Carnet de voyage

Traversée du Morvan à pied

Par
9 étapes
6 commentaires
Par PLM
Traversée du Morvan en solo par le GR 13. Récits de petits moment d’itinérance.
Mai 2024
7 jours
Ce carnet de voyage est privé, ne le partagez pas sans l'autorisation de l'auteur.
1

Lorsque j'ai commencé à parler de mon projet de traversée du Morvan, mes interlocuteurs ont dans leur grande majorité avoué leur ignorance pour situer cette région. Le nom était vaguement connu, certes, mais aucune ville du Morvan ne pouvait être citée, ni monument ou site remarquable. Moi-même j'avais quelques difficultés à être précis en évoquant Avallon, Château-Chinon ou Vézelay. Ces villes sont en effet périphériques au Morvan lui-même et considérées comme des "portes" alors que son coeur est constitué de villages et communes épars au sein du Parc naturel régional du Morvan, lui-même au sein du massif du Morvan. Massif de moyenne montagne (moyenne de 600 m d'altitude) aux confins des départements de la Côte-d'Or, de la Nièvre, de la Saône-et-Loire et de l'Yonne, le Morvan n'est ni une région, ni un département mais un "coin" de Bourgogne avec son unité historique, sociologique ou géologique (le granite !).

Ma traversée se fera sur 6 jours, pour 150 km environ sur le GR 13, du nord au sud. Le TopoGuide "Tour et traversée du Morvan" m'a servi de guide pour établir mes étapes, mais le manque d'hébergements a rendu difficile leur équilibre. La deuxième et la dernière sont respectivement à 30 km et 34 km ! On verra sur place si je les fais ou si je trouve des raccourcis. Mon départ s'effectuera d'Asquins, au nord de Vézelay. Cette commune possède un camping où je pourrai laisser mon fourgon en garage mort pendant ma randonnée. L'arrivée est prévue à Luzy, presque aux limites du Massif Central. Et retour en train, mais la gare d'arrivée est à une dizaine de km d'Asquins. Il faudra donc encore marcher...

2


On est un dimanche et, comme partout, règne un calme dominical à Asquins dans l'Yonne. Je viens d'arriver au camping en ce début d'après-midi et ma randonnée commence demain. A travers les arbres on distingue au loin la "colline de Vézelay" que je dois gravir, comme le font les "compostelliens" et autres pèlerins. En attendant je fais une petite visite du village qui offre quelques beaux bâtiments, notamment son église du XIIe siècle Saint-Jacques-le-Majeur, inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO comme site du Chemin de Compostelle. La Grande rue (D951), de près d'1 km, témoigne du temps des grands et fréquents pèlerinages pour Vézelay et Compostelle, jusqu'à la fin du Moyen Âge, où des foules de pèlerins traversaient Asquins, accompagnées par des marchands d'objets de piété aussi nombreux. Aujourd'hui il n'y a plus qu'un seul commerce à ce que je peux voir et un bar avec terrasse le long de cette D951. Mais des pèlerins passent toujours dans la Grande rue. Trois sont devant moi, les coquilles sur leur sac. Ils montent vers Vézelay.

Les vignerons "faiseurs de rêves et de paysages" sont célébrés à Asquins, or je ne vois aucune vigne sur les coteaux les plus proches. Elles se trouvent sur les hauteurs, beaucoup plus loin, exposées au sud, du chardonnay qui donne un Bourgogne AOC. La Cure, affluent de l'Yonne, traverse le village et mon camping se trouve sur ses berges. Je vais remonter son cours jusqu'à sa source.

3

Réveil à 7H dans la fraîcheur du matin au bord de la Cure où j'ai stationné mon fourgon. Avant de quitter le camping, je donne les clés à la gardienne au cas où il faudrait lui changer de place si la Cure débordait, ce qui n'est pas impossible en ces temps pluvieux, bien que la météo s'annonce plus clémente.

Dès le centre d'Asquins une douce montée, par une rue puis un chemin, me mène vers Vézelay. Le paysage a quelque chose d'apaisant avec ses champs ondoyants et parsemés de coquelicots et ses collines, le tout dominé par la basilique de Vézelay qui se rapproche petit à petit. Sur ma droite, des bâtiments anciens : la chapelle de la Cordelle où trois frères franciscains accueillent les pèlerins. Au bout du chemin j'arrive à la porte Sainte Croix et franchis l'enceinte de Vézelay. Cette porte fut construite au XIIe siècle pour accéder à l'abbaye. Il ne me faut pas longtemps pour arriver sur la place de la basilique Sainte-Marie-Madeleine. Le soleil est juste derrière la tour Saint-Michel et laisse encore la place dans une ombre légère. Je contemple cette façade, remaniée au 19e siècle par Viollet-Leduc à la demande de Prosper Mérimée, quand j'entends : « Vous êtes un pèlerin?! » Puis-je être quelque chose d'autre, avec mon sac au dos et le regard fixé sur un tel édifice ?! Mais je dissuade tout de suite mon interlocuteur en lui précisant que je fais, plus modestement et sans esprit pèlerin, la traversée du Morvan. Cette réponse ne lui paraît pas du plus haut intérêt et il s'en retourne tout de suite à ses occupations après un bref : "Bonne route alors !"

J'entre alors dans la basilique par l'imposant portail central et me retrouve dans le narthex aux fines arcades et aux vastes dimensions. Construite dès le XIIe siècle, cette avant-pièce servait à former les processions avant l'entrée dans la nef. Le passionné du Seigneur des Anneaux que je suis ne peut s'empêcher de revoir en flash la scène de la fuite de la compagnie de l'Anneau devant les hordes de Gobelins, Gandalf le gris en tête avec son bâton magique, dans les mines de la Moria dont les voutes sont aussi soutenues par des colonnes et arcades... Mais la solennité du lieu chasse cette pensée un soupçon sacrilège et je pénètre dans la longue nef (62 m!) par son bas-côté sud et passe sous les dix travées pour arriver au choeur gothique, resplendissant de lumière, tout de pierre blanche. La croix sur l'autel est d'or et scintille au soleil. L'atmosphère est à ce moment idéale pour une communication divine à qui la souhaiterait, tel Paul Claudel près d'un pilier à Notre-Dame de Paris ! En attendant peut-être que la femme de ménage, que je viens d'apercevoir tout à côté, ait fini d'épousseter ciboires, fauteuils et cierges ?... Je la salue et sort par le côté de la basilique en traversant un couloir voûté qui longe une salle de prière pour rejoindre le belvédère d'où la vue sur la campagne est superbe. J'aperçois la Cure en contre-bas et devine le parcours que je vais emprunter durant la matinée.

Avant de quitter Vézelay, je cherche la maison de l'écrivain Romain Rolland (1866-1944) qui y vécut de 1938 jusqu'à sa mort. Aujourd'hui c'est un musée, le musée Zervos consacré à l'art moderne. Seules la chambre de l'écrivain et quelques-unes de ses œuvres ont été conservées. Lorsque j'arrive à mon but en descendant la rue venant de la place de la basilique, photographiant au passage une maison avec tour surplombant le passage, le musée est en train d'ouvrir. Deux gardiens sont à l'entrée. L'un d'eux me demande quel est mon parcours et de quelle région je viens. "La Bretagne ! Ah, formidable, j'y vais justement fin août, pour jouer de la musique avec mon groupe, les Darons, à Paimpol !" Son étonnement est à l'égal du mien quand je lui dis que je viens justement de Paimpol ! Rendez-vous est pris sur le port pour fêter les Darons. Je repars, encore un peu troublé par une telle coïncidence. Mais depuis que je randonne, les rencontres avec des personnes connaissant Paimpol sont fréquentes, au-delà en tout cas de ce que je pouvais supposer. Tous les chemins mènent-ils à Paimpol ? C'est la question.

Presque en face du musée je vois une boulangerie, hésite à y rentrer pour acheter un sandwich, mais me renseigne un peu plus loin auprès d'un agent municipal qui vide les poubelles sur la possibilité de trouver quelque chose sur mon trajet pour mon repas du midi. "Non, vous ne trouverez rien, me répond-il, tout a fermé". Bon, voilà une nouvelle qui inaugure mal de la suite. Je retourne donc à la boulangerie et enfourne un sandwich dans mon sac.

Il est maintenant 10H30 et je mets en marche sur un chemin de terre juste à la sortie de Vézelay. Un couple de randonneurs est loin devant moi, des compostelliens sans doute, car rapidement je ne les vois plus, le Compostelle prenant un autre itinéraire. Vézelay s'étale en majesté sur ma gauche et reste visible jusqu'à mon arrivée au village de Saint-Père. Là, au détour d'une rue, un jardin est offert à la visite. Quelle belle initiative ! J'aimerais faire de même avec le mien. C'est un festival de roses et un arrangement digne des jardins anglais. Grand bruit soudain qui me tire brusquement de ma rêvasserie : un engin agricole tirant une remorque s'engage sur le chemin à vive allure. Je me jette sur le côté pour le laisser passer et croise le regard du conducteur, mi-indifférent, mi-désolé d'avoir effrayé le touriste... Peu après je me retrouve seul sur un chemin aux cailloux blancs, comme si mille Petits Poucets les avaient semés. Puis je tourne le dos à Vézelay en empruntant un sentier qui monte dans la forêt. Au débouché des bois, s'offre à moi un paysage avec des vignes. Un vigneron, perché sur un étroit tracteur bien différent de l'énorme engin de tout à l'heure, travaille ses vignes mais prend le temps de répondre à mon salut. Le tableau d'ensemble, avec vue sur les collines, les vignes et le chemin qui serpente, est enchanteur. Les vers de Rimbaud le dromomane, le poète randonneur, mis en musique et chantés par Robert Charlebois, me viennent alors en tête : " Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers, /Picoter par les blés, fouler l'herbe menue : /Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds. (...)" (Sensation, mars 1870).

Il est midi passé et j'arrive dans les faubourgs de Foissy-lès-Vézelay. Le village est désert et de nombreuses maisons sont fermées et semblent à l'abandon. Derrière l'église je trouve une table pour mon repas, que je prends assez vite car l'ombre des acacias est plutôt fraîche. Je me réchauffe en reprenant ma marche. Là, sur ma gauche, ce que je crois être un ancien pigeonnier ou un moulin à vent, beau reste d'une activité passée. Puis le GR monte sur un plateau d'où la vue porte loin. Un banc a été installé au bord du chemin pour admirer le paysage et je le trouve parfait pour y faire une petite sieste. Lorsque je me réveille, quelqu’un vient : une femme, vêtue d’une marinière, avec son chien. Je l’avais aperçue en bas, au village. Elle s'arrête à ma hauteur et me pose les questions usuelles : quel est mon parcours et de quelle région je viens. La Bretagne !? Cette réponse l'anime et dans un flot rapide de paroles m'explique que sa mère est de Saint-Malo, qu'elle y va souvent, qu'elle a besoin même d’y aller, qu'elle aime la Bretagne passionnément (d'où la marinière sûrement...). Oui, bien-sûr, elle connaît Paimpol et apprécie son marché ! Elle y a une amie et est venue faire du parapente à Plouézec ! L'image du site d'envol au-dessus de la Pointe de Kervor et la vue sur la baie me traversent un instant l'esprit. Me voilà revenu à la maison par la magie des rencontres !

Elle me propose qu’on randonne ensemble un petit peu pour me montrer deux ou trois choses. En chemin, toujours dans un flot de paroles pressées, me parle du Morvan, de ses habitants souvent peu communicatifs, des difficultés de cette région autrefois, quand il y avait de la neige tout l’hiver par exemple. Aujourd’hui la neige ne tient pas me dit-elle, mais les morvandeaux ont gardé cette habitude de se mettre à l’écart. Mais elle insiste, comme pour remettre un équilibre, sur l'attrait qu'a pu avoir Vézelay qui a accueilli tant d’artistes prestigieux (Picasso, Eluard, Le Corbusier, Jules Roy, Romain Rolland bien-sûr…) et qui reste un haut lieu de la culture. Elle enchaîne en s’inquiétant de savoir si en Bretagne on connaît le Morvan, car dans le Sud, tempête-t'elle, ils ne savent pas le situer et Vézelay même leur reste inconnue ! Je n'ose lui révéler que le Morvan n'est pas plus connu en Bretagne qu'ailleurs...

Nous longeons la Cure et empruntons un pont de pierre rénové il y a peu. Il date du 17e siècle m'apprend mon accompagnatrice, et il aurait servi de décor à une scène du film La grande vadrouille. Poupoune, son chien, de race Border Terrier, est le premier à s'y engager. Arrivés à un moulin en réfection, on se quitte et elle s’en retourne, Poupoune à ses basques (lui aurait-elle dit : "Viens Poupoune, viens!" ? Pardon pour mon impertinence, chère inconnue). Adieu donc à l'étrangère pas si étrangère que ça, qui disparaît déjà derrière les arbres, mais que je croiserai peut-être à Paimpol, au marché, Je suis sûr que je reconnaîtrai Poupoune !

Je continue donc seul, le long de la Cure, en sous-bois. Ensuite le GR grimpe et suit les bords d'une falaise, avec la Cure tout en bas. Le village de Cure, ma destination du jour, apparaît bientôt à travers les branches et je le découvre quelques enjambées plus loin du haut d’un piton rocheux qui domine la boucle de la Cure où le village est lové.

Il n’est que 15H lorsque j’arrive devant la maison d’hôte qui doit m'accueillir. Dans les échanges que j'ai eus avec la propriétaire, elle m'avait prévenu que je ne pourrai m'installer qu’à partir de 17H. Je cherche donc un endroit pour passer ces deux heures, abrité si possible car le temps se couvre. Je me dirige vers la mairie, espérant y trouver un préau ou un hall. Trois personnes en sortent et me voient. On se salue et j’explique que je voudrais me mettre quelque part en attendant d’être accueilli. « Eh bien, venez, je vais vous ouvrir la salle des fêtes » me dit alors la secrétaire de mairie qui faisait partie du trio ! Je la suis jusqu'à la porte d'une grande salle sous la mairie. Nous entrons et, en me montrant les tapis de sol pour la gymnastique, me dit : "Vous pourrez même faire la sieste". Je ne me fais pas prié et ai dormi presque une heure au milieu des ballons, altères et une sono.

17H sont arrivées et j’ai pu m’installer. Douche, puis repos et ensuite préparation de mon repas car ici ce service n'existe plus comme me l'a expliqué mon hôte qui a tenu cet ancien hôtel-restaurant plus de 60 ans !

Demain sera d’une autre teneur. L'étape sera longue par faute d'avoir trouvé un hébergement plus proche que celui retenu. Le Morvan ne se donne pas facilement. Mais au moins ma logeuse a accepté de me servir le petit-déjeuner à 7H30. Je pourrai donc me mettre en marche de bonne heure !

7H30. Je prends mon petit-déjeuner dans l'ancienne salle du restaurant. Je suis le seul convive au bout d'une rangée d'une dizaine de tables, parallèle à une autre rangée d'autant de tables. J'imagine ce qu'a pu être ce restaurant autrefois et de l'animation qu'il pouvait y régner. Aujourd'hui il reste comme un squelette de ce temps à travers lequel déambule ma logeuse. La voilà d'ailleurs, avec mon petit-déjeuner. Ce qui m'est servi est sommaire, sans fruit ni laitage, mais l'appétit est là et je me satisfais. J'avais demandé lors de la réservation un pique-nique, que mon hôtesse m'apporte, encore une fois sans fruit ou autre douceur. Je lui demande s'il y a un commerce sur mon trajet. Oui, il y a une épicerie à 17 km. Je pourrai donc compléter mon repas que je place dans mon sac. J'imagine déjà que je serai sans doute un peu épuisé et affamé, mais il faudra y arriver !

Il est maintenant 8H et je sors de la chambre d'hôte dans un matin radieux et frais qui illumine les bâtiments du village. Après avoir suivi peu de temps la Cure, le GR monte dans les bois par des ravines empierrées et encombrées de bois mort, puis je longe une réserve d'eau avant d'arriver au village désert de Saint-André-en-Morvan. Je n'y vois personne, n'entends aucun bruit, seulement celui de la fontaine qui coule au milieu de la place. L'église, ancienne, est épaulée sur de beaux contreforts à deux ressauts, et de son enclos on peut voir les superbes paysages de bocage de cette partie du Morvan.

Je dégringole maintenant en direction du lac du Crescent, qui est encore un grand réservoir d'eau potable grâce à un barrage hydro-électrique construit dans les années 1930 ; il régule les eaux de l'Yonne et de la Seine pour éviter les crues dans la capitale, ce qui est rassurant pour les futurs J.O. ! Dans le Morvan, l’eau est partout : rivières, étangs, lacs, ruisseaux ; elle est abondante, en plus de celle qui vient du ciel et qui a généreusement arrosé la région ces derniers temps si j’en crois les nombreuses mares qui garnissent les chemins, nécessitant contours et acrobaties !

Il est midi passé lorsque je franchis le pont de Queuzon au point sud du lac. Il me reste 3 km à faire pour arriver à Marigny-l'Eglise et trouver l'épicerie annoncée, mais c'est de la montée et je décide de laisser le GR pour la route. Grosse erreur car cette route est continuellement exposée au soleil qui tape assez fort aujourd'hui. La montée est pénible et il me faut attendre assez longtemps pour apercevoir le clocher du village, et en même temps pour voir ce qu'il me reste encore à parcourir après 5H de marche ! Heureusement, il y a cette fameuse épicerie au bout du chemin, et si je me sens un peu épuisé, je suis ragaillardi par l’idée de trouver bientôt repos et nourriture. J’entre dans le village ; l’épicerie-bar se tient au bout de la Grande rue, comme un point de mire. Arrivé devant, je trouve le tout très charmant mais m’étonne qu’il n’y ait aucun client à la terrasse. Je m’installe, et ne voyant personne venir, je tente d’entrer : fermé ! Une femme passant dans la rue m’informe que le mardi, c’est effectivement fermé ! Mes espoirs de bon repas s'envolent. Il me reste quand même mon sandwich et quelques barres énergétiques. Un calvaire en granit en face de l'église m'offre ses marches pour ce déjeuner que j'aurais souhaité plus copieux, car une longue route m'attend encore, au moins 4H de marche.

Je repars donc au bout d'une demi-heure, mais m’aperçois bientôt que j’ai oublié mes bâtons à l'épicerie ! Demi-tour. C'est un peu de fatigue en plus dans cette deuxième étape assez longue de 29 km. Vais-je tenir encore ces 4 h ? De retour sur le GR, mes efforts sont compensés par une traversée de beaux paysages qui ont tout d'une campagne anglaise avec ses haies délimitant champs et chemins. Cela me donne l'impression d'être dans un vaste jardin, impression qui se confirme bientôt car un bout du GR est transformé en jardin par un(e) passionné(e) de fleurs ! Un peu plus loin, c'est un ancien moulin restauré au curieux nom : le moulin Crottefou, suivi d'un pont en bois pour franchir la Cure et s'engager dans les bois.

A un carrefour, je fais le choix de prendre un PR qui longe la Cure en la remontant pour alléger un peu mon parcours qui est déjà de 23 km. Ce sera plat et plus direct, me dis-je, alors que le GR 13 passe par les collines. Oui, c’est plat par endroits, mais à d’autres, c’est une succession de roches à franchir, de petites montées ou de passages très boueux. A un moment ma jambe droite s’enfonce dans la boue presque jusqu’au genoux et je suis déséquilibré par le poids de mon sac à dos et tombe sur le côté. En me relevant, je m'aperçois que ma tête a frôlé une roche dans ma chute et que j’aurais pu être assommé. Je vois aussi mon doigt en sang, écorché. Un pansement s’impose, et également un nettoyage de mon pantalon maculé de boue. Remis de mes émotions, je repars pour encore une bonne heure de marche le long de cette berge, toujours aussi boueuse, où la progression reste difficile et lente. Je ne rencontre personne, pourtant j’aurais été comme rassuré que ça se passe : si j’avais été évanoui, on m’aurait trouvé ! Ce qui me rassure pour l’instant, c’est de voir que d’autres sont passés par ce chemin, on voit leurs traces, dont celles d’un VTT. Compte tenu des difficultés des passages, avec les roches, les racines et la boue, je me demande comment peut-on faire avec son vélo dans un endroit pareil ? En tout cas, moi, je ne m'y risquerais pas !

Le Vieux-Dun est un village bâti sur une arête et pour y arriver, depuis le Pont du Vieux-Dun où j'ai quitté le PR et sa berge boueuse, il me faut remonter le dénivelé dans le Bois de Barnelle. Le Vieux-Dun est ma destination du jour et je loge dans une auberge au nom enchanteur: "L'auberge ensoleillée". Le village est en fait un hameau mais on y trouve une boulangerie, ce qui est assez surprenant vu la rareté des commerces. A l’auberge, on m’accueille alors qu’on est fermé ! Je remercie encore la propriétaire de cette faveur, mais je ne suis pas le seul à en bénéficier puisque toute une équipe de L'INRAE (Institut National de la Recherche pour l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement) est également présente. Lors du repas, succulent et copieux, j'entends parler nature des sols, climat, mais aussi réunions de laboratoire et soutenances de thèses. Bon appétit chers collègues !

Il est temps maintenant de se reposer après 29 km parcourus, une douleur encore lancinante le long de la jambe gauche et la crainte d’un début d'ampoule sous un pied. La nuit devra être réparatrice si je veux pouvoir continuer dans de bonnes conditions demain.



5

Je démarre en douceur ce matin car la randonnée d’hier a laissé des traces et je n’ai que 20 km à faire aujourd’hui. Le temps est gris et la pluie est annoncée pour 11H. Au bout d’une heure de marche, je me sens bien et les efforts d’hier sont oubliés, ou presque. A un carrefour, le GR 13 monte droit dans la forêt. J’hésite et prends plutôt la route forestière qui a une pente plus douce. A quoi bon se faire mal ? Il faut privilégier le plaisir de marcher et non l’épreuve à tout prix. Arrivé au haut de la côte, je m’enfonce dans une forêt de résineux qui a tout de lugubre. Apercevoir le balisage rouge et blanc du GR a alors quelque chose de presque rassurant. Mais ce tapis de mousse devant lequel je passe, d'un vert lumineux, apporte une certaine douceur à cet environnement figé.

Je quitte encore le GR pour prendre un PR qui va me mener jusqu’à un dolmen, le dolmen Chevresse. Quel dolmen impressionnant qui rivalise avec nos dolmens bretons ! On reste toujours étonnés de la capacité qu’ont eue ces hommes d’un autre âge de soulever ces blocs et de les ajuster les uns aux autres. Mais il se pourrait qu'en fait ce soit un amas granitique qui a pris cette forme par l'érosion. En tout cas cet amas est considéré comme "une pierre de légende" qui attire encore aujourd'hui les nostalgiques du druidisme et autres cladistes dont j'apprends l'existence.

La pluie, qui avait déjà donné quelques gouttes, se fait soudain plus forte. Un jeune chêne m’offre un abri temporaire pour tirer mon vêtement de pluie du sac et couvrir celui-ci. Le temps de m’apprêter, et la pluie s’arrête, seules quelques gouttes tombant encore des arbres ! La température ayant baissé (nous sommes à 600 m d'altitude), d’être ainsi couvert a quand même son avantage pour continuer ma marche.

Midi approche et je voudrais arriver au village de Gouloux pour manger mon sandwich acheté ce matin à l’auberge avant de partir. Encore une bonne initiative, car depuis l’auberge je n’ai vu aucun village, aucun commerce. D’ailleurs, je n’ai vu personne sur le chemin, pas un randonneur - comme hier et avant-hier. J’ai l’impression d’être seul cette fois, contrairement aux précédentes randonnées itinérantes que j’ai pu faire où je rencontrais toujours des compagnons de route. Les rares commerçants avec lesquels j’ai pu échanger le remarquent également : peu de monde en mode touriste. Peut-être le mauvais temps, suggère-t’on ? Pourtant je chemine sur un GR qui ‘accueille’ plusieurs autres chemins : le Compostelle, le chemin d’Assise, la Via Magdalena, le Vézelay/Sainte-Baume. Mais ils semblent désertés. Parions sur les trois jours qui restent pour inverser cette tendance.

Juste avant Gouloux, le GR passe par un aménagement de grande qualité au Pont Dupin : passerelle et escalier en inox. Le randonneur doit quand même se frayer son chemin entre les pêcheurs et leur matériel au sol et les promeneurs venus profiter du lieu. Un peu plus loin, c’est une cascade impressionnante qui déverse une eau à la couleur marron dans un bassin qui s’évacue sous une autre passerelle. Il y avait là autrefois un moulin qui profitait de cette force et dont seulement subsistent quelques pans de murs.

A Gouloux, c’est l’enceinte de la mairie qui m’offre un banc où je peux déjeuner et me reposer. Ma présence, juste derrière un muret qui me cache, fait sursauter la secrétaire de mairie qui arrive pour l’après-midi.

Gouloux a son musée de la saboterie. Devant l’entrée se trouve cet attirail que j’ai vu plusieurs fois dans d’autres régions qui servait à ferrer les bêtes (les chevaux et les bœufs principalement), un travail à ferrer exactement. L’artiste a représenté la scène avec cette sculpture très réaliste qui permet de comprendre comment l’opération s’effectuait : l’animal était suspendu grâce à une large lanière de cuir (une ventrière) et ses pattes tenues en arrière. Beau patrimoine.

Remis en route, je croise un vieux chêne qui offre un magnifique support pour le balisage du GR. Non moins magnifiques sont ces rochers couverts de mousse d’un vert éclatant, où se mêlent parfois de drôles de champignons en fines lamelles grises marginées de blanc. Les gués sont fréquents et pas toujours faciles à franchir, comme les flaques au milieu du chemin, transformées en véritables piscines !

Enfin les Settons et son lac. J'y suis venu autrefois et en garde une tout autre image où il n'y avait aucune construction, celle d'un lac solitaire au milieu d'une forêt dense. La réalité n'est pas celle-là, et pour mon avantage d'ailleurs, car outre l'hôtel où je vais loger, je trouve une épicerie dans laquelle j'achète mon repas de soir. Il n'y a en effet pas de restaurant dans cet hôtel, en revanche je peux aller m'installer dès à présent (il est 17h) grâce à un code qu'on m'a fourni.

L’hôtel est au bord du lac. Sur la façade, une plaque sur laquelle est écrit : "Dans cette maison est mort le 16 août 1895 Jean-Martin Charcot". Quelle surprise ! Wikipédia m’apprend qu’il a été invité à visiter la région, en particulier Vézelay et les églises environnantes. Mais son insuffisance cardiaque a mis fin à l’excursion.

Jean-Martin Charcot était un célèbre neurologue exerçant à l'hôpital-hospice de la Salpêtrière. S'il doit sa célébrité à ses recherches sur différentes affections neurologiques, en fondant la neurologie moderne, à ses études sur l'hystérie et à sa réhabilitation de l'hypnose comme procédé médical d'exploration, on connaît encore aujourd'hui son nom par la sinistre "maladie de Charcot", maladie neurodégénérative qui ne trouve toujours pas de remède (sclérose latérale amyotrophique). Mais pour les gens du Goëlo, ce nom n'est pas non plus inconnu, car il existe dans diverses villes du territoire des rues du Commandant Charcot. A Paimpol, elle se trouve en direction de Kérity, passe à hauteur de l'hôpital, et est suivie par cette autre rue, celle du commandant Le Conniat. Ces deux hommes sont en effet liés par un drame, celui du naufrage du bateau Le Pourquoi pas ? au large de l'Islande le 16 septembre 1936. Revenant du Groenland où il avait livré du matériel à la mission de Paul-Emile Victor, le Pourquoi pas ? est pris dans une tempête après avoir quitté Reykjavik la veille et sombre corps et biens. Un seul survivant racontera l'événement, Eugène Gonidec, de Douarnenez. Guillaume-Joseph Le Conniat, qui commandait le navire, était né à Plouézec en 1884. Une rue lui est dédiée également dans cette commune, avec une plaque en céramique célébrant sa mémoire, en bien mauvais état ! Il est inhumé à Kérity. Quant au commandant Charcot, Jean-Baptiste de son prénom, médecin puis explorateur polaire, officier de marine, il était le fils de Jean-Martin Charcot, le célèbre neurologue.



6

Réveillé à 7H25 précisément, je descends pour prendre le petit-déjeuner mais trouve la porte vitrée menant au restaurant fermée. Je frappe, une ombre s’approche, on m’ouvre. Le personnage devant moi me fixe, apparemment peu heureux de me voir et lâche un mol "Bonjour". Eh oui, je suis venu trop tôt ! Je n’avais qu’a lire, me souligne-t-on, ce qu’il y a d’indiqué sur le porte-clé de la clé de ma chambre : petit-déjeuner à-partir-de-huit-heures ! Je dois revenir dans une demi-heure, quand ça sera prêt. Entendu, désolé, un peu confus. Je remonte, tout en scrutant mon porte-clé. Ah oui, c’est bien écrit là, en tout petit quand même…

A 8H, je suis devant la porte qui cette fois est ouverte. J’entre dans une première pièce qui mène au restaurant. Des coupes, des trophées sont présentés sur des étagères et plein d’autres objets que je n’ai pas le temps d’identifier, sauf - mais comment aurais-je pu faire autrement ? - une grosse moto toute rutilante. Je suis à peine remis de cette présence inattendue - moi qui ressentais un peu de solennité à l’idée de pénétrer, peut-être, dans la salle où Jean-Martin Charcot est mort et de boire mon café là où il à lui même petit-déjeuné ? - que je découvre dans la vaste salle du restaurant une dizaine au moins d’autres motos, tout aussi rutilantes et imposantes ! Le tenancier, que je nomme dans ma tête Guzzi, me désigne ma table. Je me sers en café et n’oublie pas de remplir mon tout petit Thermos (30 cl) mais suis interpellé par Guzzi : « Faut pas trop en mettre dans votre Thermos, y’en à d’autres qui vont arriver déjeuner ! » Bon. Mon Thermos n’est quand même pas un réservoir de moto !

La salle à manger donne sur le barrage du lac d'où je vois la cascade et entends même son bruit. Le petit-déjeuner est tout à fait correct, mais j'imagine avec un peu de malice qu’un motard se précipite et enfourche sa moto et part dans un bruit d’enfer par la porte-fenêtre ouverte, perturbant mon ingestion de madeleine, ou qu’un mécano en salopette tâchée de cambouis vienne exercer son art sur toute cette mécanique fièrement exposée et pose ses clés et chiffons sur ma table ! Rien de tout cela n'est arrivé, évidemment, sauf dans ma tête, et j'ai pu finir tranquillement.

Au moment de payer mon séjour, je demande à Guzzi si, entre Les Settons et ma prochaine étape, je vais trouver un commerce pour mon repas du midi. Haussement de sourcils de l’intéressé. « Pfff ! que des bois ! … vous ne trouverez que des bois et rien d’autre ! Allez plutôt à l’épicerie qui est un peu plus loin. » Ce que je fais dès ma sortie de l'hôtel, au cas où Guzzi aurait raison.

Il est temps de me remettre sur le GR maintenant. Le temps, justement, est à la pluie et à la grisaille. Après avoir traversé le chemin du barrage entièrement construit en granite, avec sa belle maison du garde, je longe le lac sur plusieurs kilomètres (13 km de périmètre). La brume le recouvre par endroits et cache l'autre rive. L'humidité règne partout dans ce sous-bois dans lequel je reste un bon moment, et je n'ai pas du tout envie d'appliquer la supplique de Lamartine dans son fameux poème "Le lac" : "Ô temps, suspends ton vol, et vous, heures propices, suspendez votre cours..." ! Non, je souhaite vivement passer à une autre séquence de ma randonnée.

Celle-ci arrive une demi-heure après, alors que le chemin s'ouvre enfin et que je vois là-bas une route. Mais tout à coup des éclats de voix et je comprends : « A gauche!». Puis je vois des coureurs cyclistes, maillots bleus, casques blancs, vélos noirs, passer en trombe juste devant moi et tourner effectivement sur la gauche à grande vitesse. Un peu plus loin, à un carrefour, une femme avec gilet jaune règle la circulation. Elle m’explique que c’est une course par équipe de 5 ou 6 coureurs, et qu’il y en a 300 au total. « Ce sont des belges, me dit-elle ». Ah bon ?! Je me demande pourquoi les belges ont-ils besoin de venir dans le Morvan pour s’affronter entre équipes ? Pour trouver des montées peut-être ? En attendant il en vient toutes les 5 mn et je dois me mettre sur le bas-côté pour les laisser passer, le GR empruntant la route sur un kilomètre à ce niveau.

Le GR s'enfonce maintenant de nouveau dans de sombres forêts et le cheminement me paraît long, long, mais Guzzi m'avait prévenu ! Oui, il peut il y avoir une sensation de solitude dans ces grands espaces boisés parcourus pendant des heures sans rencontrer quiconque, surtout dans ces forêts de grands arbres aux troncs noirs qui vous font vous sentir si petit. De plus la forêt semble désertée de ses animaux emblématiques : cerfs, biches, sangliers, renards, sans doute lynx puisque un spécimen a été vu près de Glux-en-Glenne, là où je me trouverai demain, et aussi loup dont la présence a été repérée depuis 2023. Mais combien d’yeux me scrutent ? Combien de museaux me sentent ? Combien d’oreilles se dressent à mon passage ? Tous sont sans doute tapis là, tout près, et je ne les vois pas.

Les cours d'eau sont en revanche très fréquents et il faut passer sur des gués. Parfois ils sont bien aménagés avec des blocs de granite, parfois ce sont des troncs enchevêtrés et glissants, et parfois il n'y a pas de gué du tout et il faut passer là où c'est possible... C'est le cas là où je me trouve, car il n'y a rien devant moi pour me permettre de passer et le niveau de l'eau est trop haut pour franchir ce cours d'eau. Il va falloir que je fasse marche arrière et que je trouve un autre itinéraire. Mais je vois sur le côté, un peu en aval, que des troncs ont été jetés entre les deux rives. Pas évident de passer là-dessus, mais je me lance, avec précaution et aidé de mes deux bâtons qui arrivent à me stabiliser sur ces troncs glissants. Je progresse presque centimètre par centimètre pour atteindre enfin la berge avec soulagement. La randonnée peut continuer.

Il est bientôt midi et j'arrive au village de La Chaise le bien nommé pour une pause. Je cherche la mairie pour me mettre à l'abri, mais pas de mairie. La Chaise est en fait un hameau rattaché à la commune de Planchez-en-Morvan. En revanche, il a un abri-bus. Ah ! que j'aime les abris-bus en randonnée. On est protégé de la pluie ou du soleil ou du vent ; on est un peu comme dans une cabane d'enfance quand c'est en bois comme celui où je me tiens, et on retourne aussi un peu en adolescence, car les abris-bus, c'est bien connu, sont des refuges pour nos jeunes qui y trouvent-là un domaine limitrophe entre foyer et extérieur (le collège, le lycée, la ville, la vie future...), bien à eux, occupé souvent en bande.

Pas de jeunes ce jour-là pour me disputer les trois places possibles sur le banc en bois à l'intérieur et je peux y déposer mon sac et sortir mon déjeuner. La pluie tombe toujours en fines gouttes et je me remets bientôt en route, après avoir quand même bu mon café prélevé avec modération chez Guzzi !

Le cheminement se fait encore une fois dans les bois et je passe du département de la Nièvre à celui de la Saône-et-Loire sans m'en apercevoir. Puis c'est une montée de près d'une heure dans un chemin caillouteux pour arriver au Montiant, à 787 m d'altitude. J'entre alors dans la forêt domaniale d'Anost qui fut un refuge pour le maquis Socrate.

Au quatrième jour de cette randonnée, je me sens mieux physiquement et le remarque car je suis moins essoufflé, ce que j'ai encore pu constater lors de cette montée, et j'ai moins de douleurs. Comme à chaque randonnée itinérante, il faut attendre le quatrième ou cinquième jour pour bénéficier de l’entraînement des jours précédents et passer un cap, parfois difficile à franchir et qui peut donner l'envie d'arrêter. Persévérons ! Persévérons ! Haut les coeurs !

Une trouée, enfin, et Anost s'annonce, comme avec ce panneau qui vente la production de sapins pour Noël. La vente de sapins est en effet une ressource importante de la région, pour Noël comme ici (29% de la production nationale) mais aussi pour l'export du bois. C’est pourquoi on trouve beaucoup de sapinières avec de jeunes sapins en pousse et aussi de nombreuse zones de coupe forestière. Le Morvan garde cette tradition de région d'exploitation forestière qu'elle a connue dans son histoire, avec le flottage du bois jusqu'à Paris dès le 16e siècle. Recouvert à 50% de son territoire par les forêts, le Morvan est bien cette "hauteur boisée, d'aspect sombre ou de grande étendue" que signifie son étymologie d'origine celtique.

J'arrive maintenant devant mon hôtel-restaurant avec sa petite terrasse en surplomb de la rue. L'intérieur est entièrement fait d'une boiserie sombre mais de laquelle se détachent tableaux, vieux instruments ou outils qui créent une ambiance plutôt sympathique. Ma chambre est au bout d'une coursive et j'aperçois des bâtons de randonneurs devant l'une des portes précédant la mienne. Je ne serais donc pas le seul ?! Je n'ai en effet toujours pas rencontré d'autres randonneurs comme moi en itinérance. J'ai bien croisé quelques randonneurs occasionnels et aperçu des compostelliens vite évanouis, mais aucun compagnon de route avec lequel discuter.

C'est dans la salle du restaurant, pour le repas du soir, que je rencontre deux randonneurs, des belges. Ils font le chemin d’Assise, et cette fois, depuis Vézelay, vont jusqu’à Turin. « Si Dieu veut, on repartira de Turin l’an prochain pour atteindre Assise » me dit l’un d’eux. Je remarque sa croix en bois pendue à son coup. Comme moi, ils constatent qu’il n’y a personne sur les chemins : je suis aussi leur premier autre randonneur. « Vous faites le chemin d’Assise ? » me demande le même, peut-être avec l’espoir que nous pourrions cheminer ensemble ? C’est ce que je crois percevoir. Non, pas de chemin d’Assise pour moi, ai-je répondu. Mais il se peut qu’on se croisent encore, car ce chemin se superpose à plusieurs reprises au GR 13 sur des distances parfois importantes. Sur cet échange je me retire dans ma chambre pour récupérer en force, l'étape de demain étant de 27 km avec du dénivelé l'après-midi.

a  
7

Le lendemain, au petit-déjeuner, je retrouve les deux marcheurs belges, mais ils ont presque fini et partent bientôt. Je ne sais pas si je les reverrai car ils auront pris de la distance.

Moi aussi je suis enfin prêt, mon repas du midi dans le sac et également celui du soir, que j’achète à l’épicerie, seul commerce du village. Là où je vais loger ce soir, il n’y a pas de repas. L’épicière compatit et confirme que la région manque vraiment de ressources hôtelières. Sortant de l’épicerie, je tombe sur deux jeunes randonneuses qui sont surprises de voir un autre randonneur. Elles aussi n’ont vu personne et je suis encore "leur premier". « Vous faites Assise, le Compostelle ? » Question presque rituelle sur ce trajet. Elles font le chemin d’Assise et je les informe que deux autres randonneurs le font aussi. Presque aussitôt elles se mettent en route pour les rattraper.

La sortie d'Anost se fait facilement et le GR suit la pente d'un coteau d'où l'on aperçoit assez longtemps le village au creux de la vallée. A Bussy, je reste un moment à admirer un jardin et reprends ma route pour gravir le Mont Athez (564 m d'altitude) et redescendre vers le hameau de Velée où je dois contourner une jolie chapelle, la chapelle Saint-Claire, dont la construction remonte au XIe siècle. C'est une étape du Chemin d'Assise.

Mon chemin se continue par la forêt sur un sentier bordé de ces fleurs bleues que je vois depuis presque le début de ma randonnée, des ancolies sans doute. Sur la commune de Roussillon-en-Morvan, j'aperçois par une trouée dans la haie d'un jardin de drôles de personnages figés. Ce sont quelques spécimens de l'oeuvre d'un sculpteur belge, Peter Meyer, des sculptures en acier. A l’entrée du village, un curieux bâtiment repeint à neuf il y a peu en blanc et bleu ciel attire mon attention. Je m’approche. Il y a des panneaux qui expliquent qu’ici des harkis et leurs familles ont été accueillis 1963 dans ces baraquements qui constituent un « hameau » et que les hommes étaient employés au travaux forestiers. Ils resteront jusqu’en 1966. Pour aller où ? Les panneaux ne l’expliquent pas. Le lieu, devenu Patrimoine Historique, a été inauguré l'an dernier.

Roussillon-en-Morvan a une vaste place centrale composée de deux places principales, celle de l’église et celle de la mairie. Aucun de ses 276 habitants (recension de 2021) ne les traverse en ce moment et les volets clos des grandes maisons qui sont devant moi donnent un air sinistre à l’ensemble. Roussillon-en-Morvan a tout du village mort, confirmé par son auberge fermée depuis des lustres et son absence de commerce. Sa gloire est passée, autrefois la commune la plus importante du canton.

Je mange mon repas encore une fois dans un abri-bus. Soudain une voiture arrive et stoppe à mon niveau. Le conducteur sort sa tête et me demande s’il y a un endroit où l’on peut manger ? Je suis presque désolé de lui dire qu’ici, il n’y a rien. Il s’en va aussi vite qu'il était apparu.

Remis en route, je dépasse l'une des cinq fontaines du village que je vois encore sur ma gauche, la fontaine Saint-Jean près du lieu-dit des "Grosses Têtes". Mais qui a pu écrire "RTL" après ce nom ?! On a de l'humour à Roussillon-en-Morvan, à défaut de restaurant...

Je poursuis en me dirigeant vers les gorges de la Canche en imaginant un parcours pittoresque au bord de l'eau. De l'eau, oui, il y en a, canalisée dans un énorme tuyau relié à la centrale électrique que je viens de dépasser et venant du barrage à 3 km plus haut. Un panneau m'apprend qu'il s'agit d'une "conduite forcée" longue de 415 m et de près d'1 m de diamètre. Il y a aussi celle de la Canche, qui passe là sous le tuyau et paraît assagie. Mais son cours change très vite un peu plus loin et devient bondissant, avec des cascades de plus en plus hautes et larges. Le GR est proche de la rivière, mais il faut sans cesse escalader des rochers glissants, en s'aidant parfois des racines qui s'y trouvent, et progresser par des passages étroits. L'effort est intense. Des panneaux disposés à intervalles réguliers avertissent les randonneurs que des lâchers d'eau peuvent se produire et qu'il faut éviter de se trouver sur la berge ou de stationner sur un îlot. Pas rassurant. L'atmosphère est humide et le soleil a du mal à percer au-dessus de ma tête car j'évolue entre deux hautes falaises avec à leur base des feuillus qui cachent le ciel. Il ne manque plus que les jaguars, les serpents et autres bestioles aussi sympathiques pour me croire en Amazonie !

Je sais en regardant ma carte qu'une route se trouve juste au-dessus, sur ma droite, mais impossible pour l'instant de la rejoindre et il me faut continuer dans ce parcours très difficile que je regrette un peu d'avoir emprunté alors qu'il existait une variante non balisée comme je le lis sur mon Topo-guide lors d'une pause. Pourquoi ne l'ai-je pas consulté hier soir ? Il m'indique aussi que les gorges de la Canche "sont fortement déconseillées pour les randonneurs non expérimentés"... mais que "le site est remarquable, ce qui compense largement les difficultés du parcours" ! Oui, j'en conviens, l'environnement est spectaculaire, mais aussi anxiogène et j'ai hâte de sortir de ces gorges. La route sera bientôt accessible en remontant sur la droite et j'aperçois bientôt les lisières en bois qui la bordent. D'autres ont dû avoir la même envie que moi de rejoindre cette route car leurs passages ont frayé un sentier que je peux facilement suivre. Ouf, me voilà sur le bitume. Je dépasse maintenant le barrage de la Canche et salue un pêcheur qui semble seul au monde au milieu d'un nulle part, sauf pour lui évidemment, puis je m'engage dans la forêt domaniale de Saint-Prix où est situé mon gîte, au nord de Glux-en-Glenne. Au détour d'un chemin, une stèle est érigée qui rappelle le crash d'un avion de la Royal Air Force le 14 novembre 1944. Selon les informations de l'époque, c'est la tempête de neige et de pluie qui sévissait ce jour-là qui aurait occasionnée l'accident. Il n'y eut aucun survivant. Ce qui me trouble, c'est que juste à côté se trouve un amas de ferraille. Seraient-ce les restes de l'avion découverts par l'ouverture d'une route forestière et d'un parking à quelques mètres ? Renseignements pris par la magie d'Internet auprès de Gilles Moreau, auteur d'un ouvrage où cet accident est relaté (Crashs d'avions en Saône-et-Loire : 1939-1945, Nouvelles éditions du Creusot, 2002), ce sont bien les débris du Liberator anglais qui sont là, découverts par lui-même à l'aide d'un détecteur à métaux, bien avant l'ouverture du parking pour les pompiers. Souvent, m'écrit-il dans son courriel, des passants en prennent un morceau en souvenir. Ceux qui restent sont bien trop encombrants pour en mettre un dans mon sac...

Après avoir traversé une nouvelle zone de coupe qui laisse la forêt dans un vrai chaos, j'aperçois la maison où je vais loger ce soir de l'autre côté d'un talweg (merci aux formateurs du CARP!). Il est 16H30 lorsque j'arrive à la porte. Des chiens m'accueillent de leurs abois et des chèvres batifolent dans un parc. Les propriétaires en élèvent, avec des moutons dont ils tissent la laine. La bergerie est à flanc de montagne et laisse voir un paysage sous un ciel chargé. Il fait frais ici, dehors comme dedans, et je comprends pourquoi mon hôtesse m'a "chaudement" recommandé d'utiliser la grosse couverture de laine pour passer la nuit ! Des chaussettes en plus, et le sommeil fut bon.


8

Sur le papier, je dois faire 34 km aujourd'hui, avec un fort dénivelé ce matin car je passe par le mont Beuvray (821 d'altitude).

Lorsque je sors du gîte à 8H, il fait toujours frais : 9° ! Il me faut rejoindre le GR qui est sur la crête par un chemin abrupt. Un chien esseulé tente de me suivre et je dois le rudoyer un peu pour qu'il s'en retourne. Je passe devant une maison où une dame, arrosoir à la main, m’interpelle pour me demander où va le chemin que j’emprunte. Je lui explique, mais le GR 13, ça ne lui dit rien ; elle, ce qu’elle veut, c’est savoir si son mari, qui ne peut pas beaucoup marcher, pourrait le prendre pour aller au village voisin... J'en doute et le lui dis. Puis je monte à travers bois, jusqu'à rejoindre le GR. Au croisement, une pancarte qui me replonge dans ma passion des mondes tolkieniens : le domaine de Fangorn est signalé à 7 mn à pied ! Fangorn, "arbre barbu" en sidarin, est cette forêt fictive située en Terre du Milieu et habitée par des arbres à barbes qui parlent... Autour de moi, c'est sûr, ils sont là, mais se taisent à mon passage.

Après être passé au col d'Anvers et avoir bénéficié d'une vue plongeante sur le pays, je redescends dans la vallée au piémont du mont Beuvray. Elle est large et bien éclairée au soleil de 10H. Nul bruit, un calme parfait dans ce hameau de l'Echenault. Au carrefour de deux routes goudronnées, un sentier est signalé par une multitude de balisages sur un poteau en bois, véritable oeuvre d'art pédestre. Que de randonneurs doivent passer par là pour accéder au site du mont Beuvray ! Mais avant d'y arriver, il me faut gravir son flanc nord et c'est long et difficile. Je passe la porte du Rebout, ancien passage des remparts qui entouraient le site de l'oppidum (ville fortifiée) de Bibracte, puis c'est le débouché sur le premier belvédère du mont où j'aperçois une structure en toile blanche qui recouvre un site archéologique. Ce sont des restes de la capitale d'un des peuples celtes les plus puissants de la Gaule, les Eduens. Ici, Vercingétorix fut proclamé chef de la coalition gauloise contre l'envahisseur romain au milieu du 1er siècle avant notre ère et mena le combat jusqu'au désastre d'Alésia. Dans sa Guerre des Gaules, César en donne une description précise. François Mitterand, autre César, proclama le lieu site national en 1985. Plusieurs sites archéologiques sont ouverts à la visite sur le mont, en plus d'un musée, et les fouilles se poursuivent. Je déambule entre eux et reste fasciné par la vue fantastique qu'on peut avoir des différents belvédères. On comprend pourquoi ce lieu a été choisi comme oppidum. La vue la plus spectaculaire se trouve lorsqu'on se tient derrière la stèle qui rend hommage à Jacques-Gabriel Bulliot, le découvreur de Bibracte au 19e siècle. J'y reste un bon moment, comme d'autres qui sont assis sur l'herbe, à contempler le paysage qui varie en lumière sous le ciel nuageux. Un lac - le lac de Rangère - fait comme un nombril à ce ventre vert et plat, avec la tête - le mont Preneley (855 m) - qui tutoie les nuages.

Mais le temps passe et je dois maintenant un peu me presser car je n'ai fait qu'un quart de mon étape et il est déjà 11H. Commence alors ma descente du mont. Elle me paraît interminable et sollicite fortement muscles et articulations des jambes. Les douleurs deviennent intenses au bout d'une heure de descente et je dois m'arrêter régulièrement. Enfin, j'arrive en bas et à la sortie des bois, un charmant hameau au bord de l’eau, un ancien moulin, s'offre à ma vue. Je suis maintenant sur la commune de Larochemillay qui sera mon lieu de pause pour mon déjeuner. Un peu plus loin, des chevaux galopent dans un champ à mon approche au bord d'un chemin au nom poétique, le "Chemin de Plantelune". Au fond, Larochemillay, avec son château de la Roche bâti sur un rocher qui culmine à 399 m.

Il est 13h passées lorsque j'entre sur la place face à l'église. Il pleut, et le seul endroit où je peux m'abriter est le porche de cet église, un peu étroit mais suffisant pour ne plus recevoir la pluie. Comme les passants et mendiants d'autrefois, je bénéficie de ce lieu d'accueil qui préparait à l'entrée dans l'édifice et émerveillait déjà le fidèle. Des cyclistes sont installés à la terrasse d'un restaurant de l'autre côté de la place et s'abritent sous des parasols devenus parapluies !

Alors que je finissais mon sandwich, arrive une jeune randonneuse cherchant un endroit au sec pour déjeuner. Je lui fais de la place sur le seuil et nous discutons randonnée tout en mangeant et en nous protégeant de la pluie autant que possible. Elle fait le Tour du Morvan en itinérance et camping. Nous partageons le même constat de la rareté des commerces de bouche et des randonneurs. Elle n'en a pas rencontré un seul elle non plus. J'observe qu'elle a un équipement de qualité, avec des marques de prestige. Elle me dit s'entrainer avant de partir faire une randonnée en haute montagne avec son ami, en attendant de trouver un autre petit boulot. Sa vie est celle-là, de petits boulots en petits boulots, mais elle espère faire bientôt une formation d'auxiliaire de vie. Pour l'instant, elle marche, ça l'aide à réfléchir à son avenir.

Je pars le premier et reprends le GR. Il me reste 12 km à faire pour arriver à Luzy, terme de mon étape et de ma randonnée. Sur le chemin j'aperçois très souvent un papillon jaune et noir que je n'ai jamais vu auparavant. Le site Trombinature m'indique qu'il s'agit d'une Panthère (Pseudopanthera maculerai) à l'imago jaune clair à jaune orangé, parsemé de taches foncées. Hier les jaguars, aujourd'hui les panthères !

L'environnement change sur ce dernier tronçon et je retrouve le bocage et un aspect plus souriant du Morvan.

Oh, surprise ! un drapeau breton flotte dans le paysage au milieu de nulle part, ou presque, dans un jardin d'une maison à l'écart du village de Millay. Demi-surprise en fait, car ce n'est pas la première fois que je vois ce type de revendication régionale bretonne au cours de mes randonnées et je m'attends toujours à en revoir d'autres. L'exil donne une force presque de survie pour dire d'où l'on vient quand on reste nostalgique de son origine. C'est le cas des bretons, assurément. Mais dans l'histoire, cette nostalgie des bretons, et des bretonnes en particulier lorsqu'elles devenaient bonnes-à-tout-faire à Paris, pouvait mener à la sinistrose ou à l'aliénation. Le psychiatre Louis Le Guillant, originaire de Lorient, a révélé le phénomène, concernant les bonnes, dans une étude magistrale parue en 1963 dans la revue L'Evolution psychiatrique. Il avait en effet constaté qu'un pourcentage important des patientes de son service à l'hôpital psychiatrique de Villejuif était constitué de bonnes, notamment d'origine bretonne. Placées dans des situations de domination et souvent d'humiliation, acculturées car dans un monde social et culturel autre, les décompensations en troubles mentaux en menaient beaucoup en placement d'office. La nostalgie peut être dangereuse, n'est-ce pas ! A l'origine, la nostalgie, ce "mal du pays", ce "désir de retour" qui devient douleur a été décrit comme une affection touchant les mercenaires suisses au service de Louis XIV et pouvait tourner à la langueur et à la mélancolie profonde. Ici, en Morvan, dresser le Gwen ha Du revient sûrement à afficher une fierté et à signaler une particularité, mais c'est peut-être aussi une manière de combattre une nostalgie trop envahissante ? Je remarque encore que ce drapeau "pique du nez" tout de même... Jusqu'à tomber ?

J'approche maintenant de Luzy et je dois emprunter un chemin qui est un peu boueux et qui au fur et à mesure devient très, très boueux ! Je m'enfonce à plusieurs reprises et trouve difficilement des passages. Si d'habitude ce genre de difficulté ne dure pas trop longtemps, là, ça dure sur 1 km au moins. Exténuant. L’enfer d’un chemin boueux comme dernière épreuve, je ne m'y attendais pas.

C'est tout crotté que j'arrive dans les faubourgs de Luzy. L'hôtel-restaurant où j'ai réservé est près de la gare et c'était le seul disponible : un trois étoiles ! Devant l'entrée je me demande si on ne va pas me faire passer par l'arrière pour y entrer et éviter que je salisse la moquette moelleuse que j'aperçois. Mais non, je peux pénétrer dans l'hôtel et gagner ma chambre. Ils doivent avoir l'habitude des randonneurs, ou alors ils n'ont pas vu mes chaussures et mon pantalon encore recouverts de boue !

C'est lavé, changé, reposé que je prends un repas gastronomique de haut vol dans une salle de restaurant feutrée et à la lumière tamisée donnant sur un jardin japonisant. Ça me change des sandwichs et des repas froids. Et puis, il faut bien fêter la fin, et surtout la réussite, de cette randonnée ! Retour demain, en train, à mon point de départ.


9

Je suis seul à prendre mon petit-déjeuner dans la salle à manger de l'hôtel-restaurant aussi tôt. Il est en effet 7H30 et mon train part à 8H15. Je me presse car il faut une vingtaine de minutes pour arriver à la gare. Hop, me voilà une nouvelle fois avec mon sac sur le dos.

La petite gare de Luzy a le charme des gares d'autrefois, et il est heureux qu'il y ait encore un arrêt à Luzy. En attendant mon train, je remarque un repère de nivellement à la base du bâtiment de la gare. C'est l'un des 40 000 repères qui existent partout en France et qui indiquent l'altitude par rapport au niveau zéro du niveau de la mer dans le port de Marseille enregistré à la fin du 19e siècle. Je n'aurais jamais porté attention à ce type d'élément sans ma formation au CARP (Certificat d'Animateur de Randonnée de Proximité). Merci encore à mes formateurs et au Mémento du module de base, version 2012, édité par la Fédération Française de Randonnée Pédestre, pour le recueil de cette information !

Voilà, mon train arrive, à l'heure exacte. Après deux changements et un grand détour par Dijon et Laroche-Migenne, soit 7h, je suis en gare de Sermizelles. Mais mon retour n'est pas encore fini car le camping d'Asquins se trouve à 12 km. Il va falloir que je les fasse en marchant, ou peut-être puis-je me faire véhiculer ? Autour de moi, des randonneurs partent pour le Chemin de Compostelle et le Chemin d'Assise, mais aussi des voyageurs qui sont attendus pour qu'on les emmène. Je demande au conducteur d'une première voiture s'il va à Asquins, mais non. Plus de chance avec le deuxième. Oui, elle va à Asquins et est venue chercher son amie qui débute sa randonnée sur le Compostelle seulement demain. Nous voilà donc en route et parlons randonnée, climat, régions..., et, presque sans surprise pour moi, ces deux amies me disent qu'elles connaissent Paimpol pour y être venues randonner. Paimpol, centre du monde ? C'est à croire !

Je retrouve mon fourgon à sa place. Il n'a donc pas été besoin de le déplacer pour échapper à une crue. Cap maintenant sur la Bretagne, avec une étape quand même, quelque part mais je ne sais pas encore où, avec dans la tête toutes les images et sensations qu'apporte une randonnée. L'itinérance continue !