L'écriture de cette étape a été très difficile, très lourde et éprouvante; nous avons vu, appris et relations des choses terribles de notre passé. La lecture sera choquante, par conséquent nous déconseillons la lecture et le visionnage des photos aux enfants de moins de 16 ans et à toute personne sensible sur ce sujet.
Pour ceux qui se pose la question, notre fils de 2ans n'a rien vu qui pouvait le choquer. La plupart du temps Tom dormait et nous visitions chaque bloc de manière alternée. N'y allez pas avec des enfants de moins de 15 - 16 ans, de plus avec une préparation psychologique de la visite.
Je me suis beaucoup questionnée sur le fait de prendre ou non des photos, car c'était prendre en photos des choses infâmes et cela me mettait parfois très mal à l'aise; mais le site nous encourage à faire perdurer et à transmettre les faits aussi crus soient ils alors je vais tenter de vous retranscrire les choses du mieux que je peux. Afin de compléter mes dires, je m'appuie sur deux livres: "guide du mémorial d'Auschwitz Birkenau" ainsi que "Auschwitz-Birkenau histoire et présent" acceptant que je les cite.
Aller à Auschwitz était un devoir de citoyen à nos yeux, voir les faits en face, les lieux...le symbole universel du mal et de la perversité du IIIe Reich ... Pour que vive encore la parole, ou le silence, des disparus et des rescapés et celle de leur enfants; pour éprouver le noir d’une catastrophe qui, comme tous les génocides, frappe encore les descendants...Et c'était loin d'être une visite agréable... Pourquoi l'humanité n'a-t-elle pas su retenir l'effroyable leçon de la Shoah ? A l’heure où, du fait des hommes, l’avenir de la planète est en danger, à l’heure où les logiques migratoires sont bouleversées, où les réfugiés des guerres se noient aux portes de l’Europe, il est plus que jamais urgent de ne pas oublier.
Le matin, nous avons commencé par visiter Auschwitz II- Birkenau, site méconnu à nos yeux et pourtant tellement important. Nous y allons en bus depuis le mémorial (3km). Ce camp initialement destiné aux prisonniers fut en finalité le plus grand centre de mise à mort immédiate des Juifs (6 chambres à gaz de 210 mètres carré chacune dont 4 avec crématoires =} 4756 cadavres "traités" par jour), mais aussi le plus grand camp de concentration nazi (1,1 millions de détenus de toutes nationalités confondues). C'est 140ha, plus de 300 bâtiments (majoritairement baraques en bois) - 17km de fil de barbelé électrifié. Dès lors qu'on longe le camp, un silence règne, un poids... Bcp de bâtiments sont en ruines mais certains sont restaurés pour traverser les âges et transmettre.
Pendant la guerre, on rentrait ici en train, entassés dans des wagons de bois, via la rampe ferroviaire. Au milieu le train s'arrête puis les gens sont triés, suivant leur sexe (on sépare les hommes et les femmes), leur aptitude (les handicapés, personnes âgées, enfant en bas âge et leur mère étaient assassinés le jour même dans les chambres à gaz ou par injection de phénol pour les bébés et femmes enceintes)
Puis une fois triés, c'était la douche : "le sauna", on leur prenait leur effets personnels, valises, chaussures, lunettes, tout matériel medical, les bijoux, on les rasait totalement, on leur apposait un matricule (un numéro d'identification), une désinfection, puis on leur donnait une tenue rayée ou autre bout de tissu pour les vêtir.
Les gens sont placés :
- soit dans des baraques en briques (chacune d'une capacité de 700 personnes avec 60 lits superposés de 3 niveaux). Chacun des 180 lits peut accueillir 4 personnes mais en réalité ils y dormaient à 6 ou 7 dû à la surpopulation du camp, sans aucun confort, à même les planches.
- soit dans des baraques en bois (chacine de 400 personnes)
Comme vous l'imaginez l'accès au WC était minuté, insuffisant pour subvenir aux besoins naturels, se laver était quasi inexistant.
En janvier 1945, les SS firent sauter les chambres à gaz pour détruire les preuves... Néanmoins les cendres humaines subsistent à ce jour autour et dans les fosses d'incinération.
Au bout du chemin, entre les chambres à gaz, a été installé le monument de commémoration des victimes : 23 plaques écrites dans les langues parlées par les détenus du camp.
Allez voir le site tel qu’il est aujourd'hui et vous comprendrez. Pas à cause de l'immensité de la section de Birkenau avec ses rangées interminables de bâtiments où les gens étaient maltraités, méprisés, exploités, et privés de nourriture de manière à les tuer lentement et qu’ils faisaient l’objet de jeux ou traitements sadiques par leurs gardes, y compris le tristement célèbre docteur Mengele et ses essais cliniques atroces dont la stérilisation. Ce type de camps de travail et de concentration, où les êtres humains sont soumis à l'arbitraire total, n'est hélas pas unique mais tout à fait courant dans l'histoire de l'humanité, jusqu'à aujourd'hui.
Après 2h de visite par nous même, nous réalisons petit à petit l'immensité du massacre et de la cruauté à Birkenau, mais le pire était à venir...
En début d'après midi, nous allons à Auschwitz I, le mémorial et musée construit à l'intérieur d'une ancienne caserne de l'armée polonaise d'avant guerre (20 bâtiments). Les détenus ont dû en construire 8 de plus de leurs mains.
Après un contrôle scrupuleux et un contrôle de nos papiers, nous entrons... On est frappé par le portail tristement connu... "Le travail rend libre".
Puis on visite les blocks un à un où a été fidèlement retranscrite la triste histoire du lieu. Sachez que les victimes assassinées de suite pour inaptitude n'étaient pas inscrites dans les registres ... Seul 20-25% entraient dans le camp avec un matricule, aptes au travail, soumis aux travaux forcés.
On apprend que avant de rentrer dans les chambres à gaz, on disait aux détenus qu'ils allaient prendre une douche. Ils y rentraient les bras levés pour faire rentrer le plus de monde dans la salle. Les salles étaient équipées de fausses pommes de douche. Tout prêtait à illusion, dans les vestiaires, de nouveaux vêtements faisaient penser aux victimes qu'elles se rhabilleraient. Les SS munis de masque à gaz rentraient alors dans les chambres pour y disperser les granulés de cyanure d'hydrogène (boîte de Zyklon B), sous l'effet de la température, le gaz letal se dispersait. 25 minutes d'agonie...
Dans une salle, on est choqué de voir 2 tonnes de cheveux de femmes dans une vitrine de plusieurs dizaines de mètres de long, une infime partie des preuves retrouvées sur place à la libération. Puis on apprend que les cheveux étaient utilisés industriellement pour en faire du tissu...
Dans un autre block, on voit les "trésors" amassés par le IIIeme Reich, les biens arrachés aux gens dès leur arrivée. Je n'ai pas été capable de prendre certaines photos tellement les larmes nous ont emporté. Étant maman, les chaussures d'enfants, jouets, vêtements entassés par milliers furent terribles à voir.
Sur les murs de plusieurs blocks apparaissent les portraits d'une partie des défunts du camp nous murant dans un silence profond.
La journée des détenus commençait à 4h30, les travaux les plus pénibles se succédaient, ils revenaient au camp à la tombée de la nuit en portant le cadavre de leurs camarades.
Sur les 232000 enfants - ado arrivés sur le camp, seulement 700 ont survécus.
A partir de 1943 les bébés de mère non juive eurent la vie sauve, soit 700 naissances à Auschwitz, mais seulement 60 ont survécu jusqu'à la libération.
Nous avons vu avec dégoût le mur de la mort, la supplice des poteaux, la potence collective (12 personnes), la prison ou encore les chambres noires ou les chambres station debout (pièce de 60 cm par 60cm où 4 détenus devaient tenir debout toute la nuit, durant 3 à 10 nuits et retourner au travail chaque matin).
Nous finissons par un passage dans la chambre à gaz et les fours de manière rapide tellement c'est oppressant. Au total 1,5 millions d'enfants juifs assassinés ! Près de 6 millions de juifs assassinés... Environ 1,1 millions de Juifs sont ainsi morts à Auschwitz-Birkenau, auxquels s'ajoutent environ 300 000 non-Juifs.
Quelques données historiques supplémentaires :
Des témoignages bouleversants des rescapés nous glacent le sang, comme celui de Simone Veil qui avait 16 ans quand elle découvrit cette grande machine à tuer d'Auschwitz-Birkenau déportée le 13 avril 1944; ou celui de Esther Senot, 92 ans dont je vous relate quelques passages :
"Esther est déportée au camp de concentration d'Auschwitz-Birkenau depuis septembre 1943, à 15 ans. Un trajet de trois jours particulièrement atroce à vivre. A l'arrivée, on nous a déshabillés, on nous a rasé et ils nous ont tatoué un numéro. On n'avait officiellement plus d'identité, on ne pouvait plus prononcer notre nom. Il fallait qu'on apprenne notre matricule en allemand et polonais. Dans ces conditions-là, on apprend vite."
" Exceptionnellement, elle a la permission d'aller dans des toilettes, "des grandes baraques avec des centaines de trous". Surprise, elle retrouve sa soeur, déportée depuis février 1943. "Les retrouvailles ont été pénibles, épouvantables." Sa soeur, trop faible physiquement, ne peut plus répondre à l'appel et va donc mourir dans un crématoire. Esther dit "Elle m'a dit : "Ecoute, pour moi, c'est fini. Si tu as la force de tenir, tiens le coup. Si tu as la chance de revenir des camps, promets-moi de raconter ce qui nous est arrivé pour ne pas qu'on soit les oubliées de l'histoire." La promesse à ma soeur m'a poursuivi."
"En 1939, pour les juifs qui habitent en France, les restrictions s'accroissent : recensement, un seul compartiment - le dernier - dans les transports en commun, un couvre-feu à 20 heures avec une autorisation pour faire les courses à partir de 16 heures... "Il n'y avait plus rien dans les commerces..."
A la libération de 1945, ils sont des rescapés incompris : Esther raconte :"Je ne tenais plus sur mes jambes. J'avais des plaies sur la tête, je pesais 32 kilos et j'avais les cheveux rasés." Le retour en France est très difficile pour les rescapés de la Shoah. On ne les croit pas. On nous a traités de tous les noms, de menteuses, on nous a dit qu'on racontait n'importe quoi. On a été culpabilisées d'être revenues, on s'est repliées sur nous-mêmes. Le seul problème est qu'on était nées juives."
Je finirais cet article par une réflexion, une recherche sur l'origine de cet antisémitisme au coeur de cette guerre ?!
L'antisémitisme hitlérien n'est en aucun cas singulier. Il remonte, au minimum, aux massacres de Juifs en Allemagne avant la Première Guerre mondiale. Il est également issu d'un mélange de théories et de représentations négatives, forgées à partir du IXe siècle de l'ère chrétienne. L'attachement des Juifs à leur culte, à leur communauté et à leur conviction d'être le « peuple élu » leur vaut un traitement à part. Peuple déicide et peuple de Dieu, ils sont pour l'Église un objet de scandale... Tolérés, puisque utiles, mais soupçonnés et haïs parce que marginaux, les Juifs nouent avec leur environnement des relations d'une extrême ambiguïté... Selon cette idée, l'antijudaïsme n'aurait fait que de se renforcer tout au long de l'histoire...