Nous avons quitté Tarapoto pour aller jusqu'à la petite ville de Yurimaguas, située à un centaine de kilomètres plus au nord. C'est à partir de là que nous avons commencé à voyager en bateau, avec comme premier objectif de rejoindre la ville d'Iquitos.
Dimanche 5 août :
Nous naviguons depuis environ deux jours entre Yurimaguas et Iquitos. Nous avons atteint le point sur la carte où il n'y a plus de routes, et nous continuons ainsi notre progression en bateau. Le fleuve est l'unique possibilité de se déplacer, et c'est ici que commence l'immense forêt amazonienne.
Nous avons embarqué au port de Yurimaguas, où nous sommes entrés dans l'incroyable système de communication fluvial du Pérou. Savoir sur quel type de bateau, à quelle heure est le départ ou quel jour on arrive est impossible à anticiper. On monte sur un bateau, on s'installe, on attend, on regarde les hommes charger, décharger, transpirer. Le port est une plateforme où transitent tout types de produits, en provenance ou en direction d'Iquitos et des villages qui bordent la rivière. La société de consommation semble également avoir contaminé les communautés de la jungle. Ici aussi on commande sur Amazone.
Port de Yurimaguas D'un coup nous sommes sorti de nos rêveries, on apprend qu'il ne faut pas rester, à l'endroit même censé être réservé aux particuliers vont bientôt être apportés 2000 poulets... C'est tellement drôle quand on y repense ! On est loin de l'image ou le passager attend tranquillement de se faire contrôler son billet électronique avant le départ... Pour voyager en bateau au Pérou, il ne faut pas être trop exigeant, et pas trop pressé. Ça tombe bien on a le temps ! Et quand certains diraient qu'ils le perdent, nous on a l'impression de le gagner. C'est ça la magie du voyage, c'est concrèt, et c'est comme ça qu'on l'aime ! Et puis toute cette attente, cette confusion, on le prend comme un droit d'entrée, un permis de naviguer. Il faut mériter de pouvoir voyager sur le mythique fleuve Amazone.
On fini par trouver une autre embarcation. Le bateau s'appelle Kiara, chargé à bloc, et le départ est prévu au lendemain matin. Il n'y a pas beaucoup de places, mais on se retrouve quand même à une quinzaine de voyageurs. Le bateau n'est pas adapté pour des passagers, mais chacun y a finalement trouvé une place pour installer son hamac.
Notre bateau Kiara Nous voilà en route, ou en fleuve, pour un voyage de deux ou trois jours. Comme pour le reste, on ne sait pas, on verra. Nous sommes sur le Rio Marañon, qui devient Fleuve Amazone quelques miles avant Iquitos. On l'a beaucoup imaginé, et d'un coup nous y voilà. Nous naviguons sur des eaux qui traversent la plus grande forêt de la planète, le poumon de la Terre. La respiration s'accélère et on a du mal à calmer notre excitation. Le paysage défile sous nos yeux, offrant un spectacle intense de beauté. Il est imposant ce fleuve, et depuis nos hamacs nous apercevons son lit s'élargir. On sait que si l'on continue comme ça, on arrivera jusqu'à l'océan. Chacun y médite à sa façon, le bateau étant un formidable outil de concentration.
On observe, on se ballade, on discute, on se repose, on dort, on lit. L'ambiance est sympathique et chacun y trouve son occupation. Nous n'avons pas le même itinéraire ni la même destination, mais le temps de quelques heures on partage la même embarcation. Ensemble nous découvrons une partie de la vie de l'Amazonie.
Et puis au milieu de la troisième nuit, nous arrivons à destination. On était vraiment bien sur ce bateau, on aurait pû rester une semaine ! On est presque déçu d'arriver... On se rassure, l'idée c'est de passer quelques jours à Iquitos, avant de continuer vers un nouveau lieu et sur un autre bateau.
IQUITOS :
Une cité coloniale bâtie au milieu de la jungle. Historiquement, ce sont les jésuites qui l'ont fondée, pour venir se mettre à l'abri des indigènes réticents à la christianisation. Elle est rapidement devenue la capitale du Loreto, le département Nord du Pérou. Avec l'apparition des bateaux à vapeur, les voies fluviales se sont ouvertes à la navigation, facilitant le commerce et le développement de la ville. En 1880 a débuté le boom du caoutchouc, donnant à Iquitos une tournure historique. Des riches compagnies européennes s'y installent et commencent a développer leur business d'exploitation. L'age d'or de l'hévéa va durer trente ans et donner à Iquitos une nouvelle image de ville riche et prospère. Les "Barons du Caoutchouc" construisent des grands hôtels et des belles maisons pour y installer leur famille. Les colons s'enrichissent pendant que les indigènes crèvent sous le travail. C'est tout le poids que porte aujourd'hui Iquitos, qui doit le gros de son développement à trente années d'esclavagisme intensif.
Au milieu des années 1910, l'hévéa s'est exporté, et des plantations ont vu le jour en Asie. Son exploitation s'y est avérée bien plus rentable que dans la jungle, et le succès du caoutchouc s'est ainsi effondré presque aussi vite qu'il est arrivé. Iquitos est redevenue une ville oubliée du monde.
Décrire l'ambiance qui règne à Iquitos n'est pas chose facile. 400000 habitants pour presque autant de "moto-taxis", voilà une première image bien représentative. Le centre est joli, et la ballade du "bord de fleuve" très agréable. Les anciennes maisons coloniales datant de l'époque du caoutchouc sont une des particularités principales. Certaines ont été rénovées puis transformées en restaurant ou café, mais la plupart sont abandonnées. Leur architecture de style européen contraste avec la qualité de construction péruvienne, donnant à la ville une atmosphère étrangement attractive.
Autre aspect d'Iquitos, son interaction avec le fleuve. En saison sèche, Juillet-Août, l'eau est très basse et assez loin du centre. Mais avec les fortes pluies, le fleuve monte de plusieurs mètres et donne à la ville une tout autre image (que l'on a malheureusement pas pû apprécier). Les gens du fameux quartier de Belen savent s'adapter à ces changements, vivants sur des maisons flottantes ou des constructions sur pilotis.
Le quartier de Belen En arrivant à Iquitos, nous avons eu la chance de croiser une amie rencontrée à Samaipata, en Bolivie. Nous savions qu'elle habitait là, mais nous n'avions pas de contact. Despina est grecque, et passe une grande partie de sa vie à voyager. Elle est vit à Iquitos depuis six ans, et fait parti de ces étrangers qui sont tombés sous le charme de la région, attirés par le pouvoir de la jungle. Elle nous a ouvert quelques portes de la ville, dont celle d'une de ces anciennes maisons datant du début du 20ème siècle. Un genre d'auberge espagnole au Pérou. Nous y avons passé une superbe semaine, profitant de la vue et rencontrant des belles personnes.
Nous avons également pu découvrir les alentours d'Iquitos et passé quelques jours plus au sud au bord d'une rivière. Nous y avons entre autre profité d'une des plages qui se découvre seulement en saison sèche. Autre ambiance, nous sommes aussi allés passer quelques jours dans la forêt, au sein d'une communauté. C'est ici que nous avons eu l'opportunité de se "reconnecter" avec la nature. Nous avons pris du temps pour nous, profité du calme, et beaucoup échangé avec les personnes présentes. De part cette expérience, nous avons découvert l'univers du chamanisme et des plantes natives de cette partie de l'Amazonie. Il est peut-être être là le vrai secret de la jungle, enfouis dans la forêt et bien gardé par ses habitants. Une incroyable force de la nature dans un équilibre envoûtant.
Bien trop long à expliquer, mais on sera ravis d'en discuter !
Nous pensions passer "quelques jours" à Iquitos, nous y sommes finalement restés trois semaines. C'est sans doute encore trop court pour sentir toute l'énergie qui s'en dégage, mais nous en avons eu un bel aperçu. Une ville dans la jungle, ce pays n'aura pas fini de nous étonner.
Et puis comme prévu nous avons embarqué sur un nouveau bateau. Cette fois-ci le fleuve nous aura emmené jusqu'à la triple frontière Pérou/Brésil/Colombie. C'est ici que s'est terminé notre périple péruvien, trois mois après y être arrivés. Et alors c'était quoi le meilleur, la montagne ou la jungle ? Il fait bon vivre dans les hauteurs, mais en Amazonie aussi, c'est vraiment coule la vie.