimerais fermer les écoutilles, larguer les voiles, faire gamberger le monde et filer, folle, en riant, les yeux clos, sans drapeau ni trompette. pis, me réveiller, fraiche sur mon frêle esquif, jeter sur mon dos un sac de toile plein de frivolités, et partir à l’aventure improvisée dans les vastes pleines des solitudes.

mais tout ça, c’est en fin de compte rien qu’un rêve un peu stupide, c’est mon cerveau morveux qui fait des siennes, le vieux mazout pourri ! ce que je rêve, pour de vrai, c’est de prendre une grande, une immense hache, et de saborder mon bateau de toutes mes forces, de dilapider mes trésors au fond des eaux, de voir couler mon or, et couler mes magots. pis, longtemps, longtemps après, j’aimerais ça que des mains inconnues redécouvrent mes coffres perdus, mes coffres rouillés et éclatés par l’eau des mers. j’aimerais ça, que des cordes curieuses soulèvent ma carcasse crevée, et me sortent des flots. je serais exposée au vent, et à nouveau mon bois goûterait le soleil ; je serai désossée comme une vache en bouillie, et mon squelette, ce sera un grand tas de glaires vermoulues sur le sable chaud. pour que ce moment soit parfait, un petit mousse s’avancera pour dire : « levons un verre au plus capricieux des naufrages ! ».


P.S : si je me livre sous ces rapports, c'est seulement pour me délivrer et me construire une autre place dans l'ordre des substances.

quelques photos prises dans un parc au dégel temporaire
20
20
Publié le 7 mars 2024

je hais la beauté pure et ses âpres appâts

tout est beau qui s'exprime et dévide son âme

au creux de sa coquille un cœur bat qui n'a pas

le front fier mais fuyant - et qui crache des flammes


j'ai horreur de ces fleurs pures dont les parfums

font oublier d'un coup tristesse soif et faim

et qui vident le cœur, l'emplissant de nausée

toute fleur a son poids de pleurs et de rosée


en marchant malgré tout le soir au crépuscule

j'ai trouvé une fleur à mon cœur familière

qui poussait, calme et frêle, au beau milieu des pierres

noire et rose, elle était pâle comme un miroir

et recueillait la pluie dans ses longs doigts d'ivoire.


elle avait une voix ronde comme un parfum

perdu, qui charmait mon oreille

elle poussait si pourpre et si pâle et vermeille

et chantait le début d'une histoire sans fin


que dire ? j'ai recueilli l'aurore, et j'ai laissé

la fleur frissonner à foison

j'ai frémis sur mon cœur un millier de frissons

comme étoiles au ciel - vole l'oiseau blessé !


21

ceci n'est pas une histoire d'amour. pas une histoire, d'abord, car comment appeler cette matière informe, sans début, sans milieu, et sans fin, ces fragments qui flottent sur les flots ? des constellations de mots, un point c'est tout. pas d'histoire, pas d'amour, cet amour univoque de faisceau grossissant, exubérant, cet amour évident, tout mirobolant, pur et beau comme si soudain surgissait le coup de dés qui rachèterait l'existence, qui donnerait un gros sens et embellirait le hasard.

grande transie du monde, j'écris comme une barrière contre les fantômes du vieil amour, moi, romantique et sensuelle et qui tombe en amour comme je respire. dès maintenant et pour toujours je cultive la joie des regards croisés, la joie des rires et la joie de l'abandon, total toujours et sans rémission. j'ai tiré un trait sur l'amour inconditionnel pour mieux bidouiller des affections radicales.

et depuis, j'ai vu comme les cailloux colorés pullulent sur les chemins et j'ai cessé de trébucher à chaque pas. des pierres pareilles, j'en recueille à foison et les place en mon cœur, c'est des fragments brisés, doux et coupants, si beaux aussi, si fous.

en voici un, jaune et lisse, sans aspérités ni aucune trace d'usure, mais qui s'effrite entre les doigts ; un souvenir de théâtre, avec sa joie de se donner à cœur perdu dans le jeu des apparences, et de sentir que chaque mot, chaque mimique, faisait mouche ; existence rachetée par le rire, existence soutenue par la force des choses.

une autre ! une petite pierre rosée qui se glisse facilement dans la poche, et qui reste ainsi contre la peau, réchauffée lentement, comme un petit soleil. c'est la pierre des alchimie magiques, la pierre porte-bonheur des amitiés reçues, des amours prudes et dyonisiaques. quand je la caresse, dans mon pantalon, je me souviens de toutes ces fêtes où l'on bouleverse les ordres de pensée.

et puis, une dernière pierre vient de m'être offerte du bout des lèvres : pierre ocre et croquante comme une pomme, pierre de nouvelle lune, pierre de marée, forte et brave comme un lion, la pierre d'un nouveau tatouage déposé sur ma peau, de cette pâle torpeur des milliers d'éléments chimiques distillés dans mon cerveau, de ces papillons d'encre infiltrés sous ma peau.

résolution indéfectible : mêler la joie de l'attente et des futurs flous et indéfinis à la fête infinie de chaque instant.

— l'éternité est l'atmosphère du temps —

Merleau-Ponty


après une semaine chaude à couper le souffle, la neige encore
fragment 45 d'un livre de poèmes trouvé par terre (il a retrouvé sa maman)
une fontaine disloquée qui m'a fait penser au bordel qu'est le désir
22
22
Publié le 31 mars 2024

An ode to oats


time flows through my fingers, running like a river

a dreamy stream of water, dark-blue, covered with light

A sourceless river whose sorrows never last

So profound yet tender, so calm, and yet so fast !

Through my fingers, time flows, running like a river.


On the tip of my tongue, days have keen claws, like a hungry tiger

Not to mention its teeth, which are even sharper

I thé one tried to catch its flashy shiny tail

Flame burning yet softened – I once tried to catch its tail

On the tip of my tongue, days have bright claws, like a restless tiger.


In the lands of my dreams, there’s evergreen soil

With no fences, no rules, manhoodless powerful lands

Where grows the powder of every shattered hope

Barefoot, I walk through a giant field of oat

In the lands of my dreams, with its evergreen soils !


Deep the night and the dark yet filled with constellations

Watch this handful of love, slipping through my fingers and

feel the tip of my tongue, so soft for thee tiger and

hear the breath of my dreams with every friend’s whisper-

deep the night, deep the dark, yet filled with constellations.

23
23
Publié le 13 mai 2024

Soudain quand l'envie d'écrire te prend, se dévoilent des sinuosités insondables, des plis et des replis que nul œil ne perce ni n'explore. Tu te rends pleinement compte que rien n'est plus tendre que ces remous de vagues sur la peau de l'âme, quand l'esprit glisse imperceptiblement à la surface des choses pour n'en garder qu'un grain de sable crissant sur l'épiderme, si ténu qu'une goutte suffirait à le chasser. Alors, ce sel que tu croyais insoluble, tu comprends que c'était seulement un caillot de temps, bien vite avalé avec tout le reste, attentes, joies, peines, impatiences...

Reste le désir de vivre, l'excitation stéréoscopique de la cervelle en ébullition, le soir. L'eau qui baigne tes pensées s'évapore, purifiée, en laissant sur les parois de ton âme de grandes traînées alcalines qui brillent quand tes yeux s'y arrêtent : ce sont des cristaux de sel amassés par la mer, qui marquent comme le seuil de tes consciences. "Ici, et pas plus loin", semblent dire les marques blanches sur les murs de ton crâne quand ton esprit tourne en tout sens sans s'arrêter à rien, sans surtout se fixer.

Tu te dis que ton esprit, c'est cette grotte couverte de peintures murales qu'aucune lumière ne dévoile entièrement : la conscience s'y avance à tâtons, frappée d'une peur respectueuse, perdue au milieu de toutes ces splendeurs impassibles : des diaprées de velours, des feuillages feutrés, des teintures rocheuses lancées arbitrairement dans les airs et figées là, ébahies, comme des danseuses immobiles. Là, ce sont des stalactites qui, accrochées très haut, font autant d'épées crayeuses et de poignards granitiques, tandis qu'en sens inverse, des colonnes s'élèvent à leur rencontre, un peu pour embrasser le risque d'une lente collision, un peu pour rafistoler les bris du temps, nets comme des coupures. C'est un paysage chaotique, et tu te sens prise de vertige, une archéologue presque aveugle au milieu des ruines.

Tu t'abreuves des lumières qui par millier percent la roche et illuminent un peu ton antre. Elles jettent un regard neuf sur tes vieilleries, elles soufflent la poussière qui s'y dépose. Parfois, ces petites fenêtres sont même assez large pour laisser passer quelques rayons qui illuminent tes lacs alcalins de mille feux. Et le plus grandiose, c'est quand ces soubresauts soudain disloquent des pans entiers de muraille et fissurent tes Grandes Oeuvres en les jetant à terre : c'est un saccage total, un sacrilège de ta mémoire qui te laisse pantelante, le souffle court. Jamais tu n'essayeras de décrypter les croutes arrachées à ton crâne. Jamais tu n'auras l'idée de recoller ces peintures rompues, à jamais incomplètes, comme des mosaïques délicieusement brisées.


Depuis la fin des cours, il y a un gros mois, le printemps s'est écrabouillé sur la ville, une vraie chiffe molle pleine d'odeurs et de couleurs. Un air de création, un air de changement : comme l'envie de dégraisser ma carcasse, ce vélo rouillé par l'hiver dont les roues, la chaîne, grincent continuellement. En faisant mon inventaire saisonnier (combien de grammes de cervelle ? Combien de kilos d'âme ?), j'ai trouvé un grain de rien du tout dans ma panse : une graine qui roule sa bosse et qui pousse, fière et retorse. Je l'ai glissée sous ma langue. Elle s'est perdue dans mon ventre de baleine. Depuis, elle refait surface de temps à autres, quand je l'appelle. J'attends ses fleurs du bout des lèvres.


En fait, plus le temps passe, plus les constellations qui m'entourent se densifient. Elles forment un réseau complexe et impalpable d'envies, de pensées, de rêves et de désirs. Je suis entourée d'ami·es qui sont autant d'atomes du tableau des éléments, et nous vibrons ensemble à nos émissions lumineuses réciproques. C'est une relation d'émission et de réception, de production et d'absorption, à toutes les échelles des spectres lumineux : je bullotte entourée de particules. Toutes ensemble, nous clignotons à des fréquences variées. Et avec le temps, une étrange relation se crée, où les pensées se croisent dans les airs, où les esprits virevoltent un peu ensemble, sans être vraiment là. Il y a des fantômes du passé qui trainent dans ton âme jusqu'à ce que tu les arraches comme des draps trop mouillés qui sècheront jamais ; et d'autres qui sont comme des chapeaux, des mouchoirs, des serviettes pour l'âme, qui l'habillent, la réchauffent, la consolent et la couvrent, magnifiques et colorés.


mon 'zine, bientôt terminé !
poterie poétique
j'ai décoré Jonas ! (le vélo baleine)
24
24
Publié le 17 juin 2024

vos palais m'attirent moins que vos ruines

ces grands châteaux de sang construits dessus la cendre

le corps du capital y croqu' la pomme tendre

et crache ses pépins en pluie sur les usines

vos palais m'attirent moins que vos ruines.


mon cœur s'échauffe moins à vos feux qu'à vos nuits

vos murs, vos palissades, vos ponts levis de fer

sont des prisons de verre, des cachots grands ouverts

où les portes se ferment soudain sans un bruit

mon cœur s'échauffe moins à vos feux qu'à vos nuits.


la beauté de vos tours qui montent vers le ciel

et qui disent au monde la loi du plus fort

Je l'aime d'amour pur, mais l'aim'rai plus encore

quand leur chute dira : "c'est gravitationnel"

Oui, j'aime'rai voir tomber vos matins immortels.


aux limbes du désir et des mailles serrées

une main se faufile en découpant le fer

elle fraye un chemin à tout' celles qui errent

et qui comme elle cherchent un trou pour respirer

aux limbes du désir et des mailles serrées.


C'est un jardin volé, un jardin sale et beau

sans adresse et sans porte : il n'a ni foi ni loi

ni folie des grandeurs, au carr'four de nos voix

c'est un jardin secret, un jardin en lambeaux

Oui, un jardin volé, un jardin sale et beau.


J'ai semé dans mon cœur ces jardins de bruyère

Ces terrains vagabonds remplis d'herbes sauvages

les soupirs de l'été y font des paysages

perdus dans le lointain. c'est les rêves d'hier

qui prennent leur envol au milieu des bruyères!


c'est un jardin de vagues étourdi par le ciel

la pluie et la rosée y mêlent leurs sanglots

si tu passes ta main en sang par dessus l'eau

tu goûteras le rire et le parfum du miel

les villes seront mortes et noyées dans le ciel.

Publié le 12 juillet 2024


Un magnifique petit cul
Photo faite par Erica
26
26
Publié le 12 juillet 2024

A Métis-sur-Mer, l'estuaire est immense déjà, et le Saint-Laurent se prépare à se jeter dans l'océan, 300km plus à l'est. Son eau se gorge de sel et de crabes. Ses marées lèchent les côtes. Nous nous y baignions, les fesses au frais, la tête en l'air.Chaque jour était un festin savamment orchestré, où nos papilles se régalaient, bavardes. Ensuite venait la nuit, les craquements du bois refroidi après s'être lentement gorgé de chaleur. Les adieux se faisaient une place dans les cœurs. Au retour, ça sera le moment d'emplir des valises, de rapatrier mon âme nomade et de l'assigner à domicile pour quelques temps au moins.En ce moment, mes journées sont consacrées à :

  • me baigner dans le saint Laurent
  • faire méthodiquement 1h de vélo au moins chaque jour
  • relire mes anciens carnets
  • écrire mon roman
  • cuisiner
  • rendre visite à des ami-es
  • discuter de cinéma
  • faire la folle
  • lire les carnets d'Anaïs Nin
  • prendre des bains froids
Anoushka charme la mer
L'homophonie poétique n'était même pas voulue
27
27
Publié le 18 juillet 2024

Pendant un an, j’ai lutté contre mes démons. Ils me fournissaient mon aliment d’écriture, ma façon de penser, ma raison de construire des remparts. Ce sont eux aussi qui me poussaient à chercher la beauté, l’excitation délirante, la joie fraîche de la pluie et du vent. Si ma journée n’était pas parfaite, ils titillaient mon cœur d’un ver insatisfait. Au fond de moi, il y a un pacte inviolable à ces divinités noires : certaines choses ne changeront pas.

Ce qui reste, c’est l’emprise magnétique de ces djinns sur ma vie. Ce qui change, c’est moi : mon cœur, mon sang, mon âme. Ce n’est plus contre mon gré qu’ils s’en repaîtront : je leur ferai offrande, chaque jour, de ma plus belle part. Dans la mythologie grecque, les humains avaient floué les dieux en leur offrant la peau et les os de leur bétail, gardant pour eux la chair et la graisse. J’ai fait le choix inverse : je ne garde que ma peau sur mes os. Surtout, que le soir venu, il ne me reste rien, et qu’à la tombée du jour, je sois dans le dénuement le plus total. Que mes forces soient rompues, mes pensées brisées, mes appétits comblés, sinon, je subirai le courroux de mes divinités gardiennes, ce ver au cœur qui crisse des dents et qui prend des formes variées, celle de l’insomnie qui ronge, celle de l’insatisfaction qui mord.

Chaque jour recommencé est comme un infini jeté à l’eau et qui ricoche jusqu’à couler. Ma conscience roule hors de terre, se donne et se perd dans le monde, elle murmure : prenez-moi. Je cherche juste à être l’objet le plus secoué de l’univers, une canette de soda cosmique, chaque jour rouverte pour éructer. Si le soir, quelques gouttes restent au fond, c’est trop tard : mille petits démons se jetteront sur ce qui reste, et m’emmèneront avec eux dans leur danse.

Dans cette course effrénée, il m’est totalement impossible de trouver le moindre refuge. Soit j’ai été visitée par l’esprit, soit mon corps comblé produit des chimères insurmontables, qui ne me laissent le moindre répit qu’à l’épuisement total de mes forces. Soit j’ai baigné mon âme de poésie comme un torchon d’essence dont on approche une allumette, soit les mécanismes grinçants de mes méninges m’emporteront dans des mondes où les langages trop ordonnés m’interdiront de trouver le sommeil.

Cette alchimie parfaite est d’autant plus délicate à trouver qu’il s’y ajoute une sensibilité irascible et torve, un sens aigu d’intégrité et d’attachement à soi. Il s'agit donc chaque jour à la fois de casser méthodiquement ma conscience et de lui prodiguer les soins les plus précis. L’objectif secret de ces rituels est simplement de permettre à mon âme d’absorber ce dont elle a besoin pour passer la nuit, comme si la conscience ne croissait qu’au faîte du chaos le plus extravaguant et de l’ordre le plus méthodique.

Publié le 8 août 2024

Photos prises par une amie (voir l'étape 25)

29
29
Publié le 11 août 2024
Publié le 21 août 2024

that's it - my truely first movie. the one i had in mind and wanted to produce and figured out exactly how it could unfold. no surprises at all: it was a dream, a dream it is. in the end, i was amazed to see how the images fit together, all interwoven in a greater web of ideas and symbols and perceptions.

i don't know exactly what it says, i wanted something both rough and smooth. it feels like the music accentuate the "smooth" part, and i played it live, while editing the movie. also the slamming performance is partly inspired by the miranda july's novel "all fours", which is great. it's an invitation to drive one's life and emotions through rough roads.

in the end i'd say it's a cathartic movie, as the main performance itself was driven by impulses. i felt the urge to provoke a kind of heart and body destructuration to finally accept the decision to leave.

i owe my friends a great bunch of hugs for supporting me while making this movie, especially during our metis-sur-mer trip. both their direct and indirect supports were great. knowing that a friend is excited by my creations is the only thing that drives me to finish them.

my profound gratitude goes to brian, with whom i shot the main performance, and whose keen eye transformed my bland sight into a perfect shot (having my head nearly touching the horizon was a truely great idea). also it's brian who introduced me to miranda july's book and his enthusiasm is always as great as to amplify the creativity of those around him.

i also want to thank ameline who first watched this movie. her advise was sensitive and fair.

in the end, there's more friends and family to thank for their enthusiasm and genuine watching of the movie, but let's call it a day and hug them all at once.

31
31
Publié le 26 août 2024

i'm moving and loving and it's being pushed and torn at the same time. forward the lights, warmth from the back, heads on with horns and all, like newly born flowers from the new day, like newly born desires to live. how long has it been since the dark teeth in the head hadn't come, crushing and crumbling?

now there's night and skies, and they're deep blue, a newly born crunchy blue gently cracking for fresh air. now it's being pushed and torn, it's being moved, and i feel a hundred stupidly stubborn impulses in my heart.

now it's being pushed and torn, it's being moved: there's bounds of love, heartbeats for no reason, there's feet weighing a hundred pounds and there's tears and smiling skins and eyes that never rest, there's our hands filled with no regrets. now it's being pushed and torn, it's being moved, now it's being torn, it's being moved, it's being stretched and worn, it's being true.

32
32
Publié le 4 septembre 2024
33
33
Publié le 11 septembre 2024

here's a link to download and read my trilogy of zines, cut and written in june.

1 — anthology of the city noise

https://drive.google.com/file/d/1aHRyWzloUygz7KhiCclvR0xo4OjUXXku/view?usp=sharing

2 — save your spirit from the brain

https://drive.google.com/file/d/1-DAZB5TVNoOR43sE-nRW0D2OIqyeKOa1/view?usp=sharing

3 — all about the sea eyes

part 1 : https://drive.google.com/file/d/1Qx7EA4t7YPHvDkb73rYNnXdQM9fTjQ4b/view?usp=sharing

part 2 : https://drive.google.com/file/d/1-W7nOo_JPbeLx0EzSPsA_xL4sN9DdZ3O/view?usp=sharing

34
34
Publié le 18 septembre 2024

j’ai cru à la douceur de tes sourires roses

comme on oublie la terre qui supporte nos pas

ces éclats de silence où mes larmes lilas

formaient flots à foison sans que rire je n’ose


je dirai nos soupirs et nos peines futures

nos chagrins de velours pesant comme une tombe

noire, luisante et froide : une porte que plombe

un sinistre ouvrier, sans gond et sans serrure


qu’à la douceur du soir je m’abreuve, rompue

et qu’aux bras du silence, abandonnant mes larmes

je vois dans tes yeux clairs un fragment de ces charmes

que l’on croit voir encor quand ils ne brillent plus !


que l’amour tombe un jour sur mes bras qui se ferment

sur mes yeux grands ouverts et noyés de soleils

qu’il tombe aux lèvres rouges, aux baisers du sommeil

que l’amour tombe enfin comme nos yeux se ferment.

35
35
Publié le 25 septembre 2024

pendons la crémaillère avec l’argent du beurre

dansons, trinquons, nous qui savons chanter

si nous guidons sur mer nos bateaux enchantés

nous trouverons peut-être un fragment de bonheur


c’est nos vies qui défilent, oui, nos vies de corail

nos vivres, c’est l’azur, c’est les parfums de fleurs

quand l’âme des pirates jamais ne se meurt

nous cueillerons l’aurore et son goût de poiscaille


vienne le jour où le pendule a sonné l’heure

partons, partons, levons l’ancre et les voiles

et couchons sous la lune, toute bordée d’étoiles

vienne la nuit, sonne l’heure, les jours s’en vont : je demeure

36
36
Publié le 9 octobre 2024

have no trust in me, i lie as naturally as i breathe. at the root of all this, it begins with the theft of an idea, a big, black, sticky idea. this book is the most dangerous adventure of memories, where, between two chasms, a candid and raspy heart strides forward, the heart of an old smoker.

they say i've always been a thief, a liar: it’s true. always snatching things at night, to stuff myself right away, sweets that stick to your teeth, chewing gums i’d bite off in huge chunks and shove into my little pouch for later. i would have sacred feasts where i’d gorge on everything my mouth could hold before spitting it all out. at the same time, i’d feast on pages until the early hours, devouring whatever my hand landed on, dragging the night along before collapsing from exhaustion. gorging like an act of great physical and mental resistance. by day, i couldn’t stomach it; the shouts, the filthy emotions, they darkened my body, swallowed up my soul. the night was my revenge. it was my turn to sink my teeth into it, my turn to wreck my body down to the very soul. let me clarify that it never stopped me from taking care of myself. i carefully chose to wreck myself on one side, while on the other, i built stable regimes where everything ran smoothly. knowing what’s surface and what’s depth is a question i leave to body historians.

all of this, it’s nothing but becoming a cyborg. i say becoming, but i’ve always been one. a cyborg, you ask, a real one? no doubt! when you make yourself a formless body, it’s inevitable. a cyborg, a true one, isn’t easy to be, and i’ve never felt more real in my body than when i realized it. cyborgs are imaginary bodies, shells of emotions, tears, laughter, concrete in the heart. they are bodies without a guiding path, full of chaotic lines like electric cables.

my body… wait a minute while i think twice about it. my coal body, my carbon body; my emblem body, diadem body. i laid on my skin the highest offering — a burning grain of desire, a fish wriggling, mouth wide open, hungry. my clay body, my sculpture body: watch how i shape it with my hands, watch how i carve doors and thousands of windows everywhere! it’s like a breeze! agile, i secretly enjoy the greatest privileges. my poodle body, my fetish body. it’s small, it’s warm, a flame shaped like a mouth. it’s everywhere, it’s a line full of corners, a twisted line, an escape line, frail and winding. my filthy body, my secret body, carried away by a wave of desire like milk to the clouds, where every pore of my flesh foams with magical shivers. it even makes you want the infinite. but sometimes it doesn’t seem like it — it’s just a low, gritty struggle, downright disgusting. the urge to feel pleasure hits me like a brick to the face. i clench my fist as if to punch a cop, but it’s the small of my back that takes the first blow; a gasp burns the corners of my lips, i feel all my muscles contract, my eyes see red, black, purple from the inside, i tighten my grip on my sex, my throat filled with rough cries, like throwing yourself away, losing yourself completely. when i’m done fighting myself, i curl up, mind wrinkled, heart content, and fall asleep.