Après une nuit difficile et fort bruyante, nous partons de Dakhla pour rejoindre Nouadhibou.
Il fait encore nuit et je peux regarder les étoiles. Bientôt une faible lueur apparaît au loin ; la nuit va laisser place au jour.
Pour moi la beauté du monde réside dans le fait que chaque jour, chaque nuit, chaque lever ou coucher de soleil, chaque instant, est unique. On peut être ébloui chaque matin devant un lever du jour car les couleurs ne sont jamais les mêmes, l'odeur, le vent, la température... sont différents aussi et cela donne une impression de nouveau ; c'est peut être pour cela qu'on dit "un nouveau jour se lève". Et moi même je suis différente chaque jour, mon état d'esprit, mon énergie, mon humeur, mon corps, sont différents ; alors je reçois la beauté du monde chaque fois d'une manière unique.
Après Dakhla, en direction de la frontière, le sable et les pierres sont dans les teintes claires : beige, blanc et gris. Le relief est plat, avec parfois une dune dans le lointain.Le soleil en plein sur le pare-brise sale et la route devient presque invisible, on finit après une petite embardée sur le bas côté de la route ! Ouf rien de cassé, nettoyage du pare-brise et on reprend le chemin.
L'océan pointe le bout de son nez sur ma droite, les plages sont immenses et désertiques, on se sent seule au monde sur cette partie de route.
Plus loin nous assistons au désensablement de la route, une pelleteuse dégage les dunes qui grignotent la route.
Les buissons d'herbes forment de petites dunes et sont à moitié ensevelies sous ce sable gris/blanc.
Nous traversons une ancienne zone minée, preuve vivante du conflit avec le Front Polisario*.
La seule preuve d'une présence humaine est un ensemble de petits campements de pêcheurs le long des plages. Le macadam est grignoté des deux côtés, il ne reste plus que l'équivalent d'une voie mais sur le milieu de la route ; puis elle reprend sa taille normale. Les endroits où l'eau passe sur la route durant la saison où les oueds se remplissent, le macadam est très abîmé, des morceaux entiers se détachent.
Campement de pêcheur Drôle de rencontre sur la nationale 1, des dromadaires se grattant le cou sur les poteaux au bord de la route. La gratouille est gratuite et fort vigoureuse. Tout au long de la route j'ai observé que certains poteaux étaient penchés, je me demande maintenant si je ne connais pas les coupables du délit !
Un petit arrêt à l'hôtel Barbas à Bir Gandouz non loin de la frontière, pour un petit déjeuner sous la volière et les arbres ; un vrai paradis au milieu de ce désert.
L'hôtel Barbas et sa volièreNous reprenons notre chemin, à gauche au loin on aperçoit d'énormes dunes de sable blanc de la taille de petites montagnes ; alors qu'au bord de la route les dunes sont faites de roches friables comme attaquées par le temps et les vents de sable. Certaines dunes me font penser à des squelettes de dinosaures. Sur certaines, des hommes ont empilés des tas de pierres qui forment des sculptures naturelles et éphémères. Dans un même paysage on peut distinguer la douceur des dunes de sable blanche et la rugosité de celles aux roches friables.
Plus que 14 km avant la frontière ! Nous roulons bon train et rencontrons quelques camions qui soulèvent du sable sur leur passage.
Nous passons le poste de frontière marocain puis le portail qui donne sur le No Man's Land*. Le tronçon de route construit par les marocains est complètement saturé de camions qui attendent de passer la frontière du Maroc. Nous roulons doucement en passant devant tous ces camions à l'arrêt, les conducteurs doivent être là depuis un moment, ils sont pour la plupart sortis de leur engin et se reposent à l'ombre des camions ou boivent le thé par petits groupes.
No Man's LandPuis arrive le moment où nous quittons la route goudronnée pour prendre la piste de sable qui mène jusqu'au poste de frontière mauritanien. Des cadavres de voitures démantelées parsèment le bord de la piste que l'on suit doucement. Nous empruntons le sillon d'un camion par sécurité, passant souvent par la frontière ces conducteurs connaissent bien le terrain. Les restes de voitures, de télévision et de pièces diverses jonchent le sable et donnent un effet inquiétant.
Nous arrivons enfin au poste mauritanien de Guerguerat. La chienne Elsa (cf : mon ancien carnet de voyage 2016) nous attend au portail, fidèle à son poste. Nous sommes arrêtées et on nous demande d'aller faire les papiers pour le visa. Le premier bureau passé, nous faisons la queue au bureau des visas, les hommes d'un côté les femmes de l'autre. Nous attendons dans la chaleur du début d'après-midi du désert environ deux heures, les hommes sont appelés par petits groupes dans le bureau, les formalités me paraissent longues. Et la forte chaleur de cette journée à laquelle nous n'étions pas habituées nous fait ressentir un coup de fatigue, le thermomètre affiche les 33 degrés.
Après une très longue attente nous empochons nos visas et direction le prochain bureau pour tamponner nos passeports ; et encore d'autres bureaux pour les papiers de la voiture et l'assurance. Au moment de finir les dernières démarches, la prière du vendredi commence, tous les bureaux ferment et nous écoutons la prière à l'ombre d'un mur.
Je demande à des douaniers se préparant pour aller prier où sont les toilettes et on m'envoie derrière un bâtiment auquel on accède par un passage minuscule entre deux autres bâtiments. Arrivée derrière je me retrouve nez à nez avec une décharge de voitures à moitiés décarcassées et des hommes couchés à l'intérieur. Je me dépêche de repartir de cet endroit qui ne respire pas la sécurité.
Après les quelques bureaux restants nous franchissons enfin la frontière.
Sur la route de Nouadhibou nous faisons une pause pour aller marcher sur le sable de l'immense plage désertique qui s'allonge à infinie le long de cette route unique.
Nous marchons sur ce sable durci, évoquant des vagues de sable de couleurs différentes, balayée par les années de vent de sable. Des coquillages épais recouvrent le sol à certains endroits. Une petite dune durcie, trône au milieu de cette plaine sableuse.
Après ce petit intermède nous repartons en direction de Nouadhibou. Arrivées en ville nous demandons notre chemin pour aller au "marché quatrième", la communication n'est pas simple mais nous trouvons enfin le lieu demandé.
Au milieu de cette ville inconnue nous retrouvons Ibou. Il nous emmène devant chez lui dans le quartier du marché, la rue est encombrée par les ânes et leurs charrettes, les vendeurs, les voitures, … Nous nous garons dans cette rue animée et déchargeons nos paquetages. Christiane s'inquiète de laisser notre voiture bien remplie garée à cet endroit insolite mais Ibou l'a rassure.
Après une bonne douche froide au bol, nous sortons acheter de quoi cuisiner un bon repas. Notre première session cuisine se passe à merveille : assises à même le sol dans le couloir nous coupons nos légumes et cuisons les aliments sur la bombonne de gaz. Ca y est l'Afrique se fait sentir, les bons souvenirs s'invitent dans mon esprit !
Après un petit moment à observer les étoiles sur le toit terrasse nous partons nous coucher.
FOCUS !
Le Front Polisario est un mouvement politique et armé du Sahara Occidental, il a été créé en 1973 pour lutter contre l'occupation espagnole. Il est opposé depuis 1975 au Maroc pour le contrôle du Sahara occidental.
Rappel d'histoire :
En 1975 l’Espagne signe le traité de Madrid avec le Maroc et la Mauritanie puis quitte le territoire. Ce traité divise le Sahara occidental en deux parties, une mauritanienne et une autre marocaine ; mais il est signé sans consulter les concernés qui sont les Sahraouis (habitants et nomades du Sahara Occidental). Le Maroc contrôle depuis ce traité, environ 80 % territoire du Sahara Occidental.
En août 2016, le Maroc a entreprit des travaux de goudronnage d’une partie du No Man’s Land (route frontalière entre la partie du Sahara occidental marocain et mauritanienne, distante d'environ 4 km), officiellement pour lutter contre la contrebande. C'est officiellement un espace de non-droit, où s’activaient du trafic d'armes, d'êtres humains, de drogue, …