05 Avril 2015, Snow and Ice Day ! Aujourd’hui les deux motos démarrent du premier coup. Il fait plein soleil, quelle chance nous avons ! Le trajet aller valait bien toutes ses peines. Tout s’annonce bien dans le meilleur des mondes. On décide de partir vers Loket. C’est une ville fortifiée très impressionnante avec un château de style gothique qui la domine et des murailles qui l’entourent. Le tout protégé par un fleuve. Le château fut fondé sous le règne du roi tchèque Vladislav 1er à la fin du XIIe siècle. La route est magnifique, pleine de virages, tous différents. C’est un vrai plaisir, j’ai l’impression de voler. I fly ! Yes I fly !
Après Loket, direction plein nord, vers les montagnes. On passe à côté d’une carrière à ciel ouvert ÉNORME ! Une machine haute comme un immeuble creuse la terre. C’est très impressionnant, des camions géants chargent le tout. Un vrai spectacle.
On prend les petites routes de montagne, c’est sportif. Les virages s’enchaînent à un rythme effréné.
Nous sommes en pleine concentration, en symbiose avec le bitume. Anticipant ses défauts, ses courbes, son accroche… Plus nous montons plus la température descend, et de la neige apparaît dans le décor. Arrivés sur une route totalement enneigée, nous ne prenons pas de risques et faisons demi-tour. Il ne reste qu’une possibilité pour ne pas retourner sur nos pas et elle semble être exempte de neige… Nous nous y engageons, confiant !
Nous passons par Kraslice, la route doit nous faire traverser la frontière allemande quelques kilomètres plus loin et aussitôt doit se transforme en nationale. Mais déjà après quelques centaines de mètres, un peu de neige remonte vers le centre de la chaussée… Je me dis que c’est passager. Il devrait encore y avoir un village tchèque quelques kilomètres plus loin et puis les belles routes. Mais l’état de la route s’empire, glace et neige la recouvre complètement maintenant. Sur les côtés il y a bien quarante centimètre de poudreuse.
On roule avec les pieds au sol de part et d’autre de la moto pour garder l’équilibre. Soudain, je ne vois plus William dans mon rétro! Je m’arrête, descends de ma machine et retourne sur mes pas. Il est dans le dernier virage en train de se battre contre la glace, il dérape en tous sens... Cette partie de l’itinéraire aurait bien mérité des pneus cloutés. Je m’approche et explose de rire. Il semble totalement épuisé. Son visage est rouge vif. On commence tous les deux à fatiguer.
Après une petite pause dans la neige, nous repartons. Vivement que ça se finisse. Nous arrivons enfin en vue du fameux dernier village avant la frontière et la route se dégage. Quel soulagement ! J’en profite pour faire une photo de ma monture avec un sympathique skieur allemand, joli la pose Monsieur!
Will continue sans se retourner, sûrement encore énervé… Surprise ! Il revient quelques minutes plus tard alors que j’allais redémarrer. Je me dis qu’il a dû s’inquiéter pour moi… Pas du tout. Son visage et surtout ses yeux n’expriment rien ! Il semble insensible à tout ce qui l’entoure. Et se contente de faire « non » de la tête. Je ne comprends pas… C’est alors qu’il me dit, laconique et sans émotion, que la route s’arrête. Je veux illico en avoir le cœur net, ne pouvant y croire ou plutôt ne voulant y croire. Je constate, quelque peu incrédule, qu’effectivement la route s’arrête net face à un mur de neige. Ce village est enfaite une station de ski et la route se transforme en une piste, paradis des skieurs Allemands et Tchèques, pas Belges ! Sans trop parler, nous retournons sur nos pas. Et quittons enfin cette route, laissant derrière nous la neige et la glace ! Content d’avoir surmonté cette épreuve. Marqué tous les deux : William a un retro en moins et un décrochage de réserve d’huile suite à une petite glissade et moi mal au genou suite à une non-glissade.
À présent nos estomacs crient famine, après tant de temps passé en montagne et tant d’efforts déployés. Mais la priorité est d’abord le matériel avant l’humain (enseignement militaire). On s’arrête donc pour réparer, ou plutôt remettre en place le rétroviseur et le petit réservoir d’huile d’embrayage de la Tuono à l’aide de Scotch ! Qu’est-ce qu’on ferait sans ce bon vieux tape ? Cette réparation efficace tiendra jusqu’à la fin de notre voyage.
Nous voilà en quête d’un restaurant sympa. Après de nombreux kilomètres de recherche infructueuse dans les petits villages où la vie semble difficile, je décide d’aller droit sur la plus proche grosse ville indiquée sur la carte, c’est Ostrov ! Je me dis qu’à coup sûr on y trouvera ce que l’on cherche. Mais une fois arrivé sur place, nous constatons qu’il s’agit en fait d’une gigantesque ville dortoir ! Il y a des immeubles à perte de vue, on s’y perd parallèlement et perpendiculairement dans un dédale où tout se ressemble. Le hasard veut qu’au détour d’un des multiples carrefours, nous tombons face à un resto. Il y a même une moto (sorte de Harley Cheap) garée devant. Quel bon présage !
Mais dès que nous entrons c’est la douche froide. Un lourd silence s’installe. Tous les clients – une dizaine de personnes – se retournent pour nous observer. Je demande- en anglais - s’il est toujours possible de manger (vu l’heure tardive). Sachant bien qu’en Tchéquie on vous sert à toutes heures de la journée, jusque tard le soir, contrairement à la Belgique. Mais ma question met la patronne hors d’elle, elle s’énerve et fait de grands gestes désapprobateurs. Bref elle râle ouvertement. Nous n’en revenons pas ! Ici le client, a priori étranger n’est pas le bienvenu. J’enchaîne alors avec mon plus beau russe (seule langue slave que je baragouine). Mais loin de la calmer, cela l’énerve encore plus.
Alors qu’on se retourne pour s’en aller, le ventre aussi vide qu’en entrant, une serveuse intervient avec le peu d’Anglais qu’elle connaît : « Hello, yes ! ». Et nous installe à une table. Toutes les têtes suivent notre déplacement dans le fond du restaurant. Nous nous mettons près de la fenêtre pour garder un œil sur les motos. On commande au hasard en montrant du doigt, et la serveuse est presque sympathique. Toutefois j’ai un peu d’appréhension (vu la situation) et je m’attends à tout… Étonnamment, le plat qu’on nous sert ce révèle être vraiment succulent. Nous avons droit à une sorte d’omelette améliorée agrémentée de pommes de terre sautées et de légumes. Nous voilà enfin rassasié, direction Karlovy Vary (notre nid) par les petites routes. Une fois arrivé nous trouvons encore la force de nettoyer (grossièrement) nos machines. Et quand vient mon tour de prendre la douche, il n’y a plus d’eau chaude ! Du coup je vais me réchauffe avec, devinez quoi…. un verre de Becherovka, bien sûr !