MERCREDI 17 JANVIER
N87 27 - E 104 02
SORTIES SKI ET MARCHE
Un petit groupe se rassemble pour une virée extérieure. Victor s’est porté volontaire pour veiller l’ours. L’arme en bandoulière, il nous compte et informe la passerelle de notre départ par radio. J’en profite pour poser sous la lumière du Polarstern avec l’insigne de mon association : la Société des Membres de la Légion d’Honneur (SMLH).
La demi-lune est orange et basse aujourd’hui et devrait disparaître hélas dès demain. Nous crapahutons dans nos larges combinaisons rouges, telle une horde de pingouins, curieuse de fouler cet univers inconnu. Le vent a créé de belles dunes de neige aux lignes courbes qui me font penser, sous certains éclairages, à un désert de sable. Au plus loin, profitant des sièges offerts par un chevauchement de plaques, nous nous asseyons et admirons le panorama. Chacun est pensif et rêveur, persuadé du caractère unique de notre situation, portant un regard nouveau sur notre planète depuis ce point de vue si singulier… A près de deux kilomètres scintille la lumière artificielle du Polarstern : notre seul soleil, notre phare salutaire, notre étoile du berger dans cette tempête figée de glace .
J’ai préparé un grog (un peu de Rhum dans de l’eau bouillante) dans mon Thermos et propose malicieusement un « thé à la camomille » à Steffen, météorologue. D’abord surpris par la première gorgée, il éclate de rire et en redemande : «ça réchauffe !» s’exclame-t-il. Sur le trajet retour, Victor reçoit les consignes VHF nous imposant un large détour par la gauche, surveillés de près par les projecteurs surpuissants du navire échoué.
Je ne résiste pas à exprimer mon désaccord en me déséquipant furieusement, tournant le dos à la lumière aveuglante et leur faisant profiter d’une magnifique «double éclipse de lune». Le vent glacial me pique un peu à vif mais toute l’équipe de randonnée m’encourage et approuve mon geste rebelle… Jörn a hélas eu le temps d’immortaliser l’affront sur son téléphone portable et me menace maintenant de le publier sur notre réseau : après la «Picture of the day» de Miss Svalbard, ce pourrait bien être la «video of the Year»… Nous voilà arrivés devant la coupée et au complet après 2 heures par – 28°C et 20 nœuds de vent (-44°C ressentis).
JEUDI 16 JANVIER
N87 28 - E 103 38
LA NUIT DE TOUS LES RECORDS ?
Le ciel s’ouvre enfin après trois jours cloués au sol. J’effectue deux vols de 2 heures chacun sur D-HARK. Cet hélicoptère ayant son coffre réduit de moitié par la présence de l’équipement Laser, Lukas a arrimé le matériel de prélèvement nécessaire aux scientifiques pour deux vols suivants dans D-HAPS, l’autre hélicoptère au chaud dans le poulailler. A peine appontés, il nous faut donc ravitailler, plier et ranger le premier dans le hangar puis sortir, brancher, déplier et ravitailler le second sur le pont. Par ces températures extrêmes, décuplées par le vent, nous ne mettons que 40 minutes… C’est bien la preuve que chacun sait maintenant ce qu’il a à faire et à quel moment. Beau travail d’équipe.Lukas dépose ainsi 4 scientifiques et un veilleur d’ours sur le site L2 puis revient sur le pont. 1h30 plus tard, surveillant leurs comptes-rendus par téléphone satellite, il retourne les récupérer.
6h de vol dans la journée et deux hélicoptères préparés : un record pour notre équipe !!!
SAMEDI 18 JANVIER
N87 27 - E100 24
2H30 DE VOL
Cet après-midi, Jörn et moi décollons avec trois scientifiques vers les sites L3 puis L1. La nuit est noire et aucune étoile n’est visible car des nuages couvrent le ciel à 3000 ft (1000 m). Depuis la passerelle, Tiger nous transmet les coordonnées toutes récentes des sites en vol et Léopard les enregistre soigneusement dans notre GPS. Les lampes fonctionnent normalement. A peine atterris, Jörn descend guider le débarquement.
Volker pose fièrement tandis que Victor et moi lui gâchons la photo !!! Matthias, Volker et David tirent maintenant leur traîneau sur l’avant droit de l’hélicoptère et s’activent à déployer leurs matériels avec une efficacité presque militaire tandis que je mets mes turbines au ralenti.
L’un, muni d’un foret sur perceuse et d’une pelle, creuse la banquise, l’autre prépare ses « mini-CTD » et déroule la corde servant à les immerger à la longueur souhaitée, le troisième monte une antenne GPS et lance ses appareils électroniques tandis que Jörn remplace les batteries des lampes. En moins de 30 minutes, l’opération est terminée. Les prélèvements chargés et les passagers harnachés, nous fonçons alors sur le site L1 distant de 30 km afin de faire exactement les mêmes captations. Nous sommes tous réglés comme du papier à musique et tout se déroule sans le moindre accroc.
VIN CHAUD 20h - 22h :
Ce samedi soir, un vin chaud nous est servi devant deux feux de bois à 300 m de la coupée. Presque tout l’équipage est dehors et l’ambiance est très conviviale.
A minuit, Vishnu surveille les paramètres transmis par Remote Sensing City depuis le Polarstern.
Il s’agit de plusieurs radars et autres appareils sophistiqués américains scannant la banquise afin d’en déterminer l’épaisseur certes, mais aussi de discerner toutes les couches qui la constitue, de l’eau de mer gelée à la neige s’accumulant. L’idée de ce camp, si j’ai bien tout compris, est aussi d’améliorer les analyses des données satellitaires afin de justement obtenir une meilleure cartographie de l’épaisseur de la banquise…
Remote Sensing City Bref, Vishnu constate des perturbations sur un des radars. Il sélectionne sa caméra de contrôle et surprend un ours mâle juvénile jouant avec ses capteurs !!!
Le lendemain, une équipe suit ses traces pour évaluer les dégâts. Il a soigneusement évité la barrière électrique à déclenchement automatique de fusée éclairante sensée nous alerter, mais a aussi heureusement enjambé les câbles électriques suspendus sans les endommager. Ouf …
L’après-midi, ne volant pas aujourd’hui, je me suis porté volontaire afin d’être veilleur d’ours en passerelle pendant une heure. Autant vous dire que je ne lâche pas mes jumelles et balaie méthodiquement les alentours avec mes projecteurs. Ce petit rappel à l’ordre de cette nuit n’est pas un mal.
LUNDI 20 JANVIER
N87 28 - E097 03
Tiger vole 3h afin de récolter, entretenir et ravitailler les trois sites « L » comme s’il ne voulait pas m’en laisser un pour le lendemain. Je surveille en passerelle et coordonne ses ravitaillements.
TOURNOI DE FOOT
Plusieurs équipes sont constituées et ce soir, deux matchs sont organisés. Réfléchissant un peu, je ne me suis pas inscrit par peur de me blesser bêtement… Le commandant m’interrogeant, je lui explique que, la France étant championne du monde, je ne peux m’abaisser à jouer contre des équipes d’amateurs dans cette improbable Ligue Arctique…
MARDI 21 JANVIER
N87 29 – E095 54
Vol Laser et recherche d’une bouée 2 heures de virages à gauche afin de ratisser la zone du Polarstern avec le laser.
L’école de Xertigny m’ayant souhaité bonne fête hier, je crée deux points sur mon GPS «MERCI» et «XERTIG», prends la photo de l’écran pour l’envoyer plus tard au groupe scolaire qui me suit.
En fin de mission, Tiger me demande si j’ai assez de kérosène afin d’aider une équipe pédestre à trouver une bouée émettrice dans la zone de "Dark Side". Je ne dispose hélas que de 5 minutes pour eux.
Dès le laser coupé, nous fonçons vers la zone en descente, allumons nos trois phares puis apercevons les lampes frontales de l’équipe au sol. Effectivement, des monticules de glaces de deux mètres de haut gênent à la fois leur progression et leur champ visuel. Victor pilote les phares et nous nous répartissons chacun un secteur visuel. L’équipe laser à l’arrière est aussi mise à contribution. Nous avançons lentement au-dessus d’eux à vitesse très faible. Cela me rappelle mes nombreuses recherches nocturnes de naufragés ou de ballots de drogue dans la Marine. La balise est jaune et mesure environ 1 m de haut. Rien, elle doit être ensevelie. Je ne peux pas chercher plus longtemps et retourne apponter, déçu de ma trop maigre contribution. Je demande à Lukas de ravitailler et de repartir les aider. Hélas, il refuse car il faudrait courir aux signatures du commandant et du chef scientifique pour le nouvel « ordre de vol ». Dommage.
HISTOIRE DE FAMILLE
Ce fameux « ordre de vol », manifeste officiel signé donc, dans lequel sont déclarés les noms de l’équipage et des personnes embarquées, la nature du vol et sa durée, m’incite à vous raconter l’histoire intime et émouvante qui a profondément marqué ma famille.
Mon père, le capitaine de vaisseau Jean-Claude DRACH, m’a donné le virus des hélicoptères et de la Marine. J’étais captivé par ses innombrables récits ou anecdotes qu’il nous relatait, mes frères et sœurs et moi, souvent hilare à ne plus pouvoir les terminer et parfois larmoyant tellement cela l’affectait.Le 22 août 1966, il est désigné membre d’équipage du CEPA (escadrille 20S) afin de convoyer les Super Frelon n°102 et 103, gros hélicoptère à trois turbines que, par jalousie, j’appelais « l’Algéco volant », de Marignane vers Saint-Raphaël pour réception de ces tous nouveaux appareils par la Marine Nationale. Classiquement, c’était à l’Escadrille de Réception et de Convoyage (ERC) de s’en occuper, mais, ne disposant pas encore d’équipage qualifié, la mission revint au CEPA. Désolé pour tous ces acronymes incompréhensibles pour la plupart mais que certains marins comprendront.
Buvant le Champagne inaugural à Marseille avec « Sud Aviation » juste avant de décoller (une autre époque !), mon père est contacté d’urgence au téléphone par mon grand-père maternel et apprend que son épouse, ma mère, a été admise à l’hôpital de Toulon pour des contractions. Il est décidé hâtivement et à la dernière minute qu’il ne montera pas à bord de l’hélicoptère mais repartira immédiatement en train vers Toulon. Ses affaires de vol et militaires sont embarquées dans le SF 103 afin de voyager léger.
Le SF 103 disparaît des radars au tiers du trajet, à Pourcieux, aux pieds de la montagne Sainte Victoire, à la suite de la rupture en vol d’une de ses pales principales, causant l’effroyable mort des 8 membres d’équipage ou plutôt 9 car l’ordre de vol n’a pas eu le temps d’être corrigé. Le lendemain, apprenant la tragique nouvelle dans le journal, mon père se rend à Saint-Raphaël au plus vite. Il y retrouve ses copains, notamment le LV Maurice, blême, choqué de le voir vivant, pensant qu’il se trouvait dans la funeste machine. Plus tard, on lui remettra son insigne de Personnel Naviguant numéroté 4060, l’aile et l’étoile fondues, retrouvé carbonisé dans les débris de l’appareil. Certains y verront un coup de chance inouï, d’autres aimeront penser à un acte divin. Cet insigne, il l’a toujours précieusement gardé, bien plus en souvenir secret envers ses défunts camarades qu’en amulette porte-bonheur.
Je le tiens dans la main en vous relatant cette histoire et remercie Dieu d’avoir repoussé l’échéance au 11 septembre 2015.
Arttu, technicien finlandais spécialiste du Laser, décortiquant les données du vol, découvre que j’ai dessiné un cœur au hasard de nos évolutions. C’est la 2ème fois que cela m’arrive. Voici ce qu’il écrit sur la présentation du soir : « The French romantic strikes again ! »
JEUDI 23 JANVIER
TRIANGLE ET LEAD
Tiger commence ses évolutions Laser dans « le triangle des Bermudes » entre les trois sites « L », le Polarstern étant en son centre. Christian, le chef scientifique, monte en passerelle et me demande de lui assigner une nouvelle mission. En effet, une fracture de la banquise vient d’être repérée par une motoneige à 3 km, lui barrant définitivement la route car laissant place à un véritable fleuve fulminant d’eau de mer. Il fulmine car sa température est bien plus chaude (-1,5°C) que la glace elle-même (-30°C). Cette différence importante à l’ouverture de la mer crée des courants ascendants qui peuvent même être turbulents et générer du brouillard d’évaporation. Pour les jeunes vosgiens, c’est comme si vous sortiez par 0°C avec votre bol de cacao chaud ou encore plus simplement quand vous expirez dehors avec à peu près des différences de températures similaires. L’hélicoptère doit d’abord faire l’état des lieux de la cassure à basse altitude, puis la survoler plus haut avec le laser afin d’en obtenir une cartographie détaillée.
Lukas me comprend presque du premier coup. Il est ravi de s’évader de sa mission initiale plutôt monotone et d’apporter une aide plus palpable. Je le guide vers la motoneige en secteur horaire par rapport au cap du navire tandis qu’il descend et allume ses phares. Il l’a maintenant en vue. Il me rapporte que l’ouverture fait 50 m de large sur un axe est-ouest. Nous avons déjà survolé ce genre de failles à la pleine lune mais à bonne distance du navire. L’uniformité blanche du sol semble alors avoir été rayée d’un coup de fusain rageur. Il la longe pendant une dizaine de kilomètres puis remonte à 1000 ft, l’altitude de meilleure définition du laser, afin d’en rapporter les images. Depuis quelques jours, le vent a changé radicalement d’orientation provoquant sans doute la cassure en question. Il est hélas au nord maintenant si bien que nous nous éloignons du Pôle.
CORIOLIS ?
D’abord appris dans la Marine afin de délimiter une zone de recherche en mer, j’ai pu vérifier un phénomène tout à fait intéressant : si vous notez l’axe du vent et l’orientation de notre dérive, vous constaterez une divergence de 30° à droite dans cet hémisphère nord. Cette divergence est à attribuer à la force de Coriolis, engendrée par la rotation terrestre.Votre eau s’écoulant dans le puits du lavabo évolue en spirale dans le sens horaire. Dans l’hémisphère sud, c’est exactement le contraire.
Hémisphère nord :Axe du vent + 180° + 30 ° = Axe de dérive.
Hémisphère sud :Axe du vent + 180° - 30 ° = Axe de dérive.
Pour les équipes scientifiques, l’Océan facilement accessible est une aubaine à ne pas manquer. Les 8 motoneiges sont déployées tirant parfois jusqu’à deux traîneaux pour entasser le matériel d’analyse ou le personnel. D’autres chaussent leurs skis et tractent eux-mêmes leur luge.Depuis la passerelle, j’ai l’impression de voir se former un bouchon routier sur une route départementale ou plutôt la caravane de la ruée vers l’or.
BRIEFING DU SOIR
Christian a laissé sa présentation ouverte sur son ordinateur dans la salle de cinéma afin d’entériner tous ensembles le programme du lendemain. Profitant de son absence, je corrige l’activité hélicoptère ainsi :
Traduction : Réservoir supplémentaire (nous avons cette option qui nous rajoute 200 litres de kérosène dans le coffre soit 40 minutes de vol) et Pôle Nord – Drach Santos (le nom de Victor) – toute la journée – drapeaux français et espagnol.
A sa lecture devant toute l’assemblée, il sourit et tente de me repérer dans la salle. Hélas il invalide ce programme qu’il juge trop facétieux alors que le pôle Nord n’est qu’à 1h15 de vol d’hélicoptère soit 150 nautiques.
VENDREDI 24 JANVIER
N87 25 – E093 13
Lars, caméraman de l’équipe TV allemande, veut filmer la cassure de la banquise depuis l’hélicoptère et c’est mon tour ! Le briefing météo n’est pas bon : de la brume et quelques couches de nuages à 300 ft (100 m). Nous annulons pour aujourd’hui. En même temps, par -30°C, je me demande si voler en travers, la porte latérale ouverte pour la caméra, ne relève pas de la bêtise ou même de la pure folie…
SAMEDI 25 JANVIER
N87 25 – E094 14
Deux missions en une. Je dois d’abord trouver puis longer la faille de la banquise avec l’hélicoptère laser puis déposer Arttu, Taniel et Mickael sur le site L3 pour vérification d’un de ses instruments : la « luge » atmosphérique.
A 1000 ft, altitude recommandée pour une meilleure définition du scan, la détection visuelle de l’ouverture n’est pas aisée, compliquée par une visibilité oblique exécrable. Victor et moi sommes penchés en avant, orientant nos phares juste à la pointe du nez, tel l’équipage d’une voiture cherchant la ligne blanche dans le brouillard. Victor détecte le premier l’énorme serpent noir, large comme la Moselle, et me guide précisément pour suivre ses évolutions. A 90 kts (170 km/h), le préavis est court et Victor m’annonce les sens et degrés des virages comme le ferait un navigateur de Rallye : c’est le Paris-Dakar de la banquise ! Je le félicite d’ailleurs car son compatriote Carlos Sainz l’a remporté cette année. Une fois la première trace sol obtenue sur l’écran de contrôle arrière, c’est au tour d’Arttu de me guider pour juxtaposer la passe suivante à 350 m de la première, soit la largeur du faisceau laser.
Maintenant nous suivons la nouvelle craquelure vers le nord. Elle semble se diriger exactement vers le site L3, à 35 km de là, inquiétant mon équipage scientifique. Et si elle avait tout détruit ?
Après 15 minutes de suivi méticuleux, Victor actionne l’allumage de la lampe du site. La faille de 50 m de large n’est située qu’à 1 km à l’ouest du camp : tout va bien donc pour cette fois. J’actionne mon bouton du «Spidertrack » à la verticale du site, envoyant sa position précise par e-mail à Tiger en passerelle, l’informe de notre descente par radio puis me présente face au dernier vent qu’il me transmet.
A 200 ft (60 m), tous phares allumés, je rentre dans une couche de nuages. Tout est blanc uniforme dans nos faisceaux et, ne parvenant pas à obtenir des références visuelles du sol, je remets les gaz. Victor m’aide en chantant nos paramètres de montée : puissance, taux vario, vitesse, assiette, inclinaison. Cette brume a peut-être été créée par la faille en question, permettant le contact de l’océan relativement chaud avec l’air glacé. Sur l’axe de remise de gaz, la brume disparaît si bien que je décide de redescendre à 100 ft en pilotant à vue. Nous retournons ainsi en vent arrière, passons sous la fine couche de nuages sous le vent et nous représentons avec de bons repères cette fois.Je désigne mon choix de point de poser à Victor qui acquiesce. La partie gauche de l’aire d’atterrissage cerclée par des fanions verts semble en effet plus plane. En courte finale, le « White-out » est plus fort que d’habitude si bien que je me jette un peu sur la « DZ » (Droping Zone) avant d’être aveuglé.
Cette fois-ci, aucun passager n’applaudit ! J’essaie de les détendre en annonçant « Touch down » comme pour un essai de rugby, coupe le pilote automatique et place mes turbines au ralenti. Victor trouve la « luge » dans son phare à 100 m sur l’avant gauche et nos trois scientifiques débarquent. Je débriefe avec lui. L’aire de poser forme maintenant une espèce de cuvette dans laquelle la neige s’accumule et amplifie donc le danger de son soulèvement. Nous sommes d’accord qu’à l’avenir, nous devrions plutôt choisir un atterrissage en dehors de ce rectangle de piquets de bois. Je contacte Tiger par téléphone satellite car la radio ne passe plus, lui rends compte de mes réserves de carburant et nous convenons d’un autre appel à l’heure ronde. Après 30 minutes, les scientifiques reviennent un peu tristes car le capteur atmosphérique est définitivement hors d’usage malgré leurs tentatives de réanimation… Nous décollons sans marquer le moindre stationnaire pour éviter le mur blanc et retournons apponter à la base. Quel métier non conventionnel quand-même !
CAMPING
Victor passera la nuit dehors sous une tente ce soir ! Un camping extérieur est en effet organisé par l’équipe logistique. Je ne me suis pas inscrit, préférant une tournée au Zillertal puis le confort douillet de ma cabine. Nous leur faisons nos adieux avec une belle banderole.
A les retrouver le lendemain matin, je réalise que j’ai bien fait : ils sont transis de froid !!!
JEUDI 30 JANVIER
N87 28 – E 95 18
SAUVETAGE LUGE ATMOS L3
Là c’est la foire d’empoigne ! Tout le monde veut voler. La priorité est le vol laser triangulaire mais il faut aussi remettre en > état la « luge atmosphérique » en panne sur le site L3. La fenêtre météo ne s’ouvre qu’à partir de 15h mais le commandant donne son accord pour > dépasser l’heure habituelle de fin des activités (18h00). Il est donc essentiel de voler avec D-HARK, muni du laser de 100 kg encombrant son coffre.
Il est décidé de commencer par héliporter une équipe sur le site L3 : Micha un veilleur d’ours russe, Taniel, du Colorado, Mickael, de Denver, et une tente car l’opération de réparation durera entre 3 et 4h par -34°C et 20 nœuds (35 km/h) de vent, soit -54°C ressentis.
Une deuxième rotation leur apportera une énorme caisse de 100 kg avec tous les outils et batteries nécessaires. Nous décollons dans une poussière de glace réduisant notre visibilité dans les phares. Après quinze minutes de transit, nous sommes en finale sur la lampe mais la prise des repères sol indispensable à l’atterrissage n’est acquise qu’à 200 ft, au plus tard donc selon nos procédures. J’en informe Tiger en passerelle qui me certifie que la météo va s’améliorer notablement dans l’heure. Nous atterrissons au plus près de la « luge », en bordure d’un soulèvement de plaque la frôlant dangereusement. Le vent de 20 nœuds pousse la neige que je soulève derrière moi mais nous découvrons avec surprise deux nouvelles petites failles de la banquise à cinq mètres sur l’avant. Les patins au contact de la glace, je pompe légèrement sur le collectif afin de vérifier sa solidité et la tasser comme me l’a appris Harold au mois d’août. C’est solide !
MICHA, veilleur d'ours russe Micha sort et arme son fusil, suivi par Taniel et Mickael qui débarquent la tente puis les sacs de survie. Nous fonçons sur le Polarstern, embarquons la caisse et les nouvelles lampes rotor tournant et retournons sur le site. La tente est déjà montée, les abritant du vent pour travailler. Victor descend et aide au transport puis nous retournons sur notre navire, coupons et ravitaillons.
Arttu, Ian et Daniela prennent place à bord pour le vol laser. Alors que je demande la mise en route, Tiger me demande de la reporter car le plafond est descendu à 1000 ft. Victor installe à la hâte un chauffage électrique à bord de l’hélicoptère pour maintenir au chaud le laser qui ne peut fonctionner sous -10°C puis nous rentrons nous abriter. Malgré mes deux paires de chaussettes, mes pieds sont glacés, presque engourdis… Je vole avec des chaussures de montagne, les Moon-boots fournies étant inadaptées aux manœuvres des palonniers.
30 minutes plus tard, le plafond nuageux disparaît. Nous décollons avec un magnifique quart de lune orange pourpre juste au-dessus de l’horizon et un ciel étoilé cette fois bien visible. Steffen, le météorologue, me l’avait promis au briefing. La lune se lève enfin ! Nous sommes à 1000 ft, 90 nœuds. Victor a rentré tous les points du triangle dans le GPS et nous sommes parés à faire la verticale du Polarstern pour la première branche, attendant le feu vert d’Arttu, lançant le démarrage du Laser. Rien à faire ! Sa température est à -17°C et l’acquisition du sol par le Laser ne peut se faire malgré de multiples tentatives.
Mince car maintenant je suis trop lourd en kérosène pour récupérer l’ensemble de notre équipe de sauvetage en L3 et tout leur matériel. Je propose à Tiger de rester en vol à puissance maximale pendant 20 minutes afin de retomber sur nos calculs de masse. Il me faut au plus 250 kg dans mon réservoir principal pour être à la masse maximale au décollage de L3 et j’en ai 350. Il n’est en effet pas possible de siphonner notre carburant à bord et notre hélicoptère n’est pas non plus équipé de vide-vite permettant de vidanger du carburant en vol en cas de panne moteur.
Alors que nous réfléchissons tous les deux, Lukas reçoit alors un appel satellite de Micha, demandant une récupération d’urgence car ils observent du brouillard en formation. On appelle cela la loi de Murphy : quand les ennuis commencent, il n’est pas rare qu’ils s’intensifient encore …
Nous déposons nos trois passagers sur le pont et fonçons vers le site à 200 ft (60 m) afin de toujours garder la vue du sol dans nos phares. L’avertisseur lumineux de la radio-sonde est réglé à 150 ft. En cas de brouillard, soit je ralentirais et descendrais plus bas afin de garder des repères au sol, soit je remettrais les gaz. Je contacte Micha sur VHF qui me demande combien de temps ils disposent après mon arrivée. Il a une heure s’il le souhaite.
En fait le banc de brouillard est très localisé et je me pose dans des biens meilleures conditions qu’à la première rotation. Je garde mes turbines au régime de vol pour consommer plus. Notre hélicoptère est chargé comme un bus à touriste. Atteignant 240 kg dans mon réservoir, je place mes turbines au ralenti car il reste la tente à plier puis à embarquer. Ils ont travaillé presque 4 h par ce froid et ont réussi à remettre en marche ce capteur atmosphérique essentiel à leurs recherches. Taniel, les lunettes complétement blanchies, derrière moi, me tend un bout de chocolat en guise de remerciements.
«We are ready behind» m’annonce mon équipe frigorifiée et je décolle la bouche pleine. Nous nous posons à 19h30, ravitaillons, plions puis roulons D-HARK dans son étable. Nous dînons joyeusement tous ensembles avant de débarquer notre chargement dans le hangar. Au debriefing du soir avec l’équipe hélicoptère, je préconise d’éviter à l’avenir de mixer les vols quand une équipe est déposée au sol…
SAMEDI 1er FÉVRIER
C’est la tempête : des nuages bas, de la neige à l’horizontale soufflée par 40 nœuds de vent. Tout le monde est confiné à l’intérieur car la visibilité rend la veille d’ours impossible. Seules quelques équipes sont exceptionnellement autorisées par le commandant à procéder à quelques vérifications sur les campements voisins. A 11h, le radar détecte une ouverture de la banquise à quelques kilomètres au sud mais elle se referme dans l’après-midi. La neige s’accumule sur les ponts extérieurs.
ZILLERTAL
Giulia et Bob ouvrent le bar ce soir. En tant qu’équipe «écosystème», ils collent des affiches du thème de la soirée aux endroits stratégiques du navire. Il s’agit de se déguiser en zooplancton ou autre amphipode.
Chacun ne dispose que de quelques heures afin de trouver une solution. En quelques minutes, j’ai une révélation. Je saute sur une bâche orange qui traîne dans le local « treuil ». Elle me couvrira presque totalement.J’emprunte des Snow-boots orange sur le chemin de l’ascenseur. Un foulard offert par Markus, le guide de Haute Montagne ("die bergführer" en allemand), retient mes deux pics à glace de sécurité orientés vers le haut en guise d’antennes.
J’ouvre péniblement la porte du bar et découvre que tout le monde a brillé par son imagination, de la méduse, à la crevette en passant par le poulpe phosphorescent. Victor est déguisé en Coronavirus, les cheveux hirsutes teints en rose, uniquement vêtu d’une toge en sopalin bardée de points bleu vif et lancent des mauvais gestes à l’assemblée. Jörn a placé la coupelle de la tête rotor sur son dos, enfilé un slip « tête d’éléphant », et vissé un casque de sécurité à l’envers sur sa tête. Une piste de danse aquatique est même improvisée. A 1h du matin, il nous faut éteindre la musique et fermer le bar. Une belle soirée pleine d’éclats de rire.
DIMANCHE 02 FÉVRIER
N87 21 – E094 16
Le jour (la nuit) où tout a raté !
Dans la seule journée d’hier, le vent nous a poussé 8 nautiques (15 km) plus au sud.Ce matin nous déployons D-HARK pour encore le vol du « triangle des Bermudes ». Les -50°C ressentis piquent le visage malgré nos cagoules.
Je monte en passerelle et découvre qu’une de ses vitres extérieures s’est fendue de toute part, par le froid sans aucun doute.
Après une heure d’essais en vol, le laser ne fonctionne toujours pas car la température est inférieure à -10°C dans le coffre. Tiger se résigne à rentrer et nous plions l’hélicoptère dans son nid.
L’après-midi, nous déployons D-HAPS, l’autre hélicoptère, afin d’héliporter trois spécialistes et une nouvelle bouée sismique chargée sur une luge à destination du site L1. Après 45 minutes sur L1, la bouée sismique est opérationnelle mais Ben n’est pas parvenu à extraire les données des autres capteurs sur son portable. Lukas a récupéré ses passagers et se dirige maintenant vers L3 comme prévu.
Sur un autre ton, il m’annonce son retour d’urgence et me demande une autorisation d’appontage au plus tôt car le voyant d’alarme « FUEL FILTER2 » (filtre carburant du moteur droit) s’est allumé.Je préviens immédiatement le chef de quart qui contacte le personnel pompier par VHF. Victor file sur le pont. Le canon à mousse est armé en moins de cinq minutes et je peux donner le vert appontage sans délai.Je scrute son arrivée sur mon écran TV car en effet, en cas d’impuretés dans notre kérosène, le moteur 2 pourrait couper.
Ouf, le voilà sur le pont sans encombre. Le soir, ma montre s’arrête à 18h en panne de pile… Le froid encore. Décidément, tout a raté aujourd’hui et le mois de février débute mal. Ne sommes-nous pas aux limites d’utilisation de nos machines par ces températures extrêmes ou peut-être serait-ce la date en parfait palindrome : 0202-2020 ???
LUNDI 03 FÉVRIER
N87 26 - E094 19
Dépannage
Victor refait les pleins d'huile des amortisseurs de vibration dont les joints ne supportent pas de telles températures.
Jörn vérifie les 2 filtres à carburant de nos 2 hélicoptères.
MARDI 04 FÉVRIER
N87 29 - E095 20
Le ciel est limpide comme rarement, aucune particule de glace en suspension, un vent laminaire sans turbulence, la lune nous éclaire et l'horizon est enfin visible sous sa pleine lueur. Victor et moi décollons pour 2h20 de vol laser. J'ai l'impression de faire un vol en simulateur, tellement les conditions sont parfaites.
A 1000 ft, après que nos yeux se soient acclimatés à l'obscurité, nous décelons même les aspérités de la banquise et découvrons l'ouverture noire d'une nouvelle faille à 10 km au nord du Polarstern.
J'en rends compte à Lukas qui surveille ma position AIS sur le radar de la passerelle. Arttu me guide inlassablement pour juxtaposer les passes.
Soudain, Victor me tapote l'épaule gauche et me montre un secteur horaire, les yeux grands ouverts. On aperçoit maintenant au sud-est un horizon rougeâtre, preuve que le soleil existe encore et remonte lentement vers l'horizon. Il est 14° sous l'horizon soit le jour astronomique :
- jour astronomique : soleil entre -12 et -18° par rapport à l'horizon
- jour nautique : soleil entre -6 et -12° par rapport à l'horizon
- jour aéronautique : soleil au delà des -6° par rapport à l'horizon (30 minutes avant qu'il ne surgisse au-dessus de l'horizon en France).
Une étoile différente des autres par sa couleur orangée, sa luminosité et sa position très basse nous surprend. Elle se situe plein sud : c'est Vénus !
Fin de mission, Vert appontage, je questionne Tiger sur mon futur créneau de décollage normalement prévu juste après le ravitaillement pour maintenir le laser à bonne température. Il m'indique que c'est fini pour aujourd'hui car notre base support, à Emden, nous demande un peu tardivement des analyses plus approfondies de notre carburant à la suite de notre allumage du voyant FUEL FILTER il y a deux jours.
Quel dommage ! J'avais trois vols prévus aujourd'hui dans ces conditions idylliques...
Le soir au briefing, j'apprends que Christian et Maria, alors en poste dans la tente du ROV, ont reçu la visite d'un phoque annelé venu prendre sa respiration dans le trou d'immersion du sous-marin. Ils n'ont hélas pas eu le temps de le prendre en photo. Comment font-ils pour vivre dans cet environnement totalement noir avec si peu de poissons ni d'ouvertures de la banquise...
JEUDI 06 FÉVRIER
N87 37 - E093 51
Mes vols ayant été annulés le mardi, Lukas me propose aujourd'hui de faire le premier, un vol de simples vérifications de la luge atmosphérique tout juste remise en état sur L3. J'en suis ravi évidemment.
Je dois y déposer Taniel, Mickaël et Daniela pendant 15 minutes. La météo n'est pas la même et la visibilité est à nouveau réduite par de la poussière de glace mais nous parvenons, Jörn et moi, à obtenir nos références du sol vers 300 ft. Une seule lampe est visible et l'aire d'atterrissage est détruite par un rift. Je ne parviens pas à localiser la luge dans mes phares.Tant pis, mes passagers la chercheront à pied. En courte finale, pourtant axé sur la direction du vent du Polarstern à 15 nautiques, je me rends compte que les cristaux de glace se déplacent horizontalement de la gauche vers la droite et le soulèvement de neige me fait remettre les gaz.
Un tour rapide à basse altitude afin de me représenter cette fois parfaitement face au vent et nous atterrissons en glissant sur un mètre.
Le paysage a changé, déformé, vallonné par des mouvements de la banquise. Nos passagers débarquent, cherchant le capteur avec leur lampe frontale.Ils le trouvent à 500 m derrière moi, complétement retourné, après avoir surfé une vague de glace, suite à la percussion de deux plaques. La luge pèse pourtant 700 kg.
Mickaël m'indique qu'une de nos lampes est introuvable, peut-être ensevelie sous un bloc ou maintenant à 4400 m de profondeur... Tiger m'appelle par téléphone satellite. Il souhaite que je me pose au plus tard à 13h00 à bord car la météo se dégrade dangereusement. Mince, je ne dispose que de 5 minutes pour récupérer mes passagers. Pour faire au plus vite, je préfère aller les chercher. Nous montons en stationnaire jusqu'à sortir du White-out (environ 80 ft) puis je recule afin de prendre la luge en visuel guidé par Jörn. Nous atterrissons sur une glace plus récente donc sans doute plus fragile. Je la tasse un peu. Ça tient.
Daniela avant et pendant l'arrivée du souffle de l'hélicoptère... Mes trois passagers embarquent et nous rentrons à pleine vitesse à 300 ft. Nous appontons à 13h exactement.
C'est la première fois qu'on m'impose un "Charlie", c'est-à-dire une heure précise d'appontage assortie d'une position comme dans la Marine Nationale.Nous devons la respecter scrupuleusement à 3 minutes près sur les frégates mais ici, c'est généralement quand on le souhaite, à condition de prévenir 15 minutes avant l'appontage, temps d'habillage et de ralliement du pompier de l'équipage afin d'armer la canon à mousse.
Le Dranitsyn est à 390 nautiques de notre position et commence à être ralenti par l'épaisseur de la banquise...
LUNDI 10 FÉVRIER
N 87 47 - E 091 23
La liste des souhaits de vols des scientifiques est longue et la météo nous force à en définir les priorités. La décision de Christian, ce matin, est d'héliporter une équipe de 3 personnes en L3 afin de redresser la luge sur ses patins. Deux rotations sont nécessaires car ils ont besoin d'outils, de sangles, de tires-forts, de perceuses, et d'une tente car ils souhaitent y rester la journée entière.Je décolle avec Jörn, Hannes, Mickaël et Eric Brossier, mon compatriote aventurier. On discute en français comme des pipelettes vers L3 jusqu'à chanter "Non, Rien de Rien..." en vol.
Jörn, assis à ma gauche, me regarde en fronçant les sourcils car il ne comprend pas un mot de ce qu'on raconte. Je lui avoue que c'est un peu une vengeance car c'est exactement ce que j'éprouve quand il parle en allemand ! En finale sur la lampe de l'aire d'atterrissage, nous balayons nos faisceaux afin de repérer notre naufragé car il nous faut atterrir au plus près du traîneau. Mickaël le décèle par une vitre latérale et m'indique le secteur horaire. Pas simple car tout y est retourné, cassé. Je choisis d'alunir parallèlement à une une cassure, à sa lisière, là où la glace est plus épaisse donc sans doute plus solide.
En effet, hier, Lukas a choisi une glace plus accueillante car bien plane mais parce que très récente, de l'eau de mer nouvellement gelée. Il a eu la surprise de s'enfoncer et a dû redécoller immédiatement sous peine de basculer. Je note sur mon horizon artificiel que nous sommes penchés à gauche à 4 degrés sur de la glace bien compacte. On appelle cela un "dévers gauche" dans notre jargon.
J'ordonne alors aux passagers de ne descendre qu'à tribord (droite) car mon mortel rotor est plus bas par rapport au sol à gauche et l'ouverture dangereuse laissant apparaître la mer noire n'est qu'à 3 mètres à bâbord. L'équipe en place, le fusil approvisionné, les sacs de survie et la tente sécurisés, nous testons nos liaisons radio VHF : "Anakonda, Eric, je te reçois fort et clair" m'annonce-t-il fièrement en français toujours. Nous décollons dans un nuage de neige et générons un vent froid puissant qui les oblige à se courber.
A bord nous chargeons le matériel supplémentaire rotor tournant. A notre retour la tente est déjà gréée. Nous embarquons maintenant Arttu et Ian sur le Polarstern afin de déployer une nouvelle bouée sur le site L1. Son antenne émettrice, disposée sur une luge, rentre tout juste à l'intérieur de l'hélicoptère. Le site L1 est moins tourmenté mais une faille d'un mètre de large sépare l'aire d'atterrissage des autres multiples capteurs. Pendant 40 minutes, nous observons depuis l'hélicoptère au sol l'installation de l'engin. Nous restons à proximité pour effrayer l'ours par notre vacarme et ainsi ne pas solliciter encore un autre veilleur armé.
L'opération terminée, nous retournons tous les quatre à bord.Tiger m'informe que l'équipe L3 a besoin de nouveaux équipements. J'emprunte une glacière à l'équipe "ICE" et Taniel leur prépare généreusement des sandwichs ainsi que deux thermos de thé et café bouillants. La liste demandée (batteries de perceuse, mèches de foreuse, caisse à outils) est acheminée dans le hangar tandis que nous ravitaillons en kérosène.Ils ont réussis à vidanger les 100 litres de méthanol nécessaires au fonctionnement de la luge dans deux bidons de plastique et demandent à les transporter de L3 vers la luge de L1. Il s'agit de matière dangereuse si bien qu'il nous faut la transporter sans aucun passager. Tiger a d'ailleurs rédigé tous les papiers réglementaires afférents à ce transport particulier. Jörn peste car il a déjà compris qu'il devra débarquer seul ces lourds bidons sur L1. Je dois en effe