C'est décidé, je veux dormir toute ma vie dans un hamac. C'est si confortable, j'ai eu l'impression de dormir dans un cocon protecteur, entourée de mes amies les cigales, bercée par le chant des oiseaux.
Je me réveille une première fois vers 5h30 par le chant des coqs. Un premier chante, et les autres lui répondent en chœur. Puis, quand se lève le jour, les cigales se réveillent et se mettent à chanter, me tirant pour de bon de mon sommeil. Je reste éveillée une bonne heure avant de me rendormir jusqu'à 10h environ.
Solal se lève en même temps que moi. Ici, nos petits déjeuners seront à base de cake, céréales et café aromatisé à la noisette : ce qu'on a trouvé à la supérette de Potamos. On savoure notre déjeuner tranquillement, avant de se préparer pour notre journée, qui sera repartie entre randonnées et baignades.
Le déjeuner fini, on se met en maillot de bain et vêtements légers pour marcher facilement et se baigner. On étudie notre destination : on ira en voiture jusqu'à Agia Pelagia, un peu au sud est de chez nous, puis on longera la côte en marchant, jusqu'au canyon de Kakya Lagada Gorge. Entre ces deux points, il y a plusieurs plages qui se succèdent, on devrait trouver notre bonheur.
On démarre pour Agia Pelagia. La route est rapide, et on trouve facilement un parking où se garer. Agia Pelagia est une bourgade toute mignonne, avec une petite plage peu fréquentée, des maisons blanches, des cafés et des tavernes. On se dit qu'on y mangerait bien un jour.
On commence notre marche, le long de la plage. C'est vallonné, mais rien de très compliqué comparé à ce dont j'ai l'habitude. Les plages se succèdent, petites, plutôt des criques, vides pour la plupart. On ne peut pas dire que le lieu croule sous les touristes - et ça nous va très bien.
Des ruines trônent, par-ci, par-là, pour le plus grand bonheur de Solal qui s'empresse de les photographier. Les paysages sont vraiment somptueux, arides, escarpés, parsemés de petits buissons, d'oliviers, de chardons, de sauge et autres plantes résistantes à la chaleur.
Nous arrivons à l'antépénultième plage avant le canyon. Elle est minuscule, dans une petite crique, avec des rochers qui font de l'ombre sur le sable. La crique protège la plage des vagues. Au milieu de la plage, un panneau est posé avec un écriteau. Solal descend le lire : il y a un nid de tortue "attention, ne pas marcher ici".
Nous ne sommes plus très loin du canyon, que l'on aperçoit un peu d'ailleurs, comme une gigantesque faille dans la falaise.
Une dizaine de minutes de marche nous permettent de rejoindre notre destination. Le canyon dépasse nos attentes. Il est somptueux. À droite, l'eau douce, qui s'écoule entre les deux bras de falaise déchirée. Au centre, le petit lopin de plage de sable et galets, seule barrière entre la mer et la rivière. Et à gauche, la mer, limpide, qui vient s'écraser sur les rochers, la falaise, et la minuscule plage.
On décide que c'est un bon moment pour faire une pause baignade et snorkeling. Il fait chaud, on a déjà bien marché, et on meurt d'envie de voir des poissons.
Ça fait des années que je n'ai pas nagé avec un masque et un tuba, et franchement la sensation est extrêmement agréable. On flotte, on a tous les avantages d'être dans l'eau avec, en plus, la possibilité de voir et de respirer en même temps. On peut rester des heures à admirer le fond marin si on le souhaite. Nous concernant, nous n'y sommes pas restés des heures, peut être un peu moins d'une heure. Mais ça a été suffisant pour se rafraîchir et voir quelques poissons qui vaquaient à leurs occupations quotidiennes sans s'occuper des deux humains venus les observer.
Après s'être bien rafraîchis, il est temps de se sécher et de continuer notre marche. Le sentier continue après le canyon, et on est curieux de voir où il mène. Une fois secs, on se rechausse donc et on repart marcher sur la falaise.
C'est là que commencent les hostilités. Nous rencontrons notre première araignée, dont la toile nous barre le chemin, semblant dire "vous ne passerez pas !". On s'arrête, on admire le mastodonte (elle est sacrément costaud celle là) et on évite la toile. Un peu plus loin, une deuxième, une troisième... Toutes aussi grosses les unes que les autres. C'est un vrai parcours du combattant pour les éviter ! Je passe devant, pour ouvrir la route, étant moins sensible que Solal aux araignées (qui l'aurait cru, moi qui en étais phobique à peine quelques années plus tôt !)
On arrive à une vieille maison en ruine (une future maison pour Solal, ça finit par être une private joke). Évidemment, on la prend on photo sous toutes ses coutures. Le chemin continue, jusqu'à un énorme olivier, probablement multicentenaire. Ici aussi, les araignées géantes ont élu domicile, mais ça ne nous empêche pas de profiter de l'ombre apportée par le doyen des arbres de la région.
Un peu plus tard, le chemin se sépare en deux : une partie continue tout droit, s'éloignant petit à petit de la côte, pendant qu'un sentier accessoire, sur notre gauche, semble descendre vers la mer. Solal propose d'emprunter le deuxième chemin, qui nous amènera plus certainement vers une plage.
Si nous avions su.
Le début est accidenté, mais praticable. On entend des chèvres. Solal rigole en disant que le premier qui voit une chèvre marque dix points. Ça n'a pas loupé : 5mn plus tard, j'aperçois en hauteur une chevrette, qui semble se demander ce que deux humains font sur son territoire. Elle disparaît, et revient une minute plus tard, accompagnée de sa maman. On se dit en rigolant qu'elles ont peut être joué au même jeu que nous : 10 point au premier qui aperçoit un humain.
On se rend compte que les chèvres ne sortent pas de nulle part : elles viennent d'une grotte, accessible à un petit peu d'escalade dans les rochers. On se décide à y aller, moi ouvrant le chemin.
J'arrive triomphante à l'entrée de la grotte, telle une aventurière découvrant Lascaux. J'ai l'impression de dominer le monde. Ma sensation de toute puissance a vite été remplacée par des cris enfantins lorsque Solal m'annonce d'une manière bien trop calme pour la situation qu'une des araignées géantes se tient exactement à cinq centimètres au dessus de ma tête. Mon calme jusqu'ici légendaire s'envole et je fais des bonds de kangourou en poussant des cris dignes d'un orang-outang en détresse. Je n'ai plus rien de l'aventurière sans peur que j'étais jusqu'ici.
Bon, je me resaisis. Il me reste une grotte à explorer !
Nous entrons donc dans la grotte, dont les parois sont érodées par les siècles de coulées d'eau et par le vent. C'est beau, il y a plein de couleurs, mais le sol est rempli de crottes de chèvres qui sentent à plein nez, et les murs sont clairement la demeure de choix des araignées. On avance autant qu'on peut, découvrant certaines cavités à la lumière d'une lampe frontale. La grotte est assez profonde, mais elle n'a pas l'air de creuser des tunnels souterrains. C'est assez impressionnant d'être là dessous, ça me donne envie de faire de la spéléologie. En même temps, ça me rappelle ce film d'horreur que j'ai regardé un jour, "REC", et je frissonne au souvenir de certaines images.
Après quelques photos de la grotte, ainsi que de nous posant, triomphants, face à elle, nous repartons sur notre sentier escarpé. La route devient de plus en plus difficile à pratiquer, et mes jambes comment à être griffées par les chardons. Les plantes n'ont pas de feuilles ici - elles ont des griffes. Les araignées, quant à elles, sont de plus en plus nombreuses. On n'essaie même plus de les éviter maintenant, on détache leur toiles doucement en s'excusant auprès d'elles. On n'en revient toujours pas de leur tailles, elles sont si grandes !
On descend difficilement jusqu'en bas de la falaise. Parfois, je passe des obstacles de plantes griffantes en grimaçant de douleur. Cette fois, mes jambes commencent à saigner pour de vrai, et à être sérieusement douloureuses. Je crains le chemin du retour, qui en plus sera en montée. Au final, même pas de plage en bas. Juste des rochers escarpés sur lesquels la mer vient se fracasser. Nous nous fracasserions nous aussi si nous nous risquiions à nous y baigner. Tout ça pour ça !
On s'octroie une petite pause, le temps de reprendre nos esprits et notre souffle. Mes jambes me lancent. Je me dis que ce sentier a probablement été dessiné par et pour des chèvres, et certainement pas à destination d'humains ! On aurait dû continuer sur le sentier principal, celui qui allait tout droit. Enfin qu'importe, nous sommes arrivés en bas, on réussira bien à remonter.
Après une petite pause, il est temps de repartir. La montée s'annonce difficile. Solal essaye de nous faire prendre un raccourci, qui s'avère être un cul de sac. Mes nerfs me lâchent, et je décide de rejoindre le chemin coûte que coûte : je ne ferai pas demi-tour, je traverserai les plantes à griffes. Certains pas m'arrachent des cris de douleur et mes jambes saignent, mais j'arrive enfin sur le chemin escarpé qui mène à la grotte. Les plantes infernales sont toujours là, mais au moins on sait qu'après la grotte, on pourra retourner sur le sentier principal. On y est presque. La peau de Solal est à peine effleurée, contrairement à la mienne qui semble être passée au mixeur. Il doit être fait de caoutchouc et moi de papyrus.
Nous repassons devant notre grotte, mais nous sommes trop fatigués et endoloris pour y refaire un détour. Bientôt, nous retrouvons notre chemin de base, avec, comme à l'aller, l'olivier multicentenaire, où je demande une pause salvatrice. Mes jambes me lancent, je ne sais pas comment je réussirai à rentrer. On boit de l'eau, il ne nous en reste plus beaucoup. On repart, sur le chemin cette fois bien plus praticable. Les araignées sont toujours là, à nous narguer. Je n'y fais même plus attention, elles peuvent me mordre, ça ne changera rien.
Le chemin du retour n'est pas aussi long que ce que je craignais. Perdue dans mes pensées, je me retrouve bientôt au canyon tant attendu. La plage n'est plus très loin, avec son bar et son food truck. Il est presque 17h et nous n'avons pas mangé.
Nous repassons le canyon et rejoignons la plage.
Nous devons vraiment avoir l'air de déterrés, car la première chose que nous demande la barista est "do you need help?". Non pas "how can I help you?" Non, vraiment "Do you need help?". Oui, on a besoin d'aide, on a besoin de manger et de boire.
On se commande un club sandwich avec des frites et un Schweppes agrum.
Et c'est le meilleur repas du monde.
Après ce repas, on file à l'eau se rafraîchir. Enfin. L'eau nettoie mes plaies, rafraîchit tout mon corps et me ressource un peu.
On ne ne nage pas très longtemps, la fatigue nous emporte. On retourne s'allonger à l'ombre, et je m'endors en cinq minutes, d'un sommeil si profond que des rêves s'y sont installés.
Au bout d'une heure, Solal me réveille. Il est temps de retourner à la voiture. On en a encore pour une quarantaine de minutes de marche. Cette journée ne s'arrêtera donc jamais.
À peine réveillée, je remballe mes affaires, et on marche vers Agia Pelagia, où la voiture est garée. Pour être honnête, je ne me souviens pas vraiment du chemin du retour, tant j'étais comateuse. Mais on a fini par arriver à la voiture. Enfin.
Le retour à la maison est pour moi l'arrivée en terre promise. Une douche ! Mon hamac !
On s'installe au frais, sur la terrasse. On joue de la guitare, on chante. On ne fait pas long feu cependant, car la journée a été longue.
Au lit Solal, au hamac Sarah.