Let's Go Home!

Q
Par
Cycling back home, from Hong Kong to Lille! :-)
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Juillet 2018
26 semaines
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Ça y est, j'ai du mal à réaliser encore, mais ça y est c'est enfin le jour du grand départ pour Lille...à vélo!

Juste avant le premier coup de pédale! 

Après que l'idée ait germé il y a 8 mois environ, il m'aura fallu près de 6 mois de préparatifs intenses pour arriver enfin à ce grand jour. Ces préparatifs ont été l'occasion de nombreux échanges avec beaucoup d'entre vous, merci pour vos conseils, votre soutien et votre enthousiasme! J'en profite pour remercier tout particulièrement ma chère Mathilde pour m'avoir laissé partir dans ce projet un peu fou!

Le concept est assez simple, rentrer à Lille en vélo depuis Hong Kong. Je passerai par la Chine, le Kyrgyzstan, le Tajikistan, l'Uzbekistan, le Turkmenistan, l'Iran, la Turquie, la Bulgarie, la Serbie, la Croatie, la Slovénie, l'Italie et enfin la France. Je vous laisse ouvrir une carte pour réviser votre géographie!

No comment

Quelques chiffres: Je devrai parcourir environ 15000km même si le chiffre est dur à estimer. Mon vélo pèse 17kg seul et mes sacoches 21kg soit 38kg au total sans eau, provisions ou encore essence! Je me suis pesé avant de partir, je faisais 69kg (un record...), je prends les paris pour celui qui saura déterminer mon poids à l'arrivée!

De quoi survivre 6 mois sur un vélo! 

Départ pluvieux, départ heureux! C'est donc sous la pluie et en avis de mousson que je m'élance depuis Hong Kong (Kennedy Town exactement, merci Peter)! Après quelques minutes mon rack arrière se détache! Ahahah, premier pépin technique, vite fixé par Sean, mon conseillé vélo. Ensuite, traversée de la mythique Kowloon Bay par le ferry et direction la frontière chinoise. Sur ma route le Tai Mo Shan, point culminant de Hong Kong qui me fera faire ma première ascension, bien raide! Juste après, j'ai pu quitter le bitume pour me perdre dans les sentiers boueux de Pat Heung : j'y ai trouvé un drôle de serpent, et je me suis fait courser par un chien enragé. Sain et sauf, il ne me reste qu'à passer la frontière avec la Chine, aidé de la maréchaussée hongkonguaise! Me voilà à Shenzhen!

Hong Kong 

Arrivé à Shenzhen, je trace la route vers l'ouest pour rejoindre Canton avant dimanche soir 23h, heure de la finale France-Croatie. Fatigué, je roule de nuit pour compléter les 80km de ma première étape. C'est pas moins de 120km qui m'attendent le lendemain. 200km en 2 jours, cela valait bien un titre de champion du monde!

CHAMPIONS DU MONDE! 

Couché à 3h du matin avec 200km dans les jambes, je prends un jour de repos le lendemain, l'occasion d'affiner mon parcours, mais surtout de profiter de l'accueil et des bons conseils de Pierre et de sa famille. Mille mercis pour votre hospitalité. C'est reposé et motivé que je reprends la route, direction Kunming et le Yunnan.

No flash, as requested Jess! 😀

En bref ces 3 premiers jours ont été un condensé de ce que je vais vivre lors de mon périple: du soleil, de la pluie, des pépins mécaniques, de la ville, de la montagne, de la piste, des chiens fous, des animaux étranges, des frontières, de la route de nuit, des grosses journées, mais surtout et avant tout de belles rencontres! To be continued...

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Après le départ officiel de Hong Kong, le « deuxième départ » depuis Canton. Cette fois-ci, je quitte pour de bon les mégalopoles et je m’enfonce dans la Chine profonde, d’abord dans la région du Guangdong puis dans celle voisine du Guangxi.

Canton-Wuzhou, Guangdong

Moi qui voulais enfin retrouver la nature, j’ai vite déchanté. Le Guangdong est la région la plus peuplée de Chine (près de 110 millions d’habitants) mais aussi la plus industrialisée. Elle contribue à 12% du PIB chinois soit l’équivalent d’un pays comme le Mexique. En d’autres termes, les routes sont gorgées de camions et le bas côté d’usines, d’entrepôts et autres bâtiments industriels affectés ou non. L’air est fort pollué et sent le bitume. Heureusement qu’ils ont pensé aux brumisateurs pour macadam, une aberration écologique dont je profite bon gré mal gré sous le cagnard.

J’avance donc les 2 premiers jours en espérant des paysages plus sauvages. C’est également l’occasion de mes premières nuits sous la tente et des douches au tuyau d’arrosage!

La première excellente surprise viendra de Lubuzhen, petit village à 150km de Canton. En me voyant chercher un endroit pour dormir, une famille attablée me convie à leur repas. Ils m’aident ensuite à installer ma tente sur la place du village entourée des gamins bouche bée devant ma présence. Pas certain que la plupart ait déjà vu un occidental! Plus tard Jason et son cousin, avec qui j’avais dîné, me rejoignent avec des bières et des feux d’artifice. Nous serons finalement rejoints par d’autres membres de la famille pour un deuxième dîner (et une interminable séance photo!) puis rebelote le lendemain matin pour le petit déjeuner. Premier moment d’accueil et de générosité spontanés dans ce périple, c’était mémorable!

Lubuzhen sonnait également mon arrivée dans plus de nature. Je longe désormais la rivière Xijiang et profite de ses rizières et de ses vergers sous un soleil de plomb.

A l’heure du déjeuner, alors que je prends des photos et vérifie mon itinéraire, Lu Yan Xiang m’interpelle en anglais et m’invite très naturellement à déjeuner copieusement.

Adorable!

C’est le temps de la récolte et tout le monde s’affaire dans les champs.

J’ai eu la chance de croiser Jody qui faisait sécher le riz et m’a proposé de mettre la main à la pâte.

Après 4 jours de vélo et un compteur affichant les 500km, je quitte le Guangdong et j’arrive à Wuzhou dans le Guangxi, l’état voisin. Je prends un jour de repos sous la canicule pour visiter le marché et les alentours.

Je profite également de la beauté et de la grâce des pratiquants de Tai Chi, mais aussi de sa version alternative et dansante dont je ne connais pas le nom!

Tengxian, jour de mariage!

Après un bon break je repars pour Nanning. Après seulement 50km je tombe sur un groupe de danseurs et percussionnistes; curieux je m’arrête et les questionne. Ils sont là pour célébrer un mariage. Ni une ni deux, le marié se présente à moi et m’invite très naturellement. Comment refuser?!

La traditionelle danse du lion

Me voilà donc en pleins préparatifs de mariage, accompagné de Oujialin, le cousin du marié qui parle un peu anglais. Ils sont des dizaines à s’affairer aux fourneaux, le tout au son des percussions et des danses. L’entrée des mariés est impressionnante sous les confettis, les pétards et le rythme des tambours.

Le repas est un véritable régal, c’est une explosion de saveurs à chaque bouchée. Tous les plats sont fins et travaillés, nous mangeons donc avec appétit. Tradition oblige, les mariés passeront même nous servir le thé et remettre à chaque invité une red pocket (enveloppe rouge contenant un billet de banque), signe de bonne fortune qui éloignera les mauvais esprits. Nous finirons la fête dans un KTV, karaoké dont les chinois rafollent!

Tengxian-Nanning, Guangxi

Je repars un peu fatigué le lendemain, il me reste 4 jours de route à travers l'état du Guangxi avant d'arriver à Nanning, sa capitale. C'est dans cet état que se trouve la ville de Yulin, célèbre pour son festival du chien. Cela n'a pas manqué, je suis vite tombé sur un barbecue assez inattendu! Le soir, campement de fortune tout aussi inattendu...

Bon appétit!

Dans le Guangxi c'est aussi le temps des récoltes: de manière traditionnelle ou parfois mécanique pour les plus chanceux!

Chaleur et eau en abondance, la nature est magnifique...

...et généreuse en fruits, légumes, fleurs!

Une ultime halte dans un marché sur la route et je serai à Nanning!

Quels sourires!

Après plus de 900km parcourus, me voici donc arrivé dans la capitale du Guangxi. Je suis tombé sur un spectacle désolant: un cimetière de vélos de partage. Je connaissais, et me réjouissais de leur succès en Chine, mais je connaissais également l'énorme problème de recyclage que cela impliquait. Des milliers de vélos se retrouvent ainsi abandonnés en périphérie des grandes villes chinoises. Malheureusement les entreprises de cyclo-partage ne sont pas encore à la hauteur du défi...

Heureusement je suis merveilleusement accueilli par Pierre-Jean: un entrepreneur français qui vit là-bas. Après avoir fait un super restau bien de chez nous : le traditionnel karaoké!

Voilà une belle première partie de voyage derrière moi, demain je sauterai dans le train direction Kunming et le Yunnan!

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Depuis Nanning, j’ai donc décidé d’accélérer pour des questions de visa et de timing. Après un saut de puce en train me voici dans le Yunnan, province chinoise réputée qui se trouve aux portes du Tibet. Je suis déçu de ne pas avoir fait ces 900km en vélo mais la perspective de passer plus de temps dans les montagnes me console.

Train et frontière vietnamienne

Déjà 2 semaines d’écoulées et mon visa ne dure qu’un mois. Je vais donc faire l’aller retour vers le Vietnam pour relancer une période de 30 jours. Une journée dans le train plus tard, j’arrive à la frontière terrestre entre la Chine et le Vietnam.

Je m’amuse du ballet de (montagnes de) marchandises qui transitent d’un côté à l’autre sur des vélos. Une fois au Vietnam, je profite d’un café local dont je raffole et repasse la frontière en sens inverse. J’ai bien sûr droit à un interrogatoire sur mes motivations à changer de pays 2 fois en 1h de temps mais les photos de mon vélo achèveront de convaincre les officiers de l’immigration. Un super repas vietnamien et une nuit dans le train plus tard me revoilà à Kunming prêt à attaquer la montagne!

Frontière Chine-Vietnam 

Kunming - Dali

Ravi de retrouver mon vélo, je fais quelques achats d’habits chauds et je reprends la route au plus vite. Je passe mon premier col à 2000m d’altitude ( j’étais très fier mais j’allais vite déchanter!) et les 1000km parcourus!

Les routes sont vallonnées et l’air frais, c’est nouveau pour moi, j’en profite. Beaucoup moins d’industrie en périphérie de Kunming, la nature reprend ses droits rapidement et quelle générosité! Les champs de maïs, les rizières font place aux potagers, aux vignes et aux arbres fruitiers, le tout sur fond de montagne!

Première soirée mémorable à Lufeng (ville Jurassic Park!), je profite des animations du village avant d’être invité à dîner par une famille locale. Le patron a même sorti la coupe du monde, je goûte mon plaisir lors de la séance photo!

Petit passage matinal au marché avant d’attaquer la montagne, la vraie.

Pendant que mes cuisses souffrent du dénivelé et des premiers passages de cols, paysans, éleveurs, commerçants, tout le monde s’affaire dans un cadre verdoyant!

Je trouve un peu de réconfort dans un hôtel mignon à Chuxiang et découvre sa fausse vraie vieille ville, une sorte de Disneyland sur fond de cité « d'époque » dont les chinois raffolent pour manger (beaucoup) et acheter des babioles. Seule vraie authenticité, un délicieux spectacle de danse!

Je suis de plus en plus à l’aise en montagne et profite d’autant plus des paysages mais aussi des repas et de la faune!

Le Yunnan est également un gros producteur de tabac pour lequel il est fort réputé partout en Chine. A défaut d’y goûter, j’admire les champs et assiste à la récolte encore manuelle. Je m’amuse également de leurs pipes à eau, sortent de narguilé qu’ils utilisent pour fumer.

Promis ce n’est pas de la drogue! 

Plus généralement le tabac est proéminent en Chine, on m’offre d’ailleurs généreusement une cigarette plusieurs fois par jour (que je refuse poliment). Le nombre de fumeurs est impressionnant (surtout chez les hommes) et l’autorisation de fumer partout dans les lieux publics n’aide pas non plus (hôtels, restaurants, ascenseurs, toilettes...). Je vois même des adolescents et des enfants fumer, sans parler du tabagisme passif...

Une autre spécialité de la région est la taille de pierres décoratives, je croise beaucoup d’ateliers le long des routes. Je constate d’ailleurs que l’architecture des maisons est différente de celle du Guangxi ou du Guangdong. La plupart des portes sont ornées de fresques de plus ou moins bon goût.

Juste avant d’arriver à Dali je, fais la rencontre de Deng Tong, un cyclo-touriste chinois qui roule de Chengdu à Lijiang. Nous partagerons notre périple pour les 12 prochains jours. C’est un personnage intéressant, jeune prof de math; il aime la nature et le sport, rejette le tourisme de masse " à la chinoise" (voyage en groupe, vielles fausses villes, tarifs de visites astronomiques...). Il n’a pas de passeport mais ne s’en émeut pas, il est heureux d’explorer les provinces voisines à la sienne et toujours content de rentrer chez lui. Nos échanges sur la Chine seront passionnants.

Mon arrivée à Dali sera décevante, la météo est capricieuse et je dois visiter sous la pluie. Je ne profite que peu des points de vue sur l’immense lac au cœur de la ville et le coût des visites est prohibitif. Je me console avec une balade dans un magnifique couvent et décide de continuer ma route le jour le même.

Dali - Lijiang

Je suis récompensé de la décision de vite sortir de Dali, une éclaircie de fin de journée m’offre de superbes points de vue et je rencontre deux nouveaux cyclo-touristes: Gavin, star des réseaux sociaux chinois et Ding, prof de chinois qui ne parle pas anglais mais me lance régulièrement un délicieux « Long live the French »! Un dernier acolyte se joindra au groupe plus tard, lui aussi accroc aux réseaux sociaux puisqu’il filme et diffuse son périple en direct sur internet, jour et nuit!

Diner et tournées de baijiu offerts par le patron! 

Notre petit groupe progresse bien, nous nous entendons à merveille malgré la différence d’âge, de style et la barrière de la langue. Par la singularité du voyage à vélo qui nous rassemble et la difficulté du parcours, une forte solidarité naturelle se dégage entre nous.

Il y a 25 ethnies différentes au Yunnan, certaines sont bouddhistes, d’autres musulmanes (comme Ding avec qui nous roulons) et même physiquement, les locaux sont différents des Han, ethnie majoritaire en Chine que je côtoyais exclusivement jusqu’à mon arrivée dans le Yunnan.

Juste avant Lijiang, je croise Blandine sur le bord de la route, une jeune française qui traverse le monde à trottinette! Énorme respect pour elle et beau projet, je vous invite à visiter son site pour en savoir plus: http://www.wot.latrottineuse.com/en/world-tour-push-scooter/

Déjà 3 ans et tant à parcourir encore!

Cette dernière journée avant Lijiang est un régal. Dans un village nous assistons au festival du feu et ses lâchers de ballons, nous nous gavons de fruits locaux vendus le long des routes...


... et nous profitons de l'ultime ascension et des points de vue du sommet. Cest l’occasion pour Gavin d’alimenter ses 1,5 millions de followers avec des dizaines de photos pour lesquelles je sers aussi de modèle! Ahah

Lijiang - Shangri La

Nous prenons un jour de repos à Lijiang même si la ville a peu d’intérêt. La vieille ville est un autre Disney Land et les sites à visiter sont hors de prix. Très vite la route nous manque! Nous nous consolerons avec un super dîner dans notre auberge, le gérant ayant mis les petits plats dans les grands.

Note pour plus tard: Apprendre à cuisiner chinois!

Le périple reprend direction Shangri La, les paysages de montagne sont toujours aussi grandioses et nous longeons la Jinsha River qui hydrate des dizaines de millions de chinois. Gavin se met même à faire de la poésie (cf ci-dessous)!

Dernier arrêt avant Shangri La, nous lâchons nos vélos pour randonner dans les gorges du saut du tigre. Les autres cyclos nous quittent mais Deng Tong (le tout premier cycliste rencontré) m’accompagne. Ce parcours de 30km de randonnée est une pure merveille, nous profitons de ses points de vues à couper le souffle sous un soleil radieux, le tout au son des cigales. Improbable, je croise même un couple de randonneurs lillois! Nous finissons un peu tard et devons rentrer en stop, ça sera en camion sur une route peu rassurante entre l’apic et les éboulements.

Pour la reprise, 1600m de dénivelé à avaler pour arriver sur un plateau à 3300m d’altitude qui nous mènera à Shangri La. A l'arrivée partout des cochons et des yaks, l’architecture, les tentes et même les habits traditionnels nous donnent l’impression d’avoir changé de pays, nous ressentons déjà une légère impression de Tibet.

Le lendemain, arrivée à la fameuse Shangri La, principale ville de la Préfecture Autonome Tibétaine de Diqing (appartenant au Yunnan). C’est ici qu’on peut le mieux profiter d’un réel goût de Tibet sans la contrainte de l’obtention de visa pour les étrangers. Le pays, qui a été annexé par la République Populaire de Chine de Mao en 1951, est devenu une attraction touristique fort lucrative et Shangri La est une des dernières étapes pour les touristes chinois avant Lassa. Je pesterai d’ailleurs régulièrement sur ces conducteurs de 4x4 lancés à pleine blinde sur les routes de montagnes.

Je vous conseille un petit reportage sur le sujet si cela vous intéresse de creuser: https://m.youtube.com/watch?feature=em-uploademail&v=0D3oRTdfG0k

Le centre ville de Shangri La est plus joli que celui des villes précédemment visitées, notamment grâce à ses temples haut perchés.

Cependant le réel intérêt de la ville réside dans le monastère bouddhiste tibétain Ganden Sumtsenling, le plus grand du Sud Est de la Chine. Culminant à 3380m d’altitude, il peut accueillir jusqu’à 2000 moines et est surnommé le petit Potala en référence à son homologue tibétain de Lhassa.

Je m’y perds quelques heures avec contemplation. Entre 2 salles je m’amuse des scènes de sexe très explicites peintes sur les murs (impensable dans nos églises!) et des chinois respirant dans leur bonbonne d’oxygène personnelle : forcément, quand on monte à cette altitude en bus vitesse grand V, on a mal à la tête! Dommage que les photos à l'intérieur des temples soit interdites.

Sauras-tu trouver la souris qui ne sait pas nager? 

Le soir Deng Tong, mon acolyte chinois, nous a réservé une soirée à thème avec des danses traditionnelles. De la nourriture à outrance, un animateur en mode « BIP BIP » des bronzés, très peu de danse et beaucoup de jeux d’alcool. La soirée était très, très, chinoise, les touristes ont adoré! Antoine me rappelait que le Club Mèd avait été racheté par des chinois, il n’y a pas de hasard! Ahah!

Dans l’ensemble, cette étape dans le Yunnan a tenu toutes ses promesses. Les paysages sont grandioses et variés. Si on ajoute à cela de magnifiques rencontres sur la route et une météo clémente, on obtient un cocktail presque parfait. Presque parfait car les villes, trop commerciales et touristiques, n’ont pas eu l’intérêt que j’eus espéré. Peu importe, c’est sur la route que je suis bien, donc c’est avec enthousiasme que je me dirige vers le Sichuan pour toujours plus de hauteur!

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Shangri La était la dernière grosse étape du Yunnan avant de basculer dans la région du Sichuan. Eponyme de son fameux poivre elle est également réputée pour ses hauteurs et ses paysages à couper le souffle (à l’ouest), ainsi que pour ses Pandas (à Chengdu, sa capitale). La bascule dans le Sichuan est aussi le cap des 2000km parcourus pour moi!

Shangri La - Ranwuxiang

Après la foule de touristes et la dense circulation de Shangri La, mon acolyte chinois et moi sommes ravis de reprendre la route direction le Sichuan. Malgré la pluie, le choc est appréciable dès la sortie de la ville puisque nous nous retrouvons presque seuls au monde en quelques kilomètres, voitures et camions préférant un axe plus rapide.

Sur d'immenses plateaux aux airs de steppes, les rivières serpentent langoureusement et yacks et cochons cobabitent sous la guidance des bergers.

Mais le court repos qu’offrent ces plateaux à nos cuisses est vite dissipé par les premières grosses côtes, avec des cols à plus de 4000m. Les conditions sont beaucoup plus rudes que tout ce que j’ai connu jusqu’à présent, il pleut, il fait froid et je découvre la très difficile gestion des couches de vêtements et de la température.

Sous le déluge, je trouve parfois un peu de réconfort dans les rares habitations qui bordent les routes, certaines à des endroits improbables comme ce petit village de tentes hors du temps, posé sur un col à 4000m!

La partie ouest du Sichuan (tout comme l’était la partie est du Yunnan) a le statut de « préfecture autonome tibétaine », c’est à dire qu’elle est peuplée en majorité par des minorités ethniques, dont des tibétains. De ce fait, le contrôle de l’état chinois pour « le bon maintien de l’ordre » est représenté par une très lourde présence militaire. Je croiserai de nombreux convois sans fin de véhicules de l’armée ainsi que de nombreuses bases militaires.

Malgré la météo capricieuse et la débauche d’énergie, chaque fin d’ascencion est un pur bonheur et on savoure d’autant plus la descente que l’effort pour la montée a été long. Même constat pour les moments de repos comme ce jour où j’ai trouvé un hôtel avec des sources chaudes en guise de bain!

En bon français je n'oublie pas de travailler mon style avec les accessoires échappés des voitures de touristes!

Après une grosse journée d’ascension principalement sur des chemins de terre, objectant que c’est plus facile, mon partenaire de vélo Deng Tong refuse de reprendre la route par la piste et préfère un détour de plus de 60km sur 2 jours pour rester sur du macadam. Je lui fais part de mon intention de prendre l’option piste (plus fun et plus courte) et lui propose de se retrouver au même endroit 2 jours plus tard. J’aurai droit pour seule réponse à un “OK, I go first.” et il s’en ira en effet sans plus un mot. Je n’aurai jamais plus de nouvelles de lui, absolument impensable à mes yeux sachant que nous avions passé plus de 10 jours ensemble (jours et nuits). Absence totale d’éducation ou fossé culturel?

Je ne regretterai pas mon choix. Le chemin que je prends à travers des petits villages à l’architecture originale est superbe, d’autant plus que je me vois offrir la première éclaircie depuis plusieurs jours. Les gens sont chaleureux à mon égard, il ne doivent pas voir beaucoup d'étrangers.

Encore mieux: alors que je dois me battre plus de 6h sous la pluie pour atteindre le Kuluke Pass, point culminant de mon voyage à 4727m d’altitude, je suis accueilli par une magnifique éclaircie au sommet! Le passage de ce col est une jouissance unique, je ne peux m’empêcher de hurler ma joie devant la beauté et la pureté du paysage qui s’offre à moi ainsi que par le soulagement d'être enfin arrivé au sommet!

« Incroyable de traverser tous ces cols sans chemise! », dixit Maxime Bodin 😂

Ranwuxiang - Honglongxiang

A ma plus grande surprise, j’apprends qu’il y a également des yaks dans les Alpes! Cela remettrait presque en cause mes motivations de traverser la moitié du globe alors qu'on trouve tout en France! Ahahah

Le Kuluke Pass derrière moi, j’enchaîne les cols beaucoup plus serein (même à plus de 4600m!). La météo devient également plus clémente, je profite d’autant plus des plateaux (verts ou rocheux), des troupeaux de yacks, de quelques lacs ou encore des locaux...

...avant de finir en apothéose sur une journée d’une grande qualité!

Magique Sichuan! 

Mais malgré la beauté des paysages, je suis effaré de constater, impuissant , l’incivisme environnemental des chinois qui lancent systématiquement toutes sortes de déchets par la fenêtre de leurs voitures. Depuis Hong Kong, je m’attriste de l’état lamentable des bords de route, couverts de bouteilles plastiques, canettes, sachets, paquets de cigarettes... Même Deng Tong, mon camarade de vélo qui se dit amoureux de la nature (et je le crois), balance tous ses déchets par terre sans s’émouvoir de me voir les ramasser. Dans les villes, de nombreuses personnes sont payées pour nettoyer le bord des routes mais en dehors, les bas-côtés sont des porcheries. Un gros travail d’éducation reste à faire...

Journée aprenti berger

Un matin, alors que j’ai repris la route depuis peu, je croise un jeune berger et ses yaks. Celui-ci me propose de venir déjeuner dans sa tente et , enthousiaste , j’accepte l’invitation. Le déjeuner est original: lait et beurre de yak, brioche , et une sorte de pâte sucrée qu’on malaxe soi- même à la main.

Après le repas, mon ami berger m’offre une balade à moto exceptionnelle sur les crêtes. Nous sommes seuls au monde dans un décor vierge de toute activité humaine, les points de vue sont à couper le souffle!

J’aurai même droit à un délicieux goûter dans le village de ses parents. Je teste la viande de yak séchée, le yaourt de lait de yak, le pain et le surprenant thé local de couleur blanche: Kuding tea.

Le retour à moto à travers la forêt et les crêtes est également un grand moment. Avant le dîner (riz et oignons grillés avec toujours beaucoup de beurre!), nous ramenons le troupeau autour de la tente et enfermons les petits dans un enclos pour éviter qu’ils tètent durant la nuit. Protégé par 2 peaux de yak, je dors à la belle étoile à plus de 4000m d’altitude, le ciel est magnifique.

Le lendemain matin je partage un dernier repas avec cette famille d’une grande générosité, et j'assiste à la traite des yaks. Je prends alors conscience de la place prépondérante de l’animal dans leur vie. Celui-ci leur fournit lait, beurre, yaourt, viande, tourbe (pour chauffer le poêle), couvertures...

Avant de partir, mon ami me lance un « I love you! » sachant qu’il ne parle pas anglais: délicieux! C’est cependant tordu et dans la douleur que je reprends la route, en effet je me suis bloqué le dos en moto la veille. La conduite un peu brusque sur de la piste n’a pas été du goût de mon bassin!

Je profite malgré tout de mes derniers instants en haute montagne, le soleil est au beau fixe et les paysages sont à couper souffle. Je finirai même par une descente de 30km où l’on sent les degrés revenir petit à petit. Le soir, je dîne avec un groupe de marcheurs en route pour Lassa, léger dérapage festif au KTV à cause de la bière et du baiju!

Extension de visa

Arrivé à Yajiang, il ne me restait que 8 jours de visa pour rester sur le territoire chinois et je me devais de prendre une décision: soit je saute dans un bus pour Chengdu pour renouveler mon permis de séjour (la demande doit se faire 7 jours avant expiration), soit je finis à vélo (5 jours) et de devrai prendre un avion pour la Thaïlande à mon arrivée. J’avais, depuis le ridicule refus d’extension à Shangri La, cette épée de Damoclès au-dessus de la tête et je décide donc de la jouer safe en prenant le bus pour Chengdu, quitte à perdre 3 jours. Après une courte nuit et un léger mal de crâne, je laisse donc mon vélo à l’auberge et m’embarque dans un trajet de 10h où la moitié des gens vomissent... Seule consolation: mon adorable voisin! J’étais content d’arriver, enfin.

« Quand la chine s’éveillera... », dixit mon cher Papa!

La demande de visa se passe bien mais le temps de traitement de 8 jours est hallucinant, surtout qu’on me demande de rester dans le même hôtel pendant cette période. Après concertation auprès de mes contacts français vivant en Chine, je décide de retourner chercher mon vélo dans l’intervalle, je camperai.

Yajiang -Chengdu

Je suis content de reprendre la route après 3 journées d’inactivité. Il me reste 5 jours de vélo relativement intenses avec encore pas mal de dénivelé. Je savoure mes derniers instants de montagne avec la grimpette, les yaks, les rivières, les villages mignons...

Je croise énormément de cyclistes ou de marcheurs chinois qui rallient Lassa depuis Chengdu. Ce trajet est devenu extrêmement populaire dans le pays et c’est plus d’une centaine de personnes que je verrai tenter l’aventure. Ils se lancent dans la traversée de la route G318, apparemment « the most beautiful road in China » selon eux. Certains confient leurs équipements à une voiture qui les suit (tricheurs!) et d’autres rivalisent par la créativité de leur monture!

J’aurai même le plaisir de passer un dernier col à plus de 4000m d’altitude dans des conditions parfaites! Sur la descente j’aperçois (enfin) un peu de neige et me régale de noix, de mirabelles, de fruits de cactus et de kiwis à cœur rouge (2 fruits dont j’ignorais l’existence). La bonne journée se conclut par un délicieux dîner en famille.

Il me restait dès lors un peu de denivelé jusque Chengdu mais j’avance bien et j’enchaîne les grosses journées de vélo. Je repasse à moins de 1000m d’altitude et roule au milieu des champs de thé et d’orge, l'orge servant pour les nouilles et le pain.

Une dernière surprise m’attend avant Chengdu: sur la route on m’invite à une fête de naissance. Avec les plus âgés je joue au Dou Dizhou (un jeu de cartes chinois dont je n’ai pas tout à fait compris les règles) et me régale d’un superbe repas. Dans la région, presque tous les plats sont relevés au poivre du Sichuan qui les rendent très épicés mais absolument délicieux, et la sensation « d’anesthésie » que procure ce poivre est très marrante à ressentir.

Je suis arrivé en pleins préparatifs du repas qui étaient très représentatifs du schéma familial que j’ai pu observer en Chine (surtout en dehors des villes): les femmes font la cuisine et les hommes jouent aux cartes. Pareil le soir dans les bars, je constate souvent que les hommes dînent, boivent des bières et du baijiu entre amis jusque tard dans la nuit pendant que les femmes restent à la maison et regardent la télé, modèle très très conservateur!

Les derniers 100km sont plus construits et sans grand intérêt, je m’étonnerai d’ailleurs régulièrement du choix de bétonner certaines portions de montagnes, d'y placer d’énormes panneaux publicitaires ou des statues douteuses sans le moindre respect du paysage.

Les villes toutes neuves que je traverse (et bardées de tours HLM) ont poussé comme des champignons partout en Chine ces 40 dernières années. Après la traversée du Yunnan et du Sichuan, quand je vois ce que la nature a à offrir dans ces zones montagneuses, je me questionne sur l’intérêt pour les villageois de l’exode rural à marche forcée qu’a connu le pays. La plupart se retrouvent dans des villes bondées où il n'est pas toujours facile de trouver un emploi et où la qualité de vie peut laisser à désirer.

Chengdu

De retour à Chengdu, je retrouve un ami motard que j’avais rencontré à Yajiang. Il me fait découvrir les délices locaux, notamment une sorte de hot pot à brochettes, de la cervelle de porc et le dessert gélatineux « ice powder » à base de graine de « pommes du Pérou » et baignant dans une dose non négligeable de sucre brun liquide.

Comme beaucoup de personnes, j’ai toujours trouvé adorable l’animal national chinois: le Panda géant. Je me faisais donc une joie de pouvoir visiter le « Chengdu Research Base of Giant Panda Breeding » pour les voir de mes propres yeux dans un environnement à priori simili-naturel. Malheureusement la déception ne fut qu’à la hauteur des attentes. Au delà de 26°C les Pandas ne supportent plus la chaleur et doivent être enfermés dans des salles climatisées. C’est une excellente chose que de protéger leur santé, c'en est une autre de laisser rentrer dans le parc des centaines et des centaines de chinois hystériques qui finissent par faire la queue de longues heures pour taper sur les vitres d’une salle climatisée dans l’espoir de réveiller le Panda oppressé par la foule qui s’y trouve. Je ne parle même pas des gardiens qui hurlent d’avancer dans des microphones... C’est effrayant quand on sait que cet animal est solitaire et aime le calme par nature. Le centre devrait simplement fermer au public aux mois de juillet-août ou au minimum restreindre le nombre d’entrées, mais l'attrait financier l’emporte comme souvent en Chine.

Malgré tout j’ai trouvé ces créatures tout aussi adorables que dans mon imaginaire. J’ai également découvert les cignes noirs et le petit Panda (ou Panda roux), tout aussi adorable. A ma grande surprise, il a beau vivre entre 2200 et 4800m d'altitude dans son environement naturel, sous des températures comprises entre 10 et 25°C, lui n’a pas le droit à la climatisation...

Les Pandas aiment manger, dormir et le catch! 

Repos, massage, bons et copieux repas à Chengdu m’ont fait le plus grand bien après 2 semaines à plus de 3000m d’altitude et avant de prendre le train pour 3 jours direction le Far-Ouest. Le Sichuan a été une expérience à part grâce à la beauté et la pureté de ses paysages de haute montagne. La chaleur et le plat du Xinjiang m’attendent désormais.

Déjà près de 3000km parcourus! 
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Après Chengdu, je saute dans le train direction le Xinjiang, la province chinoise la plus à l'ouest de la Chine. J'avais le choix entre aller directement à Kashgar (dernière grande ville chinoise sur la route de la soie) ou descendre à Akesu et pédaler les 500 derniers kilomètres pour découvrir une cinquième province chinoise. Grâce à mon extension de visa j'opte pour la seconde option, plus excitante!

Train

Le train qui nous emmène de Chengdu à Akesu dure 48h à cheval sur 3 jours, il faut donc s'armer de patience! J'en profite pour rédiger mon prochain article et dévorer un super bouquin: "Paris-Pékin express" par David Baverez. L'auteur, investisseur privé basé à Hong Kong, fut invité par Emmanuel Macron à lui présenter la Chine d'aujourd'hui (et de demain) pendant le vol qui le conduisit à Pékin pour son premier déplacement de chef d'Etat. Le livre, sous forme d'une conversation, offre des clés de lecture passionnantes pour comprendre les ambitions économiques, géopolitiques et identitaires de l'Empire du Milieu pour le 21ème siècle. Seul bémol à mon goût, une trop grande complaisance de l’auteur et/ou dédramatisation envers le sécuritarisme et le totalitarisme chinois. Malgré tout, le livre mérite largement d'être lu, je le recommande.

Entre deux chapitres, je n'oublie pas d'apprécier l'incroyable changement de paysages qui s'offrent à moi, adieu les montagnes, les plaines et la verdure!

Akesu

Arrivé à Akesu, je dois trouver où dormir en attendant mon vélo qui arrive 1 jour plus tard. Impossible de trouver une chambre à un prix raisonnable, heureusement je rencontre Charlotte qui me propose de dormir dans la salle de classe d'une de ses amis. J'accepte bien entendu avec grand plaisir!

Nous dinerons en ville avec ses amis; par contre, impossible d'aller boire un verre par la suite: à l'entrée de tous les bars, les policiers me rejettent sans autre motif apparent que d'être étranger; je ne comprends que mieux les gens qui s'offusquent du délit de faciès. La ville a l’air en état de siège avec des policiers, des barrages et des militaires absolument partout. Première expérience sécuritaire du Xinjiang....

Le lendemain nous irons déjeuner en famille chez mon hôte institutrice. Ses parents habitent hors de Akesu au milieu des champs de coton et de jujube, un fruit local dont j'ignorais l'existence. Superbe repas avec barbecue de mouton et de poulet accompagné par le « vin » produit par la famille et un baiju de 1989, en pleine journée ça tape un peu!

Après le déjeuner, petite balade dans les champs de la propriété. Grâce à son climat chaud et sec, mais également grâce aux grosses quantités d'eau qui ruissellent des montagnes avec la fonte des neiges, le Xinjiang est le plus gros producteur de coton en Chine, elle même le plus gros producteur de coton au monde. Il faut bien alimenter les 7500 usines textiles du pays!

Champs de coton et de jujube (en haut à droite)

Une chose marquante également est le changement de faciès des locaux: visages plus ronds, plus bronzés, plus barbus. La région du Xinjiang est majoritairement peuplée d’une minorité chinoise appelée les Ouïgours. Les Ouïgours sont une ethnie musulmane sunnite et turcophone qui compte plus de 10 millions de personnes dans le Xinjiang. La gestion de cette minorité à la culture diamétralement opposée à celle des Hans (ethnie dominante en Chine), a toujours été une source de préoccupation pour Pékin qui resserre son emprise sur la région depuis des décennies, et tout particulièrement depuis les années 2000.

Les Hans ne représentaient que 6% de la population du Xinjiang en 1949 mais, suite à une politique de colonisation à marche forcée, ils pèsent pour 40% aujourd'hui (même s’ils restent légèrement minoritaires). Pour ce faire, le gouvernement chinois offrait aux « colons » Hans venus de l’Est des carottes fiscales s’ils s'installaient dans le Xinjiang ainsi que la possibilité d’avoir 2 enfants en pleine politique de l’enfant unique.

Akesu-Kashgar

Après ce super passage à Akesu, direction Kashgar, ma dernière grosse étape avant l'Asie Centrale. Je dois donc longer une partie du redoutable désert Taklamakan, le deuxième plus grand au monde. En ouïgourson nom veut dire « l'endroit où tu peux rentrer mais d'où tu ne peux pas sortir » et son surnom est « la mer de la mort » ! Beaucoup de cyclo-touristes se lancent comme challenge de le traverser du nord au sud pour rejoindre le plateau tibétain en affrontant les tempêtes de sable. Plus modestement je ne ferai que rouler sur son flanc nord et dans sa partie vivrière et habitée, même si la traversée était tentante.

Sur ma route je découvre un univers complètement différent: le climat est chaud et aride, la route est droite et sans fin et surtout le relief est quasi inexistant. Quel plaisir de voir des troupeaux de chameaux quelques jours après avoir vu des Pandas et des yaks, ce pays est vraiment incroyablement grand et varié!

J'enchaîne donc les kilomètres rapidement mais sans horizon on perd ses repères. Se posera pour la première fois la question existentielle « Pourquoi le vent souffle t'il contre moi et pas pour moi? », question qui depuis reviendra comme un leitmotiv! Une chose étrange également est que la Chine n'a qu'un seul fuseau horaire donc le Xinjiang, 4000km plus à l'ouest, est sur le fuseau horaire de Pékin. C'est un peu perturbant mais il fait jour à 8h du matin et nuit à 22h.

Magnifiques troupeaux de chameaux!

Après 2 journées vraiment désertiques je me rapproche de la partie la plus à l'ouest du Taklamakan qui concentre une large partie de la population de la région mais également, aussi surprenant que cela puisse paraître, de vastes zones agricoles. S'enchaînent alors les champs de coton, de jujube, de maïs, de pastèques, de noyers, et même des champs de peupliers qui servent à faire des planches. Certaines zones étant extrêmement arides je ne peux que m'interroger sur la surconsommation et le gâchis d'eau de certaines exploitations...

Safety first dans la scierie chinoise! 

Depuis mon départ de Hong Kong, un constat s'impose de plus en plus à moi: plus l'endroit traversé est isolé, plus les gens sont adorables. Le Xingjiang ne fait bien sûr pas exception, les habitants me saluent chaleureusement, viennent à ma rencontre et parfois m'offrent un repas! Je devrai même refuser une pastèque entière un jour faute de place sur le vélo! Les plats ne sont pas très variés (riz mouton ou nouilles légumes) mais ils sont très bons et surtout à mon plus grand bonheur les Ouïgours produisent un excellent pain. Les fruits sont exceptionnels également, je me gave de raisins, de jujubes et de figues.

Je n'ai pas tenté les oeufs rouges!

Et qu'aurait été un passage dans le Taklamakan sans une petite balade dans les dunes de sable? Dans ma jeune carrière de photographe amateur, j'apprends à mes dépends qu'il est très difficile de photographier des dunes, j'imagine à cause du manque de contraste et d’une luminosité moyenne ce jour là.

Mathilde se moque de mes photos de dunes pas droites... 😂

Malheureusement, une traversée du Xinjiang ne peut se faire sans un profond malaise lié à une surveillance policière omniprésente. Des villes aux campagnes, des grands axes routiers aux petits chemins de terre, tout est filmé en permanence par des centaines de caméras. Les barrages routiers s'enchaînent à une fréquence invraisemblable et (les policiers ne sachant pas lire notre alphabet) les contrôles de passeport interminables ne servent à rien.

Partout dans les villages j'observe des fresques à l'iconographie communiste simpliste pour vendre le rêve à la chinoise, c'est affligeant...

« Viens petit paysan Ouïgour, on va te mettre dans un HLM! »

Les maisons traditionnelles ouïgours ont été rasées par les autorités chinoises au détriment d'habitations copies conformes en béton, officiellement pour des raisons de normes sismiques. C'est surtout un excellent moyen d'effacer durablement une partie visible de la culture ouïgour. Il ne faut pas longtemps non plus pour comprendre que les centaines de drapeaux qu'arborent les rues, les façades des maisons et même les mosquées n'ont rien d'un élan patriotique généralisé , mais d’une obligation par Pékin pour imposer son nationalisme exacerbé.

Le Parti va d’ailleurs beaucoup plus loin que la propagande visuelle dans les campagnes. Presque tous les kilomètres dans les villages et les champs, sont installés d'énormes hauts parleurs qui vomissent de la propagande pro-Pékin en langue ouïgoure, non-stop de 8h à 22h... Aliénant!

Je ferai personnellement les frais de la paranoïa sécuritaire ambiante. Alors que je terminais mon avant dernière journée de vélo avant Kashgar, un policier en civil m'arrête pour prendre un selfie. Il « m’invite » ensuite dans sa caserne pour boire un café glacé. Il vérifie vaguement mon passeport mais reste très amical. Il demandera même à un de ses subordonnés de me cueillir du raisin, des tomates et des jujubes dans le jardin et m’offrira également quelques canettes de café. Malgré mon amusement pour la scène et connaissant la réputation de la région, je tente de m’éclipser mais il est déjà trop tard: un officier d’une autre caserne m’a prits en grippe et refuse de me laisser partir. Prétextant veiller sur ma sécurité il me demande d’aller dormir à l’hôtel, ce que je refuse, il m’offrira même de payer pour la chambre ou de dormir dans la caserne: hors de question d’être redevable auprès de la police du Xinjiang. Je me retrouve alors entouré d’une vingtaine de policiers qui me regardent béatement mais personne ne prend de décision. Je décide donc après 2h d’attente de reprendre la route. Ils me laissent faire mais 3 voitures de police me suivent de près.

Je pensais m’en tirer à bon compte mais lorsque je m’arrête pour camper, les policiers m’interdisent de planter la tente. Je serai même menacé de déportation et d’interdiction de visa pour 10 ans en cas de camping sauvage. Je ne prends donc pas le risque en présence de policiers et reprends la route.

Vers minuit, après un barrage routier mes poursuivants s’arrêtent et je comprends que je suis sorti de leur juridiction. Il fait nuit noire, ni une ni deux j’éteins mes feux, j’accélère, et après quelques kilomètres je me jette dans un champ et me cache dans un fossé. Je vois plusieurs patrouilles gyrophares allumés faire des rondes puis j’aperçois une battue à la lampe de poche qui s’organise dans le champ. J’ai l’impression d’être un fugitif mais je comprends surtout que je n’ai aucune chance! Je reprends alors la route mine de rien et me retrouve vite arrêté et contrôlé de nouveau. On me passe un téléphone et mon interlocutrice m’explique que les policiers vont m'emmener à Kashgar en voiture: refus catégorique de ma part, je finirai le trajet à vélo. Il est 2h du matin et il me reste 80km! Je serai suivi toute la nuit par 1 à 3 voitures de police et j’arriverai à 7h du matin après une étape de 200km...

Note pour plus tard: M’inscrire au Paris-Roubaix 2019! 😂 DONE GUY !

Mon éternelle passion pour la maréchaussée... 

La condition des Ouïgours en Chine

À mon plus grand désarroi, ce que j’ai vécu n’est en fait que la face visible de l’iceberg. Le Xinjiang est une région au bord de la crise de nerf. La situation est bien plus dramatique qu’une « simple » surveillance policière de la population. En effet les Ouïgours font l'objet d'un profond harcèlement par les autorités qui s'invitent au plus profond de leur intimité.

En plus d'une très dense présence physique de la police, police qui a plus ou moins tous les droits (contrôles d'identité injustifiés, fouilles des maisons, arrestations arbitraires), le Xinjinag est également le laboratoire iTech de la surveillance de masse en Chine. La reconnaissance faciale y est monnaie courante pour effectuer des gestes simples de tous les jours comme rentrer dans un supermarché ou acheter de l'essence. Elle est même utilisée pour alerter les autorités si une personne fichée s'éloigne trop de son domicile. Les voitures des Ouïgours sont équipées de balises GPS et la police a massivement installé un logiciel espion sur tous les téléphones Android pour télécharger leur contenu, potentiellement interdit par le régime. La police n'a d'ailleurs plus aucun scrupule et installe désormais ces logiciels espions sur les téléphones de tous les étrangers passant la frontière avec le Kyrgyzstan. Je suis sauvé par mon Iphone mais mon ami suisse n'y échappera pas...

Tout ceci n'est en fait qu'un début, la Chine a déjà commencé à collecter des échantillons d'ADN chez les Ouïgours sous couvert d'examens médicaux gratuits. Un système de notation des individus est également à l'essai, comme si nous notions un film ou une application, chaque personne pouvant perdre des points en fonction de ses antécédents. Les citoyens aux notes les plus médiocres se verraient refuser l'accès à certains services publics tels que les transports en commun par exemple.

Bien plus dramatique encore, potentiellement 1 million de Ouïgours seraient enfermés dans des « camps de rééducation » ou « camps politiques d'endoctrinement ». Dans ces camps les Ouïgours, incarcérés arbitrairement sans le moindre motif ni le moindre procès sont « rééduqués » à l'idéologie communiste, forcés de renier leur appartenance à l’Islam en arrêtant de prier, en consommant alcool et porc (parfois de force), tout en faisant allégeance à Xi Jinping et au Parti Communiste Chinois.

A titre de comparaison, la capacité de ces camps dépasse aujourd'hui celle des camps de l’Allemagne nazi pendant la seconde guerre mondiale et, à priori, cette capacité ne cesse d’augmenter avec la construction de nouveaux sites d’internement. Les pires exactions reportées se « limitent » aujourd'hui à de la torture mais l'escalade des 2 dernières années, et le jusqu'au-boutisme du Parti rendent probable le scénario d'extermination de masse. Effrayant...

Si l'existence même de ces camps est niée par Pékin, ils justifient leur politique sécuritaire par « la lutte contre le séparatisme, le fondamentalisme et le terrorisme », allant même jusqu'a prétendre avoir évité une « nouvelle Syrie » dans le Xinjiang. La région a surtout une position ultra stratégique pour le projet cher à Xi Jinping de « nouvelle route de la soie».

Chen Quanguo, le gouverneur du Xinjiang qui est responsable de cette politique, a été nommé à la tête de la province en 2017. Il est notamment l’ancien gouverneur de la province autonome du Tibet où il a eu à affronter un autre problème ethnique majeur en Chine. Il a fait ses preuves et s'est forgé là-bas une réputation extrêmement dure.

Voici une sélection d'articles très bien écrits sur le sujet. Le premier, assez court, est un bon résumé. Je recommande le troisième qui est publié par Slate, très complet et offrant une bonne vision globale.

Cela faisait trop longtemps queje souhaitais lire le prophétique « 1984 » de George Orwell, je l'avais d'ailleurs téléchargé sur mon e-book avant le départ pour ce voyage. Ce sera ma prochaine lecture.

Kashgar

Dans l'ensemble, j'ai été déçu par toutes les grandes villes que j'ai visitées en Chine. La plupart ont été détruites lors de la Révolution Culturelle et reconstruites en de pâles répliques pleines d'échoppes touristiques aux airs de Disneyland. Kashgar qui n'a pas fait exception à la règle (la vieille ville a presque intégralement été rasée au buldozer), a malgré tout plus d'intérêt que les villes précédemment visitées et j'ai apprécié me perdre dans ses ruelles.

Personne n'est dupe sur l'omniprésence ubuesque de drapeaux chinois dans les rues 

Un des principaux attraits de Kashgar est sa population et la vie qui l'animent, quel plaisir d'arpenter les rues, les bazars et les restaurants! Je goûte les spécialités locales à base de mouton et toujours leur délicieux pain. Un soir, je serai même invité à me joindre au dîner de retrouvailles de deux vieux amis (un de Kashgar, l'autre d'Urumqi). La vodka coulera à flot au son de l'accordéon: mémorable!

Le site qui a le plus d'intérêt dans la ville est le mausolée d'Abakh Khoja, extrêmement bien conservé ce qui est rare en Chine. On prend un réel plaisir à se balader à l'intérieur de ce superbe bâtiment. À l'inverse, la visite sous les dizaines de caméras de la mosquée Id Kah, place centrale du culte musulman à Kashgar en plein coeur de la ville, a peu d'interêt. Le prix déraisonnable de la visite et le peu qu'on puisse en retirer font plus penser à un moyen déguisé pour l'Etat de s'enrichir sur le dos des Ouïgours plutôt qu'à un site culturel.

En bas à gauche le Mausolée d'Abakh Khoja et en bas à droite la mosquée Id Kah  

Et que serait une ville d'Asie Centrale (qui plus est sur la route de la soie) sans son bazar? Je découvre avec plaisir cette institution régionale et me perds dans les interminables allées offrant tout et n'importe quoi, du textile à l'électro-ménager!

Pas chers les scorpions! 

Kashgar - Irkestam

Après Kashgar il ne me reste qu'un jour de vélo puis le passage de la frontière (en taxi, question de sécurité selon les chinois). Sur la route pour la frontière je rencontre le charmant Julian, un cyclo suisse qui roule de Chengdu (en Chine) vers la Suisse. Nous ne nous quitterons plus pendant 2 semaines! Nous profitons de la beauté des derniers paysages chinois qui s'offrent à nous, nous serons comme aspirés par les montagnes d'Asie Centrale!

La journée de passage de la frontière, elle, est tout sauf un plaisir. C’est pas moins de 12 checkpoints que nous devrons passer, on ne sait jamais au cas où on aurait changé d’identité entre l’entrée d’un bâtiment et la sortie... L’arrivée au Kyrgyzstan fut un réel soulagement, soulagement de quitter la Chine mais surtout le Xinjiang qui concentre tout ce que le pays peut produire de pire. La première partie du voyage m'avait séduit et réconcilié avec l'Empire du Milieu, mais mon passage dans le Xinjiang a tout gâché.,

Bilan Chine

Loin de moi l’idée de raconter la Chine en quelques lignes (trop grande, trop complexe), mais après près de 2 mois dans le pays à travers 5 provinces, voici ce que j'ai appris et retenu sur la Chine et les Chinois.

Avant tout, tous les clichés que nous avons sur les chinois vu d'Europe sont vrais! Un voyageur dans l'Empire du Milieu sera régulièrement gratifié de rôts tonitruants et de raclements de tuyauterie à te décrocher un morceau de poumon suivi de généreux crachats (même sur le sol à l’intérieur des restaurants ou en plus se mélangent mégots et restes du repas). Ce voyageur sera bien impuissant face à l'anarchie des files d'attente (pourquoi faire la queue quand on peut se placer en premier directement?) ou devant le spectacle de gloutons aspirant leurs nouilles le plus violemment et le plus bruyamment possible. Ce même voyageur pourra également s'amuser de la fière aération et exhibition de bedaines chinoises dans les lieux publics (relevé de t-shirt ou ouverture de chemise, chacun sa technique). Je m'arrête là, la liste pourrait être longue mais je dois avouer que je me suis bien amusé à observer les chinois! 😂

De façon moins légère, j'ai été choqué par l’incivisme sur les routes, qu'il soit sur la conduite ou le respect de l'environnement. Sur la conduite d'abord, les chinois n'ont aucun respect pour les autres usagers, surtout s'ils sont plus petits comme les deux roues. Selon eux le klaxon doit être utilisé le plus fréquemment et le plus bruyamment possible, peu importe qu'il fasse jour ou nuit, qu'ils soient au milieu de nulle part ou en pleine ville. Les freins eux doivent être utilisés le moins possible. La vitesse excessive et les dépassements hasardeux sont la norme, j'ai eu parfois l'impression d'assister à des courses de 4x4 sur circuit alors que nous étions dans des petites routes de montagnes sans visibilité. La priorité à droite n'est respectée que pour les usagers dont le gabarit est supérieur à celui d'une voiture, je ne compte pas le nombre de fois où j'ai dû piler pour éviter une collision pour refus de priorité. Les camions obtiennent la palme en cumulant l'intégralité des mauvaises conduites, pollution extrême par gaz d'échappement en prime. D'un point de vue environnemental j'ai été choqué de l'état des routes qui sont couvertes de déchets, même en pleine nature. Je verrai régulièrement des fenêtres de véhicules s'ouvrir pour y balancer toutes sortes de détritus: Pourquoi les garder jusqu'au prochain arrêt? Mais l'Etat aussi a une part de responsabilité énorme dans la destruction de l'environnement. Lancé dans ses gigantesques projets d'infrastructure, il a oublié de préserver la sublime nature des ponts, tunnels, autoroutes, pilones électriques, câbles...

Une chose également surprenante est la présence de statues et d'icônes de Mao partout en Chine. Le fondateur de la République Populaire de Chine garde une très forte popularité dans le pays (chez les plus vieux mais aussi les jeunes). Personne ne semble se souvenir de son bilan économique, sociétal et culturel catastrophique. Pour ne citer que ces deux grands projets maoïstes: le « Grand Bond en Avant » produisit la plus grande famine de l'Histoire moderne mondiale et la « Révolution Culturelle » anéantira à jamais une immense partie du patrimoine millénaire chinois. Même le Parti a reconnu quelques années plus tard que c’était une erreur de la part de Mao. Cette admiration posthume est d'autant plus contradictoire qu’aujourd’hui il ne reste plus rien des fondamentaux de la pensée maoïste dans la deuxième économie du monde, qui n'a d'ailleurs plus de communiste que le nom et le totalitarisme.

Une autre figure omniprésente est celle de Xi Jinping. Dans les foyers, dans les villes, partout en Chine son image est présente, souvent à des fins de propagande auprès des minorités ethniques. Il est très apprécié chez les Hans (l'ethnie majoritaire) notamment pour son engagement féroce à replacer la Chine au centre du monde après les humiliations du siècle précédent. La pensée Xi Jinping a d'ailleurs été inscrite dans les statuts du Parti Communiste Chinois en 2017, comme celles avant lui de Mao Zedong et Deng Xiaoping.

Dans le Xinjiang, la figure de Xi Xinping est un outil de propagande pro-Pékin

Mais malgré tout la Chine reste un véritable trésor à découvrir. Sa taille offre une diversité de paysages, de cultures ou de gastronomies sans équivalent. Des cimes himalayennes au désert du Taklamakan, de l’énergie sans limite de ses grandes villes à l'immensité de ses montagnes et de ses campagnes, de son histoire millénaire à ses ambitions high-tech pour le 21ème siècle, la Chine semble en constant équilibre entre deux extrêmes. Aurait-elle atteint son Tao, équilibre subtil entre le yin et le yang?!

Une des excellentes surprises pour moi viendra des chinois eux-mêmes, surtout en dehors des grandes villes. Je les ai trouvés plus curieux et spontanés que ce que j'aurais pu imaginer. Malgré la barrière de la langue, beaucoup sont venus à ma rencontre pour échanger, m'offrir une cigarette, un fruit, une boisson, un repas ou même m'inviter à une fête ou un mariage. Beaucoup feront preuve d’une grande générosité envers moi et je leur en serai éternellement reconnaissant.

Ce fut moins une surprise mais je suis complètement tombé amoureux de la gastronomie chinoise, d’une très grande variété! Je me suis fait la promesse d’apprendre à cuisiner leurs meilleurs plats à mon retour en France. Les chinois accordent d’ailleurs une forte importance à la nourriture, héritage de la grande famine de 1958. Pierre, qui m'accueillait à Canton, m'expliquait qu'en guise de salutations les chinois se demandent si ils ont le ventre plein quand ils se rencontrent. J’imagine que c’est une des raisons pour laquelle on mange très bien en Chine!

What's next?

Ma traversée chinoise fut donc un mélange de fascination et de déception, souvent mêlées. Le pays est d'une grande richesse humaine, naturelle, sociale, mais en même temps certains agissements de la population ainsi que la gestion du pays par le Parti Communiste Chinois laissent perplexe. C'est toute l'extrême complexité de ce pays aujourd'hui! A méditer...

Après 2 mois très enrichissants, je suis heureux de quitter la Chine vers de nouvelles aventures: à moi l'Asie Centrale désormais!

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La mythique Pamir Highway au Tadjikistan

Dans un voyage aussi long que celui que j’ai entrepris il est impossible de classer les pays, les villes, les paysages, les moments de vie et je ne m’y risquerai pas.

Malgré tout, nous avons nos affinités naturelles et, beaucoup le savent, avant mon départ il y avait 5 étapes principales qui me faisaient particulièrement rêver par leurs paysages et leurs routes: le Yunnan (Chine), le Sichuan (Chine), la Pamir Highway (Tadjikistan), l’Iran et la Turquie. Et c’est précisément pendant que je me régalais de mes premiers cols dans le Yunnan que l’horreur s’est invitée dans l’actualité tadjik.

Le 29 juillet 2018 au Tadjikistan, 7 cyclo-touristes ont été attaqués par des terroristes, 4 d’entre eux ne survivront pas. Leur seul tort: arpenter la mythique Pamir Highway (deuxième plus haute route du monde et partie intégrante de la route de la soie) pour se frotter à ses cols à plus de 4500m d’altitude, y découvrir des paysages extraordinaires et une culture millénaire. J’ai une pensée émue pour leurs familles.

Le pays n’avait connu aucune attaque terroriste ces dernières années (en avait il déjà connue?). Même si les motivations de ce geste restent floues, il est probable qu’il soit une sorte de ras-le-bol d’un système dictatorial incompétent et répressif qui a laissé le pays dans une extrême pauvreté depuis la chute de l’URSS. Ci-dessous vous trouverez la réponse de Steven Hermans, fondateur du site Caravanistan (la bible du baroudeur en Asie Centrale et sur la route de la soie), qui offre quelques clés de lecture sur cet événement.

Comme Steven je partage le sentiment qu’il faut continuer à vivre malgré le risque terroriste qui existe en France, en Belgique et dans les villes que nous fréquentons tous et comme lui je ne ferai jamais la folie d’aller en Afghanistan ou en Somalie. D’ailleurs j’ajouterai que les risques du quotidien ne sont pas que terroristes. Ils peuvent être routiers, météorologiques ou criminels mais ils ne doivent pas nous empêcher de vivre nos vies, de vivre nos rêves, sans prise de risques excessive bien entendu.

C’est donc en pleine connaissance de cause que je me suis lancé dans cette aventure mais j’avais fait une promesse à mes proches: en cas de doute sur ma sécurité dans un pays, je ne tenterai pas le diable. J’aime le voyage, j’aime découvrir de nouvelles cultures, j’aime rencontrer des gens qui ne vivent et pensent pas comme moi mais cet horrible incident est trop ciblé, trop directement lié à mon projet et à mon parcours et je ne prendrai aucun risque. A mon plus grand regret je n’arpenterai donc pas les sommets de la Pamir Highway pendant mon retour de Hong Kong à vélo.

C’est par le nord que j’éviterai le Tadjikistan, j’ai trouvé un itinéraire bis à travers le Kyrgyzstan qui promet d’être magnifique et vallonné. Mais comme je ne suis pas du genre à jeter l’éponge si facilement, je reviendrai sur la Pamir Highway, je m’en fais la promesse.

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Après près de 2 mois passés en Chine me voilà donc en Asie Centrale et plus précisément au Kyrgyzstan. Suite à ma décision d’éviter le Tadjikistan j’ai dû penser un itinéraire bis. Je traverserai donc le Kyrgyzstan d’est en ouest puis l’Ouzbékistan par la Fergana Valley avant de prendre la direction du Turkménistan vers le sud.

Ne passant pas par mon parcours initial, je n’avais alors que peu d’attentes sur la traversée de ces pays. Bien mal m’en a pris, ce fut un voyage à couper le souffle qui m’emmena aux portes de l’Iran!

Kyrgyzstan

La première impression est inquiétante! En effet, juste après le passage de la frontière, nous longeons une interminable file de camions qui attendent de rentrer en Chine. Grâce à sa position ultra stratégique, le Kyrgyzstan est la porte de sortie de l’Empire du milieu sur la « nouvelle route de la soie » de Xi Jinping. Pékin est d’ailleurs régulièrement accusé de néo-colonialisme dans les pays d’Asie Centrale. Les chinois y construisent à crédit et à grands frais des infrastructures qui serviront leurs intérêts avant tout, et vassalisent en même temps les états surendettés pour des décennies. C’est doublement gagnant pour la Chine.

La Nouvelle Route de la Soie

Heureusement, mes inquiétudes sont dissipées après quelques kilomètres. Les camions disparaissent rapidement et, accompagné de Julian, mon camarade de route, je retrouve la liberté des grands espaces après la désagréable expérience du Xinjiang (cf étape 5). Je retrouve également les montagnes que j’avais quittées dans le Sichuan en Chine. Entourés de pics enneigés, nous évoluons à plus de 3000m d’altitude. Quel plaisir de retrouver du relief malgré le froid et les cuisses qui chauffent!

Ce qui nous a rapidement marqué, est la gentillesse et l’accueil des Kyrgyzes. Ils nous invitent presque tous chez eux pour le thé ou un repas! Alors qu’au milieu de nulle part nous bataillons contre un violent vent de face, un berger nous invite à déjeuner dans sa yourte. Nous acceptons très emballés et profitons même d’une balade à cheval!

Le déjeuner est bien local: pain, beurre, yaourt ainsi que du foie de bœuf, le tout produit sur place. Nous goûtons même la spécialité locale: le koumis. Cependant, j’ai beau être relativement aventurier et manger de tout, je trouve cette boisson (à base de lait de jument fermenté, acide et très forte en goût) absolument immonde! 😂

Mauvaise idée le koumis...

Nous reprenons la route, toujours dans l’immensité. Les journées sont difficiles avec le vent de face mais, les paysages à couper le souffle sont une belle consolation. Et que dire de nos campements?!

Après une superbe ascension à 3600m, nous nous sommes arrêtés prendre des photos lorsque le premier ministre du Kyrgyzstan est passé en voiture, sous escorte, en nous saluant!

La descente en forme de lacets fut un pur bonheur.

La température remonte rapidement et nous pouvons d’autant plus apprécier la beauté des montagnes et des rivières.

Nous nous arrêtons souvent sur la route pour manger: Le pain est exceptionnel, les plats sont peu variés et simples mais bons et copieux. Un jour, j'ai découvert à la télé dans un restaurant, un match de Buzhashi: un sport répandu en Asie centrale. Comble de la surprise, le match oppose l’Ouzbékistan à la France! Le principe est étrange: deux équipes de cavaliers s’affrontent, l'équipe gagnante étant celle qui arrivera à placer un cadavre de mouton le plus de fois dans une sorte de but en forme de cercle (non ce n’est pas une blague et oui la France a bien une équipe nationale!).

La veille de notre arrivée à Osh, 2ème ville du pays et dernière étape avant l’Ouzbékistan, nous nous arrêtons dans un café pour faire notre demande de visa en ligne. Alors que nous sommes concentrés sur l’écran d’ordinateur nous entendons un bruit sourd dehors. Par chance le patron vérifie ce qu'il s'est passé et nous constatons que mon vélo a été volé par un local, a priori bien attaqué à la vodka! Il n’aura pas fait 100m avant de chuter. La Chine est le pays le plus sûr que je connaisse en terme de vol et j’ai pris de mauvaises habitudes en attachant rarement mon vélo. Sans rancune, on s’offre un bon dîner, une nuit à l’hôtel et on continue de profiter des locaux pour nos derniers kilomètres.

Le port du chapeau est une véritable institution partout en Asie Centrale

Après une grosse ascension sous la pluie, suivie de 65km de descente, nous arrivons à Osh, deuxième ville du pays après Bichkek, la capitale. Si la ville n’a que peu d’intérêt, l’auberge est géniale et nombreux sont les cyclistes qui s’y reposent. Chacun échange sur son parcours passé ou à venir et on récupère de bons conseils. Nous visitons la ville avec Johanna et Victor, un couple de français qui roule du Vietnam à la France.

Lénine est toujours bien présent, plus de 90 ans après sa mort...

Finalement je n’aurai vu qu’une infime partie du Kyrgyzstan mais la beauté des paysages, l’incroyable accueil et la gentillesse des Kyrgyzes m’ont convaincu qu’il fallait y revenir. Peut-être un combo Tadjikistan-Kyrgyzstan?!

Ouzbékistan

Après une semaine au Kyrgyzstan nous voici déjà en Ouzbékistan. Une des spécificités amusantes du pays est qu’il est doublement enclavé: il n’a pas d’accès à la mer et ses pays frontaliers non plus. Seul le Liechtenstein est également dans ce cas.

Moi qui n’ai pas vu la mer depuis Hong Kong, il va falloir patienter! Surtout que l’Ouzbékistan est également connu pour la dramatique quasi disparition de la mer d’Aral. En 1960, alors partie intégrante de l’URSS, l’Ouzbékistan sera choisie par les économistes de Moscou pour produire du coton massivement. Le pays étant désertique et le coton ayant besoin d’énormément d’eau, ils détournèrent vers l’Ouzbékistan les deux plus gros fleuves affluents de la mer d’Aral: le Amou-Diara et le Syr-Daria. La conséquence fut que la mer, à l’époque 4ème plus grande surface lacustre au monde, a perdu 75% de sa surface,14 mètres de profondeur et 90% de son volume. Sa salinité a explosé et la plupart de ses espèces endémiques ont disparu. Les pesticides et le sel, à l’époque stockés dans l’eau, se sont retrouvés à l’air libre, ce qui a fait exploser la mortalité infantile du pays (parmi les plus élevées du monde) et le nombre de maladies respiratoires. C’est une des plus grandes catastrophes environnementales du 20ème siècle.

L’autre conséquence de cette culture massive du coton (le coton représente toujours 17% des exportations de l’Ouzbékistan) est l’esclavagisme et le travail des enfants. En 2016 encore 1,2 millions de personnes (dont des enfants âgés de 8-9 ans) seraient forcées de travailler dans les champs de coton pour pas ou peu de rémunération. C’est le deuxième pire pays du monde sur l'esclavagisme en pourcentage de la population.

Enfin le pays n’est pas réputé pour être des plus démocratiques. Je dois avouer que s’ajoutant à ma méconnaissance totale de son histoire et de son patrimoine, je n’attendais pas grand chose de l’Ouzbékistan à part de me conduire vers l’Iran.

Fergana Valley

Le passage de la frontière est très facile et nous profitons de notre première journée dans le pays. Comme au Kyrgyzstan, les gens nous saluent tous chaleureusement et nous offrent du thé et des fruits. Alors que nous cherchons où planter la tente, Shorva, un jeune du village voisin, nous invite à dormir chez lui. Nous acceptons volontiers et passons la nuit avec lui et sa famille après avoir dîné tous ensemble.

L'incroyable bonne surprise viendra dès le lendemain. Shorva nous réveille aux aurores et nous demande de nous habiller. Pour le petit déjeuner il nous emmène à la fête organisée pour la circoncision de deux enfants du village. Chose surprenante, nous ne sommes qu’entre hommes!

Après la fête, Shorva nous invite à une seconde fête: le mariage d’un couple du village. Nous arrivons en pleins préparatifs pour échanger avec les plus âgés et profiter de l’orchestre. Encore une fois nous ne sommes qu’entre hommes.

Après une balade en ville, nous retournons au mariage où un repas nous attend mais également des bouteilles de vodka auxquelles nous n’échapperons pas! La fête est très curieuse. Une fois de plus, nous ne sommes qu’entre hommes (les femmes sont au fond de la salle, cachées derrière un rideau...). L’orchestre joue, les convives dansent chacun leur tour par petits groupes et ceux qui ne dansent pas leur offrent des billets. Julian et moi serons bien évidement conviés à danser et nous aurons nous aussi droit à quelques billets!

L’after mariage se fera dans un bar de la ville où nous boirons des bières. 80% des Ouzbeks sont musulmans mais ils ne se privent pas pour boire de grandes quantités d’alcool, probablement les vieux restes de l’union soviétique. Un des jeunes du groupe me glissera d’ailleurs un délicieux « it’s ok Allah is sleeping » en me tendant une pinte de bière! Outre une large consommation d’alcool, beaucoup chiquent du Naswar, une sorte de tabac à mâcher extrêmement addictif et très répandu en Asie Centrale, certains pays l’ayant même considéré comme drogue et donc interdit.

Le lendemain, après cette étrange expérience culturelle complètement décalée, nous reprenons la route. Nous longeons des champs de coton à perte de vue, rarement remplacés par quelques champs d’arbres fruitiers ou de piments.

Les gens sont extrêmement gentils, ils nous arrêtent souvent pour nous offrir de la pastèque, du melon ou des grenades! Nous aurons même droit à un melon entier, pas facile de pédaler avec un fruit de 3kg derrière soi! Les pastèques et les melons sont les meilleurs que je n'ai jamais goûtés, ils sont juteux et sucrés!

La dernière partie pour sortir de la Fergana Valley est beaucoup plus vallonnée. Julian et moi profitons de nos derniers kilomètres ensemble car arrivés à Tashkent, la capitale, nos routes se séparent. Julian continue vers le Kazakhstan alors que je dois m’arrêter pour faire mes visas turkmène et iranien.

La Fergana Valley est à part en Ouzbékistan. Entourée de montagnes, elle est plus verte que le reste du pays mais surtout beaucoup plus conservatrice. Les femmes sont toutes voilées, cantonnées aux tâches ménagères et restent à la maison. Même lors des grands événements la femme ne participe pas... Bienvenue au 19ème siècle! Heureusement ce n’est pas le cas ailleurs dans le pays, plus moderne.

Tashkent

Arrivé à Tashkent, je retrouve Sarva, mon hôte Couchsurfing qui me loge gratuitement pendant 5 jours. C'est l’occasion de me reposer et de soigner mon estomac, fatigué de la nourriture ouzbek. On mange toujours la même chose (shashlik = brochettes de viande, samsa = pâte feuilletée fourrée au mouton, soupe ultra grasse et pain) tout est gras et il est difficile de trouver des féculents (pas de pâtes, de riz, ni de pommes de terre). À cela s'ajoutent les boissons sucrées que les Ouzbeks consomment en grandes quantités. Beaucoup (même jeunes) se retrouvent avec de sacrées panses.

Sarva est un hôte exceptionnel, il me fait visiter la capitale Ouzbek avec enthousiasme et je découvre doucement la grandeur architecturale du pays avec notamment le Hazrati Imam complex.

Je découvre également de nouveaux visages: 5% de la population est d’origine russe et une grande partie d’entre eux vit dans la capitale. J’ai d’ailleurs observé une vraie sympathie des locaux pour le voisin russe malgré le passé du pays. Lors d’un dîner en famille, l’oncle de Sarva qui est Ouzbek me dira: « Poutine good, America bad ». Je me permets de lui glisser que la Russie soutient non loin de là, un dictateur commettant des crimes de guerre. Cependant les bombardements de civils au gaz par Bachar Al-Assad en Syrie ne semblent pas l’émouvoir. Selon lui, ce serait de fausses informations montées par les médias occidentaux. Assad et sa coalition ne combattraient que des terroristes, version officielle de ce dernier depuis 7 ans. Même si nous ne sommes pas dupes en occident, la propagande du régime sanguinaire fonctionne ailleurs dans le monde.

Tashkent to Samarkand

Après mes démarches de visas, je reprends la route avec enthousiasme direction la mythique Samarkand. Les paysages sont plus arides et je traverse des champs de coton à perte de vue, ce qui rend la route quelque peu monotone malgré l'animation due à la récolte. Les sites de camping, eux, rivalisent de beauté, surtout au coucher du soleil!

Mais on ne s’ennuie pas en Ouzbékistan: les habitants sont toujours aussi chaleureux et accueillants. Ils m’invitent à déjeuner sur le bord de la route, à manger un fruit, à faire une photo et même à dormir chez eux.

Un peu de monotonie ne fait pas de mal, surtout pour arriver à Samarkand! La ville millénaire, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, est une des plus vieilles villes habitées sans discontinuer en Asie centrale depuis le 8ème siècle avant JC. Elle a notamment bénéficié d’une très grande prospérité grâce à sa place centrale sur la route de la soie.

J’avais entendu parler de la beauté et de la grandeur de Samarkand par d’autres voyageurs mais je n’imaginais pas à quel point la ville était exceptionnelle. Son architecture monumentale, ses dômes de mosquées bleus, ses madrasahs, son bazar vous font perdre la tête! Parmi les merveilles qu’elle abrite on retrouve entre autre le Registan (place centrale de Samarkand entourée de 3 superbes madrasahs)...

...le Gur-e-Amir (un superbe mausolée)...

...le Shah-i-Zinda (une nécropole)...

...ou encore la mosquée Bibi-Khanym.

On ne sait où donner de la tête dans cet immense musée à ciel ouvert! Seul bémol, la ville est un peu prise d’assaut par des bus entiers de touristes voyageant en groupe, je suis peut-être tombé à une période pleine.

Samarkand to Bukhara

Après la visite de Samarkand c’est donc des étoiles plein les yeux que je continue ma route vers Bukhara: le deuxième joyaux ouzbek. Je m'arrête dans un ancien caravansérail et je suis invité à dormir chez des gens adorables. De nouveau, je traverse les champs de coton et étant en période de récolte je m'attriste, impuissant, d'y trouver des enfants...

J'ai eu droit à un peignoir en peau de bête! 

Mais, arrivé à Bukhara, c'est le coup de foudre! La ville n’a pas à pâlir devant son immense voisine Samarkand. Elle aussi a prospéré grâce à sa position sur la route de la soie et son patrimoine est tout aussi exceptionnel. Énorme avantage à mon goût, la ville est beaucoup plus petite et de manière contradictoire, on peut plus facilement s'isoler des groupes de touristes. Les sites les plus exceptionnels de la ville sont entre autres:

La Mosquée Poi Kalan (on raconte que son minaret était tellement beau que même les soviets se sont refusé à le détruire!)...

...la Mosquée Chor Minor (unique en son genre dans le monde musulman avec ses 4 minarets, les fausses cigognes seraient un porte bonheur)...

...ou encore la Mosquée Bolo Khauz et ses colonnes en bois.

J'aurai même la chance d'assister à un match de foot de gala: Bukhara contre Tashkent! 😂 C'est loin d'être du grand football mais c’était une expérience bien locale que j'ai vécue avec Mendy et Lee, un couple que j'ai rencontré plus tôt. Toujours avec eux je profiterai également d'un coucher de soleil exceptionnel sur la Mosquée Poy-Kaylan.

Alors que je visite la ville, je reçois la bonne nouvelle: mon visa pour le Turkménistan a été approuvé. Je suis chanceux car de nombreux voyageurs se le voient refuser et sont obligés de prendre l’avion ou encore de faire un détour énorme par la mer Caspienne pour aller en Iran. Il n’y a pas de raison spécifique ou rationnelle, 50% des gens se voient refuser leurs demandes, toutes les nationalités, les âges et les sexes semblent affectés: une vrai loterie!

Petit aller-retour à Tashkent en train pour collecter mon visa et boire quelques bières avec Sarva et ses amis. Me voilà prêt pour rouler vers l’Iran! Sur la route vers la frontière avec le Turkménistan je prolonge le plaisir par la visite du mausolée Chor Bakr.

Turkménistan

Le Turkménistan est un ancien pays de l'union soviétique. À la chute de l'URSS, Saparmurat Niyazov, premier secrétaire du Parti Communiste turkmène, prend la tête du pays et se déclare président à vie. Il le restera donc jusqu'à sa mort en 2006 après un dictat brutal et sans partage, centré autour de sa personnalité. Son successeur, Gurbanguly Berdimuhamedow, réélu en 2017 à 97% des voix, utilise les mêmes méthodes centrées sur le culte de sa personnalité. Partout on trouve d'énormes photos du président (sur un cheval, avec un chien, dans une voiture de course, faisant de la lutte, en habit militaire, en habit de médecin, faisant sa prière...) ou plus modestement des statues en or.

Merci à Marek pour les photos! 

Selon Human Rights Watch, le Turkménistan reste aujourd'hui un des pays les plus répressifs au monde. Seul 5% de la population aurait accès à internet et le pays a la 3ème pire liberté de la presse après la Corée du Nord et l'Érythrée, deux références...

Les revenus du pays qui proviennent de l'extraction de gaz (6èmes plus grosses réserves au monde) servent à enrichir le président et à construire des villes futuristes, notamment Ashgabat, la capitale. Presque personne n'y habite, les loyers sont bien trop élevés. Fait amusant, jusque 2017 le gaz et l'électricité étaient gratuits dans le pays. L’autre source de revenu du pays est le coton mais comme en Ouzbékistan cela implique le travail des enfants...

Retour vers le futur 

Ce n'est donc pas particulièrement emballé que je traverse le pays. Ayant 500km à parcourir en 5 jours maximum (la durée de mon visa, double passage de frontières compris), je n'aurai de toute façon pas le temps de visiter. 80% du pays est recouvert par le désert, ce qui en fera une traversée très monotone. Je ne passerai que par 2 grandes villes (Turkmenabad et Mary) mais sans vraiment m'arrêter, le reste n’est que cailloux et sable.

Du peu d'échanges que j'aurai avec les locaux, je comprends qu'ils souffrent de la situation du pays. Serait-ce pour oublier? En tout cas, la vodka coule à flot. On m'en propose régulièrement, même pour le déjeuner.

Tel un enfant, je reste toujours autant émerveillé devant les nombreux dromadaires que je croise et qui se baladent en troupeaux dans le désert!

Le pays n'étant pas à une excentricité près, en 1971, des géologistes (sûrement renommés...) ont allumé une poche de gaz pour éviter qu'il ne se propage. La poche s'est alors effondrée sur elle-même et brûle toujours 50 ans après, créant un gigantesque cratère de feu. Je n'ai pas eu le temps d'y aller mais ce site représente une des rares attractions touristiques du pays. Ça donne envie non?!

"Jean-Michel Bonne Idée" = "Door to Hell"

Je ne sais toujours pas vraiment quoi penser de ce pays qui ressemble sacrément à la Corée du Nord d'Asie Centrale. Il restera certainement l'ovni de mon voyage.

Bilan Asie Centrale

Lors de la planification de mon itinéraire, trop obnubilé par le Tadjikistan et l’Iran, j’avais complètement sous-estimé l’intérêt des pays limitrophes d’Asie Centrale. Le Kyrgyzstan et ses montagnes sont magnifiques. Sa nature est vierge et ses habitants adorables! Je reviendrai très certainement explorer le pays plus en profondeur. Quant à l'Ouzbékistan, elle s'est révélée pleine de surprises avec un patrimoine millénaire et une population chaleureuse et accueillante. Le Turkménistan, quasi fermé, est à part dans le monde. Je n'ai pas pu découvrir le pays par faute de temps sur mon visa, même si le peu que j'ai pu expérimenter m'a laissé perplexe.

Après presque 3 mois de route et 6000km au compteur, je rentre enfin en Iran où je devrai retrouver Mathilde à Téhéran!

8

Après la bonne surprise de l'Asie Centrale, me voilà donc en Iran! Je ne sais plus depuis quand je souhaitais visiter le pays mais c'était devenu une véritable obsession ces dernières années. L'histoire millénaire de la Perse ou encore l'histoire moderne de l'Iran me fascinent! Le pays, chiite, a toujours joué un rôle important dans la région et s'est aujourd'hui imposé comme un contre-pouvoir à l'Arabie Saoudite sunnite et à son allié américain.

J'ai entendu tout et n'importe quoi sur l'Iran avant d'y aller. Selon certaines personnes le pays serait "fermé", "dangereux", "en guerre" (???), "sans intérêt"... Depuis des années le pays est en fait victime de larges campagnes de diabolisation de la part des médias occidentaux qui dénoncent, à juste titre, les exactions dans la région d'un régime religieux (les gardiens de la révolution) qui ne représentent plus que leurs propres intérêts. Le soutien inconditionnel de l'Iran au Hezbollah libanais ou au boucher de Damas, entre autre, est inexcusable et l'Occident se doit de s'élever contre les pratiques de son gouvernement. Mais pourquoi une différence de traitement vis-à-vis du principal allié américain dans la région, l'Arabie Saoudite, qui démembre un journaliste trop critique envers son régime dans une ambassade ou décapite et lapide ses condamnés à mort pour adultère ou homosexualité? Et que dire des bombardements de civils au Yémen par l'armée saoudienne, enfermée dans son jusqu’au-boutisme par sa rivalité avec l’Iran?

Quoi qu'il arrive, les grands perdants seront toujours les iraniens. Ils ne cautionnent majoritairement pas la politique de leur gouvernement. Ayant voté à 57% pour le réformiste Assan Rohani en 2017, ils ont prouvé leur volonté de réforme et d'ouverture du pays. Les iraniens sont éduqués, hommes et femmes (plus de la moitié des étudiants à l'université sont des femmes). Les iraniens sont également informés même si certains sites comme Facebook ou quelques sites de presse sont interdits. Privés de voyages par une monnaie qui ne vaut plus rien et des prix de visas exhubérants, ils surfent sur Google, Instagram, Twitter et connaissent bien le monde qui les rejette. Malgré la mainmise du clergé sur le pouvoir, le pays aspire à plus de démocratie. En 2009 (1 an avant les printemps arabes) la jeunesse lança le "Mouvement Vert" aussi appelé "Révolution Twitter". S'opposant à la réélection frauduleuse de Mahmoud Ahmadinejad, le peuple s'est soulevé pour réclamer justice. Même si ce mouvement fut violemment réprimé par le régime, il démontre une grande vitalité démocratique et une profonde volonté de réforme de la part des iraniens. Nous sommes loin de l'image rétrograde que l'on peut avoir, vu d'Occident.

Loin d'être un modèle de démocratie, l'Iran d'aujourd'hui bouillonne donc entre deux courants diamétralement opposés au sein même de sa population: d'un côté les conservateurs, très religieux, fidèles au régime et aux gardiens de la révolution et de l'autre les réformistes, jeunes, citadins et éduqués aspirant à plus de liberté. Même si ces deux parties de la population semblent irréconciliables, un voyage dans l'Iran d'aujourd'hui vous plonge dans ce paradoxe fascinant!

Sarakhs - Machhad

Après ma traversée express du Turkménistan, me voilà donc en Iran. Nouvel alphabet, écriture de droite à gauche, moustache...pas de doute j'ai bien quitté l'Asie Centrale! Je change 20 USD et je deviens millionnaire. Alors que je prends tout juste la direction de Machhad, la ville sainte du pays, une voiture s'arrête et son conducteur m'offre un sac de pommes: le ton est donné! En effet les iraniens sont d'une gentillesse et d'une générosité extraordinaires, je n'ai jamais vécu ça par le passé. Presque tous me saluent, ils veulent discuter, m'inviter chez eux, m'offrir à boire ou à manger.

 La partie est de l'Iran est vallonnée et sublime.

Machhad

Arrivé à Machhad je retrouve Oscar, un cycliste allemand rencontré à Tashkent et Poul son acolyte. Machhad est une ville extrêmement conservatrice en Iran où presque toutes les femmes portent le tchador, habit traditionnel iranien les couvrant de la tête au pied. C'est une des villes les plus saintes de l'Islam chiite qui attire chaque année 30 millions de pèlerins venus prier autour du mausolée de l'imam Reza, le 8ème des 12 imams chiites.

Pour comprendre l'importance que les iraniens portent à leurs Imams et à leurs martyrs (l'Iran étant le plus grand pays chiite au monde), il faut se plonger dans l'origine de ce courant de l'Islam. A la mort de Mahomet, celui-ci n'ayant pas désigné de successeur, deux courants se forment: les sunnites, majoritaires, qui ne reconnaissent que le Coran et organisent un clergé dédié à l'application de ses principes et les chiites qui reconnaissent Ali, gendre de Mahomet comme son successeur légitime et donc le premier d'une lignée de douze imams. Les chiites et leurs imams, minoritaires chez les musulmans, furent longtemps persécutés. Deux de ces douze imams chiites symbolisent particulièrement ces persécutions par leur martyre: Hussein (3ème imam qui fut massacré avec toute sa famille à Karbala en Irak) et Reza (8ème imam qui fut empoisonné dans l'actuelle Machhad dont le nom signifie "lieu du martyre"). Karbala et donc Machhad sont des villes saintes pour les chiites.

Je me trouve d'ailleurs en Iran en pleine période de commémoration du martyre de l'Imam Hussein. Partout des drapeaux noirs sont élevés dans le pays. Après Ashura, la date de la décapitation de l'imam et de sa famille, s'ouvre une période de deuil de 40 jours qui se termine par 3 jours de fête appelée Arba'een. Tous les ans à cette période 20 millions de musulmans majoritairement chiites partent en pèlerinage à pied de Najaf à Karbala en Irak ce qui en fait le plus grand rassemblement de personnes au monde!

Au centre, un portrtait de martyr de la guerre  Iran-Irak

Plus généralement le culte des martyrs a été repris à son compte par la République Islamique depuis la guerre Iran-Irak de 1980. Cette année là Sadam Hussein, souhaitant profiter de la fragilité politique de son voisin suite à la révolution islamiste, envahira l'Iran pour solder de vieux litiges frontaliers et s'imposer comme la seule puissance chiite de la région. L'irak, pourtant agresseur, recevra le soutien des États-Unis, des Soviétiques et de la communauté internationale alors que l'Iran sera livrée à elle-même. Après 8 années de boucherie et plusieurs centaines de milliers de morts le statu quo fut établi. Le régime islamiste de Téhéran, ayant trouvé le meilleur prétexte pour blâmer l'Occident, sortira renforcé de ce conflit et glorifie depuis ses héros morts au combat. Partout en Iran on retrouve ces icônes peintes sur les murs ou sur des drapeaux.

Après Karbala en Iran, le mausolée de l'imam Reza de Machhad est l'autre grand lieu de pèlerinage chiite. Avec une des plus grandes mosquées du monde en superficie, il peut accueillir jusqu'à 800000 personnes: hallucinant! Les étrangers non musulmans sont autorisés à pénétrer dans l'enceinte mais accompagnés d'un guide. Le mien est architecte et me raconte l'histoire de cet endroit fascinant tout en faisant un peu de prosélytisme! Il me rassure sur le courant chiite qui tolérerait toutes les religions mais n'oublie pas de mettre quelques tacles aux Etats-Unis qui ont “créé Daesh” et à l’Arabie saoudite qui les finance: il ne perd pas le nord! Il me glissera également un délicieux: “France is the centre of freedom in the world! You are the first one who started a revolution!”.

En haut avec moi un ami Seyyed, membre du clergé et descendant direct de Mahomet: la classe!

Blague à part la visite de ce site exceptionnel est mémorable. Avec un pur style persan, les milliers de miroirs au mur créent un rendu extrêmement esthétique. Les architectes auraient pensé ces mosaïques pour renvoyer à l'homme des centaines de petits reflets lui rappelant qu'il n'est rien devant la grandeur d'Allah: une vrai leçon d'humilité!

En haut à gauche, le cercueil de l'imam Reza

Ce qui me marque particulièrement est la foule qui se prépare à la prière. Cela doit être délirant en période de fêtes religieuses! Les femmes sont admises mais au fond, séparées des hommes qui sont devant.

Machhad - Téhéran

Après cette superbe mise en jambe dans l'univers chiite. Oscar, Poul et moi reprenons les vélos direction Téhéran. La route est magnifique, nous longeons des montagnes d'un côté et un désert à perte de vue de l'autre. Nous utiliserons même sur plus de 100km une voie piétonne réservée exclusivement aux pèlerins donc sans voitures: grand luxe pour rouler!

Les iraniens sont extrêmement accueillants et fidèles à leur réputation, ils nous invitent à dîner et à dormir chez eux régulièrement. Ce sera d'ailleurs l'occasion pour nous de goûter le Aragh Sagi, un alcool de raisin que les iraniens distillent eux-mêmes pour contrer l'interdiction de vente d’alcool qui frappe le pays. Les différentes sortes variant entre 50 et 70% d'alcool et la réalisation n'étant pas toujours parfaite, il faut avoir l'estomac bien accroché!

A un accueil chaleureux s'ajoutent des paysages sublimes et des effets de lumière extraordinaires tout au long de la journée.

Le trafic est faible et la route est bonne, nous ne nous privons donc pas pour faire de bonnes journées quitte à finir tard. Aussi surprenant que cela puisse paraître nous dormons régulièrement dans des mosquées! En effet ces dernières offrent à bas coût de grandes pièces chauffées avec cuisine et salle de bain ce qui est parfait pour les voyageurs itinérants.

Rouler de Machhad fut une expérience unique, d'autant plus appréciable qu'elle fut partagée avec deux amis cyclo-touristes. Un peu à court de temps, je saute dans un camion pour finir les 200 derniers kilomètres qui me séparent de Téhéran. Je récupère Mathilde à l'aéroport dans 2 jours pour continuer à découvrir ce pays fascinant!

Rien de choquant sur le panneau dromadaire?! 😂

Téhéran:

Arrivé à Téhéran je m'installe et file à l'aéroport récupérer Mathilde qui me rejoint en Iran pour 2 semaines de visites. En plus de l'émotion des retrouvailles j'ai la surprise de retrouver ma chère et tendre portant le voile islamique, un vrai choc la première fois!

😍

L'obligation du port du voile en Iran date de la révolution islamique de 1979 mais son application est relativement moins stricte depuis l'arrivée au pouvoir du modéré Hassan Rohani en 2013. C'est d'autant plus vrai à Téhéran, la capitale, où les femmes laissent apparaitre de très grandes mèches de cheveux au point de se demander parfois comment le voile peut tenir, tellement il est reculé sur le crâne! Je vois dans cette pratique une forme de résistance civique due au ras-le-bol de se couvrir. De nombreuses femmes militent d'ailleurs pour la levée de l'interdiction allant même jusqu'à se filmer cheveux au vent dans les rues.

Un autre fait marquant chez les femmes est l'utilisation extrêmement excessif du bistouri. Je ne sais pas si la chirurgie esthétique est un moyen d'exprimer une forme de féminité mais un nombre hallucinant d'iraniennes a le nez refait façon Michael Jackson et la bouche gonflée façon Pamela Anderson. C'est d'ailleurs parfaitement assumé et nous croiserons plus d'une vingtaine de femmes exhibant un pansement sur le nez. A priori ce serait même un symbole extérieur de richesse mais quel gâchis...

Nous savions que le programme serait chargé pendant le voyage et nous décidons de nous balader tranquillement le premier jour sans courir aux quatre coins de la capitale. Premières visites d'une longue série au bazar et à la Mosquée de l'Imam Khomeini. Nous passons voir également l'impressionnante Azadi Tower.

En bas: l’Azadi Tower de nuit 

Le site touristique principal de Téhéran est sûrement le Golestan, superbe Palais Royal du 15ème siècle en plein cœur de la ville. L'endroit est d'une grande beauté architecturale et renferme des pièces de collection inestimables provenant à la fois d'Orient et d'Occident, héritage de l'âge d'or de la Perse qui fut au coeur des échanges sur la route de la soie. Je fus surpris que ce patrimoine royal put être épargné par la révolution islamique.

Concernant l'histoire moderne de l'Iran, le site le plus emblématique de Téhéran est très certainement l'ancienne ambassade américaine. Lors de la révolution islamique de 1979 c'est dans ce lieu que se cristallisa toute la haine anti-américaine accumulée depuis près de 30 ans.

Pour comprendre cet événement il faut remonter à 1952 et au premier coup d'état organisé par la CIA contre un dirigeant démocratiquement élu. Cette année là les États-Unis (aidés par les britanniques), renversèrent le premier ministre Mohammad Mossadegh, extrêmement populaire pour ses réformes sociales et sa laïcité. Mais son plus grand fait d'arme sur la scène internationale fut de nationaliser "l'Anglo-Iranian oil Company " (AIOC et future BP) qui refusait de verser à l'Iran plus de 20 à 25% des revenus de l'exploitation du pétrole sur son sol. La Grande Bretagne imposa alors un embargo au pays en bloquant le Golfe Persique et la CIA, depuis l’ambassade américaine de Téhéran, fomanta un coup d’état contre Mohammad Mossadegh qui fut remplacé par le très impopulaire Mohammad Reza Pahlavi, Chah d'Iran et proche allié des États-Unis.

De la gouvernance nationaliste et autoritaire du nouveau Chah naîtra en 1978 un très fort mouvement de contestation sociale mené par les étudiants marxistes qui seront vite rejoints par les ouvriers, et plus tard par les religieux. Ironie de l'histoire, le Shah étant entre temps tombé en disgrâce auprès des États-Unis, ces derniers soutiendront financièrement le mouvement de révolte! Mais si étudiants et ouvriers souhaitent accélérer les réformes, les religieux eux souhaitent les freiner. C’est donc deux camps opposés mais alliés d’un temps qui souhaitent la chute du Shah. Malheureusement, après son départ en exil et le retour en héros de l’ayatollah Khomeini en 1979, c'est bien les religieux qui récupéreront la révolution. Ils feront disparaître les autres mouvements instigateurs du coup d’état, exécuteront leurs leaders, réécriront l’histoire et imposeront un contrôle de la vie politique par le clergé.

Fin 1979 des étudiants ultra conservateurs, avec la bénédiction de Khomeini, assiègent l’ambassade américaine pour réclamer des États-Unis qu'ils leur remettent le Shah alors réfugié à New-York. Ils prendront en otage 56 américains dont 42 resteront 444 jours en captivité! Cette crise internationale majeure fut le sujet du film Argo, Oscar du meilleur film en 2012.

Les équipements High Tech de l'ambassade!

Qu’aurait été l’Histoire de l'Iran sans le coup d’état de 1952, ingérence inacceptable des États-Unis suite à la juste nationalisation de l’AIOC? Le pays aurait-il jamais connu le régime du Shah et encore plus hypothétiquement aurait-il connu une révolution islamique? Beaucoup d’iraniens fantasment encore sur ces questions aujourd'hui. En 2018 l'Iran est plus que jamais le principal ennemi des États-Unis mais de manière contradictoire la révolution islamique ainsi que le régime le plus détesté de Washington sont en quelque sorte des purs produits de la CIA et de ses interférences.

Les relations entre l'Iran et l'Occident s'étaient réchauffées après la signature de l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien en 2015 mais l'arrivée au pouvoir de Donald Trump a douché tout espoir. Lors de mes derniers jours à Téhéran une n-ième manifestation anti-américaine et anti-Trump était organisée par les plus conservateurs du pays. Ils célébraient entre autre l'anniversaire de la prise de l'ambassade états-unienne.

La reprise par Trump des sanctions économiques contre l'Iran renforce le camp ultra conservateur et fragilise les réformateurs dont le président en personne. Une de nos guides nous confiera que beaucoup de gens ayant voté Hassan Rohani (modéré et réformateur) sont déçus aujourd’hui, notamment par la situation économique actuelle. Cela ne manquera pas de faire le lit des courants les plus extrêmes lors des prochaines élections: totalement contre productif...

Après cette passionnante et superbe mise en bouche à Téhéran, direction Shiraz dans le sud du pays. Cette ville vieille de 4000 ans renferme un patrimoine exceptionnel mais est également connue pour être à proximité de la mythique Persepolis, ancienne capitale de la Perse.

Shiraz

Nous commençons par flâner dans les rues longeant la citadelle, traversant le bazar ou les jardins.

Après un déjeuner bien local nous découvrons la majestueuse Mosquée Vakil, presque déserte exception faite de quelques fidèles.

Nous enchaînons par la visite du Mausolée des deux frères de l'Imam Reza qui lui, repose à Mashad (cf ci-dessus). L'endroit est sacré pour les chiites. Nous ne pourrons malheureusement pas pénétrer dans les différentes salles du complexe et Mathilde devra porter sur la tête un drap en guise de tchador! Le site est malgré tout monumental.

"Vous connaissez ma femme?" 😂

Lors de nos balades dans la ville, Mohammad, un jeune local nous aborde et nous invite spontanément à dîner chez sa mère avec qui il habite. Nous aurons droit à un repas mémorable, un interrogatoire sur notre vision de l'Iran et une séance photo digne d'un asiatique! Si cette soirée fut complètement improbable, elle résume très bien la gentillesse et l'accueil sans limites des iraniens.

Une des motivations dans mon obsession de découvrir l'Iran était de visiter Persepolis, ancienne capitale cérémoniale de la Perse construite en 500 avant Jésus Christ. Le site fut largement à la hauteur de mes attentes. On se sent minuscule à côté de ces colonnes et de ces palais millénaires!

Si Persepolis était la capitale de la Perse, c'est à Necropolis que les rois achéménides furent enterrés. Le site est spectaculaire avec ses tombeaux taillés à même la falaise, il y a presque des airs de Petra! Cyrus le Grand, fondateur de cette dynastie ainsi que de la Perse fut enterré dans un mausolée plus "simple" mais tout aussi grandiose!

Au retour vers Shiraz Safura, notre guide francophone, nous offrira une mémorable séance de chanson française alors que nous assistions à un coucher de soleil grandiose. Charles Aznavour, Céline Dion et Maître Gims: un résumé du soft power français! 😂

C'est donc des étoiles plein les yeux que nous nous réveillons le lendemain pour visiter la Mosquée Nasir-ol-molk, surnommée la "mosquée rose". Nous n'étions pas au bout de nos surprises, l'endroit est fantastique! Chaque matin la lumière pénètre à travers les vitraux pour créer un jeu de lumière unique sur le sol et les murs de la mosquée.

Avant de sauter dans le bus pour Yazd, notre prochaine destination, nous irons flâner dans le jardin Eram. Nous comprenons alors pourquoi l'Iran est réputée pour ses jardins.

Yazd

Après la visite de Shiraz et de Persepolis il semblait difficile de nous émouvoir davantage, mais c'était sans compter sur la découverte de la paisible Yazd. Cette petite ville aux portes du désert est située au nord-est de Shiraz. Classée au patrimoine mondial de l'Unesco, elle est entre autre connue pour son pur style persan mais aussi pour l'ingéniosité de son architecture. En effet la plupart des maisons sont équipées de bâdgir ou « tour du vent » (sorte d'ancêtre de la climatisation), de qanats (canalisations d'eau circulant dans les sous-sols des maisons) et de ses citernes.

Ingénieux architectes! 

Un des principaux atouts de la vieille ville de Yazd est sa petite taille. Les ruelles sont minuscules et on s'y perd volontiers. Nous prenons un plaisir fou à simplement flâner le long des murs en torchis et à visiter les maisons ou les commerces. Nous explorons également les toits dont la plupart offrent des points de vue exceptionnels sur la ville.

Le plus connu des monuments de Yazd est sans doute le complexe Amir et ses deux minarets grandioses. De jour comme de nuit, touristes et iraniens se retrouvent sur cette place pour s'assoir sur un banc, faire des photos ou déguster une pâtisserie traditionnelle.

Le complexe Amir a beau être le plus populaire des monuments de Yazd, le plus spectaculaire à nos yeux est de loin la mosquée Jameh. Sa porte élancée et ses deux minarets semblent défier la gravité. Et que dire de l'architecture à l'intérieur de la mosquée? Devant tant de beauté nous nous poserons un moment à l'intérieur pour observer le ballet des fidèles.

Une autre des attractions de Yazd est un ancien réservoir d'eau de 29m de haut datant du 16ème siècle et qui a depuis été réhabilité en '"zurkhaneh" ou "maison de force". Ici les iraniens pratiquent le sport national traditionnel qui mélange gymnastique et culturisme. Les athlètes se livrent à divers exercices de force utilisant des accessoires en bois ou en métal le tout au son d'un "tombak", sorte de gros tambour. Ce sport est extrêmement noble en Iran et la performance sportive est bluffante quand on connait le poids des accessoires qu'ils manipulent.

À Yazd également, impossible de passer à côté d'une virée dans le désert et nous allons donc assister au coucher du soleil sur les dunes de sable.

La nuit tombée, la ville n'en finit pas d’être belle et agréable à vivre. Avec l’obscurité elle garde tout son charme et nous invite à prolonger le plaisir par un bon repas, une tisane et un narguilé sur le toit d'un restaurant! En Iran les tisanes ou " herbal tea" sont toutes meilleures les unes que les autres et rivalisent par la créativité des mélanges de saveurs.

Note pour plus tard: Apprendre à préparer des "herbal tea" à l'iranienne.

Après 3 jours il est déjà temps de quitter Yazd direction Ispahan. Nous avons découvert une ville adorable où on prend un plaisir fou à se balader et à se poser pour profiter d'un cadre apaisant. Mais la ville a bien plus à offrir que la simple flânerie, elle regorge de monuments exceptionnels et n'a pas à rougir devant ses prestigieuses voisines Shiraz et Ispahan.

Ispahan

L'arrivée à Ispahan fut un choc. La ville est beaucoup plus grosse et touristique que Yazd et nous aurons besoin d'un temps d'adaptation pour se faire à la foule et ignorer les racoleurs. Nous commençons simplement par nous balader dans l'énorme bazar de la ville et assistons au coucher du soleil sur l'impressionnante place Naqsh-e Jahan au coeur d'Ispahan. Si la place est entourée d'échoppes, on y trouve également deux superbes mosquées et un palais. Hormis les racoleurs, les iraniens sont toujours aussi charmants et viennent échanger avec nous naturellement.

Notre première visite sera celle de la mosquée Jameh au nord de la ville dont la construction commença au 5ème siècle avant d'être agrandie au cours des siècles suivants. Elle est impressionnante par sa taille et par la variété de ses trois iwads (ou porche) indiquant les points cardinaux.

La figure de Khomeyni est encore présente partout en Iran

Nous continuons par une autre mosquée: la mosquée Sheikh Lotfallah. Son dôme central est particulièrement impressionnant mais l'endroit est surtout réputé pour les couleurs de son iwad. En effet au coucher du soleil, la façade d'habitude bleue, devient dorée et brille de milles feux!

Autre joyau de la place Naqsh-e Jahan, le Palais Ali Qapu est exceptionnel! Non content avec sa terrasse d'offrir une vue imprenable sur la place qui l'abrite, l'édifice est une pure merveille architecturale. Ses colonnes fines et élancées ainsi que ses boiseries et ses plafonniers sont d'une rare beauté.

L'édifice le plus impressionnant de la place Naqsh-e Jahan est certainement la mosquée Shah. Ses iwads, ses minarets et son dôme sont grandioses. Les nombreux échos que ce dernier renvoie sont utilisés par les imams pour l'appel à la prière. Nous aurons droit à une démonstration de chant en live, la sonorité est magnifique, d'autant plus impressionnant que la mosquée date du 17ème siècle!

Nous nous baladons également sur un des emblèmes de la ville: le pont Si-o-se Pol. La structure à l'allure de carte postale est majestueuse et poétique. On y croise de jeunes amoureux, des familles, des touristes et des badauds venus chercher un peu de fraîcheur. Ce pont fut construit en 1602 pour traverser la rivière Zayandeh Rud, une des seules grandes rivières permanentes d'Iran qui a largement contribué à l'essor d'Ispahan, ancienne capitale de la Perse.

Seul hic, l'eau ne coule plus sous le pont ou seulement sous forme d'un léger filet. La quasi totalité de l’eau est captée en amont et circule dans des tuyaux destinés à approvisionner les cultures, l’industrie, les activités et les besoins d’une population croissante. La disparition de cette rivière est une véritable catastrophe écologique et la qualité de l'eau restante se dégrade dangereusement, polluée par l'agriculture et l'industrie qui l’ont sur-exploitée. Si ce pont reste magnifique, l'absence d'eau le traversant est un triste spectacle.

En bas à droite, le pont Si-o-se Pol lorsque la rivière coulait encore... 

Notre dernier jour à Ispahan tombe le jour d'Arba’een, fête religieuse pour célébrer la fin des 40 jours de deuil suivant la date commémorative de l'assassinat de l'Imam Hussein à Karbala en Irak (cf ci-dessus). Les chiites qui ne peuvent se rendre à Karbala en pèlerinage à cette date le célèbrent sur place et nous assistons à une des prières. La foule est très impressionnante et que dire de toutes ces femmes en tchadors? C'était un moment assez fort à vivre.

Impressionnants tchadors! 

Derrière la place Naqsh-e Jahan se dresse fièrement le Palais Sotoun. Surnommé le palais aux 40 colonnes malgré les 20 colonnes de sa façade, il doit son surnom au reflet de celle-ci dans le bassin d'eau dans la cour.

L'iran est bien sûr un pays musulman majoritairement chiite mais il abrite également des minorités dont les arméniens d'Iran. Une grande partie d'entre eux vit à Ispahan et ils sont regroupés dans un même quartier au sud de la ville. L'endroit est très agréable pour se balader et se poser dans les petits cafés. Les arméniens sont chrétiens orthodoxes et construisirent en 1604 la cathédrale Vank pour l'exercice de leur culte. Jolie mais relativement modeste vue de l'extérieur, la cathédrale est grandiose à l'intérieur.

À l'image du voyage, la dernière soirée fut mémorable! Après le dîner nous passons dans un bar à narguilé aux airs de caverne d'Ali Baba. Nous y rencontrons plusieurs couples iraniens adorables dont un qui nous offrira de l'alcool arménien. Le breuvage de contre-bande ressemble sacrément à de l'alcool à brûler mais l'alcool étant interdit en Iran on va dire que c'est mieux que rien!

Après Ispahan c'est avec le coeur lourd que nous reprenons la direction de Téhéran. Ce merveilleux voyage touche à sa fin et prochainement nous devrons nous dire au revoir. Une chose est sûre: par sa diversité, sa richesse, sa beauté, sa densité, la découverte de ce pays nous marquera pour très longtemps!

Bilan Iran

Je pense que je n'ai pas grand chose à rajouter pour partager mon enthousiasme sur l'Iran. C'est un véritable coup de coeur qui s'est offert à moi. Le pays et les iraniens sont exceptionnels et ne demandent qu'à partager leurs trésors avec la terre entière. Je n'ai jamais été accueilli de la sorte et nous, occidentaux, pourrions en tirer de belles leçons.

Aux nombreux iraniens qui me demanderont spontanément pourquoi nous les détestons, je leur répondrai que j'aime l'Iran et que j'irai le crier sur tous les toits pour casser les clichés injustifiés. Ils se savent diabolisés et se dédouanent souvent en me disant ne pas être comme « eux », sous-entendu le régime, qu’ils critiquent ouvertement. Il faut à tout prix éviter l'amalgame entre un régime autoritaire qui ne représente presque que lui-même et un peuple hors du commun.

À tous ceux qui aiment le voyage, l'Histoire, l'architecture, l'art, le sport, la nature, l'accueil, l'authenticité, l'originalité, je ne peux que vous conseiller une chose: ALLEZ EN IRAN! Pour conclure, si je n'ai pas encore réussi à vous convaincre de visiter le pays, je vous invite à regarder la vidéo ci-dessous.

Finalement de retour à Téhéran, je m’occupe de prolonger mon visa (je suis resté plus d’un mois dans le pays!), de réparer la fourche de mon vélo et je rase ma barbe pour laisser pousser ma moustache de Movember!

Après ce magnifique voyage et le départ de Mathilde je dois maintenant reprendre ma bicyclette. Les routes du nord de l'Iran sont réputées pour être très chargées et les iraniens ont beau être les gens les plus adorables ce sont également les plus dangereux conducteurs. Je décide donc de prendre un bus jusque la frontière avec l’Azerbaïdjan et plus précisément Astara sur la mer Caspienne. Cela me permettra également de rattraper Oscar, mon ami cyclo avec qui je compte continuer mon périple à vélo.

9

Toujours sur mon petit nuage après la découverte de l’Iran, je reprends la route direction l’Azerbaïdjan. L’objectif est double: éviter la frontière montagneuse et enneigée avec la Turquie et retrouver Oscar, mon acolyte cyclo-touriste allemand. En effet ce dernier m’attend à la frontière pour que nous continuions ensemble notre route vers l’Europe.

Mais avant de repartir je dois réparer ma fourche. Le vélo a été préparé à la perfection avant mon départ mais, un de mes porte-bagages a été mal fixé, ce qui a causé une fissure sur la fourche. Heureusement je rencontre Keivan, un local passionné de vélo qui a son magasin de cyclisme. Il a fait du super boulot mais je n'ai pas pu m'empêcher d’avoir un petit stress en voyant ma précieuse monture se faire attaquer au chalumeau!

Aïe... 🙈

Azerbaïdjan

Oscar ayant quitté Téhéran bien avant moi, je ferai le trajet jusque la frontière nord de l’Iran en bus pour gagner du temps. Je n’ai que peu de regrets de ne pas couvrir cette distance à vélo, le trafic y est extrêmement dense et les routes étroites. D’ailleurs, connaissant la dangerosité de la conduite des iraniens, la plupart des cyclo-touristes que j’ai croisés ont également choisi le bus ou la voiture dans cette partie du pays.

J’arrive à Astara de nuit et sous la pluie. Cette ville côtière de la Mer Caspienne est également le poste frontière entre l’Iran et l’Azerbaïdjan. Ce n’est qu’au réveil le lendemain que je pourrai enfin profiter du plan d’eau et de l’air marin! J’avais laissé la mer de Chine derrière moi dès mon départ de Hong Kong, et cela faisait presque 4 mois que je n’avais vu ni mer, ni océan!

Quel plaisir de retrouver la mer! 

Le passage de cette frontière terrestre n’est pas le plus difficile du voyage mais de très loin le plus chaotique. L’énorme chute de la valeur du rial (la monnaie iranienne) ces dernières semaines a rendu tous les produits iraniens extrêmement bon marché. Les azéris limitrophes font donc l’aller-retour à pied vers l’Iran plusieurs fois par jour pour faire leurs emplettes. Les queues sont de véritables pugilats où s’entassent marchandises diverses et personnes. Difficile de se frayer un chemin avec mon vélo dans ce capharnaüm...

Après mon entrée en Azerbaïdjan je suis surpris par le choc entre l'Iran et son voisin azéri. C'est assez dingue d'avoir l'impression de faire un saut dans le passé juste en passant une frontière terrestre: retour en ex-URSS! Comme dans bon nombre d' anciens satellites d'Asie Centrale de l'empire soviétique, on y retrouve Ladas, alcool en abondance, monuments patriotiques simplistes et dictateur mégalomane. C'est particulièrement regrettable pour un pays riche (en outre grâce à l'exploitation du pétrole en mer Caspienne) au fort indice de développement humain.

En 1991, juste avant le démantèlement de l'URSS fut créé la « République d'Azerbaïdjan ». Deux ans plus tard Heydar Aliyev, ancien dirigeant du Parti communiste d'Azerbaïdjan prit le pouvoir par la force pour ne plus jamais le lâcher. Après sa mort en 2003 c'est son fils Ilham Aliyev qui lui succéda. Il est toujours en poste. On retrouve dans le pays tous les codes de la dictature, avec le culte de la personnalité des Aliyev (père et fils), d’énormes budgets militaires, l'apologie de l’armée et des anciens combattants dans les médias ainsi que des abus en matière de droits de l'homme.

Après avoir profité de la vue sur la mer Caspienne je retrouve enfin Oscar à Lankaran, petite ville côtière. Je déguste ma première bière en plus d'un mois: le kiffe!

Comme dans chaque nouveau pays traversé nous essayons de nous adapter pour manger et dormir!

La boulangerie et le lit « super-posé »!

La météo est clémente et nous profitons des superbes paysages...

Dommage les champs pétrolifères... 

...et des azéris qui sont des gens adorables, accueillants et généreux!

Tout était parfait (comme depuis le début de ce beau voyage) mais un imprévu s'est invité dans mon quotidien: une douleur au genou, persistante et de plus en plus forte jusqu'à l'arrêt forcé... Je ne veux pas me blesser davantage donc je laisse Oscar finir seul à vélo jusque Sheki, notre prochaine étape. Je le rejoindrai en stop et en bus en essayant de garder le sourire!

Sheki:

Arrivé à Sheki, je commence d'abord par me rassurer en me disant que la douleur passera avec le repos. Nous prenons 3 jours de break avec Oscar et j'en profite pour visiter cette jolie ville posée aux pieds des montagnes.

Le plus beau site à visiter est de loin le Palais de Shaki Khans...

...mais d'autres sites sont également d'une grande beauté comme le caravansérail...

...ou encore le palais d’été.

Comme prévu, 3 jours de repos plus tard, nous reprenons la route avec Oscar. Malheureusement après moins de 15km la douleur revient et je dois à nouveau m'arrêter... Oscar continue jusque Tbilissi en Géorgie et je retourne me reposer à Sheki pour au moins une semaine. Je tente ma chance à l’hôpital public local (tout droit sorti d'URSS) pour un diagnostic: après 30 secondes d'examen mon médecin (au moins 70 ans et portant la chapka) me prescrira une piqûre sous le ménisque... Je pars en courant!

Je prends le rythme calme de mon auberge hors saison. Je mange beaucoup, dors beaucoup et je joue des heures durant à un de mes jeux de société préférés: le Blokus. Je déguste également des tonnes de grenades juteuses et sucrées, les meilleures que je n'ai jamais goûtées. Le café étant à 1€ dans les bars et la pinte à 0,5€, je me remonte le moral en buvant quelques canons!

Je m’occupe également par la lecture en dévorant entre autre "Terre des Hommes" d'Antoine de Saint Exupéry. Ce recueil d'essais plein de poésie, d'aventure et d'humanisme était visionnaire. Paru en 1939 il condamnait déjà le consumérisme et invitait ses lecteurs au voyage. Je dévore également un monument des romans d'aventure que je n'avais pas encore eu l'occasion de lire: "Le Tour du Monde en 80 Jours" de Jules Vernes. Le récit est exceptionnel et formidablement documenté, surtout quand on pense qu'il a été publié en 1872! Très modestement, je me sens un peu Phileas Fogg sur mon petit vélo, la vitesse en moins!

La meilleure vanne revient comme souvent à Tanguy qui me demande « Tu dors Sheki?! » 😂

Une superbe parenthèse dans cette semaine d'attente fut la visite du village de Kiş au nord de Sheki. Si le village est très joli, c'est son église datant du 12ème siècle qui vaut largement le détour. Pour la visite je suis accompagné d'Anna, une néo-zélandaise que j'ai rencontrée à l'auberge.

Suite à la visite nous nous baladons le long de la rivière et à force de grimper nous tombons sur une ancienne forteresse médiévale. Les vues sont à couper le souffle et nous profitons longuement de la beauté des paysages.

Après 10 jours d’arrêt je me décide enfin à reprendre la route. Je ne suis pas en énorme confiance mais je dois continuer à avancer, quitte à prendre le bus. Je ne pensais pas si bien dire, après 20km la douleur revient, moins forte mais toujours bien présente. Je décide alors de finir la route jusqu'au prochain village et de prendre un bus direction Tbilissi. Je me console quand même par la beauté des paysages.

Je dors une nuit au prochain village et je prends 3 bus différents pour arriver à la frontière le lendemain. Mais je ne suis toujours pas tiré d'affaire puisque je vais me voir refuser la sortie du territoire pour avoir passé plus de 15 jours en Azerbaïdjan sans m'enregistrer auprès de l'immigration de...Sheki... Retour à Sheki donc pour rencontrer l'immigration qui m'explique que la règle est nouvelle et que j'aurais dû être informé en rentrant dans le pays (impossible vu le foutoir décrit ci-dessus). Je dois payer 300€ pour être en règle ou je serai déporté: déportation ce sera, je ne mettrai plus les pieds dans ce pays.

Une fois la paperasse réglée je saute dans un bus direction la frontière avec la Géorgie. Cette fois-ci pas de problème avec l’immigration, j'ai droit à 365 jours de séjour sans visa en tant qu'européen.

Jolie frontière!

Géorgie

Comme toujours, changement de pays changement d'ambiance, mais la mise dans le bain fut vraiment instantanée en Géorgie. Après plusieurs mois dans des pays à majorité musulmane me voilà dans un pays chrétien ET producteur de vin. En cherchant mon hôtel dans le village frontalier et à cause d'une erreur sur ma carte, je rentre par mégarde chez des gens. Je pousse la porte de leur maison et je me retrouve au milieu de la salle à manger, en plein repas entre amis. En Europe on m'aurait certainement fichu dehors en me menaçant d’appeler la police et aux États-Unis on m'aurait tiré dessus (légalement bien entendu) mais en Géorgie on m'invite à dîner! En 2 minutes je me retrouve avec un verre de vin en main et une assiette pleine. Nous trinquerons énormément à leurs héros nationaux (le vin se boit cul sec) et le dernier toast, le plus important à leurs yeux, sera pour la famille. Génial!

C'est la crise de la coupe de cheveux... 😂

Le lendemain je prends le bus direction Tbilissi, la capitale de la Géorgie où je passerai quelques jours. Malgré sa position géographique en Asie Occidentale, la Géorgie est candidate à l’entrée dans l'Union Européenne. Même si le lien géographique n'est pas évident, la culture du pays est cependant proche de la nôtre. L’adhésion est pour l'ancien président Mikheil Saakachvili la « priorité numéro un ». En 2014 le pays a d'ailleurs signé avec l'UE un accord d'association politique et économique. C'est surprenant mais les drapeaux européens flottent partout dans la capitale aux côtés du drapeau géorgien.

Partout également sont placardées des affiches de campagne. En effet je suis arrivé à Tbilissi la veille du deuxième tour des élections présidentielles. C'est finalement Salomé Zourabichvili, franco-géorgienne et membre du parti politique du président sortant, qui deviendra la première présidente de l'histoire de la Géorgie, rôle malgré tout très symbolique. Cela peut paraître surprenant mais c'est Nicolas Sarkozy qui représenta la France à son investiture à la demande personnelle d'Emmanuel Macron, une tâche qui lui correspond parfaitement puisque l’élection fut entachée de « l’utilisation abusive » des ressources de l’Etat ainsi que de la « potentielle intimidation » d’électeurs.

Je retrouve enfin mon ami Oscar qui a décidé de se poser à Tbilissi quelques mois pour y travailler. Je profite d'un rayon de soleil pour me balader dans cette très jolie ville aux allures médiévales. Je goûte également aux spécialités locales: le vin, les bains sulfurés et le "khachapuri" qui consiste, en gros, en un morceau de pain rempli de fromage fondu recouvert d'un oeuf et d'une demi plaquette de beurre! Notre welsh régional passerait presque pour diététique à côté! 😂

Même si je suis bien à Tbilissi, je suis toujours bloqué par ce genou capricieux et je ne peux poursuivre mon périple. À cela s'ajoute la mauvaise nouvelle de l'hospitalisation de mon cher Bon-Papa. Il ne m'en fallait pas tant, je saute dans le premier avion direction Paris en laissant mon vélo à Tbilissi.

France

Vivant à l’étranger depuis 5 ans, j'ai pris l'habitude des retours en France pour les fêtes, les mariages ou les vacances et c'est donc mon premier retour qui aura lieu pour des motivations négatives. J'avoue que le choc entre le voyage à vélo et ce parachutage brutal à Paris fut très étrange mais quel plaisir de retrouver Mathilde, la famille, les copains et surtout Bon-Papa. Je profite de cette parenthèse dans mon aventure pour profiter au maximum de mes proches et également pour soigner mon genou. Merci tout particulièrement au docteur Trichard pour sa disponibilité et ses bons conseils. J'en profite également pour me raser la moustache et passer chez le coiffeur, il était temps!

Il y a une magnifique invasion de baby à Lille!

Au milieu des dîners, des visites à l’hôpital et des rendez-vous médicaux, Mathilde et moi nous accorderons même un week-end à Bray-Dunes, éternel havre de paix!

L’actualité décida que je rentre en pleine crise des gilets jaunes que je ne comprends pas par sa violence et son manque de revendications claires. Je retiendrai avant tout une magnifique phrase de l'aventurier et explorateur français Sylvain Tesson (qui lui aussi a voyagé dans le monde à vélo): «La France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer». A méditer...

«La France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer», Sylvain Tesson

Après deux semaines en France, sachant que Bon-Papa va mieux et que le diagnostic pour mon genou est encourageant (« simple » blessure de fatigue), je décide de retourner en Géorgie. J’espère que la prochaine fois que je rentrerai à Lille, ce sera posé sur la selle de mon vélo!

Tbilissi

Je suis ravi d’être de retour à Tbilissi et avant de reprendre la route j'en profite pour visiter la ville plus en profondeur. Je commence par flâner dans les rues de la capitale géorgienne...

...avant de visiter la splendide Cathédrale de la Trinité...

...et enfin de prendre de la hauteur en montant au superbe château Narikala où trône à proximité l'icône de la ville: l'impressionnante statue "Kartlis Deda" ou "mère du Karthli". Elle tient dans ses mains une épée pour protéger la ville mais également une coupe de vin, symbole d'hospitalité.

Après avoir profité une dernière fois de Tbilissi et de Oscar que je reverrai certainement en Europe, il est temps pour moi de reprendre la route. Le timing jouant contre moi à cause de mon arrêt forcé, je décide de rejoindre Istanbul directement en bus. Ce n'est que partie remise pour la visite approfondie de la Géorgie!

Bilan Azerbaïdjan et Géorgie

L'Azerbaïdjan et la Géorgie n’étaient pas des pays que j'avais prévu de traverser lors de ce voyage. Lorsque je suis sorti d'Iran, l'hiver, les montagnes et surtout le froid en Turquie m'ont poussé à ce changement d'itinéraire que je ne regrette absolument pas.

Si la tentative de racket par l'immigration à ma sortie d'Azerbaïdjan fut une grande déception, cela ne m'enlèvera jamais les bons moments que j'ai pu vivre dans le pays, et notamment les superbes journées de vélo passées avec Oscar, les randonnées en montagne ou encore la gentillesse des azéris. Quant à la Géorgie, je n'y ai passé que trop peu de temps malheureusement, mais le peu que j'ai vu et les échos d'autres voyageurs m'ont convaincu de revenir découvrir ce pays magnifique aux paysages variés et sauvages.

Ces deux pays étaient donc "en bonus" dans mon périple, et je me console de mon problème de genou en me disant que j'ai eu la chance de les visiter, plutôt que de me lamenter, en me disant que je n'ai pas assez profité. En route pour Istanbul, je suis plus que jamais motivé pour terminer ce magnifique voyage à vélo! LET'S GO HOME!

10

Après 30h de bus entre Tbilissi et Istanbul me voici enfin en Turquie. Nous avions décidé avec maman et les deux frérots de se retrouver pendant mon périple pour fêter Noël en famille. J’espérais l’Italie, nous avons longtemps considéré la Grèce, mais mon problème de genou nous « imposa » le choix d’Istanbul. Quelle chance et quel bonheur de découvrir cette ville millénaire en famille! Cerise sur le gâteau: c’est Mathilde qui me rejoindra pour la Saint Sylvestre!

Byzance, Constantinople, Istanbul, la ville (une des plus vieilles du monde) a connu plusieurs civilisations majeures: les Romains, les Byzantins et les Ottomans. Partout les mosquées côtoient les églises. La ville aux 15 millions d'habitants, gigantesque en superficie, est coupée en deux par le mythique Bosphore, séparation physique entre l'Asie et l'Europe. Dans la ville, la culture, l'architecture, la gastronomie, le culte, les arts sont tous issus d'un mystérieux mélange entre l'Orient et l'Occident.

Turquie - Istanbul en famille

J'arrive le premier à Istanbul, Maman, Hugues et Maxence me rejoignent dans la nuit. Nous commençons par une journée de visites plutôt soft dans le superbe quartier de Beyoğlu. Nous goûtons pour la première fois aux délices locaux avant de visiter la "Galata Tower" qui domine la ville et offre un panorama extraordinaire sur le Bosphore.

Pas évident de descendre de la Galata Tower quand on fait 2 mètres! 😂

Nous enchaînons par une balade sur la "Independance Avenue", la principale rue du quartier qui débouche sur la fameuse place Taksim et le parc Gezi. C'est de ce parc en 2013 qu'est parti le grand mouvement protestataire "Occupy Gezi", comparable aux printemps arabes par son ampleur, et qui fut réprimé dans une grande violence par la police. Une des forces du mouvement avant sa répression était la grande variété de profils des manifestants. Parmi eux on trouvait des citoyens de droite comme de gauche, des nationalistes turcs mais aussi des Kurdes (une minorité ethnique marginalisée dans le pays).

Si le mouvement fut d'abord local pour lutter contre la destruction du parc Gezi (un des rares espaces verts de la ville), il est vite devenu national exprimant un ras-le-bol général contre le premier ministre Recep Tayyip Erdoğan et son gouvernement islamiste ultra conservateur de plus en plus autoritaire et liberticide. Le futur donnera raison aux manifestants, Erdogan s'étant encore davantage radicalisé à l'époque où j'écris ces lignes (5 ans plus tard). Et comble de l'histoire, les autorités d'Istanbul ont ordonné en 2017 la construction d'une énorme mosquée (la première) sur la place Taksim, symbole de l'islamisation croissante de la Turquie voulue par Erdoğan.

A droite, un marqueur de la folle course en avant des conservateurs en Turquie... 

Pour nous consoler, nous terminons la journée par la visite du grandiose Palais Dolmabahçe qui trône gracieusement le long du Bosphore.

Pour le premier dîner, nous ferons classique et local: kebab!

Nous serons plus efficaces le deuxième jour. Nous traversons d'abord le pont Galata qui enjambe la Corne d'Or, un bras de mer poissonneux qui relie le Bosphore. Arrivés dans le vieux quartier d’Istanbul, nous visitons la Nouvelle Mosquée (ou "Yeni Cami") avant de profiter des couleurs et des odeurs du marché aux épices également appelé "marché égyptien".

Nous terminons la journée par la visite "d'Hagia Sophia", la basilique Sainte-Sophie. Après la chute de Constantinople et donc de l'empire byzantin, les Ottomans transformèrent cette formidable basilique en mosquée. L’histoire veut que Mehmet II, sultan ottoman à l'origine de la transformation, fut tellement ébloui par la beauté de l'édifice qu'il ne fit pas détruire ses fresques, évidemment chrétiennes. Il est donc amusant de voir cohabiter aujourd'hui dans l'édifice des représentations du Christ ou de la vierge Marie avec des inscriptions en arabe, un minbar (sorte d'escalier où l'imam monte pour faire son sermon lors de la prière du vendredi) et 4 minarets.

Nous visitons également la "Citerne Basilique" (Yerebatan Sarnıcı), incroyable réservoir sous-terrain qui fut creusé en plein centre ville de Constantinople.

Ayant un peu trop abusé du Raki la veille, nous aurons une journée plus posée le troisième jour. Nous ne visiterons que le palais du Tokapi, sous des trombes d'eau.

Par la suite, étonemment, nous flasherons tous les 4 davantage sur la "plus modeste" mosquée Nuruosmaniye que sur le palais Tokapi.

Nous nous réchauffons avec un délicieux déjeuner avant une balade dans le vieux Istanbul, puis par un hammam traditionnel.

Un peu rude le massage dans le hammam, n'est-ce-pas Hugues?! 😂

Le lendemain nous commençons par visiter la « Mosquée Bleue », véritable icône d'Istanbul et plus grande mosquée de la ville, mais qui était malheureusement en travaux. Nous avons toujours des étoiles dans les yeux suite à la visite de la basilique Sainte Sophie, et sachant que la « Mosquée Bleue » fut construite par les Ottomans pour « faire concurrence » à la basilique byzantine, nous serons quelque peu déçus!

À l'inverse, nous serons impressionnés par la splendide mosquée Süleymaniye, construite en l'honneur du plus connu des sultans Ottomans: Soliman le Magnifique. Nous aurons même le privilège d'assister dans la mosquée à la quatrième prière de la journée.

Une visite de la ville d'Istanbul ne peut être complète sans la traditionnelle croisière sur le Bosphore. Nous profitons d'une météo parfaite pour admirer les merveilles qui se dressent sur ses rives!

Réveillon de Noël oblige, nous sabrons le champagne à l'hôtel avant un super dîner et la traditionnelle shisha!

Après ces bons moments, Hugues doit malheureusement nous quitter. C'est donc avec Maman et Maxence que nous découvrirons le musée "Saint-Sauveur-in-Chora", une ancienne église byzantine d'une grande beauté, entre autre remarquable par ses sublimes mosaïques dorées et ses fresques.

C'est au tour de ce cher Maxence de nous quitter et je me retrouve donc en amoureux avec Maman. Nous irons profiter du soleil en flânant sur le Bosphore avant de découvrir la collection du musée d'art "Sakıp Sabancı Museum".

Notre ultime journée nous emmènera au musée archéologique d'Istanbul (malheureusement en rénovation) puis dans la première cathédrale de Constantinople, la désormais "église Sainte-Irène". Nous profitons de nos derniers repas stanbouliotes et de nos derniers "rooftop bars". Une semaine déjà s'est écoulée et après ces superbes vacances en famille il est déjà temps pour moi de dire au revoir à Maman.

Derniers instants avec Maman... 😢

Après s'être interrogé tous les 4 pendant une semaine sur le pourquoi de ces dizaines de crânes sanguinolents parmi les visiteurs partout dans Istanbul (y compris dans les sites touristiques), je ne pouvais pas conclure cette partie sans une parenthèse sur un phénomène très atypique: la ville est devenue depuis quelques années la capitale mondiale du "tourisme capillaire". En effet, tous les ans, plus de 100.000 personnes y viennent pour lutter contre la calvitie grâce à des implants bon marché. Ils joignent l'utile à l'agréable en visitant les plus beaux sites touristiques d'Istanbul avec leurs plaies à vif et leurs compresses sanguinolentes à l'air libre. Je préfère prévenir ceux qui seraient tentés de visiter les joyaux de Constantinople: ayez le cœur bien accroché!

Turquie - Istanbul en couple

Toute la famille étant repartie, c'est désormais Mathilde que j'attends avec impatience à Istanbul et qui me fait l'honneur de sa présence pour la nouvelle année. Pour ces quelques jours en amoureux, nous serons logés chez Faruk, un professeur des écoles kurde ainsi que chez Halit et Savas, deux de ses amis cyclo-touristes, également kurdes. Ce fut une bonne opportunité d'en apprendre davantage sur la condition de cette minorité moyen-orientale.

Les Kurdes seraient aujourd'hui entre 30 et 40 millions à vivre en Turquie mais également en Iran, en Irak et en Syrie, ce qui en fait le plus grand peuple apatride du monde. Ils partagent la même Histoire, la même langue, la même culture, mais pas de pays. A la fin de la première guerre mondiale (lors du traité de Sèvres) les alliés s'empressèrent de démanteler l'Empire Ottoman en redessinant ses frontières et en créant (entre autre) les États actuels de Syrie, d'Irak et surtout de Turquie. Les grands oubliés de ce découpage furent les millions de kurdes qui ne se virent pas octroyer un État indépendant: le Kurdistan. Ils vivent depuis en minorités isolées, dispersées dans quatre pays où ils sont largement persécutés dans chacun d'entre eux. Le point culminant de l'horreur fut atteint lors du génocide Kurde de Anfal dans le nord de l'Irak, et qui fut commandité par Sadam Hussein à la fin de la guerre Iran-Irak. Entre 50.000 et 182.000 kurdes périrent lors de ce massacre ce qui en fait un des pires génocides du siècle précèdent.

Halit et Savas, mes amis cyclo-touristes kurdes plutôt piqués au "peace and love" qu'à la violence, m'expliquent qu'ils vivent dans un pays fasciste et qu'ils sont opprimés par un gouvernement de plus en plus répressif. Malgré leur persécution et une certaine indifférence sur leur sort de la part de la majorité turque, les kurdes n'hésitent cependant pas à se lever pour défendre leurs droits. Comme précisé ci-dessus, ils ont pris majoritairement part au mouvement "Occupy Gezi" en 2013.

Petite anecdote amusante: Halit est même déjà allé à la "fête de l'Huma" en France! 😂

Nous apprécierons tout particulièrement l'accueil chaleureux de nos hôtes pour qui nous aurons une grande amitié et c'est d'ailleurs en leur compagnie que nous passerons la Saint Sylvestre. Mais en attendant de réveillonner je veux à tout prix faire découvrir Istanbul à Mathilde. Je prends donc ma casquette de guide et nous visiterons certains des plus beaux sites de la ville...

Hagia Sophia, Palais Dolmabahçe, Mosquée Bleue

...nous irons nous perdre dans les rues de la ville ainsi que dans ses hammams, marchés, antiquaires...

"Donne pas la patte! Donne pas la patte! Ça c'est bien, c'est un bon Yorkmut!" 😂

...nous profiterons d'une superbe croisière sur le Bosphore...

...nous goûterons les meilleurs plats...

...avant de célébrer le passage en 2019 avec nos amis kurdes!

Turquie - Reprise du vélo

Le 1er janvier 2019, il est déjà temps d'accompagner Mathilde à l'aéroport (😢). Après plus d'un mois d'arrêt pour reposer mon genou (qui va mieux) et passer les fêtes en famille, je vais enfin reprendre mon vélo direction la frontière grecque.

La sortie d'Istanbul se passe bien, je profite une dernière fois du Bosphore, de la Corne d'Or et de la ville. Je longe la mer Marmara en admirant la vue et je passe même les 7000km de voyage. Je roule 70km sans problème jusqu'à ce que la douleur au genou revienne soudainement... Je retente ma chance le lendemain sans grand succès. Je me console malgré tout avec une très belle rencontre le midi: Muhammet et sa famille avec qui je passerai plusieurs heures. Le genou (encore) douloureux et une grosse tempête de neige en approche me pousseront à me reposer quelques jours à Tekirdag, une ville côtière.

Je m'arrête 3 jours à Tekirdag donc, où je suis logé chez Emre, un étudiant en médecine passionné de voyage avec qui nous échangerons de longues heures en regardant la neige tomber. J'en profite également pour finir le livre "Des souris et des hommes" de John Steinbeck. Je découvre avec plaisir cet auteur engagé qui dénonce ardemment la misère sociale des années 30 aux États-Unis. Je me note de lire plus tard un autre classique de la littérature du même auteur: "Les Raisins de la colère".

C'est sous un grand soleil et entouré d'un superbe manteau neigeux que je reprends la route. Il fait très froid (jusque -10°C la nuit) ce qui m'oblige à des pauses régulières et m'empêche de camper. Heureusement que je trouve des turques chaleureux pour m'accueillir sur la route.

Depuis Tekirdag et après quelques réglages sur le vélo (entre autre la hauteur de selle), les douleurs au genou se sont stabilisées. Elles sont bien présentes quand je roule mais pas insupportables au point de m'empêcher d'avancer. Je prends donc mon mal en patience en continuant doucement et je croise les doigts pour que ça dure.

Après seulement 4 jours de vélo depuis Istanbul, il sera déjà temps pour moi de quitter la Turquie et donc l'Orient: direction l'Europe! Le sentiment qui m’envahit est très fort, je ne pense pas avoir déjà été aussi ému lors d'un passage de frontière. Me voilà en Grèce pour la première fois de ma vie avec encore plus de 3000km à parcourir jusque Lille mais étant de retour dans l'Union Européenne, je me sens comme "rentré à la maison". Ce sentiment d'une grande intensité m'habitera jusqu'à Alexandroupoli où je passerai ma première nuit officiellement en Occident.

Aujourd'hui je me sens plus que jamais européen! 

Grèce: Alexandroupoli - Kavala

Je ne connaissais pas la Grèce avant d'y faire ce court passage à vélo, ce n'était d'ailleurs même pas au programme initial. C'est l'hiver qui me poussa à éviter les Balkans et donc à longer la mer Égée. Quelle belle surprise que de découvrir ce magnifique pays à la nature généreuse, même en plein hiver!

Rien de tel que de bien manger lorsqu'on roule par ces températures glaciales. Je me réchauffe donc en dévorant tous les délices locaux et entre autre bien sûr la fêta, le tzatziki ou encore les kebabs.

Je longe toujours la côte d'Est en Ouest ce qui m'offre l'opportunité de traverser le parc national de Nestos, entre autre réputé pour ses superbes colonies d'oiseaux.

Malheureusement une tempête de neige me contraint à nouveau à l'arrêt, cette fois-ci dans le port de Kavala. Les épisodes neigeux sur cette côte sont rares selon les locaux. Rare ou pas, cela m'a offert de jolis clichés!

Les conditions étant trop rudes et ayant un passage de montagne face à moi si je continue vers l'Ouest de la Grèce, je décide de descendre jusque Athènes en bus pour récupérer quelques degrés. Je n'oublie cependant pas de visiter le port de Kavala avant mon départ.

Grèce: Athènes - Patras

Comme précisé plus haut, je n'avais pas prévu de passer par la Grèce et encore moins par Athènes. La visite de la capitale antique fut donc 100% en bonus dans ce voyage, et quel bonus! Si la ville est immense, ses principaux points d'intérêt sont concentrés, ce qui permet de visiter la ville facilement.

Le site le plus emblématique de la ville d' Athènes est évidement l'Acropole. Le plateau mythique y abrite entre autre le non moins mythique Parthénon ainsi que de nombreux autres temples et théâtres. On se sent tout petit face à la beauté et à la grandeur de ces monuments millénaires. Une visite de l'Acropole vous offre un voyage dans le temps, direction l'Antiquité!

Autre site mythique d'Athènes: l'Agora romaine. Ce forum romain regorge de trésors et la concentration de visiteurs étant bien moindre que celle du Parthénon, je profite pour m'y balader dans le calme.

Petit coup de cœur pour le temple d'Héphaïstéion (en bas à droite).

Après la découverte de ces deux sites d'exception, je flâne dans les rues de la ville et j'ai le plaisir de tomber sur d'autres monuments ou points de vue superbes.

En bas à gauche:  "Le Temple de Zeus"

J'aurais aimé profiter davantage de la ville mais j'ai toujours l'espoir de rattraper un couple d'amis cyclistes que j'ai rencontré en Géorgie et qui roulent en Grèce à quelques jours de vélo devant moi. Je décide donc de reprendre la route après une seule journée à Athènes, en espérant revenir plus longtemps à l'avenir.

L'objectif de cette dernière étape grecque est de rallier Patras, un des ports du pays offrant une traversée par ferry vers l'Italie. Les conditions météo du premier jour sont dantesques, je roule sous des seaux d'eau entre Athènes et Corinthe avant de pouvoir (enfin) profiter du soleil méditerranéen pour mes derniers jours. La nature est d'une grande beauté, je me nourris des couleurs qui s'offrent à moi entre mer, montagne et végétation. Après 3 jours mémorables sur les routes grecques, j'arrive enfin à Patras: porte de sortie vers l'Italie.

Arrivé à Patras, j'embarque le soir même dans un ferry pour Bari (à l'Est de l'Italie). Le calme plat de la mer promet une douce traversée et c'est tout heureux d'avoir pu reprendre la route à vélo que je quitte donc la Grèce. Ma nuit à bord sera paisible et j'en profite pour finir le livre "Vol de Nuit" d'Antoine de Saint-Exupéry. L'auteur français restera la plus belle découverte littéraire de ce voyage avec également la lecture de "Terre des Hommes".

A contrario des conditions de départ, l'arrivée en Italie se fera sous un grand soleil mais sur une mer déchaînée! Quelle excitation d'arriver dans un nouveau pays, qui plus est l'avant dernier que je traverserai lors de ce projet "Let's Go Home!". Seul petit bémol dans mon euphorie, j’assisterai impuissant au lancer dans la mer de dizaines et de dizaines de mégots par les passagers du ferry pendant l'amarrage. Il reste à faire encore un peu de boulot d'éducation sur cette planète...

Bilan Turquie, Grèce

Je n'aurai donc vu qu'une infime partie de la Turquie. Mon problème au genou, couplé aux conditions météo trop rudes de l'hiver m'ont fait modifier mon itinéraire initial et traverser la Turquie en bus. Quel crève-cœur et quel gâchis quand on pense aux trésors que ce pays renferme. Les récits de voyageurs à vélo ayant traversé le centre du pays (la Cappadoce, Van, Kars...) m'ont convaincu que je devrai revenir faire ce beau voyage à tout prix. De plus, je n'ai vu que la partie occidentale de la Turquie et je souhaite également découvrir sa partie orientale, apparemment très différente culturellement.

Malgré tout, je n'ai aucun regret sur les choix d'itinéraire que j'ai dû faire. J'ai réussi à préserver suffisamment mon genou pour pouvoir continuer ma route vers Lille et, cerise sur le gâteau, j'ai tout de même pu découvrir en famille cette ville extraordinaire qu'est Istanbul, un de mes coups de cœur du voyage.

Suite à mon passage en Turquie, rouler en Grèce fut une courte mais très belle expérience malgré les nombreuses attaques de chiens. Ici plus qu'ailleurs dans mon voyage, j'ai été attaqué par des cabots enragés. Le comble est que ces chiens (non attachés) se trouvaient généralement dans les villages, ce qui montre un triste manque de civisme de la part de leurs propriétaires: dommage... Malgré tout je ne veux pas m'arrêter à cela et je retiendrai surtout la grande beauté des paysages, la gentillesse des gens, les spécialités locales (fraîches et savoureuses) ainsi que le respect plus prononcé qu'ailleurs des automobilistes pour les cyclistes. J'espère de tout cœur revenir vite en Grèce et si possible à vélo. Il reste tant de jolis coins (et d'îles!) à explorer.

Cette bascule de l'Orient vers l'Occident fut avant tout marquée par la reprise de mon périple à vélo après ma blessure au genou et mon immobilisation forcée. Ce fut un peu chaotique et "haché" par les pauses et l'utilisation des transports en commun à cause des résidus de douleur mais également de la neige et du froid. Malgré tout, que cette étape fut belle! J'ai découvert avec émotion deux villes millénaires (Istanbul et Athènes) tout en découvrant à vélo de modestes mais très belles parties de la Turquie et de la Grèce. Cette étape fut une délicieuse mise en bouche qui a éveillé en moi un formidable appétit de revenir visiter ces magnifiques pays!

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Après une première expérience européenne en Grèce, je pose le pied en Italie. C'est un passage de frontière atypique dans ce voyage puisqu'il se fera par la mer, et étant déjà entré dans l'espace Schengen, cela se fera sans contrôle de passeport. Je débarque dans le port de Bari qui se situe dans les Pouilles au sud-est de l'Italie. Je suis encore bien loin de la France et c'est donc logiquement une longue étape qui se présente devant moi. Je compte en profiter à 100%!

Pour mes premiers moments italiens je roule tout sourire dans les rues de Bari. Je suis toujours excité à l'idée de découvrir un nouveau pays mais c'est la perspective de partager la route qui me motive tout particulièrement. En effet je retrouverai dès le lendemain Stéphanie et Claude, un couple de français qui voyage en tandem vers la France et surtout, à Naples je retrouverai Thomas, un de mes meilleurs amis de Lille, qui se joindra à moi (à vélo!) jusque Florence.

Bari - Naples

A peine débarqué à Bari je retrouve Andrea, mon hôte pour cette première nuit italienne, qui m'attend pour déjeuner avec ses amis. J'ai le droit à la totale: primi, secondi, dessert et vin, une bonne initiation à la gastronomie italienne. Comble du cliché, je m'offre un tiramisu et un ristretto au goûter, mais je n'oublie pas également d'en profiter pour visiter la vieille ville.

En Italie, on mange bien...et beaucoup! 

Le lendemain, je retrouve Claude et Stéphanie que j'avais rencontrés plus tôt en Azerbaïdjan lors de mon arrêt forcé dû au genou. Ce couple de français voyageant un an sur un tandem a une histoire hors du commun. Leur projet de voyage à vélo devait les amener de Paris à Singapour mais alors qu'ils roulaient sur la mythique "Pamir Highway" au Tadjikistan, ils firent la connaissance d'une chienne abandonnée, sympathique et squelettique. Très vite rebaptisée Côtelette, l'animal se mit à suivre nos deux cyclistes qui se prirent d'affection pour elle et l'adoptèrent. C'est en passant la frontière chinoise que Stéphanie et Claude firent un choix courageux. Côtelette n'étant pas vaccinée, elle fut enfermée dans une cage par les douaniers qui allaient la piquer le lendemain. Stéphanie en a fait une nuit blanche et ils décidèrent alors de faire demi-tour pour récupérer la chienne et pour rentrer en France. Par ce choix courageux, ils abandonnèrent leur rêve initial de rouler jusque Singapour et prirent la direction de la France par un autre itinéraire qu'à l'aller. Claude me confiera intelligemment: "Quand on voit ce que les chinois font aux humains et veulent faire aux chiens, on n'a rien à faire dans ce pays.". A méditer...

Le tandem a depuis été transformé en semi-remorque!  😂

Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur leur très belle aventure, voici le lien vers leur blog:

Quel plaisir donc de pouvoir de nouveau partager la route avec des cyclo-touristes, et qui plus est français. Nous prenons la direction de Naples où nous nous séparerons. Nous commençons par remonter la partie nord des Pouilles en longeant la côte dans des conditions rêvées pour un mois de janvier!

Après cette jolie partie côtière, nous nous enfonçons dans les terres, direction les Apennins, la chaîne de montagnes au centre de l'Italie où nous devrons passer un petit col avant de redescendre vers Naples. Avant le froid et le dénivelé nous profitons du plat et de la douceur de la campagne. C'est un pur régal de rouler sur de la piste et de pouvoir camper au calme en cuisinant de bons petits plats italiens.

Nous appréhendions un peu la traversée des Apennins qui nous semblait difficile avant d'y être vraiment confrontés, mais les conditions lors de notre passage furent parfaites et ce fut un bonheur de passer le col sans neige ni pluie. Nous n'avions qu'à profiter des points de vue, des couchers de soleil et des nuits sous la tente par températures négatives!

Nous avons principalement campé lorsque nous roulions à trois, mais pour notre dernière nuitée nous serons reçus comme des rois par une famille extrêmement généreuse. Salvatore, le père de famille, a lui aussi voyagé à vélo en reliant en solitaire l'Italie à la Sibérie. Nous passerons ensemble un superbe moment d'échange autour du voyage à vélo.

Repas italien équilibré pour les cyclistes! 😂

La traversée de l'Italie d'est en ouest touchant déjà à sa fin, il est temps pour moi d'abandonner mes amis cyclistes et leur charmante chienne pour rejoindre Naples, eux continuant vers Rome sans détour. Cette courte semaine de vélo à trois fut extrêmement riche humainement. Je me sens privilégié d'avoir rencontré Stéphanie et Claude et les remercie tout particulièrement pour leur sourire, leur simplicité mais surtout pour la qualité de nos échanges. J'espère les revoir très vite!

Ce fut une excellente première semaine en Italie mais un bémol tout de même à ces premiers jours: les italiens sont adorables mais depuis que nous avons quitté la Turquie, nous sentons que nous sommes de retour dans des pays se disant "développés". Nous ne serons plus jamais invités chez l'habitant spontanément (même constat en Grèce ou en France) et nous ne compterons pas le nombre de fois où les locaux insisteront lourdement pour que nous soyons vigilants aux vols, apparemment très fréquents dans le pays. Heureusement nous ne serons jamais dévalisés même si un barman osa tout de même me facturer le remplissage de nos gourdes... En comparaison de mes premiers mois sur la route, je constate que nous, européens, avons de belles leçons d'accueil à recevoir de nations infiniment plus démunies.

Naples

A peine arrivé à Naples, bien connue dans le monde pour ses pizzas et sa mafia (=cliché primaire), le ton est vite donné. En effet je demande conseil à mon hôtel pour une bonne pizzeria. Le premier réceptionniste commence à m'expliquer la route vers sa pizzeria préférée avant d'être interrompu par le second réceptionniste qui nous informe qu'elle est fermée, une bombe ayant explosé à l'intérieur il y a 3 jours! 😂

Blague à part j'aurai un plaisir fou à arpenter les rues de cette jolie ville et je dégusterai en effet les meilleures pizzas que je n'ai jamais eu la chance de goûter.

Mais mon passage par Naples était avant tout motivé par l'arrivée de mon cher Thomas, ami d'enfance qui me rejoint pour partager un bout de route à vélo. Il a d'autant plus de mérite qu'il sera le seul courageux à me rejoindre à vélo lors de ce voyage et qui plus est en plein hiver. Chapeau!

Benvenuto in Italia!

Une autre spécificité de Naples est sa proximité avec le Vésuve et donc Pompéi. Nous profitons de notre première journée avec Thomas pour visiter ce site archéologique mythique. Bien mal nous en aura pris! Nous n'avons toujours pas résolu si la cause était la pluie torrentielle ou la date trop lointaine de notre dernière entrevue qui nous fit bavarder abondamment, au lieu de s'imprégner de l'histoire du site, mais nous sommes complètement passés à côté. Nous en avons conclu que c'était probablement un peu des deux et que nous reviendrons sous le soleil et plus concentrés. 😇

Naples - Rome

Après avoir flâné à Naples, ça y est, il est temps d'attaquer les choses sérieuses! Nous enfourchons nos bicyclettes direction Rome. Les conditions sont parfaites pour cette première journée à deux sur les routes. Je me paie même le luxe de passer la barre des 8000km de voyage ce jour là.

Notre première nuit sur la route se fera sous tente. Ce fut le premier bivouac pour Thomas, un des plus beaux du voyage pour moi. Nous serons seuls au monde sur une magnifique plage où nous admirerons un coucher de soleil féérique. Seul petit hic pour Thomas: les températures négatives la nuit avec un duvet limité à 11°C. Petit excès de bravoure de l'intéressé, manque de conseils sur l'équipement de ma part ou les deux? Peu importe, il a eu froid! 😂

Pure merveille ce campement!

Malgré le froid la nuit, nous ne nous laissons pas abattre et nous profitons de chaque moment sur la route. Pour remonter vers Rome, nous longeons une corniche donnant sur la mer où nous enchaînons les points de vue plus beaux les uns que les autres. Et que dire des couchers de soleil dans la région?

Rome

Après trois grosses journées de vélo, nous arrivons à Rome où nous nous reposerons une journée. J'avais déjà eu la chance de découvrir la ville avec Mathilde mais quel plaisir de revenir dans la capitale italienne. Malheureusement, Thomas ayant une contrainte de temps avec son billet retour depuis Florence, nous n'aurons qu'une seule journée pour visiter. C'est bien évidemment trop peu pour découvrir cette ville millénaire mais nous en aurons tout de même un superbe avant goût.

Et nous aurons surtout le temps de visiter la Basilique Saint Pierre, ce que je n'avais malheureusement pas eu l'occasion de faire lors de ma première visite.

Cerise sur le gâteau, nous retrouverons pour le dîner Stéphanie et Claude, mes amis cyclistes en tandem avec leur chien, qui passent une semaine à Rome chez une de leurs amies vivant là-bas.

Rome - Florence

Un jour de repos seulement et nous reprenons déjà la route. La prochaine grosse ville que nous devrions atteindre sera Florence. Pour atteindre cette dernière, nous suivrons des portions de la "Via Francigena", un chemin de pèlerinage médiéval reliant Canterbury (en Angleterre) au tombeau de Saint Pierre (au Vatican). Chez les catholiques, c'est un des plus vieux chemins de pèlerinage avec Jérusalem et Saint Jacques de Compostelle.

Une chance pour nous: un tracé spécialement dédié aux vélos a vu le jour dans les années 2000. Le parcours est vraiment très beau et offre beaucoup de portions de piste, ce qui est génial (plus sauvage, pas de trafic), mais également limitant (montées très raides, terrain cabossé ou boueux, peu adapté aux vélos chargés lourdement). Nous alternerons donc entre petite route et "Via Francigena".

Nous quittons Rome toujours sous un beau soleil et, après avoir longé le Tibre, nous profitons de nos premiers jours de piste. C'est physique mais très beau et nous reprenons des forces grâce aux spécialités locales ainsi qu'à l'accueil d'hôtes adorables comme Chiara, Andrea et leur chien (qui fait la taille d'un ours!). Nous aurons un coup de cœur tout particulier pour Andrea, notre hôte charpentier: 70 ans, 3 ex-femmes (ils nous dira: "Finito!" 😂), 4 enfants, 1 migrant sous son toit qui travaille avec lui, fin cuisinier, voyageur à vélo en solitaire, moniteur de voile l'été et toujours passionné par son métier... Sacré personnage!

Après cette belle étape, une journée de pluie intense nous freina dans notre lancée. Nous aurions pu affronter les intempéries courageusement mais après 40km (vaillants aventuriers que nous sommes) nous décidâmes de nous arrêter pour ripailler copieusement et jouer à nos jeux de société préférés en buvant des canons!

Bien nous en a pris, le lendemain fut une magnifique journée. Nous enchaînerons pas mal de dénivelé positif sous un grand ciel bleu en profitant d'un superbe lac et de jolis petits villages.

Une fois n'est pas coutume, ce sont des prévisions météo dantesques et un léger retard sur le programme qui nous feront sauter une étape en utilisant le train direction Sienne. Après une soirée sympathique chez une famille franco-britannique de cyclistes adorables, nous reprenons la route pour notre dernière journée de vélo à deux.

Cette étape fut atypique et très belle à la fois. Nous traversons la région vallonnée du Chianti en Toscane, réputée pour ses vins, et dont les coteaux sont recouverts de neige. Après 10 jours extraordinaires sur les routes, c'est des étoiles plein les yeux que nous rallions finalement Florence. Et pour fêter ça, nous dégustons bien évidemment une bouteille...de Chianti!

Well done Thom! 

Florence

Nous aurons un peu moins de deux jours pour visiter la ville mais fatigués par la route, déjà nostalgiques de ce beau voyage qui prend fin et freinés par la pluie, nous profiterons finalement plus des bonnes adresses culinaires et festives de Florence que de ses musées... Après Pompéi, Rome et maintenant Florence, on pourrait presque dire que c'est devenu notre marque de fabrique! 🙈

Blague à part, le but ultime de ce périple en binôme était avant tout d'arpenter les routes italiennes à vélo et de faire découvrir à Thomas le cyclo-tourisme. Les visites, relativement chronophages (surtout en Italie) étaient vraiment là en bonus. Nous en avons malgré tout bien profité et qui plus est, la proximité de l'Italie avec la France nous offrira des opportunités de revenir.

Au moment de raccompagner mon acolyte à l'aéroport, je fais le bilan de ces dix jours passés à deux et je me dis qu'il a fait l'expérience de tout ce que le voyage à vélo a à offrir: des routes goudronnées, de la piste, des grandes villes, de minuscules villages, de la mer, des campagnes, de la montagne, toutes sortes de conditions météo, de la super bouffe, du bivouac, de l'hébergement chez l'habitant, bref, un concentré du cyclo-tourisme: de l'aventure humaine à l'état pur!

Merci Thomas d'être venu partager avec moi cette magnifique page de mon voyage!

Ciao amico! 

De retour de l'aéroport (par acquis de conscience), je décide tout de même de visiter la Cathédrale Santa Maria del Fiore avec, entre autre, son dôme splendide et majestueux. Je ne le regretterai pas!

Florence - Menton

Ces dix jours en binôme passèrent à une vitesse folle et dès le lendemain du départ de Thomas, je poursuivis mon voyage en solitaire direction la France. Comme une invitation à reprendre la route, je serai gratifié d'un magnifique ciel bleu, un pur régal pour continuer à découvrir les campagnes italiennes.

Pour cette première journée, je longe le fleuve Arno qui coule paisiblement de Florence à Pise où je serai chaleureusement accueilli par Nicola, le petit frère d'une amie italienne que j'avais rencontrée à Bari.

La tour de Pise est une image vue et revue qui fait partie de notre imaginaire collectif au même titre que des monuments comme la tour Eiffel à Paris, la statue de la liberté à New-York ou la statue du Christ Rédempteur de Rio. Nous connaissons tellement bien ces images que nous avons l'impression d'avoir déjà vu ces monuments de nos propres yeux sans y être allé; je n'étais donc pas particulièrement emballé à l'idée de visiter Pise et sa tour. Quelle erreur d'appréciation! La ville est magnifique et la piazza dei Miracoli, qui abrite la cathédrale Notre-Dame de l’Assomption et son campanile (la fameuse tour de Pise), est une pure merveille. Le soir de mon arrivée, je passerai un temps fou à admirer l'architecture de ce site d'exception et, toujours aussi enthousiaste, j'y retournerai le lendemain matin. A voir et à revoir!

Je vous épargne la photo de chinois en trompe l’œil! 😂

Après cette belle surprise, je laisse Pise derrière moi et je retrouve la mer Méditerranée que je longerai jusque la France. Je découvre la beauté de la côte italienne, de ses plages et de ses forêts, toujours surplombées par la montagne.

J'emprunte une route magnifique qui surplombe les "Cinque Terre", groupement de petits villages colorés et centenaires d'une grande beauté. Le chemin pour y accéder étant trop escarpé, je n'aurai malheureusement pas l'occasion de les visiter. Haut perché sur la route, je profite tout de même de la beauté des paysages et surtout des vues mer.

Je serai chaleureusement accueilli par une famille italienne dans le port de Rapallo. Le centre ville est très joli, entre autre connu pour ses maisons colorées et ses peintures de façades en trompe l'oeil. Ce qui me marqua cependant fut les dizaines d'épaves de yachts et de voiliers échoués dans le port. Le 28 octobre 2018, la violente tempête "Adrian" détruisit le port intégralement, ainsi que les 200 bateaux qu'il abritait dont d'énormes motor-yachts.

Moi qui pensais que la Méditerranée était une mer calme...

Je compte mes derniers jours en Italie et je profite d'une météo vraiment clémente pour la saison. J'effectue d'ailleurs à cette période les derniers bivouacs du voyage.😢

En remontant la côte italienne vers la France, je traverse la ville de Gênes située au nord ouest du pays. Rouler dans la ville à vélo fut compliqué et, sauf quelques exceptions, je n'ai pas trouvé l'endroit particulièrement beau ou harmonieux. Je décide donc de ne pas y faire escale.

Comme souvent dans mon voyage, j'ai privilégié la route à la ville et quel régal d'arpenter des chemins aussi scéniques sous un grand soleil en plein mois de février!

Mais voilà, ce qui devait arriver arriva: je suis de retour en France! Depuis mon départ de Hong Kong, j'ai bien évidemment pensé des dizaines de fois à ce moment et après presque 7 mois sur les routes, me voilà de retour en France. Mon retour dans l'Union Européenne avait déjà été émouvant mais cet instant précis le fut bien davantage. Conscient d'être presque rentré à la maison, j'appelle Mathilde et je me laisse envahir par l'émotion!

Almost home! 😍

Bilan Italie

Cette traversée de l'Italie fut exceptionnelle! J'ai découvert un pays voisin de la France qui recèle d'innombrables trésors: mers, montagnes, villes, campagnes, histoire, art, culture, architecture, sport, gastronomie... Il y en a pour tous les goûts! Ce fut un très bon rappel qu'il ne suffit pas forcément d'aller à l'autre bout du monde pour en prendre plein la vue et être profondément dépaysé.

L'Italie fut donc pour moi une superbe découverte, un pays où j’eus la chance de rencontrer un peuple chaleureux et souriant. J'y ai passé plus de 3 semaines et j'ai toujours l'impression de n'avoir visité qu'une petite partie. Je ne compte pas les idées de voyage que j'ai déjà en tête pour y retourner: les Pouilles, la Sicile, la Sardaigne, les Alpes italiennes, les Apennins, la région de Milan ou encore de Venise...

Symboliquement très importante pour moi dans ce voyage, l'Italie restera à jamais le dernier pays étranger que j'aurai traversé. Elle m'aura offert de superbes moments seul, entre amis et avec des inconnus. Et elle m'aura vu très émotif au moment de la quitter pour finalement retrouver ma chère patrie! Presque 9000km au compteur, il ne me reste "plus qu'à" traverser la France du sud au nord pour retrouver mes proches et mettre un point final à cette formidable aventure.

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Après 7 mois à vélo sur les routes depuis Hong Kong, je suis officiellement de retour "à la maison", en France! Que le voyage fut beau et palpitant mais heureusement pour moi, ce n'est pas fini, loin de là. Je suis bel et bien arrivé en France mais comme j'ai pris plaisir à le dire avec humour pendant mon voyage, étant Ch'ti, il me reste encore plus de 1000km à parcourir avant d'arriver pour de bon!

Ce sont des millions de personnes qui se précipitent en France chaque année pour visiter ce magnifique pays, une des premières destinations touristiques au monde. Après 6 ans d'expatriation mais surtout après la traversée de presque deux continents à vélo, je me sens donc extrêmement chanceux d'avoir le privilège d'arpenter les routes de ce beau pays (mon pays!), que je ne connais que trop peu.

Menton - La Seyne-sur-Mer

Comme relaté dans mon précédent article sur l'Italie, le passage de la frontière française fut un moment très intense et très émotionnel pour moi. J'étais encore sur mon petit nuage quand j'ai commencé à rouler en France et après moins d'un kilomètre, je tombe sur un puéril spectacle: une trentaine de gilets jaunes bloquant la route vers l'Italie pour une raison parfaitement floue et créant par la même occasion un énorme bouchon sur des kilomètres: Welcome back!

Je me console en admirant les points de vue qu'offrent les routes haut perchées de la Côte d'Azur. J'évite Monaco par le nord et je me dirige vers Nice pour me reposer. Je serai chaleureusement accueilli pour deux nuits par Karim, un jeune marocain vivant en France.

Après un bon break et quelques réparations sur le vélo je reprends la route direction La Seyne-sur-Mer. Je suis toujours gâté par le temps et je profite de la beauté de la Côte d'Azur, de ses plages, de ses forêts ou encore de ses vignobles.

Tout à fait au hasard, je tombe sur Mathieu, un cyclo-touriste français qui a récemment eu une apparition divine et qui est depuis habité par le Christ. Nous échangerons de longues heures sur l'état de nos sociétés ainsi que de la dérive spirituelle de l'Homme ces dernières années. Mathieu est depuis convaincu qu'il a un rôle important à jouer pour enrayer cette folle marche en avant qui causera notre perte. Il est persuadé que son voyage à vélo en solitaire lui permettra de comprendre quoi faire et comment le faire. Ce fut une rencontre surréaliste mais absolument fascinante! Je lui souhaite de tout cœur de trouver la réponse aux questions qui l'habitent.

Après quelques jours sur la Côte d'Azur, j'arrive finalement à La Seyne-sur-Mer. C'est ici que vivent ma grand-mère paternelle ainsi que mes oncles et tantes que je vois malheureusement peu à cause de la distance. J'en profite donc pour passer plusieurs jours en famille surtout que, cerise sur le gâteau, Papa se joindra également à nous: moments mémorables!

Hallucinant le nombre de gilets jaunes dans le sud de la France! 😂

Week-end à Paris

Ayant prévu d'arriver à Lille début 2019, ça n'aura échappé à personne que j'étais en retard sur mon planning initial. Le 16 février, j'étais invité à Paris au mariage d'Anne-Cécile et Benjamin (des amis de Mathilde) et j'aurais donc dû y participer. Mon anniversaire tombant la veille, je décide donc de m'offrir un week-end en amoureux avec Mathilde! Je saute dans un TGV depuis Toulon direction Paris pour deux jours. Le mariage sera célébré aux Invalides et la soirée aura lieu à l'Automobile Club de France sur la place de la Concorde. Une page complètement décalée et hors du temps dans ce voyage.

Relooking total pour passer du mode "nomade" au mode "mariage"!

La Seyne-sur-Mer - Lyon

Départ de la Seyne-sur-Mer. Je dis au revoir à ma chère mamie et je profite des derniers points de vue sur la mer que j'aurai la chance d'observer dans ce voyage. En effet après La Ciotat, je vire plein nord direction Lyon et je ne verrai plus la mer jusque Lille.

Pour rejoindre Lyon je passe d'abord par Aix-en-Provence puis Avignon. Je suis presque seul au monde sur les routes de campagne de la région. Le soir, je suis accueilli par des hôtes qui sont eux aussi cyclistes. C'est toujours passionnant d'échanger sur les voyages des uns et des autres, et ça donne envie de repartir à ceux qui ne roulent pas!

Meilleure idée la raclette après une journée de vélo! 


Juste après Avignon je retrouve un superbe itinéraire cyclable qui s'appelle la "Via Rhona" et qui relie Genève à Port-Saint-Louis-du-Rhône en Méditerranée. Le parcours est très emprunté par les cyclo-touristes en France mais, roulant en plein mois de février, je serai presque seul sur la route. Je profite des conditions météo exceptionnelles pour remonter le Rhône qui suit son court paisiblement.

Lors de ma traversée de la France, je n'imaginais pas tomber nez à nez avec autant de centrales nucléaires dédiées à la production d'électricité (trois en tout). Je savais déjà que la France était de loin le principal producteur d'électricité d'origine nucléaire dans le monde avec 71,5% du total de son électricité produite en 2017. Ce dont je n'avais naïvement pas conscience c'est la taille de son parc, le deuxième après les États-Unis en nombre de réacteurs. La France possède 58 réacteurs en activité répartis sur 19 sites différents. Pas étonnant, dès lors, d'en croiser à tous les coins de rue!

Initiée après guerre par le Général de Gaulle, cette politique du tout nucléaire a créé aujourd'hui des enjeux économiques et géo-stratégiques colossaux. D'abord industriels pour le champion national Areva mais également stratégiques en terme d'indépendance énergétique et de défense nationale avec la maîtrise de l'arme atomique. Mais force est de constater avec le recul que la viabilité économique (civile et militaire) et surtout la durabilité de ce modèle (extraction et approvisionnement en uranium, gestion des déchets...) sont plus que contestables.

Suite à la catastrophe de Fukushima en 2011, notre puissant voisin, l'Allemagne, a fait le choix courageux de sortir du nucléaire à horizon 2022. Certes leur dépendance à cette énergie est plus faible que celle de la France (13% de leur production) et leur dépendance au pétrole et au charbon est massive (plus de 50% de leur offre d'énergie primaire) mais nous pourrions nous en inspirer. Certaines associations militent en France pour une sortie totale du nucléaire. Cela devra forcément passer par une prise de conscience collective qui se traduira par une baisse de notre consommation à titre individuel. Concrètement cela implique une évolution de nos modes de vie vers plus de sobriété, mais également de la mise en œuvre d'une politique publique ambitieuse de développement d'énergies renouvelables. Nombre de pays ont déjà fait ce pari, comme les pays scandinaves que l'on cite très régulièrement en exemple.

Jolies centrales! 

Fort heureusement, les centrales nucléaires ne sont pas les seules choses que je croise sur ma route vers Lyon. Je profite largement de la beauté des paysages que m'offre cette remontée du Rhône. J'admire les jeux de lumière sur le fleuve à toute heure de la journée et je profite du parfum envoûtant des champs de lavande.

Lyon

Grande première pour moi, j'arrive à Lyon où je retrouve Mathilde, descendue de Paris pour le week-end. Ce sera l'occasion de découvrir la troisième ville de France mais également de revoir plein de vieux copains! Nous serons chaleureusement accueillis par Armelle, une amie d'enfance angevine de Mathilde qui nous prêtera son appartement (encore merci!) et nous aurons droit à une visite guidée de la ville par Louise, également amie d'enfance mais de mon côté. Cerise sur le gâteau, nous serons reçus à dîner chez les Petit, des copains en commun de Hong Kong qui se sont installés là à leur retour en France. Pour clôturer la page retrouvailles, je boirai une petite chope avec Maxime, un ancien collègue de Hong Kong également installé dans la région à son retour.

Au delà de la joie des retrouvailles et des conditions météo exceptionnelles, Mathilde et moi aurons un plaisir fou à découvrir cette ville que nous avons paradoxalement trouvée à taille humaine. Au-delà du dynamisme même de la ville, c'est la situation géographique exceptionnelle entre mer et montagne qui est plus qu'attractive. Je ne dirai pas non à une installation dans la région si l'opportunité se présentait!

Lyon - Paris

Je quitte Lyon toujours sous un grand soleil pour reprendre ma route vers le nord. Je découvre la partie supérieure du département du Rhône, ses superbes vignobles ainsi que ses vertes collines. C'est magnifique!

Hormis en Asie Centrale, j'ai dans l'ensemble très bien mangé dans ce voyage, mais la France n'est pas le pays de la gastronomie pour rien. Dans les petits villages où je m'arrête le midi, les formules déjeuner entrée+plat+dessert+café sont plus que copieuses et toujours à moins de 15€. On mange bien, beaucoup et pour pas cher donc chaque repas est un vrai festin!

Autant dire que je n'ai plus jamais utilisé mon réchaud en France! 

Lorsque j'arrive en Bourgogne, je me retrouve assez vite seul au monde. Je suis saisi par le contraste de densité de population entre la région Rhône-Alpes et son homologue et voisin du nord. Je traverse les départements de Saône-et-Loire et de la Nièvre où la nature est magnifique mais où les campagnes semblent désertes. Traversant également la région de Charolles, d'où la viande de bœuf charolaise est issue, je m'amuse de la taille massive des bestiaux!

Juste après Nevers, je découvre la Loire, deuxième fleuve français que je longerai dans ce voyage, et bien sûr qui dit nouveau fleuve dit nouvel itinéraire cyclable. J'emprunte donc une bonne portion de "La Loire à vélo" qui, comme la "Via Rhona" avec le Rhône, est un chemin qui suit le court de la Loire et qui est dédié aux piétons et aux cyclistes.

Loin de n'être que franco-français, ce parcours a une renommée internationale. Il est le premier tronçon de l'EuroVelo 6, un itinéraire cyclable européen reliant l'Atlantique à la mer Noire. Long de 3600km, il longe trois des plus grands fleuves européens (la Loire, le Rhin et le Danube) et traverse 10 pays.

Le Rhône suit son cours vers l'ouest en prenant la direction de l'océan. Je le laisse donc derrière moi pour continuer vers le nord et plus précisément Fontainebleau, ma dernière étape avant Paris. Je croise Julian, un jeune cyclo-touriste allemand qui est en route pour le Portugal. Mais surtout, je passe la barre mythique des 10000km parcourus dans ce voyage! Je n'en reviens pas, moi qui n'avais jamais roulé plus de 50km à vélo!

"Je m'appelle Quentin, je viens de Montargis!" 😂

Arrivé à Fontainebleau, je serai chaleureusement accueilli par Anne-Cécile (qui s'est mariée à Paris deux semaines plus tôt) et ses parents. Mathilde nous rejoindra pour la soirée mais surtout m'accompagnera à vélo jusque Paris. Rapidement, nous rattrapons et longeons la Seine, troisième fleuve français que je longerai.

Même si ce fut un pur plaisir de rouler en couple, on ne va pas se mentir, hormis la traversée de la forêt de Fontainebleau, ce n'était pas le plus beau trajet du voyage...enfin pas avant de rentrer dans Paris intra-muros. Nous empruntons les quais dès que possible et c'est là que fut la vraie récompense! En plein coucher du soleil, nous nous régalons du jeu des lumières sur les joyaux architecturaux de la capitale.

Lors de cette belle fin de journée, nous nous attarderons bien évidemment sur les quais pour admirer la grandeur et la beauté de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Facétie de l'Histoire, à l'heure où j'écris ces lignes, Notre-Dame a été ravagée par les flammes et une grande partie de sa toiture (dont sa flèche) ne sont plus. Je garderai un souvenir ému de cette dernière contemplation sous sa forme presque originèle (la flèche n'étant pas d'époque).

😥

Paris

Avant de me lancer dans la dernière ligne droite direction Lille, je me pose quelques jours pour profiter de Mathilde et de Paris. Nous aurons surtout la chance de fêter mon arrivée sur les Champs-Élysées avec Françoise, la marraine de Maxence, ainsi que ce dernier.

Des petits airs d'arrivée du Tour de France!

Paris - Lille

Il est finalement temps de quitter Paris pour parcourir les ultimes kilomètres de ce voyage. Étant originaire de la région, je ne pensais pas que la traversée du Nord-Pas-de-Calais et de la Picardie serait marquante à mes yeux. Bien mal m'en a pris, je profite de conditions météo exceptionnelles pour emprunter les petites routes de campagne et profiter des jolies couleurs d'hiver de la nature.

Je ferai une première étape à Compiègne chez Maud et Guillaume avant de reprendre la route direction Cambrai, mon dernier "bivouac". C'est là que Thomas (encore lui!) et Alexis me rejoignent pour passer la soirée avant mon ultime journée à vélo. Nous serons incroyablement accueillis par Sabine et Fabrice, un couple passionné de cyclo-tourisme. Nous échangerons longuement sur nos expériences de voyage mais travaillant de nuit comme infirmière et aide-soignant, ils durent nous quitter vers 20h, nous laissant la maison pour tous les trois! Je ne pense pas connaître des gens capables d'un tel accueil et d'une telle confiance en France ou en Europe (moi le premier). Sabine et Fabrice représentent à eux deux toute l'infinie générosité, simple et spontanée, des hôtes que j'ai eu la chance de rencontrer tout au long de ce voyage. Je tiens de nouveau à les remercier infiniment!

Au petit matin nous aurons le plaisir de voir arriver le reste de l'équipe. En effet j'ai la chance pour cette dernière étape d'être entouré de ma famille et de mes amis qui enfourcheront eux aussi leur bicyclette. Un immense merci à Papa, Maxence, Martin, César et donc Thomas et Alexis d'être venus partager ce moment unique! Après avoir chaleureusement remercié Sabine et Fabrice, nous partons tôt pour couvrir les 81km qui nous séparent de Hem mais à 10h, il est déjà grand temps pour un premier ravitaillement au Café du Centre de Somain!

Les grands sportifs! 

Réchauffés, nous reprenons notre route vers Lille jusqu'à une pause déjeuner mémorable et bien arrosée!

Un peu dure la reprise vent de face, après les quelques pintes et le limoncello, mais nous gardons le sourire. Je dois avouer que cette journée de vélo, entouré de ma famille et de mes plus proches amis, me marqua profondément. J'y pense régulièrement avec émotion!

Merci à Céz pour les photos! 

La première "arrivée symbolique" se passe à Lille où je retrouve Mathilde, tout droit débarquée de Paris et qui finira la route avec nous, tout comme Louis, un de mes plus vieux amis d'enfance. Petite surprise également, j'ai la chance de (ré)embrasser Françoise qui se trouve être à Lille par hasard.

Et bien sûr la plus belle des arrivées, la vraie arrivée, à la maison, se fera à Hem, chez Maman! C'est là où, ému au larmes, je poserai le pied à terre une toute dernière fois dans ce voyage. Après avoir parcouru 10444km à vélo sur notre belle planète, je profite intensément des retrouvailles avec ma famille et mes amis. Merci à eux d'être venus si nombreux pour m'accueillir!

Bilan France

L'étape française touche donc à sa fin dans une belle émotion et vient mettre un point final à cette formidable aventure que fut mon retour à vélo de Hong-Kong jusqu'en France. Je ne pouvais pas espérer meilleur "finish" que la traversée de mon propre pays. Comme précisé précédemment dans ce carnet de voyage, j'ai passé les 6 dernières années de ma vie à l'étranger. Cela m'a offert l'opportunité de découvrir de nombreux pays, de nombreuses cultures, à l'antipode de la France, mais je me suis rendu compte que j'avais largement négligé la découverte de cette dernière. Ces 3 dernières semaines furent une incroyable piqûre de rappel quant à la richesse et à la beauté que renferme notre beau pays. Les paysages d'abord mais que dire de la faune et de la flore? Je me suis promis à moi-même d'explorer bien davantage la France mais également ses voisins européens et pourquoi pas à vélo grâce aux nombreuses pistes cyclables à disposition (ViaRhona, Loire à vélo, EuroVelo 6, Scandibérique...).

J'étais tenté de faire le bilan de mon aventure à la fin de cette partie dédiée à ma traversée de la France mais il y aurait tant à dire que je le ferai plutôt dans un article dédié. En attendant je tiens de nouveau à remercier tous mes hôtes français (tout particulièrement Mamie, Louise, Mathilde, Sabine, Fabrice), les courageux qui sont venus pédaler avec moi ainsi que tous ceux qui m'ont chaleureusement accueilli pour mon retour au bercail, rendant l’atterrissage dans la "vraie vie" plus facile à encaisser.

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Il est finalement temps pour moi de faire le bilan de cet exceptionnel voyage. Huit mois, treize pays traversés et 10444km parcourus après avoir donné mes premiers coups de pédale à Hong Kong, je suis donc arrivé chez moi, à Hem, dans le nord de la France.

Il me paraît difficile (voir impossible) de résumer l'aventure que je viens de vivre en quelques lignes, ni même de lister tout ce que cela a pu m'apporter. Il serait prétentieux de vouloir résumer ce qu'est le voyage à vélo au long cours ainsi que les impacts que cela aura eu sur ma conception du monde ou même sur ma personnalité et mes aspirations. Cependant je tenais tout de même à dresser une liste non exhaustive de faits marquants, d'apprentissages ou d'inspirations qui m'ont profondément marqué lors de ce que je qualifie volontiers de "la plus belle aventure de ma vie" jusqu'à aujourd'hui.

Un nouveau rapport au voyage et au temps

Un des enseignements de ce voyage fut mon changement de rapport au temps. C'est extrêmement appréciable de prendre le temps pour faire les choses qu'on aime et d'autant plus après quatre années passées à Hong Kong, une ville de la démesure. Le voyage à vélo est ponctué de routines très simples et il faut toujours se demander "où je vais dormir?", "où et quand je vais manger?", "quel itinéraire je suis?"... Je ne pensais pas prendre autant de plaisir à faire des choses simples et répétitives: se déplacer, manger, dormir, rencontrer des inconnus, bavarder, ne rien faire...

Une autre chose que j'ai apprise est que, j'ai beau avoir beaucoup voyagé, je ne prends jamais le temps de mes déplacements. Lorsque je visite un pays, je vais de points d'intérêts en points d'intérêts, mais j'utilise la voiture, le bus ou même l'avion pour aller le plus vite possible. Cependant, j'ai découvert avec le voyage à vélo qu'il y a aussi beaucoup de richesse sur les routes. C'est, perdu au milieu de nulle part, là où même les locaux ne s'arrêtent pas, que j'ai fait mes plus belles rencontres. Et quel régal de profiter lentement de la beauté d'une plaine, d'une montagne, d'une forêt ou d'une côte!

Une dernière chose fut pour moi l'apprentissage du goût de l'ennui. Dans nos sociétés ultra connectées et ultra stressantes, nous ne savons plus ne rien faire. Nous avons des vies extrêmement chargées (professionnellement et personnellement) et une majorité d'entre nous est en plus affublé d'une profonde addiction aux smartphones. Nous sommes tout le temps connectés, à attendre la prochaine notification, le prochain message... La déconnexion lors de ce voyage (forcée par moments), m'a permise de me rendre compte à quel point j'étais devenu accroc à mon téléphone et m'a redonné le goût de ne rien faire. Je ne garantis pas que j'y arriverai mais j'ai pris comme résolution de limiter drastiquement mon usage du smartphone et de garder le goût de l'ennui. J'espère surtout que ce sera tenable quand j'aurai repris une activité professionnelle.

Une solidarité universelle, mais fragile...

J'ai découvert sur la route un très beau proverbe Touareg qui dit que "Le voyage c'est aller de soi à soi en passant par les autres". Un des leitmotivs de ce voyage (le plus récurrent d'ailleurs), fut de me dire que "les autres", justement, sont vraiment chaleureux et accueillants. Après me l'être dit pour les Chinois, les Kirghizes, les Ouzbeks et ainsi de suite, la conclusion que j'en ai tirée est que cette planète est majoritairement peuplée de gens bienveillants, chacun à son échelle. Nous nous laissons trop vite aliéner par les "mauvaises nouvelles" des médias toujours plus alarmistes et par les "raccourcis" toujours plus réducteurs sur ces fameux "autres": les musulmans, les Chinois, les Iraniens, les italiens, les Français...

En arpentant les routes sur mon vélo, j'ai réalisé que nous, êtres humains, aspirons (presque) tous à la même chose: bonheur et sécurité pour notre famille et nous-mêmes. J'ai particulièrement apprécié ce que j'appelle "la métaphore du berger" pour décrire cette universalité des besoins. Dans chacun des pays que j'ai traversés, on retrouve des hommes et des femmes qui élèvent du bétail. Yaks, chèvres, dromadaires, moutons, vaches... L'animal n'est jamais le même mais le mode de vie est toujours identique et ce, peu importe le pays, la langue parlée, la religion, l'âge, etc. Chacun suit le rythme des saisons, soigne son bétail, sa famille et vit heureux, même simplement.

A contrario, un fait particulièrement désolant concerne notre rapport aux autres dans les grandes villes: l’accueil et la générosité des gens sont inversement proportionnels à la densité de population de la zone où ils habitent. Plus j'étais isolé, plus les locaux m'ouvraient leurs portes en grand et faisaient preuve d'une infinie générosité et de curiosité. A contrario, plus j'étais dans des grandes agglomérations, moins les gens étaient avenants, chaleureux, accueillants. Ce fut pour moi un marqueur fort de la déshumanisation que l'Homme subit lorsqu'il habite dans des grandes villes. Il ne faut pas oublier que nous sommes tous d'anciens bergers, d'anciens nomades, et que nous devons rester ouverts aux autres.

La destruction à marche forcée de notre écosystème

Pas besoin de traverser le monde pour savoir que la Terre et les espèces qui y habitent souffrent massivement de la sur-activité humaine. Cependant il est extrêmement attristant de le constater de ses propres yeux. Pendant huit mois je fus le témoin de toute la folie humaine avec entre autre: des décharges à ciel ouvert de vélos de partage n'ayant presque pas servi, la deuxième mer fermée du monde asséchée pour n'être aujourd'hui qu'un vulgaire lac, des montagnes éventrées par des autoroutes, toujours plus de béton pour construire routes et villes, un nombre incalculable de décharges à ciel ouvert (même en Europe) avec des déchets ménagers, de l'électroménager, de la laine de verre, des voitures, etc. L'homme pille et saccage cette magnifique planète et le plus grand nombre ne semble pas s'en préoccuper. Je poursuis donc ce bilan par un constat alarmant sur la dégradation de notre environnement.

N'ayant pas fait face à une seule goutte de pluie entre Florence et Lille alors que je roulais à vélo aux mois de février-mars, j'ai bénéficié de conditions météo extraordinaires. Même si c'était indéniablement appréciable et confortable au quotidien, c'est surtout complètement alarmant sur l'état de notre climat. Improbable, le mercredi 27 février 2019, la France enregistrait son après-midi la plus chaude pour un mois de février avec une température moyenne maximale de 21,3 °C. Le précédent record de 20,2°C en moyenne en France métropolitaine datait de 1960 et fut pulvérisé...

Un autre fléau de ce siècle est notre rapport complètement débridé à l'usage de l'avion pour nos déplacements. Il est devenu courant de voler pour parcourir de (très) courtes distances sur des périodes elles-mêmes très courtes (ex: aller-retour Paris-Marseille sur le week-end). C'est particulièrement inquiétant quand on réalise que l'avion pollue en moyenne 30 fois plus que le train... Ayant plus qu'abusé de l'avion ces dernières années (à titre professionnel et personnel), je ne me ferai surtout pas l'avocat du diable ni moralisateur. Cependant, il m'est apparu comme plus qu'urgent de changer mon rapport à l'avion. J'avoue ne pas (encore) être prêt à arrêter de voler à 100% mais il est possible de voler moins et mieux. Avant tout, une prise de conscience est primordiale. Ensuite il sera préférable de supprimer les vols courts en utilisant le train, le bus ou le co-voiturage, de partir sur des périodes plus longues pour "rentabiliser" le coût écologique du vol, de privilégier les vols directs, de voler avec des compagnies aériennes ayant des flottes d'avions récents donc moins polluants et enfin de compenser les émissions carbone de ses vols (même si on ne peut compenser les émissions de nombreux polluants).

J'avais conscience de l'impact destructeur de l'activité de l'Homme sur cette planète bien avant ce voyage mais je n'étais pas engagé à titre personnel dans la défense de l'environnement. Le fait de voyager au long cours à vélo et de constater, au plus près, les ravages que cause notre espèce à son écosystème, m'a donné envie de devenir acteur des mes convictions et plus seulement spectateur. Plusieurs rencontres avec des gens engagés à leur échelle ont fait sur moi l'effet d'un électrochoc. J'ai pris conscience qu'il était encore temps de se battre pour préserver cette belle planète et que chacun à notre échelle nous avions un rôle à jouer. Il me paraît utopique de croire qu'un changement profond de nos sociétés sera insufflé par les politiques ou les industriels, les uns, embourbés dans une logique électoraliste court-termiste et les autres, dans une avide quête du profit, elle aussi court-termiste. Je pense plutôt que le changement sera insufflé par des citoyens courageux qui, par leurs actions collectives et leur mode de vie durable, forceront politiques et industriels à réformer notre modèle de société. Une des promesses que je me suis donc faite pour mon retour à une vie sédentaire est de redonner de la valeur et du sens à mon temps libre et de réduire mon impact écologique.

Je ne pouvais pas conclure cette partie sans citer une importante inspiration pour moi. En effet, lors de mes dernières semaines sur la route, j'ai dévoré le "Petit manuel de résistance contemporaine" de Cyril Dion. La lecture de ce livre a fait écho en moi à tout ce que j'avais appris lors de cette expérience de vie et m'a conforté dans l'idée qu'il fallait devenir acteur de ses convictions. L'auteur, également réalisateur du documentaire "Demain", nous offre une puissante et intelligente invitation à sortir de notre immobilisme sur les sujets environnementaux et à agir, chacun à son échelle, même par petits pas.

Remerciements

En ces circonstances il est de tradition, il me semble, de prendre le temps pour quelques remerciements.

Merci tout d'abord à maman et papa pour leur soutien dans ce projet un peu fou. Je sais que ce n'était pas forcément évident de voir leur fiston partir seul à vélo vers l'inconnu.

Merci à Mathilde pour sa patience et son soutien indéfectible lors de ces huit mois à distance. Merci également d'être venu me rejoindre à plusieurs reprises pour partager des moments inoubliables.

Merci à tous ceux qui ont partagé un bout de chemin avec moi, les cyclo-touristes mais aussi ma famille et mes amis. Merci tout particulièrement à Thomas de m'avoir rejoint à vélo en Italie.

Merci enfin à toutes celles et tous ceux qui ont eu l'infinie générosité de m'accueillir, de m'assister, de m'offrir à manger ou tout simplement d'échanger avec moi. Ce voyage ne fut que plus riche grâce à vous.

Inspiration et réflexion

Il me semblait important de conclure ce carnet de voyage par quelques mots d'Antoine de Saint-Exupéry. Comme j'ai pu l'écrire à plusieurs reprises dans ce carnet de voyage, je me suis nourri de deux de ses ouvrages pendant ces huit mois à vélo. Dans un style narratif tout à fait unique, ce formidable aventurier, pionnier de l'aviation, offre à ses lecteurs une vision formidablement humaniste de notre belle planète. Il y a près de 80 ans de cela, visionnaire, Antoine de Saint-Exupéry nous alertait déjà quant aux dangers que fait peser le consumérisme forcené sur nos sociétés et notre environnement. Mieux encore, il vantait le voyage comme la plus belle et la plus enrichissante des écoles pour l'Homme. Dans son exceptionnel ouvrage "Terre des Hommes", plein de poésie et d'humanisme, Antoine de Saint-Exupéry écrit:

"Seul l'inconnu épouvante les hommes. Mais, pour quiconque l'affronte, il n'est déjà plus l'inconnu."

Pourrait-on imaginer une plus belle invitation au voyage? Une plus belle invitation à s'ouvrir vers les autres?