Après la bonne surprise de l'Asie Centrale, me voilà donc en Iran! Je ne sais plus depuis quand je souhaitais visiter le pays mais c'était devenu une véritable obsession ces dernières années. L'histoire millénaire de la Perse ou encore l'histoire moderne de l'Iran me fascinent! Le pays, chiite, a toujours joué un rôle important dans la région et s'est aujourd'hui imposé comme un contre-pouvoir à l'Arabie Saoudite sunnite et à son allié américain.
J'ai entendu tout et n'importe quoi sur l'Iran avant d'y aller. Selon certaines personnes le pays serait "fermé", "dangereux", "en guerre" (???), "sans intérêt"... Depuis des années le pays est en fait victime de larges campagnes de diabolisation de la part des médias occidentaux qui dénoncent, à juste titre, les exactions dans la région d'un régime religieux (les gardiens de la révolution) qui ne représentent plus que leurs propres intérêts. Le soutien inconditionnel de l'Iran au Hezbollah libanais ou au boucher de Damas, entre autre, est inexcusable et l'Occident se doit de s'élever contre les pratiques de son gouvernement. Mais pourquoi une différence de traitement vis-à-vis du principal allié américain dans la région, l'Arabie Saoudite, qui démembre un journaliste trop critique envers son régime dans une ambassade ou décapite et lapide ses condamnés à mort pour adultère ou homosexualité? Et que dire des bombardements de civils au Yémen par l'armée saoudienne, enfermée dans son jusqu’au-boutisme par sa rivalité avec l’Iran?
Quoi qu'il arrive, les grands perdants seront toujours les iraniens. Ils ne cautionnent majoritairement pas la politique de leur gouvernement. Ayant voté à 57% pour le réformiste Assan Rohani en 2017, ils ont prouvé leur volonté de réforme et d'ouverture du pays. Les iraniens sont éduqués, hommes et femmes (plus de la moitié des étudiants à l'université sont des femmes). Les iraniens sont également informés même si certains sites comme Facebook ou quelques sites de presse sont interdits. Privés de voyages par une monnaie qui ne vaut plus rien et des prix de visas exhubérants, ils surfent sur Google, Instagram, Twitter et connaissent bien le monde qui les rejette. Malgré la mainmise du clergé sur le pouvoir, le pays aspire à plus de démocratie. En 2009 (1 an avant les printemps arabes) la jeunesse lança le "Mouvement Vert" aussi appelé "Révolution Twitter". S'opposant à la réélection frauduleuse de Mahmoud Ahmadinejad, le peuple s'est soulevé pour réclamer justice. Même si ce mouvement fut violemment réprimé par le régime, il démontre une grande vitalité démocratique et une profonde volonté de réforme de la part des iraniens. Nous sommes loin de l'image rétrograde que l'on peut avoir, vu d'Occident.
Loin d'être un modèle de démocratie, l'Iran d'aujourd'hui bouillonne donc entre deux courants diamétralement opposés au sein même de sa population: d'un côté les conservateurs, très religieux, fidèles au régime et aux gardiens de la révolution et de l'autre les réformistes, jeunes, citadins et éduqués aspirant à plus de liberté. Même si ces deux parties de la population semblent irréconciliables, un voyage dans l'Iran d'aujourd'hui vous plonge dans ce paradoxe fascinant!
Sarakhs - Machhad
Après ma traversée express du Turkménistan, me voilà donc en Iran. Nouvel alphabet, écriture de droite à gauche, moustache...pas de doute j'ai bien quitté l'Asie Centrale! Je change 20 USD et je deviens millionnaire. Alors que je prends tout juste la direction de Machhad, la ville sainte du pays, une voiture s'arrête et son conducteur m'offre un sac de pommes: le ton est donné! En effet les iraniens sont d'une gentillesse et d'une générosité extraordinaires, je n'ai jamais vécu ça par le passé. Presque tous me saluent, ils veulent discuter, m'inviter chez eux, m'offrir à boire ou à manger.
La partie est de l'Iran est vallonnée et sublime.Machhad
Arrivé à Machhad je retrouve Oscar, un cycliste allemand rencontré à Tashkent et Poul son acolyte. Machhad est une ville extrêmement conservatrice en Iran où presque toutes les femmes portent le tchador, habit traditionnel iranien les couvrant de la tête au pied. C'est une des villes les plus saintes de l'Islam chiite qui attire chaque année 30 millions de pèlerins venus prier autour du mausolée de l'imam Reza, le 8ème des 12 imams chiites.
Pour comprendre l'importance que les iraniens portent à leurs Imams et à leurs martyrs (l'Iran étant le plus grand pays chiite au monde), il faut se plonger dans l'origine de ce courant de l'Islam. A la mort de Mahomet, celui-ci n'ayant pas désigné de successeur, deux courants se forment: les sunnites, majoritaires, qui ne reconnaissent que le Coran et organisent un clergé dédié à l'application de ses principes et les chiites qui reconnaissent Ali, gendre de Mahomet comme son successeur légitime et donc le premier d'une lignée de douze imams. Les chiites et leurs imams, minoritaires chez les musulmans, furent longtemps persécutés. Deux de ces douze imams chiites symbolisent particulièrement ces persécutions par leur martyre: Hussein (3ème imam qui fut massacré avec toute sa famille à Karbala en Irak) et Reza (8ème imam qui fut empoisonné dans l'actuelle Machhad dont le nom signifie "lieu du martyre"). Karbala et donc Machhad sont des villes saintes pour les chiites.
Je me trouve d'ailleurs en Iran en pleine période de commémoration du martyre de l'Imam Hussein. Partout des drapeaux noirs sont élevés dans le pays. Après Ashura, la date de la décapitation de l'imam et de sa famille, s'ouvre une période de deuil de 40 jours qui se termine par 3 jours de fête appelée Arba'een. Tous les ans à cette période 20 millions de musulmans majoritairement chiites partent en pèlerinage à pied de Najaf à Karbala en Irak ce qui en fait le plus grand rassemblement de personnes au monde!
Au centre, un portrtait de martyr de la guerre Iran-IrakPlus généralement le culte des martyrs a été repris à son compte par la République Islamique depuis la guerre Iran-Irak de 1980. Cette année là Sadam Hussein, souhaitant profiter de la fragilité politique de son voisin suite à la révolution islamiste, envahira l'Iran pour solder de vieux litiges frontaliers et s'imposer comme la seule puissance chiite de la région. L'irak, pourtant agresseur, recevra le soutien des États-Unis, des Soviétiques et de la communauté internationale alors que l'Iran sera livrée à elle-même. Après 8 années de boucherie et plusieurs centaines de milliers de morts le statu quo fut établi. Le régime islamiste de Téhéran, ayant trouvé le meilleur prétexte pour blâmer l'Occident, sortira renforcé de ce conflit et glorifie depuis ses héros morts au combat. Partout en Iran on retrouve ces icônes peintes sur les murs ou sur des drapeaux.
Après Karbala en Iran, le mausolée de l'imam Reza de Machhad est l'autre grand lieu de pèlerinage chiite. Avec une des plus grandes mosquées du monde en superficie, il peut accueillir jusqu'à 800000 personnes: hallucinant! Les étrangers non musulmans sont autorisés à pénétrer dans l'enceinte mais accompagnés d'un guide. Le mien est architecte et me raconte l'histoire de cet endroit fascinant tout en faisant un peu de prosélytisme! Il me rassure sur le courant chiite qui tolérerait toutes les religions mais n'oublie pas de mettre quelques tacles aux Etats-Unis qui ont “créé Daesh” et à l’Arabie saoudite qui les finance: il ne perd pas le nord! Il me glissera également un délicieux: “France is the centre of freedom in the world! You are the first one who started a revolution!”.
En haut avec moi un ami Seyyed, membre du clergé et descendant direct de Mahomet: la classe!Blague à part la visite de ce site exceptionnel est mémorable. Avec un pur style persan, les milliers de miroirs au mur créent un rendu extrêmement esthétique. Les architectes auraient pensé ces mosaïques pour renvoyer à l'homme des centaines de petits reflets lui rappelant qu'il n'est rien devant la grandeur d'Allah: une vrai leçon d'humilité!
En haut à gauche, le cercueil de l'imam RezaCe qui me marque particulièrement est la foule qui se prépare à la prière. Cela doit être délirant en période de fêtes religieuses! Les femmes sont admises mais au fond, séparées des hommes qui sont devant.
Machhad - Téhéran
Après cette superbe mise en jambe dans l'univers chiite. Oscar, Poul et moi reprenons les vélos direction Téhéran. La route est magnifique, nous longeons des montagnes d'un côté et un désert à perte de vue de l'autre. Nous utiliserons même sur plus de 100km une voie piétonne réservée exclusivement aux pèlerins donc sans voitures: grand luxe pour rouler!
Les iraniens sont extrêmement accueillants et fidèles à leur réputation, ils nous invitent à dîner et à dormir chez eux régulièrement. Ce sera d'ailleurs l'occasion pour nous de goûter le Aragh Sagi, un alcool de raisin que les iraniens distillent eux-mêmes pour contrer l'interdiction de vente d’alcool qui frappe le pays. Les différentes sortes variant entre 50 et 70% d'alcool et la réalisation n'étant pas toujours parfaite, il faut avoir l'estomac bien accroché!
A un accueil chaleureux s'ajoutent des paysages sublimes et des effets de lumière extraordinaires tout au long de la journée.
Le trafic est faible et la route est bonne, nous ne nous privons donc pas pour faire de bonnes journées quitte à finir tard. Aussi surprenant que cela puisse paraître nous dormons régulièrement dans des mosquées! En effet ces dernières offrent à bas coût de grandes pièces chauffées avec cuisine et salle de bain ce qui est parfait pour les voyageurs itinérants.
Rouler de Machhad fut une expérience unique, d'autant plus appréciable qu'elle fut partagée avec deux amis cyclo-touristes. Un peu à court de temps, je saute dans un camion pour finir les 200 derniers kilomètres qui me séparent de Téhéran. Je récupère Mathilde à l'aéroport dans 2 jours pour continuer à découvrir ce pays fascinant!
Rien de choquant sur le panneau dromadaire?! 😂Téhéran:
Arrivé à Téhéran je m'installe et file à l'aéroport récupérer Mathilde qui me rejoint en Iran pour 2 semaines de visites. En plus de l'émotion des retrouvailles j'ai la surprise de retrouver ma chère et tendre portant le voile islamique, un vrai choc la première fois!
😍L'obligation du port du voile en Iran date de la révolution islamique de 1979 mais son application est relativement moins stricte depuis l'arrivée au pouvoir du modéré Hassan Rohani en 2013. C'est d'autant plus vrai à Téhéran, la capitale, où les femmes laissent apparaitre de très grandes mèches de cheveux au point de se demander parfois comment le voile peut tenir, tellement il est reculé sur le crâne! Je vois dans cette pratique une forme de résistance civique due au ras-le-bol de se couvrir. De nombreuses femmes militent d'ailleurs pour la levée de l'interdiction allant même jusqu'à se filmer cheveux au vent dans les rues.
Un autre fait marquant chez les femmes est l'utilisation extrêmement excessif du bistouri. Je ne sais pas si la chirurgie esthétique est un moyen d'exprimer une forme de féminité mais un nombre hallucinant d'iraniennes a le nez refait façon Michael Jackson et la bouche gonflée façon Pamela Anderson. C'est d'ailleurs parfaitement assumé et nous croiserons plus d'une vingtaine de femmes exhibant un pansement sur le nez. A priori ce serait même un symbole extérieur de richesse mais quel gâchis...
Nous savions que le programme serait chargé pendant le voyage et nous décidons de nous balader tranquillement le premier jour sans courir aux quatre coins de la capitale. Premières visites d'une longue série au bazar et à la Mosquée de l'Imam Khomeini. Nous passons voir également l'impressionnante Azadi Tower.
En bas: l’Azadi Tower de nuit Le site touristique principal de Téhéran est sûrement le Golestan, superbe Palais Royal du 15ème siècle en plein cœur de la ville. L'endroit est d'une grande beauté architecturale et renferme des pièces de collection inestimables provenant à la fois d'Orient et d'Occident, héritage de l'âge d'or de la Perse qui fut au coeur des échanges sur la route de la soie. Je fus surpris que ce patrimoine royal put être épargné par la révolution islamique.
Concernant l'histoire moderne de l'Iran, le site le plus emblématique de Téhéran est très certainement l'ancienne ambassade américaine. Lors de la révolution islamique de 1979 c'est dans ce lieu que se cristallisa toute la haine anti-américaine accumulée depuis près de 30 ans.
Pour comprendre cet événement il faut remonter à 1952 et au premier coup d'état organisé par la CIA contre un dirigeant démocratiquement élu. Cette année là les États-Unis (aidés par les britanniques), renversèrent le premier ministre Mohammad Mossadegh, extrêmement populaire pour ses réformes sociales et sa laïcité. Mais son plus grand fait d'arme sur la scène internationale fut de nationaliser "l'Anglo-Iranian oil Company " (AIOC et future BP) qui refusait de verser à l'Iran plus de 20 à 25% des revenus de l'exploitation du pétrole sur son sol. La Grande Bretagne imposa alors un embargo au pays en bloquant le Golfe Persique et la CIA, depuis l’ambassade américaine de Téhéran, fomanta un coup d’état contre Mohammad Mossadegh qui fut remplacé par le très impopulaire Mohammad Reza Pahlavi, Chah d'Iran et proche allié des États-Unis.
De la gouvernance nationaliste et autoritaire du nouveau Chah naîtra en 1978 un très fort mouvement de contestation sociale mené par les étudiants marxistes qui seront vite rejoints par les ouvriers, et plus tard par les religieux. Ironie de l'histoire, le Shah étant entre temps tombé en disgrâce auprès des États-Unis, ces derniers soutiendront financièrement le mouvement de révolte! Mais si étudiants et ouvriers souhaitent accélérer les réformes, les religieux eux souhaitent les freiner. C’est donc deux camps opposés mais alliés d’un temps qui souhaitent la chute du Shah. Malheureusement, après son départ en exil et le retour en héros de l’ayatollah Khomeini en 1979, c'est bien les religieux qui récupéreront la révolution. Ils feront disparaître les autres mouvements instigateurs du coup d’état, exécuteront leurs leaders, réécriront l’histoire et imposeront un contrôle de la vie politique par le clergé.
Fin 1979 des étudiants ultra conservateurs, avec la bénédiction de Khomeini, assiègent l’ambassade américaine pour réclamer des États-Unis qu'ils leur remettent le Shah alors réfugié à New-York. Ils prendront en otage 56 américains dont 42 resteront 444 jours en captivité! Cette crise internationale majeure fut le sujet du film Argo, Oscar du meilleur film en 2012.
Les équipements High Tech de l'ambassade!Qu’aurait été l’Histoire de l'Iran sans le coup d’état de 1952, ingérence inacceptable des États-Unis suite à la juste nationalisation de l’AIOC? Le pays aurait-il jamais connu le régime du Shah et encore plus hypothétiquement aurait-il connu une révolution islamique? Beaucoup d’iraniens fantasment encore sur ces questions aujourd'hui. En 2018 l'Iran est plus que jamais le principal ennemi des États-Unis mais de manière contradictoire la révolution islamique ainsi que le régime le plus détesté de Washington sont en quelque sorte des purs produits de la CIA et de ses interférences.
Les relations entre l'Iran et l'Occident s'étaient réchauffées après la signature de l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien en 2015 mais l'arrivée au pouvoir de Donald Trump a douché tout espoir. Lors de mes derniers jours à Téhéran une n-ième manifestation anti-américaine et anti-Trump était organisée par les plus conservateurs du pays. Ils célébraient entre autre l'anniversaire de la prise de l'ambassade états-unienne.
La reprise par Trump des sanctions économiques contre l'Iran renforce le camp ultra conservateur et fragilise les réformateurs dont le président en personne. Une de nos guides nous confiera que beaucoup de gens ayant voté Hassan Rohani (modéré et réformateur) sont déçus aujourd’hui, notamment par la situation économique actuelle. Cela ne manquera pas de faire le lit des courants les plus extrêmes lors des prochaines élections: totalement contre productif...
Après cette passionnante et superbe mise en bouche à Téhéran, direction Shiraz dans le sud du pays. Cette ville vieille de 4000 ans renferme un patrimoine exceptionnel mais est également connue pour être à proximité de la mythique Persepolis, ancienne capitale de la Perse.
Shiraz
Nous commençons par flâner dans les rues longeant la citadelle, traversant le bazar ou les jardins.
Après un déjeuner bien local nous découvrons la majestueuse Mosquée Vakil, presque déserte exception faite de quelques fidèles.
Nous enchaînons par la visite du Mausolée des deux frères de l'Imam Reza qui lui, repose à Mashad (cf ci-dessus). L'endroit est sacré pour les chiites. Nous ne pourrons malheureusement pas pénétrer dans les différentes salles du complexe et Mathilde devra porter sur la tête un drap en guise de tchador! Le site est malgré tout monumental.
"Vous connaissez ma femme?" 😂Lors de nos balades dans la ville, Mohammad, un jeune local nous aborde et nous invite spontanément à dîner chez sa mère avec qui il habite. Nous aurons droit à un repas mémorable, un interrogatoire sur notre vision de l'Iran et une séance photo digne d'un asiatique! Si cette soirée fut complètement improbable, elle résume très bien la gentillesse et l'accueil sans limites des iraniens.
Une des motivations dans mon obsession de découvrir l'Iran était de visiter Persepolis, ancienne capitale cérémoniale de la Perse construite en 500 avant Jésus Christ. Le site fut largement à la hauteur de mes attentes. On se sent minuscule à côté de ces colonnes et de ces palais millénaires!
Si Persepolis était la capitale de la Perse, c'est à Necropolis que les rois achéménides furent enterrés. Le site est spectaculaire avec ses tombeaux taillés à même la falaise, il y a presque des airs de Petra! Cyrus le Grand, fondateur de cette dynastie ainsi que de la Perse fut enterré dans un mausolée plus "simple" mais tout aussi grandiose!
Au retour vers Shiraz Safura, notre guide francophone, nous offrira une mémorable séance de chanson française alors que nous assistions à un coucher de soleil grandiose. Charles Aznavour, Céline Dion et Maître Gims: un résumé du soft power français! 😂
C'est donc des étoiles plein les yeux que nous nous réveillons le lendemain pour visiter la Mosquée Nasir-ol-molk, surnommée la "mosquée rose". Nous n'étions pas au bout de nos surprises, l'endroit est fantastique! Chaque matin la lumière pénètre à travers les vitraux pour créer un jeu de lumière unique sur le sol et les murs de la mosquée.
Avant de sauter dans le bus pour Yazd, notre prochaine destination, nous irons flâner dans le jardin Eram. Nous comprenons alors pourquoi l'Iran est réputée pour ses jardins.
Yazd
Après la visite de Shiraz et de Persepolis il semblait difficile de nous émouvoir davantage, mais c'était sans compter sur la découverte de la paisible Yazd. Cette petite ville aux portes du désert est située au nord-est de Shiraz. Classée au patrimoine mondial de l'Unesco, elle est entre autre connue pour son pur style persan mais aussi pour l'ingéniosité de son architecture. En effet la plupart des maisons sont équipées de bâdgir ou « tour du vent » (sorte d'ancêtre de la climatisation), de qanats (canalisations d'eau circulant dans les sous-sols des maisons) et de ses citernes.
Ingénieux architectes! Un des principaux atouts de la vieille ville de Yazd est sa petite taille. Les ruelles sont minuscules et on s'y perd volontiers. Nous prenons un plaisir fou à simplement flâner le long des murs en torchis et à visiter les maisons ou les commerces. Nous explorons également les toits dont la plupart offrent des points de vue exceptionnels sur la ville.
Le plus connu des monuments de Yazd est sans doute le complexe Amir et ses deux minarets grandioses. De jour comme de nuit, touristes et iraniens se retrouvent sur cette place pour s'assoir sur un banc, faire des photos ou déguster une pâtisserie traditionnelle.
Le complexe Amir a beau être le plus populaire des monuments de Yazd, le plus spectaculaire à nos yeux est de loin la mosquée Jameh. Sa porte élancée et ses deux minarets semblent défier la gravité. Et que dire de l'architecture à l'intérieur de la mosquée? Devant tant de beauté nous nous poserons un moment à l'intérieur pour observer le ballet des fidèles.
Une autre des attractions de Yazd est un ancien réservoir d'eau de 29m de haut datant du 16ème siècle et qui a depuis été réhabilité en '"zurkhaneh" ou "maison de force". Ici les iraniens pratiquent le sport national traditionnel qui mélange gymnastique et culturisme. Les athlètes se livrent à divers exercices de force utilisant des accessoires en bois ou en métal le tout au son d'un "tombak", sorte de gros tambour. Ce sport est extrêmement noble en Iran et la performance sportive est bluffante quand on connait le poids des accessoires qu'ils manipulent.
À Yazd également, impossible de passer à côté d'une virée dans le désert et nous allons donc assister au coucher du soleil sur les dunes de sable.
La nuit tombée, la ville n'en finit pas d’être belle et agréable à vivre. Avec l’obscurité elle garde tout son charme et nous invite à prolonger le plaisir par un bon repas, une tisane et un narguilé sur le toit d'un restaurant! En Iran les tisanes ou " herbal tea" sont toutes meilleures les unes que les autres et rivalisent par la créativité des mélanges de saveurs.
Après 3 jours il est déjà temps de quitter Yazd direction Ispahan. Nous avons découvert une ville adorable où on prend un plaisir fou à se balader et à se poser pour profiter d'un cadre apaisant. Mais la ville a bien plus à offrir que la simple flânerie, elle regorge de monuments exceptionnels et n'a pas à rougir devant ses prestigieuses voisines Shiraz et Ispahan.
Ispahan
L'arrivée à Ispahan fut un choc. La ville est beaucoup plus grosse et touristique que Yazd et nous aurons besoin d'un temps d'adaptation pour se faire à la foule et ignorer les racoleurs. Nous commençons simplement par nous balader dans l'énorme bazar de la ville et assistons au coucher du soleil sur l'impressionnante place Naqsh-e Jahan au coeur d'Ispahan. Si la place est entourée d'échoppes, on y trouve également deux superbes mosquées et un palais. Hormis les racoleurs, les iraniens sont toujours aussi charmants et viennent échanger avec nous naturellement.
Notre première visite sera celle de la mosquée Jameh au nord de la ville dont la construction commença au 5ème siècle avant d'être agrandie au cours des siècles suivants. Elle est impressionnante par sa taille et par la variété de ses trois iwads (ou porche) indiquant les points cardinaux.
La figure de Khomeyni est encore présente partout en IranNous continuons par une autre mosquée: la mosquée Sheikh Lotfallah. Son dôme central est particulièrement impressionnant mais l'endroit est surtout réputé pour les couleurs de son iwad. En effet au coucher du soleil, la façade d'habitude bleue, devient dorée et brille de milles feux!
Autre joyau de la place Naqsh-e Jahan, le Palais Ali Qapu est exceptionnel! Non content avec sa terrasse d'offrir une vue imprenable sur la place qui l'abrite, l'édifice est une pure merveille architecturale. Ses colonnes fines et élancées ainsi que ses boiseries et ses plafonniers sont d'une rare beauté.
L'édifice le plus impressionnant de la place Naqsh-e Jahan est certainement la mosquée Shah. Ses iwads, ses minarets et son dôme sont grandioses. Les nombreux échos que ce dernier renvoie sont utilisés par les imams pour l'appel à la prière. Nous aurons droit à une démonstration de chant en live, la sonorité est magnifique, d'autant plus impressionnant que la mosquée date du 17ème siècle!
Nous nous baladons également sur un des emblèmes de la ville: le pont Si-o-se Pol. La structure à l'allure de carte postale est majestueuse et poétique. On y croise de jeunes amoureux, des familles, des touristes et des badauds venus chercher un peu de fraîcheur. Ce pont fut construit en 1602 pour traverser la rivière Zayandeh Rud, une des seules grandes rivières permanentes d'Iran qui a largement contribué à l'essor d'Ispahan, ancienne capitale de la Perse.
Seul hic, l'eau ne coule plus sous le pont ou seulement sous forme d'un léger filet. La quasi totalité de l’eau est captée en amont et circule dans des tuyaux destinés à approvisionner les cultures, l’industrie, les activités et les besoins d’une population croissante. La disparition de cette rivière est une véritable catastrophe écologique et la qualité de l'eau restante se dégrade dangereusement, polluée par l'agriculture et l'industrie qui l’ont sur-exploitée. Si ce pont reste magnifique, l'absence d'eau le traversant est un triste spectacle.
En bas à droite, le pont Si-o-se Pol lorsque la rivière coulait encore... Notre dernier jour à Ispahan tombe le jour d'Arba’een, fête religieuse pour célébrer la fin des 40 jours de deuil suivant la date commémorative de l'assassinat de l'Imam Hussein à Karbala en Irak (cf ci-dessus). Les chiites qui ne peuvent se rendre à Karbala en pèlerinage à cette date le célèbrent sur place et nous assistons à une des prières. La foule est très impressionnante et que dire de toutes ces femmes en tchadors? C'était un moment assez fort à vivre.
Impressionnants tchadors! Derrière la place Naqsh-e Jahan se dresse fièrement le Palais Sotoun. Surnommé le palais aux 40 colonnes malgré les 20 colonnes de sa façade, il doit son surnom au reflet de celle-ci dans le bassin d'eau dans la cour.
L'iran est bien sûr un pays musulman majoritairement chiite mais il abrite également des minorités dont les arméniens d'Iran. Une grande partie d'entre eux vit à Ispahan et ils sont regroupés dans un même quartier au sud de la ville. L'endroit est très agréable pour se balader et se poser dans les petits cafés. Les arméniens sont chrétiens orthodoxes et construisirent en 1604 la cathédrale Vank pour l'exercice de leur culte. Jolie mais relativement modeste vue de l'extérieur, la cathédrale est grandiose à l'intérieur.
À l'image du voyage, la dernière soirée fut mémorable! Après le dîner nous passons dans un bar à narguilé aux airs de caverne d'Ali Baba. Nous y rencontrons plusieurs couples iraniens adorables dont un qui nous offrira de l'alcool arménien. Le breuvage de contre-bande ressemble sacrément à de l'alcool à brûler mais l'alcool étant interdit en Iran on va dire que c'est mieux que rien!
Après Ispahan c'est avec le coeur lourd que nous reprenons la direction de Téhéran. Ce merveilleux voyage touche à sa fin et prochainement nous devrons nous dire au revoir. Une chose est sûre: par sa diversité, sa richesse, sa beauté, sa densité, la découverte de ce pays nous marquera pour très longtemps!
Bilan Iran
Je pense que je n'ai pas grand chose à rajouter pour partager mon enthousiasme sur l'Iran. C'est un véritable coup de coeur qui s'est offert à moi. Le pays et les iraniens sont exceptionnels et ne demandent qu'à partager leurs trésors avec la terre entière. Je n'ai jamais été accueilli de la sorte et nous, occidentaux, pourrions en tirer de belles leçons.
Aux nombreux iraniens qui me demanderont spontanément pourquoi nous les détestons, je leur répondrai que j'aime l'Iran et que j'irai le crier sur tous les toits pour casser les clichés injustifiés. Ils se savent diabolisés et se dédouanent souvent en me disant ne pas être comme « eux », sous-entendu le régime, qu’ils critiquent ouvertement. Il faut à tout prix éviter l'amalgame entre un régime autoritaire qui ne représente presque que lui-même et un peuple hors du commun.
À tous ceux qui aiment le voyage, l'Histoire, l'architecture, l'art, le sport, la nature, l'accueil, l'authenticité, l'originalité, je ne peux que vous conseiller une chose: ALLEZ EN IRAN! Pour conclure, si je n'ai pas encore réussi à vous convaincre de visiter le pays, je vous invite à regarder la vidéo ci-dessous.
Finalement de retour à Téhéran, je m’occupe de prolonger mon visa (je suis resté plus d’un mois dans le pays!), de réparer la fourche de mon vélo et je rase ma barbe pour laisser pousser ma moustache de Movember!
Après ce magnifique voyage et le départ de Mathilde je dois maintenant reprendre ma bicyclette. Les routes du nord de l'Iran sont réputées pour être très chargées et les iraniens ont beau être les gens les plus adorables ce sont également les plus dangereux conducteurs. Je décide donc de prendre un bus jusque la frontière avec l’Azerbaïdjan et plus précisément Astara sur la mer Caspienne. Cela me permettra également de rattraper Oscar, mon ami cyclo avec qui je compte continuer mon périple à vélo.