Métro puis bus, direction le Nord Ouest, pour aller visiter le Pavillon d'Or (Kinkaku-ji) qui a notamment inspiré un roman de Mishima. Avec ses couleurs or, il s'élève élégamment au milieu d'un bel étang où il se reflète. C'est un endroit normalement hyper touristique, mais grâce au (à cause du) Covid, les visiteurs sont franchement clairsemés. Il y a un aussi un beau jardin et, comme souvent, plusieurs autels shintos. On en profite pour acheter une plaquette de prières en bois : elle représente un bateau lourdement chargé dont l'avant est en forme de phoenix, comme celui qui trône sur le Pavillon d'or.
On poursuit notre visite et après une vingtaine de minutes de marche, on rejoint le temple du Dragon paisible (Ryoan-ji). Il est notamment connu pour son jardin zen. De la taille d'un terrain de tennis, ceint de murs blancs et ocres, ce dernier se compose de quinze pierres de tailles différentes, dressées sur des ilots de mousse et de verdure au milieu d'un "océan" de graviers blancs aux lignes géométriques diverses. On l'observe et on y médite depuis une terrasse à partir de laquelle, quelle que soit notre position, on ne peut jamais voir les quinze pierres en même temps. Pour atteindre ce jardin, on doit, comme souvent, se déchausser et cheminer sur de magnifiques planchers courant "en extérieur" le long de pièces sobres typiques de l'architecture zen, avec ses papiers beiges, son bois foncé et ses quelques peintures murales. On poursuit la visite en nous promenant le long d'un splendide étang où on a l'impression que chaque arbre, chaque feuille, chaque bruissement d'eau, chaque clarté est calculée pour générer une atmosphère calme et propice à la tranquillité. Christine est particulièrement enchantée de cette balade autour de l'étang. D'ailleurs, elle semble toute intéressée par le zen et s'achète même trois petites statuettes, des Jizô qui sont censées protéger et apporter la paix, en particulier mentale. Dans ce temple, il y a aussi une petite fontaine célèbre pour son inscription qui déclare que l'on apprend pour se développer soi-même et que celui qui le fait dans l'optique d'obtenir des avantages matériels restera pauvre. De nouveau, peu de visiteurs pour un endroit dont les guides indiquent que les "flots de touristes" rendent difficile la méditation et qui conseillent d'y aller tôt le matin ou juste avant la fermeture, en semaine et si possible un jour de pluie ! Nous sommes dimanches, grand soleil, il est midi .... mais pas grand monde !
Normalement, arrivés au terme de cette seconde visite, on avait imaginé prendre un bus pour nous rendre au temple d'argent et pour y faire la "promenade philosophique" qui se situe au Nord Est (un peu plus au nord que les temples visités la veille). Mais on se sent bien, on commence à être déjà bien loin du centre et on se dit qu'on pourrait continuer dans cette direction, plutôt que de refaire une heure de bus, alors que notre guide indique d'autres temples plus proches, dans lesquels on peut se rendre à pieds. On décide donc de poursuivre dans cette zone. On marche une quinzaine de minutes pour aller jusqu'au temple de Ninna (Ninna-ji), un ensemble de bâtiments classé à l'UNESCO. Il faut d'ailleurs préciser que quand on visite un temple, on visite en fait un ensemble, souvent étendu, de bâtiments divers et de jardins et non uniquement une bâtisse unique : à pieds, ça prend du temps ! Pour nous rendre à Ninna-ji, mais déjà depuis qu'on a quitté le Pavillon d'Or, on se balade en banlieue, et on accède ainsi aux quartiers résidentiels; ici, l'agitation du centre semble loin et on imagine volontiers la vie quotidienne des habitants. Mais avant d'aller plus loin, on est fatigués et on doit manger ! On tombe sur un petit restaurant hyper sympa, presque en face du temple. On y mange des sobas (chauds pour Christine, froids pour Christophe), des pickels et un met délicieux composé de riz, d'oeuf et de tofu. Reposés et repus, on visite le temple de Ninna-ji. On passe sous une immense porte gardée, de chaque côté, par d'effrayants personnages censés faire peur aux mauvais esprits pour les tenir éloignés du lieu. Ancienne demeure impériale transformée en temple religieux, elle possède de nombreux bâtiments magnifiques. Toujours le même type d'architecture. A nouveau, on se déchausse pour déambuler sur de belles galeries, entre des pièces sobres, au bois foncé et aux portes coulissantes claires, et une cours immense, faite de graviers impeccablement ratissés, parsemé d'arbres, arbustes, rochers. On fait ensuite un petit tour du complexe et on photographie notamment une belle pagode à 5 étages, près de 40 mètres de haut. De nombreux temples et pavillons se dressent, çà et là. Pour ressortir, on emprunte une immense allée, tout en gravier blanc, au bout de laquelle s'élève, monumentale, la porte par laquelle nous sommes entrés. On a aussi profité du lieu pour acheter deux tablettes de prières: une représente deux divinités shintos (dont celle du vent) et une où on voit un personnage rondelet entouré de deux rats !
Il commence à se faire tard mais on décide de nous rendre au temple de Myoshin (Myoshin-ji). Il n'est pas dans notre Lonely Planet, mais le National Geographic le mentionne comme particulièrement beau, un "havre de paix" propice à la méditation zen et nous assure que loin des foules, le visiteur s'y promène presque seul. Let's go ! On arrive dans un complexe aux allées pavées avec, de chaque côtés, des dizaines de temples (46 au total !). Ils sont fermés, pour la plupart, sauf quelques-uns, dont celui qui nous intéresse: le Taizo-in. Cette fois-ci, on ne pourra bien sûr pas visiter l'entier du complexe, mais c'est chouette de pouvoir nous concentrer sur le Taizo-in. On enlève nos chaussures et c'est reparti sur ces galeries au bois brut mais doux, presque glissant. Deux des pièces présentent des ouvertures "magiques" sur de splendides jardins zens, très verts. Sur une des parois, il y a une vieille peinture qui représente un homme au bord d'une rivière, une gourde à la main. A ses pieds, dans l'eau, est dessiné un poisson. Cette scène représente une énigme typiquement zen: comment l'homme pourrait-il attraper ce poisson au moyen d'une gourde ? L'énigme, qui ne peut être résolue par la raison, appelle une réponse d'un autre ordre, de type intuitif. Elle est une invitation à dépasser la raison et à développer d'autres facultés. En temps normal, et en respectant certains horaires, on peut même avoir une introduction à la méditation zazen: dans un tel cadre, ce serait juste parfait. Malheureusement, aucun cours n'est actuellement prévu: tant pis. Pour dire à quel point l'endroit, et les jardins zens vus depuis 48 heures sont incroyables, c'est Christine qui a insisté pour aller demander un cours de méditation. On remet nos chaussures et la balade se poursuit autour d'autres jardins zens et le long d'une rivière aux multiples cascades : les bruissements d'eau proviennent de partout et forment une musique harmonieuse que seule l'heure de fermeture nous contraint à finalement quitter.
Reste maintenant à retourner en ville. D'abord 30 minutes de marches à travers de jolis petits quartiers d'habitations: ruelles étroites, petites maisons serrées les unes contre les autres, petites terrasses où abondent les plantes, quelques canaux, 2-3 voitures s'aventurant lentement dans ce dédale de petites ruelles, enfants à vélo, ... la vie s'écoule ici apparemment bien paisiblement ! On rejoint finalement la dernière station de métro de la ligne rouge qui nous ramène au centre-ville. Fatigués, on a besoin d'une pause. On s'arrête au bord de la Kamo-Gawa, la rivière qui sépare le quartier de Gion de celui de Pont-Cho et du centre ville plus moderne. On boit une bière et un bon verre de vin blanc dans un bar hyper original: un Japonais y collectionne les bouteilles de whisky (franchement, il doit en avoir entre cent et deux cents), avec aussi des bourbons, des alcools forts européens, plusieurs types de bons vins français et une décoration faite de tasses Banania, de Tintin en français, de bibelots portugais ... et même une grosse cloche à vache de Puidoux ! On repart ensuite pour Gion que l'on aimerait voir de nuit: ruelles étroites entourées de très belles maisons tout en bois avec, devant chaque porte, au moins une lanterne. Quelques lumières filtrent discrètement des maisons. Ambiance mystérieuse et feutrée. Avec un peu de chance, on pourrait croiser une des trois cents geishas encore en activité ... mais pas cette fois ! Pour nous rendre à Gion, on a croisé des milliers de personnes se rendant au temple de Yasaka-Jinja, visité la veille, centre de la parade de chars, ou agglutinées le long du parcours: le festival attire les habitants et c'est une incroyable effervescence. On soupe finalement sur une terrasse qui surplombe la rivière, dans une charmante petite ruelle de Ponto-Cho.