Nous partons en stand up paddle en autonomie pendant 9 jours pour longer les côtes sauvages de Majorque :)
Mai 2018
9 jours
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Ni athlètes de haut niveau, ni aventuriers de carrière, nous sommes simplement deux amis pour qui vacances riment avec nature. La recherche de la liberté, du silence et des créations naturelles sont nos motivations.

Quoi de mieux que de se déplacer sans moteur pour s'y rapprocher au maximum? A la force du corps humain ou à l'aide des éléments naturels (vents, courants, ...), une multitude de moyens existe pour se sentir libre et autonome.

A pieds, à vélo,en parapente, à la voile, à la rame, ... Toutes ces possibilités nous semblent nobles, car elles nous font nous sentir petits face à la nature, et surtout dépendants d'elle.

Plutôt habitués des escapades terrestres, nous avons cette fois choisi de rechercher cette liberté en mer, grâce au stand up paddle. Nous sommes donc partis pour 9 jours en paddle, en totale autonomie, autour des côtes majorquines. Ces quelques pages racontent notre aventure.

J1

C’est la fin de semaine, les sacs sont prêts, nous disons au revoir aux collègues du boulot et c’est parti. Direction Toulon pour prendre le bateau vers Alcudia sur l’île de Majorque. Nous sommes relativement chargés (c’est l’inconvénient de l’autonomie).

Les sacs des paddles sont volumineux mais ne se portent pas trop mal. Ceux de nos effets personnels sont compacts et faciles à gérer.

Par contre le sac contenant les effets communs et la nourriture est très lourd! Il nous fait suer ce gros Tourteau (c’est ainsi qu’il a été baptisé, nous le nommerons comme ça dans la suite de l’aventure). Tout ceci n’est pas des plus pratique à pieds mais une fois sur l’eau cela devrait aller mieux.

Gros et pas pratique, Ben pourra en témoigner. A peine entré dans le bateau et il arrache un luminaire avec son sac sans faire exprès. Bien que hué par les autres passagers, il gère la pression et répare avec réussite l’objet (en 10 minutes quand même…).


Nous arrivons à trouver un endroit isolé à l’arrière du bateau pour y passer la nuit. L’arrivée sur le point de départ se passe à merveille, les bus et taxis se sont bien enchaînés, nous avons même de l’avance sur notre programme. L’endroit est beau, il n’y a personne et la météo est relativement ensoleillée. On trouve même un robinet à proximité de la plage pour remplir nos réserves d’eau. Nous décidons de partir avec 4 vaches à eau de 10l, de quoi tenir 5 jours, car nous ne devrions pas rencontrer d’eau douce d’ici là. Tout ceci n’allège pas notre chargement (quasi 100 kg avec l’eau).

Avant le départ, Ben me fait une surprise en m’offrant un présent. Etonné, je découvre un slip de bain (non pas un boxer, un slip!) d’assez mauvais goût. Taille basse, couleurs moches, je m’interroge. Il décrit ce cadeau comme « le slip de l’amitié ». Il a le même pour lui, nous devrons le porter le plus souvent possible, si ce n’est tout le temps. Bizarre mais rigolo. J’accepte le cadeau et le remercie en simulant une larme.

C’est parti, nous enfilons nos combis, déplions et gonflons nos embarcations. L’excitation monte, le départ est imminent. La nature nous appelle! Mais ce serait trop beau et trop facile. Mon paddle laisse entendre un léger sifflement lors du gonflage. En cherchant, on découvre qu’il est fendu sur le flanc et qu’il perd de l’air! Le voyage en ferry lui a laissé des séquelles. Impossible donc de se mettre en route…

Bien dégoûtés, nous ne nous laissons pas abattre et nous nous mettons au boulot pour réparer ce bon vieux JP (c’est ainsi que mon brave paddle a été baptisé). Seul inconvénient, la colle nécessite un temps de séchage de 8 heures pour tenir en place, et de 24 heures pour être définitivement stable… Ce temps, nous ne l’avons pas forcément car le vent doit se lever dans l’après-midi et s’orienter face à nous avec 20 nœuds en moyenne et des rafales à 30 nœuds!

Nous tentons un coup de poker: laisser la colle sécher 5 heures seulement, et se lancer pour à peine 4 km de trajet en direction d’une petite plage où nous pourrons passer la fin d’après-midi et la nuit. Là-bas, nous aurons tout le temps de finaliser la réparation du paddle convalescent. Après cinq longues heures nous glissons enfin sur l’eau. Mon paddle fuit très légèrement, mais pourra tenir largement 2 heures, le temps d’arriver à notre spot pour la nuit. Un peu stressés, nous savourons ce qui nous entoure: l’eau, le paysage. Et nous réalisons que nous sommes enfin dans l’aventure tant espérée et longuement préparée.

Nous progressons le long d’une pointe rocheuse qui nous met à l’abri des courants et des vents, tout va bien. Mais au bout de celle-ci, c’est une autre histoire! Le vent qui devait forcir est en avance sur les prévisions ! Contourner la pointe s’avère dangereux, des vagues de 1 mètre nous contraignent de nous agenouiller sur le paddle et le vent de face à 20 nœuds n'arrange pas notre progression. Le battement violent des vagues contre les rochers nous effraie.

Il faut rester raisonnable et rebrousser chemin. Ce n’est clairement pas le bon bon plan de s'engager dans ces conditions, couplées avec un JP diminué. Nous en profitons pour explorer les environs.

La fin d’après-midi se passe donc calmement. Nous faisons de la chirurgie réparatrice sur ce bon vieux JP (mon fier paddle) tout en profitant du soleil. Nous avons même la chance de nous faire passer de la crème solaire par un groupe de filles. Bon ok, c’était juste un pari entre elles pour un enterrement de vie de jeune fille, mais bon c’est toujours ça de pris.

On s’éloigne ensuite de la civilisation pour trouver un spot de bivouac. Celui-ci est très beau.

La journée fut mouvementée mais nous ne sommes pas malheureux. Juste avant de nous endormir nos pensées sont toutes dirigées vers JP, en espérant que la réparation tienne bon pour la suite de l’aventure.

J2

Après une super nuit, sous un ciel étoilé et bercé par le bruit des flots, nous reprenons là où nous nous étions arrêtés. La réparation du paddle semble solide, aucun signe de fuite. C’est un soulagement et sûrement le signe d’une belle journée qui arrive!

Le poids se fait sentir sur nos embarcations, elles sont bien moins maniables que d’habitude mais on s’y fait.


Finies les eaux turquoises, aujourd’hui nous sommes au pied des falaises sur une mer moins accueillante. Celles-ci sont impressionnantes vues d’en bas. Le mariage de la mer et de ces reliefs élevés est beau à voir, nous en profitons. Nous sommes minuscules face à ces géants rocailleux et seuls au monde.

Sur l’eau pas de mauvaise surprise, tout se déroule à merveille, et nous progressons bien. L’absence de plage ou de crique nous contraint à ne faire qu’une pause sommaire pour le repas. D’autres petites pauses se font durant la journée, en restant au large, histoire de grignoter un peu et nous rafraîchir.

En fin de journée, nous arrivons sur une embouchure de canyon. Nous y passerons la soirée ainsi que la nuit. L’endroit est magnifique, presque magique. La vallée escarpée prolonge ses reliefs jusqu’au bord de l’eau. C’est un spectacle peu commun.

Afin de se déplacer rapidement et de mieux découvrir cet endroit, nous dégonflons les deux embarcations.

Nous passons le temps en prenant des photos et en lisant nos petits livres calés dans l’herbe. Boris s’amuse à observer et à s’approcher des chèvres. Il est discret comme un chat malgré son grand corps d’escogriffe. Les chèvres sont nombreuses et jouent aux équilibristes sur les flancs de falaises. Elles sont habiles ces petites bêtes!



Je décide de joindre deux rives d’un lac en escaladant une falaise qui l’entoure. Mes cris laissent penser que je galère! Boris semble attendre sagement que je tombe à l’eau pour se moquer… Il n’en fut rien.

Notre repérage nous permet de trouver une super grotte pour passer la nuit. Elle sent un peu le bouc (la merde de bouc même) mais reste accueillante. Une fois la nuit tombée, les reliefs apparaissent comme d’énormes ombres autour de nous, c’est magnifique.

J3

Le réveil se fait de bonne heure car aujourd’hui il y a des kilomètres à pagayer !

Cette nuit à la « semie belle étoile » (on a dormi sous une grotte) fut très reposante. Nous avons profité de la lumière de l’aube qui dessinait au fur et à mesure le magnifique relief qui nous entourait.

Mis à part quelques bêlements, la vallée est silencieuse. On est surement les deux seuls bipèdes !

Comme depuis le début, Ben est le plus rapide à ranger le matos, surement parce que c’est le plus glouton de nous deux et qu’il veut attaquer le petit dej !

Je finis de ranger le matériel quand une main bronzée (celle de Ben !) me tend la tasse commune de thé, bien fumante ! Le petit dej est simple: thé, gâteaux secs, voire très secs, aux 14 céréales et … des gâteaux au miel ! On les adore, ce sont nos préférés, mais nous n’en avons que très peu. Juste 1 par personne tous les deux jours. Ce fut un test de les prendre et on approuve déjà pour les futurs treks !

Une fois rassasiés, nous prenons la direction de la sortie. La redescente du canyon à pieds est rapide. Il faut dire que nous connaissons bien le coin maintenant.

Surprise ! Une tente à moitié camouflée apparait derrière un buisson, finalement nous n’étions pas les seuls… perdu !

La mise à l’eau est trop compliquée par notre point d’arrivée. La configuration de la plage forme des vagues qui s’écrasent sur les galets. Trop risqué pour le matos, nous préférons longer la côte à pieds et tenter notre chance ailleurs.

Au bout de 10 minutes, chargés comme des mules, un homme d’un certain âge nous interpelle :

Lui : Bonjour, vous êtes français ? Ça se voit.

Nous, interrogatifs : heu, bonjour. Oui nous sommes français, vous aussi?

Lui : vous avez dormi où cette nuit ?

Nous, sentant son cheminement intellectuel pour nous piéger : on a dormi dans une grotte au fond de la vallée, la mauvaise météo nous a contraint de nous arrêter là. On est en train de faire un trip en paddle en autonomie, on est tombé ici par hasard.

Lui : vous savez que c’est interdit et que nous avons des problèmes avec le feu et les campeurs qui n’ont aucun respect pour les lieux ?

Nous : Ah, on ne savait pas mais ne vous inquiétez pas, tout est nickel ! Il n’y a aucune trace de notre passage (hormis les crottes aplaties sur lesquelles on a dormi !).

Lui : bon ok, bonne journée.

Echange étrange, comment a-t-il su que nous étions français ? Cet homme reste un mystère et on décide de l’appeler le Maire (ou le gros Maire). On en rigole bien.

Juste après cette conversation, on se prend un vilain orage. Grosse pluie, foudre, tonnerre, on se demande comment va se passer la journée. Mais ce mauvais temps (qui n’était pas prévu) ne dure pas, le soleil reprend ses droits rapidement.

Un spot de mise à l’eau est vite trouvé, matos gonflé et chargé, let’s go !


La mer remue un peu plus que les autres jours. Nos cervelets sont mis à rude épreuve pour nous maintenir en équilibre. Est-ce que cela améliorera notre performance à la slickline ? Vous avez deux heures...

Les paysages sont grandioses, le moral est bon et nous filons bien à travers les vagues.

Ben est souvent devant, je ne comprends pas… Pourtant nous avons le même rythme de pagaie et l’écart se creuse ! Encore un mystère… Il est pourtant petit et pas balaise...

La côte devient moins sauvage, le relief s’adoucie et les falaises laissent place à d’immenses plages de sable blanc.

Nous suivons la côte un certain temps jusqu’à arriver à une tache verdâtre dans cette eau turquoise. C’est l’embouchure d’un canal. Nous l’avions déjà repérée sur la carte et prévu de la remonter. L’embouchure est mouvementée mais nous tenons bon, nous parvenons à la franchir sans chute ! L’eau n’est plus du tout limpide et bleue, elle devient turbide et verdâtre. C’est un changement radical.

Nos nouveaux copains sont les canards. Ils sont curieux et s’approchent de nous. Quelques centaines de mètres plus loin, un pont se dresse devant nous et des pictogrammes signalent qu’il est interdit de continuer plus loin… dommage, nous avions très envie de nous perdre dans les canaux entourés de roseaux.

C’est parti pour un demi-tour. Les gens sont amusés de nous voir et nous font des coucous.

L’embouchure nous attend, mais cette fois les vagues sont dans notre dos ! C’est un exercice plus difficile à gérer pour nos cervelets. Les gens qui lézardent sur les enrochements nous regardent et attendent la chute ! Que Nenni, on ne se dégonfle pas et on pagaie fermement. Ben ouvre la voie et se fait aspirer sur la droite. Je file droit et m’éloigne de mon binôme. Ça bouge bien ! Fléchis sur nos appuis, on encaisse. Aucun roulis, ni tangage, ni lacet ne nous fera chuter. Tant mieux, vue la couleur de l’eau.

La plage redevient plus sauvage et le cordon dunaire semble intact de toute trace de civilisation. Seule une vieille tour de guet abandonnée en pierre y siège. Ce sera notre point de chute pour cette fin de journée.

Nous accostons et en profitons pour décharger tout le matériel. Il nous tarde de retourner à l’eau ! Le spot est propice pour tenter de faire du surf. Les vagues sont espacées et suffisamment hautes.

Après plusieurs essais, nous remarquons que nos paddles gonflables subissent les vagues comme de grosses bouées. Ils ne sont pas assez rigides, leurs nez piquent dans l’eau dès que la vague nous lève et ils tournent sur eux même. Ceci combiné à notre technique inexistante en surf, nous réussissons à faire 3 sessions qui ressemblent vaguement à quelque chose. Tout le reste n’est que chute et rigolade.

Fatigués, nous nous posons enfin sur la plage et un spot sublime est découvert pour bivouaquer. Une caoudeyre comme le fait remarquer le cultivé Ben.

Cet espace de sable, en plein milieu de la végétation qui s’ouvre sur la mer est parfait. Nous sommes invisibles et à l’abri de la brise marine.

Le tarp est monté en configuration « vaisseau Goa’uld ». Ce soir le menu est spécial. Notre ami Petu nous a donné, juste avant le départ, un plat déshydraté préparé par ses soins (un chili con carne!). Bien qu’un peu épicé, on se régale. Merci Petu. Nous filons dans le tarp. La journée fut longue.

J4

Le réveil est accompagné du bruit des vagues. La nuit fut fraîche ! La faim me tiraille encore, je m’affaire à tout ranger pendant que Boris décolle ses yeux. Le repas est rapide tout comme le démontage du camp. La météo est hyper ensoleillée, nous sommes aux anges.

Les heures passent et les coups de pagaies aussi, cependant quelque chose a changé par rapport à hier.

Comme les jours précédents, nous progressons à environ 200 mètres du rivage. Aujourd’hui, à cette distance nous apercevons de grosses vagues qui s’écrasent sur la plage. Nous nous rassurons en nous disant que plus loin ça sera moins dangereux et que l’accostage sera possible.

Petit à petit, et à chaque pause graines (en mer sans descendre du paddle), l’inquiétude grandit. Les vagues sont toujours là !

Il est midi et Boris a déjà faim. Nouvel arrêt au large, la plage est toujours agitée. C’est toujours pareil… Vague énorme, vague super énorme, grosse vague et rebelote (ce qu’on appelle vague énorme doit faire environ 3 mètres).

Pas la peine de prendre des risques en y accostant, nous continuons.

Il est 15h, la faim nous tiraille et nous sommes las. Cette fois nous décidons de regagner la terre! Les vagues sont toujours là, toujours aussi grosses. Nos chances de réussite sont faibles pour effectuer un accostage propre et efficace.

C’est parti, direction la plage côte à côte. Nous ne sommes pas confiants mais la chance sourit aux audacieux parait-il.

Je pars devant, les vagues me prennent dans le dos et je ne contrôle plus grand chose. Tant bien que mal, j’arrive pas loin de la terre ferme, je saute à l’eau pour maintenir le paddle et son chargement. Une vague me prend de plein fouet, le paddle se met parallèle aux vagues, puis se retourne !! Le gros tourteau (sac avec la nourriture et les effets communs) et le reste sont immergés ! J’arrive à tout remettre à l’endroit, rien ne s’est détaché et je fonce sur la plage tout mettre à l’abri.

Boris arrive, ça a l’air d’aller, les vagues sont clémentes. Malheureusement, Poséidon nous en veut, une énorme vague le pousse, il prend de la vitesse, il oblique sur la gauche, fait presque un 180° sur la vague. Boris est sur son paddle, le regard de celui qui vient de comprendre qu’il va subir quelque chose de mauvais.

Il se jette à l’eau, le paddle part devant, la vague s’écrase. Le leash l’a bien retenu, il sort la tête de l’eau et une autre vague montre déjà le bout de son nez. Il arrive enfin sur la plage et, le rire au visage, je l’aide à tout décharger.

Nous posons nos affaires sur le sable, non loin d’un groupe d’anciens qui a dû bien rigolé.

On meurt de faim, c’est parti pour la recette secrète : pâtes-purée!

Mais une vague plus puissante que les autres vient noyer notre camp avant qu’on lance le réchaud… La raison de l’éloignement des anciens devient claire. Nous nous reculons à bonne distance et entamons le repas tant attendu. Il doit être 16h.

A proximité se trouve une petite bourgade où les villas s’alignent. Une petite exploration s’impose.

Il y a un bar sympa à l’extrême Est de la ville. Nous y prenons une boisson et en profitons pour remplir nos stocks d’eau « discrètement » dans les toilettes.

Le matériel est plié et nous trouvons un coin super sympa plus haut en forêt. Ce soir c’est montage du tarp en appentis.

La soirée se déroule bien et nous confectionnons des bougies avec des coquilles d’escargots (vides bien sûr, nous ne sommes pas des barbares) et de la sève de pin. Couscous party et dodo. La fatigue de la journée a rapidement raison de nous.

J5

Après une bonne nuit reposante, le réveil se fait sous la pluie! Nous en rigolons, faute de mieux, tout en préparant le matériel.

S’étant retiré un peu loin de la mer pour bivouaquer, nous avions dégonflé les paddles dans un souci pratique pour le transport.

Dégonfler nos embarcations est une chose simple, mais les regonfler fatigue un peu nos corps maigres. Le gonflage de ce matin aura marqué notre moral. Les premiers coups de pompe se font sans problème, mais la suite est plus délicate. Une fois de plus, un bruit de sifflement se fait entendre. Je pense tout de suite que mon paddle est de nouveau percé. Mais cette fois non, c’est la pompe qui ne tient plus la pression …

Impossible de gonfler quoi que ce soit! Nous n’avons décidément pas eu de bol avec le matériel (ça nous apprendra à mieux le gérer pour la suite). Pas le choix, il faut chercher d’où vient le problème, et sous la pluie ... Nos sourires s’estompent, un ras-le-bol semble se faire sentir, mais heureusement, l’amitié permet de tenir bon et rien que pour ça, nous ne devons pas flancher.

En démontant la pompe, celle-ci présente plusieurs anomalies: présence de sable, pas assez de graisse, joint fatigué, valves en mauvais état. Tout est bricolable sur place, mais pas le manque de graisse… Si seulement l’un d’entre nous était bien gras, on aurait pu lui ponctionner un peu de matière adipeuse. Il faut donc se rendre au village où nous avons pris à boire hier et chercher de la graisse.

Nous trouvons d’abord un chauffagiste en mode boui-boui. Très sympa, il n’a pas de graisse mais nous dépanne quelques joints (de pompe, je précise) que nous acceptons, ça pourrait servir. Un magasin de vélo se trouve quelques rues plus loin, évidemment la graisse coule à flot dans cet établissement, nous sommes heureux. On explique notre mésaventure dans un anglais correct à la jeune femme enceinte qui tient le magasin. Elle ne comprend rien et nous demande d’amener nos vélos pour qu’elle y jette un œil. Elle a quand même insisté en disant, je cite: « we can repare everything!! Bring your bike! ». On réfute sa proposition et on part avec un tube de graisse.

Tout rentre dans l’ordre, la pompe fonctionne de nouveau, les paddles sont gonflés et on peut prendre la mer, enfin.

La météo prévoit de la pluie toute la journée, et un vent parfois soutenu selon notre orientation et même de l’orage. Une journée entière de paddle sous la pluie, c’était une expérience nouvelle pour nous.


On profite différemment, les bruits ne sont pas les mêmes, les paysages non plus, on s’y habitue finalement.

Physiquement, un passage d’un kilomètre face au vent le long d’une pointe nous a épuisé.

Obligés de se mettre à genoux, il ne fallait pas arrêter de pagailler. La moindre pause nous faisait reculer. Ça a duré une heure… Le repos de ce soir est mérité. Surtout que le spot de bivouac est sublime. Une grande baie avec un îlot montagneux au milieu. Il ne pleut plus, il reste juste un brouillard peu dense. Ça donne un aspect mystique au lieu, on en prend plein les yeux et on profite du silence. Demain il fera beau.

J6

Durant la nuit, un bateau est venu mouiller face à notre spot de bivouac.

Avant de tracer notre chemin, nous allons gaiement faire un petit tour près de ce dernier ,et hop surprise! Le propriétaire du voilier sort et nous propose un petit déjeuner. Bien que nos estomacs soient pleins de biscuits secs, on accepte. Nous papotons avec des gens formidables, passionnés de voyage et généreux à souhait. J’ai même l’honneur de pouvoir aller sur leurs toilettes! J’y ai fait popo.

Pendant ce temps, ce bon veux Boris discute et débite de la parole comme il sait si bien le faire.





Deux des trois personnes à bord décident de nous accompagner quelques kilomètres. Nous voilà partis avec une meute de 4 paddles à travers la mer.

Peut-être finirons nous l’aventure à 50 paddles, qui sait? Nos routes se séparent dans la matinée. Ils rebroussent chemin nous continuons le nôtre.

La journée est parfaite, le soleil brille, le vent ne nous embête pas trop, les criques sont au top, l’eau turquoise, aucune trace humaine, bref le pied !!

Après la pluie le beau temps, on valide ce dicton! On ne regrette pas d’avoir eu à gérer un paddle percé, une pompe HS, du vent de face, de la pluie, des orages etc, quand on vit une journée comme aujourd’hui.

Il parait aussi qu’un bonheur n’arrive jamais seul (ou le contraire?). Sur le retour, on croise à nouveau les occupants du voilier de ce matin. Nous aurions préféré les croiser à un autre moment car nous étions en mode slip avec Boris. En plus, ces slips sont moches et assortis… Ce n’était pas le meilleur moment. Mais bon, ce sont les slips de l’amitié, on en est fier après tout!

On nous invite une fois de plus à bord, pour l’apéro ce coup-ci. Beaux échanges et rigolades une fois de plus. On nous propose ensuite de passer la nuit à bord et de faire un bout de traversée avec eux. Comment refuser? Comment les remercier? On y réfléchit… Toujours est-il qu’on a accepté et que cette nuit a été revigorante.

J7

Après notre traditionnel réveil et rangement de matos, nous reprenons la mer ! La pompe fait encore des siennes ! Un peu de temps est perdu lors de la réparation et c’est finalement un tout petit fil de fer qui nous sauve la mise. Le problème venait d’un des joints qui n’arrivait plus à assurer l’étanchéité lors de la compression. Nous lui concoctons un petit guide et les 20psi réglementaires du paddle de Ben ont été atteints. Une formalité pour JP qui est bien moins dur.

La journée est sublime, il fait super chaud et pas besoin de mettre la combi ! On peut enfin bronzer !

De notre position, nous pouvons scruter ce qui se passe sous nos frêles esquifs, c’est un vrai bonheur. Le soleil brille de mille feux, la mer turquoise et transparente nous rend heureux. Peu de poissons mais les méduses sont bien là ! On essaie de les filmer sous l’eau mais ce n’est pas une mince affaire.

Quelques rochers sortent de l’eau, on s’y aventure en slalomant autour et en essayant de gérer les vagues qui s’engouffrent dans ce petit terrain de jeu.

La journée est déjà merveilleuse, elle devient sublime lorsque nous passons du temps à s’étaler mutuellement de la crème solaire…

Les heures passent et nous arrivons dans une petite cala à moitié cachée. Après réflexion il s’agit du plus beau spot que nous ayons vu.

On a trop hâte de s’installer et de pouvoir faire un petit feu ! Malheureusement après étude de la carte, si l’arrêt se faisait ici, nous serions trop en retard sur notre planning. C’est à contrecœur que nous reprenons la mer après avoir savouré nos graines. On ne se retourne même pas, on est dégoûté.

Quelques kilomètres plus loin, une autre crique nous accueille. Elle est bien plus spacieuse. A l’entrée, un bateau de plongeur a mouillé et tous les hommes grenouilles sont autour. On se dit qu’on reviendra nager par là car il doit surement y avoir quelque chose de beau !

On arrive sur la plage où un groupe d’espagnols assez sympas campe. Par contre ils ne sont pas sur du MUL (matos ultra léger) mais sur du MUL (matos ultra lourd !). Ils ont un 4x4 dernière génération tout équipé et flambant neuf ! Ils ne s’enquiquinent pas ! Ils ont aussi des Border Collie. Ben m’apprend que ces chiens peuvent avoir des tocs. Je me demande d’où il tire ce genre d’informations bizarres…

On monte le camp, on papote un peu avec les espagnols et on file nager vers le spot des plongeurs. Il y a de l’agitation sous l’eau. Ce petit tour nous ouvre l’appétit.

Le montage tarp habituel est particulièrement bien réussi et le sol est constitué d’un lit de posidonies mortes. Une fois aplanies nous vérifions que rien de pointu ne dépasse pour ne pas crever les matelas. Petite erreur ! Au plus nous les retournons au plus ça pue sous l’abri ! Heureusement nous avons été rodés à la crotte de bouc il y a quelques jours!

J8

Une journée de plus, les mêmes habitudes matinales.

Il y a deux petites îles et très peu de fond sur notre trajet. L’idée d’installer une gopro sous le paddle nous titille et nous permettrait d’avoir des points de vue différents.

Malheureusement, le vent souffle fort et il est compliqué de s’arrêter. La première île est inhospitalière. Chaque morceau de roche est fait de telle sorte que marcher dessus serait un supplice. Nous continuons jusqu’à la deuxième île. Un petit bateau passe à toute vitesse et y accoste avant nous. Ce sera l’endroit parfait pour équiper le paddle de sa petite caméra sous-marine.

Le temps d’arriver et les deux marins s’étaient mis nus… Peu importe, nous trafiquons le bon vieux JP (paddle de Boris) sous le regard curieux de nos deux nudistes.

Quelle galère d’allumer la gopro sous le paddle et d’estimer si elle est bien en marche!

Le temps est avec nous, on arrive presque au terminus de notre étape. Afin d’y accéder, deux possibilités :

- Faire le tour de la presqu’île, ce qui allongerait le trajet sans réelle plus-value,

- Couper à travers le tombolo qui est à moitié submergé, au risque de frotter les hauts fonds.

Nous choisissons la deuxième option ! Le vent, les vagues et le peu de fond ne rendent pas les choses faciles mais c’est faisable. C’est un moment sublime!

La plage s’étend devant nous sur une très longue distance. Nous déchargeons le matériel et c’est reparti pour l’entrainement aux tricks. On ne va pas détailler car il n’y a rien à détailler. Nous sommes nuls!

On monte le camp sous un pin. On aperçoit au loin une sorte de vieille clôture. Elle délimite la plus grande propriété de Majorque. Le gars a dû la payer une fortune. Ça fait un moment qu’on la voit depuis la mer, et elle continue !

Une fois de plus le sort s’acharne sur nous. Après un des plus beaux coucher de soleil que nous ayons vu jusqu’à présent, les moustiques nous ont fait vivre un cauchemar.

Des nuées entières (véridique) avides de sang qui nous piquaient à travers les vêtements !! La technique de la fumée a relativement marché, au lieu d’en avoir des centaines il n’y en avait plus que des dizaines. Le repas se gobe en 4e vitesse et la question du montage du tarp se pose. Jusqu’à présent nous n’avions pas eu cette problématique.

Comment faire pour éviter de se faire aspirer le sang sans protection contre ces bêtes infâmes ?

Nous innovons et nous tentons un montage « Hammam Suliman Pacha ». Ce dernier nous permet de nous isoler complètement de l’extérieur ! Victoire ! Prend ça dans tes dents Culex pipiens.

Au bout de 10min nous transpirons à en crever, c’est horrible ... Le manque d’aération du montage de l’abri aura raison de nous. Finalement, le tarp est ouvert et nous nous protégeons comme nous pouvons.

Chacun sa technique : Ben a mis toutes ses épaisseurs et dort sans sac de couchage. Quant à moi, je me mets dans le sac de couchage et j’enfile le drap de soie à l’envers (par la tête). Je suis ainsi « protégé » des deux côtés. La nuit sera longue…

J9

La nuit est horrible, tout comme le réveil. A peine sortis des sacs, la boucherie des moustiques continue. Les combis nous protègent une fois enfilées, le camp est démonté à la vitesse de l’éclair et nous filons aussi vite que possible.

Aujourd’hui, l’étape fait plus de 20km. Espérons que le vent sera avec nous.

Nous longeons, la majeure partie de la journée, des petites falaises qui ne doivent pas faire plus de 20 mètres de hauteur. L’eau est exceptionnellement turquoise.

A midi on accoste sur une des plus belles cala du séjour. On profite de ce soleil pour mettre en place le panneau solaire et alimenter les batteries.

C’est notre dernier repas de pâtes purée, il s’agit de le savourer !

Un voilier arrive au mouillage dans la cala. Encore des Français ! Nous échangeons quelques paroles avec eux, c’est toujours sympa de tomber sur des compatriotes et encore plus quand ils sont cools. Ils nous proposent un verre de rosé qu’on décline. Son alliance avec le soleil et la fatigue aurait pu être fatale pour nous.

On repart en longeant leur navire sous leurs applaudissements, ça nous met du baume au cœur !

L’après-midi fut laborieuse. Les conditions météo rendaient la mer plus dure à naviguer. Heureusement, un évènement nous a remis un petit coup d’adrénaline.

Ouvrant la voie une dizaine de mètres devant Ben, j’aperçois quelque chose sous l’eau qui se dirige droit sur moi. Le corps énorme, les ailerons droits, un corps taillé pour la vitesse. Je crie à Ben : Un requin ! Un requin ! L’animal passe sur le côté du paddle, à 2 mètres maximum de profondeur. L’observant mieux je pense finalement apercevoir un dauphin. C’est en le voyant de dos, sans les reflets, que je comprends que c’est un thon ! Il fonce vers Ben et repart au large. Sa curiosité nous a provoqué une belle frayeur !

C’est avec un rythme cardiaque plus élevé que nous repartons. La fin d’après-midi est longue et physiquement éprouvante.

Nous arrivons finalement à une arche réputée en escalade, ligne d’arrivée de notre périple: Es Ponta. C’est sublime!

On prend la direction de la dernière cala de notre aventure qui s’avère être bondée de touristes. C’est triste à voir, nous nous frayons un chemin entre les pédalos et les nageurs pour accoster sur ce sable fin. Une bonne odeur de crème solaire nous envahit. Finis les paysages sauvage et le sentiment de solitude, nous sommes bien de retour à la civilisation.

Cette aventure nous a rempli la tête de souvenirs magnifiques. Les paysages nous ont régalé, les moments de vie également. Nous rentrons encore plus soudés qu'au départ. Avec un paddle, de quoi dormir et manger, les possibilités d'aventures et de découvertes sont énormes.