J’arrive enfin, je toque à la porte et je reçois le plus chaleureux des accueils de la part de Claudia ! Elle me fait rencontrer Tim, un belge (flamand) qui a pris ses racines ici. Je vois les bacs de café sécher dehors.. Il ne me faut pas 5 minutes pour savoir où je vais passer ma quarantaine ! Je reste.. Prendre des bus, des avions sans être sur de même pouvoir rentrer, + être en contact d’autres voyageurs qui ont été je ne sais où, c’est prendre un beaucoup plus grand risque..
On discute, ils pensent aussi que rester à la ferme, isolée est la meilleure solution, ils prennent soin de chacun, je me sens directement faire partie de la famille. On va tous manger une glace avec les enfants de Claudia, un bon moyen de faire redescendre la pression. (Bon j’étais pas vraiment stressée, mais parfois lorsque les gens autour de vous stressent autant, j’ai juste l’impression que je dois alors stresser aussi?? Wtf.. Mais bon, c’est humain.
On prend le pick up, car en réalité, à Ocotal, c’est uniquement leur maison, leur office et l’endroit où ils font sécher les grains. La ferme, elle, se trouve encore plus au Nord, presque à la frontière de Honduras.
J’arrive à la ferme, l’endroit est juste idyllique.. Julia une autre volontaire, m’accompagne les bras ouverts, ainsi que les Nica qui travaillent dans la ferme.
Ils nous laissent, car Claudia et Tim n’habitent pas ici, on cuisinera toutes les deux et on mangera ensemble avec les Nica. J’ai ma propre chambre, avec une vue magnifique sur la jungle.. Ca va être parfait..
17 Mars 2020
La première nuit fut ... agitée. Pour vous dire, il y a des poules, des coqs, des oiseaux de toutes sortes, et des chiens qui aboient tôt, beaucoup trop tôt le matin.. Il va juste falloir s’habituer et Julia me rassure en me disant que c’est pour nous protéger.. On va dire que psychologiquement ça aide.. hum.
On sera donc levées tôt. Ici on vit avec le soleil, on se couche tôt et on se lève tôt. On déjeune ensemble, Julia me fera faire le tour de la propriété, on prend avec nous ce long stick de bamboo avec un petit filet au bout.. C’est pour attraper les oranges, ou autres fruits ! On ira voir Lola, la vache.. Voir les arbres de café, c’est la première fois que je les vois en vrai, on ira aussi voir l’endroit où ils dépulpent le fruit de café, là où ils fermentent le grain.. je me réjouis tellement d’apprendre tout ça.
Treminio, un des Nicas nous propose de l’aider à préparer les semis pour les arbres de guava, ils serviront plus tard à faire de l’ombre aux arbres de café qui reçoivent trop de soleil.
Et l’après midi, Julia m’apprendra à jouer du yukulélé, et je lui apprendrai les macramés.
Nous vivons une vie paisible, c’est le moment de se reconnecter avec mother earth !
18 mars 2020
Aujourd’hui, un agronome vient donner un cours d’agronomie (aha), aux différents travailleurs de la ferme, nous avons la chance d’y assister, même si c’est en espagnol, je parviens à comprendre une petite partie, mais heureusement Tim me donnera plus tard un livre, que dis je, une bible racontant l’entièreté des étapes du café, du grain à la tasse (Yes !!).
Toute la famille de Claudia est là, d’autres personnes ayant aussi une ferme de café sont là, c’est un bon moyen encore une fois, de pratiquer mon espagnol et essayer de comprendre un max sur le café.
Le soir, nous avons de nouveaux arrivants, deux couples, un couple d’anglais et un couple de flamands. Ils n’étaient pas supposés venir faire du volontariat. Mais tous les pays voisins du Nicaragua fermant leurs frontières, ils ont paniqués, et on cherché un endroit safe pour rester loin de ce virus. Claudia et Tim ont accepté de les aider, ils sont incroyables. On décide de leur faire de la place, de se serrer et d’agrandir la famille..
19 mars 2020
État du virus : Ça y est un premier cas est prononcé au Nicaragua.
Le gouvernement au Nicaragua n’avait rien annoncé à son peuple quant au mesures de préventions à prendre par rapport au virus, quant au virus lui même si répendant si vite, et n’a évidemment pas fermé ses frontières alors que tous ses pays voisins les fermaient, attirant tous les touristes dans son pays. Son seul but étant de faire de l’argent grâce au tourisme, au lieu de mettre en priorité la protection de son peuple.
Soit, il est temps de réagir et d’aller faire nos dernières courses en ville pour les semaines à venir, car les magasins vont rapidement se vider.
Julia et moi nous rendons en ville en hitchikking, ça y est j’aurai fait du stop en Amérique centrale (sorry mama). Mais il y avait 20 km entre la ferme et le centre, et clairement aucun bus ne nous aurait laissé rentrer au vu de notre couleur de peau (et de cheveux).
On y est, les gens sont plutôt chill, bon il y a tout de même une file devant le supermarché, les gens nous regardent, mais ne semblent pas prendre peur.
On prendra des vivres pour manger, mais aussi pour bricoler, il va bien falloir s’occuper. Même si on va avoir du travail dans la ferme, on aura du temps libre, et créer est un bon anti stress, ainsi que de l’auto-satisfaction !
Avant de rentrer à la ferme, Claudia et Tim nous amène dans leur office, et j’ai la chance d’assister et partiellement participer à une séance de cupping : c’est une dégustation. L’objectif des torréfacteurs est de surveiller la qualité des cafés après torréfaction et d’aider si besoin à déterminer leurs profils aromatiques.
La première étape est moudre le café et le placer dans les bols de cupping.
Ensuit, on verse l’eau à 95° au ras du bol
Au bout de 4 minutes d’infusion, j’ai pu casser la croute de marc de cafe qui s’est formée sur le dessus à l’aide d’une cuillère et puis sentir l’odeur qui s’en dégage, avec Tim et Claudia. Ils évaluent les cafés dans un premier temps de manière olfactive.
Ensuite, ils retirent la mouture restante à l’aide de deux cuillères et laissent le café refroidir pendant quelques minutes.
Après 12 minutes (pour être précis), place à la dégustation dans les règles de l’art, donc par aspiration. Tim remplit sa cuillère de café et l’aspire afin de l’oxygéner et de le répartir au mieux sur son palais. Toutes les arômes sont alors largement diffusés. Il a réalisé 3 fois la dégustation (chaud, tiède et froid). Il peut donc voir l’évolution du café sur une trentaine de minutes.
Et maintenant il peut donc évaluer. Tim m’étonne chaque jour avec toutes les connaissances qu’il a. Je sens que je vais apprendre grâce à lui.
Il m’a prêté un livre, que dis je une brique sur la croissance, le processus et la production du café ! J’ai le temps, c’est parfait. On nous annonce qu’on devra peut être rester 3 mois ici...
20 mars 2020
Ce matin, après notre déjeuner, les Nicas nous proposent d’aller travailler avec eux, on se munira d’un bois plutôt épais ainsi qu’un plus fin, on se rendra là où les 5000 semis de futurs arbres de cafés se trouvent, on va rendre la terre plus souple en la battant à l’extérieur pour quand ils les arrosent, la terre puisse s’infiltrer un maximum.
Il fait beau, on discute tous en espagnol, en anglais, on s’apprend mutuellement les langues. Les Nicas sont super souriants et ont l’air d’apprécier notre présence.
On mangera tous ensemble, comme à notre nouvelle habitude : rice and beans. (J’en peux plus du riz, et encore moi des frijoles!!) Mais c’est leur nourriture pour le déjeuner, le diner et le souper. Donc va falloir s’habituer.
Heureusement Claudia passera de temps en temps nous apporter d’autres vivres, et le jardin regorge de fruits, légumes et d’épices. Comme déjà dit, on devient créatif. Tim nous apporte du levain, et un kombucha demain ! Je me réjouis.
L’après midi, on lit, on dessine, on peint.. Chacun s’occupe et essaie de trouver sa place. Claudia arrive le soir, elle nous annonce l’arrivée de 3 nicas un couple avec leur bébé. Ils ont peur pour le bébé avec le coronavirus.
On est pas tellement rassuré, de savoir que quelqu’un de l’extérieur va venir s’installer ici.. On est de plus en plus, et pourtant les règles sont de ne plus sortir d’ici, et ne plus se mélanger à d’autres personnes. Mais bon, ce n’est pas notre maison. Et Claudia veut aider ses amis, ce que je comprends tout à fait. Etant dans une bulle totale juste avec Julia et les Nicas, on a du s’adapter à la situation. On avait chacune notre chambre, maintenant on a du bouger pour leur faire à tous de la place, et partager les chambres. C’est ça aussi vivre en communauté. Et puis dans cette situation de crise, il faut savoir aider les autres.. Mais à un moment, on ne pourra pas accepter tout le monde, car c’est aussi nous mettre en danger.
Ils ont annoncé uniquement deux cas au Nicaragua, mais forcément il y en a plus. Et le président n’a toujours pas fermé les frontières, au contraire. Ce sont les vacances, et ils font toujours la promotion de festivals, c’est la folie. On garde le sourire, et puis on se dit qu’on a beaucoup de chance d’être ici, en pleine nature, on peut aller courir, se promener, on a de la nourriture donnée par la nature, cela ne nous coûte pas grand chose, car on est bénévole ici.
Jour après jour, on ne peut pas réellement se projeter pour quoique ce soit, combien de semaines, mois,.. va t-on rester ici? C’est le moment de lâcher prise...
21 mars 2020
Aujourd’hui je me lève plus tôt j’ai décidé de faire des pancakes pour tout le monde. C’est la journée cuisine car Marie, qui est intolérante au gluten, va réaliser un cake à base de de riz et d’avoine, elle a réussi à les réduire en farine, Seb va nous faire un curry pour le soir. J’ai préparé mon kombucha, et Seb se lance aussi dans le pain au levain.
Julia se lance dans une fresque sur le mur mitoyen.
On se met au défi avec Seb et Lily de faire un workout de 30 minutes chaque jour !! Je vais peut être enfin réussir à faire une pompe, et qui sait cela m’aidera peut être aussi pour réaliser le head stand !
Martijn et Julia aide dans le jardin. Tout le monde est bien occupé.
Les nouveaux arrivants sont là, Juan est super, c’est lui qui va s’occuper de réaliser une plateforme pour le yoga et je décide de l’aider dans l’agencement, le choix des matériaux et j’ai envie de mettre la main à la pâte pour apprendre la construction. Son bébé est tellement mignon, j’ai tellement envie de le prendre dans les bras, mais il va falloir attendre 2 semaines pour ça, pour être sur que personne n’aie le virus !
On finit notre journée par une bonne partie de Uno, il est 20h30... ZZZzzz
22 mars 2020
Levée de bonne heure, sans savoir ce que me réserve cette journée (comme chaque jour), c’est une drôle de sensation, mais c’est une aussi une bonne façon de lâcher prise, comme probablement dit auparavant.
Des toasts et des oeufs, et on quitte avec Julia pour aller nettoyer le box de Lola, la vache ! Pour pimenter un peu notre matinée, on a pris avec nous le long bamboo stick pour attraper quelques oranges, on commence à devenir assez habiles.
A notre retour, tout le monde est là, je n’avais pas encore eu l’occasion de rencontrer tous les nicas qui travaillent ici. C’est dimanche, donc ils ne travaillent pas, et ils ne peuvent pas rentrer chez eux non plus avec ce virus, donc ils sont beaucoup plus avec nous, ils sont adorables. On mange ensemble, et on converse en anglais et espagnol c’est top !
Ensuite, on s’attèlera à notre nouvelle routine : « nettoyer » les beans, trier les petites pierres qui sont dans les sacs, car on n’a pas trop envie que quelqu’un se casse une dent. Surtout en ce moment : tout faire pour éviter les hôpitaux.
Juan a vu que je chipotais à ma corde, car je prépare un atelier macramé pour les volontaires. En voyant ça, il m’en a demandé un morceau et m’a parlé de trompo, je vous avoue que j’ai pas trop compris..
Après avoir commencé le premier hanging plant, il revient 30 minutes après avec une toupie qu’il a fait lui même ! Il se décide à m’apprendre, c’est génial.. Il m’a fallu une dizaine de fois pour attraper le truc, et il m’offre la toupie.. Si je m’entraîne et que je deviens bonne, il me promet de m’en offrir une encore mieux..
On interromps les ateliers par une bonne séance de musculation donnée par « Mean Seb » aujourd’hui.
Je reprends mon macramé et à ma surprise, j’ai 6 nicas derrière moi en train de regarder, l’un après l’autre viendront s’essayer aux noeuds, c’est top. Ils sont supers curieux car ils n’avaient jamais vu ça avant. Je réalise la satisfaction que ça me procure d’apprendre aux autres, et de les voir si enthousiastes, j’adore ! Un beau dimanche à la finca.
23 mars 2020 :
Ce matin, Treminio nous réquisitionne Julia et moi pour remplir les bacs (fait à partir de tronc de bananier, génial?!) de terre, là où commencent tout doucement à pousser des choux, des oignons, et des carottes ! Pendant que les autre continuent à aider les chicos à rendre la terre des semis de café plus souple.
L’après midi, Tim et Claudia, les 3 enfants et tous les chiens viennent nous rendre visite. On a vu ce matin que les armoires se vidaient à grande allure, et leur ayant demandé des vivres, on espérait. Cependant on a reçu que du café, bon au moins c’est du café delicioso ! Aujourd’hui c’est encore rice and beans à midi et le soir.. mon estomac commence tout doucement à dire non aux beans..
Je propose à Marie d’aller se promener dans le jardins pour prendre des idées pour demain, car vraiment, c’est pas pour faire ma princesse, mais mon ventre est gonflé à bloc, je ne le supporte plus.
Et là c’est la joie : on a été couper une fleur de bananier pour en faire une salade, et on a trouvé une carotte : énorme ! C’est la première fois que je déterre une carotte, mais quelle joie !!! On est déjà excitées à l’idée de pouvoir manger autre chose demain !
L’ambiance commence à devenir un peu mauvaise car le gouvernement anglais commence à mettre la pression à ses citoyens pour rentrer chez eux maintenant, car après ils ne seraient apparemment plus les bienvenus s’ils ne prennent pas la main que leur tend leur gouvernement aujourd’hui. Lily et Seb, anglais, sont alors en train de réfléchir tout haut, et de se dire de peut être essayer de rentrer. Ça met le doute pour tout le monde, Seb parle de rester coincé 6 mois voir un an.. Bon j’adore l’endroit mais j’avoue qu’un an, ça fait long..
Je décide de lancer l’atelier macramé pour penser à autre chose, et détendre l’atmosphère un petit peu.. Même les garçons veulent participer (bon pas Seb, il est trop préoccupé...) Chacun s’approprie son propre modèle, sa propre couleur, j’adore ! Même les enfants de Claudia s’y mettent, elle essaiera elle aussi..
Elle vient me demander mon avis pour partiellement cloisonner un mur.. et pourquoi pas avec de la corde? Elle adore l’idée des feuilles en macramé, et décide de m’engager pour le projet, super en plus du café, j’ai la plateforme de yoga et la cloison.. Je peux facilement rester 2 mois et être bien occupée ici, mais je n’en doutais pas, il y a toujours quelque chose à faire..
24 mars 2020, 25, 26 mars
Les jours sont paisibles, on profite de chaque instant quand il semble que la situation ne fait que s'empirer en Europe et ailleurs dans le monde..
Les anglais nous annoncent qu'ils ont trouvé un vol samedi, ils nous quittent demain..
Claudia nous appelle pour prévenir Julia, que les allemands envoient un avion pour venir chercher les européens au Nicaragua samedi..
Les Belges prennent la décision de rentrer, Claudia nous prévient que les Nicas seront renvoyés chez eux bientôt pour une durée indéterminée.. Le temps que le virus passe..
Julia et moi, on tient à rester mais le rêve de pouvoir voyager après la ferme, même dans 2, voir 3 mois, semble s'éloigner de plus en plus.. Va t-on pouvoir voyager après? Combien de temps allons nous rester coincées ici? 2 mois on aurait adoré, continuer d'apprendre l'espagnol, continuer d'apprendre sur le café..
Mais si les Nicas partent, si Claudia et Tim ne passent plus nous voir, on n'aura plus de nourriture non plus.. On se voit forcées de prendre cet avion.. On aura une heure pour se décider, car l'avion part demain de Managua, et Managua c'est à 4h d'ici.. On est vendredi, il est 13h..
C'est la décision la plus difficile de tout ce voyage.. Renoncer à mon rêve, renoncer à cet accomplissement, mettre fin à quelque chose qui me rend tellement épanouie, je suis au bon endroit, au bon moment.. Chaque décision m'a menée vers des endroits incroyables, des rencontres inoubliables, des épreuves que je franchirai encore et encore pour me rendre plus forte chaque jour,... des découvertes, de l'introspection, des nouvelles langues, des nouvelles cultures, apprendre des autres, sur les autres, sur moi-même, ... je ne veux pas mettre fin à tout ça, et pourtant il semblerait que je n'aie pas tellement le choix.. rentrer sans savoir si je pourrai repartir.. Je suis détruite, j'ai le cœur brisé..
On prend toutes les deux la décisions de rentrer, ensemble.. Ça aura été horrible, de devoir faire ce choix si rapide, c'est irréversible..
J'essaie de dire au revoir à ma famille Nica, déjà que c'est difficile de faire une phrase complète en espagnol, mais alors avec toutes ces émotions, je n'y parviens pas.. Ils sont tristes, ils ne s'y attendent pas.. C'est pour eux, comme pour nous, une grande claque.. Nos vemos, on va se revoir nous disent ils..
Leurs sourires, leur générosité, leur amour.. Hasta Luego, à bientôt..
On restera silencieux tout le voyage, les larmes couleront du début à la fin.. C'est pour tous la fin brutale et beaucoup trop rapide d'un rêve merveilleux..
Yeux fatigués...