Je me réveille il est 07h00. Je sors avec mon appareil sur la terrasse, la lumière est douce, le soleil pointe à peine. En face, le fleuve-frontière coule lentement, je vois les berges de la Mauritanie. C'est incroyable d'être à deux endroits en même temps, je suis au Sénégal et si je fais un pas dans l'eau du fleuve je suis en Mauritanie.
Sur l'autre rive des troupeaux de chèvres s'ébattent en semi liberté. Tout est calme, quelques bruits proviennent de la berge sénégalaise où des femmes lavent leur linge. Puis cette tâche terminée, elles se baignent, lavent leur corps, seins nus les pieds dans l'eau. Tout le monde assiste à cette toilette et le tabou du corps n'existe plus.
Je descend sur les bords du quai, une promenade matinale avant de prendre le petit déjeuner est un bonheur. L'air est frais, le soleil est encore doux. Des hommes chargent une charrette avec des caisses de poissons qui viennent d'être pêchés. Les façades des maisons sont splendides, les couleurs vivantes : jaune, bleu, rose, vert, rouge.... Au bout du quai, devant une belle maison à la splendeur passée, une bassine est posée à même le sol et relevée d'un côté par un bâton attaché à une corde : c'est un piège. Je demande alors aux deux jeunes hommes ce qu'ils espèrent attraper, ils me répondent que c'est pour piéger des pigeons. Je rigole de cette astuce, je trouve ce genre de découverte astucieuse et insolite assez délicieuse. Je savoure ces choses simples. Ils m'invitent à regarder la cours intérieure de leur maison. Cet édifice mériterait d'être remis en état, il est superbe avec ses grandes fenêtres aux volets de style marocain.
Le Kaïcedrat, un arbre aux multiples vertus médicinales.Au retour nous prenons le petit déjeuner en famille. Un moment plein de convivialité. Je goute une confiture de tomates et d'aubergines faite par les cuisinières de l'hôtel, une très bonne découverte !
En quittant l'auberge, nous partons visiter le Fort Faidherbe. Ibrahima, un vieil homme érudit nous fait la visite tout en nous donnant quelques informations historiques de sa voix grave de compteur d'histoires. Le fort du bâtiment tombe en ruine, cette bâtisse aussi manque d'attention, les travaux de rénovation n'ont pas suffi à remettre le tout en état.
En quittant Podor, le paysage est très vert, le bord du fleuve et de son affluent regorgent de coins herbeux . Puis la plaine s'assèche, des villages aux maisons de terre apparaissent, accompagnés de grandes termitières. Des troupeaux traversent la route, les bergers Peuls suivent avec leurs badines. Ces paysages m'émerveillent et j'ai le sourire, c'est une sensation de profond bien être qui m'anime. C'est pour cela que j'aime voyager : découvrir et être émerveillée par les gens, les paysages, la nature, les coutumes...
Nous passons par une ville, un homme sort d'une boutique, vêtu d'un boubou vert bouteille, un fouet en cuir à la main, un turban assorti à son habit habilement noué autour de la tête, le sourire aux lèvres : une bien belle vision. Au milieu de ces personnes habillées de façon traditionnelle, quelques jeunes sont quant à eux à la dernière mode : jean slim sous les fesses, tee-shirt aux motifs stylés, casquette, seule la vieille paire de claquettes détonne dans cet accoutrement des plus recherché.
Nous sommes au marché pour acheter quelques légumes, les femmes assises sous des tentes de fortunes vendent leurs produits : oignons, patates douces, piments, fleurs de bissap ... Les femmes Peuls portent beaucoup de bijoux, leurs oreilles sont percées et le lobe s'est agrandi sous le poids des lourdes boucles en argent. Chaque femme a un tissu et une robe unique ! Trois chèvres sont attachées sur une charette, un filet entravant leurs corps. Au final, notre chef de famille, Aliou, décide d'acheter une de ces chèvres (qui se révèle - lorsque je regarde de plus près - être un bouc). Ses pattes sont attachées à laide d'un morceau de wax, et la pauvre bête est mise dans le plateau du 4x4.
J'aperçois quelques enfants au bord d'un puit tirant sur la corde pour faire remonter un seau d'eau. Les Peuls paraissent vivre en harmonie avec leurs bêtes ; les ânes, les chevaux, les chèvres et les vaches se promènent à travers les villages comme faisant partis des habitants. Ces endroits sont apaisants et respirent la tranquillité. Les gens vivent en interdépendance entre eux, avec la nature et les animaux. Le seul point noir est la société actuelle qui amène plastiques et ordures de toutes sortes sur ces beaux paysages.
J'ai cru rêver... dans ce décors d'herbes sèches et d'arbustes, je vois un buisson de fleurs roses flamboyantes, puis un autre, et encore un autre ; j'apprends que ce sont des baobabs chacals.
La route passe près d'un des affluents du Fleuve Sénégal, les troupeaux de vaches s'y abreuvent puis traversent la route. Des nuages de poussières suivent les troupeaux. De belles images s'offrent à mes yeux, trois enfants leurs bassines sur la tête marchent sur un chemin de terre menant aux bordures riches en plantation du fleuve.
Les mêmes paysages que la veille défilent devant mes yeux mais avec une nouvelle saveur, la lumière est différente, les gens sont différents, ... tout paraît nouveau.
Sur la route de retour à Saint-Louis, nous nous arrêtons visiter le Parc national des oiseaux du Djouj. Il est 16h00 lorsqu'on s'arrête prendre le repas au restaurant du parc. A 17h30 nous partons en 4x4 sur les pistes sableuses et peuplées de trous, pour rejoindre le lieu de départ pour la promenade en pirogue dans le Marigot du Djouj. On croise des phacochères sur la piste, ils ne sont pas effrayés et doivent avoir l'habitude des voitures ce qui nous donne l'occasion de bien les observer, les enfants en sont ravis.
Nous montons dans la pirogue avec un conducteur et un guide éco du parc. Au fil du chemin, le guide nous montre les oiseaux et nous indique leurs noms : héron cendré, cormoran africain, grand cormoran, aigle pêcheur, pélican, aniga (espèce africaine qui ne migre pas, aussi appelé "oiseau serpent" car lorsqu'il nage on aperçoit seulement son cou)... A chaque espèce, il nous montre les images des oiseaux sur son livre d'ornithologie. La discussion file sur des sujets entourant le parc : la pêche, la chasse, les plantes et leurs vertues ... C'est un vrai plaisir d'échanger aussi naturellement sur la faune et la flore. Lorsque je vois un oiseau, j'essaye de deviner à quelle espèce il appartient, j'arrive à en trouver quelques unes et le guide me félicite chaleureusement. Cela me rend heureuse de pouvoir reconnaître quelques espèces ! C'est assez déconcertant d'être heureuse d'aussi petites choses, je crois que l'air du Sénégal et la proximité d'enfants me font du bien !
Le bateau progresse sur l'eau entre les deux berges de verdure. Au bout de la balade on arrive sur un banc de sable recouvert de pélicans qui couvent leurs oeufs. Certains s'envolent pour rejoindre leurs dortoirs du côté mauritanien, car l'île n'est pas assez grande pour tous les pélicans. Voir leurs envolées avec le soleil en fond est une vision magnifique. Je me sens chanceuse de pouvoir observer ces moments uniques.
Le sable n'est plus visible sur l'île, cette image est des plus étonnante et je me délecte de ce paysage insolite. Les pélicans s'envolent et je suis leurs trajectoires, ils battent des ailes puis se laissent aller quelques instants à planer, ils rasent la surface de l'eau ou s'envolent haut dans le ciel comme pour aller rejoindre le soleil. Ils se déplacent à plusieurs, en ligne, cette vision avec le soleil en fond est magique.
Nous continuons la balade pour rentrer. Sur les bords je vois des roseaux qu'on nomme Typha (ils servent à faire les toits, les nattes...). J'apprends que les cormorans n'ont pas le plumage imperméable, alors que ce sont des oiseaux qui pêchent en profondeur. J'ai la chance de pouvoir observer de mes propres yeux leur tactique de séchage, ils se posent sur la cime des arbres, déplient leurs ailes et s'ébattent.
Assise sur cette barque, entre l'eau et le ciel, j'assiste au coucher du soleil. Le marigot semble recouvert d'un voile de soie bleue, grise, verte, jaune ... L'air est frais mais agréable. Je me sens calme et en accord avec ce paysage. Mes pensées sont apaisantes et je n'ai plus aucune peur à ce moment précis, le monde est beau tout simplement. Le soleil est une boule de feu qui se reflète dans l'eau. Les pélicans volent vers le soleil comme s'ils savaient que cela donne une image magique.
A chaque nouveau paysage je me pose une question : quels mots puis-je utiliser pour le décrire ? Il y a un nombre de mots défini dans notre langue, alors que chaque paysage est unique. C'est un vrai défi que de décrire quelque chose d'aussi éphémère et unique.
Nous descendons de la pirogue et retournons au monde réel, nous étions suspendus au milieu d'un monde où la nature et les animaux étaient maitres et nous les invités. Le retour se fait par la piste comme à l'aller mais la nuit est tombée. Les bosses de la route en sont d'autant plus importantes puisqu'on ne les vois pas, on les sent au dernier moment lorsque nous décollons littéralement de nos sièges. J'aime ces routes cahoteuses cela me donne une sensation de liberté, nous sommes entourés par la végétation, et la route porte les stigmates des pluies et des aléas naturels.
Nous rentrons à Saint-Louis, arrivés à la maison nous préparons un repas rapide avec Christiane : spaghettis et sauce soblé (oignons en Wolof, eh oui je suis "presque" bilingue...), que nous partageons tous les huit, assis en cercle sur le tapis. Une journée magnifique s'achève avec douceur.