Après un réveil tardif (7h30), c’est tout gentiment que je me dirige vers la salle à manger du gîte pour le petit-déjeuner. Dominique et son épouse sont là pour nous tenir compagnie et nous servir les boissons chaudes.
Alors que mes camarades de chambre sont déjà prêtes à partir, je me joins vite à elles pour une photo immortalisant notre séjour à Ussac. Merci pour tout Dominique, tu as été un hôte formidable !
Choisir soigneusement son équipement, sinon...
Je prends mon temps pour remplir mon sac de 35+10 litres, beaucoup trop petit pour l’usage que j’en fais. En 2022, promis, je m’en achèterai un autre. Car chaque matin, il me faut plus de dix minutes pour réussir à caser mes pourtant maigres bagages. Résultat, je suis souvent le dernier à m’élancer à l’assaut de la nouvelle journée. Heureusement que je marche vite, sinon je serais aussi la lanterne rouge chaque soir au gîte.
Je commence par quitter le hameau en remontant la petite route asphaltée que j’avais opportunément évitée la veille et je rejoins le GR 65 environ 800m plus loin. Près d’un carrefour où j’atteins la départementale, je tombe sur un monument rappelant l’assassinat d’un résistant par la milice de Vichy ici même en 1944. J’ai une pensée émue pour ces jeunes qui se sont lancés corps et âme dans ce combat inégalitaire face à l’occupant et ses sbires. Ce sont eux qui ont contribué à sauver l’honneur de la France.
Le berceau d’une autrice célèbre
Un peu plus loin, avant de plonger vers la vallée du Lot, j’ai droit à un beau sentier ombragé, plein des senteurs de la forêt. Quel régal ! Mais, comme une bonne surprise peut en amener une autre, je retrouve à l’improviste Mickaël en train de fumer une cigarette roulée assis sur un mur de pierres sèches. Après avoir pris des nouvelles du chemin et de nos connaissances réciproques, nous décidons de descendre ensemble sur Cajarc, ville d’origine de Françoise Sagan (1935-2004).
Après avoir acheté mon futur déjeuner à la supérette située sur la place principale, j’invite mon pote rochelais à boire un café un peu plus loin. Sur une jolie terrasse, nous tombons sur Ghislaine et notre amie alsacienne qui attend la Malle postale pour rentrer chez elle.
Vers 11h20, je me remets en route pendant que les autres profitent encore de la douceur de vivre de cette charmante bourgade où Madame Claude, célèbre proxénète parisienne, emmenait ses « filles » se reposer.
Le rôle méconnu des républicains espagnols
Non sans peine, j’arrive à gagner les rives du Lot où je retrouve le marquage rouge et blanc. Juste avant de remonter sèchement vers le sud, je découvre une série de panneaux d’information racontant le travail admirable de 90 ex-républicains espagnols employés par la Cie Ballot pour construire le barrage hydro-électrique toujours en fonction aujourd’hui. Ils étaient mineurs, manœuvres, charpentiers ou mécaniciens et leurs compétences très utiles pour pallier la mobilisation des ouvriers français pendant la drôle de guerre de 1939-1940.
Hélas, le Lot n’est pas l’Aveyron !
Après une brève prière à l’oratoire de la Capelette qui surplombe la courbe du Lot, je traverse un interminable quartier résidentiel qui me mène à un imposant pont routier qui offre une belle vue sur le fleuve et le village de Gaillac en arrière-plan. Il est passé midi et une chaleur accablante me tombe dessus. N’apercevant aucun café ouvert à l’horizon, j’entame une longue montée (190m sur 2,6 km) fort heureusement recouverte par la frondaison des arbres de cette vaste forêt de chênes nains.
Vers 13h, affamé et épuisé, je m’effondre sur une grosse pierre bordant le sentier et je sors mon pique-nique. J’ai bientôt plus d’eau et je ne sais pas quoi faire de mes déchets, car il n’y a ici aucune halte destinée aux pèlerins avec w.c., robinet d’or bleu, banc, table et poubelles comme j’avais pu en profiter durant toute la traversée de l’Aveyron...
La magie du chemin opère au meilleur moment
A peine ces noires pensées échappées de ma tête, voilà que je croise un cycliste qui s’arrête à ma hauteur pour s’enquérir d’où je viens et où je vais. Lorsqu’il voit mon sachet-poubelle, il me propose fort aimablement de l’emporter vers le prochain conteneur. La magie du chemin !
Vers 14h, j’arrive dans une halte un peu particulière décorée de dizaines de coquilles Saint-Jacques multicolores. Même s’il n’y a pas âme qui vive, je m’assieds avec plaisir à une table et bois goulument l’eau fraîche disponible ici à volonté. Je ne m’en suis pas encore aperçu, mais je suis à quelques mètres d’une source !
Un bain salutaire
Je me roule une cigarette bien méritée et, tout en fumant avec volupté, je fais le « tour du propriétaire ». Au bas d’une petite falaise, il y a un bassin où nagent de jolis petits poissons. Et si j’osais ? Je dénude mes pieds, remonte mon pantalon en dessus des cuisses et trempe mes jambes... C’est glacé, mais jouissif par une telle chaleur ! Je fais quelques pas tout en veillant à ne pas tomber, car le fond est glissant.
Une heure plus tard, je me lance à la conquête des cinq derniers kilomètres de la journée. Le sentier est absolument sublime ! Il serpente à la lisière des bois, bordé par un vieux mur de pierres sèches moussues. Et, peu après 16h, je parviens le premier au gîte Dalat’Étape.
Une organisation sans faille
Estelle, mon hôte, m’accueille avec un sourire au son de Jean-Jacques Goldmann. Je lui commande une bière glacée et nous faisons rapidement connaissance lorsque arrive sans crier gare un groupe de pèlerins lyonnais avec qui je partage le verre de l’amitié.
Après leur départ, la patronne m’emmène au garage où je suis prié de transférer le contenu de mon sac dans une corbeille plastique, histoire de laisser les éventuels insectes en dehors de la maison. Ma chambre sise au rez-de-chaussée est spacieuse et fraîche et la douche juste à côté.
Un repas ou un régime ?
Vers 18h, m’apercevant que Ghislaine n’est toujours pas là, je partage mon inquiétude avec Estelle qui n’a pas réussi à l’atteindre. Une bonne heure plus tard, la fringante Toulousaine finit par arriver, visiblement marquée par l’effort.
- Qu’est-ce qui s’est passé ?
- À Cajarc, j’ai pris à gauche le long du Lot... Lorsque j’ai pris conscience de mon erreur, j’avais déjà parcouru une poignée de kilomètres !
Un peu après 20h, nous nous mettons à table avec Estelle. Au menu, un petit bol de melon avec quelques morceaux de feta, des pâtes à l’oseille fraîche et une tranche de tarte industrielle (pas deux !) Un repas certes délicat, mais trop chiche pour des gens qui ont 24 km dans les pattes et par la force des choses peu mangé le midi... Ce dîner manquait clairement de protéines. Des œufs ou un solide plateau de fromages auraient permis de combler cette carence.
Et comme si ça ne suffisait pas...
Et, après quelques expériences désagréables de ce type, j’ai appris à éviter les hébergements gérés par une femme seule. Presque systématiquement, les portions servies sont insuffisantes, car probablement calibrées sur les besoins de la responsable des lieux. Or, c’est un fait scientifique, le métabolisme masculin nécessite plus de calories que celui du beau sexe...
Je me suis donc couché frustré, le ventre à moitié plein. Vers trois heures du matin, j’avais si faim, que je suis allé voir en cuisine si je trouvais quelque chose. Mais, rien, le garde-manger était fermé à clé ! Pour réussir à me rendormir, j’ai avalé les deux derniers bâtons de céréales qu’il me restait. Et, en me tournant dans mon lit, la latte du sommier située sous mon matelas a lâché. Je l’ai remise en place tant bien que mal et elle est sortie une deuxième fois... Non seulement j’ai été insuffisamment nourri, mais en plus j’ai hérité d’une couche d’un autre âge comme on en trouve aux puces. En fin de compte, j’aurais préféré payer 10 ou 15 euros de plus et avoir un hébergement qui tient ses promesses.
Peut-être les plus beaux sentiers de la Via Podiensis !
Dans le prochain carnet vous découvrirez...
Cette troisième semaine sur la via Podiensis vous fera découvrir le Sud-Ouest profond et authentique. Loin des grands axes se cachent des trésors du patrimoine médiéval et des villages perchés intacts. Alors n'attendez plus et embarquez sur l'étape suivante: Du Quercy au Gers sur le chemin de Compostelle.