Un voyage aussi long amène à une prise de conscience sur les autres, sur soi, et sur le monde dans lequel nous vivons.
"Accepter que chacun fait son chemin et nous le nôtre"
Partir 11 mois loin, c'est accepter , se faire à l'idée que nos proches vont vivre des choses positives (naissance, mariage, déménagement, fêtes...) et négatives sans nous pendant ce laps de temps.
Certains moments, épreuves qu'on vécu nos proches ont été difficiles à gérer, à digérer pour nous à distance. Un sentiment d'impuissance, de colère, d'incompréhension, de culpabilité d'être aussi loin nous a envahi certaines fois et ça nous paralyse l'esprit, on finit par ne penser qu'à ça pendant plusieurs jours.
Mais ces mois nous ont appris que chacun a sa vie à vivre, et est libre de choisir son chemin en toute conscience, nous ne sommes pas responsables des choix des autres. Pour moi, qui suis assez directive dans la vie de tous les jours, dans le contrôle, c'est dur d'accepter, de prendre conscience qu'on ne peut pas agir sur la vie des autres, leur ouvrir les yeux sur ce qui nous paraît être des grosses erreurs de parcours... mais ça c'est notre sentiment, à nous, pas le leur... On peut aider, aiguiller, accompagner, être là mais on ne peut pas contrôler quelqu'un qui est dans la destruction de sa famille, la destruction de son couple, dans l'autodestruction de sa personne, malgré les conséquences qu'il y a derrière... ll faut accepter que chacun suive son chemin de vie...
"Quelques déceptions"
En partant, nous avions plein d'idées pour communiquer avec les autres, ouvrir les autres au monde, enrichir les jeunes des écoles. Pour cela nous avons entretenu tous les jours un carnet de voyage et réalisé des gazettes avec des infos insolites sur chaque pays. Nous avons communiqué dans plusieurs écoles avant notre départ, toutes étaient très enthousiastes, mais à la rentrée de septembre 2022, il n'y avait plus personne... Les excuses ont fusé "les enfants sont trop jeunes pour qu'on leur parle de l'Europe" "ça ne leur servira pas" "je n'ai pas le temps d'inclure ça dans mon programme" "ma progression est déjà faite" "je n'ai pas le temps"... Au fond ça m'a fortement déçue ce manque d'ouverture... Malgré ça, les gazettes de 16 pages tous les mois ont bien vu le jour, et ont été commandées par ceux qui étaient intéressés.
Nous avons été déçus aussi par nos certains de nos proches ou connaissances, en 11 mois parfois aucune nouvelle sauf si nous en prenions, une amitié c'est dans les deux sens et bien souvent on a l'impression que notre absence l'efface, fait du tri... Une déception sans doute à tord car en réalité, pourquoi attendre des autres ? Ce voyage nous le faisons en priorité pour nous, l'essence de ce voyage c'est nous. "Dans la vie nous ne perdons pas d'amis, nous découvrons seulement qui sont les vrais" Les mots positifs.
"Réflexion sur soi et sa famille"
Faire ce périple n'est pas vraiment "une chance" à proprement parlé comme beaucoup le disent, car elle n'est pas tombée du ciel, on n'a pas gagné au loto, cette chance on l'a provoqué, on l'a choisi, rien n'est dû au hasard. C'est une décision faite de choix, de priorités, de prise de risques multiples, de volonté, d'organisation logistique et financière, une curiosité de l'inconnu.
Sur les routes, on s’est vite rendu compte que nous n’étions pas la seule famille à tester ce mode de vie nomade, à court ou long terme. Pour certains, le van est leur maison. Nos échanges, nos rencontres furent très enrichissantes autour de valeurs communes, des choses simples de la vie, elles nous ont permis la confrontation d'opinion ou même la confrontation de nos préjugés face au monde. Un vrai retour à l'essentiel ! Une prise de conscience de vivre l'instant présent ensemble ! Ce voyage ne nous a pas changé mais fait évoluer, nous a recentré sur nous même !
Une citation du Dalaï Lama reflète bien notre vie avant le départ et celle de beaucoup d'entre nous: "Ce qui me surprend le plus chez l’homme occidental, c’est qu’il perd la santé pour gagner de l’argent, et il perd ensuite son argent pour récupérer la santé. À force de penser au futur, il ne vit pas au présent et il ne vit donc ni le présent ni le futur. Il vit comme s’il ne devait jamais mourir, et il meurt comme s’il n’avait jamais vécu." Dalaï Lama; et aussi une citation de Sénèque : "en suivant le chemin qui s'appelle plus tard, on arrive sur la place qui s'appelle jamais".
"Voyager, c'est partir à la découverte de l'autre, et le premier inconnu à découvrir c'est vous" Olivier Follmi
Voyager permet de se recentrer, de s'accepter un peu plus, d'accepter les regards plein de jugements des autres ou pensées indelicates des autres qui savent comment me guérir alors qu'ils ne comprennent même pas ce que j'ai. Mon handicap, mes douleurs, ma fatigue chronique ne disparaissent pas derrière mes sourires.
Comme le dit très bien Stephen Hawkins "les personnes handicapées devraient se concentrer sur les choses que leur handicap ne les empêche pas de faire, sans regretter ce dont elles sont incapables" et je m'y atèle chaque jour malgré qu'il soit difficile d'accepter la frustration.
"Le voyage n'est pas un long fleuve tranquille"
Un tel Road Trip est aussi synonyme de situations inattendues, d'imprévus, de contraintes , et de défis qui nous obligent à sortir de notre zone de confort chaque jour, à nous adapter, à affronter ensemble les embûches et développer notre confiance en nous. Nous sommes plus capables que nous le pensons réellement.
En nous confrontant à de nouvelles cultures, de nouvelles langues et des modes de vie différents, on ouvre notre esprit à la tolérance, à la différence, aux divergences culturelles.
"Notre monde est fragile, tentons de ne pas le gâcher, le dégrader"
La nature que nous observons chaque jour est source d’inspiration, de réflexion, mais aussi d’émotion, et elle est tellement fragile. Certes, le road-trip est vu comme un symbole de liberté, mais c'est aussi un symbole de responsabilité face à l'environnement. Nous avons été choqué de certains comportements humains face aux déchets dans certains pays ou à la pollution des eaux.
Ce voyage a fait évoluer nos pratiques de consommation : réflexion sur les achats nécessaires, achats utiles, tendre vers le minimalisme, la consommation locale, et se détacher du superflu.
De même, vous pouvez penser que nous avons conduit énormément, et du coup pollué avec le diesel consommé, soyez étonné, tous ces kilomètres sont équivalents à nos allers/retours au travail mutuel sur la même durée.
D'autre part, en van on est plus sensible à notre consommation d'eau, on économise cette précieuse ressource parfois si dure à trouver. De notre côté on estime avoir consommé 7 fois moins d'eau que dans notre vie sédentaire (16,5 mètres cube d'eau sur 11 mois en van contre 114,5m3 d'eau en vie sédentaire, on a consommé 14,5% des consommations habituelles)
Après, nous ne sommes pas parfaits, mais on tente à notre niveau de réguler notre consommation afin de limiter notre empreinte carbone. C'est une lutte quotidienne que de ne pas retomber dans la facilité de surconsommer.
"Voyager rend modeste, on voit mieux la place minuscule qu'on occupe dans ce monde" Gustave Flaubert