Carnet de voyage

Sur les routes d'Afrique du Nord-Ouest

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Paraitrait-il qu’une fois que l’on a commencé à voyager, on ne s’arrête jamais !
Novembre 2016
13 semaines
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C'est le récit d'une voyageuse en herbe : moi même, Elsa. Je suis une jeune infirmière diplômée en quête de découvertes, de rencontres, d’émotions, de réponses, ... pour aller toujours plus loin sur le chemin de la vie.

Paraitrait-il qu’une fois que l’on a commencé à voyager, on ne s’arrête jamais !

Certains qualifient cet état du «voyageur inconditionnel», de virus. Mais étant infirmière, je sais que les virus sont pour la plus grande majorité pathogènes, qu'ils se soignent et c’est pour cela que je vois ce terme de virus d’un mauvais oeil (^^). Voyager n’est-ce pas plutôt positif ? Alors restons dans les termes médicaux et qualifions le voyage de bonne bactérie ; une bactérie qui vit en nous, nous permet de traverser la vie en nous évitant certains désagréments, et qui nous aide à grandir et à évoluer.


Partir, comme synonyme de s’enfuir ? Ou de découvrir ? Ou bien encore de grandir ? S’épanouir ? C’est la question que je me pose souvent : pour moi, qu’est ce que voyager ? Qu’est ce que cela m’apporte ?

Une question bien compliquée, à laquelle je ne peux répondre simplement en quelques mots. Car voyager est un long chemin qui nous mène là où on ne s'attend pas. Un chemin bordé de découvertes, d’expériences positives - et moins positives-, de tracas, de réflexions, de remises en question, mais surtout d’évolution.

On part d’un endroit familier, on arrive dans un lieu inconnu ; et lorsqu’on rentre, on a changé, et ce point de départ nous parait à présent différent puisque nous avons changé en route. Tout chemin parcouru nous amène à grandir et à évoluer. On ne revient jamais comme nous étions partis. C’est cela voyager : partir, avancer, changer, rentrer et repartir pour évoluer de nouveau. C’est un arbre aux branches infinies, avec une infinité de possibilités.

Voyager c’est prendre le risque de changer.

Donc allons y : voyageons !

On voyage pour changer, non de lieu, mais d'idées.

Hippolyte Taine

Mais la vraie question est : pourquoi cet itinéraire là ?

L’Afrique, je rêvais d’y retourner depuis mon premier voyage sur la Teranga avec mon amie Pauline. J'avais envie de découvrir les lieux que je n'avais pas encore exploré lors de mes précédents voyages au Sénégal, mais mon rêve était d'arriver dans ce pays par la route ; sentir le changement de culture et de paysages au fur et à mesure du chemin parcouru. C’est une belle circonstance qui m'a amené à pouvoir réaliser ce rêve de traverser l’Espagne, le Maroc, la Mauritanie et le Sénégal à bord d’une voiture. Cette belle circonstance, c’est Christiane.

Christiane est une grande voyageuse depuis de nombreuses années, l’Afrique étant sa terre de prédilection ; et ayant prévu de parcourir ce trajet (France - Sénégal) en voiture à la mi-novembre, nous avons décidé de le faire ensemble. Je partagerai donc un bon bout de chemin avec elle, pour ensuite continuer sur les routes du Sénégal seule ou accompagnée d'amis qui me rejoindront pour quelques aventures !!

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Parmi les nombreux messages que j'ai reçu pour me souhaiter un bon voyage, une citation m'a particulièrement touchée. Elle parle d'un tiraillement qui m'est bien connu, celui de "l'ailleurs" et du "chez soi". A méditer !

"Tout homme est tiraillé entre deux besoins, le besoin de la Pirogue, c'est-à-dire du voyage, de l'arrachement à soi-même, et le besoin de l'Arbre, c'est-à-dire de l'enracinement, de l'identité, et les hommes errent constamment entre ces deux besoins en cédant tantôt à l'un, tantôt à l'autre ; jusqu'au jour où ils comprennent que c'est avec l'Arbre qu'on fabrique la Pirogue".

Mythe mélanésien de l'île de Vanuatu.

Mon récit de voyage commence le 13 novembre à 05h00, je me réveille après seulement deux heures d'un sommeil plutôt agité par toute cette appréhension. Pas encore tout à fait réveillée je saute dans mes fringues, fignole mes bagages, ferme mon sac et charge tant bien que mal toutes mes affaires dans ma minuscule Valentine (petite précision, Valentine c'est ma voiture ! ). Drôle de sensation que de se dire je monte dans une voiture pour un voyage d'une semaine jusqu'en Afrique ! ... J'ai toujours eu cette envie sur l'autoroute de ne pas prendre la sortie indiquée et de continuer vers une destination inconnue. Là, mon rêve se réalise ; ce chemin vers Quissac avec ma voiture est la première étape d'un long voyage vers l'inconnu.

Arrivée à Quissac, je transfert toutes mes affaires dans la voiture qui nous amènera jusqu'à la Teranga.

08h00 : les bagages sont rangés, les issues de secours verrouillées, les fenêtres fermées, les ceintures bouclées : nous sommes parées au démarrage ! Je me sens fébrile...les jambes en coton, le coeur qui s'emballe ; je ne réalise pas encore que je pars pour traverser une partie de l'Afrique de l'Ouest. Je me dis "tu débloques ma pauvre, tu pars juste pour une escapade" ... mais au fur et à mesure que les kilomètres défilent, les paysages changent et là je me rend compte : je pars !! Et les battements erratiques de mon coeur se calment, s'apaisent ... Je me sens vivante, apeurée mais heureuse.

Nous nous dirigeons tranquillement sur les routes espagnoles, la journée avance doucement. Au loin j'aperçois une chaîne de montagnes dentelées : c'est Montserrat. Ces crêtes pointent fièrement vers le ciel. En regardant ces silhouettes embrumées, une envie d'en calquer les contours pour les garder en mémoire me prend. La forme de cette chaîne montagneuse est hypnotisante, mon regard se fixe sans cesse sur cette silhouette lointaine, elle m'attire et m'intrigue. De plus prêt ces crêtes semblent se radoucir, et petit à petit Montserrat s'éloigne dans le rétroviseur et un nouveau paysage s'offre à mes yeux curieux.

On continue la route l'après-midi et une partie de la soirée. Dans la nuit nous nous arrêtons pour dormir quelques heures dans la voiture, et reprendre la route au lever du jour pour rejoindre le port et le ferry qui nous amènera jusqu'à Ceuta.

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Publié le 21 novembre 2016

05h00, nationale 43, Km 413, entre Séville et Cadiz, nous nous sommes arrêtées à la station Alamos Cordoba pour dormir quelques heures. Au moment de démarrer surprise : la pédale d'embrayage a donner sa démission ! Deuxième jour et déjà une belle panne ; mais cela ne nous enlève en rien notre bonne humeur et notre positivité !

La dépanneuse arrive sur les coups de 06h50 et nous dépose devant un garage encore fermé. La réparation commence à 09h00 et dure jusqu'à 14h00. Nous profitons de ce temps pour nous reposer encore quelques heures, en mode "camping" dans la salle d'attente du garage. Après toute cette attente, nous décollons à 14h00 de Cordoba. La route qui longe Séville pour rejoindre Algeciras est magnifique, jalonnée de collines arides aux couleurs dominantes beige et brun nuancé. Puis, les collines se parent de nouvelles couleurs : vert, jaune,... et de petits villages aux maisons blanches apparaissent sur le flanc de ces reliefs colorés. De hauts clochers d'églises coupent l'horizon et lient ciel et terre, de grandes fermes se dessinent au milieu des champs qui couvrent les collines. Ces fermes blanches me font penser aux haciendas du Mexique avec leurs cours intérieures et leurs jardins d'agrément.

Le chemin continue, les paysages changent et défilent derrière la vitre de la voiture ; cela me parait irréel de voir autant de paysages et de reliefs différents en si peu de temps.

17h00 : enfin arrivées au Port d'Algeciras ! Après quelques formalités, nous voilà embarquées dans le ferry en partance pour Ceuta. Une nouvelle sensation m'envahie, c'est un mélange d'appréhension, de hâte et d'inquiétude : une nouvelle expérience m'attend les bras ouverts et je m'y précipite le coeur léger.

18h30 : arrivée à Ceuta, il fait nuit mais les monuments de la ville sont illuminés ; la lune s'est posée au dessus du fort ce qui lui donne une impression d'irréalité.

Une mauvaise nouvelle nous attend à l'embranchement de la route de la frontière : les policiers bloquent le passage et nous informent que la frontière est fermée jusqu'à 06h00. Nous décidons donc d'en profiter pour faire le tours de la Corniche et de dormir en ville pour reprendre la route aux aurores. Une petite route tout en virages suit la Corniche ; la vue, même de nuit est époustouflante, la lune se reflète sur la Méditerranée et me donne l'impression qu'un voile d'argent flotte devant mes yeux.

Nos ventres affamés nous rappellent à l'ordre, un arrêt s'impose. Après quelques renseignements sur les horaires de la frontière (qui se révèle être ouverte toute la nuit mais simplement bouchée par trop de monde), nous décidons de manger dans un "boui-boui" au bord de la route de la Corniche. Les mets se composent de différents produits de la mer (langoustes, crevettes, calamars, poisson...) et de viandes marinées, l'ambiance est chaleureuse et les cuisiniers-serveurs fort sympathiques puisqu'ils nous offrent l'entrée : calamars à la crème, un vrai délice pour mes papilles en manque.

Après cette pause bien méritée, nous nous dirigeons vers la frontière qui est finalement ouverte ; mais une longue file d'attente se profile devant nous, les portes de la frontière sont bien loin et le défilé chaotique des voitures parait intarissable. Après 2h30 d'attente nous arrivons enfin au passage de la frontière. Des hommes toquent à la vitre pour troquer quelques pièces en échange d'une aide aux formalités, les voitures se bousculent les unes contre les autres dans une mer de klaxons et de cris.

Avant de passer les portes de la frontière espagnole, sur la droite, contre le mur d'enceinte à même le sol, j'aperçois des cartons les uns à côté des autres ; à mieux y regarder je vois des pieds et des têtes sortir de ces cartons. Certains ce sont emballés dans des plastiques avant de se coucher dans leur maison cartonnée. Cette vision m'a touché et questionné : Que font-ils ici ? Qui sont-ils : marocain, espagnols, réfugiés, ...? Où vont-ils ? Et surtout depuis combien de temps vivent-ils dans ces habitations de fortune ? La dure réalité transparaît parfois, et les questionnements sur cette société et ce monde qui laisse des gens mourir de faim ou de froid me frappe.

Vient le moment de l'administratif : tamponner son passeport, faire les papiers pour la voiture, obtenir un numéro d'identification... Le cahot environnant des voitures poussées les unes contres les autres pourrait paraître désorganisé à nos yeux mais les douaniers semblent s'y retrouver.

Enfin nous sommes au Maroc ! Nous trouvons un hôtel pas loin de la frontière, le nom de l'établissement paraît prometteur : le "Dream" ; et effectivement je n'ai pas mis longtemps à m'endormir profondément !

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07h00 : réveil ! Après quelques secondes de flottement, je me souviens où je suis et je me précipite sur la terrasse pour découvrir la vue : c'est magnifique, dépaysant et en même temps je me sens chez moi. Ces paysages de ville où se mêlent ordre et désordre me plaisent ; ce "désordre organisé" m'émerveille et me fascine toujours autant.

Le temps de prendre un bon petit déjeuner composé d'une galette au miel et d'un thé à la menthe typique, nous voilà reparties sur les routes.

Après une discussion sur l'itinéraire nous décidons de traverser le Rif pour rejoindre Larache, Kénitra, Rabat, Casablanca, El-Jadida et enfin Oualidia où nous passeront la nuit.

Les paysages du Rif sont époustouflants, je n'arrive pas à décrocher mon regard de ces collines arides et des petits villages construits sur leurs flancs.

A partir d’El-Jadida, nous avons suivi la route côtière pour rejoindre Oualidia. Par moment l’océan lèche presque les bordures de la route, cela donne l’impression de rouler à même le sable de la plage ; puis entre l’eau et la route apparaissent des champs et des jardins potagers. Il est 16h00, les paysans commencent à rentrer chez eux, les voitures se mêlent aux ânes bâtés de gros paniers en osier et de leurs maîtres perchés en amazone sur leurs dos, une badine à la main. Ces paysages entre eau et terre sont époustouflants et d’une grande richesse agricole, je ressens une certaine sérénité à voir défiler ces paysages et à découvrir une infime partie du quotidien de ces paysans.

Lorsqu’on arrive à Oualidia, nous avons une vue imprenable sur la baie, on pourrait croire qu’une immense piscine s’est formée et que seul un étroit passage donne accès à l’immensité de l’océan.

Nous nous arrêtons à l’Araignée Gourmande, un hôtel-restaurant plein de charme - au nom plutôt comique -, au bord de la plage dans cette baie calme et magnifique, à cette heure tardive où le coucher de soleil se prépare lentement. Après un repas gargantuesque à base de produits de l’océan, nous nous couchons afin de reprendre la route au plus tôt le lendemain.

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Départ à 07h30 de l’Araignée Gourmande. En partant de Oualidia, le paysage continu sur des champs agricoles en bordure de l’océan. Sur cette route côtière, nous passons par un village nommé Beddouza, ses maisons colorées s’accrochent à la falaise qui donne sur une plage de sable clair à perte de vue. Le phare est perché sur une colline qui surplombe l’océan, de loin on croirait voir une mosquée blanche et verte. Après ce village, les terres s’habillent de vert et finissent en falaises abruptes tombant dans l’Atlantique.

Il est tôt, au bord de la route nous croisons des paysans montés en amazone sur leurs ânes, parfois accompagnés de leurs femmes et de leurs enfants.

Pour rejoindre Essaouira, nous prenons la route à l’intérieur des terres. C’est assez intimidant de se retrouver sur une petite bande de route perdue au milieu de l’immensité des terres agricoles. Des eucalyptus nous accompagnent tout au long de cette fine route. Petit à petit, les reliefs changent et laissent place aux oliviers et aux montagnes, l’enchaînement des collines et des vallées est apaisant et d’une incroyable douceur pour le regard. Nous nous arrêtons à l’entrée d’un village pour prendre quelques photos de cette incroyable vue. Un homme me propose d’entrée voir le « moulin » où ils pressent les olives amassées en tas devant la porte, afin d’obtenir ce nectar qu’est l’huile d’olive.

Puis les oliviers laissent leur place aux arganiers, des champs à perte de vue sur les collines où le regard ne peut suivre. Les coopératives d’huile d’argan sont tenues par les femmes : coopératives féminines d’argan. Ces arbres sont bien connus pour leur huile mais aussi pour ce phénomène assez inhabituel, les chèvres grimpent sur leurs branches afin de grignoter quelques feuilles. Au bord de la route j’aperçois effectivement des chèvres perchées entre les branches torturées des arganiers et les bergers assis un peu plus loin à l’ombre d’un arbre.

Autre petite curiosité sur la route côtière que nous rejoignons après Essaouira : les fumeries de coquillages à ciel ouvert. Les femmes installent des camps de fumage entre la route et les falaises ; ces camps se composent de quelques tentes construitent à l’aide de bâches plastifiées et de bouts de bois, des feux d’où une fumée blanchâtre s’échappe sont éparpillés entre les tentes, l’odeur est âcre mais la vision de ces camps est des plus inattendue et me ravie donc.

Puis nous traversons Tiznit, une ville fortifiée aux remparts de terre rouge, et aux portes peintes d'un bleu éclatant.

Après la ville, nous nous dirigeons vers une partie montagneuse. La route est sinueuse mais agréable ; la terre est d’un rouge qui tire vers le brun où s’implante par ci, par là quelques buissons de cactus. Dans une montée, les voitures et les camions sont arrêtés sur la voie de droite. Je descends demander des informations et on me dit que la route est bloquée car il y a de l’huile sur toute la voie de droite, sur plusieurs centaines de mètres, et effectivement lorsque je marche sur la route je manque de glisser - ouf je n’ai pas fini dans le ravin. Après quelques temps d’attente, les policiers nous font un accès, nous remontons donc à pas d’escargot cette route tout en virages, c’est très glissant et il ne faut pas freiner. Ce périlleux passage se finit bien et nous voilà de nouveau sur une route « saine ».

La chemin continue, les paysages tous plus beau les uns que les autres défilent devant mes yeux.

Nous voilà arrivées à Guelmim, surnommée « les portes du désert », que nous traversons. Il est 18h30, il fait donc nuit lorsque nous traversons cette première partie du désert jusqu’à Tan Tan. La route n’est pas bien large, elle sillonne le désert sans prétention. Au beau milieu de nul part, nous nous arrêtons quelques minutes afin d’admirer les étoiles. Je n’ai jamais vu cela de ma vie : une vision presque magique du ciel étoilé, illuminé par des milliers de petits points lumineux. J’ai l’impression de n’avoir jamais vu autant d’étoiles dans le ciel, c’est irréel. Et ce silence ! Un silence qui vous touche au plus profond de votre être en faisant écho à vos pensées. Je suis là, au milieu du désert marocain sous la voie lactée où je ne suis qu’un grain de sable, une pierre, une poussière dans ce si vaste espace, mais je suis bien vivante, je vibre au rythme du désert.

Arrivées à Tan Tan nous décidons de nous restaurer puis de reprendre la route. Au point de contrôle suivant, nous nous arrêtons pour dormir quelques heures dans la voiture.

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Une grosse étape nous attend pour atteindre la frontière avec la Mauritanie avant sa fermeture à 18h00. Après quelques heures d’un sommeil peu confortable, nous redémarrons à 03h00. La nuit est claire, la lune me permet de distinguer la silhouette des dunes.

Dans le désert, le ciel et la terre paraissent infinis, cette immensité devrait me donner l’impression d’être insignifiante … mais au contraire elle me recentre sur moi-même, j’ai une conscience particulière de mon esprit et de mon corps, chaque sensation paraît plus forte et plus pure.

Une partie de la route est ensablée, les gendarmes nous conseille un détour par Tarfaya.

07h15, c’est le lever du jour sur le désert marocain. Le paysage est sans relief, couvert de sable beige décoré de buissons d’herbes drues. Le soleil donne une couleur étonnante au désert et l’océan se pare de couleurs inhabituelles : rose pastel, jaune, vert, violet, turquoise… les teintes sont claires et se mélangent, on pourrait croire que c’est l’oeuvre d’un peintre. L’aube laisse sa place au jour.

Nous passons par Boujdour, une petite ville qui semble assez grande pour contenir une banque ! Ce qui est le cas. Nous repartons sur les routes du désert, et au bout de quelques heures, nous nous arrêtons sur le bord pour aller voir les falaises qui longent la route. C'est impressionnant d'être perchée au dessus de l'océan. Sur le bord des falaises, des pêcheurs ont élu domicile, ils ont construit des cabanes, certaines en pierres, d'autres en matériaux de récupération (taules, bâches, bois...).

Pendant plusieurs dizaines kilomètres, le relief est plat, un désert de terre et de sable beige et ocre, accompagné de falaises, s'offrent à nos yeux. Puis le désert se muni de rochers troués sculptés par le vent et le sable.

Il est midi, la chaleur augmente doucement et je commence à voir apparaître des mirages, les bords de la route me paraissent être des marais et non plus des étendues de sable.

13h30, le paysage change, le désert rocailleux laisse place au sable. Des dunes d'un blanc éclatant apparaissent au loin, des troupeaux de moutons et de dromadaires paissent paisiblement dans ce décors magique. Puis la couleur du sable change encore, il devient ocre-orangé. Le paysage n'est jamais monotone dans le désert contrairement à ce que l'on pourrait croire, il évolue et s'épanouit doucement avec les kilomètres.

Nous arrivons vers 16h00 à la frontière entre le Maroc et la Mauritanie, le poste de contrôle côté marocain se passe très vite, on traverse le portail de la frontière et là nous attendent un groupe d'hommes qui essayent tant bien que mal de nous boucher le passage pour nous demander de l'argent afin de nous aider à traverser la piste qui rejoint le poste de contrôle de la frontière mauritanienne. La piste entre le poste de contrôle du Maroc et celui de Mauritanie fait quelques kilomètres, une partie a été récemment goudronnée mais le reste n'est que sable, cailloux, rochers et dunes, avec donc un gros risque d'ensablement. Nous suivons la route goudronnée puis d'un coup nous tombons sur le "no man's land" mauritanien, un jeu de pistes où l'on a tout intérêt à ne pas rester coincé. Des hommes sont perchés sur les dunes et attendent de voir si nous nous ensablons, cette ambiance et les cahots de la voiture me rendent nerveuse. Mais après quelques petites frayeurs nous arrivons a bon port devant le portail de la frontière. Une ribambelle de contrôles s'enchaînent (visa, passeport, voiture, assurance...), de ce côté de la frontière, les formalités sont plus longues et entrecoupées par la prière de 17h00. Un militaire me demande mon prénom et lorsque je lui révèle, il éclate de rire, bientôt suivi par tous les autres militaires présent, la raison ... : leur chienne de détection a le même prénom ! Je pense que de ce côté de la frontière, on se souviendra de moi longtemps !

Après toutes ces aventures, nous sortons du poste pour nous diriger sur la route de Nouadhibou où nous passeront la nuit. Les hôtels étant bien trop cher, on nous envoie dans un quartier où des particuliers louent des chambres pour un prix raisonnable. Effectivement, me voilà assise ... ou plutôt vautrée sur les coussins d'un salon coloré typiquement mauritanien après avoir pris une bonne douche pour enlever tout le sable que j'avais stoqué dans mes cheveux, mes oreilles, mes pieds, ...

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07h00 : réveillée en forme pour notre dernier jour de route, il nous faut atteindre la frontière avec le Sénégal avant 18h00 (fermeture des postes de frontière).

Avant de partir de cet appartement, je n'ai pas pu me retenir de prendre en photo les draps du lit et le salon, les couleurs sont flamboyantes et d'un goût assez douteux pour mon regard d'européenne (^^). La réflexion sur la probable origine mauritanienne de l'expression "des goûts et des couleurs, on ne discute pas" m'a fait sourire dès le matin !

Au lever du jour, le désert prend des couleurs pastels, je me sens calme et apaisée en observant les dunes blanches. Les lueurs de l'aube adoucissent les reliefs et donnent une saveur de quiétude au désert. Le soleil s'élève petit à petit et la matinée avance.

De petites bicoques en boit de récupération sont dispersées sur le sable, certaines sont penchées du côté où le vent souffle le plus fort, cela leur donne un air bancal assez comique. Quelques unes n'ont pas résisté au vent de sable et se sont écroulées.

En roulant sur ces routes où le sable côtoie le goudron, je me pose des questions sur l'humain. L'Homme veut contrôler la nature par tous les moyens : repousser le sable avec des murs, retenir l'eau avec des barrages, s'approprier le soleil pour en faire de l'énergie... l'Homme contre la nature. Mais elle reprend toujours ses droits et se bât indéfiniment pour son indépendance et sa liberté : le sable recouvre les routes et les voies ferrées, le vent et l'eau détruisent les constructions sur leur passage... L'humain ne sait plus cohabiter avec la nature et cela la détruit, l'abîme et la rend stérile. Une bien triste pensée. Cependant, certains groupes de populations me redonnent espoir, la nature reste leur mère nourricière et ils la respectent. Elle s'apprivoise mais ne se contrôle jamais. Cette pensée me ramène à mes souvenirs d'enfance lorsque le soir je lisais le Petit Prince avant de m'endormir ; un passage où le renard demande au Petit Prince de l'apprivoiser me revient :

"- On ne connaît que les choses que l'on apprivoise, dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n'existe point de marchands d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi !

- Que faut-il faire ? dit le petit prince.

- Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l'oeil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t'asseoir un peu plus près...

...

- Les hommes ont oublié cette vérité, dit le renard. Mais tu ne dois pas l'oublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. Tu es responsable de ta rose... "

Pourquoi vouloir exercer un tel pouvoir sur autrui ou notre environnement ? N'y a-t-il pas un mal-être général pour que l'Homme s'en prenne autant à ce qui lui permet d'être et de vivre ? Des questions bien profondes pour une si belle journée environnée par un paysage aussi pure ! Ces réflexions me suivent toujours, m'animent et me touchent profondément ; mais pour l'instant je décide de m'enivrer de cette immensité colorée qui m'entoure, d'oublier pour quelques heures...

Les dunes de sable se parent de touffes d'herbes vertes, les troupeaux de chèvres et de dromadaires se font plus nombreux. De petits villages de tentes mauritaniennes sont dispersées sur ces plaines.

Je ne laisserai jamais dire quelqu'un que le désert est monotone et que l'on doit s'ennuyer en le traversant. Le désert à mille et une nuances de couleurs, de matières, d'odeurs, de reliefs,... on ne s'en lasse pas ! Depuis mon arrivée au Maroc et jusqu'à maintenant, à chaque paysage je me dis "oui ! Là c'est mon préféré !", et puis au prochain je me dis la même chose... Au final, je n'ai pas de préférence, tout m'anime et me touche, chaque paysage a sa saveur particulière et des émotions qui s'y rattache. Le monde est la palette d'un artiste, plein de couleurs que l'ont peut mélanger à l'infini pour trouver encore de nouvelles nuances.

Touche humour du jour : au bord de la route, j'aperçois une pelleteuse garée, trois bédouins enturbannés sont installés dans la pelle pour prendre le thé. Une vision qui me donne le sourire !

En Mauritanie, à peu près tous les 5 ou 10 km, on trouve une carcasse de voiture sur le bas côté de la route. Donc s'il vous vient l'idée d'aller vous balader quelques heures dans le désert, gare à votre voiture ! La laisser sans surveillance paraît être une mauvaise idée ! Autre avertissement : les trous dans le goudron ne sont pas rares, alors soyez vigilant et roulez en zig-zag au risque de laisser une roue sur votre passage !

Nous passons des plaines arides aux dunes de sable ocre vierges de toute végétation, puis aux dunes couvertes d'herbes folles, puis de nouveau à des plaines habillées d'arbres et de végétation. Les arbres sont plats sur le dessus et paraissent décoiffés par le vent, ce décors me rappelle la savane photographiée dans les livres.

Au bord de la route je vois souvent d'énormes poches rectangulaires gonflées. Ces poches servent en fait à stocker le lait de chamelle ou de chèvre, qui seront ensuite récupérées par camion.

Nous arrivons à Nouakchott, capitale de la Mauritanie, une grande ville à la circulation plutôt éprouvante ! Il me semble que chacun suit ses propres règles de conduite, quelques frayeurs me font serrer les dents et fermer les yeux mais nous nous en sortons vivantes ! Pendant notre pause déjeuner, j'ai assisté au ramassage des ordures ménagères. Le camion se gare devant un tas de déchets, quatre hommes enturbannés ramassent les détritus à l'aide d'une fourche et d'un vieux tapis usé : le tapis est posé au sol, les déchets sont poussés dedans avec la fourche, puis le tout est balancé dans le camion.

Pour atteindre la frontière, la route est paraît-il mauvaise. Mais surprise : l'adjectif "mauvaise" n'est pas celui que j'utiliserais ! Je la décrirais comme constellée de trous énormes et parfois même inexistante ! Par moment, sans prévenir la route disparait et laisse place à une piste caillouteuse semée de trous. Pour éviter ces passages, des pistes de sable ont été aménagé sur le côté de la route. Lorsque nous retrouvons une route goudronnée le vent de sable s'est levé, nous fermons donc les fenêtres sous peine de remplir la voiture de sable et de se faire faire un gommage gratis ! Malgré cette précaution, la voiture est aussi sale dedans que dehors, et j'ai l'impression d'avoir mis une couche de fond de teint appelé "teint de sable Mauritania, pour une peau aussi douce que les dunes" ; une bien jolie phrase pour dire que je suis sale... Point positif : pas besoin de tenue de camouflage, j'ai la même couleur que les dunes qui nous entourent.

De ce côté du désert, les maisons changent, elles ressemblent à des tentes carrées aux toits de couleurs vert, bleu, puis rose et violet... Au sommet des toits, sont perchées des sculptures en bois qui ressemblent au Chofa visible sur les temples en Thaïlande.

Les villages en dur côtoient les villages de tentes, la route est par moment à moitié ensevelie sous une dune, les couleurs des maisons sont vives et animent la végétation alentours ; malheureusement, les ordures déposées sur des champs entier appauvrissent ce paysage magnifique.

Après une belle portion de route, nous nous engageons sur la piste qui rejoint la frontière entre la Mauritanie et le Sénégal à Diama. Cette piste fait une trentaine de kilomètres et traverse le Parc Naturel. Sur la droite ce sont des rizières qui s'offrent à nos regards, puis les marais les remplacent et nous entrons dans une partie riche en faune sauvage ; nous tombons justement sur une famille de phacochères, un varan, des hérons, un aigle... La piste n'est pas trop mauvaise malgré quelques énormes trous qui me font sauter sur mon siège, nous avançons à un rythme convenable, nous arriverons à l'heure : ouf ! Les paysages sont beaux, le coucher de soleil se prépare petit à petit. Nous voilà arriver à la frontière, les contrôles côté mauritanien sont assez longs, puis nous passons au Sénégal. Après avoir fait les formalités nous attendons un ami de Christiane qui nous amènera à Saint Louis pour y passer la nuit.

La chambre est une merveille, c'est un des plus vieux hôtel de la ville, les plafonds sont hauts et de grandes fenêtres laissent entrer la fraîcheur du soir. Après un bon repas composé de poissons grillés, nous nous promenons dans les rues de la ville : un pur délice après tant d'heures passée assise !

• • •

C'est ici que fini cette traversée ! L'heure du bilan a sonné !

Six jours de route, seulement six ; comment est-ce possible que je sois partie il y a seulement six jours et que j'ai pu découvrir autant de paysages en si peu de temps ! Cela me paraît irréel ces quelques jours, j'étais hors du temps, les heures n'était qu'un repère lointain afin de rester ancrée un temps soit peu à la réalité du monde qui m'entourait.

Tous les paysages que je n'ai pu prendre en photo sont dans ma tête, tel un trésor caché. Ce voyage a ouvert de nouvelles portes et de nouveaux rêves... j'ai beaucoup de choses à penser et à méditer.

A partir de maintenant je publierai des articles sur mes aventures au Sénégal, accompagnés évidemment de photos !

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Réveil à 05h00. Je m'en vais pour rejoindre Saint-Louis où je dois rejoindre Christiane et des amis, puis nous partirons tous pour Podor pour y passer le weekend.

Pour faire cette distance de 270 km (Dakar - Saint Louis), on m'a donné le numéro d'un chauffeur qui passera me prendre à 06h00. Il paraît que c'est le "Blabla car" du Sénégal ! Mais je ne sais pas vraiment comment j'ai pu obtenir ce numéro, ce trajet n'apparaît sûrement pas sur un site de covoiturage ! Le bouche à oreille paraît être aussi facile d'utilisation qu'un site Internet au Sénégal !

A 07h00 (je préciserai qu'au Sénégal personne n'est jamais à l'heure ! Il ne faut jamais être pressé, se laisser porter reste le plus agréable. Le temps me paraît d'ailleurs être une notion inutile, me laisser porter sans prendre garde à l'heure est pour moi libérateur), une belle voiture vient me chercher, les vitres arrières sont teintées et trois hommes en boubou sont déjà installés. Avec ces vitres teintées j'ai l'impression d'être une star française en visite au Sénégal ! Nous passons par Keur Massar pour prendre une dernière personne. Je me retrouve avec quatre hommes, moi sur le siège du milieu. Au bout d'une avenue je vois le soleil se lever, un énorme cercle orangé, le ciel est en feu.

La radio passe une enquête sur la violence faite aux femmes au Sénégal : dans 60% des ménages il y a de la violence conjuguale, dans certaines régions cela va jusqu'à 80%. Drôle de sensation que d'être entourée d'hommes et d'écouter ces sinistres révélations sur la condition féminine. Personne ne bronche, nous n'entamons pas de débat. Ces informations s'encrent dans un coin de mon esprit, j'y réfléchirai plus tard.

Sur le bord de la route je vois une charrette tirée par un âne, il transporte d'énormes morceaux de viande à même les planches de bois, aucune protection n'est mise sur la viande, le sable et la poussière virevoltent tout autour. Ici, dans les boucheries, la viande est exposée et suspendue à nue, c'est monnaie courante ; paraît il qu'il suffit de bien la cuire ! Je me remercie silencieusement d'être végétarienne.

Le chauffeur, avec qui j'ai bien sympathisé, met de la musique, un rythme entraînant qui me donne envie d'esquisser quelques pas de danse. Mais assise entre deux hommes, serrée dans cette voiture cela me paraît bien impossible. La situation me fais rire intérieurement : moi, confinée dans cette voiture remplie d'inconnus, et je souris car la musique me donne envie de danser, l'air du Sénégal doit me monter à la tête.

La particularité du paysage, c'est pour moi les baobabs, des arbres majestueux aux troncs impressionnants ! Le sol est recouvert d'une herbe haute, sèche et touffue. On traverse de petits villages ou l'on appercoit des bribes du quotidien des gens vaquant à leurs occupations. Des femmes vendent des fruits sur le bord des routes ; ici, une petite faim peut être résolue même en plein milieu de nul part ! Peu avant Saint-Louis nous bifurquons pour nous enfoncer dans les terres. La piste est assez bonne. Je suppose que c'est pour déposer un de mes compagnons de route. Sur le bord de la piste des enfants se précipitent à l'école ; des femmes, une bassine perchée sur leurs têtes, accompagnées de leurs enfants marchent pour aller aux champs... Preuve que je commence à bien comprendre le wolof car nous déposons effectivement une des personnes devant une maison.

Arrivée à Saint-Louis, le chauffeur me dépose devant chez mes amis. Après des retrouvailles chaleureuses et un petit déjeuner délicieux, où je goûte la confiture de bissap, qui est un vrai délice et ravit mes papilles ; nous partons pour Podor. La voiture est remplie : quatre enfants et quatre adultes ! C'est dans une ambiance joyeuse que nous prenons la route.

Après Saint-Louis sur la route de Richard Toll , le paysage change et ressemble à la savane : un sol d'herbes sèches, du sable rouge et des arbres aux cime plates. Les maisons en pierres côtoient les maisons en terre aux toits de chaume. Le long du fleuve Sénégal les rizières apparaissent, des sacs platisques sont accrochés au milieux des champs afin d'éloigner les oiseaux. Nous passons par de petits villages Peuls qui n'ont visiblement ni eau ni électricité, j'aperçois des puits sur le bord de la route, à l'entrée des villages. Les habitations sont de la couleur beige du sable, certaines sont en dur d'autres faites avec des roseaux séchés.

Le paysage passe des plaines arides sableuses, aux rizières à perte de vue. J'aperçois de jeunes hommes travailler la terre à l'aide de pioches. Une musique entraînante nous accompagne et donne aux paysages des saveurs d'autant plus appréciables. Le paysage change et devient vert, de grands manguiers occupent les terres et partagent le terrain avec quelques potagers.

Nous nous arrêtons tous pour le pique-nique au château de Richard Toll (la "Folie" du baron Roger). La bâtisse me plaît au premier regard, elle est pourtant en mal d'attention mais sa structure est une merveille. Les lieux sont habités par quelques hommes mais l'endroit est à l'abandon. Des souris ont élu domicile, le sol est couvert de leurs excréments et l'odeur est nauséabonde. Mais la demeure me plaît, elle est chargée d'histoire et j'essaye de l'imaginer au temps où l'on prenait soin d'elle. Les plafonds sont hauts, les fenêtres laissent entrer un air chargé de senteur de la nature environnante.

Après cette visite, nous trouvons un coin sous les arbres pour manger. Je prend le dessert à côté d'une termitière aussi haute que moi, c'est impressionnant vu de près ! J'ai une vue magnifique sur les roseaux qui se balancent au rythme du vent : un écrin de nature des plus tranquille.

Après Richard Toll, les plaines se couvrent de champs de canne à sucre. Les villages ont la couleur du sable ocre, les maisons sont entourées de barrières faites à partir de branchages. Puis, le sol se couvre d'une couche d'herbe couleur d'or, des troupeaux de vaches paissent dans ce décors lumineux. De grands arbres ombragent ces plaines dorées.

Sur la route, nous visitons la ville de Dagana et son quai historique aux demeures coloniales. C'est un moment de détente pour nous tous, nous marchons le long du fleuve Sénégal et je m'émerveille de l'architecture coloniale des maisons, les couleurs sont toujours aussi belles et vivantes.

Nous reprenons le chemin, les maisons des villages après Dagana deviennent rondes et sont faites de terre rouge mélangée à de la paille (le pisé). Ce paysage de petites maisons typiques défilent aux sons des Diola de Casamance, ces musiques me semblent parfaites pour découvrir ces paysages. Des ânes sont au milieux de la route, le klaxon ne les effrayent pas, nous les contournons donc.

Il est 18h45 le soleil se couche, les femmes rentrent des champs en file indienne, des bidons perchées sur leurs têtes. Leur demarche est hypnotisante, leurs hanches se balançant de droite à gauche, une main tenant leur bidon.

Pour rejoindre Podor, nous prenons une piste cahoteuse. Nous arrivons de nuit, après quelques renseignements pris à la douane, nous nous dirigeons vers une auberge. Devant le bâtiment de l'auberge, éclairés seulement d'un lampadaire, quelques hommes jouent à la pétanque. Un jeu qui me paraît assez insolite dans cette partie aussi retirée du pays. Comme quoi ce jeu n'est pas seulement pratiqué par les anciens du Sud de la France !

L'auberge est magnifique, une grande cours intérieure donne sur un étage où les chambres s'alignent le long des coursives. J'ai hâte d'être le lendemain pour voir tout cela de jour ! Après un excellent repas (couscous accompagné de légumes et de poissons), je monte me coucher et m'endors aussitôt.

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Je me réveille il est 07h00. Je sors avec mon appareil sur la terrasse, la lumière est douce, le soleil pointe à peine. En face, le fleuve-frontière coule lentement, je vois les berges de la Mauritanie. C'est incroyable d'être à deux endroits en même temps, je suis au Sénégal et si je fais un pas dans l'eau du fleuve je suis en Mauritanie.

Sur l'autre rive des troupeaux de chèvres s'ébattent en semi liberté. Tout est calme, quelques bruits proviennent de la berge sénégalaise où des femmes lavent leur linge. Puis cette tâche terminée, elles se baignent, lavent leur corps, seins nus les pieds dans l'eau. Tout le monde assiste à cette toilette et le tabou du corps n'existe plus.

Je descend sur les bords du quai, une promenade matinale avant de prendre le petit déjeuner est un bonheur. L'air est frais, le soleil est encore doux. Des hommes chargent une charrette avec des caisses de poissons qui viennent d'être pêchés. Les façades des maisons sont splendides, les couleurs vivantes : jaune, bleu, rose, vert, rouge.... Au bout du quai, devant une belle maison à la splendeur passée, une bassine est posée à même le sol et relevée d'un côté par un bâton attaché à une corde : c'est un piège. Je demande alors aux deux jeunes hommes ce qu'ils espèrent attraper, ils me répondent que c'est pour piéger des pigeons. Je rigole de cette astuce, je trouve ce genre de découverte astucieuse et insolite assez délicieuse. Je savoure ces choses simples. Ils m'invitent à regarder la cours intérieure de leur maison. Cet édifice mériterait d'être remis en état, il est superbe avec ses grandes fenêtres aux volets de style marocain.

Le Kaïcedrat, un arbre aux multiples vertus médicinales.

Au retour nous prenons le petit déjeuner en famille. Un moment plein de convivialité. Je goute une confiture de tomates et d'aubergines faite par les cuisinières de l'hôtel, une très bonne découverte !

En quittant l'auberge, nous partons visiter le Fort Faidherbe. Ibrahima, un vieil homme érudit nous fait la visite tout en nous donnant quelques informations historiques de sa voix grave de compteur d'histoires. Le fort du bâtiment tombe en ruine, cette bâtisse aussi manque d'attention, les travaux de rénovation n'ont pas suffi à remettre le tout en état.

En quittant Podor, le paysage est très vert, le bord du fleuve et de son affluent regorgent de coins herbeux . Puis la plaine s'assèche, des villages aux maisons de terre apparaissent, accompagnés de grandes termitières. Des troupeaux traversent la route, les bergers Peuls suivent avec leurs badines. Ces paysages m'émerveillent et j'ai le sourire, c'est une sensation de profond bien être qui m'anime. C'est pour cela que j'aime voyager : découvrir et être émerveillée par les gens, les paysages, la nature, les coutumes...

Nous passons par une ville, un homme sort d'une boutique, vêtu d'un boubou vert bouteille, un fouet en cuir à la main, un turban assorti à son habit habilement noué autour de la tête, le sourire aux lèvres : une bien belle vision. Au milieu de ces personnes habillées de façon traditionnelle, quelques jeunes sont quant à eux à la dernière mode : jean slim sous les fesses, tee-shirt aux motifs stylés, casquette, seule la vieille paire de claquettes détonne dans cet accoutrement des plus recherché.

Nous sommes au marché pour acheter quelques légumes, les femmes assises sous des tentes de fortunes vendent leurs produits : oignons, patates douces, piments, fleurs de bissap ... Les femmes Peuls portent beaucoup de bijoux, leurs oreilles sont percées et le lobe s'est agrandi sous le poids des lourdes boucles en argent. Chaque femme a un tissu et une robe unique ! Trois chèvres sont attachées sur une charette, un filet entravant leurs corps. Au final, notre chef de famille, Aliou, décide d'acheter une de ces chèvres (qui se révèle - lorsque je regarde de plus près - être un bouc). Ses pattes sont attachées à laide d'un morceau de wax, et la pauvre bête est mise dans le plateau du 4x4.

J'aperçois quelques enfants au bord d'un puit tirant sur la corde pour faire remonter un seau d'eau. Les Peuls paraissent vivre en harmonie avec leurs bêtes ; les ânes, les chevaux, les chèvres et les vaches se promènent à travers les villages comme faisant partis des habitants. Ces endroits sont apaisants et respirent la tranquillité. Les gens vivent en interdépendance entre eux, avec la nature et les animaux. Le seul point noir est la société actuelle qui amène plastiques et ordures de toutes sortes sur ces beaux paysages.

J'ai cru rêver... dans ce décors d'herbes sèches et d'arbustes, je vois un buisson de fleurs roses flamboyantes, puis un autre, et encore un autre ; j'apprends que ce sont des baobabs chacals.

La route passe près d'un des affluents du Fleuve Sénégal, les troupeaux de vaches s'y abreuvent puis traversent la route. Des nuages de poussières suivent les troupeaux. De belles images s'offrent à mes yeux, trois enfants leurs bassines sur la tête marchent sur un chemin de terre menant aux bordures riches en plantation du fleuve.

Les mêmes paysages que la veille défilent devant mes yeux mais avec une nouvelle saveur, la lumière est différente, les gens sont différents, ... tout paraît nouveau.

Sur la route de retour à Saint-Louis, nous nous arrêtons visiter le Parc national des oiseaux du Djouj. Il est 16h00 lorsqu'on s'arrête prendre le repas au restaurant du parc. A 17h30 nous partons en 4x4 sur les pistes sableuses et peuplées de trous, pour rejoindre le lieu de départ pour la promenade en pirogue dans le Marigot du Djouj. On croise des phacochères sur la piste, ils ne sont pas effrayés et doivent avoir l'habitude des voitures ce qui nous donne l'occasion de bien les observer, les enfants en sont ravis.

Nous montons dans la pirogue avec un conducteur et un guide éco du parc. Au fil du chemin, le guide nous montre les oiseaux et nous indique leurs noms : héron cendré, cormoran africain, grand cormoran, aigle pêcheur, pélican, aniga (espèce africaine qui ne migre pas, aussi appelé "oiseau serpent" car lorsqu'il nage on aperçoit seulement son cou)... A chaque espèce, il nous montre les images des oiseaux sur son livre d'ornithologie. La discussion file sur des sujets entourant le parc : la pêche, la chasse, les plantes et leurs vertues ... C'est un vrai plaisir d'échanger aussi naturellement sur la faune et la flore. Lorsque je vois un oiseau, j'essaye de deviner à quelle espèce il appartient, j'arrive à en trouver quelques unes et le guide me félicite chaleureusement. Cela me rend heureuse de pouvoir reconnaître quelques espèces ! C'est assez déconcertant d'être heureuse d'aussi petites choses, je crois que l'air du Sénégal et la proximité d'enfants me font du bien !

Le bateau progresse sur l'eau entre les deux berges de verdure. Au bout de la balade on arrive sur un banc de sable recouvert de pélicans qui couvent leurs oeufs. Certains s'envolent pour rejoindre leurs dortoirs du côté mauritanien, car l'île n'est pas assez grande pour tous les pélicans. Voir leurs envolées avec le soleil en fond est une vision magnifique. Je me sens chanceuse de pouvoir observer ces moments uniques.

Le sable n'est plus visible sur l'île, cette image est des plus étonnante et je me délecte de ce paysage insolite. Les pélicans s'envolent et je suis leurs trajectoires, ils battent des ailes puis se laissent aller quelques instants à planer, ils rasent la surface de l'eau ou s'envolent haut dans le ciel comme pour aller rejoindre le soleil. Ils se déplacent à plusieurs, en ligne, cette vision avec le soleil en fond est magique.

Nous continuons la balade pour rentrer. Sur les bords je vois des roseaux qu'on nomme Typha (ils servent à faire les toits, les nattes...). J'apprends que les cormorans n'ont pas le plumage imperméable, alors que ce sont des oiseaux qui pêchent en profondeur. J'ai la chance de pouvoir observer de mes propres yeux leur tactique de séchage, ils se posent sur la cime des arbres, déplient leurs ailes et s'ébattent.

Assise sur cette barque, entre l'eau et le ciel, j'assiste au coucher du soleil. Le marigot semble recouvert d'un voile de soie bleue, grise, verte, jaune ... L'air est frais mais agréable. Je me sens calme et en accord avec ce paysage. Mes pensées sont apaisantes et je n'ai plus aucune peur à ce moment précis, le monde est beau tout simplement. Le soleil est une boule de feu qui se reflète dans l'eau. Les pélicans volent vers le soleil comme s'ils savaient que cela donne une image magique.

A chaque nouveau paysage je me pose une question : quels mots puis-je utiliser pour le décrire ? Il y a un nombre de mots défini dans notre langue, alors que chaque paysage est unique. C'est un vrai défi que de décrire quelque chose d'aussi éphémère et unique.

Nous descendons de la pirogue et retournons au monde réel, nous étions suspendus au milieu d'un monde où la nature et les animaux étaient maitres et nous les invités. Le retour se fait par la piste comme à l'aller mais la nuit est tombée. Les bosses de la route en sont d'autant plus importantes puisqu'on ne les vois pas, on les sent au dernier moment lorsque nous décollons littéralement de nos sièges. J'aime ces routes cahoteuses cela me donne une sensation de liberté, nous sommes entourés par la végétation, et la route porte les stigmates des pluies et des aléas naturels.

Nous rentrons à Saint-Louis, arrivés à la maison nous préparons un repas rapide avec Christiane : spaghettis et sauce soblé (oignons en Wolof, eh oui je suis "presque" bilingue...), que nous partageons tous les huit, assis en cercle sur le tapis. Une journée magnifique s'achève avec douceur.

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Aujourd'hui je suis Khadi, je serai son ombre et elle mon guide ! Elle m'amène au marché pour acheter des aliments afin de concocter un yassa poisson et des fatayas pour notre grande famille. Nous sommes huit à manger donc il faut assurer niveau quantité.

Au retour du marché, chargées de légumes, épices et autres ingrédients, nous nous mettons en tenues de combat : boubou d'intérieur aux couleurs flamboyantes, rose pour moi (haha ceux qui me connaissent, savent que ce n'est pas ma couleur de prédilection !) et noir et rouge pour Khadi ! Habillée comme cela, claquettes aux pieds je suis parée pour ma leçon !

Puis nous nous mettons aux fourneaux ensemble. Sous la direction de Khadi, je commence à couper des oignons, piler du poivre et du piment au mortier... La cuisine extérieure résonne de bruits familiers. Khadi est patiente et me montre chaque étape de la préparation, j'écris d'ailleurs la recette sur mon carnet pour essayer de la refaire un jour... J'ai l'impression d'observer un rituel vieux de centaines d'années, les bruits du mortier et les gestes ont une connotation spirituelle, on dirait une scène que l'on pourrait décrire dans un livre d'histoire des cultures. La préparation dure 03h00, à la fin le plat est magnifique ; et il est mangé ou plutôt dévoré en moins de 10 minutes !

La journée d'une mère de famille est rythmée par les repas, les enfants et les allers et venues de toute la famille. La femme a une grande importance dans la famille, pour moi elle en est le pivot et le ciment. Elle s'active dans les coulisses pour que tout soit prêt à temps, que tout le monde soit content et rassasié. Une tâche souvent vue comme ingrate, mais en ce qui me concerne je loue une véritable fascination à ces femmes, à leurs savoirs faire et à leur bienveillance. Khadi incarne cette femme bienveillante et au service de sa famille, à l'attention inégalée. Ses repas sont cuisinés avec expertise, ses gestes sont sûrs. Elle a été un vrai guide pour moi, à me montrer avec patience et douceur comment préparer ce plat traditionnel, paraissant heureuse de partager son savoir. Avec son sourire et son rire communicatif, Khadi a une lumière intérieure qui m'a touché.

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Après le repas c'est le moment du thé, un moment très important dans cette famille. C'est aussi un temps ouvert à la discussion et nous parlons de sujets divers, puis plus sérieux, des thèmes que je n'ai jamais osé abordés mais qui me questionnent beaucoup : la circoncision et surtout l'excision chez la femme. J'apprends que les Peuls excisent les jeunes filles pour qu'elles soient pures ; si une femme n'est pas excisée, aucun homme ne mangera le dîner qu'elle préparera, ne boira l'eau qu'elle lui donnera ou ne rentrera dans sa chambre. Face à ces croyances, le changement est difficile, les coutumes sont profondément ancrées dans les esprits. Ne pas exciser sa fille, revient à lui fermer les portes du mariage et à en faire une paria dans certains villages. La dure réalité de la vie de certaines femmes me prend de court, ces croyances prennent forme et deviennent une réalité bien présente. Ces souffrances que les femmes connaissent à travers le monde m'ont toujours touchées, mais aujourd'hui je les comprends mieux, je prends conscience qu'il y a ce gouffre entre changement et coutumes. Se battre contre sa propre culture paraît être un acte difficile et les soutiens fort peu présents, voir inexistants. Les femmes qui font bouger ce monde me remplissent de fierté ! Les personnes qui essayent, à leur petite échelle de faire évoluer les moeurs me touchent profondément.

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A 17h00, marchant d'un bon pas, nous partons entre filles pour faire le tour de l'île de Saint-Louis : un moment volé au quotidien très rythmé ! C'est l'heure où les pirogues partent en mer. Le soleil commence à décliner, les bords du fleuve fourmillent et les pirogues partent à la pêche les unes après les autres. Une procession de belles couleurs remontent le fleuve. C'est la sortie des écoles, les trottoirs sont plein de jeunes en train de discuter et de rire. La ville est vivante, je prends plaisir à regarder autour de moi toutes ces vies qui s'entremêlent. L'heure du prochain repas approche, nous rentrons pour préparer le plat du soir, fini la promenade on retourne au travail ! (^^)

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Publié le 5 décembre 2016

Comme chaque matin je pars me balader dans les rues de Saint-Louis. Mon esprit divague au rythme des couleurs que je découvre, Saint-Louis est une ville parée de couleurs vives qui m'enthousiasme. Je marche, je lève les yeux et trouve chaque jour de nouveaux trésors qui se cachaient jusque là à mes yeux curieux. Ce matin la lumière est douce, elle donne aux rues une clarté brumeuse. Tout est calme, les gens commencent leur journée par un petit déjeuner dans les rues.

Ces rues prennent vie et j'observe le ballet incessant des gens allant acheter du beurre, une baguette, des oeufs... D'autres préfèrent s'arrêter dans un "boui-boui", assis autour d'une table recouverte d'un lino fleuri, ils mangent un pain-thon ou omelette ; d'autres encore s'arrêtent simplement acheter un de ces pains garnis à une dame qui a déployé ses fourneaux sur un bout de trottoir.

Je profite de ces derniers moments, cet après-midi je rentre sur Dakar et j'abandonne le calme de cette ville.

Il est 15h30, je monte dans un taxi qui est sensé m'amener jusqu'à la voiture qui part à Dakar. Nous traversons Saint-Louis et passons dans des quartiers que je ne connais pas. Nous prenons au passage les autres covoitureurs. Les abords de la ville sont des quartiers où des terrains entiers sont remplis d'ordures. Ce paysage me désole, une si belle ville qui se détruit d'elle même. Le paysage perd de sa beauté, les plastiques multicolores attirent mon regard et je ne vois plus le reste, la nature disparait sous ces déchets. Les troupeaux de chèvres se prélassent sur ces espaces, une chèvre mange une chaussure abandonnée, une autre grignote un plastique...

Enfin nous retrouvons la voiture qui nous amènera à Dakar en dehors de la ville. Sur le chemin je lis un roman, hasard ou non mais c'est l'histoire d'un jeune explorateur français, René Caillié, qui justement part de Saint-Louis pour rejoindre Dakar dans les années 1816. Il effectue ce trajet à pied, la marche dure dix jours dans un semi désert bordé par l'Océan.

" Tout est nouveau pour Caillié : on fait un petit feu, chacun tire une galette des poches intérieures de son coussabé, s'endort sur place. Un jour, deux jours, trois jours, passent ainsi. Dans la journée, la chaleur est torride ; la nuit, l'humidité de l'Océan les fait grelotter. René suit difficilement, la fatigue s'accumule et sa marche faiblit alors que ses compagnons semblent accélérer l'allure. Le gamin s'acharne à les suivre. Ses pieds se couvrent d'ampoules, son corps n'est qu'un automate remonté par quelques ressort secret. Tenir ! Tenir ! " L'esclave de Dieu par Frison-Roche.

Les kilomètres s'avalent avec une telle facilité dans cette voiture, je me mets à me comparer à ce jeune explorateur et je me trouve bien peu aventureuse (^^). Je suis assise là, et c'est la puissance de la voiture qui m'amène dans la capitale. La musique me porte, les mots sur les pages défilent et les paysages aussi, je me sens bien, j'ai le sourire et je me sens à ma place à ce moment précis. Le soleil m'éblouit à travers le pare brise, je me sens vivante et profondément heureuse. Ce sont toutes ces sensations qui m'habitent que je recherche quand je voyage ! Je les laisse entrer en moi, tout chambouler et je les garde précieusement dans un coin. Les paysages nourrissent ces sensations, je m'en empreigne donc, jamais rassasiée !

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Depuis hier (7 décembre), Pauline m'a rejoint à Dakar. Après être allée la chercher à l'aéroport, nous mettons peu de temps à prévoir notre programme des jours suivants. Notre objectif numéro 1 : l'hôpital traditionnel de Keur Massar, où nous décidons de nous rendre dès le lendemain pour commencer notre stage.


Départ de la maison à 08h00 pour prendre le bus (je tiens à préciser que la vieille au soir ne sachant quel bus prendre, nous sommes allés nous renseigner avec des amis auprès des vendeurs de bananes et de cacahuètes du coin, sur les numéros de bus allant à Keur Massar). Nous voilà donc au bord de la route, attendant le fameux bus (n°65) ; l'attente est longue et il n'y a aucun horaire précis de bus, la règle c'est d'attendre tout simplement. Le bus enfin arrivé, nous montons, payons les tickets et restons debout, le bus est plein à craquer. Arrivées à Keur Massar nous cherchons des informations pour trouver un bus qui nous mènera à l'hôpital, un homme nous renseigne et nous dit de prendre le 73.

1h30 de trajet, mais nous n'avons pas vu le temps passé ; nous arrivons devant l'accueil de l'hôpital où l'on apprend que Djibril (le directeur) n'est pas encore arrivé.

Il arrive peu de temps après. Les retrouvailles sont chaleureuses, il nous met tout de suite à l'aise comme à son habitude. Nous allons discuter dans son bureau quelques minutes, puis nous partons visiter le jardin botanique. Suivre Djibril dans ce jardin est un plaisir, il nous parle des plantes et des arbres que l'on croise. C'est dans ces moments que l'on prend conscience du pouvoir de toutes ces plantes qui nous entourent au quotidien, le moindre brin de basilic que l'on trouve dans nos cuisines a des bienfaits !

Il fait chaud, le soleil chauffe ma peau mais c'est un vrai bonheur de marcher dans cet écrin de verdure aux pouvoirs si mystérieux, un mystère que je rêve d'apprendre à connaitre. De gigantesques niaoulis en fleurs pointent vers le ciel, je perçois le bourdonnement des abeilles sur les arbres, le chant de quelques oiseaux, et au loin, très loin les bruits de la ville. Nous rencontrons une jeune étudiante en botanique qui répertorie toutes les espèces du jardin dans le cadre de ses études, une vraie mine d'informations dans un petit bout de femme.

Niaouli en fleur / Sansevieria Rifasciata (ou "langue de belle-mère") / Baobab et Fromager

Après cette balade Djibi nous met au travail !! Assises autour d'une petite table ronde, un saladier en bois rempli de poudre de plantes posé dessus, nous avons pour mission de remplir des sachets pour les tisanes. Nous travaillons avec bonne humeur pendant plusieurs heures, tout en papotant. Vers midi c'est la pause tisane, un vrai délice. Puis on nous prépare un extrait de plantes pour prévenir du palu, la boisson est très odorante, elle sent fort l'alcool et le piment, je me demande si je ne vais pas m'évanouir en la buvant, ou tout du moins me brûler le tube digestif ! La première gorgée est d'abord sucrée et fruitée, puis vient le piment et la brûlure, je grimace ! À la fin du verre j'ai la tête qui tourne, il me vient la pensée qu'avec cela je ne risque pas d'attraper une maladie l'extrait a tout brûlé sur son passage.

C'est la journée de la dégustation, je profite que Samba (un des laborantins) transvase un extrait de plantes dans des petits flacons, pour y goûter, c'est un antihistaminique, le goût est très fruité et je l'apprécie. Puis Pauline me fait goûter sa découverte : un extrait de cactus qui est antiparasitaire, le goût est assez neutre.

Vers 15h00 c'est la pause repas, nous nous asseyons tous en cercle autour d'un plat de thieboudienne. J'aime partager ces moments de repas avec du monde, je trouve que cela est un moment important de la journée qui nous lie tous ensemble. Puis nous nous mettons à l'ombre sous un arbre pour discuter avec Djibi sur la vie, l'amour, les traditions, les changements , l'éducation ... Voila l'heure du départ il est 16h00 nous reprenons le bus.

Arrivées à l'appartement nous entamons une discussion animée avec notre colocataire et ses amis. Puis la soirée continue et nous nous mettons à danser dans le salon. Nous vivons chaque jour des moments de partages imprévus et d'autant plus agréables.

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Réveil à 08h00... dur dur après une soirée Sound System bien sympathique au bord de la plage du Virage. Les effluves d'herbes m'embrument encore quelque peu l'esprit ; les quelques heures de sommeil n'arrangeant pas l'affaire, je suis fatiguée mais très contente de partir pour de nouvelles aventures : la Casamance, un rêve !!

La Casamance m'ouvre les bras et j'y cours à toute allure...enfin j'y vais d'une allure plutôt modérée dans un taxi brousse (ou 7 places comme on dit ici). Première étape : nous partons à Thiès pour rejoindre Christiane afin de visiter un hameau de maisons écologiques. Je partage donc un taxi brousse avec 7 autres personnes, Pauline est à ma droite, nous sommes bien serrées mais ce n'est pas désagréable.

Je trouve agréable de se laisser porter par le temps et d'observer les scènes de rues par la fenêtre. On est dimanche mais la vie dans les rues et sur la route est très active, les bus côtoient les voitures et les charettes, des gens traversent d'un pas nonchalant, les femmes portent leurs boubous colorés, quelques enfants se regroupent autour d'un babyfoot pour un tournoi improvisé... Le taxi brousse n'est pas de première jeunesse, je m'interroge d'ailleurs sur son âge ... La poussière m'empêche de voir le compteur qui aurait pu m'indiquer le nombre de kilomètres avalés par cette vieille carcasse. L'intérieur de la voiture est assez bien entretenu (ironie me voilàààà) : poignées de porte cassées ou carrément inexistantes, tissus arrachés, pare brise fissuré sur la longueur, capitonage des portes déchiré ... rien de bien anormal jusqu'ici !! L'état de certaines voitures me fait m'interroger souvent sur le miracle par lequel elles roulent encore !

Nous arrivons à Thiès, le 7 places nous dépose à un carrefour et nous rejoignons Christiane qui nous attend toute de rose vêtue, accoudée à un camion. Nous montons en voiture pour aller voir ce fameux hameau.

L'ensemble des maisons écologiques se nomme les "Jardins de Tangor" (qui vient du nom du quartier). Nous sommes accueillies par Eric un des propriétaires que nous avions rencontré Christiane et moi à Podor ; il nous parle de cette aventure collective tout en nous faisant visiter. Trois des maisons sont d'inspiration Mozabite, originaire du M'zab (sud algérien). La particularité de ces maisons, c'est la technique qui permet de garder au frais les pièces malgré des températures extérieures qui peuvent parfois faire éclater le thermomètre : la maison est donc enterrée de moitié ce qui permet cette fraicheur dans la journée. Deuxième particularité, ce sont les meubles et les escaliers qui se construisent dans l'épaisseur des murs. Des puits de lumière apportent une confortable luminosité dans chaque pièce. L'énergie est solaire et un forage est prévu pour bientôt. Cette architecture est une belle découverte pour moi et un vrai coup de coeur.

Nous quittons les "Jardins de Tangor" pour aller visiter un quartier de Thiès appelé "Cité du rail" ou "Cité Ibrahim Sarr". C'est un lieu calme et ombragé, les bâtiments de ce quartier sont de style colonial, les rues sont abritées par de grands arbres aux troncs immenses. La ville de Thiès est calme et la vie culturelle a l'air d'être importante aux yeux des habitants.

Après un petit repas dans un restaurant, nous repartons vers N'gaparou pour y passer la nuit. En sortant de Thiès, la route passe au milieu d'une déchetterie à ciel ouvert, les troupeaux de chèvres y paissent tranquillement. Puis quelques villages Peuls apparaissent, les maisons sont moitié en dur, moitié en cases aux toîts de typhas. Puis le paysage se change en plaines broussailleuses accompagnées de majestueux baobabs garnis de pains de singe. Le bas du tronc de certains baobabs est comme strié, Christiane me dit qu'ils coupent des morcaux pour en faire des cordages.

Les bords de la route s'accompagnent de buissons piquants, l'air est poussiéreux. Nous passons le long de la réserve de Bandia, le paysage change et devient plus vert mais les baobabs se dessinent toujours dans le ciel de fin d'après midi, il est 16h30.

Nous arrivons à Ngaparou, c'est un village calme sur les bordures de l'océan. Les villas du quartier sont magnifiques, tout est tranquille. Nous nous arrêtons chez Oumi, une guinéenne, amie de Christiane pour y passer la nuit.

Après avoir posé nos affaires et revêtues la tenue adéquate (maillot de bain héhé !), nous allons marcher sur la plage, il fait bon, le soleil commence à se coucher sur l'horizon. En marchant nous tombons sur un sculpteur de bois, il travaille des troncs de cocotiers qu'il façonne comme des visages avec des cheveux formés à partir des racines de l'arbre. L'idée est géniale ! Nous continuons la balade jusqu'à des rochers sculptés, la marée basse nous permet de les voir : il y a un éléphant, un visage, un chien, une porteuse d'eau et une paire de fesses. Au retour l'eau commence à remonter et je ramasse quelques beaux coquillages. Marcher au bord de l'eau me détend, mes pensées sont apaisantes. Nous rentrons chez Oumi, après une "douche au bol" nous mangeons quelques fruits avant d'aller nous coucher.

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Réveil en douceur, puis un p'tit dej composé de fruits.

Nous décidons de partir à Saly et nous nous arrêtons dans le village. Nous baladant dans les petites rues, nous rendons visite aux amis artistes de Christiane : Zale le peintre, Daouda le Touareg ... Puis nous nous arrêtons dans un atelier où un homme nous sculpte un petit pendentif à notre nom.

La rencontre avec Daouda et les Touaregs de son atelier est très belle, nous nous asseyons à même le sol, sur une natte et regardons les jeunes hommes travailler le cuir de chameau pour en recouvrir des boîtes. Nous avons le droit a un verre de coca que j'accepte chaleureusement, malgré le fait que je n'apprécie pas le gout de ce breuvage ... mais c'est le pays de la Teranga on accepte l'hospitalité ! Daouda est un homme magnifique, son sourire chaleureux éclaire son visage tanné par le soleil. Après quelques mots échangés, nous décidons de reprendre la route et nous disons donc au revoir au groupe de Touaregs, nous les quittons avec la promesse de venir les revoir un jour.

Après un bon thieboudienne dans un petit restaurant tenu par Marie à Ngaparou, nous partons à la plage nous baigner. L'eau est froide mais le soleil brûlant. Sentir le sable sous mes pieds et l'eau autour de mes jambes me fait du bien. Je m'allonge sur le sable les jambes couvertes d'eau par le mouvement incessant des vagues.

Puis nous marchons quelques mètres sur la plage pour rejoindre l'atelier de sculpture sur cocotiers, où nous avions été invité à boire le thé la veille. Nous prenons donc le thé autour d'une table sous un auvent près de la plage, il faut chaud, c'est très agréable.

Puis nous rentrons nous changer pour aller assister à la rėpėtition d'un groupe guinéen de musiciens et de danseurs, les Bougarabou. Nous sommes accueillies par le son des percussions dans une cour intérieure. Les danseurs et les percussionnistes sont déjà en plein travail. Des femmes bougent leurs corps au rythme endiablé des djembés, leurs mouvements sont amples, leurs bras vers le ciel ou vers la terre, les pieds tapant dans le sable, la poussière s'envole autour d'elles. Deux hommes les rejoignent et dansent avec force, leurs muscles sont mis en valeur dans les mouvements. La musique m'emporte, je n'entends plus que les djembés qui font battre mon coeur au même rythme. L'air est empli d'une odeur de poussière, de sueur, de chaleur, de nature et de vie... Mon sourire ne quitte pas mon visage, ce moment me rend heureuse, mon esprit est exalté par ces rythmes. Je voyage en Guinée grâce à cette musique.

A la fin de la répétition, les musiciens se retournent tous et commencent à jouer pour nous ! Les instruments nous entourent, les chants et les coups sur les djembés redoublent de force. Les musiciens sont chaleureux et leur plaisir à jouer est palpable. Nous rentrons comblées par ces moments.

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05h30 réveil pour partir à 06h00 afin de rejoindre Aliou à Tambacounda le plus tôt possible. Il fait nuit noire quand nous montons dans la voiture. Il est 07h00, le soleil commence à se lever, on voit apparaitre des plaines constellées de palmiers et de baobabs. La couleur ocre du ciel apporte de la douceur au paysage.

La route traverse de petits villages dont le toit des cases pointent au dessus des clôtures en bois des cours intérieures. Peu de gens sont réveillés à cette heure matinale, les rues sont calmes et désertes. Le rose s'ajoute à l'ocre et au bleu du ciel, les plaines s'habillent d'une herbe sèche mais touffue. Au loin dans la plaine j'aperçois deux femmes aux boubous éclatants rouge et bleu, chacune marchant un seau perché sur la tête.

Puis nous doublons une petite mobilette, trois hommes serrés sur le siège unique. Le paysage change et laisse place au marais salants, des étendues d'eau bordées de quelques zones feuillues. Une charette tirée par un cheval portant un homme, deux femmes et des seaux traverse la plaine sablonneuse qui côtoie l'eau des marais. Au bord de la route, dans un village je vois un baobab amoureux, deux troncs s'entremêlent tels deux amants s'embrassant, quelques écritures saintes peintes en blanc sur l'écorce du tronc. Puis, nous retrouvons les plaines herbeuses peuplées de grands arbres majestueux.

Je me suis assoupie et lorsque j'ouvre les yeux je crois voir de la neige !! Après avoir retrouver mes esprits je me rappelle être en Afrique (^^) : ce n'est que du sel, des plaines de sel à perte de vue. Nous rentrons dans Kaolack, le soleil reste caché derrière les nuages, la route est jalonné de trous.... Puis elle disparaît et laisse place à une piste. Les écoliers peuplent les bords de la route : c'est l'heure de l'école il est 08h00.

Après Kaolack et ses bouchons matinaux, les plaines se parent d'arbustes verts. Sur le bord des routes sont entreposés des sacs de sel qui attendent d'être ramassés. La faim nous gagne et nous nous arrêtons dans un petit village pour déguster un petit déjeuner à la sénégalaise : pain nembé pimenté (pain avec des haricots en sauce), servi dans une gargote avec des draps tendus faisant office de murs.

Nous traversons de grandes plaines où l'herbe est jaunies par le soleil, d'immenses arbres (fromagers, baobabs...) donnent de l'ombre aux bergers accroupis gardant leurs troupeaux de vaches, de moutons et de chèvres. En saison chaude ces terres doivent devenir de vraies fournaises.

La verdure devient plus dense, des arbres de toutes tailles serrés les uns contre les autres. Entre les arbres j'aperçois des termitières de terre rouge. A certains endroits se regroupent de petites forêts de baobabs, une quinzaine d'arbres se touchant presque. Les maisons des villages que l'on traverse sont faites en brique de terre recouverte d'un enduit, de forme carré et au toit de typhas. Des barrières de roseaux délimitent le territoire de chaque famille. Des enfants pieds nus jouent sur les chemins de sable rouge devant leurs maisons.

Enfin nous traversons Tambacounda, nous rejoignons Aliou chez lui à la sortie de la ville. Après une pause de quelques minutes nous reprenons la route, Aliou aux commandes. Sur la droite on aperçoit des champs de coton, puis la végétation d'arbres et d'arbustes reprend le dessus.

Les termitières se multiplient et une herbe haute couleur d'or recouvre le sol. Nous traversons le fleuve Gambie, l'eau est verte, les bordures herbeuses. Aliou nous informe qu'il y a des hippopotames dans cette zone du fleuve. Sur la gauche nous apercevons des champs de bananiers. Dans les villages, les cases sont maintenant arrondies sous le toit de roseaux.

Nous traversons un village où les maisons sénégalaises côtoient les maisons gambiennes, la contrebande est d'ailleurs très présente dans cette zone géographique. Puis nous nous arrêtons à Mandat Douane pour voir une incongruité locale : le chargement des taxi-brousse guinéens. Le chargement (chaises, sacs, bidons, valises, denrées....) est posé sur les toits des voitures dans un équilibre précaire. Le tout dépasse devant, derrière et sur les côtés de la voiture. On croirait qu'une météorite est tombée sur le toit des voitures. Apparement, la notion d'équilibre n'est pas la même ici, les lois de l'apesanteur sont défiées.

Nous nous arrêtons au marché prendre des fruits, Aliou nous ramène des patates douces et des diaberes cuits à la vapeur : un régale ! Nous épluchons ce repas improvisé dans la voiture tout en continuant la route. Manger de cette façon si simple me permet de redécouvrir le goût de la patate douce.

A la sortie de la ville les villages défilent, l'architecture change, les toits descendent bas sur les murs ronds. La végétation se densifie et l'ensemble paraît plus vert.

Misera Samba - Velingara .... Tant de villes et de villages passés.

Les bordures de la route sont très vertes, des eucalyptus, des baobabs, des manguiers .... Des oiseaux sont perchés sur le dos des vaches. Les villages Peuls s'égaillent le long de notre chemin, se fondent dans le paysages. La route étant en travaux nous empreintons les pistes en bordure, les branches et les feuilles des arbres sont rouges comme la latérite de la piste. Après cette piste cahoteuse nous traversons Kounkane.

Diaoube est le plus grand marché hebdomadaire du Sénégal. La contrebande de Guinée, de Gambie.. se vend ici. Le marché dur trois jours par semaine.

A mon plus grand bonheur le paysage se change en forêt de manguiers, malheureusement ce n'est pas la saison. Après une autre piste cahoteuse au milieu d'une forêt dense nous reprenons la route. La faim nous gagnant, nous nous arrêtons prendre un thieboudienne dans un petit restaurant de rue. L'épisode "pipi" est épique, les "toilettes" sont en fait une cabane faite de bois et de taules ondulées sans toit. A l'intérieur il n'y a pas de trou, deux dalles sont posées à même le sable... à vous de deviner la manoeuvre à effectuer... Bref ! Le thieboudienne m'attend je me dépêche de retourner à table.

Nous reprenons la route pour atteindre Ziguinchore. Et après les chèvres et les vaches, ce sont les singes qui traversent devant la voiture.

A voir ces champs verts, ces grands arbres aux feuillages fournis je n'ai pas l'impression d'être au Sénégal. Pour moi, j'ai changé de pays, c'est une réelle découverte ! Mes yeux sont émerveillés par cette nature luxuriante. Dans les villages on voit des potagers où s'epanouissent des maniocs, des papayers...

A Tanaf nous passons près d'un plan d'eau où de jeunes hommes, à l'aide de bâtons, tapent dans l'eau pour amener les poissons dans les filets. Cette image est magnifique en cette fin de journée. Le relief se pare de rizières ; le tronc de certains fromagers est fait de plis et de replis soyeux, un enfant pourrait s'y cacher sans être vu.

Il est 17h30, le soleil entame sa descente sur les rizières, les couleurs sont magnifiques, cela donne un côté irréel au paysage. Entre les zones tropicales, des champs ombragés apparaissent, les femmes et les hommes travaillent leurs terres fertiles. Le spectacle de ces scènes agricoles me touchent. Nous reprenons la piste trouée qui longe un marigot aux bordures de palétuviers. Le soleil est descendu dans le ciel, la lumière est brumeuse et donne une douceur nouvelle au paysage, la nature prend une dimension de calme et de sérénité encore plus prononcée qu'en journée. Le soleil est pareil à une boule de feu lisse dans un ciel bleu gris, il se reflète dans les eaux du marais.

Il est 18h45, nous arrivons à Ziguinchor, on fait le plein d'essence et repartons en direction d'Oussouye.

Nous arrivons de nuit à Oussouye. Pour trouver un lieu où dormir nous marchons dans le village, les rues sont sombres, on appercoit le ciel étoilé, je m'arrête à plusieurs reprises pour observer la voûte céleste qui s'offre à mes yeux. Marcher dans ces rues est comme un baume passé sur mon corps courbaturé. Mais les campements sont fermés, une espagnole qui réside à Oussouye nous héberge pour la nuit. C'est ma première douche tiède du séjour, c'est un vrai bonheur. Puis, fatiguées par ces heures de route, nous nous endormons très vite.

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Publié le 10 janvier 2017

Réveil à 07h30, puis une petite balade matinale dans les rues d'Oussouye. Nous découvrons cette ville que l'on avait vu seulement de nuit. Nous nous enfonçons dans les petits chemins sablonneux du village, c'est calme, nous entendons les oiseaux, le coq qui s'égosille pour nous prévenir qu'il est l'heure de se lever ... La vie des villages de Casamance paraît différente du reste du Sénégal, une certaine sérénité ressort de l'ambiance générale, je m'y sens bien.

Ensuite nous prenons un petit déjeuner composé de papayes ramenées par Aliou de son jardin de Dine Defelo, et d'oranges achetées au marché la veille.

Nous partons visiter le village d'Edioungou, réputé pour ses poteries en argile. Le village est tranquille, les femmes sont dans les rizières pour la journée, les hommes restent au village. Nous rencontrons Sambou, une des femmes du village qui nous montre ses créations. La poterie est ici une tradition qui se transmet de mère en fille. L'argile utilisée provient de la mangrove des alentours, elle est ensuite mélangée à des coquillages concassés puis cuite sur des feux de rôniers, de palmiers et de palétuviers. Lorsque les poteries sont refroidies, elles sont recouvertes d'une teinture en latérite et d'un vernis à base de pomme du Cayor (le nèfle sauvage). C'est cette préparation unique qui leur donne une couleur rouge/brun sombre. Je m'achète un bol et deux petites tasses ; je me vois déjà prendre mon petit déjeuner dans ces poteries si particulières.

Sambou vend aussi des citrons qu'elle garde à l'ombre sous une petite case, le prix est dérisoire, nous en prenons deux gros sacs et des bouteilles de jus déjà pressés. En attendant, Pauline et moi allons marcher dans le village, tout est calme. Nous nous asseyons au bord d'une cahute où sont accrochés des instruments (tam-tam, djembés, balafon...).

Après une discussion avec un vieux du village nous reprenons la route vers Mlomp, un village animiste. Arrivés, nous nous arrêtons devant les fameuses cases à étages et les fromagers ( ou Kapokier, ou encore de son nom scientifique Ceiba Pentandra) vieux de plusieurs siècles.

Je commence la visite par une boulette : je marche sur un fétiche, ce qui est interdit...aucun panneau ne délimitant la zone qui paraissait donc tout à fait ordinaire. Les fromagers sont des arbres immenses, les racines sont énormes, torturées, elles empiètent sur le terrain alentours telles des pieuvres géantes.

Nous visitons ensuite une case à impluvium, avec son toit troué et son bassin intérieur, cette case permet de récupérer les eaux de pluie. Dans ce village c'est aussi le musée du coin, le guide nous parle de l'animisme et de la culture diola ; il nous révèle donc quelques anecdotes sur cette religion et les traditions locales : les hommes n'assistent pas aux accouchements, ils croient en des féticheurs et des fétiches, la dote des mariages se compose de porc et de vin de palme, ils croient en la réincarnation...

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Les cases à étages du village de Mlomp ont été construites par les tirailleurs sénégalais au retour de la Seconde Guerre Mondiale, sur les modèles des habitations qu'ils avaient vu en Europe, mais avec des matériaux locaux : murs en banco, plafonds en palétuvier (le sel de cette plante fait fuir les termites), planchers et colonnes en rônier.

Après cette visite, nous reprenons la route et arrivés à Elinkin nous tombons sur un groupe de militaires dansant et chantant au milieu de la route, suivis par un groupe d'enfants. Puis nous nous arrêtons nous restaurer et prendre les horaires de la pirogue pour l'île de Carabane : 13h00 et 17h00, nous décidons de remettre ce périple au lendemain afin de profiter de plus de temps sur l'île.

Sur la route de Cap Skirring nous nous arrêtons chez Merry la mère d'un ami d'Aliou. Le village se nomme Ukut, nous sommes reçus par une dizaine d'enfants souriant. Merry est une vieille dame encore bien en forme, elle est en train de tresser un panier en rônier. Les enfants se regroupent autour de nous pour faire des photos, cela les amuse beaucoup ! Leurs sourires me comblent, c'est une bouffée d'air pure. Puis nous reprenons la route...

Arrivés à Cap Skirring, nous buvons un verre sous la paillote de Salomon. Puis nous trouvons une chambre dans un camp de Rasta, au milieu duquel trône une case très originale au toit me faisant penser aux maisons des Schtroumpfs. Nous partons ensuite marcher sur la plage, cette grande étendue de sable fin apaise nos sens. Pauline se met à jouer de l'armonica en marchant, et moi me sentant légère et d'humeur drôle je danse autour d'elle : une vision assez comique...

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Réveil à 08h00, nous prenons un petit-déjeuner avec une vue sur l'océan aux vagues impressionnantes. Des cocotiers et un saucissonier nous entourent. Le rasta de l'auberge nous propose une tisane à base de menthe et de citronnelle du jardin, à laquelle je rajoute le jus d'une mandarine du village d'Ukut : un pur délice !

Puis nous partons marcher sur la plage, je ramasse quelques coquillages. Deux vaches sont allongées sur le sable, elles semblent faire une sieste matinale.

Nous reprenons ensuite la route pour aller prendre la pirogue à Elinkin, afin de rejoindre l'île de Carabane. Nous traversons un paysage de mangroves, certaines sont asséchées, d'autres non, l'eau circule entre les palétuviers qui bordent ces cours d'eau sinueux. Puis apparaît une forêt dense ; des palmiers, des cocotier, des palmiers rôniers, des manguiers et des fromagers s'y épanouissent.

Avant d'entrer dans Oussouye les champs de riziculture apparaissent, des paysans y travaillent sous un ciel nuageux.

Sur les bords de la mangrove à Elinkin, nous attendons la pirogue pour partir sur l'île. Le chargement de celle-ci, me fait quelque peu m'inquiéter ; sur la pirogue sont montés : des bouteilles de gaz, des sacs de riz, des cartons divers, une chariotte de transport...

Chargée d'une vingtaine de personnes, d'une dizaine de bidons de vin de palme et de tout ce que j'ai cité plus haut, nous partons pour l'île de Carabane. La pirogue avance doucement, les bruits de l'eau se mélange aux bavardages des passagers et aux ronronnements du moteur. Nous longeons les palétuviers de la mangrove.

Arrivés au bord de la plage de l'île, nous descendons par étape de la pirogue, le fond n'étant pas assez profond, les gens sont chargés sur une petite barque qui les amène sur la plage. La petite barque fait deux allers retours afin de tous nous déposer sur les berges ; puis les hommes déchargent le lourd chargement. L'eau jusqu'aux hanches, les hommes portent les paquets sur leurs épaules de la pirogue jusqu'à la terre ferme ; les allers retours se multiplient et bientôt la pirogue est vidée.

Le déchargement fini, le jeune piroguier, nommé Talla, nous amène "chez Helena", une auberge au bord de l'eau ... un véritable paradis !

Les pieds dans le sable nous attendons un tajine de légumes et de poissons qui se fait désirer, la faim me taraude. Le plat enfin arrivé, c'est une bonne surprise, des légumes et du poisson frais cuits à l'étouffée, une merveille pour les papilles.

Après le repas, je mets la tenue appropriée pour une balade les pieds dans l'eau : un maillot et un paréo ! Nous partons donc Christiane, Pauline, Talla et moi-même, pieds nus. Nous marchons sur la plage puis dans les mangroves, entre les palétuviers ...

Le soleil commence à descendre sur l'horizon, la lumière est douce, mes pieds s'enfoncent dans le sable. Nous marchons un long moment, mais le temps ici est arrêté. La plage se partage l'espace avec les palétuviers, les troncs de bois flottés et les marécages où quelques vaches et chèvres grignotent des herbes folles.

Nous nous arrêtons au bout de l'île ! L'eau recouvre tout le passage, nous nous posons donc là, Pauline se baigne quelques minutes pendant que nous nous allongeons sur le sable blanc encore chauffé par le doux soleil du soir. Puis nous rebroussons chemin, en changeant quelque peu notre itinéraire.

Nous découvrons des habitations très jolies dans les terres : la case d'une amie de Christiane, Michelle, puis une case en bois de style thaïlandais sur pillotis ou encore une case ronde où la lumière est apportée par des "fenêtres" faites de bouteilles de verre. Nous continuons le chemin, sur la plage des hommes jouent du djembé. Nous arrivons "chez Helena" à la nuit tombée.

Je suis perchée sur le rebord de la terrasse de la chambre, l'eau est à quelques mètres, j'entends le remoue des vagues et un vent doux caresse ma peau... Cet endroit est un petit paradis sur terre ; le calme, la tranquillité, l'amour et le respect de la terre, une sensation de bonheur m'envahie.

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Réveil 06h30 ! Nous sommes prêtes pour une balade entre filles dans le village encore endormi. Tout est calme, les maisonnées s'éveillent doucement. Les rues du village sont de petits chemins de sable où sont implantés quelques baobabs et fromagers centenaires. Nous découvrons la vieille église qui est en rénovation, l'ancienne maison des esclaves et le vieux port récemment réhabilité.

Nous retournons à l'auberge pour un petit-déjeuner composé de pain à peine sorti du four et de confitures. Puis nous préparons nos affaires pour reprendre la pirogue.

A cause du vent fort de ce matin, il y a de grosses vagues, la pirogue nous attend donc de l'autre côté de l'île derrière les mangroves, un endroit à l'abri du vent. Nous marchons quelques minutes pour la trouver. Un cochon attaché par les pattes à un bâtons est chargé dans la pirogue, ses cris effrayés accompagnent le chargement.

Après une traversée rapide, nous reprenons la voiture et partons pour Ziguinchor, afin d'y déposer Aliou, qui part de son côté à Kedougou. Mais nous ne sommes plus quatre dans la voiture ! Talla a rejoint l'équipe et nous accompagnera pour le reste de notre périple en Casamance.

Arrivés à Ziguinchor nous déposons Aliou et repartons vers la route d'Abéné. Le début de la route est assez chaotique, écrire me donne quelque peu la nausée ! Sur la droite dans les mangroves on peu observer de petits parc à huîtres : des bâtons de bois d'où sont accroché des cordes remplis d'huîtres.

Les cases de casamance sont carrées ou rectangulaires, très grandes avec un toit à quatre pans, faites à partir briques de terre locale.

14h00 : arrêt dans un village au bord de la route pour permettre à Talla de prier. Pour nous c'est la pause pipi. Je prends sur moi d'aller demander des toilettes, on m'indique une maison. Une jeune fille, Fatou, me donne un pôt d'eau et m'indique un petit coin de palmiers ou faire mon petit pipi.

Chaque petit village est conçu par petites parcelles appartenant à une famille différentes, les jardins sont entourés de morceaux de bois plantés à même le sol.

Nous faisons un arrêt à Diannah, un petit village où Talla a passé son enfance, la dame qui l'a élevé nous accueille. La famille nous ramasse des mandarines et des oranges dans les arbres de son jardin.

16h00 arrivés à Kafountine. Au bord de la route un sur la droite un fossé sépare la route des petites boutiques, de petits ponts en bois (morceaux de pirogues récupérés) permettent de rejoindre ces shops. Dans le village un groupe de personnes bouche la route, ce sont des lutteurs qui dansent, des branches d'arbre dans les mains, les femmes les suivants.

Nous nous arrêtons pour un rapide repas composé de yassa pour certain et thieboudienne pour d'autre. Ensuite nous reprenons la route pour trouver un campement, nous traversons le port de pêche et les fumeries de poissons sur un bon kilomètre. L'odeur est assez prenante .... la fumée des fours rentre dans la voiture, je ne peux m'empêcher de me boucher le nez... moyen comme odeur après manger ! Ma digestion se voit quelque peu perturbee ! Des tas entiers de poissons fumés sont à même le sol. Les restes de poissons sont hachés et mis dans des sacs pour faire de l'engrais.

Nous trouvons une maison à louer pour la nuit en face de la plage. La cuisine est à notre disposition mais aucun ingrédient ...nous décidons d'appeler des moto taxi (nommé ici Jakarta en référence à la marque des motos) à la rescousse pour aller au marché. Pauline et moi enfourchons donc une de ces bêtes de courses et partons en direction de la ville. La piste est sableuse et au bout de quelques minutes nous nous ensablons, le conducteur me dit de m'enlever de la moto pour la remettre sur le bon chemin. Nous continuons notre route en zigzaguant dans le sable, nous traversons la zone de pêche odorante pour rejoindre le village et le marché.

A fond les ballons, les cheveux au vent je me sens libre et vivante ! J'adore ce moyen de transport qui me donne un pic d'adrénaline ! Au marché nous achetons des légumes et des fruits puis nous repartons à moto vers la zone de pêche dans l'espoir de trouver des crevettes. Après une recherche appronfondie dans plusieurs magasins, nous abandonnons l'idée des crevettes et rentrons, perchées sur nos engins à moteur. L'air est plus frais, la nuit tombe doucement. Le chemin du retour est le même qu'à l'aller et nous rencontrons le même problème ...l'ensablement, je descends donc de la moto.. . Pauline et son chauffeur n'étant pas loin derrière et arrivant à une vitesse plus élevée, le chauffeur dévit de sa trajectoire et manque de me renverser au passage, je recule donc mais le sable entrave mes pas et je finis sur les fesses dans le sable. Manque de bol il y avait des herbes piquantes à cet endroit et quelques aiguilles ont élu domicile dans mon pantalon. Après quelques rires nous reprenons la route et arrivons enfin saines et sauves devant la maison.

Après une bonne douche bien méritée nous cuisinons une salade avec les légumes rapportés du marché, puis nous nous couchons...un sommeil bien mérité.

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Pas de réveil ce matin, juste le bruit des vagues et des oiseaux.

Pauline et moi partons nous balader au bord de l'océan, il est 08h00. Sur le chemin nous ramassons d'énormes coquillages.

Nous marchons sur cette étendue de sable à perte de vue, et rencontrons quelques hommes à vélo qui ramassent des poissons morts ramenés par les vagues sur le bord du rivage. Ils en font des tas qu'ils vendront comme engrais plus tard, un vrai petit commerce en parallèle du port de pêche non loin de là. A part ces quelques travailleurs matinaux, la plage est déserte, les coquillages sont nombreux, le sable est frais sous nos pieds ; cette balade est régénératrice. Nous rentrons après deux bonnes heures de marche.

Il est 17h00, nous partons en ville en Jakarta avec Pauline pour acheter du riz. Un "petit" ensablement sur la route mais rien de bien grave ! En ville nous rejoignons Christiane et Talla, et partons voir le port de pêche. Le port n'est en fait pas à proprement parler un port, pas de quai en vu ; les pêcheurs attendent en foule au bord de la plage. De petites pirogues embarquent une dizaine d'hommes pour les amener jusqu'aux grandes pirogues amarrées plus loin. Les départs au bord de la plage sont épiques, de grosses vagues soulèvent le devant des pirogues. Les pêcheurs montent à bord entre deux vagues, se tiennent debout en file indienne, et bientôt la pirogue fend les rouleaux en furie. Au loin je vois les équipages se former sur les grandes pirogues, certains allument des feux, d'autres installent leurs maigres bagages.

Les pêcheurs passeront la nuit en mer et reviendront le lendemain aux aurores. Certains marins sont très jeunes, 15 ans tout au plus... et cette jeunesse, cette motivation se voit lorsqu'ils montent sur la petite pirogue ; j'aperçois trois jeunes lever les bras fièrement alors même qu'une vague les arrose, ils crient, ils chantent les bras levés vers le ciel, ouverts à l'immensité de l'océan !

Sur la berge, nous sommes au milieu de la foule de pêcheurs attendant d'embarquer, j'observe leurs vêtements... très peu portent des cirés... quelques bottes, shorts, pantalons de ville, boubous,... un jeune homme porte une doudoune beige de femme, ; il me vient à l'esprit que cette veste appartenait sûrement à une jeune femme européenne qui ne se douterait jamais qu'en donnant sa veste dans un conteneur pour vêtement, il échouerait sur le dos d'un pêcheur sénégalais obligé de partir 12 heures en mer pour se faire quelques sous.

Talla nous parle d'une coutume, il nous raconte qu'un pêcheur découvert noyer sur une plage sera enterré à l'endroit où il sera retrouvé. Au retour vers la maison, nous nous arrêtons pour observer une de ces tombes de pêcheurs visible au milieu des dunes de sable. La dureté de certaines vies me prend de court... Me retrouver au milieu de ces vies sur cette plage m'a fait réaliser beaucoup de choses et surtout la valeur de chaque vie. Nous ne naissons pas tous avec les mêmes chances mais chacun fait son petit chemin. Pour certains un chemin semé de difficultés et de risques ; même si au fond, chacun à son lot d'aventures. Alors je me dis que l'on devrait tous vivre pleinement, et faire de nos moyens une chance, une opportunité et avancer vers le chemin de la vie avec fierté comme ces jeunes pêcheurs aux bras ouverts vers le monde.

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Ce matin, nous décidons de préparer un bon repas de Noël végétarien et de reprendre la route ensuite. Chacun met la main à la pâte et nous arrivons à cuisiner de bons petits plats.

Il est 12h30, nous partons pour Abene. Après Diannah, nous prenons une piste de latérite. Trouver un campement pas cher et pas un "piège à toubab" est assez compliqué. On fini par trouver un coin sympa et peu couteux.

Mais pas de repos pour les braves : nous reprenons la voiture ! Talla veut nous montrer la plage de Diannah, sa plage d'enfance. Nous reprenons la piste sur quelques kilomètres. La voiture racle les nombreuses bosses de la piste, nous laissons nos empreintes sur tout le chemin, une marque indélébile de notre passage dans cette contrée si calme.

Nous nous garons à l'ombre et prenons maillot de bain et sac à dos, nous continuons jusqu'à la plage à pied. Il faut passer un pont...qui a connu de meilleurs jours...au milieu il a subit un effondrement et les gens ont mis à la place une planche et un tronc d'arbre. Pour aller se baigner il faut passer cette épreuve, que nous réussissons tous haut la main !

Après une dune nous découvrons la plage : imense et déserte...enfin presque, un troupeau de vaches se repose sur le sable chaud. Les maillots enfilés nous goutons l'eau, qui est un peu fraîche mais un vrai bonheur. Je pars marcher sur la plage les pieds dans l'eau, je fais un coucou aux vaches puis rejoins le groupe.

Nous jouons au foot quelques minutes avec un bout de polystyrène, Pauline me jette du sable dessus, ... Je me retrouve quelques minutes en enfance et cette insouciance est un plaisir retrouvé, lointain mais toujours présent. Puis, la peau chauffée par le soleil, les cheveux plein de sable, nous retournons sur nos pas pour aller déposer nos affaires à l'auberge d'Abene.

Après une douche nous partons à pied en ville chercher de quoi rassasier nos estomacs affamés. Christiane et Talla mangent dans une bicoque une "omelette pomme de terre" ; et Pauline et moi allons manger une assiette de crudités dans un restaurant qui a ouvert ses portes la vieille. Il nous offre d'ailleurs le dessert : une crêpe ! Puis nous rentrons nous coucher, l'air de la mer fatigue ! Je m'endors aux bruits des djembés de l'auberge voisine.

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Accompagnée de ma Pauline, nous allons dans le village pour trouver de quoi déjeuner. Notre recherche est fructueuse nous ramenons un pot de confiture de mangue et des petits pains. Nous saluons au passage les gens du village.

Ici l'ambiance est très sympa, les gens sont accueillant. On nous parle dans plusieurs langues, un bonjour par là, un holla par ci, un good morning ou encore un salamalec. Il fait frais et l'air pur de ce petit village côtier est agréable. Nous rentrons goûter cette confiture qui se révèle être un délice.

Puis session lavage de linge, deux bassines devant moi je me met au nettoyage : je frotte, je trempe, je frotte, je trempe... Après deux rinçages le linge est "propre" : l'eau est plutôt claire par rapport au premier seau ! J'étend tout cela sur un étendage local : un fil tendu entre un cocotier et un eucalyptus.

Après cette étape "ménagère" nous partons nous balader à la recherche d'une pastèque. Nous remontons "l'avenue principale" du village, c'est-à-dire, une piste cahoteuse, jusqu'au "rond point", c'est-à-dire, deux pneus au milieu d'un carrefour. A côté de ce croisement, nous trouvons notre bonheur au petit marché du coin : une petite pastèque que nous partageons toutes les deux à l'ombre d'un grand arbre aux racines ressemblant aux tentacules d'une pieuvre géante. Des enfants s'approchent et lorgnent la pastèque juteuse, nous partageons donc un morceau avec eux.

Le fruit fini nous retournons à pieds vers le campement, nous y retrouvons Talla et Christiane pour aller manger un morceau en ville avant le début des festivités.

Les horaires et le Sénégal ... 14h00 début prévu du festival ... 17h30 réel départ des festivités ! Après les palabres à n'en plus finir du maire et de ses acolytes, les danses commencent ! Un groupe d'hommes en thiayas (sarouel sénégalais) et de femmes en pagnes accompagnés de musiciens, s'égayent sur scène. Puis un Kumpo viens faire son show, il est assez effrayant à voir de près. Le Kumpo est une figure importante de la culture Diola, il est habillé de feuilles de palmes et porte un bâton sur la tête. Les feuilles de palmes tournoient autour du bâton de bois lorsque le Kumpo se met à danser, cette danse est impressionnante, le sable et la poussière s'envolent et forme un nuage autour de lui.

Un phénomène étonnant se déroule devant mes yeux : les gens du public viennent danser sur scène quelques secondes puis repartent à leur place. Le premier danseur éphémère donne le signal aux autres et bientôt chacun vient montrer son talent.

Petite pause : le spectacle reprendra vers 22h00. Nous en profitons pour aller nous restaurer.

A 22h30 nous retournons au spectacle. Le même groupe accompagné du Kumpo danse et joue de la musique. Puis vient le tour d'un groupe de musiciens, le rythme est entraînant. La voix de la chanteuse est quant à elle assez aiguë et nasillarde, elle entonne des chants traditionnels. Ce spectacle est un mélange de théâtre et de danses : six danseuses accompagnent les musiciens, les danses sont très physiques, les femmes agitent leurs bras et leurs jambes en l'air, sautent et bougent leurs fesses... les femmes et les hommes du public viennent de nouveau sur scène à tour de rôle montrer leurs talents et donner un billet au chef du groupe accompagné d'une accolade. Les interruptions du public semblent faire partie intégrante du spectacle.

Pour l'ouverture du festival l'après-midi, les femmes étaient en boubous traditionnels flamboyants, brillants et très moulant ; mais ensuite pour les festivités nocturnes, elles se sont changées et portent des minis shorts et des petits top à paillettes. Le soir, la tradition s'étiole et la modernité illumine ce petit village calme.

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Ce matin c'est un réveil mouvementé, Talla remarque qu'on lui a volé son sac dans la nuit. Le départ se fait donc sous un climat peu agréable. Nous passons après avoir vu le chef du village d'Abéné, à la gendarmerie de Diouloulou pour porter plainte.

Une heure d'attente et quelques cacahuètes plus tard nous voilà répartis ! Arrivés à Ziguinchor nous déposons Talla afin qu'il reparte en direction de l'île de Carabane. Les adieux sont émouvants nous nous sommes toutes très attachées à notre jeune guide attentionné. En faisant le plein de la voiture Pauline connaît un grand moment : le pompiste s'approche d'elle, lui serre la main en lui disant "je t'aime ", Pauline les yeux ronds ne sait pas quoi répondre et nous éclatons tous franchement de rire.

Après cette étape nous repartons entre filles vers la ville de Kolda. Les paysages sont toujours aussi verdoyant, alternant rizières, bolons couverts de nénuphars et forêts denses. Le temps est nuageux mais la chaleur imposante.

Au niveau des rizières les routes ne sont pas en goudron mais elles sont pavées, je suppose que cela doit éviter les infiltrations. Sur quelques portions nous prenons des pistes de latérite rouge nuées de trous et de bosses, puis nous rejoignons les routes goudronnées tant aimées !

La flore est très diverse en casamance et cela me donne envie de connaître chaque arbres et chaque fruits qu'ils donnent. Chaque arbre et chaque plante à une propriété ou une utilité et je sens que la Casamance est riche de ce savoir.

Ici il n'est pas rare de doubler un mouton, une vache, une chèvre ou encore un singe ! Chacun humain ou animal, s'arrête a son gré sur les routes ! Nous passons dans un village où a lieu une fête, j'aperçois trois petites filles taper du pied et bouger au rythme d'une chanson.

La vie dans les villages me fascine ; ici, les femmes sont regroupées autour de bassines de linges colorés, les hommes sont sous un arbre, certains palabres, et un autre recoud un filet de pêche... En plein soleil, la chaleur est lourde, les femmes travaillent dans les rizières... leurs ressources et leurs forces paraît inépuisables, courbées sur les plants de riz une pioche à la main ; et pourtant le soir elles se tiennent droite avec fierté, leurs bassines posées sur le haut de la tête. La résistance de certaines femmes m'impressionne et m'encourage !

Flash spécial : bagarre de biquette sur la nationale 6 en direction de Ziguinchor ! Aux dernières nouvelles ce serait une querelle de couple, la femme ne souhaitant pas répondre aux avances d'un certain Mr Bouc.

Les grandes cases carrées ou rectangulaires laissent place petit à petit aux petites cases rondes aux toit pointus.

Nous faisons un "arrêt pastèque" à Kolda. Puis nous sommes de retour sur les routes pour rejoindre Tambacounda.

Au son de Sidiki Diabate, les paysages défilent et s'assèchent au fur et à mesure que l'on se rapproche de Tambacounda. La casamance s'éloigne et je la regrette déjà, cette région si riche en paysages est très accueillante : une vraie merveille pour les yeux et le coeur.

Nous arrivons à Tambacounda de nuit, nous sommes toutes les trois épuisées par cette route et les événements matinaux. Nous dormiront dans une maison en construction que l'on nous a gentiment prêté. Se laver sans électricité et avec un seau d'eau n'est pas simple mais ce n'est pas grave, avoir un lit et une moustiquaire nous suffit amplement. Nous faisons un repas "fruité" puis nous nous couchons, il est tout juste 21h00.