Contrairement à nos habitudes,nous allons vous relater nos 5 jours au Maramures comme une seule étape, car il faut absolument que nous évoquions toutes les facettes de cette petite contrée, qui semble complètement déconnectée du reste de la Roumanie, farouchement protectrice de ses traditions et d’une forme de vie que tous ici veulent préserver le plus longtemps possible, et toutes générations confondues. Mais s’il nous est possible maintenant de partager cette découverte avec vous , nous le devons avant tout à notre hôte pendant 4 jours dans la région, Vasile et son épouse Marianna. Ce professeur â la retraite nous a fait ressentir à tout moment, son amour viscéral pour sa région ; ses connaissances multiformes, sa gentillesse, sa volonté de nous faire voir et comprendre le plus d’aspects spécifiques de son terroir ont rendu ce séjour extrêmement riche et passionnant. Cela commence par son jardin où nous avons posé le baroudeur : nous sommes de suite plongés dans un monde rural d’une autre époque.
Sinon, la première attractivité de la région, outre le train vapeur décrit précédemment, est constituée de 8 églises splendides entièrement édifiées en bois (sapin et chêne), y compris la toiture souvent très pentue et extrêmement travaillée, avec de toutes petites "tuiles de bois" plates. Ces 8 édifices sont inscrits au patrimoine de l’unesco. Mais quasiment chaque village possède son église en bois. Nous avons visité 5 d’entre elles : Ieud, la plus ancienne, Poinile Izei, Desesti, Barsana, Busteni, et nous en avons photographié quelques unes en plus.
Dans la même veine, et construits également tout en bois, nous avons visité 2 monastères : le premier, à Botiza, est en rénovation, ce qui nous a permis de voir le travail des charpentiers ébénistes sur place. Le second, fabuleux et complètement hors norme, présente des dizaines de bâtiments, tous plus travaillés les uns que les autres, dans un cadre champêtre magnifique. Celui-ci, c’est Barsana et c’est plus qu’incontournable. C’est "scotchant".
Mais bien plus encore que ce patrimoine architectural, culturel et spirituel unique, c’est avant tout une population enracinée dans ses traditions ancestrales, sa volonté et sa fierté de ne pas céder aux sirènes du modernisme qui fait la valeur et le grand intérêt de cette région â part.
Le travail dans les champs est exactement celui que j’ai connu dans ma prime jeunesse à la fin des années cinquante début des années soixante en vacances en Auvergne, qui avait déjà du retard par rapport à d’autres régions françaises : tout le travail se fait â la main, aucune mécanisation, séchage du foin en meules, les chevaux pour le transport, etc...
Tout ceci au cœur d’un habitat d’une beauté exceptionnelle, réalisé majoritairement en bois bien entendu, avec la complexité des toitures et les portails de chênes, des chaînes sculptées dans la masse et des figures destinées à repousser le mal. Sous le regard hautain des cigognes et cigogneaux massivement installés au sommet des pylônes électriques. Avec de belles rencontres au détour d’un chemin... et dans une végétation luxuriante.
Avec l’appui efficace de Vasile, nous avons pu assister aux préludes et festivités précédant la cérémonie : pas moins de 800 personnes invitées, toutes en habit traditionnel, avec des chants, des danses accompagnant la rencontre, chez la future épouse, de la plupart des habitants des 2 villages des mariés. Impressionnant la force des traditions, même chez les plus jeunes.
Vasile nous disait qu'aucun n’oserait se présenter à un mariage autrement qu’en costume traditionnel. De même pour la messe, comme nous en avons eu la preuve le lendemain, messe commencée dans l’église et terminée en extérieur.
Dernier conseil de Vasile avant de le quitter avec regret et émotion : aller voir le musée de Sighetu consacré aux méfaits de la période communiste. Et c’est édifiant. Installé dans l’ancienne prison où les opposants au régime pro soviétique étaient incarcérés, voire torturés, c’est une visite passionnante, instructive et surtout remémorante. Lors de la dernière année de Ceauşèscu, il est allé jusqu’à enlever et emprisonner des enfants de maternelle !!!!! 40 élèves périrent durant la croisade des enfants. Entre 1945 et 1989, plus de 600 000 roumains furent arrêtés et incarcérés, et 200 000 furent condamnés aux travaux forcés !
Dernière curiosité du Maramures, le cimetière joyeux, où 3 générations d’artistes se sont succédées pour sculpter, peindre, et décrire en quelques phrases la vie des personnes enterrées au pied de ces croix effectivement joyeuses, surtout si on est capable de déchiffrer le roumain😜. Au cours de cette étape, nous avons rencontré un jeune couple de toulousains partis pour un périple de 9 mois au total. Ils avaient atteint, au plus éloigné, la Turquie et ils en étaient déjà à 12 000 kms, pour finir comme nous à 15 ou 16 000 kms, mais à vélo et en privilégiant les routes escarpées, par exemple la transalpina et la transfagarasan en Roumanie qui culminent à plus de 2000 m. Chapeaux bas !! Et en plus, des jeunes adorables, avec qui nous avons passé une soirée et un repas, partageant largement nos valeurs. Belle, belle rencontre avant de rentrer en Hongrie après 5 semaines roumaines bien chargées et largement à la hauteur de nos attentes.