Carnet de voyage

Londres Avril 2022

31 étapes
10 commentaires
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Enfin!
Du 4 au 17 avril 2022
2 semaines
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Enfin, c'est parti... ou presque ! Après avoir vérifié 72 fois que j'avais le bon nombre de chaussettes et de caleçons (je pars pour 14 jours tout de même), mon ordinateur et ses câbles, mes oreillettes.... Et bien je vais donner mes clés Simonette pour qu'Alain puisse nourrir Ludwig. Les vacances commencent. Je descend dans le métro. Je n'avais vérifié que 5 fois si j'avais ma carte MOBIB (et l'Oyster), mais toit est OK et donc je descend sur le quai.

Et là, je me sens bizarre, différent de tous mes coreligionnaires stibaux.

En fait, je suis le seul sans masque. Putain, faut un masque dans le métro. Décidant d'affronter l'adversité sans frémir, je remonte chez Simonette reprendre mes clés. Il pleut... Mon chat fait semblant d'être content de me revoir si vite. Je prends trois masques. Je redescends. Il pleut toujours. Je redonne mes clés à Simonette, qui semble être plus sincère que mon chat et me revoilà sur le quai. Dûment masqué.


Et un échantillonnage du métro bruxellois, du plus moderne au plus ancien.

Je ne reconnais rien au terminal Eurostar. Ils ont tout changé. Contrôleurs de métaux qui sonnent parce que j'ai 50 cents dans la poche. Et on rentre alors dans un magasin!!! Tax free grâce au Brésil, mais où est mon estaminet où je bois mon café avec délectation depuis 20 ans. Disparu...


Du coup, je suis trop tôt ! Alain, ne ris pas!!! Toi tu sortirais à peine de ta douche 🤣.

Et puis enfin...


On roule !!!

... enfin bye bye Brussels.

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Cela faisait deux ans et quelques mois que je n'avais plus mis les pieds ici. Émotion. Plus que je.ne le croyais.

St Pancras. La circle line... Mind the gap. Putain que ça m'a manqué.

Le changement à Edgware Road (la station de métro la plus imprononçable de l'univers ... et ses putains d'escaliers).

Et puis l'arrivée à la maison. Ceux qui sont déjà venus à Londres avec moi reconnaîtrons... D'abord le "garage"

Puis un message particulier à Alain: "Putain, ils ont volé le banc."

Et la maison...

Cette fois, c'est vraiment parti.

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En fait ce spectacle, c'est à priori tout ce que je déteste. Pas de vraie chanson, un public surexcité qui hurle à la moindre référence au film, connaissant certaines répliques par cœur. Sans oublier des gags lourds comme des camions, de la video omniprésente,...

Enfin, ce n'est pas pour rien que je l'avais programmé le premier soir. Comme cela c'était fait. Y avait plus qu'à le classer dans mon étagère de musicals sur la planche des "Je déteste."

Et bien, c'est tout le contraire. Bien sûr, il n'y a aucun tube musical - à part quelques notes génériques issues du film - mais on s'en fout car ils ont été au bout de leur folie. Mais il ne s'agit pas ici d'une folie banale, pas d'une folie bordélique ou anarchique. Non, tout est construit, pensé. C'est encore plus décalé que The Producers. La technologie est omniprésente mais se fait oublier, fusionne avec le reste.

Ce qu'ils arrivent à recréer - ce qui n'est pas le cas selon moi dans The Producers - c'est l'atmosphère d'une époque. Enfin de deux époques: 1985 et 1955. Et on ressent à quel point elle étaient caractérisées par une certaine insouciance. On croyait que le monde de demain serait meilleur que celui d'aujourd'hui - le mythe du progrès était encore en vie. On n'imaginait pas, ailleurs que sur grand-écran, que les jours de la planète étaient comptés. C'est sans doute cela qui rend ce musical si généreux.

Une des grandes différences est sans doute aussi que, même si le film est américain, le musical est né en Angleterre. Et cela se ressent à de nombreux endroits, et sans doute dans l'humour déjanté.

Ce qui est le plus étonnant, c'est qu'ils cassent bon nombre de codes et en premier, le quatrième mur. A de nombreuses reprises, le Doc (joué par le sublime Roger Bart) tel un clown dans un cirque va chercher les rires ou les applaudissements en regardant le public. S'il ne les obtient pas de suite, il va les chercher en avançant vers le public. Il remercie s'il obtient sa claque. Cela crée une complicité, une unicité salle-scène et comme on est là pour la célébration d'une histoire que tout le monde connait, ça fonctionne à fond.

La scénographie est évidemment très très impressionnante. Les lieux s'enchainent: le laboratoire du Doc, la maison de Marty en 1985, le bâtiment à l'horloge, ... Mais le plus impressionnant, ce sont évidemment les scènes avec la DeLorean. Grâce à la vidéos (tout le fond de scène) on croit vraiment que la voiture roule, accélère, tourne, dérape, ...

Quand je disais qu'il n'y avait pas de vraie nouvelle chanson, il y en a quand-même une qui comme un OVNI au milieu de cette folie retient notre attention:


Objectivement, il y avait pire pour commencer ce long voyage de 14 jours.

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Waow...

Qu'est-ce qui caractérise le visage de tous ces enfants?

Il est onze heure du matin et ils attendent de voir Hamlet de Shakespeare. Pour la plupart c'est leur premier Shakespeare. Ou même leur premier théâtre.

Comment jouer un Hamlet, fût-il raccourci, devant des enfants de 6 à 12 ans? C'est complètement dingue de par le sujet même. C'est quand même l'histoire d'un jeune gars dont le père a été assassiné. Sa mère, devenue veuve, épouse l'oncle d'Hamlet dans les deux mois! Cet oncle qui est l'assassin de son père et devient donc son beau-père. Il s'empare aussi de la couronne. A ce stade, Freud est au bord de la crise cardiaque... Mais ce n'est pas fini. Les amis d'enfance d'Hamlet, Rosencrantz et Guildenstern meurent aussi. Enfin tout le monde de meurt, y compris Hamlet et sa mère. Pas mal, la problématique à aborder avec des enfants de 6 ans.

Mais c'est fait avec une intelligence rare. C'est fou d'entendre le monologue "To be or not to be" devant une telle salle dans un tel silence. Le tout est bombardé dans une époque pseudo-contemporaine, avec de la musique et ... Certains personnages ont changé de sexe: Laërte, le frère d'Ophélie, est ici une fille. Rosencrantz et Guildenstern ne sont pas deux hommes, mais un homme et une femme. Un vrai petit bijou...

La diversité sur le plateau est aussi top...

Claudius (Vedi Royet) et Hamlet (Kiren Kebaili-Dwyer)
Rosencrantz (Efé Agwele) et Ophélie (Jessica Alade) 

Aurions-nous quelque chose à apprendre? Est-il par exemple imaginable de choisir une Ophélie comme ci-dessus chez nous? Oui, nous avons quelque chose à apprendre. Surtout que choisir des gens "de la diversité" comme nous le disons n'a plus aucune signification dramaturgique ici. Personne ne va dire que l'on a choisi un Cyrano de Bergerac noir parce cela veut dire que... Non, on a simplement choisi le meilleur. Et c'est peut-être que cela que la "diversité" dans la salle est aussi toute différente. Ne reprenons pas ici le débat entre Martin Luther King et Malcolm X.

Quoi qu'il en soit, oui, définitivement, nous avons quelque chose à apprendre.

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Mon premier plein air de l'année, et mon deuxième Shakespeare de la journée dans ce lieu magique qu'est le Globe. Il fête cette année ses 25 ans! Déjà.

On est ici évidemment à l'opposé absolu du Shakespeare de ce matin ou du Back to the future d'hier. Ici on est dans l'hommage absolu à la tradition shakespearienne. Pas de projecteur, pas de musique enregistrée, pas de micro (même en plein air), pas de vidéo, pas d'effets spéciaux. L'acteur, l'acteur, l'acteur... Et Shakespeare.

Cela n'empêche pas un spectacle de très haute tenue...

Lady MacBeth (Hannah Azuonye) 
Sorcière (Francesca Amewudah-Rivers) 
 MacBeth (Fiston Barek)

On pourrait refaire le même discours sur la diversité. Mais deux fois le même jour! Et pourtant...

L'actrice debout à gauche, a un seul bras. Et une fois encore, cela passe ici totalement dans la normalité du "nous sommes tous différents". Et cette actrice jour beaucoup: A Chorus Line, West Side Story, Treasure Island, As You Like It (National Theatre), Spring Awakening, ...

Par contre, le plein air et mon anglais shakespearien s'accordent difficilement. Je comprends une phrase sur deux. Mais je connais l'histoire donc...

Prenons un peu de repos car le spectacle suivant dure 3h40 avec deux entractes... Enfin le Soulier de Satin au National quand j'étais jeune, c'étais 13h et trois entractes.

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Photo de vacances 

Non, nous ne sommes pas à la mer, mais en face du Gabriel's Warf, il y a la Thames Beach ou les enfant font des châteaux de sable. Ils ne vont pas se baigner dans les vagues, mais quand même...

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En route vers un spectacle de 3h40. Cela ne me fait pas peur et, en fait, j'aime plutôt assez. Je me retrouve aussi dans la même salle que ce matin pour Hamlet. Ma moyenne d'âge est passée de 7 ans à 26 ans. Je suis toujours dans les plus vieux. Pfffff....

Le concept du spectacle est plutôt chouette. Il est du à Alecky Blythe, l'auteure qui avait déjà signé ce sublime London Road qui était né dans cette même salle (même si c'était avant les travaux et s'appelait encore le Cottesloe Theatre) avant d'être transféré à l'Olivier Theatre, de faire le tour du monde et d'être transformé en film.

Comme London Road, Il s'agit de VERBATIM THEATRE (ou "Théâtre documentaire" ou "Théâtre d'investigation". Pour ce spectacle, Alecky Blythe a décidé de suivre pendant cinq année l'adolescence de 12 jeunes anglais, issus de 6 villes ou régions: South London, Belfast, Cambridgeshire, Gamsgow, Ecosse, Birmingham. Dans chaque ville, les 2 jeunes choisis fréquentaient la même école. Alecky Blythe a aussi choisi 5 collecteurs qui chaque mois pendant ces cinq ans (devenus 6 à cause du COVID) interviewaient (en les enregistrant) les enfants-adolescents, et leurs parents et amis: 656h et 19 minutes d'enregistrement.

Voilà pour le texte. Ce sont des jeunes acteurs qui incarnent ces 12 jeunes - et leurs amis et proches - accompagnés de trois acteurs adultes, enfin plus adultes que les 12 autres - incarnant parents, grands-parents, professeurs ... . Ils ont répété en écoutant les enregistrements. Ils sont là simplement pour les reproduire, de manière documentaire.

Ces 656h d'enregistrement se sont transformées en 212 scènes et un spectacle de 3h40. Tellement vrai, tellement touchant. On rit, on est émus. on les suit. On espère qu'ils vont réussir leurs examen. Qu'ils vont oser dire je t'aime. Qu'ils vont oublier leurs physiques parfois disgracieux au sens de la norme. Ici encore, l'un des comédiens n'a pas de jambes et il descend de son fauteuil roulant pour danser, à même le plateau, comme les autres. Pas une allusion à son "handicap physique".

Comme nous le dit le programme: "Nous avons tous été adolescents. Nous connaissons tous des adolescents. Et, souvent, nous jugeons ces adolescents. En fait, nous l'avons toujours fait." Le programme cite un poète: "Je ne vois aucun espoir pour l’avenir de notre peuple s’il dépend de la jeunesse frivole d’aujourd’hui. Car il est certain que tous les jeunes sont totalement imprudents. Quand nous étions enfants, on nous a appris à être discrets et respectueux des aînés, mais les jeunes actuels sont totalement différents et impatients sans retenue." Qui est ce poète? Hésiode au 8ème siècle avant JC. Juste pour le fun, quatre siècles plus tard, l’estimé Platon, a rejoint le chœur de la critique en s’exclamant: "Qu’arrive-t-il à nos jeunes? Ils manquent de respect à leurs aînés, ils désobéissent à leurs parents. Ils ignorent la loi. Ils se révoltent dans les rues, enflammés d’idées folles. Leur morale est en décomposition. Que vont-ils devenir?"

Ce "spectacle verbatim" donne la parole de manière magnifique à la génération actuelle, dont on ne sait s'il y aura encor une planète en vie quand ils seront vieux, qui ont traversé le COVID, ... Les premiers mots de la pièce sont "Hello world". Les derniers sont "Goodbye world". Ce n'est pas pessimiste, non. C'est simplement adieux à l'adolescence, à leurs copains de classe, ... Ils sont prononcés par cette magnifique comédienne et ils proviennent d'une retranscription des mots d'une adolescente que l'on aimerait rencontrer...

Rachelle Diedericks qui joue Ierum 

Il y a des spectacles qui laissent des traces. Our Generation est de ceux-là. Et je ne suis certainement pas le seul car l'ovation à la fin du spectacle était tout sauf une salve d'applaudissement. Il s'agissait bien plus d'un hurlement de plaisir collectif.

Allez, et pour finir, le teaser pour que ma mémoire visuelle n'oublie pas ces magnifiques comédiens.

Et cette fois c'est fini avec le Dorfman Theatre... Enfin pour cette fois-ci.

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Après les 3 spectacles de théâtre d'hier, on passe à autre chose aujourd'hui avec 2 blockbusters musicaux: Dear Evan Hansen et Cinderella.

Dear Evan Hansen, disons-le tout de suite est une bombe. Une bombe atomique.

A la différence de Back to the future d'avant-hier, il n'y a pas une phrase musicale qui ne soit pas magique, qui ne résonne au fond de chaque spectateur. Il n'y a rien qui soit laissé au hasard: quand la tension monte, quand les émotions sont prêtes à éclater, nous, les spectateurs, sommes soulagés d'entendre la musique naître, car elle élargit notre univers émotionnel, nous permettant de ressentir des choses beaucoup plus intenses, ce que nous ne croyons pas possible, et ce dans la communion salle-scène.

L'histoire s'intéresse à un jeune gars de 17 ans atteint de phobie sociale. Il a peur de tout, et surtout des autres. Il s'enferme dans sa bulle. Il a tellement peu de paraître qu'il préfère disparaitre. Sa mère est une infirmière surchargée de travail. Elle aime profondément et sincèrement son fils mais ne peut s'en occuper comme elle le voudrait. Il est le plu souvent seul. Son psy, outre quelques pilules, lui conseille de s'écrire des lettres à lui-même pour renforcer sa confiance, d'où le "Dear Evan Hansen". Une de ces lettres va être lue alors qu'elle devrait rester secrète. Connor, un des gars qui le harcelait va mourir d'une overdose - volontaire - et la lettre va permettre de croire qu'ils étaient amis. Ce mensonge involontaire va propulser Evan sur le devant de la scène. Il va exister mais à travers un mensonge, et surtout à travers les réseaux sociaux.

Connor et Evan

L'idée du spectacle est venue aux deux jeunes auteurs en découvrant un fait-divers: la mort par overdose d’un jeune étudiant anonyme. Mais, après son décès, la communauté étudiante s’est fortement rapprochée de lui, l’a sortie de l’anonymat. Très nombreux furent ceux qui se sont revendiqués avoir été son meilleur ami et de se demander comment ils allaient pouvoir vivre sans lui. Cette question a été posée par des centaines de jeunes sur les réseaux sociaux alors qu'il ne le connaissaient pas ou virtuellement pas.

Ce musical est une ode à la résilience car Evan va avouer son mensonge pour se reconstruire et adopter une "pensée positive". Attention pas de morale à deux balles. Cela ne finit pas totalement bien...

Mais Dear Evan Hansen aborde aussi de nombreuses questions de notre société contemporaine surtout ceux d'une jeunesse depuis en plus isolée de par le réseaux sociaux:

I TRY TO SPEAK BUT NOBODY CAN HEAR / SO I WAIT AROUND FOR AN ANSWER TO APPEAR / WHILE I’M WATCH-WATCH-WATCHIN’ PEOPLE PASS / WAVING THROUGH A WINDOW / OH / CAN ANYBODY SEE? IS ANYBODY WAVING BACK AT ME?

Alors bien sûr, avec sa nouvelle notoriété il va obtenir temporairement une reconnaissance, mais une reconnaissance virtuelle comme ce nouveau monde que la quatrième révolution industrielle nous a inventé. Mais ce mensonge et cette existence virtuelle vont être comme un être momentané. Il existe enfin... Enfin, c'est ce qu'il croit.

Even when the dark comes crashing through / When you need a friend to carry you / And when you're broken on the ground / You will be found / So let the sun come streaming in / 'Cause you'll reach up and you'll rise again / Lift your head and look around / You will be found / You will be found

On y parle aussi de suicide (Connor et Eavn), de familles riches et pauvres, de relations parents-enfants... Enfin on y parle tellement bien de la vie d'aujourd'hui. Rien n'est simpliste dans Dear Evan Hansen, car même s'il démarre enfin dans la vie, son amour pour Zoé ne survivra pas au mensonge.

Juste pour s'en souvenir la lettre du début qu'Evan s'écrit à lui-même et qui est interprétée comme une lettre à Connor:

"Dear Evan Hansen:

It turns out, this wasn't an amazing day after all. This isn't going to be an amazing week or an amazing year. Because… why would it be?

Oh, I know. Because there’s Zoe. And all my hope is pinned on Zoe. Who I don’t even know, and doesn’t know me. But maybe if I did. Maybe if I could just talk to her, then maybe… maybe nothing would be different at all.

I wish that everything was different. I wish I was part of… something. I wish that anything I said… mattered, to anyone. I mean, face it: Would anyone notice if I just disappeared tomorrow?

Sincerely, your best and most dearest friend,

Me."

Et celle de la fin, du nouvel Evan, plein de résilience...

"Dear Evan Hansen:

Today is going to be a good day and here’s why. Because today, no matter what else, today at least… you’re you. No hiding, no lying. Just… you. And that’s… that’s enough.

Maybe someday, everything that happened… maybe it will all feel like a distant memory.

Maybe someday no one will even remember about The Connor Project. Or me. Maybe someday, some other kid is going to be standing here, staring out at the trees, feeling so… alone, wondering if maybe the world might look different from all the way up there. Better. Maybe he’ll start climbing, one branch at a time, and he’ll keep going, even when it seems like he can’t find another foothold. Even when it feels… hopeless. Like everything is telling him to let go. This time, maybe this time, he won’t let go. He’ll just… hold on and he’ll keep going.

He’ll keep going until he sees the sun.

Me"

La musique, le niveau de chant, l'histoire, tout nous emporte. Un choc. Et une fois de plus, incroyable que cela sorte de si jeunes auteurs...

Et quand on va boire un café pour se remettre de cet éprouvant musical et qu'à la table à côté il y a une famille dont le père et les deux enfants sont sur leurs GSM avec la mère qui regarde fixement et longuement par la fenêtre, on a envie de leur dire: "Parlez-vous... S'il vous plait, parlez-vous".

Une chose est sûre, ce n'est pas la dernière fois que je vais voir Dear Evan Hansen.

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Deuxième énorme surprise de la journée. Quand on s'attend à aller voir un "Cendrillon" version Andrew Lloyd Webber, on ne s'attend pas du tout, mais pas du tout à ce spectacle là. Et une fois encore, cela fait du bien.

On a ici une Cinderella en Doc Martens, qui tague des statues à la bombe! Depuis Legally Blonde, je n'avais plus éclaté de rire si vite dans un musical.

Le tableau est planté. On est immédiatement plongé dans une caricature de conte de fées... Belleville est une ville totalement pittoresque car elle est peuplée exclusivement d'habitants physiquement magnifiques qui ne reculent devant rien pour atteindre la perfection. Des hommes musclés côtoient des femmes aux lignes parfaites. Mais l'entretien de cette façade est un travail à plein temps, et qui est pris très au sérieux.

La seule personne qui refuse fermement de vivre dans le conte de fées est Cinderella, grande gueule, plus susceptible de rôtir Hansel et Gretel pour le dîner que de jouer la femme de chambre sage et opprimée. Cendrillon cherche désespérément à s'échapper de ce monde idéalisé. Mais être la paria de Belleville l'enferme dans une solitude qui lui pèse.

A gauche Carrie Hope Fletcher (Cinderella) - A droite Gloria Onitiri (Godmother)  

En fait, elle n'a qu'un seul ami, le prince Sébastien. Mais malheureusement, ce dernier s'est soudainement vu bombardé héritier du trône après la mystérieuse disparition de son frère aîné, le "Prince charmant", un dieu du sexe au charisme sans limite. Soudainement propulsé sous les projecteurs, Sebastian, autrefois timide et, il faut le dire, un peu moins bombe sexuelle que son frère, doit tenter de se faire une place à la cour et doit aussi oublier son amitié pour Cinderella. Mais cette décision imposée introduit une petite étincelle dans leur relation modifiée, dont ni l'un ni l'autre ne sait trop quoi faire. Se pourrait-il que ces deux vieux amis signifient plus l'un pour l'autre qu'ils ne veulent le laisser croire?

Après un scandale provoqué par Cinderella, la Reine décide qu'une seule chose pourra sauver la ville: un grand mariage royal. Sébastien va donc devoir se marier.

Et tout le monde veut épouser le Prince. Bien sûr pas pour lui, mais pour son titre. Une lutte sans pitié va se dérouler entre les deux sœurs de Cinderella. Mais dans une scène hilarantes - et une chanson totalement délirante; "I know you" - la mère des deux filles va rencontrer la Reine dans le but de la faire chanter si l'une de ses filles n'est pas choisie. Elle lui rappelle que la Reine a débuter dans des endroits louches de Pigalle. La Reine lui renvoie la pareille: la mère des deux filles a eu un début de vie en pleine débauche.

 A droite, la chanson "I knnow you"

Il y a des scènes incroyables comme celle où Sébastien se rend au gymnase des Hunk (ils sont tous baraqués et torses nus) pour son entrainement quotidien.

Où celle de la marraine (la sublime Gloria Onitiri au chant ultra-puissant) une chirurgienne plasticienne, qui a rendu les habitants de Belleville parfaits. En échange du collier de la mère de Cendrillon, la marraine offre un relooking temporaire de chirurgie esthétique, avec une belle robe et des chaussures en cristal. Elle prévient Cinderella que son look disparaîtra à minuit.

En plus, c'est la première fois que je vois en pratique depuis des années. Au Gillian Lynne Theatre (ancien New London) le bas de la salle (les 8 premiers rangs) peuvent tourner avec le plateau. Ils s'en servent pour la scène du bal pour ramener l'action au centre de la salle. C'est topissime.

C'est très bizarre d'être totalement surpris par une œuvre d'Andrew Lloyd Webber. C'est sans doute l'un des compositeurs que je connais le mieux. Sur ses 18 musicals, il n'y en a qu'un que je n'ai pas vu en live: Starlight Express. J'ai vu en live les productions originales de The Phantom of the Opera, The Woman in White, Love Never Dies (la "suite" du Fantôme, et on y était avec Alain à la première avant-première), Wizard of Oz, Stephen Ward (qui ne tiendra l'affiche que 4 mois), School of Rock et maintenant Cinderella. Et puis à Bruxellons! on a monté Evita et Sunset Boulevard. Et bien, malgré tout cela, je reste profondément étonné de la diversité musicale de l'œuvre, de la modernité totale de la forme et du fond. Vivement le prochain Lloyd Webber.

Allez pour montrer que j'y étais bien, et pour m'émouvoir quand je regarderai cela du home:

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Le roman du canadien Yann Martel a été un énorme succès de librairie en 2001. Il a été adapté au cinéma et a été nominé à onze Oscar obtenant entre autres celui de Meilleur Film. Et voici maintenant l'œuvre portée à la scène à Londres où elle a obtenu 9 nominations aux Olivier Awards. Cela doit être pour tout cela, que la file est gigantesque pour remplir la pas si grand Wyndham's Theatre avec ses 800 places... Une grande file en S, et ce n'est que l'arrière du théâtre. Plus vu cela depuis Harry Potter au Palace Theatre.

Pour monter ce spectacle, ils ont du démonter tout les stalls (c'est comique car le programme insiste longuement sur cette opération qui a mis 4 jour et qui permet de plonger les spectateurs au sein de l'action).

J'étais resté assez froid par rapport au film - je n'ai pas lu le roman. L'histoire est architecturée sur deux plans: un enquêteur interroge Pi sur le naufrage du bateau de ses parents qui l'emmenaient lui et les animaux de leur zoo au Canada. Pi va se "confier" en racontant une histoire peu "crédible".

Toute la première partie où l'on assite à l'éducation de Pi dans le zoo de son père autoritaire. Lorsque Pi veut libérer un tigre, son père intervient et le gronde avec colère en disant que le tigre est un animal sauvage et qu'il ne doit pas être pris comme un ami. Il prouve son point de vue en enseignant à Pi une leçon précieuse en le forçant à voir le tigre tuer une chèvre.

Il y a aussi toute une réflexion sur les religions. Pi est élevé pour être végétarien dans une famille hindoue mais à l'âge de 12 ans, il est attiré par d'autres religions comme le christianisme et l'islam et décide de suivre les trois religions car il «veut juste aimer Dieu».

Pi, maintenant âgé de 16 ans apprend que son père décide de fermer le zoo et de partir au Canada vendre les animaux. Il feront le voyage à bord d'un cargo japonais nommé Tsimtsum. Sur le navire, son père se dispute avec le cuisinier du navire quand il parle grossièrement avec la mère de Pi. Une nuit, le navire rencontre une violente tempête. Pi s'émerveille de la tempête mais lorsque le navire coule, un membre d'équipage le jette sur un canot de sauvetage où il regarde impuissant le navire couler, tuant sa famille et l'équipage.

Pi se réveille en trouvant un zèbre et un orang-outan plein de ressources à bord du canot de sauvetage. Mais une hyène tachetée émerge de la bâche recouvrant la moitié du canot de sauvetage et fonce sur Pi, le forçant à se retirer de l'autre côté du canot de sauvetage.

La hyène tue le zèbre et plus tard, blesse également mortellement l'orang-outan dans un terrible combat. C'est alors qu'émerge le Tigre Richard Parker de dessous la bâche et tue et mange la hyène, au grand soulagement de Pi.

Les jours suivants, Pi se rend compte qu’il doit nourrir le tigre, sinon il finira par être le dîner du tigre. Pendant un temps il s'éloignera un peu du canot, auquel il reste accroché par une corde, ayant fait une mini embarcation de fortune avec une bouée. Il se rapproche du Tigre en apprenant à pêcher pour le nourrir et ce, malgré qu'il soir lui-même végétarien. Une vraie relation va se nouer entre le tigre et lui-même.

La mise en scène est impeccable, la gestion des marionnettes aussi, comme le montre les images ci-dessous:

Ou les scènes de tempête:

Et pourtant, il me manque - à moi du moins - ce petit supplément d'âme. Tout est parfait, et pourtant je suis resté spectateur. Dans War Horse, je pleurais plusieurs fois, vibrant pour ces chevaux de guerre.

Mais je crois surtout que ce qui me dérange dans cette histoire c'est le propos qu'elle sous-tend.

Vers la fin du spectacle, M. Okamoto – qui enquête sur les raisons du naufrage - exprime son incrédulité face à la capacité de Pi à survivre dans un canot de sauvetage avec un tigre. Pi lui dit: «La vie est difficile à croire. Dieu est difficile à croire... J’ai appliqué la raison et la logique à chaque instant de ma vie. Mais soyez excessivement raisonnable et vous risquez de jeter l’univers avec l’eau du bain.» A ce dénouement du spectacle, les deux personnages ont du mal à comprendre les perspectives de l’autre.

Pi va raconter une second histoire, très différente, en leur donnant un récit moins fantastique mais détaillé du partage du bateau de sauvetage avec sa mère, un marin à la jambe cassée et le cuisinier. Dans cette histoire, le cuisinier tue le marin pour l'utiliser comme appât et nourriture. Dans une lutte avec le cuisinier, la mère de Pi pousse Pi en sécurité sur un plus petit radeau pendant que le cuisinier la poignarde. Plus tard, Pi par vengeance revient pour saisir le couteau et tue le cuisinier.

C’est au public de réfléchir à laquelle des deux histoires il croit, sur ce qu’il croit s’être vraiment passé pendant le temps de Pi en mer. Le but du spectacle est que nous réfléchissions sur ce que nous considérions être notre rapport à la vérité et à la fantaisie. Quand M. Okamoto dit à Pi: «Une histoire a un élément d’invention. Nous ne voulons pas d’invention. Nous voulons des faits.» Pi lui répond : «Vous voulez une histoire qui confirme ce que vous savez déjà. Vous voulez une factualité sèche et sans levure. Une histoire sans animaux.» On ne va pas plus loin. C’est au public de choisir l’histoire à laquelle il croit.

Mon côté agnostique et scientifique – auquel il faut rajouter une forte influence du libre-examen sur ma modélisation de pensée – m’encourage fortement à choisir le réel à l’imaginaire pour la gestion des choses. C’est peut-être pour cela que j’ai vécu cette très belle réalisation artistique comme un spectateur extérieur.

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Je ne sais plus pour la quantième fois je vois Six. Il y a deux raison à cela: la première est que c'est un super-show, plein d'énergie, dont on ressort boosté pour une semaine. Mais aussi, il faut le dire, parce qu'il dure 1h20 sans entracte et qu'il peut donc s'intercaler à plein d'endroits. Les producteurs l'ont toujours compris en le programmant à certaines heures. Comme ici, un jeudi à 17h30. C'est mieux d'aller voir Six entre le spectacle de l'après-midi et celui du soir que d'aller au MacDo, non?

Un cast à 100% féminin, y compris l'orchestre 

C'est la première fois par contre où je ne le vois pas au Arts Theatre, le plus petit théâtre du West End (350 places, mais c'est tout de même là qu'a été créée la version anglaise de Fin de partie) mais au Vaudeville Theatre (690 place et sur le Strand).

 Arts Theatre (à gauche) - Vaudeville Theatre (à droite)

La scène du Vaudeville n'est pas beaucoup plus grande que celle du Arts, mais la capacité du théâtre a doublé. Et on est dans un théâtre beaucoup plus 'bourgeois'. Cela se sent dans le délire du rappel final - qui est ici beaucoup moins hystérique - et il n'y a surtout plus le premier rang réservé aux fans et donc plus de Selfie de l'équipe fait sur scène avec le GSM de l'un des spectateurs de ce premier rang.

Mais le spectacle reste identique et est toujours aussi réjouissant, tout en présentant un pan de l'histoire de l'Angleterre sous un angle totalement différent, celui des femmes d'Henry VIII. N'oublions pas que c'est à cette époque et pour l'une de ces femmes que l'Angleterre s'est éparée de l'Eglise Catholique Romaine...

Et, petite chose à signaler, le spectacle était signé pour les malentendants.

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Après le déluge d'énergie de Six, et pour troisième spectacle de la journée, du théâtre, Cock.

Le titre d'abord, aux signification multiples... Bien sur il s'agit d'un coq au sens "mâle" du terme. Mais cela veut aussi dire bite. On a tout le thème de la pièce. L'auteur, dans la réédition du livre à l'occasion de cette reprise, attire notre attention qu'à l'époque de la création au Royal Court Theatre en 2009, le "genre" ne comprenait que trois grandes possibilités: hétéro, gay ou bi. La pièce s'interroge si l'on doit vraiment se classer dans une de ces cases. En fait la question posée de manière fantastique dans ce texte est très simple: "Pourquoi vouloir nous catégoriser, nous apposer des étiquettes?"

John, le seul personnage à avoir un nom dans cette pièce meurtrière et plutôt brutale, vit avec un homme, M, qui est courtier. Leur relation est pleines de querelles, de scène de ménage mais a survécu aux différences de tempérament des deux hommes. Jusqu'à ce que John rencontre W, une assistante maternelle divorcée, et couche avec elle. M et W - une autre manière de mettre ces personnages dans des cases Man et Woman - semblent avoir confiance en eux, John est lui paralysé par l'indécision. Est-il gay ou hétéro, ou peut-être bi ? Les différentes possibilités sont esquissées et aboutissent à un dîner où John doit faire ce pour quoi il est si mauvais: faire un choix définitif. Mais s'il ne sait pas qui il est vraiment, comment le peut-il faire ce choix? Ne peut-il vivre les deux relations, c'est-à-dire refuser de se placer dans une case? Et il est fascinant de noter qu'il y a encore 13 ans, les idées des personnages étaient binaires : vous étiez gay, hétéro ou à la rigueur bi. Pas de LGBTQIZ+ alors.

La force du spectacle est qu'il pose de vraies... Et qu'il montre que l'indécision de John le détruit totalement. Son questionnement sur la case à laquelle il doit appartenir l'empêche de vivre. M et W le lui reprochent constamment. Comme le dit si bien M dès le début: «Tu es un ruisseau. J'ai besoin d'une rivière». M et W vont évoluer durant toute la pièce. M prend de la stature et de la dignité à mesure que vous regardez. C'est une vraie garce, armé d'une ironie redoutable, gentiment triste, plus mâture et plus centré et réel que John. Anouka aussi: astucieusement, son attrait est bien au-delà du sexe pour John puisqu'elle parle d'enfants, d'un avenir lointain, de Noëls en famille questions...

En fait ce que John ne comprend pas, c'est sont choix est celui de personnes. Ai-je envie de vivre avec M? Avec W? Avec M et W? Et en fait, il se pose la mauvaise question: quelle sexualité dois-je choisir?. Il se justifie naïvement auprès de M avec des phrases du style: "Son vagin est incroyable." Quel est le lien entre l'identité et la sexualité?

La situation devient incroyable lorsqu'au repas de confrontation entre John, M et W, on se rend compte que M a invité son père! Il est dénommé F, bien évidemment. Il est bien intentionné et veut que son fils M soit heureux. Mais il se positionne comme un personnage fermé d'esprit dans sont ouverture d'esprit.

J'avais le bonheur d'être au deuxième rang... 

La fluidité de la pièce est également renforcée par une scénographie très astucieuse. Un mur demi circulaire, sans sortie ou entrée apparente. Une matière qui reflète les corps de manière floue. En plus une rotation de la scène très efficace qui crée une interrogation en nous: "Est-ce que ces personnages tournent en rond?" Entre chaque scène, les corps sont possédés par de courtes chorégraphies, parfois lentes parfois rapides, qui nous font pénétrer dans l'âme des personnages, bien au-delà d'où les mots nous ont emmenés. Époustouflant.

Mais au-delà de la magnifique interprétation des quatre comédiens, c'est la mise en scène que j'ai trouvée prodigieuse. Elle est signée de Marianne Elliott à qui nous devons (entre autres): Angels in America (au NT), The curious incident of the Dog in the Night-Time, War Horse, The Light Princess, ... Elle a décidé de n'utiliser aucun accessoire, aucun meuble. Le repas de confrontation se fait donc debout avec 4 personnes face à face. Quand un personnage se met à nu, il mime symboliquement le fait qu'il enlève son pantalon et son T-shirt. On ne s'encombre de rien. Seul le message importe. Elle a amené ses quatre comédiens dans un intelligent équilibre entre drame et farce. Oui farce et pas comédie. Après certaines réflexions de l'un de leur partenaire, quel qu'il soit, les acteurs osent prendre des pauses fixes, parfois presque avec des grimaces sur le visage. Cela fait rire mais car le personnage qui nous montre une telle expression, veut bien souvent nous dire: "Oh, putain, ça je n'y avais pas pensé!" Impressionnant

On ne sort pas sans questionnement de ces 1h45 sans entracte.

PS: le soir de la première avant-première, Taron Egerton (jouant M) s'est évanoui en scène. Son understudy, Joël Harper-Jackson a repris son rôle pour la fin de la pièce. Je trouve bien sûr ce genre d'événement vraiment anecdotique, mais pas que.

Je continue à aimer cette démarche d'understudy ou de swing qui montre que le spectacle continue, même si on remplace un comédien par un autre. Même quand le premier est une star. Je n'oublierai jamais lorsqu'au Coliseum (un des deux opéras de Londres et 2360 places), on a annoncé que Glenn Close serait remplacée ce soir-là par Ria Jones, son understudy. Une partie non négligeable de la sale l'a huée. Infamie! Elle finira ce soir-là par une standing-ovation de six minutes que ceux qui l'on vécue (j'y étais) n'oublieront jamais.

Ria Jones en larmes lors de ses 6 minutes de standing ovation 

Cela devrait peut-être parfois être à l'esprit des pseudo star-eke de chez nous...

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Alors, ici, il ne s'agit pas d'une découverte mais d'un petit plaisir qu'on se fait. Cela doit être la quatrième fois que je le vois. Et le chose résiste toujours, Aucune trace de la moindre lassitude. Et je trouve toujours le pitch de départ aussi géniale: la femme de Shakespeare qui se révolte contre son mari parce qu'elle ne voit pas pourquoi Juliette doit mourir même si Roméo est mort. Leurs deux plumes vont s'affronter durant tous le musical pour donner à Roméo & Juliette une autre fin.

Un nouveau cast très efficace et toujours avec un niveau de chant incroyable.

Et parmi ce nouveau cast, il y a une très très belle surprise, Keala Settle, dans le rôle de la nurse. C'est elle qui joue le rôle de la femme à barbe, dans le film musical The Greatest Showman (où elle chante This is Me). Elle a triomphé en 2013 à Broadway dans le musical Hands on a Hardbody... que je n'ai pas vu! Je sens que je vais téléphoner aux USA pour obtenir un mp4 pirate. Elle a enchaîné avec Les Misérables (Mme Thénardier à Broadway pendant 2 ans) puis Waitress (Becky).

Elle chante comme une déesse et a un sens du comique incomparable.

A bientôt, & Juliet?

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J'ai vu ce spectacle dans la même salle avec Alain il y a près de 20 ans, lors de sa création. J'en avais gardé un souvenir positif mais sans plus. Il s'agit bien d'un spectacle anglais qui est le fruit du long combat (depuis la fin des années '70) du producteur Cameron Mackintosh (producteurs de spectacles comme Les Misérables, The Phantom of the Opera, Oliver!, Miss Saigon, Cats, Half a Sixpence, Hamilton, ...) pour obtenir les droits pour en faire une comédie musicale.

De gauche à droite: le film en 1964, le musical à Londres en 2004 puis en 2019.

Beaucoup d'entre nous connaissent Mary Poppins via le film de 1964 de DIsney avec Julie Andrews. Mais Disney s'est inspiré du roman de Pamela Lyndon Travers, une romancière, actrice et journaliste australienne née le 9 août 1899 à Maryborough et morte à Londres le 23 avril 1996. En fait, Pamela Lyndon Travers a écrit un premier roman suivi de 7 suites. Elle a toujours refusé une adaptation à la scène. Elle a finalement accepté de rencontrer Mackintosh en 1993. Elle avait déjà 94 ans... Elle a été séduite parce qu'elle s'est vite rendu compte qu'il voulait adapter son roman plutôt que de porter simplement le film à la scène. Mais il a du aussi la persuader que ce musical serait impossible si l'on ne reprenait certaine chansons du film. Elle accepta et même si elle est décédée avant de voir le résultat final à la scène, elle lui a fait confiance jusqu'à la fin. Il restait à Mackintosh à persuader Disney. Cela mit plusieurs années. Tout cela a débouché le 6 décembre 2004, au même Prince Edward Theatre qu'aujourd'hui. Il a tenu l'affiche un peu plus de trois ans, jusqu'en janvier 2008.

Le spectacle est aujourd'hui très différent. Pas le texte ou la musique bien sûr, non. C'est la scénographie qui est beaucoup plus simple. Bien sûr on passe toujours d'un endroit à l'autre, mais il n'y a plus cette maison a deux étages qui monte et descend dans le plateau. Tout est plus fluide et dynamique.

Le cast est au top avec des niveaux vocaux incroyables. Ce qui reste très étrange, c'est qu'on a l'impression de voir un musical de la fin des années '50 ou du début des années '60, comme My Fair Lady (1956) ou Oliver! (1960). C'est sans doute du au fait que l'on y a intégrer de nombreuses chanson du film de Disney (1964). Quoi qu'il en soit, il n'y a rien à redire à ce musical: la musique, le livret, les chorégraphie, la scénographie, les costumes, le cast, ... Tout est parfait. Et je suis très admiratif des deux enfants qui tiennent la scène tout le spectacle. On est très proche d'une présence aussi importante que dans un Billy Elliot ou un Matilda.

J'ai vraiment passé une très bonne soirée.

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Je n'ai jamais vu au Donmar un spectacle "banal" ou "tiède". Je ne suis jamais parti de là sur un "bof". Tout ce que j'y ai vu était interpellant. Et comme j'en ai vu près d'une quinzaine, cela ne peut être du au simple hasard. Et ce Henry V ne va pas échapper à ce jugement. J'adore ce lieu... Rien que le nom de ses quatre directeurs en dit long: Sam Mendes (1992-2002) - Michael Grandage (2002-2011) - Josie Rourke (2012-2019) et Michael Longhurst (2019 – ???).

Si je fais confiance à ma mémoire, je n'ai jamais vu Henry V sur scène. Je connais trois version filmée très très différente. Il y a bien sûr les films de Laurence Olivier et celui de Kenneth Branagh. Et puis plus récemment, le film The King qui ne se limite pas au texte de Henry V incluant des extraits de Henry IV (Partie I et II).

De g. à d.: avec Laurence Olivier (film 1944) - avec Kenneth Branagh (film 1989) - avec Timothée Chalamet (film 2019)

Dans chacune de ces versions le Henry V est politiquement très différent. Il faut dire que Winston Churchill lui-même avait chargé Laurence Olivier de façonner le film comme une propagande pour remonter le moral des troupes britanniques combattant la Seconde Guerre mondiale. En conséquence le film de Laurence Olivier est un hymne patriotique à «l'anglicisme», présentant les victoires militaires du roi Henri à Harfleur et Azincourt comme préfigurant les victoires de la Grande-Bretagne au débarquement de Normandie. A l'opposé, le film de Branagh (on est passé par la guerre du Vietnam) rejette explicitement ces lectures chauvines et patriotiques de la pièce. Le film de Branagh essaie de mettre en avant les aspects machiavéliques du personnage d'Henry V et de remettre en question la justesse de l'invasion de la France par l'Angleterre. Et au Donmar? Le mieux n'est-il pas de laisser parler l'acteur qui joue ici Henry V, Kit Harington. Oui, oui, le Jon Snow de Game of Thrones.

Cette version de Henry V ma profondément secoué. Et ce pour de très nombreuses raison. D'abord parce que j'ai l'impression que cette version est comme une mini-série par rapport aux trois films précités. On prend son temps. Dans l'introduction à laquelle j'ai assisté, on nous a expliqué que cette version dure une demi-heure de plus que la durée classique d'Henry V à la scène. Chaque scène a de la place pour respirer - même celles qui ne semblent pas essentielles à l'intrigue comme celle de l'armée française plaisantant la veille de la bataille.

La scénographie est simple mais très efficace: des marches et un mur massifs et brunis. Le mur s'ouvre plus tard pour révéler une croix funeste de Saint-Georges. Nous sommes transportés à travers l'Angleterre et la France grâce à des projections simples mais ultra efficaces.

Autre belle idée, les personnages français parlent en français réel (surtitré en anglais), et non en anglais avec un accent français. Le français de l'un ou l'autre est difficile mais d'autres (le dauphin et Catherine de Valois) semblent être francophones. Quoi qu'il en soit, cela fonctionne à fond.

Enfin, dans la distribution, il y a d'incroyables chanteurs d'opéra qui entonnent des chants de lamentation grandioses qui sanctifient l'action qui se déroule.

On est aussi dans du théâtre "classique" anglais qui est à l'opposé de notre théâtre classique avec sa règle des trois unités et sa volonté de ne pas porter à la scène quelque chose en laquelle on ne pourrait croire. Sans oublier la règle de la bienséance. Alors, là, avec Shakespeare, la bienséance on oublie. Mais surtout dans cette mise en scène. Il va y avoir de la violence, beaucoup de violence. Et c'est d'autant plus impressionnant dans le petit Donmar où le plus éloigné des spectateurs est à moins de 10 mètres.

La mise en lumière de l'évolution d'Henry V est magnifique. Rappelons qu'Henry V - dans Shakespeare du moins - a eu une jeunesse tumultueuse. Il est bombardé sur le trône par la mort de son père, avec qui il était en conflit. Il doit faire ses preuves. Au début de la pièce, il est un jeune roi qui doit décider s'il doit tenter de reprendre les terres françaises de sa famille. Il y a dans cette pièce sans doute l'une des scènes les plus ennuyeuses de Shakespeare, celle où l'archevêque explique les lois foncières au roi et à sa cour, liée à la loi salique française faisant qu'une femme ne peut revendiquer aucune succession, et tentant d'expliquer à Henry que certaine terres françaises lui appartiennent suivant la loi anglaise où l'exclusivité masculine n'existe pas. Le metteur en scène fait une projection PowerPoint sur le mur du fond de l'arbre généalogique, présentation à laquelle Henry V s'endort presque. Cette scène ennuyeuse devient cocasse et presque drôle.

Mais très vite Henry va se durcir. Dans la scène où le fils du Roi de France vient lui offrir l'humiliant cadeau des balles de tennis, on voit Henry V brûler de l'intérieur et décider qu'il ira récupérer les territoires en France. Magnifique interprétation de Kit Harington. Et puis on va sombrer dans la violence. Juste avant que sa flotte ne mette les voiles, le roi Henri apprend l'existence d'un complot contre sa vie. Les trois traîtres travaillant pour les Français demandent grâce, mais Henry refuse leur demande. Il ordonne que le trio, qui comprend un ancien ami nommé Scroop, soit exécuté. Scroop est ici interprété par une femme.

Ou bien encore à la fin de la première partie, Henry V assiste impassible à la pendaison de Bardolph (ici aussi une femme, Claire-Louise Bates), son vieil ami du temps de Falstaff, condamné à mort pour vol dans une église française. Henry est devenu roi sans être pas complètement formé; ce sont les événements qui façonnent sa psychologie, et pas pour le mieux.

Dans cette version, au fur et à mesure de la pièce, Henry s'éloigne de ses troupes et donc de son peuple. C'est d'autant plus clair, lorsque dans la fameuse scène où, déguisé, il va de nuit parler aux soldats anglais et que personne ne le reconnait. Il comprend ce que l'on pense de lui et que le fossé se creuse entre lui et son peuple. A la fin d'Azincourt - que l'on ne voit pas d'habitude en scène et qui est ici évoquée par des soldats en armes dans les interscènes - une agitation soudaine et des cris retentissent. Le roi Henri, interprétant cette agitation comme un rassemblement des Français, ordonne brusquement à chaque soldat anglais de tuer ses prisonniers français - un geste remarquablement sanglant. Ici encore, cette scène est jouée dans les lamentations opératiques dont nous avons parlé plus haut. Henry V égorge lui-même le premier prisonnier. Terriblement impressionnant. Et le visage des soldats anglais qui procèdent à ces exécutions montrent la réprobation totale de ce qu'ils sont obligés de faire.

Dans la scène finale, il ne courtise pas la digne princesse française Catherine, mais la contraint - comme avec tout le monde autour de lui, il ne la considère pas comme une égale, et quand elle essaie d'être en désaccord avec lui, il se contente de la contraindre. lui ordonne quoi faire.

Je trouve l'interprétation d'Harington très probante. Et on le doit aussi aux options du metteur en scène Max Webster. Car son Henry V n'est pas qu'un assoiffé de sang, bourré de mauvaises intentions. Il 'est pas qu'un homme qui aime la guerre pendant que ses hommes souffrent. Car on voit la souffrance dans ses yeux, l'hésitation dans sa voix, le doute, le regret. Mais il est différent de ses anciens amis dès le début, et il ne fait que devenir plus distant, les décisions horribles qu'il doit prendre exacerbant son sentiment de séparation des petites gens. La plupart des Henry (Olivier, Branagh) grandissent dans leur pouvoir dans un sens positif. Mais le Henry de Harington se dirige vers l'autocratie, pas vers la noblesse.

Comme le dit le site du Donmar: "Fraîchement monté sur le trône, le roi Henri V lance l'Angleterre dans une guerre sanglante avec la France. Lorsque sa campagne rencontre de la résistance, ce nouveau dirigeant inexpérimenté doit prouver qu'il est apte à guider un pays dans la guerre. Réalisé par Max Webster (Life of Pi), ​​cette production moderne passionnante explore ce que signifie être anglais et notre relation avec l'Europe, en se demandant: avons-nous jamais les dirigeants que nous méritons?"

On ne peut être plus clair...

J'aime cet extrait de presse car il dit beaucoup mieux que moi ce que l'on peut ressentir à la vision du spectacle: "Henry V" est généralement traité comme une pièce divertissante de niveau intermédiaire qui sert de commentaire sur la nature de la guerre. Mais la version de Max Webster est la première production que j'ai jamais vue à l'aborder comme une grande étude de personnage, là-haut avec 'Hamlet' ou 'Richard III' ou même Falstaff dans 'Henry IV'." Time Out

J'ai passé une magnifique après-midi face à cette version qui nous montre une fois de plus combien Shakespeare st malléable et laisse de la place à notre interprétation. Qui a raison? Olivier? Branagh? Harington? Chacun sans doute suivant son époque...

Et un petit PS: le nouveau Donmar est arrivé. Une salle de plus rénovée durant le COVID...

AVANT

APRES

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J'ai toujours eu un rapport bizarre avec les productions de Disney Theatrical Productions Limited. Je trouve "chouette" des productions que tout le monde encense. Lion King, par exemple, j'adore les dix premières minutes et puis j'assiste à un spectacle sans grande émotion. Avec Beauty and the Beast, c'est la même chose, sans les 10 premières minutes. J'ai détesté Aladdin que j'ai vu en novembre 2017 au Prince Edward Theatre. Par contre j'ai adoré Tarzan et Aida (tous les deux vus en Allemagne), alors que ce ne sont pas de "tubes" de Disney Theatrical. Mon seul accord avec le grand public est sans doute Newsies mais que je n'ai vu qu'en video. En route donc vers Frozen.

Deux choses me rassurent: cela n'a pas été un énorme succès à Broadway et le metteur en scène est Michael Grandage, le second directeur du Donmar Warehouse dont nous venons de parler ci-dessus. C'est étonnant comme il y a peu de barrière chez les anglo-saxons!

Pour ce genre de spectacle, il suffit de s'assoir dans son siège, et de se laisser faire. "Enjoy the show!" comme ils disent là-bas.

Tout est parfait. Sans que cette phrase soit banale. Une scénographie au-delà du raisonnable avec des projection mais pas que. Le pont que nous voyons ci-dessous et qui avance en continu de jardin à cour et qui au total fait trois fois ce que nous voyons sur la photo.

Chaque scène est une vraie scénographie complète recréant l'univers totalement:

L'histoire est simple mais touchante. Les chansons sont top et le cast est incroyable.

La salle est pleine à craquer. Les enfants hurlent, pleurent, crient de peur. Et huent le Prince Hans lorsqu'il refuse d'embrasser Anna pour la sauver, préférant s'emparer du trône.

Je n'ai rien d'autre à dire que j'ai vraiment vraiment enjoyed the show.

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La dernière représentation du musical 42nd Street a eu lieu le 5 janvier 2019. Andrew Lloyd Webber, à qui appartient le théâtre, a décidé de fermer ce théâtre historique pour restauration. Le but est de restaurer sa splendeur d'origine, mais aussi de le réinventer pour le 21ème siècle. Un projet de rénovation de 60 millions de livres sterling pour redonner à l'historique Theatre Royal Drury Lane son ancienne gloire de 1812 (le 4ème et dernier théâtre sur le lieu).

Imprégnée d'une histoire théâtrale presque inégalée au cours d'une vie phénoménale qui remonte à 1663, l'énorme liste d'interprètes et de productions passés du Theatre Royal Drury Lane se lit comme un who's-who de la royauté théâtrale. Distrayant du grand public comme de tous les monarques depuis la Restauration, c'est une véritable institution, mais qui n'a jamais eu peur d'innover avec son temps.

L'architecte choisi est Haworth Tompkins - celui qui a réalisé toutes les transformation du National Theatre (achevées en 2015).

La salle a été entièrement reconfigurée en un espace confortable et plus intimiste. Les producteurs de spectacles ont maintenant le choix entre deux dispositifs: un théâtre à l'italienne classique ou une configuration en rond. La capacité de la salle a été réduite de 250 places pour créer des sièges plus larges, plus d'espace pour les jambes et de meilleures lignes de visibilité. La salle a également été remodelée pour créer une courbe plus serrée, rapprochant l'interprète et le public.

Le théâtre actuel a été construit en 1812. Il avait à l'époque quatre balcons. Le dessin ci-dessous comprend déjà l'extension de 1899 comprenant un atelier de menuiserie, un magasin de costumes, une salle de ballet et une salle de peinture.

La salle avait cet aspect là en 1897:

En 1922, Emblin Walker a profondément modifié le Drury Lane. L'ancienne salle en forme de fer à cheval (ci-dessus) avec ses quatre balcons a été transformée en une nouvelle salle avec trois balcons, celle que nous connaissons aujourd'hui.

Et du coup, tout le public a été éloigné de la scène comme le montre le schéma ci-dessous:

Au cours de la rénovation actuelle, la salle a été radicalement modifié en supprimant toutes les loges les plus proches de la scène et en réutilisant l'espace pour l'éclairage et l'équipement sonore, ainsi qu'en remodelant le Royal Circle (1er balcon) et le Grand Circle (deuxième balcon) pour courber et engloutir le première colonne de cases et réduisez la hauteur des cases au-dessus des cases royales restantes de chaque côté.

A gauche la salle de 1922 à 2020 - A droite la salle de 2022 

Autre grand changement: les escaliers suspendus de Wyatt.

Entrées: A - premier balcon - B second Balcon - C troisième balcon. Le 4ème balcon rentrait par la rue?

Ces escaliers sont de magnifiques escaliers suspendus. Ils sont extrêmement spacieux, avec une volée centrale exactement le double de la largeur des volées latérales. L'Angleterre n'était pas étrangère aux escaliers impériaux en 1812, mais celui de The Lane continuait vers le haut depuis le premier étage avec un deuxième vol à double largeur, créant une ascension vertigineuse en porte-à-faux.

Ces escalier avaient été profondément modifiés et n'étaient plus suspendus comme le montre la comparaison ci-dessous:

A gauche: jusqu'en 2020 - A droite: depuis 2022 

Mes ces deux photos montrent une autre modification fondamentale du lieu. Il y maintenant une porte qui est l'un des deux accès aux stalls (le parterre chez nous - l'autre accès est situé symétriquement de l'autre côté de la rotonde, qui se trouve juste à gauche des deux photos). Ce qui veut dire que tous les sectateurs passent par le même trajet... Plus de séparation sociale. Jusqu'en 2020, pour accéder aux stalls, on descendait au niveau de la rotonde comme au sous-sol ou il y avait un bar frontal. Et pour aller dans la salle on suivait des escaliers latéraux qui remontaient.

Ce lieu est maintenant l'un des meilleurs bars de Londres...

Et pour en finir avec les accès, les photos ci-dessous montrent la dernière différence:

 A gauche: jusqu'en 2020 - A droite: depuis 2022 

Ici encore, une porte apparait. Jusqu'à présent les spectateur du Balcony (le troisième balcon) rentraient par la rue (cf photos ci-dessous). Tout cela est fini, la porte supplémentaire donne accès au Balcony. Dorénavant donc, tous les spectateurs, quelles que soient leur places, passent par le hall d'entrée puis par l'un des deux grands escaliers.

Les couleurs sont retournées à ce qu'elles étaient à l'origine. Il faut savoir qu'en 2013 Lloyd Webber avait déjà réalisé une première restauration (de 4 million £ seulement cette fois-là!) portant principalement sur les zones de la façade du théâtre, en particulier la rotonde, le grand salon et les escaliers, dont le souhait était de lui redonner sa splendeur régence d'origine. On s'est rapproché de la palette de couleurs originale du théâtre, des peintures et des statues ont été nettoyées et restaurées, et les antichambres du Grand Salon ont été rendues à leur usage d'origine. Voici les trois aspects du Drury Lane au XXIème siècle à travers des photos des escaliers:

Avant 2013 - Entre 2013 et 2020 - Depuis 2022 

Le "Saloon Bar" a lui aussi entièrement été refait, avec un bar central hyper-efficace. Mais d'abord, les deux anciennes versions...

Avant 2013 - Entre 2013 et 2020 

Et la version actuelle avec le bar central:

Tout cela donne sur une grande terrasse en façade du Drury Lane.

Le halle d'entrée est accessible à tous puisque dorénavant le contrôle ne se fait plus qu'aux portes des salles, ce qui permet au grand public, même n'assistant pas aux spectacles, de venir boire un verre ou déguster un Afternoon tea. Cela devient un lieu de passage, de rencontre, de retrouvailles et plus un lieu où l'on fait la file.

Jusqu'en 2020 - Aujourd'hui 

D'ailleurs dès ce foyer, bien avant le Grand Saloon du premier étage, il existe un endroit accessible au grand public et où l'on sait boire un verre. Il y a le tout nouveau Cecil Beaton Bar. Cecil Beaton est un photographe mais aussi scénographe et créateur de costumes. Il a créé les costumes de My Fair Lady. C'est en hommage de cette création que son nom a servi pour baptiser le bar. De nombreuses croquis de costumes sont d'ailleurs accrochés aux murs.

 Aujourd'hui

Et où se trouve-t-il ce bar? A la place de l'ancien Box Office que voilà ci-dessous. On remarque l'espace récupéré en voyant la position des colonnes.

Jusqu'en 2020. 

Mais le plus étonnant, à mes yeux, c'est The Garden. Pour se rendre compte regardons la façade du Dury Lane lors du dernier spectacle avant les transformations et qui a fermé en 2020, 42nd Street.

Depuis lors, une Terrace (1) a été rendue accessible au Public, les soirs et la journée. Toute l'entrée du théâtre est elle accessible au public (2). L'ancien accès au Balcony à front de rue (3) a été transformé en Cecil Beaton Bar, puisque les spectateurs du Balcony y accèdent maintenant comme les autres spectateurs par les escaliers Wyatt. Mais la porte à côté, qui ressemblait plus à l'époque à un local à poubelles, qu'est-ce que c'est devenu? The Garden.

La aussi on peut y manger et boire toute la journée...

On pourrait continuer très très longtemps au sujet de cette rénovation. L'ascenseur qui permet aux moins valides d'atteindre tous les étages, installation de 20 toilettes dame supplémentaires, de 5 toilettes mobilité réduite, ... . Toute la cage de scène a été changée, elle pourrait maintenant soulever deux bus à étages. Le dessous de scène a aussi lui été refait. Et pour ceux qui ont déjà fait la visite guidée du Drury Lane, ils se souviennent sans doute de la partie de la visite sous la scène où l'on voyait les deux machineries qui permettait de descendre ou de monter deux tranches de plateaux et aussi de l'incliner.


Ce dispositif avait été installé en 1898! Il a survécu à la profonde modification de la salle en 1922. Ces machineries performantes ont été utilisées dans de nombreuses productions. Mais il faut bien dire qu'à la fin du XXème siècles, ils ne servaient plus souvent. Lorsque le musical The Lords of the Rings s'est installé au Drury Lane (mai 2007 à juillet 2008), ils ont reçu l'autorisation de démonter toute la machinerie pour y installer leur plateaux tourant à trois cercles, à la condition de tout remonter une fois le spectacle terminé. C'est prévu en Angleterre pour les bâtiments classés. Cela a été fait. Ce démontage définitif a été autorisé par demande spéciale, mais toutes les pièces seront conservées à titre historique.

Parce qu'il s'agissait d'un moment historique, une démonstration finale des ascenseurs électriques et hydrauliques intégrés à la scène du Theatre Royal Drury Lane s'est déroulée le 26 janvier 2019, avant qu’ils ne soient mis hors service et retirés lors de la rénovation et de la modernisation du théâtre. Et ce en présence d'invités triés sur le volet.

Quelques images de ce démontage historique:

La vidéo ci-dessous est très intéressante, tout d'abord parce que l'on y voit les profondes modifications du lieu mais aussi parce qu'elle contient à la fin une animation avec la transformation possible de la salle en quadri-frontal. .

Et juste pour terminer, en guise de clin d'oeil, voici deux petite remarques finales... La première est qu'à l'occasion, tous les uniformes du personnel du Drury Lane ont été refaits. Et là aussi, on fait un bon dans la modernité.


Et enfin, voici ce que un spectateur voit depuis la rue: il traverse tout l'espace pour terminer sur la vision de Shakespeare à l'arrière-centre de la rotonde..

Le Drury Lane et son immense scène, nous attend pour les cent ans à venir...

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Pour beaucoup, Maria Friedman, cela ne signifie pas grand chose... Elle fait partie des First Ladies du monde des musicals. En ce qui me concerne, je l'ai vue à Londres avec Alain en 2004 dans Woman in White, le premier musical de Lloyd Webber auquel j'ai pu assister et qui en était à la création.

Le show était magnifique avec des projection qui pour l'époque étaient révolutionnaires mais imparfaites. C'est aussi le show qui a poussé Les Misérables hors du Palace Theatre, ce qui semblait impossible. Elle a joué le show à Londres puis est partie à Broadway mais elle a fait à ce moment là un cancer du sein - ce dont elle parle d'ailleurs ouvertement dans le concert de ce soir - et la production ne tiendra que 109 représentations. Depuis, elle n'a plus fait que des concerts ou des mises en scène. Seule exception: elle a joué le rôle de Golde dans Fiddler on the Roof au Menier en 2019. Tout cela la place à part dans les gens que j'aime et je suis tellement heureux de la voir en concert au Menier Chocolate Factory.

Voici ce que je voyais depuis ma place:

C'est difficile d'être plus près de Maria Friedman, non? Waow.

Son spectacle s'appelle Maria Friedman & Friends - Legacy. Elle vient donc avec ses amis sur scène: Ian McLarnon et Matthew White qu'elle a rencontré tous deux sur des spectacles de Sondheim. Attention ce spectacle dure 2h30, entracte compris. On va avoir de nombreuses chansons mais aussi beaucoup d'anecdotes. Dès le début, elle interpelle le public. Pendant les répétitions, ils se sont rendus compte que si on prenait n'importe lequel des spectacles de Sondheim, il y a avait au moins un parmi eux trois et les trois musiciens qui y avait participé.

Et c'est aussi là un autre aspect du terme "Friends" dans le titre de son spectacle. Elle va se centrer sur trois compositeurs dont elle a beaucoup chanté la musique et qui sont devenus ses 'friends'. Il s'agit de Harvin Hamlish, Michel Legrand et surtout ... Stephen Sondheim. Elle raconte au tout début du concert une anecdote qui est sa rencontre avec Sondheim. Maria Friedman, encore inconnue, participait à un gala au Theatre Royal Drury Lane où des jeunes talents inconnus côtoyaient des stars comme Bernadette Peters, Angela Lansbury ou Elaine Stritch. Elaine Stritch avait fait sienne à tout jamais la chanson Broadway Baby de Follies (Sondheim). Mais ce soirè-là, c'est l'inconnue Friedman qui allait chanter Broadway Baby, alors que Styrich participe au gala. Cela parait inconcevable à certain "puristes" et quand Maria Friedman s'avance en scène pour chanter, un spectateur a hurlé: «Get off, we want Elaine!» («Dégage, on veut Elaine!»).

Friedman nous raconte ce qu'elle a ressenti au moment de prendre sa respiration pour chanter devant l'immense Drury Lane: «J'étais une totale inconnue dans la vingtaine, habillée d'un survêtement. Et juste au moment où j'étais sur le point de commencer à chanter, il y a eu ce cri.» Dans la salle on est tous stupéfaits de cette anecdote. Mais Friedman nous dit se souvenir du frisson qu'elle a ressenti de la salle du Drury Lane ce soir-là et ajoute en riant: «C'était incroyable. Je me suis réfugiée dans les mots pour essayer de me sauver, alors qu'en fait tout ce que je voulais vraiment, c'était pleurer et m'enfuir. Ce fut une grande leçon alors que je commençais ma vie professionnelle. 'entrais dans le travail, dans l'histoire – ce que j'ai fait depuis. Et quand le travail est aussi bon que celui de Stephen Sondheim, vous êtes en sécurité avec les mots.»

Ce qu'elle ne savait pas, c'est que Sonheim était dans la salle ce soir-là. Très vite, il a demandé: «Qui est cette fille?» Il lui a parlé à la fête d'après concert. Peu de temps après, il est venu voir dans Ghetto au National Theatre puis l'a suggérée pour le rôle de Dot dans Sunday in the Park avec George un an plus tard, initiant surtout une amitié de 35 ans.

Sondheim lors de la première du transfert à Broadway de Merrily We Roll Along, créé au Menier, mis en scène par Maria Friedman 

C'est une soirée très touchante. Dès la deuxième chanson, elle enlève ses chaussures et continue sur ses bas - cela me rappelle Liza Minelli à Bozar. Cette première anecdote nous explique aussi pourquoi elle a appelé son concert "Legacy" ("Héritage"). Et elle est accompagnée sur scène, en plus de ses deux amis, de deux jeunes chanteurs à qui elle laisse de la place, une sorte de passation de relais. La jeune fille lui avait envoyé une vidéo depuis l'Indonésie . Lorsque le show a été prolongé la jeune fille qui chantait ne pouvait prolonger et Maria Friedman a fait venir Desdemona Cathabel d'Indonésie... Magnifique voix. L'autre jeune chanteur a lui aussi repris cette place en six heures lorsque le jeune chanteur précédant a du quitter le concert pour raison médicale. Elle le laisse chanter puis dit: «C'est mon fils!»

 De gàd: Matthew White, Elfie Friedman, Maria Friedman, Ian McLarnon, Desmonda Cathabel

Mais elle va plus loin... Elle a fait appel aux chanteurs de la Royal Academy of music Choir. Il y en a 4 différents chaque semaine. Elle explique que tous ces chanteurs sont fabuleux mais que l'époque est terriblement difficile. Et, à notre époque, il est presque inutile d'envoyer son CV alors que l'on n'a participé à aucun spectacle. C'est une manière pour tous ces jeunes de commencer à remplir son CV. Et de nous proposer un magnifique plateau.

Maria Friedman est très touchante également quand elle parle de son cancer. Mais elle sait en rire... Elle nous parle d'un gala qu'elle a fait pour Marvin Hamlish (celui qui a composé A Chorus Line) à l'époque de sa maladie. Elle l'a appelé pour décliner l'invitation mais il lui a dit qu'elle n'était pas morte. Mais elle s'est cassée la jambe, la veille du gala. Hamlish lui a dit que ce n'était pas un problème. Elle a donc chanté chauve et avec un plâtre à la jambe.

Super beau moment....

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Ici aussi rien de neuf. Mais c'est comme quand on s'assoit à table et que l'on sait que l'on va manger un de ses plats préféré. On sait déjà que cela va être bon et on salive.

La salle est bourrée à craquer. Cela fait du bien. Il faut dire que l'on ressort de là gonflé à bloc pour 6 mois. C'est comiques, mes deux voisines - dans la vingtaine, des soeurs je crois - avaient reçu les places et se demandaient ce que pouvait être un musical sur le 11 septembre. Elle n'ont fait que rire avant de hurler comme des déchaînées dès le black-out final.

Ce qui était très bizarre pour moi, c'est que c'était la première fois où je revenais au Phoenix depuis que l'on a monté Blood Brothers à Bruxellons!. Or cette salle fut la maison de Blood Brothers pendant 21 ans, après les trois ans à l'Albery. Je l'ai vu souvent, Blood Brothers, dans cette salle. Mais surtout j'y ai vu avec Alain la toute dernière au bout de 24 ans. En fait, c'était en 2012, il y a 10 ans déjà. Nostalgie...

On ne quitte pas cette salle avant la fin des rappels. Une preuve, non?

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J'avais vu ce spectacle il y a deux ans au Dorfman. Vu son énorme succès il a été transféré dans le West End. On passe par ailleurs d'un dispositif élisabéthain (Dorfman NT) à un dispositif à l'italienne (Duke of York Theatre).

L'histoire commence par le retour du protagoniste anonyme dans sa ville natale d'enfance pour des funérailles. il est dans le milieu de la quarantaine. Après la cérémonie, il décide de se balader dans cette campagne où lui et sa sœur ont grandi. Il lui revient en mémoire une jeune fille nommée Lettie Hempstock, qui avait affirmé que l'étang derrière sa maison était un océan. Il s'arrête à la maison où Lettie avait vécu avec sa mère et sa grand-mère. Il rencontre un membre de sa famille et commence à se souvenir d'incidents oubliés du passé.

Samuel Blenkin (Boy) et Marli Siu (Lettie Hempstock) 

On voit alors apparaître Boy, la doublure du narrateur, version adolescent (voir photo ci-dessus). Ce dernier se retrouve confronté à son père (qui est interprété par le narrateur du début, beau cycle des générations). Il y a de grosses disputes entre lui et sa jeune sœur. Mais ce qui va tout déclencher, c'est lorsqu'un mineur d'opale, qui vivait chez le garçon, vole la voiture du père du narrateur et se suicide sur le siège arrière, après avoir joué l'argent de ses amis. Cette mort permet à un être surnaturel d'accéder au monde du narrateur, laissant de l'argent aux gens de manière désagréable. Une pièce de monnaie viendra se loger dans la gorge du narrateur pendant la nuit, l'étouffant, et il devra demander l'aide de sa voisine Lettie. Elle accepte de l'aider, insistant pour qu'il l'accompagne dans le voyage nécessaire pour retrouver l'esprit et le lier. Mais il reçoit de Lettie une instruction fondamentale: ne jamais lâcher sa main.

Or, dans un moment de surprise, il lâche sa main et à cet instant quelque chose s'y loge. Une fois à la maison, il retire ce qui semble être un ver, mais il en reste un morceau à l'intérieur de lui. Le lendemain, son père lui dit qu'il commence un nouveau travail et qu'une femme nommée Ursula Monkton doit s'occuper de lui et de sa sœur. Très vite, le narrateur se rend compte que cette femme est le ver qu'il avait retiré de sa main. Elle l'avait utilisé comme moyen de sortir de l'endroit que lui et Lettie avaient visité et habite maintenant sa propre maison. Maison qu'il va suivre pour se réfugier chez les Hempstock. On n'est pas encore au tiers du spectacle... Lettie va encore se sacrifier pour sauver Boy, les oiseaux de la faim vont manger le cœur de boy, ...

Et nous plongeons là vraiment dans les souvenirs d'enfance souvenirs du narrateur. Avec tout le flou des années mais aussi toutes les angoisses et les peurs de l'enfance qui resurgissent. Les monstres, les portes qui se multiplient,

En quelques mots, plongés dans un monde magique, leur survie dépend de leur capacité à faire face aux forces anciennes qui menacent de tout détruire autour d'eux.

Pour la fin du spectacle, nous revenons au présent, où le narrateur est choqué lorsque les Hempstocks lui rappellent que ce n'est pas la première fois qu'il revient les voir - il avait visité la maison au moins deux fois au cours depuis qu'il est adulte et c'est sous-entendu qu'il a visité la ferme au moins une fois de plus pour rendre un chaton qu'il avait trouvé lors de ses premiers voyages avec Lettie. Il lui est suggéré que les oiseaux de la faim ont mangé son cœur après tout, mais le sacrifice de Lettie l'a relancé et son cœur a lentement repoussé depuis. Ses visites à la ferme sont donc le résultat du fait que Lettie veut le surveiller pendant qu'elle dort et guérit. L'inquiétude du narrateur face aux visites dont il ne se souvient pas s'estompe rapidement et il recommence à oublier les événements passés...

Il faut lire le livre (roman de 2013 de l'auteur britannique Neil Gaiman - élu Livre de l'année aux British National Book Award) ou voir ce merveilleux spectacle car l'histoire en est très complexe et du coup fascinante.

Le protagoniste anonyme de The Ocean at the End of the Lane a-t-il vraiment combattu de terribles monstres extradimensionnels à l'âge de 12 ans, accompagné de son amie surnaturelle Lettie Hempstock? Ou est-ce que l'adulte qu'il est devenu et que nous rencontrons au début et à la fin du spectacle, utilise simplement ces histoires fantastiques qu'il aimait pour balayer son enfance misérable, solitaire, voire abusive?

Autre chose fondamentale et questionnante dans ce spectacle: l'influence de la puissante et insondable "grand-mère" de Lettie sur sa mémoire est-elle réelle? Ou juste une métaphore de souvenirs refoulés ?

C'est la seconde fois que je vois ce spectacle excessivement complexe car poétique et brutal à la fois. On peut vite admirer et se laisser faire, arrêter de réfléchir, ressentir, se laisser bousculer. La première dois au Dorfman du National Theatre en 2019, j'ai été tellement impressionné par l'éclat de la production que je n'ai pas vraiment ressenti, pas compris, son statut de pièce sur la mémoire ou les souvenirs d'enfance. On peut très vite se laisser bercer par cette histoire d'entité monstrueuse entrée dans le monde des personnages suite au suicide dans une voiture du locataire de la famille. Entité monstrueuse prenant la forme d'une nouvelle locataire redoutable, Ursula, qui séduit l'affable père veuf du protagoniste. J'ai tellement mieux compris qu'il qu'il s'agit en fait de l'histoire d'un garçon solitaire et maltraité qui est entré en conflit avec sa famille, puis a enterré des souvenirs de cette période pendant des décennies.

Ces tunnels de voiles sont particulièrement poétiques pour passer d'un univers à un autre. 

Ce que je veux vraiment dire, c'est que j'ai trouvé ma deuxième visite à The Ocean at the End of the Lane beaucoup plus émouvante que la première. En plus, je trouve que le spectacle est meilleur au Duke of York Theatre. Le théâtre à l'italienne renforce encore la magie des éléments surnaturel qui s'y déroulent. Tour est de face, comme si nous devions affronter les événements avec lui.

La manipulation - des monstres, des accessoires, des marionnettes - est toujours aussi époustouflante, exécutée par des danseur-regisseurs en noir mais que l'on voit. Il arrive qu'il entre en scène pour enlever une table mais que le père éclate de colère sur son fils par exemple et ils ressortent laissant la table ou elle est. Cela donne une vraie vie aux accessoires.

Enfin un moment banal est particulièrement bien rendu par cette technique. Il y a une explosion et les danseurs régisseurs font partir partout table et chaises, dont les tonneaux de.la table sont particulièrement bien imaginé. On a ici pas besoin de technologie car on est dans un rêve où dans des cauchemars qui émergent du fin fond d'une mémoire.

En fin de compte, des spectacles comme celui-ci sont rares. Peut-être que quelque chose a changé, peut-être que j'ai changé, mais la deuxième fois, The Ocean at the End of the Lane m'a semblé plus grand, plus étrange, plus triste et plus beau que la première fois.

Quel bonheur de nager dans cet océan qui n'est peut-être qu'une petite mare au bout du chemin.

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Que dire à part que c'est une bombe!

Je n'aime pas trop les juke-box musicals, surtout quand ils se bornent à enchaîner les chansons d'une groupe ou d'un chanteur en racontant leur histoire (Buddy, Tina ou Get Up, Stand Up! The Bob Marley Musical). Par contre, quand il y a une histoire totalement indépendante (Mamma Mia!, Our House, Never Forget, &Juliet ou We Will Rock You par exemple), c'est en général assez efficace. Avec Moulin Rouge! on est évidemment dans la deuxième option.

Et il s'agit vraiment d'un juke-box puisqu'il y a beaucoup plus d'extraits de chansons que dans le film. On dépasse les 60, y compris des chansons qui ont été écrites au cours des 17 années écoulées depuis la première du film. Parfois pour quelques phrases musicales seulement.

Le Piccadilly Theatre a été profondément transformé - un peu comme le Playhouse l'a été pour Cabaret, mais ça c'est pour samedi soir - avec un moulin à vent et les sculptures d'éléphants de la légendaire discothèque parisienne. On y rajoute un tunnel de bijoux en forme de cœur, et des spectateurs dans des petites loges remplaçant les cinq premiers rangs.

Pendant qu'un décompte s'affiche sur les écrans où apparait habituellement le chef d'orchestre, des actrices et acteurs aux corps normativement parfaits, se pavanent dans des lingeries excentriques et interprètent une version tordue de Lady Marmalade.

Comme dans le film, l'histoire que l'on nous raconte est celle d'un amour impossible entre Satine, la chanteuse-vedette du Moulin Rouge, et Christian, un jeune compositeur menant une vie de bohème à Montmartre avec ses récents amis, ses compatriotes bohémiens, Henri de Toulouse-Lautrec et Santiago, l'Argentin.

A g: Satine (Liisi LaFontaine) - A dr: Toulouse-Lautrec (Jason Pennycooke), Christian (Jamie Bogyo) et Santiago (Elia Lo Tauro)

Les acteurs principaux sont tous au top. Le rôle de Christian a été confié à Jamie Bogyo qui fait ses débuts professionnels dans ce rôle. On est encore une étape plus loin que ce que j'avais exprimé comme remarque pour Cinderella avec le rôle de Cinderella assumé par une jeune chanteuse provenant d'une formation subsidiée par Lloyd Webber. Mais elle était une understudy dans la distribution de Cinderella. ici, Jamie Bogya est le main cast et il a deux understudy. Et il assume à fond même si ses notes les plus aigues manquent sans doute de puissance. Mais tout le monde peut avoir une voix fatiguée.

Christian (Jamie Bogyo) et Satine (Liisi Lafontaine) 

Liisi Lafontaine est parfaite dans le rôle de Satine. Sa voix, son jeu, ses nuances, ses danses, ...

Comique de retrouver ici Clive Carter, que j'ai vu tant de fois jouer le maire de Gander dans Come from Away. Il joue Harold Zidler. le directeur du Moulin Rouge en pleine ruine financière. Il aura le rôle ambigu de pousser Satine dans les bras du riche duc de Monroth, qui pourrait investir dans le Moulin Rouge et le sauver de la faillite.

Clive Carter à gauche dans Come from Away et à droite dans Moulin Rouge 

Jason Pennycooke je l'ai vu jouer plein de fois: le rôle de Jacob dans la production de La Cage aux Folles du Menier Chocolate Factory que j'ai vue lors du transfert au Playhouse Theatre dans le West End (il a eu pour ce rôle une nomination au Laurence Olivier Award for Best Performance in a Supporting Role in a Musical); je l'ai vu jouer Bobby dans Memphis au Shaftesbury Theatre (pour lequel il a été nominé pour un Laurence Olivier Award for Best Actor in a Supporting Role in a Musical); je l'ai vu jouer Benny dans le revival de Guys and Dolls au Phoenix Theatre; et enfin je l'ai vu jouer le Marquis de Lafayette et Thomas Jefferson lors de la création d'Hamilton à Londres (pour lequel il a été nominé pour le Laurence Olivier Award for Best Actor in a Supporting Role in a Musical). C'est donc le cinquième spectacle où je le vois. C'est rare...

De g à dr: Toulouse-Lautrec (Jason Pennycooke), Christian (Jamie Bogyo) et Santiago (Elia Lo Tauro)

En fait tout le cast est parfait et c'est important, un même fondamental, quand on a un musical d'une telle ampleur. Car au plus où tout est complexe, au plus tout déraillement est facile.

Mais pour une fois, j'ai envie de m'attarder sur les artistes créateurs car la réussite de ce Moulin Rouge! leur est vraiment redevable. La scénographie de Derek McLane, les costumes de Catherine Zuber et la lumière de Justin Townsend ont tous remporté à juste titre des Tony Awards aux Etats-Unis. A Londres les costumes de Catherine Zuber ont reçu l'Olivier Award.

La scénographie créée par McLane frôle l'impensable. Selon moi, c'est un chef-d'œuvre. On passe de l'ambiance du Moulin Rouge avec ce tunnel de cœurs à une rue de Montmartre, puis à, la loge de Satine avec une vue sur le Paris en contrebas, puis à l'atelier de Toulouse-Lautrec, puis au plateau vide du Moulin-Rouge, puis ... Chacun des lieux existe à 100%

Ci-dessus: le "couloir" de cœurs 
 Ci-dessus: une rue à Montmartre
Ci-dessus: la loge de Satine 
 Ci-dessus: l'atelier de Toulouse-Lautrec
Ci-dessus: le plateau vide du Moulin Rouge 
 Ci-dessus: une rue de Paris
Ci-dessus: hommage à Paris 
Ci-dessus: un des salons du Moulin Rouge 

Les costumes, les coiffures, les accessoires sont parfaits:

C'est aussi une des plus belles lumières que j'ai vues. Elle participe vraiment à la création. C'est difficile à exprimer en mots mais tellement évident quand on voit le spectacle. La lumière parvient à isoler des personnages et as seulement à les renforcer comme on le faut traditionnellement avec des poursuites.

La presse est plutôt mitigée, trouvant cela "too much", sans âme. Moi je me suis éclaté et vu le nombre de personnes pleurant aux dernières scène, ce n'est pas sans âme.

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J'ai de très beaux souvenirs de spectacles de David Hare. Tout d'abord Pravda que j'avais vu dans la grande salle du National à Rogier ou Skylight au Rideau de Bruxelles, tous les deux mis en scène par Adrian Brine. J'ai retrouvé Skylight au Théâtre Le Public puis à Bruxellons!. C'est donc avec beaucoup d'impatience que je vais découvrir Straight Line Crazy au magnifique Bridge Theatre, "petit cadeau" que s'est offert Nicholas Hytner, l'ancien directeur du National Theatre, dont voici le très beau foyer, à 50 mètres de Tower Bridge. Une simple petite disgression pour dire que l'éclairage de ce foyer - que j'admire depuis des années - a été conçu par l'architecte Haworth Tompkins qui a rénové le Drury Lane et aussi le National Theatre. Maintenant que je me suis intéressé à lui suite à la rénovation du Drury Lane, je suis un peu moins con...

Cette pièce est excessivement bien construite avec ses deux actes qui s'opposent l'un à l'autre. Elle a pour but, comme encore et toujours chez les anglosaxons, d'ouvrir le débat et pas de le terminer. Parce que comme le souligne le programme, quand on ne sait pas quoi penser, au moins on pense, alors que quand on a pensé, c'est fini. Le spectacle s'intéresse en fait à Robert Moses un célébrissime urbaniste américain.

Ralph Fiennes dans le rôle de Robert Moses 

Mais qui est ce Robert Moses? Il s'agit d'un fonctionnaire américain dont la carrière dans la planification des travaux publics a entraîné une transformation totale de New-York durant le XXème siècle. Parmi les travaux réalisés sous sa supervision on peut mettre en avant un réseau de 35 voies rapides (669 km), 12 ponts, de nombreux parcs, 658 aires de jeux pour les enfants, le Lincoln Center for the Performing Arts , le Shea Stadium, 700 terrains de basket, des écoles, 17 piscines, 150.000 logements, des jardins, des promenades paysagères, un zoo, deux barrages hydroélectriques, l'exposition universelle de New York en 1964... Il a également contribué à amener le complexe de l'ONU sur le front de mer de l'East River à Manhattan. Ses projets ont grandement influencé la planification à grande échelle dans d'autres villes des États-Unis. On peut dire sans exagérer que de 1920 à 1970, Moses façonna littéralement New-York, transformant la cité au plus profond d’elle-même en construisant quelques-unes de ses structures les plus célèbres. Toutes portent encore aujourd’hui la marque de ce rénovateur. Aussi est-il presque impossible de marcher, rouler, nager, pratiquer un sport, s’asseoir ou même dormir à New York sans utiliser un de ses aménagements.

Le bureau d'étude de Robert Moses avec ses deux jeunes collaborateurs 

C'est fascinant de se dire que cet homme a eu une si longue carrière: elle s'est étendue sur 18 présidents américains différents, de Grover Cleveland à Ronald Reagan. Mais ce qui est très fort dans ce spectacle, c'est que David Hare ne s'est pas attardé à décrire toute la carrière de l'urbaniste. Non. Il met le focus sur deux épisodes particuliers séparés de 30 ans. L'acte I se déroule en 1926, lorsque Moses force littéralement le gouverneur de New York, Al Smith, à convenir de deux vastes autoroutes qui relieront la ville aux parcs et aux plages de Long Island. Et puis, l'acte II, lorsque Moses tente de construire une route à travers le Washington Square Park de New York, mais se heurte à la résistance des premières versions de l'environnementalisme.

 Confrontation entre Robert Moses (Ralph Fiennes) et le gouverneur de New York, Al Smith (Danny Webb)

Acte I - 1926

Moses a obtenu son premier emploi au gouvernement en 1913. Moses a accédé au pouvoir politique lorsque Al Smith a été élu gouverneur en 1922 - ce dernier apparait longuement à l'acte I. Moses a à cette occasion profondément renforcé le pouvoir du gouvernement de l'État de New-York. Il faut souligner qu'il a commencé à perfectionner ses compétences en rédaction de lois et en a profité pour se lancer dans des grands projets en s'appuyant fortement - sans toujours le consulter au préalable - sur le pouvoir politique de Al Smith pour faire promulguer des lois. Cela a permis la création de la Long Island State Park Commission et du State Council of Parks. Il était président des deux. Il allait occuper ces postes pendant près de 40 ans.

Moses a bâti sa réputation d'homme qui «fait avancer les choses» avec ses projets à Long Island dont le Jones Beach State Park, et les parkways (routes rapides) pour y arriver: la Nothern State Parkway, la Southern State Parkway et la Wantagh State Parkway.

Le nouveau State Park et les routes pour y arriver 

Les somptueux bains publics, le château d'eau campanile et les parkings pour des milliers de voitures à Jones Beach étaient sans précédent pour une plage publique. La popularité de Jones Beach était comparable au succès de Central Park 71 ans plus tôt: 350 000 personnes se pressaient dans le parc au cours de son seul premier mois d'exploitation.

Jones Beach State Park, 1934 
Deux des piscines... 

À son apogée, Jones Beach était l'endroit où il fallait être. C'était cool. Il n'y avait rien de comparable. Et qui pourrait battre le prix? Le stationnement à Jones Beach coûtait 0,50 $ le week-end et 0,25 $ pendant la semaine. Les maillots de bain pouvaient être loués pour un demi-dollar et les essuies pour 0,35 $. Un énorme succès pour la classe moyenne. Des tas d'autres parcs ont été créés à Long Island comme le montrent les taches vertes sur la carte ci-dessus. En outre, il fit construire plusieurs autres State Parks dans Long Island et les parkways pour y amener les gens. Ces routes elles-mêmes devaient ressembler à des parcs, destinées aux déplacements des «véhicules de plaisance» ou des voitures particulières. Moïse considérait l'automobile comme le moyen de transport du futur, et a peu ou pas porté d'attention aux transports en commun dans les parcs - ce qui rendait impossible aux classes laborieuses de s'y rendre, dont les noirs de New-York. Tous les projets de Long Island ont été acclamés par le public.

Pendant la Grande Dépression qui suit la crise de '29, Moses, avec le maire La Guardia, s'est particulièrement intéressé à la création de nouvelles piscines et autres installations de baignade, dans la ville de New-York même. Il a conçu une liste de 23 piscines à construire grâce aux fonds de la Works Progress Administration (WPA), une agence fédérale créée dans le cadre du New Deal pour combattre les effets négatifs de la Dépression. Il en réalisera 17 qui étaient de vrais centres aquatiques. Chaque emplacement devait avoir des piscines distinctes pour plonger, nager et patauger; des gradins et des zones d'observation; et des bains publics avec vestiaires pouvant servir de gymnases. Les piscines devaient avoir une longueur minimale de 50 m, un éclairage sous-marin, un chauffage et une filtration de l'eau. Des bâtiments seraient également construits à proximité pour être des "lieux de confort", de terrains de jeux supplémentaires et de paysages embellis.

En même temps, les parcs de Long Island de Moses sont devenus des modèles pour le développement de parcs à New York au cours des décennies suivantes.

Dans tout ce premier acte, Robert Moses incarne cet homme qui a décidé de changer New-York et d'apporter du bien-être à sa population - la question de savoir si c'est à toute la population reste ouverte, et n'est intelligemment pas abordée dans ce premier acte.

 Rencontre de Vanderbilt et Moses

Dans l'une des premières scènes, Moses rencontre le vieux Henry Vanderbilt, issu d'"une des plus grandes familles américaines". Moses débarque chez lui pour une discussion - c'est un grand mot - d'une dizaine de minutes. Il lui explique son bonheur de nager sur les immenses plages de Long Island. Vanderbilt adore la beauté de ces lieux mais est très clair:

Vanderbilt Long Island depends for its exceptional quiet and beauty on its isolation. Seek to share that beauty and the beauty is gone.

Or Moses, veut que cette beauté soit partagée. Depuis que l'ami de Vanderbilt, le constructeur automobile Henry Ford a décidé de donner un congé annuel et de réduire la semaine de travail de 70h à 45h, ces gens ont du temps pour "vivre", lui rappelle Moses.

Moses Mr Vanderbilt, the people have discovered a new occupation. It’s called leisure. And one day it will be as popular as work.

Moses rajoute que la population de New-York s'est accrue de 7millions d'habitants depuis que la famille Vanderbilt s'y est installée. Que vont faire tous ces habitants qui ont dorénavant des "loisirs"? Il vont fuir la ville et sa chaleur étouffante d’été pour découvrir découvriront ce petit paradis qu’est le comté de Nassau. Il demande clairement à Vanderbilt ce qu'il préfère: que ces gens viennent ici comme des misérables, piétinant les dunes et jetant leurs vêtements partout sur la rive? Ou est-il préférable de construire des installations, bien pensées, bien organisées, propres, inspirantes?

Vanderbilt est évidemment très inquiet que tous ces gens débarquent à Long Island que sa famille et quelques autres possèdent. Moses est très dur, voire insolent. Il rappelle à Vanderbilt que sa terre ne lui appartient que parce que ses ancêtres ont un jour planté quatre piquets sur une terre qui n'appartenait à personne, ce qui suffisait pour l'acquérir légalement et définitivement. Bien sûr, cela est garanti par la Constitution américaine, mais...

Moses This is a new age...

Vanderbilt s'emporte lui reprochant de débarquer dans son salon comme Lénine, avec un costume qui ressemble à des loques, triturant son chapeau entre ses mains et tu débitant des insultes irlandaises. Vous emmenez, semble-t-il, une bonne partie de Jones Beach. Moses lui rappelle que le Gouverneur Al Smith vient de déclarer: «Entre les privilégiés et la foule, je choisit la foule.» Quand Vanderbilt lui fait comprendre qu'il ne cèdera aucun mètre carré de ses terrains pour faire passer les routes que Moses veut construire pour donner accès aux New-Yorkais aux plages de Long Island, Moses, une fois de plus, est cinglant: «Le remède aux maux de la démocratie, c’est plus de démocratie

Dans cette scène, on comprend que rien ne va arrêter Moses. Et que ce qu'il veut mettre en place avec Jones Beach State Park est très différent de ce qui existe déjà à Coney Island (sorte de croisement entre les foires et les parcs d'attraction aujourd'hui). Moses, une fois de plus est très clair: «Ces endroits sont des égouts ouverts, comme vous le savez, présidés par des marchands de saumon et de bagels. Inondé de publicités tapageuses et de soi-disant amusements, qui n’amusent personne. S’il y a une chose que je méprise, c'est bien cela.» Non, le Jones Beach State Park que Moses veut créer, sera un lieu agréable, relaxant et sain, loin de toute contingence commerciale.

Moses termine par une menace: «Rappelez-vous, monsieur, vous avez acquis vos millions en exploitant les youpins et les ritaux qui vivent dans les immeubles que vous possédez. Maintenant, vous voulez que j’aille dire aux travailleurs que vous avez l’intention de les priver d’une journée de travail à la campagne?»

Les deux jeunes assistants de Moses et le gouverneur Al Smith 

La problématique est très clairement posée. Et Moses était vraiment habité de ces intentions positives mais... Car il y a deux mais. Le premier est son mépris pour la réglementation. Il s'agit en fait d'un mépris absolu pour la bureaucratie inutile. Il est prêt à passer au bulldozer dans les propriétés des anciens propriétaires (style les Vanderbilt). Mais il va lancer la construction de ses routes avant tout accord officiel. Une des plus belles scènes de la pièce est son affrontement avec le gouverneur de New York, Al Smith. Un homme politique astucieux, grand consommateur de whisky et charismatique. Il n'est pas dupe de la démarche de Moses, mais il veut s'en servir. Et c'est là que l'on ressent le second "mais". Moses est un partisan irrationnel de la voiture. Ses arguments sont bidons - les gens ont envie d'être seuls, ... . Il est à ce niveau totalement doctrinaire. Mais le chef, c'est le Gouverneur Smith, et il va être très clair:

SmithI want a train. I want my voters on this beach. All of them. (Moses looks him in the eye)It’s an order. Trains, buses and cars. All three. Or no beach.

Et pourtant il n'y aura jamais de train. La scène se termine par un bref échange avec sa jeune collaboratrice, Finnuala:

MosesThey arrive by car.

FinnualaAnd the people who can’t afford a car?

Moïse la regarde avec un mélange d’affection et de condescendance.

MosesDon’t you start, Finnuala. Don’t you start doubting.

Se poser cette question, c'est comme remettre en plcae tout le système, la doctrine Moses.

Quoi qu'il en soit, à l'entracte, on est majoritairement séduit par l'homme. Je me souvient à ce moment de la rencontre qu'il y a eu avant le spectacle, où la personne qui est intervenue - je n'ai jamais compris qui c'était - a répondu à une question de spectateur qu'il ne fallait jamais oublier par exemple qu'à Paris Haussmann a rasé des quartiers entiers de la ville pour construire les grands boulevards. Or ces grands boulevards sont la fierté de Paris aujourd'hui. Hausmann a précédé Moses de 75 ans. L'interlocuteur était prêt à rendre les paris que dans 75 ans, Moses serait à nouveau encensé.

Acte II - 1955

On va basculer trente ans plus tard, en 1955. Robert Moses est toujours là, plus puissant que jamais, même si certains commencent à le remettre en cause. Rappelons que nous n'en sommes plus à cette époque au petit projet du Jones Beach State Park mais bien face à une ville qu'il a été complètement modifiée.

Dès la première scène, on entre dans le vif du sujet par une réunion de citoyens qui s'opposent au projet de rénovation du Washington Square Park que Moses veut mener à bien.

 Les deux cartes de gauches montrent le parc au début des années '50 et celui avec les voies rapides. On voit à droite le pont.

En fait, cela embête profondément que la 5th Avenue - qui est à New-York ce que peuvent être les Champs Elysées à Paris ou Oxford Street à Londres - soit arrêtée par le Washington Square Park et ne soit pas reliée directement avec le sud de Manhattan. Moses veut donc prolonger la 5ème Avenue en la reliant avec la LaGuardia Place. Pour cela, il faut construire une route à quatre voies (deux dans chaque sens) qui traverse le parc. Il propose de construire un pont pour les piétons.

Une de ses autres idées est de relier l'est à l'ouest de Manhattan. Comme le montre la carte ci-dessous, Manahattan est bordé par deux highways verticales. Mais aucune grande artère horizontale.

Dans ce deuxième acte, il prend à parti son assistante Finnuala - qui est toujours là 30 ans plus tard:

MosesLook at the network!

FinnualaI’ve seen it. Many times.

MosesThe vertical observed. The horizontal ignored. Look! (...) North to South, on either side, the West Side Highway, the East Side Highway, traffic carried efficiently and with speed to its destination. And across the city? Nothing! East to West? Nothing! It’s an offence against logic. And against reason.

Ce qu'il dit est une réalité logique si on se base uniquement sur l'optimalisation de la circulation automobile. Mais en oubliant tout ce que cela implique au niveau des quartiers qui vont être rasés pour construire cette highway horizontale, où la coupure d'un quartier en deux. Juste en guise de clin d'œil, les quartiers qui vont être rasés dans West Side Story, c'est un effet des "rénovations" de Robert Moses.

Et Finnuala va le lui rappeler, sans ambages:

FinnualaYou see, I never worried at first why you were so against public transportation. When we built the bridges over the road to Jones Beach, remember, and we built them so low buses couldn’t go under? What was the reason? You must have had a reason. You can tell me now. After all it was a long time ago. (Silence) All right then, why didn’t we build rapid transit? Why have we never built rapid transit? We could have built a train. In fact, Al Smith – you worshipped Al Smith – I specifically remember, the Governor ordered you to build a train.

Moses He did.

Finnuala Then why not? (Again, Moses doesn’t answer). And such a fuss we made about democracy! I seem to remember: we were building the democratic beach.

Moses So we did.

Finnuala Oh yes sure, we built a beach for the people. Two splendid bath-houses in Barbizon brick, in Egyptian relief, and a campanile to set them off. A theatre for fifteen thousand, like the Coliseum. The finest people’s beach in the world. But only for the kind of people you like.

Moses I’m not sure what you mean by that.

Finnuala Clean people, Bob. Well-off people, Bob. White people. (Finnuala gets up and walks to the window). And what we’ve been doing these last few years. Look at that!

Moses What about it?

Finnuala When we went through the Bronx. Knocking down buildings and destroying communities. Do we ever stop and think who’s in those communities? There is a silence. Slum clearance, we call it. Tell you what slum clearance really means. Getting rid of the Negroes, that’s what it means.

La problématique est exprimée ici tout simplement, froidement, par une femme qui travaille avec lui, et l'admire, depuis trente ans. Et très vite on va arriver à cette phrase toute simple, elle aussi:

FinnualaYou’re stuck. You’re stuck with an idea you had thirty years ago. And you can’t move on. Is there anything worse than being trapped in a dream? (Finnuala looks at him a moment). I’m leaving, Bob.

Il y aurait tant de choses à dire encore. Comme la très belle "confrontation" entre ces deux femmes dans l'acte II. Mariah Heller (jouée par Alisha Bailey) et Finnuala Connell (jouée par Siobhán Cullen). Mariah est ce que Finnuala était il y a trente ans, une jeune collaboratrice de Moses. Mais Mariah est fort différente. Elle ne rêve pas. Il faut dire qu'elle est d'origine des quartiers que l'on veut détruire... Et elle va oser affronter Moses. C'est d'ailleurs peut-être elle qui va semer le doute dans le cœur de Finnuala et la pousser à quitter Moses.

Je pourrais parler des heures de ce spectacle tellement il m'a plu. Je suis heureux, il va passer au cinéma grâce à NT Live et j'en aurai donc une copie (chhhhht).

C'est le genre de spectacle où l'on se dit, en applaudissant: "Quel chouette spectacle". En remontant les escaliers, on en est déjà à: "C'était génial!". Et en sortant du Bridge Theatre, face à Tower Bridge et à la Tamise, j'étais assoiffé d'en savoir plus. De comprendre. Ces deux actes s'affrontaient en moi. Ca personnes n'a tort complètement et donc personne n'a raison complètement.

Moses a-t-il vraiment construit des ponts trop bas que pour les bus qui auraient ou emmener les blacks dans les parcs de Long Island puissent passer. De nombreux affirment que oui. D'autres, rappellent que le code de la route interdisait à ce type de véhicule (et les camions, ..) à passer sous ou sur un pont. Donc pourquoi construire des ponts plus hauts, et donc plus fragiles et plus coûteux, si on ne pourra de toute façon pas y faire passer des bus...

Dans les années 2000, plusieurs expositions ont été organisées à New York pour dédiaboliser Robert Moses. Tout n'était pas parfait, loin de là. Mais ce n'était sans doute pas l'extrémiste que l'on a voulu dépeindre dans les années '60 et '70, dont le meilleur exemple est le livre The Power Broker: Robert Moses and the Fall of New York de Robert A. Caro (1344 pages en 1974).

Waoooooow...

Et ce qui ne gâche rien, Ralph Fiennes est fascinant.

23

Après le spectacle de cet après-midi, il va falloir faire fort pour soutenir la comparaison. En plus je ne sais pas du tout ce que je vais voir. Le spectacle est encore en preview, et la seule chose qui me guide est la confiance que j'ai en la diversité de programmation du National Theatre.

Je vais vivre ce spectacle de manière très bizarre. Sans doute parce que je n'ai pas compris dès le départ l'option de mise en scène. Et la force de cette idée va naître en moi en cours de spectacle. Je savais pour avoir lu le programme - en mangeant mes petits croustillants de poulet dans l'un des 6 restaurants du National Theatre, il faut vivre, non? - que cette pièce était semi-autobiographique.

L'auteur, Emlyn Williams, est né dans une famille ouvrière de langue galloise. Il était l'aîné des trois fils survivants de Mary, une servante et de Richard Williams, un marchand de légumes. Il n'a parlé que le gallois jusqu'à l'âge de huit ans. Son trajet était totalement pré-dessiné: les mines à 12 ans. Mais, à 10 ans, il a été "repéré" par Sarah Grace Cooke, professeur de français. Au cours des sept années suivantes, elle l'a encouragé dans ses études et l'a aidé à payer son séjour chez un de ses amis français en Haute-Savoie en France, où il a passé trois mois à perfectionner son français. Quand il a eu 17 ans, elle l'a aidé à gagner une bourse à Christ Church, Oxford, où il a étudié le français et l'italien.

The corn is green, qu'il a écrite à 38 ans, s'inspire de son trajet. En effet, dans la pièce, Miss Lily Moffat arrive dans la campagne du nord du Pays de Galles, déterminée à aider les jeunes mineurs locaux à sortir de la pauvreté en leur apprenant à lire et à écrire. Or, ils ne parlent que gallois. Elle y crée une école Elle a du mal à gagner les mineurs gallois locaux à ses manières anglaises. Lily repère rapidement le talent de l'analphabète Morgan Evans, qui est en plus totalement indiscipliné. Malgré la résistance croissante de la communauté, elle fait tout ce qui est en son pouvoir pour lui forger un nouvel avenir. Elle est totalement déterminée à tout faire pour que Morgan obtienne une bourse à Oxford. Mais Morgan se rebelle contre l'aide d'une femme et tombe sous le charme tapageur de Bessie Watty. Ses chances de succès sont presque anéanties mais la sérénité courageuse de Miss Moffat et son affection pour lui l'emportent et Morgan remporte la bourse. Un autre avenir s'ouvre à lui.

La magnifique  Nicola Walker dans le rôle de Miss Moffat

Quand nous entrons dans la salle Lyttelton du NT, nous sommes face à un grand mur brun avec trois arcades vitrées. Au début du spectacle, l'arrière s'illumine et nous assistons en ombres chinoises à une réception mondaine. Un homme, costume chic, ouvre une porte et sort à l'avant-scène.

Il commence à parler: "XXX". Ne connaissant pas la pièce, c'est très désarçonnant. En fait, il nous lit les didascalies de la pièce. Pendant ce temps, le noir se fait derrière les trois grandes baies vitrées, puis ke panneau part dans les cintres, nous donnant une vue sur le plateau du Lyttelton complètement dénudé. Aucun décor. Il y a seulement au centre du plateau une sorte de scène de 20 cm de haut posée à même le plateau. Les personnages sont sur scène. Quand ils jouent, ils montent sur cette scène de 20cm. On est presque dans une salle de répétition. Les acteurs qui ne jouent pas, sont silencieux sur le bord de la scène. Chaque fois qu'il y a des didascalies, le personnage du début les dit. Et de temps en temps, il dit une phrase aussi en même temps que l'un des acteurs. Très honnêtement, cela m'énerve. Je trouve cela cheap.

La pièce a été écrite en trois actes. Et l'entracte se fait à la fin du premier acte, soit au bout de 50 minutes. Etrange pour une pièce qui dure 2h40. Re-questionnement. Jusque-là, je ne suis pas du tout persuadé par ce spectacle. Quand le mur brun aux trois verrières - qui sert de rideau - se lève après l'entracte pour le deuxième acte, on se retrouve face à une scénographie "intermédiaire". On a cette fois un vrai décor de la "salle de classe", mais le décor est plus petit que le cadre de scène de la Lyttleton, ce qui fait que l'on voit ce qui se passe dans la salle de classe mais quand un acteur sort par une porte latérale on le voit progresser en coulisses. Le personnage du début est toujours là, mais ne nous dit plus les didascalies puisque nous avons un décor. Et c'est là que mon euro tombe. Et que je trouve l'idée très très judicieuse et pleine de sens.

Le personnage qui a émergé de la verrière pendant le "prologue" et qui nous assénait les didascalies est Emlyn Williams, l'auteur de The corn is green. En parallèle à la progression du personnage de sa pièce, Morgan Evans, le metteur en scène a décidé de symboliser la progression historique similaire de l'auteur en partant d'une expression brute au premier acte (pas de décor, comme si on était en répétitions), puis basculant vers une forme plus élaborée au second acte (décor mais on voit encore en coulisse) pour aboutir à une forme totalement finale (même décor qu'à l'acte II mais le cadre de scène s'est refermé de sorte que nous n'ayons plus de vision en coulisses). C'est une manière totalement symbolique de rappeler que cette pièce est semi-autobiographique.

Et cela fonctionne à fond. Car au fur et à mesure que le personnage Morgan Evans progresse sous l'influence de Miss Moffat, son environnement évolue rappelant que Emlyn Williams avait évolué de même grâce à Sarah Grace Cooke...

Miss Moffat (Nicola Walker) et Morgan Evans (Iwan Davies)

En fait cette histoire est profondément touchante. Tout d'abord le combat de cette femme, Miss Moffat, envers et contre tout pour faire éclore Morgan Evans ce jeune mineur analphabète bourrés de potentiels. En fait comme le dit l'accroche de la pièce:

One person can make all the difference

Mais ce qui ressort le plus, c'est la difficulté de s'extraire de son milieu. Mme Moffat va devoir se battre contre le châtelain du coin, The Squire, qui est profondément offensé par les idées et les manières de Miss Moffat et qui utilise son influence pour contrecarrer l'école de Miss Moffat. Dès son installation dans le village minier gallois, elle avait annoncé qu'elle voulait acheter une grange voisine pour y installer son école. Mais lors de la première rencontre avec The Squire, celui-ci est excessivement dénigrant par rapport au projet de Mme Moffat. Elle lui répondra très sèchement: "Et vous, vous faites quoi dans la vie?" Il sortira en claquant la porte. Elle sera obligée d'installer l'école dans son salon.

Dans les semaines qui vont suivre, les cours pour les mineurs vont être complexes à organiser. Un jour cinq jeunes mineurs, dirigés par Morgan Evans, sont impolis et grossiers. Lorsque survient à ce moment le Squire avec une humeur triomphante, Miss Moffat se rend compte qu'il a usé de son influence pour saboter son plan. Elle le traite de tous les noms: "I know I shall be sticking a pin into a whale, but here are just two words about yourself. You are the Squire Bountiful, are you? Adored by his contented subjects, intelligent and benignly understanding, are you? I should just like to point out that there is a considerable amount of dirt, ignorance, misery and discontent abroad in this world, and that a good deal of it is due to people like you, because you are a stupid, conceited, greedy, good-for-nothing, addle-headed nincompoop, and you can go to blue blazes. Good night!"

Et pourtant elle va continuer à se battre et elle va réussir. Et elle va devoir livrer de nombreux combats. Et l'un des plus passionnants, car l'un des plus touchant, est celui "contre" l'influence de la jeune et belle Bessie, la fille de sa gouvernante qui est une menteuse bourrée, de prétention et de vanité, une égoïste sans borne, ... Un jour, par exemple, elle pique une crise quand on lui interdit d'aller à la foire, et Miss Moffatt se voit contrainte de l'enfermer dans sa chambre, la menaçant de l'envoyer travailler dès le lendemain si elle trouve à ce point l'école ennuyeuse. Mais cette nuit-là, Bessie va se faufiler à l'extérieur par la fenêtre de sa chambre pour rejoindre Morgan. Ce dernier est totalement ivre et s'est lui aussi disputé avec Miss Moffatt, se révoltant contre son autorité. Il ne supporte plus que ses condisciples le traitent du "petit chien du professeur". Bessy, subtilement, lui chante une douce chanson galloise mais dont le thème est une ode à la débauche. Ils tombent dans les bras l'un de l'autre.

Et bien plus.

Mais cela on l'apprendra plus tard, quand Bessie confiera à Miss Moffatt qu'elle est enceinte de l'enfant de Morgan. Je ne l'ai pas du tout vu venir, et la réaction que l'ai eue était très primaire, immédiate, évidente, me demandant si la mutation de Morgan était compromise. Surtout que nous sommes le jour de son examen d'admission et que les examinateurs vont débarquer chez Miss Moffat. Cette dernière fait promettre à Bessie de ne rien dire avant que l'examen ne soit terminé. Elle lui dit calmement que cette annonce de grossesse - et l'examen - la rendait tellement nerveuse qu'elle pourrait aller jusqu'à tuer Bessie si elle parlait. Morgan part pour son examen. On vit tout avec les personnages en live, comme si on était de leur propre famille.

Le dénouement pourrait tenir du vaudeville, s'il n'avait un lien si direct avec le potentiel changement de vie de l'un des personnages. Quand Morgan revient de l'entretien à Oxford, tous - les enseignants, les étudiants, le Squire - l'attendent avec impatience, beaucoup d'entre eux se rendant même à la gare. Mais le dernier train de Londres arrive, et Morgan n'y est pas. On joue avec nos nerfs... En fait, il a pris un train plus tôt et a marché de l'arrêt jusqu'à la maison de Miss Moffatt. Il veut la voir elle en premier. Il lui raconte son séjour à Oxford. Il est extatique mais les résultats n'arriveront par la poste que dans deux jours.

C'est alors que vont survenir deux événement surprenants. Tout d'abord un "show stop". Un spectateur a fait un malaise, assez important, dans la salle. Arrêt de près de 25 minutes. Et puis le vrai coup d'éclat, qui avait été initié puis interrompu par le show stop - ce qui très efficace pour le suspense mais difficilement reproductible. Bessie pénètre dans la pièce, parée d'une manteau de fourrure blanche et de bijoux scintillants, fortement maquillée ce qui lui donne un air plus âgé que son âge. Nous sommes plusieurs mois après la scène précédente, et elle est devenue maman. ce qui réjouit dans un premier temps sa propre mère, la gouvernante de Miss Moffat. Mais plus du tout quand elle apprend que l'enfant est de Morgan. Mr Jones - le majordome Miss Moffat - propose d'épouser Bessie mais elle a un petit ami Alf qui n'aimerait pas ça. En fait, Alf et Bessie ne veulent pas du bébé. Et même si Mr Jones l'épousait, elle l'abandonnerait avec le bébé...

La maman de Bessie propose alors à Miss Moffatt d'adopter l'enfant. Dans un premier temps, elle résiste car elle ne connaît rien aux bébés. Mais Bessie elle-même pense que c'est une solution parfaite et fait pression sur Mlle Moffatt en suggérant qu'elle pourrait devenir comme son père. Et elle promet que Morgan ne le saura jamais. Mais après le départ de Bessie, Morgan fait irruption. Le Squire lui a tout raconté. Au même moment, la poste délivre un télégramme: Morgan a remporté la bourse d'Oxford, se classant premier.

S'engage une magnifique conversation sincère entre Miss Moffat et Morgan. Elle le convainc de poursuivre ses études supérieures puis persuade The Squire que Morgan est promis à un merveilleux avenir, pouvant amener lumière dans la mine et en libérer les enfants.

Mais Miss Moffat est consciente qu'il ne devra jamais entrer en contact avec l'enfant, et qu'il s'agit donc de leur dernière discussion. Ils ne se reverront plus. Le village arrive pour fêter le succès de Morgan et l'emmène au dehors. La maman de Bessie arrive avec une enveloppe de sa fille: le certificat de naissance du bébé.

Miss Moffat regarde par la fenêtre la parade, pleine de fierté. Des larmes brillent dans ses yeux. Noir. Et tonnerre d'applaudissements.

L'affiche résume tellement bien cette femme qui vit à contrepied du monde dans lequel elle est née.

Quel magnifique spectacle sur le droit universel à l'éducation, au savoir. Merci une fois de plus au National Theatre de m'avoir fait découvrir cette pépite. Je sors du théâtre, l'esprit embrumé sur les bords de la Tamise. Londres est encore plus belle que d'habitude.

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Le titre complet est: "For Black Boys Who Have Considered Suicide When the Hue Gets Too Heavy" 

Disons-le tout de suite ... c'est plus que beau. La pièce de Ryan Calais Cameron est une méditation sur la MASCULINITE NOIRE dans laquelle le langage, le mouvement et l'imagerie se rejoignent dans une fusion de passion et de grâce.

Le spectacle s'appuie - et se veut un hommage - à la pièce de Ntozake Shange (décédée en ocotbre 2018) For Colored Girls Who Have Considered Suicide When the Rainbow Is Enuf. Il racontait les histoires d'un groupe de femmes noires qui ont subi l'oppression dans une société raciste et sexiste. Le spectacle avait été nommé aux Tony Award, Grammy Award et Emmy Award.

For Black Boys Who Have Considered Suicide When the Hue Gets Too Heavy poursuit la conversation entamée par Shange il y a près d'un demi-siècle, mais côté masculin cette fois. Lentement mais sûrement, la société prend conscience de la crise de la santé mentale et du suicide qui touche les jeunes hommes. Et comme le montre clairement la pièce de Ryan Calais Cameron, les jeunes hommes noirs sont particulièrement menacés en raison de la discrimination à laquelle ils sont confrontés dans une société dirigée par des Blancs.

Calais Cameron imagine six hommes noirs - Onyx, Pitch, Jet, Sable, Obsidian et Midnight - décrivant leur éducation à l'aide de monologues fragmentés. Calais Cameron montre comment chacun des personnages est préparé à une sorte d'"hyper-masculinité" toxique qui les met en danger face aux autres – mais aussi en danger pour eux-mêmes.

Ces six jeunes garçons noirs se rencontrent lors d'une séance de thérapie de groupe. "Quel âge avais-tu quand tu as découvert que tu faisais peur?" Il y a du chagrin dans ses yeux lorsque l'un d'eux répond: «Treize». Sable se souvient d'avoir été victime de profilage racial par la police, tandis qu'Onyx porte en lui le traumatisme d'un père violent.

Le texte rythmé et palpitant de Cameron nous ballade à un rythme effréné allant de l'intimidation et des rejets dans la cour de récréation à un débat sur la reprise du mot N*****; de l'interrogation des stéréotypes des playas (les poseurs et leur souci de satisfaire leur ego par l'apparence) et des gangstas (les gangsters et leur culture du gang) aux récits de l'histoire familiale; du sexe et de l'intimité et surtout de l'anxiété de la performance sexuelle. Pitch (le personnage à doroite sur la photo ci-dessous) décrit ses angoisses à l'idée de parler aux femmes - un des plus beaux moments de la pièce - et Midnight soulève ses angoisses face à la performance au lit. Pendant ce temps, Jet entre en conflit avec une vision hétéro-normative de la noirceur. "Être noir est déjà assez difficile", dit-il. "Être noir et gay ou queer peut sembler une proposition cruelle et impossible".

Les histoires qui se croisent ont une authenticité brute. La colère et l'humiliation des interpellations par la police et des fouilles répétées; les attentes écrasantes, transmises par leurs pères, fondées sur de fausses notions d'hyper-masculinité, ennemies du bien-être émotionnel; la tension et l'épuisement incessants de naviguer dans une société raciste.

For Black Boys est en fait un cri d'urgence, même s'il a fallu près d'une décennie de développement avant d'avoir sa première. L'un de ses triomphes est de démontrer qu'il n'y a pas d'expérience homogène du fait d'être noir. Il y a en outre un vrai débat entre eux sur le "colorisme" et le privilège autoproclamé de Sable (le comédien tout à droite sur la photo ci-dessous) lorsqu'il s'agit d'attirer les femmes en raison de sa peau plus claire. Je trouve cela formidable de voir de tels sujets débattus ouvertement sur une si importante scène londonienne - en particulier lorsqu'ils sont abordés par six hommes noirs.

En fin de compte, ce qui est exprimé et éclairé ici, c'est la pression des attentes auxquelles sont confrontés les jeunes hommes de couleur. L'intention sous-jacente est de bannir les stéréotypes et de remplacer les couches de dégoût de soi imposé par l'amour de soi. L'impact cumulatif de ce spectacle drôle, tendre, poignant et vitalement populaire est potentiellement profond. Il a le pouvoir de vous donner envie de VRAIMENT traiter vos semblables, quelle que soit leur couleur de peau, avec plus de gentillesse et de respect.

Bien que les acteurs aient TOUS de fortes personnalités, il n'y a pas de personnages en tant que tels. En fait il y a des centaines de personnages et les comédiens se reconfigurent pour chaque nouveau témoignage afin d'aborder ou de remettre en question les stéréotypes. Il faut souligner le langage physique (on est bien au-delà d'une simple chorégraphie, car il y a un travail permanent sur les corps) conçu par Theophilus O. Bailey-Godson. Les comédiens passent par exemple d'enfants à des rappeurs en un clin d'œil.

C'est du théâtre d'ensemble à l'état pur. Le cast est époustouflant et chaque acteur est une star à part entière, tout créant simultanément une dynamique de groupe enchanteresse. Il serait impossible d'en mettre un en évidence tant ils sont tous si forts. Chaque acteur offre nuance et grâce.

Pour finir, il n'y a qu'un seul mot qui me vient pour décrire For Black Boys Who Have Considered Suicide When The Hue Gets Too Heavy - "essentiel". Oui, on peut utiliser des mots comme «hilarant», «déchirant», «époustouflant», «fantastique» - mais aucun n'est aussi proche de la vérité que «essentiel».

La fin du spectacle:

JET

AND GOD SAID LOVE YOUR ENNEMY

PITCH

AND I OBEYED AND LOVED MYSELF

ALL

AND THIS IS FOR BLACK BOYS WHO HAVE CONSIDERED SUICIDE BUT DECIDED THAT OUR STORIES MUST BE TOLD AND OUR JOY FOREVER RISING AND OUR STRENGTH AS MUCH AS OUR VULNERABILITY HAS GOT TO BE STRONG AS OUR ANCESTORS'

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Bon, maintenant, cela devient compliqué. Après le choc de cet après-midi et celui d'hier soir dans la Lyttelton, me voici de retour au National pour un spectacle dans l'Olivier... Small Island va-t-il soutenir la comparaison? On est en tous cas reparti pour un spectacle de plus de trois heures. J'ai vu tant de belles choses dans cette salle, que j'ai toujours peur d'y être déçu.

Et une fois encore, je vais vivre une épopée à travers différentes époques et différents continents. Une épopée pleine de sens et de questionnements. A 19h30, je ne connais rien à l'histoire de la Jamaïque et trois heures plus tard, je ressortirai de cette salle tellement plus riche, intellectuellement et émotionnellement. Mai n'allons pas trop vite.

Eté 1939 - Jamaïque

Tout commence à la Jamaïque durant l'été 1939 au moment où l'institutrice Hortense prépare son école à subir un ouragan tropical. Une autre institutrice, Mrs Ryder, une anglaise blonde originaire de la métropole, est émerveillée par la force du vent, ce qui consterne Hortense. Nous comprendrons aussi dans quelques instants ce qui oppose les deux femmes. Flashback...

Nous retrouvons Hortense enfant. Elle est élevée par sa grand-mère, ses parents ayant du émigrer pour raison de travail. Elle travaille comme gouvernante chez Mr Philip Roberts, un jamaïcain, cousin du père d'Hortense. On y vit selon des règles strictes, craignant Dieu. Hortense va y rencontrer le fils de la maison, qui a son âge, l'espiègle et libre Michael. Une magnifique relation d'amitié va naître entre eux.

Quelques années plus tard, Michael est envoyé au pensionnat et nous voici de retour en 1939, plusieurs semaines avant l'ouragan. Michael rentre chez lui pour de bon. Il est devenu un jeune homme confiant et attrayant, admiré de tous. Mais Michaël est instruit et lorsqu'il parle de Darwin à son père, pour qui Dieu est tout, la discussion est houleuse. Les réponses de Michaël font rire Hortense mais la maman de Michaël la gifle violemment.

Michael s'excuse de l'attitude de ses parents. Hortense est submergée par ses sentiments pour Michael. Elle lui parle de son travail à l'époque et de Mme Ryder, l’institutrice qui a les cheveux blonds et la peau pâle. Immédiatement, Michael montre un intérêt pour Mme Ryder et lui demande si elle est mariée... Cela ne l'empêche pas de flirter ensuite avec Hortense, une improvisations adulte de leurs jeux enfantins...

Hortense est certaine que Michael, la nuit de l'ouragan, viendra la protéger. Mais lorsque Michael apparaît à la porte, il pousse Hortense et se précipite pour embrasser passionnément Mrs Ryder. Hortense est horrifiée et s’enfuit de l’école en pleine tempête.

Hortense rentre chez elle où elle retrouve la maman de Michaël désemparée et son père possédé par la colère. Michael rentre peu après pour les informer qu’il part en Angleterre, pour «se battre pour la Mère Patrie» en guerre. La Jamaïque est un territoire anglais. Mr Philip jette son fils dehors, car il a fait honte à leur famille.

Michael rencontre une dernière fois Hortense avant son départ. Il lui conseille de s’éloigner de cette petite ville: "Il y a tout un monde à vivre". Mais Hortense lui reproche d'avoir perdu sa moralité. Michael s’en va, s’excusant une dernière fois de la laisser... Cette fois Hortense ne peut pas pardonner.

Hiver 1941 - Londres

Nous basculons à Londres durant l'hiver '41. Et nous allons rencontrer un second personnage féminin central de la pièce, Queenie. Et on va avoir un processus similaire à ce que nous avions vécu avec Hortense, le flashback. Nous assistons à une sorte de déménagement. Un jeune homme, Bernard proteste. Mais Queenie tente de le persuader que d’autres personnes ont besoin des meubles parce qu’ils ont été bombardés. Mais Bernard demande froidement: «Sont-ils notre genre de personnes?». Queenie part dans un aparté au public où elle explique comment elle s’est retrouvée ici.

Elle est née dans une ferme, où ses parents égorgeaient des cochons. Mais elle avait une tante glamour, qui a eu besoin d'aide dans son magasin de bonbons et qui a emmené Queenie vivre avec elle à Londres. Arrivée à Londres avec sa tante, une nouvelle vie commence: elles achètent de nouveaux vêtements pour Queenie.

Très vite Dorothy remarque qu'un jeune et gentil monsieur, Bernard, s'intéresse à Queenie. Ces scènes sont hilarantes. Dans un nouvel aparté au public, Queenie admet que la première fois que Bernard est entré dans la boutique, elle l’a à peine remarqué. Mais Bernard finit par trouver le courage de demander à Queenie d’aller se promener avec lui, mais il reste extrêmement distant et réservé. Ce n'est pas la liaison romantique dont elle rêvait. Mais Dorothy lui assure qu’il est un gentleman.

Queenie décide de rompre avec Bernard mais il la supplie à genoux de ne pas le faire, car il espérait qu’ils allaient se fiancer. Après la mort subite de Dorothy (un moment d'anthologie de par sa simplicité théâtrale), Queenie accepte d’épouser Bernard plutôt que de devoir retourner à la ferme de ses parents et à ses cochons sanguinolents.

Et après trois quarts d'heures de spectacle, nous allons rencontrer l'un des personnages les plus attachants du spectacle: le père de Bernard. Queenie emménage donc dans la maison de Bernard et rencontre Arthur, le père de Bernard, qui a combattu pendant la Première Guerre mondiale et traumatisé, ne parle plus. Bernard annonce à Queenie qu’il veut des enfants. Mais cela ne marche pas. Il faut dire que leurs «relations conjugales» sont pour le moins superficielles! Son médecin lui conseille de «faire plus d’efforts». Fin du flashback de Queenie.

Nous revenons à 1941. Bernard et Queenie se disputent toujours pour les meubles. Queenie insiste pour demander à Arthur si elle peut donner les meubles, et Arthur hoche la tête de manière décisive. Soudain, les sirènes du raid aérien retentissent et les trois plongent pour s’abriter; mais Queenie est projetée par la force de l’explosion mais elle est sûre qu’ils n’ont pas été touchés en direct. Quand elle dit qu’elle part jeter un coup d’œil, Bernard l’arrête soudainement et lui dit pour la première fois qu’il l’aime. Il suffisait d'une bombe!

Queenie a transformé leur habitation en Rest Center, c'est à-dire un lieu aménagé pour recevoir des réfugiés chassés de chez eux suite aux bombardements. Quelqu’un demande à Queenie si elle peut accueillir trois pilotes pour quelques nuits, mais Queenie répond que Bernard ne le permettrait jamais. Ce dernier apparaît et annonce à Queenie qu’il s’est inscrit à la RAF. Cette annonce induit en nous un vrai sourire - un peu comme le "Je t'aime" lors du bombardement - tant il est coincé. Queenie l’aide avec son uniforme. Arthur et elle lui disent affectueusement au revoir.

Une semaine plus tard, les trois aviateurs arrivent chez Queenie. L’un d’eux est Michael Roberts que nous avions abandonné à la Jamaïque. Il y a une attraction instantanée entre Queenie et Michael.

Automne 1943 - Lincolnshire

Nous faisons un bon de deux ans dans le temps et nous retrouvons à l'automne '43. Va apparaître un nouveau personnage principal, Gilbert Joseph, une recrue jamaïcaine de la RAF. Et lorsque nous le rencontrons, il se bat avec un GI. Et rebelotte, Gilbert s’adresse lui aussi au public pour le prévenir qu'il nous ramène au moment où il s’est inscrit à Kingston, en Jamaïque, afin que nous puissions comprendre sa décision.

Un officier questionne Gilbert qui lui explique qu’il a l’intention de devenir avocat. L’officier lui dit qu’avec ses notes, il sera mitrailleur aérien ou mécanicien navigant. Gilbert est ravi, mais son cousin, Elwood, lui reproche d’avoir rejoint «la guerre d’un homme blanc». Gilbert lui assure qu’il va quitter l’île, devenir mitrailleur aérien et ensuite aller dans une université anglaise. Mais quand Gilbert est arrivé dans le Lincolnshire après sa formation de base, au lieu d’être mitrailleur aérien, il a dû se contenter de conduire un camion de charbon pendant six mois. Et surtout, il n’a pas été chaleureusement accueilli par les habitants, qu'il venait soutenir dans leur guerre.

Gilbert est seul en ville un jour quand Arthur (le père de Bernard) s’approche de lui (photo ci-desus). Gilbert est gêné par l’attention que lui porte Arthur. Soudain, un avion vole en rase-motte au-dessus de leurs têtes et Arthur est pris d'une crise de panique. Dans sa confusion, Arthur prend un morceau de papier de sa poche avec son adresse dessus, ce qui permet à Gilbert de le ramener chez lui. En fait, Arthur a pris Gilbert pour Michael. Queenie l’invite à entrer, mais Gilbert doit se rendre d'urgence à sa caserne...

De retour dans le présent, un GI américain blanc commence à narguer Gilbert, l’appelant « boy ». Alors que le groupe est sur le point d’en venir aux mains, Queenie se précipite, demandant à Gilbert s’il a vu Arthur. Arthur apparaît, et Queenie invite Gilbert au cinéma avec eux. Les GI ne peuvent continuer leur bastonnade en présence d'une femme blanche. Et pourtant...

Quand ils entrent au cinéma, l’ouvreuse dit à Gilbert - qui est jamaïcain, fut-il soldat anglais - qu’il doit s’asseoir à l’arrière, avec les autres « colorés ». Gilbert résiste mais lorsque l’un des GI utilise une insulte raciale, la tension s’intensifie. Une bagarre éclate et les policiers commencent à frapper les noirs avec des matraques et à siffler, ce qui terrifie Arthur. Un coup de feu est tiré et Arthur s’effondre au sol. Queenie se précipite vers lui, et il dit son nom faiblement, avant de mourir dans ses bras. Cela restera un de mes grands moments de théâtre. Et le silence de ces 1.300 spectateurs. Le théâtre est un temple, définitivement.

Hiver 1946 - Kingston, Jamaïque

La guerre est terminée et il y a une atmosphère de fête à Kingston. Hortense entre - elle s’approche de Gilbert, pensant qu’il est Michael, et il la renverse accidentellement. Elle le rabroue avec arrogance et il la traite de «spitfire». Hortense lui demande cependant s’il connaît Michael car elle a reçu un télégramme pour dire qu’il était disparu. Gilbert lui dit gentiment la vérité, à savoir que cela signifie que la personne est décédée. «Michael n’est pas le genre de personne à mourir», lui rétorque Hortense.

Été 1947 - Londres 

Mais Hortense n'est pas la seule à qui un être cher manque... Six mois plus tard, à l'été 1947, à Londres, Queenie parle à un officier, le capitaine Soames, de son mari. Bernard a été démobilisé à l’hiver 1946, mais n’est toujours pas rentré à la maison. Le capitaine lui dit que son mari a passé une courte période dans une prison militaire vers la fin de son séjour en Inde, pour avoir désobéi aux ordres et perdu son arme. Queenie désespère - elle doit s’occuper de la maison d'Earl’s Court et ne sait même pas si elle est veuve ou non.

Printemps 1948 - Kingston, Jamaïque & Londres, Angleterre

Les scène vont alterner entre les deux continents, se parlant ou s'interrogeant à distance.

Hortense se ballade avec son amie Celia à proximité d'un rassemblement politique réclamant l'indépendance de la Jamaïque. Le petit ami de Celia est Gilbert - lui et Hortense se reconnaissent. Gilbert, à qui l'on reproche de ne pas avoir assisté au rassemblement indépendantiste, affirme qu'il croit en de meilleures opportunités en Angleterre. Gilbert et Celia parlent avec enthousiasme de leur future vie en Angleterre mais l'ambitieuse et opportuniste Hortense a un autre plan. Elle insulte Celia qui la gifle et s'enfuit.

En Angleterre, Michael arrive à la maison d'Earl’s Court et appelle Queenie. Elle est surprise de le voir mais il existe toujours quelque chose entre eux. Michael demande s’il peut rester la nuit, car il part pour le Canada le lendemain. Queenie accepte mais lui dit qu’elle s’inquiète pour lui. Michael lui avoue qu'il a perdu son porte-bonheur, son portefeuille. Il ne le sait pas, mais il l'a perdu chez Queenie, pendant la guerre. Queenie le sort de sa poche, où elle l’avait gardé pour lui. Elle lui demande si la photo de la petite fille à l’intérieur était de sa sœur. Michael, gêné, affirme qu’il a perdu sa famille dans un ouragan. Cette nuit va changer la vie de Queenie...

A la Jamaïque, Hortense s’approche de Gilbert, qui vient d’apprendre la nouvelle de la navigation de l’Empire Windrush. Hortense dit qu’elle prêtera à Gilbert l’argent pour le passage en Angleterre, s’il promet de l’épouser et de l’envoyer la chercher une fois qu’il aura un endroit où vivre. Gilbert est stupéfait de sa proposition, mais Hortense explique qu’une femme célibataire ne peut pas voyager seule.

Queenie parle de la façon dont Michael la fait se sentir désirable, électrique et vivante – très différente de ce qu’elle ressentait avec Bernard.

Gilbert ne pense même pas qu’Hortense l’aime beaucoup, mais la promesse de l’Angleterre est très tentante. Hortense croit que l’Angleterre est sa « vie dorée » ; elle rêve d’être enseignante et traitée avec respect. Gilbert admet que Hortense a deviné son prix, et « c’est le prix d’un billet pour l’Angleterre ». Ils se marient et Hortense fait promettre à Gilbert de revenir pour elle. Il monte à bord de l’Empire Windrush et fait ses adieux.

Et nous en sommes à l'entracte. Cette dernière scène est fabuleuse. Même si très simple, elle est techniquement fabuleuse. Comme on le voit sur la photo ci-dessus, par ombres chinoises - tronquées en haut de la passerelle - on voit véritablement les gens monter dans le bateau. Et à un moment, un avion passe en rase-mottes, et l'on voit l'ombre passer au sein de la salle. Une fis encore, un frisson partagé par 1.200 personnes.

A l'entracte, mon voisin décide de me parler. Il est cinéaste et est fasciné par l'impact qu'à eu le passage de l'ombre de l'avion dans la salle. Et puis il m'explique à quel point ce bateau, l'Empire Windrush est un symbole pour tous les anglais. Fuyant un peu la conversation en anglais, je l'avoue, je fuis à la toilette puis je m'isole dans mon programme en faisant la file pour une glace.

Le 22 juin 1948, l'Empire Windrush a amené un groupe de 802 migrants au port de Tilbury, près de Londres. Au départ, ce bateau était un transport de troupes en route de l'Australie vers l'Angleterre via l' Atlantique, n'accostant à Kingston en Jamaïque que pour récupérer des militaires en permission. Mais une annonce avait paru dans un journal jamaïcain proposant un transport bon marché sur le bateau à toute personne souhaitant venir travailler au Royaume-Uni. De nombreux anciens militaires ont profité de cette occasion pour retourner en Grande-Bretagne. Beaucoup avaient l'intention de rester en Grande-Bretagne pendant quelques années au maximum et un certain nombre sont retournés dans les Caraïbes, mais la majorité est restée pour s'installer définitivement. L'arrivée des passagers est devenue un point de repère important dans l'histoire de la Grande-Bretagne moderne, et l'image des Antillais défilant sur la passerelle du navire est devenue le symbole du début de la société multiculturelle britannique moderne. Les personnes nées aux Antilles qui se sont installées au Royaume-Uni dans le cadre de ce mouvement migratoire au cours des années suivantes sont désormais généralement appelées la Génération Windrush.

L'arrivée d'immigrants antillais sur l'Empire Windrush n'était pas du tout attendue par le gouvernement britannique, et n'était pas la bienvenue. George Isaacs, le ministre du Travail et du Service national (un travailliste, donc de gauche) a déclaré au Parlement qu'il n'y aurait aucun encouragement pour les autres à suivre leur exemple. En juin 1948, 11 députés travaillistes écrivent au Premier ministre britannique Clement Attlee pour se plaindre d'une immigration excessive. Le même mois, Arthur Creech Jones, le secrétaire d'État aux Colonies, déclarait que le gouvernement jamaïcain ne pouvait pas légalement empêcher les gens de partir, et le gouvernement britannique ne pouvait pas légalement les empêcher d'arriver. Cependant, il a déclaré que le gouvernement était opposé à cette immigration et que toutes les mesures possibles seraient prises par le Colonial Office et le gouvernement jamaïcain pour la décourager. Cela nous rappelle une fois de plus qu'historiquement la droite a soutenu l'immigration pour obtenir de la main d'ouvre et que la gauche s'y est opposée pour défendre les travailleurs locaux (cf Marchais et le parti communiste en France dans les années '70). Tout l'inverse d'aujourd'hui !!!

En Angleterre, en juin 1950, un comité du Cabinet a été créé avec pour mandat de trouver «des moyens qui pourraient être adoptés pour contrôler l'immigration dans ce pays de personnes de couleur en provenance des territoires coloniaux britanniques».

Et les gens ne parlent que de cela en faisant la file pour les glaces. Vive le théâtre populaire.

En route pour l’acte II.

Londres

Nous retrouvons Gilbert à Londres, sur un lit dans une petite pièce et est réveillé par le son de la sonnette. Il panique alors qu’il se précipite pour accueillir Hortense, qui découvre la pièce avec dégoût.

Hortense demande à voir les autres chambres mais Gilbert explique que leur logement entier se limite à cette pièce. Queenie entre dans la pièce et tente de discuter avec Hortense.

Kenneth, un autre locataire jamaïcain, se moque du poids de la valise d'Hortense. Elle est horrifiée que Gilbert puisse avoir un ami aussi grossier, mais Gilbert explique que n’importe qui provenant des Antilles est un ami. Elle reproche à Gilbert de ne pas être venu la chercher sur le quai. Elle note également qu’il n’y a qu’un seul lit et ordonne à Gilbert de dormir dans le fauteuil. Où est la toilette? Gilbert explique qu’il a un pot de chambre à utiliser. Il le lui montre, mais il n'est pas vide. Il se précipite pour verser le contenu dans l’évier. Hortense est dégoûtée. Gilbert lui explique combien de maisons l’ont refoulé à cause de la couleur de sa peau.

Et là, une fois de plus, la réalité nous explose au visage par les faits pas par les commentaires. C'est le même Gilbert qui a été soldat dans l'armée anglaise, ou celui qui a été agressé au cinéma. L'ingratitude anglaise, qui prend les habits du racisme, paraît au grand jour.

Une des colocataires, Mlle Todd, entre chez Queenie pour se plaindre des autres locataires, les "colorés". Queenie tient bon, et quand Hortense arrive à la porte, elle demande à Miss Todd de dire à Hortense exactement ce qu’elle pense d’elle. Miss Todd s’en va fâchée, sans rien dire. Queenie en profit pour proposer à Hortense d’aller faire du shopping, disant que ça ne la dérange pas d’être vue avec elle. Hortense est perplexe, mais accepte. Une fois Hortense partie, Queenie caresse son ventre sous sa robe et respire de douleur. Elle est maintenant très enceinte.

Pour survivre, Gilbert travaille à la poste. Il demande de l’aide à des cheminots qui se moquent de lui, lui demandant quand il va «retourner dans la jungle». Gilbert veut se battre mais avec l'arrivée du contremaître, Gilbert capitule et s’excuse. Elwood apparaît dans l’esprit de Gilbert, lui demandant pourquoi il est à nouveau tombé dans le piège des mensonges de l’homme blanc.

Après cette terrible séquence, Gilbert rentre à la maison et il retrouve à quatre pattes, occupée à récurer le sol de l'unique pièce qui leur sert de foyer familial... Il lui crie de se lever: «Aucune de mes femmes ne sera à genoux dans ce pays!» Hortense, qui joue toujours la grande dame, le réprimande pour son impolitesse et lui claque son dîner sur la table: un œuf dur et une pomme de terre tranchée, qu’elle pense être les «chips» anglaises. C'est un des points forts de cette pièce, et de cette mise en scène, c'est que l'on continue à rire, même dans les pires moments. Parce que la vie continue, imperturbablement...

Gilbert jette son assiette au sol et quitte l'appartement. s’en va. Hortense couvre son visage de désespoir, et se souvient de sa jeunesse - ses années d'espoir - où son institutrice lui demandait de réciter un poème. Gilbert revient avec un cadeau pour Hortense: du vrai Fish and Chips. Hortense demande à Gilbert ce qu’est un «darkie» car c'est ce un mot qu'on lui a crié dans la rue. Comprenant, elle refuse de rester plus longtemps dans cette région, promettant de déménager dès qu’elle aura un emploi d’enseignante.

Un nouveau coup de théâtre survient. Bernard entre dans le salon. Queenie est stupéfaite de le voir. Il demande où se trouve son père Arthur, et elle lui explique qu’il est mort en 1944. Bernard admet qu’il est de retour en Angleterre depuis quatre mois. Queenie est en plein doute. Gilbert qui passait voir si Queenie allait bien tombe sur Bernard. Ce dernier est étonné de cette attitude et lui claque la porte au visage. Il n'est pas d'accord que tous ces gens habitent dans la maison et dit à sa femme qu’elle doit expulser les «coolies» (émigrés) immédiatement. Queenie lui répond qu’elle n’aurait pas pu garder la maison sans eux. Queenie est au bord de l'hystérie. Elle est particulièrement choquée que Bernard ne soit même pas venu voir son vieux père, croyant qu'il était encore vivant. Elle lui dit qu’il dormira dans un lit séparé.

Gilbert attend sa femme dans la rue près des bureaux du conseil municipal. Hortense en sort bouleversée car on lui a annoncé qu’elle ne pouvait pas enseigner sans refaire l'entièreté de sa formation. Gilbert, tentant de la réconforter, lui propose de rechercher un emploi de couturière. Hortense est très claire: son travail est d’enseigner, pas de coudre. Gilbert lui répond qu’il est aujourd'hui facteur, mais qu'un jour il étudiera le droit. Il parvient à faire rire sa femme. On ressent que, face à l'adversité, le couple commence à exister.

A leur retour, Bernard attend Gilbert et Hortense dans leur chambre. Il leur annonce qu’il vend la maison et qu’ils doivent partir. Ses arguments sont clairs: il s’est battu dans une guerre pour vivre à nouveau respectablement. C'est-à-dire sans eux. Gilbert répond qu’il a combattu dans la même guerre, et qu'il cherche une vie décente. Les deux hommes commencent à se disputer.

Queenie pousse un cri terrible d’agonie et s'effondre au sol, tenant son ventre entre les mains. Elle exige que tout le monde quitte la pièce à l’exception d’Hortense. Queenie dit à Hortense de bloquer la porte, de faire bouillir de l’eau et de regarder entre ses jambes.

Le bébé naît rapidement et Hortense le tient dans ses bras. Elle n'en croit pas ses yeux: le bébé est noir. Immédiatement Hortense pense que son mari, Gilbert, pourrait être le père. Les deux hommes qui crient à la porte sont autorisés à rentrer. Queenie a beau assurer que le bébé n’est pas celui de Gilbert. Bernard se précipite hors de la pièce.

En pensées, Queenie se souvient de Michael, de cette nuit qu'ils ont passée ensemble, la soirée du portefeuille. Elle se souvient de lui lui racontant le fait d’avoir vu un colibri dans une rue de Londres.

Retour à la réalité. Queenie dort et le bébé se met à pleurer – Bernard entre et lui donne un biberon. Queenie s’excuse... Bernard parti à la guerre, elle était si seule. Bernard admet qu’il aurait dû être un meilleur mari pour elle. Il lui explique qu’il a été envoyé pour briser les émeutes à Calcutta. C’était un bain de sang: son seul ami dans l’armée a été brutalement tué et il a été mis en prison. Il souffrait de paludisme et faisait des choses «épouvantables» et «répugnantes». Il ne voulait pas rentrer à la maison parce qu’il sentait qu’il ne méritait pas Queenie, et il ne voulait pas finir comme son père Arthur. Je me souviens ce que j'ai ressenti à l'écoute de cette réplique car il induit quelque part un lien entre les deux guerres mondiales, comme si l'histoire se répétait. En pleine guerre d'Ukraine...

Queenie est dans le salon avec le bébé et appelle Gilbert et Hortense – ils déménagent à la fin de la semaine. Queenie les invite à prendre le thé avec elle mais ils sont sur le qui-vive, et Gilbert demande où est Bernard. Queenie leur annonce que le bébé s’appelle Michael et le remet à Hortense. Ici encore - même si c'est du sentimentalisme à la con, quelle émotion! - il est très fort de voir Hortense avec dans les bras le bébé de son ami d'enfance Michaël. Sans qu'elle le sache.

Queenie les supplie désespérément de prendre le bébé. Mais Bernard apparaît et il insiste avec désespoir pour qu’elle ne donne pas son bébé, même s'il sait qu'il n'en est pas le père et qu'il est noir. Queenie argumente sur le fait que Bernard ne pourrait jamais être fier de lui. Queenie fond en larmes et Gilbert va la consoler mais Bernard lui hurle, plein de contradictions: «Enlève tes sales mains noires de ma femme!»

Gilbert lui répond par un discours passionné, arguant qu’il refuse d’être réduit à rester un serviteur pour toujours simplement parce qu’il est noir. Bernard rétorque froidement qu’il ne comprend pas ce que dit Gilbert.

Une fois seuls dans leur chambre, Gilbert et Hortense discutent de ce qui s’est passé. Hortense dit qu’elle a été abandonnée par sa mère, mais qu’elle était très aimée. Gilbert ne veut pas laisser ce bébé seul avec des gens comme Bernard Bligh. Hortense a déclaré qu’elle était fière de la façon dont Gilbert lui avait parlé et qu’il ferait un excellent avocat. Elle l’embrasse et l’invite à dormir ... dans son lit.

15 novembre 1948

«Il y a des mots qui une fois prononcés divisent le monde en deux»

Queenie remet son bébé à Hortense et Gilbert.

Ils promettent qu’ils seront fiers de l’enfant et qu’il sera aimé.

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Et une fois de plus le National m'a fait découvrir un auteur, dans ce cas une autrice, dont je n'avais JAMAIS entendu parler. L'épopée que nous fait vivre ce spectacle, tiré du roman d'Andrea Levy, me fait penser aux Misérables, en ce sens qu'il décrit des trajets de vies dans des mondes en mutation. Small Island à l'ampleur des Misérables. Assurément. Andrea Levy est très claire dans une interview donnée à la publication du roman en 2004: « Quand j'ai commencé Small Island, je n'avais pas l'intention d'écrire sur la guerre. Je voulais commencer en 1948 avec deux femmes, une blanche, une noire, dans une maison à Earls Court. Mais quand je me suis demandé: "Qui sont ces gens et comment sont-ils arrivés ici?" J'ai réalisé que 1948 était si proche de la guerre que rien n'avait de sens sans elle. Si chaque écrivain en Grande-Bretagne écrivait sur les années de guerre, il y aurait encore des histoires à raconter, et aucun de nous ne se serait approché de ce qui s'est réellement passé. C'était un schisme tellement incroyable au milieu d'un siècle. Et les Caraïbes ont été exclus du récit de cette histoire, alors j'essaie de les y remettre. Mais je ne le dis pas uniquement d'un point de vue jamaïcain. Je veux raconter des histoires de l'expérience en noir et blanc. C'est une histoire commune.»

La construction de la pièce (et du roman original bien sûr) est très intelligente car elle nous conte l'histoire de la migration caribéenne d'après-guerre, sous quatre angles différents, au travers de quatre narrateurs - Hortense et Gilbert, qui émigrent de la Jamaïque à Londres en 1948, et un couple anglais, Queenie et Bernard, dans la maison de laquelle ils trouvent un logement à Londres. La magie de la pièce réside dans sa polyphonie. Dans la salle, on ne nous raconte pas une histoire, pas quatre histoires mais bien une seule histoire à quatre voix. Les voix et les points de vue des différents personnages dont les histoires se déroulent en parallèle vont s'affronter ou se conforter. Ce mode narratif particulièrement efficace fragmente aussi toute idée manichéenne ou autoritaire sur l'immigration d'après-guerre des jamaïcains en Angleterre. Et cela nous permet de ressentir les effets de l'impérialisme sur les gens ordinaires des colonies et de la métropole - au moment même où ces communautés se heurtent.

L'autrice, Andrea Levy, est née à Londres en 1956. Ses parents avaient eux émigré de la Jamaïque: son père en 1948, sur le fameux Empire Windrush, et sa mère peu après. Cela rend encore plus éloquents ces séquences dans la pièce. Mais une fois de plus, l'histoire racontée par Levy est excessivement subtile. Elle ne fait pas commencer la présence des noirs en 1948 et le symbole de l'Empire Windrush. Elle montre que la présence noire de la Grande-Bretagne est antérieure à ce moment en se concentrant sur les expériences d'avant 1948 des Noirs en Grande-Bretagne. Tout le premier acte se déroule avant l'Empire Windrush. Andrea Levy provoque une autre rupture avec la version historique officielle - et son fréquent parti pris masculin - par l'inclusion d'Hortense. Son arrivée aux premiers jours de ce mouvement migratoire remet en question l'idée que les femmes étaient une partie secondaire ou tardive de cette diaspora.

 Carte postale de l'Empire Windrush, que le père d'Andrea Levy avait gardé: c'était le bateau qui l'avait emmenée en Angleterre.

La « Génération Windrush » est le nom collectif qui fut attribué aux personnes qui ont émigré au Royaume-Uni depuis les pays des Caraïbes entre 1948 et 1971. Qu'est-ce qui a déclenché cette immigration. Suite à la Seconde Guerre mondiale, de nombreux emplois étaient disponibles au Royaume-Uni et il fallait trouver de travailleurs. C'est l même raison qui a déclenché l'immigration italienne en Belgique dans ces mêmes années. De nombreux jeunes hommes et femmes des Caraïbes avaient servi dans l'armée britannique pendant la guerre et sont retournés en Angleterre pour occuper des emplois mieux rémunérés que les emplois équivalents chez eux. L'accueil de ces immigrants n'a pas souvent été amical. De nombreux membres de la Génération Windrush ont été victimes d'abus raciaux et ont eu du mal à trouver un logement et un emploi en raison de la couleur de leur peau. Leurs enfants ont été victimes d'intimidation à l'école et ils ont été maltraités dans les rues.

La génération Windrush comprend plus de 500 000 personnes. Ils ont fait le voyage des Caraïbes au Royaume-Uni avant 1971. La loi sur l'immigration de 1971 - la Jamaïque est indépendante depuis 1962 - a donné à la Génération Windrush l'autorisation indéfinie de rester en Grande-Bretagne. Par contre, à partir de 1971, les nouvelles immigrations ont été rendues beaucoup pus difficiles. Cela parait incroyable mais la génération Windrush a encore fait l'objet de controverses de nos jours! En 2018, le gouvernement britannique de Theresa May a examiné le statut d'immigration de milliers de membres de la génération Windrush et a révoqué leur statut. Devenu illégaux, les gens devaient rentrer « chez eux » ou faire face à un avenir incertain après avoir passé des décennies à construire une vie en Grande-Bretagne. Un tollé public a forcé le gouvernement à reconsidérer le traitement de la Génération Windrush, à s'excuser publiquement. Des assurances ont été données aux membres de la communauté caribéenne qui vivent au Royaume-Uni. Une journée spéciale célébrant la génération Windrush a été annoncée, et le Windrush Day est désormais célébré chaque année le 22 juin.

 "I'm only 93!" - Rencontre entre un migrant de l'Empire Windrush et l'équipe de Small Island.

Le titre lui aussi est tout simple... Il fait référence à la Jamaïque et à la Grande-Bretagne. Les deux pays sont des îles et bien sûr la Grande-Bretagne est une plus grande île que la Jamaïque. Mais elle est aussi plus riche et plus puissante. Ils en viennent à associer la Grande-Bretagne aux opportunités et à la richesse tout en associant la Jamaïque à la pauvreté et aux limites.

Ce texte est magnifique. J'ai retrouvé une interview radio (BBC 4) de l'autrice Andrea Levy, réalisée quelques semaines avant sa mort en février 2019. Elle se savait atteint d'un cancer qui, elle le savait, finirait par la tuer. Elle a accepté cette interview concernant le changement d'attitude de Levy envers son histoire et son héritage lors de l'écriture du roman Small Island. Elle a accepté cette interview à une seule condition: que l'enregistrement ne soit publié qu'après sa mort. Pour l'écouter : cliquer ici.

Small Island est une des grandes expériences théâtrales de ma vie. Il a été filmé pour NT Live...

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Après tous les chocs de ces derniers jours, un seul spectacle aujourd'hui. C'est vendredi et il y a très peu de matinées. Ce soir cela va être un peu spécial. Parce que le spectacle se déroule au Arts Theatre, le plus petit théâtre du West End (350 places), lieu où j'ai vu des tas de petits bijoux. Et comme le dernier en date, Six, a été transféré dans un plus grand théâtre, la salle était libre. Et là une vraie surprise. Ce sera un spectacle de Frank Wildhorn, compositeur américain maudit. Il a enchaîné une série impressionnante de flops ou de refus aux Etats-Unis et est idolâtré dans le sud-est asiatique (où il a créé ses 10 derniers musicals) ou les pays germaniques. Et, à ma connaissance, il n'a jamais été joué à Londres...

Or il a tout de même composé des œuvres majeures: Jekyll & Hyde (1990), The Scarlet Pimpernel (1997), The Civil War (1998), Camille Claudel (2003), Dracula, the Musical (2004), Cyrano de Bergerac (2006), Rudolf – The Last Kiss (2006), Bonnie & Clyde (2009), Wonderland (2009), Excalibur (2014), Mata Hari (2016), The Passage to the Light - The Revolutionary Maximilien Robespierre (2017), ... Parmi de nombreux autres.

J'ai découvert ce compositeur avec Alain lorsque Jekyll & Hyde était joué au Musical Dome de Cologne. On a du le voir cinq ou six fois... C'est un tel souvenir que je suis très enthousiaste de retrouver ce compositeur en live. Et je ne sais pas encore que cette phrase va avoir un double sens.

Yngve Gasoy-Romdal dans Jekyll & Hyde (2003)

Juste pour le souvenir (et c'est mal filmé, mais ce labo sans fond!!!!)

Voilà dans quel état d'esprit j'arrive. Evidemment le Arts Theatre ce n'est pas le Dome de Cologne. Mais cela reste Wildhorn. En plus Bonnie & Clyde, c'est un musical que j'ai écouté, bien sûr, mais que je n'ai jamais vu, même en vidéo. La musique en est de Frank Wildhorn et les paroles de Don Black, qui a fait entre autres aussi les paroles de Sunset Boulevard et d'Aspects of Love. C'est la seconde collaboration entre Black et Wildhorn après Dracula, le Musical. qui fut, à tort, un accident industriel à Broadway, étant éjecté de l'affiche en moins de trois mois.

Le spectacle retrace tout le trajet de Bonnie et de Clyde. Mais dès le début, on nous met en jambe: Bonnie Parker et Clyde Barrow sont assis dans une voiture, morts. Et bien sûr, le musical va retracer ce qui les a amené là. Et nous remontons au moment où deux jeunes enfants d'une douzaine d'années sont encore à rêver de leurs vies futures: en pleine dépression suite à la crise de '29, Bonnie est une serveuse de restaurant de 20 ans qui rêve d'une vie dans le cinéma et le jeune Clyde chante son rêve lui de devenir un criminel, semblable à Billy the Kid et Al Capone. Les deux grandissent, s'accrochent et poursuivent ces mêmes rêves, bien que cela semble n'avoir mené à rien, car nous découvrons qu'aucun des deux n'a échappé à leur vie remplie de ressentiment Et Clyde a déjà fait des tas de conneries puisqu'au début du musical, il vient de s'évader de prison avec son frère Buck. Ce que je ne savais pas, c'est que durant ce musical, nous allions suivre deux couples: Bonnie & Clyde mais aussi le frère de Clyde et Blanche Barrow. Blanche s'oppose aux choix de son mari et l'exhorte à se rendre à la police afin d'arranger les choses avec le Seigneur et avec la loi.

 Les deux frères, échappés de prison

Les chansons s'enchaînent, de nombreuses autour des rêves et des projets de Bonnie & Clyde: elle veut être actrice, poète et chanteuse. Clyde la convainc de lui chanter une chanson devant lui. Elle s'exécute gênée. Il lui assure qu'ensemble, ils réaliseront leurs rêves: pour lui, une vie sans avoir à se soucier de l'argent, pour elle, devenir célèbre. C'est très adolescent, mais du coup très frais et très vrai.

Les chansons de Wildhorn claquent dans le petit Arts Theatre. La proximité est fascinante, mais bien sûr, le plateau est petit et on est vraiment à la limite - au niveau du plateau - pour monter ce genre de spectacle à décors multiples. La rapatriement de certains accessoires ou meubles en coulisses tient parfois d'une épreuve de Koh-Lanta.

Le petit plateau du Arts Theatre 

Mais on s'en fout car tout est très bien joué et, une fois encore, les chansons de Wildhorn remplissent tout l'espace et nous portent vers cette fin tragique. Car il s'agit d'une tragédie comme nous l'a rappelé la scène d'ouverture.

Bonnie & Clyde 

Bonnie et Clyde commencent alors une vie de criminels, cambriolant des magasins et voyageant partout pour éviter d'être pris. Lors d'un braquage d'épicerie qui tourne mal, Clyde tire sur un député qui, selon ses propres termes, "essaye de jouer au héros". Lorsqu'elle apprend que Clyde est passé du vol au meurtre, une Bonnie frénétique veut tout arrêter, tout plaquer. Mais elle se rend compte qu'elle ne veut pas retourner dans son ancienne vie, celle d'avant les rêves. Suite à la fusillade dans l'épicerie, les deux frères obtiennent auprès de la population le statut de héros. Ils sont devenu des icones populaires. Bien sûr, tous les officiers des États du Sud sont à leur recherche. Clyde envoie des lettres occasionnelles à Buck et Blanche, leur racontant les aventures et les opportunités qu'ils ont faites sur la route.

L'Amérique bien pensante 

Le tristement célèbre duo, continue ses vols avec frénésie, passant des magasins aux banques. Pendant un braquage de banque raté, Clyde reçoit une balle dans l'épaule. Buck apprenant la blessure de son frère décide de le rejoindre. La femme de Buck est déchirée par ses doutes entre son amour pour son mari et ce qu'elle sait être juste. C'est Buck et une Blanche réticente - ayant opté presque à regret pour l'amour de son mari - qui se présentent chez Bonnie & Clyde. Quelques jours plus tard, Bonnie et Blanche attendent nerveusement le retour de Clyde et Buck partis pour un braquage. Blanche se demande comment Bonnie peut vivre heureuse dans de telles circonstances. Mais Clyde a une réponse immédiate qui ne souffre aucun doute: elle et Clyde sont les seuls à vivre pleinement leur vie.

Bonnie rêve d'écrire des poèmes... 

Quand Buck et Clyde reviennent auprès de Bonnie et Blanche, les retrouvailles sont de courte durée car ils ont été suivis par les autorités jusqu'à leur cachette. Une fusillade s'ensuit, dans laquelle Buck est mortellement blessé et Blanche arrêtée comme complice. Clyde et Bonnie échappent à leurs poursuivants. Ils sont dénoncés par la mère de Bonnie qui fournit au sheriff de l'endroit où se trouvaient Bonnie et Clyde.

Clyde culpabilise de la mort de son frère, mais Bonnie lui assure que ce n'était pas sa faute. Tous deux se rendent compte qu'ils approchent de la fin de leur voyage fatidique. Le 23 mai 1934, sur une route rurale de Louisiane, Bonnie et Clyde sont pris en embuscade et tués par la police.

La vraie voiture dans laquelle Bonnie & Clyde furent abattus 

Ce n'est sans doute pas le meilleur musical du siècle, mais c'est excessivement bien construit. Les chansons sont belles et efficaces. Et le cast est à la hauteur. Et puis, j'aime l'œuvre de Wildhorn, pour sa diversité et pour son intensité. Et peut-être aussi un peu parce que il est diabolisé à Broadway. Et bien...

... Frank Wildhorn, que l'on voit ici sur la photo de droite, était assis à quatre sièges de moi et m'a marché sur le pied en tentant de gagner sa place. Cela ne m'était plus arrivé depuis Maurane au Théâtre Marigny à Paris sur Starmania. Et là c'était durant le spectacle. C'était en 1888! Changeons de sujet...

Le gars est tout simple, a discuté avec de nombreux spectateurs sur le trottoir.

Beau souvenir.

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En arrivant à l'Almeida Theatre, je ressens une sensation bizarre. Il y a quelques années, j'étais venu voir ici un spectacle et alors que je déambulait devant le théâtre j'avais reçu un coup de fil d'Yvon du Public me disant que toute l'informatique était infestée par un virus... Bizarre ce que la mémoire peut contenir caché à certain endroits.

A l'entrée de la salle, les premiers rangs reçoivent un essuie, car nous allons être mouillés - je suis au troisième rang. Il y a en effet une piscine au bord de scène, on ne la voit pas encore car le rideau est fermé. Mais quel magnifique décor...

Cela me rappelle bien entendu la piscine de Sunset Boulevard au Karreveld, l'eau en moins. Enfin là, il pleuvait parfois. La piscine chauffée de "Daddy" est située dans une villa de Bel Air et, comme le souligne le programme, s'inspire des peintures de piscine de David Hockney des années 1960 et 1970 (photo ci-contre). A l'ouverture du rideau, tout est calme, jusqu'à l'émergence du fond de la piscine du protagoniste de la pièce. Surprenant au bon sens du terme.

Il s'agit en fait d'un texte audacieux, musclé - au propre comme au figuré - et surtout ... flamboyant.

Il présente une relation inégale entre Franklin (Terique Jarrett), un jeune artiste noir américain, et Andre (Claes Bang), un collectionneur d'art plus âgé, blanc et milliardaire qui devient son amant et dont le surnom, "Daddy", est tiré d'un moment. de jeu de rôle sexuel.

La relation est inégale car l'un est riche et l'autre pas, car l'un est blanc et l'autre noir, car l'un est artiste et l'autre est collectionneur, car l'un commence sa vie et l'autre la finit, car l'un est athée et l'autre a une mère très croyante, ... L'amour est-il possible au regard des autres?

Leur liaison semble fragile dès le départ. Il y a sans doute des relents de Mort à Venise mais est-ce notre projection ou nos craintes ou ... ? Quoi qu'il en soit, cette relation est née avec bon nombre de handicaps . Pas des handicaps absolus mais des handicaps dans le monde dans lequel nous vivons: la race, l'argent et le mécénat artistique. Très vite, ces déséquilibres nous portent à nous demander qui exploite qui. Et l'auteur nous ballade en bateau pour détruire toutes nos pistes, toutes nos certitudes à ce sujet.

S'ajoute à cela, la mère moraliste de Franklin qui va à l'église et chante du gospel mais aussi une chorale espiègle qui surgissent pour rehausser l'ambiance et nous obtenons le mélodrame de la pièce. Nous sommes confrontés ici au dogmatisme moralisateur et religieux.

La courte première partie du spectacle (55 minutes, la second partie durant 1h45) est en fait une satire pointue du monde de l'art. On y voit une arriviste - mais peut-il en être autrement - galeriste s'efforcer de "vendre" Franklin comme un jeune artiste émergeant auprès de riches clients blancs. Tout est bidon chez elle, sauf l'apparence. Le jeune Franklin, qui s'est installé chez André, en profite pour permettre à ses proches de passer de bons moments autour de la piscine. Ils apportent eux une satire d'une certaine adolescence: Bellamy est une accro d'Insta en maillots de bain étriqués tandis que Max (joué par John McCrea, le Jamie de la création de Everybody's talking about Jamie) est un geek sarcastique. Ensemble, ils font un duo divertissant mais ils représentent le vide intersidéral d'une certaine jeunesse.

A côté du dogmatisme maternel, de l'évanescence du discours sur l'art moderne de la galeriste et de la transparence adolescente des amis de Franklin, le couple André-Franklin semble évoluer dans un monde à part, où il tente d'établir ses propres règles.

Mais ce couple n'est pas à l'abris de graves problématiques : André considère son amant comme une œuvre d'art, à regarder et à admirer. Il est attiré par l'exotisme rayonnant de Franklin - il parlera de sa peau «chocolat». Le corps de Franklin est en permanence exposé dans cette première partie, avec des scènes de nu, loin de tout exhibitionnisme. Mais cette admiration se transforme en possessivité: «Tu es à moi».

Je me souviens d'une exposition que j'avais vue avec Alain et Damien au Barbican, sur Jean-Michel Basquiat (1960-1988). Au début des années '80, le jeune Basquiat (20 ans) commence à exposer ses toiles à New York principalement, grâce à plusieurs galeristes. En 1982, il rencontre Andy Wahrol la star du pop art. Basquiat voulait devenir célèbre et tout fait pour réussir. Warhol était la clé de la stratégie de Basquiat. Il cherche à le rencontrer et «possède même une photo de lui au-dessus de son lit». Il l'aborde tout d'abord dans un restaurant pour lui proposer ses cartes postales puis se rend dans l'atelier de l'artiste. Petit à petit, ils s'attachent très fortement et deviennent bons amis. Il commence à s'afficher dans des lieux publics à la mode. Ils finiront par créer plus d'une centaine de toiles ensemble.

A gauche: photo de répétition de "Daddy" - A droite: photo de Jean-Michel Basquiat et Andy Wahrol
Jean-Michel Basquiat et Andy Wahrol 

Ils ont franchi la frontière de l'amitié et il s'est imposé entre eux comme un lien d'amour et de soutien presque semblable à celui d'un père et de son fils, définissant l'une des relations les plus fascinantes que l'art.

Revenons-en à "Daddy". Jean-Michel Basquiat est mentionné dans la pièce lors que survient un questionnement sur la raison du changement de valeur d'une œuvre d'art lorsqu'elle est introduite dans une galerie. On ressent fortement le regard «blanc» d'André sur les œuvres d'art du jeune Franklin. La création artistique de ce dernier prend dans un premier temps la forme de poupées noires miniatures, puis de figurines grandeur nature, qui sont toutes vendues à des «blancs» riches et célèbres. Sa mère va profondément dénoncer cet état de fait. Des questions compliquées découlent de cette création artistique: comment l'«art black» est-il emballé et vendu sur le marché de l'art contemporain américain? Comment ce monde de l'art voit-il le travail réalisé par un artiste black queer? Et Franklin est-il de complice dans ce processus qui lui procure un énorme gain?

Cette première partie est époustouflante, nous laissant un goût de trop peu. Il est clair qu'à Londres, il est rare d'avoir en entracte en moins d'une heure. L'intrigue est fascinantes et les acteurs sont au top. Claes Bang, dans le rôle d'André, a un look à la fois racoleur et rassurant, même si sa force tranquille fait souvent de lui un prédateur. Terique Jarrett est fabuleux en tant que Franklin, équilibrant l'innocence avec la connaissance et le traumatisme avec l'espièglerie. Il nous trouble car il reste insaisissable et surtout imprévisible. Mais surtout, il incarne habilement Franklin, un personnage qui passe de rêves éveillés à des explosions de créativité artistique, en passant par des explosions de désir d'indépendance, sans oublier de sucer son pouce et de se faire fesser. Terique Jarrett crée un personnage aux multiples facettes, captivant et profondément traumatisé – et il le fait tout en ne portant pratiquement rien d'autre qu'un simple maillot noir.

Sharlene Whyte, la mère de Franklin, est une création totalement baroque. Elle est à la fois drôle et terriblement inquiétante. Elle nous fait penser à tous ces prédicateurs que l'on peut voir sur la télévision américaine et qui prêchent "la bonne parole". C'est du moins ce qu'il prétendent. Elle passe son temps à lancer au plein jour - y compris en présence de son fils et d'André - des avertissements moraux contre la vie pécheresse de Franklin. Cela participe-t-il à la destruction du couple ou du moins à faire naître des rapports de force entre les amoureux? A chacun de se positionner.

La seconde partie est bien plus sombre. Zora, la mère de Franklin, qui ne s'éloigne jamais de la morale prêchée par la bible, se lance dans une bataille pour sauver l'âme de son fils. Elle a la conviction que la douleur qu'une mère noire peut éprouver en élevant un garçon, lui donne des droits spéciaux. Elle a le droit de s'opposer par tous les moyens au magnétisme diabolique d'André. Surtout si ce dernier semble combler le désespoir de Franklin, à savoir le désir de retrouver en lui le père disparu de son enfance. Nous ne sommes pas très loin d'Œdipe. Et ce n'est pas pour rien que dans le titre, "Daddy", le terme Daddy est entre guillemets.

Car c'est cela qui est fascinant dans cette pièce. Zora accepte la sexualité de son fils. Comme elle accepte ses amis profiteurs, insignifiants et transparents. Mais elle ne supporte pas André, qui – peut-être inévitablement – ​​dit-elle, lui rappelle le père absent de Franklin. Toute la pièce se transforme en une lutte claustrophobe pour combler le vide du père dans la vie de Franklin : une bataille entre Zora, André et les propres œuvres de Franklin - ces poupées effrayantes destinées à exprimer des éléments de lui-même. En d'autres termes, Franklin doit se choisir un père entre: sa mère, André, ses créations. Intéressant, non?

D'ailleurs, comme le montre la photo ci-dessus, dans sa dernière création, il y a trois figurines grandeur nature. Un homme noir et une femme noir. Et un homme blanc. Ce dernier n'a aucun trais de visage... Toute la problématique familiale de Franklin est symbolisée dans cette œuvre.

"Daddy" est avant tout l'histoire assez simple d'un jeune homme perdu essayant de résoudre les drames de son éducation sans père. C'est brillamment intelligent.

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Quelques images backstage que je trouve superbes. Dont celle de la piscine alors que le rideau est fermé. Et celle de John McCrea, un petit rôle, dont ce n'est que le second spectacle. Mais dans le premier, il jouait le rôle principal de Jaimie dans Everybody's Talking About Jamie. Un rôle pour lequel il fut idolâtré par les foules et qui lui valut le prix de Best Actor in a Leading Role in a Musical. Humilité... La vie continue.

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Ce spectacle est évidemment un des points forts de la semaine. Les 7 prix reçus aux Olivier Awards (dont meilleur acteur, meilleure actrice, meilleure actrice second rôles, meilleur acteur second rôle, meilleur metteur en scène, meilleur ingénieur son) participent évidemment à la mise en appétit.

Alors, bien sûr, Jessie Buckley et Eddie Redmayne ont quitté le show et ont été remplacé par Fra Fee (Emcee) et Amy Lennox (Sally Bowles). Mais pour avoir ces derniers vu dans le show, ils n'ont rien à envier au deux premiers. Comme le démontre d'ailleurs l'interprétation époustouflante de Fra Free au Olivier Awards (c'est vraiment top de faire chanter la nouvelle alors que l'ancienne va recevoir un Olivier Award).

Les producteurs ont mis les petits plats dans les grands. Ils ont transformé le Playhouse Theatre (et son style français Louis WVI, il est vrai un peu ringard) rn un Kit Kat Club (version République de Weimar).

On n'entre pas par l'entrée habituelle du théâtre qui est fermée, ocultée, ...

On rentre par l'entrée des artistes en descendant en sous-sol. Et on rentre immédiatement dans un univers différent. On reçoit du Schnaps. Des danseuses s'échauffent. C'est vraiment top car on lâche vraiment le monde extérieur, on change d'époque et on plonge en République de Weimar. Et pour la prod, c'est tellement important qu'ils veulent que cela soit une découverte pour les spectateurs, une descente pas aux enfers, mais quand-même au fond de caves, où l'on va rencontrer la luxure, où l'on rentre dans le monde du tout est permis... Et pour ce faire, nous recevons tus un autocollant à coller sur les caméras de GSM.

On est ici tout à l'opposé de Moulin Rouge!. Et c'est très juste! On est pas dans le côté brillant et clinquant du Moulin Rouge, mais bien dans un univers que certains se sont plu à qualifier de décadent.

Les femmes sont loin d'être des mannequins, les hommes non plus. C'est une fois de plus historiquement juste car c'est l'un des rares moments de l'époque contemporaine où il n'y avait pas de cases pour classer les gens suivant leur sexualité. La dernière fois remontait à l'Empire romain. On voit par exemple un homme à moustaches passer en dessous féminin.

Après de nombreux dédales, on finit par remonter dans ce qui est l'habituel foyer du Playhouse Theatre et qui a été transformé en bar du Kit Kat Club, ici encore avec animations diverses.

Et puis, le choc, c'est la salle. Il y fait sombre. Tout le parterre a été retravaillé. Au centre du lieu, une scène que je contourne pour aller à l'endroit où se trouve habituellement la scène du Playhouse. Mais on ne s'en rend nullement compte car des murs ont été construits pour cacher les câbles de perches, et un balcon se trouve au-dessus de nous. Partout des danseuses s'agitent ... ou racolent, on ne sait.

La (petite) scène centrale avec un double plateau tournant avec deux élévateurs !?! 

Tous les fauteuils des stalls sont équipés de tables et de lampes et aussi de téléphones, comme ont le voit sur la photo officielle de présentations des deux nouveaux interprètes.

 Amy Lennox (Sally Bowles) et Fra Fee (Emcee)

Les premiers rangs sont occupés par des spectateurs qui ont une formule avec repas. Le champagne coule à flot. Et une fois de plus il fait sombre et une vraie ambiance existe. Le pari fou de créer le Kit Kat Club est réussi à 100%.

Et le spectacle? La première partie est très forte. Toutes le scènes du Kit Kat Klub sont époustouflantes. Le Emcee en clown m'étonne parfois mais cela ne sonne pas faux. Pour avoir lu de nombreuses critiques, qui sont loin d'être dythirambiques, nombreuses sont celles qui font le même constat: Eddie Redmayne est prodigieux mais cela casse le spectacle en ce sens qu'Emcee n'est pas le personnage principal, il est un "passeur de plats". Il tourne les pages du livre, mais c'est tout. Les personnages principaux sont d'une part Sally Bowles et Cliford Brashow, et d'autre part Fräulein Schneider et Herr Schultz.

De gauche à droite et de haut en bas: Herr schultz, Clifford, Fraulein Schneider, Sally 

Je sais qu'ils ont retravaillé cela avec le successeur de Redmayne. Je sais que pour lui cela a été très difficile. Lors de ses deux derniers spectacles sur les planches à Londres (Red en 2009 et Richard II en 2011, tous deux au Donmar), il n'était pas la "star hollywoodienne" d'aujourd'hui. Nombreux sont ceux qui ne venaient pas voir Cabaret mais le héros de l'adaptation au cinéma de Fantastic Beasts and Where to Find Them de l'univers Harry Potter. Il était "embêté" d'être accueilli sous les hurlement de la foule quand il chantait "Willkommen".

Eddie Redmayne dans le rôle de Emcee 

Mais tout est très juste dans cette première partie et Cliford est donc bien bisexuel. Enfin, non. C'est encore mieux. Il embrasse un homme ou une femme, on s'en fout. Même les spectateurs chics du premier rang qui boivent leur champagne ne poussent pas un "Ooooh" coquin et moderne. Non, les barrières n'existent plus. On est au Kit Kat Klub.

La deuxième partie est bien plus courte et bien plus noire. Les deux couples jouent leurs rôles à merveille. Fräulein Schneider est sublime quand elle ramène son plat à Sally. La scène où les enfants jette une pierre dans les vitres est ici très bien mise en scène: Emcee arrive avec une coupe de champagne qu'il emballe dans une serviette pendant que Fräulein Schneider et Herr schultz parle de leur avenir. On mettant son doigt sur la bouche pour nous dire de nous taire, il dispose cette serviette au centre de la scène, au milieu du duo Schneider-Schultz et, déguisé en clown, il écrase violemment le verre de son pied. Explosion dans les baffles et noir dans la salle. Des confettis blancs tombent des cintres. C'est très bien imaginé parce que nous participons à l'action, d'une part parce que l'on a demandé de nous taire, ce que nous avons fait, mais aussi parce que nous ressentons l'explosion. Même si ce n'est qu'avec des décibels.

On voit la déchéance lumineuse et donc terrible de Sally. Même les cris de Cliford pour la persuader de le suivre à l'étranger n'y feront rien. Ce qui est très frappant c'est de voir le parallèle de ces deux femmes. Fräulein Schneider se résigne. Comme elle le dit, elle a déjà vécu une guerre, une dépression, maintenant sans doute les nazis et plus tard peut-être les russes, et par conséquent elle renonce à son amour parce qu'elle doit louer des chambres. Sally renonce aussi à Clifford pour reprendre son travail. Cette mise en parallèle est beaucoup plus importante que dans d'autres versions. Il y a une mise en avant du renoncement personnel pour se fondre dans la masse. Et c'est d'ailleurs comme cela que se finit le musical. Un costume neutre uni: veston, chemise, pantalon. Tous le même. Ils sont tous sur le plateau central autour de Emcee, costumé à l'identique. Avec Fraulein Schutz et Sally. Le nazisme est en marche. De la diversité de cette époque de liberté du début, on sombre dans l'uniformité de la dictature.

Même si je comprend parfaitement cette lecture du texte, elle est totalement juste, je trouve dommage que l'on n'aille pas plus loin, comme dans le version du Donmar ou celle de Londres en 2007 ou celle du Public. Nous savons que tout cela débouche dans les camps de la mort. Que cela soit représentés par les sinistres costumes rayés (Donmar) ou par la nudité des chambres à gaz (2007 et Public), cette fin est beaucoup plus forte et dénonçant. Dommage...

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Et pour finir, un petit bonbon sucré.

Tout est parti du film Fatal Games (1989) avec Winona Ryder, Christian Slater et Shannen Doherty. Aujourd'hui, on appellerait cela un 'teen movie'. A l'époque je n'étais plus un adolescent, mais quand-même, on n'en était pas encore à la pré-retraite annoncée comme aujourd'hui. Le film avait été un flop au box-office, mais acclamé par la critique (Prix au Festival Sundance). Il est depuis devenu populaire, et même "film-culte", considéré comme l'un des plus grands films de passage à l'âge adulte de tous les temps. Moi j'avais trouvé cela ... sympa.

HBO en a fait une série mais le film a aussi été adapté en musical dans l'off-Broadway en 2014. Il a recueilli un petit succès, se jouant 4 mois au New World Stages-Stage I, la plus grande des six salles du lieu. Et puis, un projet londonien a été imaginé. Et c'est là qu'intervient tout le rôle magique que le The Other Palace joue à Londres dans la création de musicals. Ce théâtre de 312 places, ouvert en 2012, depuis sa reprise en 2016 par Lloyd Webber est devenu un lieu de création et d'expérimentation. J'y ai vu de petites merveilles musicales comme: La Strada, The Last Five Years, Big Fish, Amélie ou Urinetown. Ils proposent de faire des workshop (représentation test sans costumes, ni décors à destination d'éventuels producteurs)

La "grande salle" de The Other Palace - Il y a aussi un studio de 120 places. 

Un workshop de Heathers, The Musical a été organisé en 2017. Cela a débouché sur une création au même The Other Palace en 2018 avec la topissime Carrie Hope Fletcher (Les Misérables, Mary Poppins, et que j'ai vu au début de la semaine dans Cinderella) dans le rôle de Veronica. Un énorme succès, suivi d'un transfert de trois mois dans le West End au Theatre Royal Haymarket. Après la crise COVID, à l'été 2021, une reprise de trois mois a été faite, toujours au Theatre Royal Haymarket. Avant le retour à la maison, au The Other Palace, dès novembre 2021. Il va sans doute y tenir près d'un an. Record absolu du lieu.

Alors, ce petit bonbon. Qu'en est-il? On y parle d'adolescence et du mal-être de cet âge. Ce n'est certainement pas le seul spectacle à aborder ce thème: Be More Chill, Dear Evan Hansen en sont d'autres exemples actuels à Londres. Mais ce spectacle en parle de manière directe et beaucoup plus noire que ce cast pétillant de jeunesse ne peut le laisser penser.

L'histoire est assez simple. A la Westerberg High où Veronica Sawyer fait ses études, elle n'est qu'une personne parmi tant d'autres qui rêve d'un jour meilleur, qui rêve d'être reconnue, appréciée. C'est une des couleurs de l'adolescence, non? Dans cette école règnent en maître du "paraître" trois filles, les "Heathers". Elles sont belles et incroyablement cruelles. Pourquoi les "Heathers"? Parce que ces trois filles riches, hautaines, impitoyables mais profondément malheureuses ont le même prénom, Heather.

De gàd: Veronica, Heather Chandler (la chef), Heather Duke (la méconnue) et Heather McNamara (la faible). 

Un jour, après être venue en aide aux «Heathers», Veronica est invitée à rejoindre leur bande. Mais au fil des mois, elle commence à regretter et en a assez de leur comportement vicieux et voudrait retourner à son ancienne vie où elle était heureuse avec sa meilleure amie Martha. Les choses vont alors prendre une tournure plus sombre et violente quand Veronica va faire la rencontre du mystérieux « J.D. ».

Il est impossible de raconter ici l'histoire en détail, tellement il y a de personnages crédibles - touchant ou ridicules - et de rebondissements. Ce n'est pas pour rien que HBO a pu en tirer une série.

Le teaser de la création en 2018 au The Other Palace

Et juste pour le fun...

La participation de "Heathers, the musical" au West End Live de 2021. 

Et les derniers applause londoniens

Voilà, l'album de ces deux semaines est prêt à se refermer...

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Vous voyez ce que je veux dire? La Manche sépare ces deux photos.

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Avant de refermer ce carnet de voyage, une volée de photo en vrac...

Jour 1 - lundi 4/4

Le voyage 
Ma maison (habituelle) pour 2 semaines - La 1057 cette fois (j'ai pris la photo pout pas oublier et devoir dormir dans le couloir
Spectacle 01 - "Back to the future"
Et mes éternelles photos de façades de théâtre... Sans oublier un petit capuccino
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Jour 02 - mardi 5/4

 Première traversée de la Tamise en face du National
Et l'arrivée matinale au National au milieu d'enfants pour "Hamlet" -Spectacle 02 
Une petite trotte jusqu'au Globe pour "MacBeth" - Spectacle 03 
 Et de retour au National, même salle que ce matin pour les 3h40 de "Our Genration"- Spectacle 04
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Jour 03 - mercredi 6/4

Pour bien commencer mon troisième jour, "Dear Evan Hansen" au Noël Coward Theatre - Spectacle 05 
Très impatient ensuite de découvrir le "Cinderella" de Lloyd Webber au magnifique Gillian Lynn Theatre - Spectacle 06
Très belle scéno et super bien placé... 
Et un orchestre que l'on voit apparaître en hauteur (photo de gauche) pendant les saluts 
Avant de rentrer, petite ballade nocturne et passage devant des théâtres aux douces façades… Et puis le célèbre NINE (le bus) 
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Jour 04 - jeudi 7/4

On commence par "The Life of Pi", dans un Wyndham's Theatre complètement réaménagé - Spectacle 07 
Le parterre a été envahi par la scène et le reste a été totalement rehaussé. Ils n'ont peur de rien ces anglais. 
 Le spectacle suivant (le 08), c'est "Six". Très bizarre de la voir au Vaudeville et plus au Arts, comme les 4 dernières fois
On remonte la rue, on passe devant la 70ème année de "The Mousetrap" et nous voilà au (tout) petit Amabassadors Theatre 
Dans les premiers rangs (2me en fait!) mais super-vision. Que c'est kitsch ce théâtre... Mais "Cock" (spectacle 09) était top
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Jour 05 - Vendredi 8/4

 Pour commencer ce 5ème jour, une valeur sûre: "&Juliet" (Spectacle 10)
 Magnifique Shaftesbury accueillant un magnifique "&Juliet"
 Un petit hamburger bio en face du Shaftesbury et en route...
... vers le Prince Edward Theatre et son "Mary Poppins"  (spectacle 11)
 Ici encore, lieu d'exception...
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Jour 06 - Samedi 9/4

Lieu mythique suivant, le Donmar Warehouse pour "Henry V" (spectacle 12) 
Oppressante et indispensable proximité 
Un petit passage par le Neal's Yard et son ambiance Montmartre sans français 
Avant un passage par le toujours aussi convivial  Seven Dials Market, qui a encore grandi
En route vers le théâtre de ce soir... En passant par Covent Garden 
 Sa Majesté ... le Drury Lane!  Totalement transformé. Impatient.
 Un nouveau hall d'entrée accessible à tous, même non spectateurs avec un nouveau bar à la place de la billetterie
Des escaliers totalement rénovés avec de nouveaux lieux de convivialité
De nouvelles peintures et un accès au 3ème balcon par le même escaliers que toutes les autres catégories (et plus par la rue)
4 des 10 tableaux commandés par Lloyd Webber autour de l'œuvre de Shakespeare 
Le réaménagement de la rotonde centrale en bar - accessible toujours à tous, spectateurs ou non 
Et un OVNI, là où rentrait le 3ème balcon se trouve maintenant ... The Garden. Un bar-restaurant. 
Le foyer du premier étage totalement rénové 
Et enfin une terrace aménagée en façade 
Cette magnifique salle - et ses 3 balcons - totalement rénovée 
 Nouvelles loges, nouveau 1er balcon, nouveaux fauteuils, nouvelles couleurs (enfin retour des anciennes)
Et le magnifique Frozen... (Spectacle 13)
 Le rideau de fer à l'entracte est toujours le même. Du moins en apparence.
Quel double bonheur: "Frozen" et le Drury Lane nouveau. 
 Ballade nocturne dans Londres pour aller reprendre le Nine. "The play that goes wrong" et en face, "Mamma Mia".
 Un petit coup d'œil où je serai dans une semaine: le Kit Kat Club de "Cabaret". Allez, le nine!
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Jour 07 - Dimanche 10/4

En route vers le Menier Chocolate Factory en passant par Borough Market
Ici encore, un lieu hors norme. Pour le concert de "Maria Friedman - Legacy" (Spectacle 14)
 Ooooooh... Les souvenirs en maquette!
Après ce concert revivifiant de 2h30, retour à la maison. Tiens, le terrain vague à côté du Menier a bien changé. Convivial.
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Jour 08 - Lundi 11/4

Nouveau passage obligé, le Phonix Theatre pour "Come from away" (Spectacle 15) et son parc pour lire avant spectacle. 
 Le Phoenix et ses 2 balcons. J'y ai vu si souvent "Blood Brothers" et "Bend it like Beckham", "Once" et 4x "Come from Away"
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Jour 09 - Mardi 12/4

Le spectacle 16:  "The Ocean at the end of the Lane", mais transféré dans le West End cette fois
 Le spectacle 17, "Moulin Rouge" est un vrai contraste avec le précédent. Ici encore le théâtre est modifié pour le show.
Moulin à jardin et éléphant à cour
Pas le temps de lire son programme, cela bouge de partout 
Magnifique réadaptation de ce grand théâtre, pour accueillir un tout aussi beau spectacle 
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Jour 10 - Mercredi 13/4

Pour aller au Bridge Theatre, on passe par la Tour de Londres
 Un petit passage par St. Katharine Dock, petit havre de paix à 100m de la Tour de Londres et de London Bridge
Il faut ensuite traverser London Bridge et admirer Buttlers Wharf 
Et à 50m du London Bridge, le Bridge Theatre , un des nouveaux théâtres de Londres.
Son convivial foyer 
Et sa magnifique salle ultra-adaptable 
No comment... 
 J'y vois mon spectacle 18, "Straigh Line Crazy" avec le sublime Ralph FIennes
En route vers le National. Une vraie trotte... 
 Une petite bouffe au National
Et en route pour le sublime "The Corn is Green" (Spectacle 19) dans la Lyttelton du National
La vue à la sortie du National est toujours aussi belle. J'aime Londres la nuit. 
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Jour 11 - Jeudi 14/4

Le Royal Court pour le spectacle choc (20), "For Black Boys or Black Boys Who Have Considered Suicide When the Hue Gets Too Heavy"
 Pre-show convivial
 Un théâtre différent
Inoubliable 
 Et un retour - de plus - au National pour le spectacle du soir. Le nouveau bar en façade, face à la Tamise
On patiente un peu pour rentrer dans l'Olivier 
Le magnifique Olivier... 
Ce soir ce sera "Small Island". Ici encore, une révélation. Sublime 21ème spectacle.
Mon seul selfie du voyage... 
 Entracte et saluts...
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Jour 12 - Vendredi 15/4

Après le selfie... voici le petit déjeuner. Le 11ème!!!! 
Un seul spectacle aujourd'hui, le 22ème: "Jekyll & Hyde" au Arts Theatre libéré de "Six"
 Un Wildhorn à Londres, cela vaut la peine non?
Surtout quand Frank Wildhorn, le compositeur, est là en personne! 
Pur bonheur. 
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Jour 13 - Samedi 16/4

Direction l'Almeida Theatre. Loin du West End. 
Les premiers rangs reçoivent des essuies car dans la scéno il y a ... 
... une piscine 
 Entracte convivial pour reprendre son souffle au beau milieu d'une spectacle perturbant, "Daddy", le 23ème
Pour se remettre, une ballade dans le quartier de l'Almeida avent de rejoindre ...  
 ... le magnifique Victoria Embankment Gardens
 Y a-t-il un meilleur endroit pour relire des extraits du spectacles de l'après-midi?
La file pour entre dans le Kit Kat Club, abritant le 24ème spectacle, "Cabaret". Le reste est secret. 
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Jour 14 - Dimanche 17/4

Dernier petit-déjeuner. Snif. 
Ballade jusqu'au dernier spectacle de ce fabuleux séjour. 
 Au The Other Palace...
Un petit bonbon, "Heathers", 25ème spectacle, pour finir en beauté. 
 Il fallait finir par des applaudissements, car il n'y aura pas de Jour 15
No comment 
Encore moins