Du Quercy au Gers sur le chemin de Compostelle

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Cette troisième semaine sur la via Podiensis vous fera découvrir le Sud-Ouest profond et authentique. Loin des grands axes se cachent des trésors du patrimoine médiéval et des villages perchés intacts
Du 30 juillet au 5 août 2021
7 jours
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Après une nuit mouvementée ( cf. carnet précédent) et un petit-déjeuner sans chichi, je repars avec Ghislaine. Le temps en ce 30 juillet 2021 est au diapason des deux dernières semaines : tempéré et très nuageux !

Ici, les murs de pierre sèche sont décorés avec poésie 

Comme nous parlons beaucoup, de nos vies et de notre situation socioprofessionnelle, j’en oublie de prendre des photos. Mais, ce n’est pas grave, car nous évoluons en plein causse. Même si le chemin en terre battue qui serpente entre prés secs et forêt est agréable, la vue est limitée. Nous traversons Limogne-en-Quercy dont je ne garde aucun souvenir. Il faut dire qu’après plusieurs jours de marche en solitaire, j’apprécie d’avoir à nouveau de la compagnie.

Un modeste abri où passer la nuit ? 

Un échange riche avec l’épicière

Vers onze heures, nous atteignons Varaire où nous achetons notre repas de midi dans une petite épicerie dont la vendeuse ne manque ni d’esprit ni de sens de la répartie : un véritable échange philosophique express a lieu entre nous !

En sortant, nous nous installons sur une jolie terrasse surélevée située dans le noyau historique préservé du village. Environ vingt minutes plus tard, un couple de jacquets déjà aperçu la veille s’assied à la table voisine. Bien qu’ils soient peu bavards, nous réussissons à parler brièvement avec eux. Après tout, entre routards il est de coutume de converser un minimum...

Rencontre avec deux pèlerines parisiennes et...

En arrivant à Bach (Lot) vers 13h30, nous décidons d’y casser la croûte, car nos estomacs crient famine. Il fait carrément froid et ma polaire n’est pas de trop pour ne pas claquer des dents ! Après le repas, j’en profite pour visiter l’église dont j’apprécie les vitraux.

Peu après 14h, nous rencontrons Marie-Claire et sa fille Émilie, résidant en région parisienne. Elles effectuent leur premier chemin de Compostelle en voyage organisé, c’est-à-dire que leurs hébergements sont tous réservés et qu’elles disposent d’un descriptif du parcours inclus dans leur forfait.

Et un peu plus tard, Mickaël le pèlerin errant (cf. notre singulier premier moment de convivialité) nous rejoint avec sa bonne humeur contagieuse. Vu la couleur du ciel, ça n’est pas de trop !

Nicolas, Mickaël, Émilie, Marie-Claire et Ghislaine

Au bout du chemin, un gîte au-dessus de la moyenne

Avec Marie-Claire, Émilie et Ghislaine, nous continuons en plein causse aride par « le Chemin de la Marchande» qui se superpose ici au GR 65. Il s’agit d’une large piste de terre émaillée de cailloux plus ou moins pointus sur lesquels on peut s’achopper si l’on n’y prend pas garde. Très souvent, de vieux murs de pierre sèche bordent l’itinéraire qui semble délibérément éviter tout lieu habité.

Un superbe chemin qui nous offre un véritable voyage dans le temps 

Finalement, vers 16h00 nous arrivons au gîte Poudally, lui aussi un peu isolé...

Le gîte Poudally, un grand gîte extrêmement bien géré qui satisfera les plus exigeants.

L’accueil est très professionnel. D’emblée, l’on remarque qu’il s’agit d’hébergeurs particulièrement bien organisés qui aiment leur métier. Manu nous montre notre dortoir à quatre lits (si ma mémoire est bonne !) appelé « La Séoune » situé au rez-de-chaussée, à droite de la réception. La pièce aux murs blancs est d’une grande sobriété, mais en même temps on s’y sent bien. Outre d’amples baies vitrées décorées de rideaux en lin aux couleurs chaudes, je me souviens qu’il y avait une douche dans la chambre et un w.c. séparés avec fenêtre. Une rareté dans la plupart des autres gîtes...

Le gîte de Poudally côté piscine 
Le gîte de Poudally: un modèle en matière de confort et de bonne gestion 

Un dîner opulent : je dormirai bien ! 

Après avoir fait mes ablutions et confié mon linge à notre hôte pour un lavage bienvenu en machine, je me rends sur la belle terrasse en bois située devant l’imposante salle à manger. Conforté par une bière bien méritée, j’entame la conversation avec un couple de Nancéiens : elle est enseignante à l’université, lui cadre dans une grande entreprise de télécoms.

Vidéo du Renard vagabond sur Poudally

Vers 19h00, il est déjà temps de dîner à l’intérieur du réfectoire, vu le vent frisquet qui souffle dehors. Le repas est, là aussi, extrêmement bien organisé. Malgré la présence d’une trentaine de pèlerins (ou randonneurs), tout le monde est servi rapidement. Last but not least, chacun peut regoûter à chaque plat. Aucune pénurie ici ce qui, après 28 km dans les pattes est très agréable. Tous les indicateurs étant au vert, je suis déjà persuadé que la nuit sera reposante.

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Au matin, c’est avec une certaine tristesse que je prends congé de Ghislaine, Marie-Claire et Émilie. La première rentre pour passer des vacances avec ses filles, les deux autres remontent sur Paris. Toutes les trois se rendent à Cahors, une ville que j’ai déjà vue au début des années 2000 et que je préfère éviter en ces temps de Covid-19. J’ai donc opté pour la variante balisée entre Lalbenque et l’Hospitalet (19 km).

La statue de la Paix à l'entrée de Lalbenque 

Désormais seul sur le chemin, je pars d’un pas résolu vers Lalbenque qui se trouve à 3km par la route asphaltée (D26). Après avoir admiré l’inspirante statue de la paix à l’entrée du bourg, je me dirige directement à la supérette Spar qui regorge d’aliments attrayants. Malgré un accueil glacial en caisse, je sors heureux et peine à tout caser dans mon sac de 35 + 10 litres, décidément bien trop petit pour l’usage que j’en fais.

Arrivée à Lalbenque (Lot) 

Un village avec un marché épatant

Ce n’est pas grave, car tout à l’heure, je vais visiter la poste pour me délester du 1er volume du Miam Miam Dodo ainsi que d’autres babioles dont je n’ai pas l’usage. Mais d’abord, je remonte la rue centrale en direction de l’église et je tombe sur le marché du samedi matin. La qualité des produits et des stands m’impressionne, a fortiori dans un si petit village pas spécialement prospère. En passant, j’admire ces commerçants ambulants qui passent des heures derrière leurs étals pour des gains qu’on devine modestes. Bravo à eux !

L'église Saint-Quirin (XVe s.) de Lalbenque (Lot)

Ensuite, je visite de l'église Saint-Quirin (XVe s.) avant de me rendre à la poste. Après avoir sagement attendu mon tour, je pose mes maigres affaires sur le comptoir et j’explique à l’unique employée que j’aimerais expédier ces affaires en Suisse. D’emblée, j’observe sa moue dubitative : elle semble déstabilisée par ma demande. Envoyer un paquet en Suisse, pensez donc ! Ça n’est pas tous les jours...

« Il n’est pas possible d’envoyer un colis vers la Suisse, car votre pays n’appartient pas à l’Union européenne ! »

Chimérique d’acheminer un colis vers la Suisse !

Et effectivement, après avoir fait mine de farfouiller quelques minutes dans son ordinateur, elle m’annonce tout de go : « Il n’est pas possible d’envoyer un colis vers la Suisse, car votre pays n’appartient pas à l’Union européenne ! » C’est si énorme, que j’hésite entre rire ou insister auprès de la brave dame. Naturellement, mon obstination est vaine et derrière moi, la file de clients commence à s’impatienter. Bredouille, je sors penaud avec mes affaires sous le bras ; je vais encore devoir les porter jusqu’à Auvillar, mais ça, je l’ignore encore !

Un chemin en pleine nature, entre forêts et clairières 

Mon chemin jusqu’à L’Hospitalet est très agréable, car il traverse de grandes forêts de feuillus émaillées de prairies en friche. Je ne me souviens pas avoir croisé ou dépassé quiconque de toute la matinée. Il faut dire que le temps est maussade et que je dois plusieurs fois m’arrêter pour enfiler ma pèlerine.

Intérieur de Notre Dame de la Nativité (L'Hospitalet, Lot)

Pause de midi dans une église accueillante

Juste avant treize heures, je parviens à l’Hospitalet. Comme il n’y a pas le moindre café ouvert, je me réfugie dans l’église Notre Dame de la Nativité. « C’est ici sur un chemin perdu, au début du XIIIe siècle, en 1232 ou à peu près que Dame Hélène, épouse du baron de Castelnau, eut un grave accident de cheval. Ayant fait le vœu de construire sur ce site un oratoire dédié à la vierge, elle guérit ! Ainsi fut fait, avec un petit hôpital, bien situé sur la route de Saint-Jacques. En corollaire naquit le bourg actuel. Dame Hélène a disparu, l’hôpital aussi. Il reste un village rue et une église paroissiale mainte fois remaniée et agrandie, devenue N.D. de la nativité. » (Source)

Fresque à l'intérieur de Notre Dame de la Nativité

Le Sud-Ouest devient encore plus perceptible

Après avoir enlevé mes vêtements davantage mouillés par la transpiration que par la pluie, je ressors faire le plein d’eau à la fontaine. Voyant qu’une nouvelle averse s’annonce, je rentre illico et décide de pique-niquer à l’intérieur. Contre toute attente, je m’y sens bien, malgré l’obscurité et grâce à la paix qui règne dans ce lieu de culte.

Tournesols et figuier: le Sud se rapproche ! 

Après une bonne heure de repos, d’action de grâce et de prière, je reprends le chemin sous la bruine. Une heure plus tard, j’aperçois enfin un grand champ de tournesols qui sera suivi de mon premier figuier depuis que je parcours la via Podiensis : on dirait que le Sud se rapproche !

Rencontre avec une pèlerine digne d’admiration

Vers quinze heures, après une ultime petite montée, j’arrive à l’Étape bleue, un ancien corps de ferme isolé au bas d’une imposante falaise calcaire. J’y suis accueilli par Marie-Claude et Jean-Michel, deux ex-pèlerins retraités qui revendiquent avec (une légitime) fierté leur origine lyonnaise.

Vidéo de présentation du gîte et de ses charmants propriétaires par le Renard vagabond (un Belge!) 

Ils m’installent dans une des deux grandes chambres de l’annexe où je me sens tout de suite bien, malgré le froid qui règne en ce jour bien gris pour un 31 juillet (2021).

Le gîte l'étape bleue de Lendou-en-Quercy, où la chaleur de l'accueil n'est pas un vain mot!

Ma superbe tanière avec tout le confort moderne

Après la traditionnelle douche et l’incontournable lessive, je fais la connaissance d’une jeune infirmière de souche auboise (10, Troyes). Elle me raconte en avoir eu suffisamment marre de son dur travail en EHPAD pour tout planter et partir sur le chemin de Saint-Jacques qu’elle parcourt d’une manière atypique : moitié auto-stop, moitié marche. En effet, elle souffre d’un surpoids important qui la fatigue assez vite. Quel courage et quelle force de caractère pour faire ainsi confiance à la providence !

Une « cabine téléphonique » un peu particulière

Avant le dîner, je décide de téléphoner à ma femme pour lui raconter brièvement ma journée. Mais, à cause de son isolement, le gîte ne propose pas de wifi et on n’y capte pas le réseau 4G... sauf si on se place au pied d’un arbre spécifique ! Les hospitaliers l’appellent d’ailleurs « la cabine téléphonique » ou « l’arbre à palabre » !

Les agapes, partagées avec un groupe de pèlerins nantais, furent fort agréables et nourrissantes. Au menu, surtout des spécialités de la capitale des Gaules, dont l’inévitable andouillette. Accompagnée d’un petit Beaujolais de derrière les fagots, ce fut un régal !

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Après une excellente nuit et un copieux petit-déjeuner pris en bonne compagnie, je repars sous un ciel de plomb. Après 1.8km dans la solitude la plus totale, je parviens à la chapelle Saint-Jean-le-Froid. Après avoir admiré ses vitraux et fait une prière, je poursuis toujours seul en direction de l’ouest. Cinq kilomètres plus loin, après une jolie descente, j’aperçois les toits de Montcuq, une localité à la riche histoire.

Chapelle Saint-Jean-le-Froid près de Lendou-en-Quercy

 Un bourg à l’accent hollandais...

Comme c’est jour de marché, les rues étroites sont remplies de stands et de touristes en goguette. Après avoir acheté mon pique-nique dans un café-boutique bio, je me faufile en direction de la place centrale. Je choisis une terrasse au hasard et m’installe pour boire un café, décaféiné cela va de soi. Aux tables voisines, 80% de Néerlandais, en couple ou en famille. Avec ma polaire et mon gros sac à dos, je fais un peu tache dans le décor, mais bon... Au bout d’un quart d’heure, il fait si froid que je me résous à partir.

Avec ma polaire et mon gros sac à dos, je fais un peu tache dans le décor, mais bon...

Le donjon carré de Montcuq 

Toutefois, je ne peux résister à l’envie d’aller admirer l’imposant donjon carré qui trône en surplomb sur le dôme rocheux appelé « La Roque ». C’est le seul vestige de l’ancien château rasé par le roi de France en 1229 à la suite du traité de Meaux (Wikipédia). Il faut préciser que les Montcuquois avaient eu la « mauvaise » idée de prendre le parti des Albigeois...

Un patrimoine architectural remarquable

Fatigué et peu enclin à faire la queue en compagnie des chalands, je renonce à monter au sommet du donjon qui pourtant m’aurait assuré une belle vue sur toute la plaine. En faisant le tour de la colline, je tombe sur l'église Saint-Hilaire construite à la fin du XIIIe et remaniée au XVIIIe siècle. Avec son clocher octogonal en pur style roman, elle a vraiment de la gueule !

L'église Saint-Hilaire construite à la fin du XIIIe 

Après avoir cheminé au pied d’élégantes maisons en pierre de taille beige qui racontent un riche passé et permettent d’envisager un avenir touristique serein, je m’élance plein sud vers Rouillac. Dans ce hameau, j’ai le plaisir de découvrir l’église Saint-Pierre (XIIe). « L'abside a conservé un ensemble remarquable de fresques romanes du Quercy. On peut y voir des représentations du Péché originel avec Adam et Ève et des épisodes de la Passion du Christ. Au sommet de la voûte a été peint le Christ en majesté qui était initialement entourée des quatre figures du Tétramorphe dont il subsiste le taureau ailé de saint Luc et le lion de saint Marc. » (Wikipédia)

L'église Saint-Pierre (XIIe) de Rouillac 

Deux belles rencontres

Profitant des bancs et tables en bois posés là, je décide de manger en solo. Une fois de plus, je ne me sens pas forcément le bienvenu au sein des groupes de pèlerins qui sont arrivés avant moi. Dommage. Heureusement, la suite du chemin traverse un décor champêtre si parfait, que j’en oublie ma solitude ! En plus, je fais brièvement la connaissance de Marie, une charmante jeune Bruxelloise, que je serai amené à revoir très souvent !

Comme le beau temps est revenu, il commence à faire très chaud sans que l’humidité ambiante ne s’estompe, bien au contraire. Finalement, je rencontre Georget, un psychologue du Nord (59) très volubile d’une bonne soixantaine d’années. Il me raconte son parcours professionnel et jubile comme un enfant en évoquant une femme considérée comme mentalement perdue qu’il a ramenée à la vie au point qu’elle a retrouvé sa place dans la société quelques années plus tard.

Une étape qui mérite qu’on s’y arrête !

Au loin, nous devinons la bastide fortifiée de Lauzerte (en vidéo) dont la silhouette me rappelle nettement Romont dans le canton de Fribourg (Suisse). Je plante là Georget et fonce en direction de ma halte du jour. Après une dernière montée, j’arrive au gîte des Figuiers où je rejoins la jeune infirmière croisée la veille au soir. Elle m’a précédé en faisant de l’autostop.

Le gîte des Figuiers à Lauzerte est une adresse à retenir, tant pour les belles chambres que pour la demi-pension qui retape le pèlerin affamé!

Je suis ensuite accueilli par Florence, une compatriote de la région de Morges qui a repris cet établissement avec son mari Alain peu de temps avant le Covid-19. Autant dire qu’ils ont dû en baver alors qu’ils avaient tout quitté en Suisse... Elle m’accompagne jusqu’au fond d’un long corridor où se trouve une très belle chambre pour moi tout seul avec une salle d’eau privative !

Lauzerte (Tarn-et-Garonne) vue de l'est, un air de famille avec Romont (Suisse) 

Après une douche réparatrice, je décide de monter jusqu’au centre du bourg et je ne le regretterai pas.

Comment conquérir le respect d’un groupe d’enseignantes

Fatigué après une étape sous la chaleur, je flâne dans les ruelles préservées de cette cité médiévale fondée par Raymond VI de Toulouse. Depuis les anciens remparts, la vue sur la plaine environnante est vraiment euphorisante. Finalement, je reviens vers la place centrale entourée de maisons à colombages et m’assieds à une terrasse. Une bonne bière fraîche est la bienvenue, même si je suis à nouveau seul. Ici, les touristes essentiellement français dominent clairement les rares pèlerins.

L'église St-Barthélémy de Lauzerte 

Comme j’ai décidé de prendre mon repas du soir aux Figuiers, je me retrouve à une grande table en compagnie du groupe lyonno-parisien avec lequel j’avais partagé un apéritif au Mas de Dalat à Limogne-en-Quercy, trois jours plus tôt.

Le fait qu’un « petit » Suisse connaisse ce détail de l’histoire de France, achève de m’attacher le respect inconditionnel de mes interlocuteurs.

Ces gens sont absolument charmants et notre discussion sur des thèmes historiques fort stimulante. Je me souviens les avoir aidés à récupérer le nom d’un arrêté célèbre édicté par François 1er : l’ordonnance de Villers-Cotterêts. Forte de 192 articles, elle est surtout restée dans les annales pour être l'acte fondateur de la primauté du français dans les documents relatifs à la vie publique du royaume.

Quand l'échange culturel amène la convivialité

Le fait qu’un « petit » Suisse connaisse ce détail de l’histoire de France, achève de m’attacher le respect inconditionnel de mes interlocuteurs. Désormais, ma relation avec eux sera différente, beaucoup plus familière ce qui n’est pas pour me déplaire !

Lauzerte, Place des Cornières 

Généreux et savoureux, arrosé d’un honnête vin rouge inclus dans le forfait pèlerin, ce dîner demeure dans ma mémoire comme un grand moment de convivialité et de belles joutes intellectuelles ce qui est encore plus rare. Lorsque je regagne ma chambre vers vingt-deux heures, j’ai vraiment la banane et je m’endors comme une masse.

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Lorsque je quitte l’auberge peu après huit heures, une épaisse brume enserre la colline fortifiée de Lauzerte. Pour suivre le GR 65, je remonte vers le centre encore endormi et le traverse du nord au sud. La vue sur la mer de brouillard est douce et apaisante.

Vue depuis la colline de Lauzerte au petit matin 

En entrant dans la première boulangerie ouverte, la vendeuse m’explique qu’elle n’a que les invendus de la veille. Qu’à cela ne tienne ! J’achète quand même une miche de pain.

Un chemin sous le cagnard

Le chemin m’amène brièvement dans la plaine avant de remonter vers un bois qui abrite la chapelle Saint-Sernin du Bosc (XIe s.) Deux trentenaires qui y ont apparemment passé la nuit sont en train de boucler leur sac. Je reverrai le plus hirsute des deux à Saint-Jean-Pied-de-Port dans deux semaines. Quant à l’autre, par ailleurs assez antipathique, je perdrai sa trace.

Saint-Sernin du Bosc (XIe s.) et un pigeonnier bien conservé

Je redescends ensuite vers la large vallée de la Barguelonne où je dois marcher sur du goudron. Il n’y a strictement plus aucun pèlerin en vue. Heureusement, l’itinéraire remonte rapidement vers Durfort-Lacapelette, mais ma joie est de courte durée : je déambule en plein soleil sur de l’asphalte brûlant. Par bonheur, je peux me régaler avec quelques prunes glanées le long du chemin.

Retrouvailles avec un pèlerin nantais

En arrivant vers midi à Saint-Martin, je croise l’un des quatre pèlerins nantais rencontrés à l’Étape bleue deux jours plus tôt. Comme il avance plus vite que son épouse et sa belle-sœur, il les attend à l’ombre tous les 7-8 kilomètres. Quant au mari de cette dernière qui ne peut marcher pour des raisons médicales, il conduit la voiture du quatuor qui transporte leurs bagages. Je le reverrai régulièrement ces prochains jours et j’en profiterai pour discuter un peu. Un homme fort sympathique.

Sur le chemin

Autour de Durfort-Lacapelette, Tarn-et-Garonne

Arrivée à Moissac par la variante

Peu avant quinze heures, j’aperçois les toits de l’abbaye Saint-Pierre de Moissac depuis la crête de l’Espis. Afin d’éviter l’horrible entrée dans la ville, j’emprunte la variante qui passe par le nord et traverse un agréable quartier de villas assez cossues. Je parviens finalement en haut d’un parc public coincé dans une combe à forte pente.

Afin d’éviter l’horrible entrée dans la ville, empruntez la variante qui passe par le nord et traverse un agréable quartier de villas.

Toits de l'abbaye romane de Moissac 

Celle-ci m’amène presque en ligne droite au gîte de l’Ancien Carmel où j’ai réservé une chambre individuelle. Dans la cour de cet édifice de style colonial espagnol, je retrouve Louis dont j’avais fait la connaissance entre Conques et Montredon. Après une bonne douche, nous décidons de descendre ensemble en ville pour visiter son fameux cloître. Nous n’allons pas être déçus !

Le patio de l'ancien carmel de Moissac (gîte pour pèlerins) 

Une merveille de l’art roman

Nous commençons par admirer le portail sud de l’église Saint-Pierre. Avec ses piédroits (piliers) à redents (dentés) et son tympan inspiré de l'Apocalypse de Saint-Jean, il nous fait forte impression. Cependant, nous sommes surpris à quel point les sculptures sont noircies par la pollution. Comment peut-on abandonner ce chef-d’œuvre dans un tel état ? Quand nous constaterons plus tard à quel point Moissac est endormie et décrépie dès qu’on quitte l’hypercentre, nous comprendrons… Cette ville respire l’immobilisme.

Le portail sud de l’église Saint-Pierre avec ses piédroits (piliers) à redents (dentés) 

Grâce à la lettre de mon médecin certifiant que je ne peux pas supporter une deuxième vaccination, les deux jolies hôtesses qui contrôlent l’accès payant au cloître nous laissent entrer. Il fait encore une chaleur de plomb, mais la fraîcheur des vieux murs et la quasi-absence de touristes nous permettent une visite des plus agréables.

Un tympan superbe qui mériterait un meilleur entretien, non ? 

Galerie sur l'église Saint-Pierre

L'église Saint-Pierre de Moissac regorge d’œuvres d'art de valeur 

Cloître de Moissac

Un chef-d’œuvre de l'art roman 

Pour en savoir davantage sur l’art roman et Moissac

La riche histoire et les principaux bâtiments de l’abbaye Saint-Pierre

Portail de l’abbatiale Saint-Pierre de Moissac

Décodage de chaque élément du portail

Petit lexique d’architecture sacrée

Vocabulaire architectural des églises basques

Moissac, vu par la Cité de l’architecture et du patrimoine de Paris

Explication des détails des chapiteaux

Moissac, tu nous déçois !

Après une heure de visite et quelques photos inoubliables plus tard, nous nous dirigeons vers la grande place qui entoure l’église. En ce lundi après-midi 2 août 2021, seule une minorité de terrasses sont ouvertes. Comme si l’endroit n’était finalement pas si touristique que cela. Nous finissons par trouver une table libre chez un glacier de la rue de la République.

Moissac, une ville endormie et étonnamment peu touristique! 

Après une simple salade, nous avons eu droit à quelques patates à l’eau accompagnées d’un minuscule filet de poisson. Quant au dessert, il était du même niveau...

Comme la faim nous taraude, nous remontons vers notre gîte géré... par le club alpin français ! Servi en plein air dans l’agréable patio de l’ancien carmel, le repas ne m’a pas laissé un souvenir impérissable, loin de là. Après une simple salade, nous avons eu droit à quelques patates à l’eau accompagnées d’un minuscule filet de poisson. Quant au dessert, il était du même niveau...

Un beau moment de convivialité

Heureusement, nous avons ensuite rejoint en cuisine les pèlerins qui avaient eu la bonne idée de renoncer à la demi-pension. Florent le Marseillais à l’accent typique et son pote breton Thomas nous ont accueillis à leur table et proposé de partager avec eux quelques amuse-bouche ainsi qu’une délicieuse infusion. Vers vingt-deux heures, comme tous les randonneurs qui se respectent, nous sommes tombés dans les bras de Morphée.

Vue depuis ma chambre située dans l'ancien carmel de Moissac  
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Arrivé à la Poste, je constate qu’elle n’ouvre qu’à 9h00... Je crois que dans toute la Suisse, il n’y a aucune administration qui commence sa journée à une heure aussi tardive.

Après un petit-déjeuner composé de pain de la veille, d’une seule confiture industrielle à choix et d’un thé pas spécialement bon, je me dirige vers la Poste de Moissac. Arrivé devant la porte, je constate qu’elle n’ouvre qu’à 9h00... Je crois que dans toute la Suisse, il n’y a aucune administration qui commence sa journée à une heure aussi tardive. C’en est proprement ridicule. Honte à la poste de Moissac et à cette ville qui, mis à part ses édifices religieux, n’a vraiment rien à offrir aux pèlerins. Voilà, c’est dit. Shame on you Moissac !

La variante par les collines, ici au nord-ouest de Pinète, vaut vraiment la peine 

Optez pour la variante en surplomb

Je me résous pour la deuxième fois à différer le renvoi à la maison d’objets inutiles et pesants. La journée commence bien... Je rejoins le GR65 sur la rive du Tarn avant de poursuivre le long du canal latéral de la Garonne. Afin d’éviter une vingtaine de kilomètres sur le plat, j’emprunte la variante vallonnée qui suit un chemin en terre très boisé. La montée est ardue et je ne dépasse qu’une seule pèlerine qui ne semble pas avoir envie d’entamer la conversation. Ce n’est pas grave, j’en ai l’habitude.

Afin d’éviter une vingtaine de kilomètres sur le plat, empruntez la variante vallonnée qui suit un chemin en terre très boisé.

Le confluent du Tarn et de la Garonne vu depuis l'esplanade de Boudou (82)

Je finis par arriver à Boudou où des bénévoles m’invitent à venir visiter leur jolie petite église où café et croissant sont offerts aux croyants. Bravo, c’est un accueil qui me touche beaucoup. Après ma prière, on me recommande d’aller jusqu’au point de vue sur le confluent du Tarn et de la Garonne. Malgré un temps couvert, la vue en vaut largement la chandelle.

Je remercie le Seigneur de me permettre de faire un si beau pèlerinage dans ces terres de France pleines d’authenticité.

Des ondes extrêmement apaisantes

Vers 11h, alors que je chemine sur un plateau herbeux dominant la Garonne, j’aperçois l’église Sainte Rose de Viterbe (XIIe ou XIIIe s.) Il s’agit d’un édifice isolé et discret. Je suis comme attiré vers ce lieu de culte et, une fois à l’intérieur, je comprendrai pourquoi. Il y règne un calme et une harmonie rare. On s’y sent bien ! Je remercie le Seigneur de me permettre de faire un si beau pèlerinage dans ces terres de France pleines d’authenticité.

L'église Sainte Rose de Viterbe (XIIe ou XIIIe s.) entre Boudou et Malause

Cent minutes plus tard, je descends sur Malause où je visite l’église Saint-Jean-Baptiste (1861). Bien qu’il y ait des alter ego sur la terrasse en face, je décide de m’acheter un pique-nique à l’épicerie. Je me pose finalement dans le jardin attenant où la paroisse a eu la bonté d’installer tables et bancs pour les pèlerins. Un jeune couple s’approche, mais ils préfèrent ne pas se joindre à moi. Tant pis.

Le Canal latéral de la Garonne à Malause

Entre patrimoine et « modernité »

Bien sustenté, je franchis le très arboré « Canal latéral de la Garonne » le long duquel sont amarrées plusieurs péniches. Après une demi-heure de marche sous les frondaisons du cours d’eau, j’arrive à Pommevic où je visite la remarquable église Saint-Denis (XIe s.)

L'église Saint-Denis (XIe s.) de Pommevic

Je descends ensuite sur le canal de Golfech d’où on aperçoit les deux tours fumantes de la centrale nucléaire éponyme. Pas de doute, nous sommes bien au XXIe siècle...

Les deux tours de refroidissement de la centrale nucléaire de Golfech 

Il fait un temps chaud et lourd et j’ai hâte d’atteindre mon but. J’accélère le pas sur cette bande de terre qui me sépare de la Garonne qui coule plus au sud. Juste avant Espalais, je m’arrête au Par’Chemin, un gîte qui offre des boissons fraîches en donativo dans son grand jardin. J’y retrouve Thomas et Florent croisés la veille à Moissac. Eux vont camper ici cette nuit ; quant à moi, il me reste encore une ou deux bornes jusqu’à Auvillar.

C’est à cela que servent les horaires de la Poste française : tout faire pour que les pèlerins n’y aient pas accès.

Ne me parlez plus de la poste française !

En traversant l’interminable rue centrale d’Espalais, je tombe sur une officine surmontée de l’oiseau bleu sur fond jaune. « Naturellement », celle-ci est fermé. C’est à cela que servent les horaires de la Poste française : tout faire pour que les pèlerins n’y aient pas accès. Et quand ils trouvent un bureau ouvert, l’employée incompétente s’arrange pour refuser un colis pour la Suisse sous prétexte que celle-ci n’est pas dans l’Union européenne (cf. mon arrivée à Lalbenque ci-dessus, jour 2).

Auvillar, l'un des plus beaux villages de France qui domine la Garonne 

Peu avant quinze heures, j’enjambe la Garonne et j’aperçois la colline d’Auvillar et son charmant faubourg d’époque, tout en briques. Malheureusement, la petite chapelle Sainte-Catherine-du-Port (XIVe siècle) est fermée.

Sainte Catherine était la patronne des mariniers.

Auvillar, un bourg chargé d’histoire

Finalement, j’arrive au cœur du bourg face à la halle aux grains circulaire, emblématique de cette ancienne cité gallo-romaine, classé en 2021 quatrième village préféré des Français !

Visitez Auvillar comme si vous y étiez! 

Je cherche alors mon gîte « Place du Château » idéalement placé dans un coin tranquille, à deux pas du centre. Il est tenu par Élisabeth et Christian, un couple de sexagénaires d’un bon niveau social qui ont rénové leur maison avec beaucoup de goût. Je loge au rez dans une chambre à deux lits dont je suis pour l’instant le seul occupant. Pourvu que ça dure.

Le gîte « Place du Château » est idéalement placé, élégant et très confortable. Par contre, on ne peut pas y dîner.

A Auvillar, les briques sont (très) plates! 

Après une douche et l’inévitable lessive dans la machine à laver, je ressors flâner dans les pimpantes ruelles pavées. Après avoir admiré la Tour de l’horloge, je me dirige vers l’église Saint-Pierre (XIe s.) Son intérieur très lumineux est vraiment impressionnant. Le tableau central du retable du maître-autel (XVIIe siècle), peint par Bern d'Henny, représente l'Assomption de la Vierge d'après une oeuvre de Pierre Paul Rubens.

La silhouette romane de l'église gothique d'Auvillar. La façade date du XIXe siècle. 
Intérieur de l'église Saint-Pierre (XIe s.) d'Auvillar

Après l’effort, le réconfort

Comme une messe s’annonce, je suis contraint de sortir. En effet, j’ai trop envie d’une bière fraîche pour assister à l’office. Je me rends donc dans la première épicerie venue et je m’achète une grande Abbaye de Leffe blonde ainsi que de quoi grignoter. Je retourne alors sur l’esplanade qui domine la Garonne et me repose durant une heure en admirant la vue à 180 degrés sur la plaine fluviale en contrebas.

La halle aux grains circulaire et la Tour de l'horloge d'Auvillar

En me relevant, je constate que la fatigue aidant, l’alcool m’est un peu monté à la tête. Je rentre alors au gîte pour profiter d’une sieste amplement méritée. Hélas, à peine me suis-je assoupi, voilà qu’arrive un nouveau pèlerin, un Lyonnais de mon âge. Lorsqu’il revient de sa douche, nous entamons la conversation pour mieux nous connaître. Finalement, comme le courant passe de part et d’autre, nous décidons d’aller dîner ensemble puisque nous n’avons pas accès à la cuisine occupée par nos hôtes.

Vues du chemin

Je me rapproche peu à peu de Santiago de Compostella (si si!) 

Un bon dîner entre "amis"

En chemin, nous croisons une pèlerine sympathique d’une soixantaine d’années que j’avais déjà rencontrée ailleurs. Elle se joint à nous sur la terrasse d’une petite pizzeria. Après une heure et quart d’attente, nous recevons enfin notre pizza qui s’avère délicieuse. Heureusement, car la nuit est tombée et il commence à pleuvoir... Nous réussissons à occuper la dernière table à l’intérieur. Ouf ! Et là, nous assistons à une scène relativement violente : une cliente se met à agresser verbalement le serveur sous prétexte qu’elle espère son repas depuis trop longtemps !

Personne ne comprend, car le personnel se donne à fond sous nos yeux et il est visiblement dépassé par le volume des chalands.

Repus et le sourire aux lèvres après cette excellente soirée passée à refaire le monde, nous rentrons nous coucher en marchant « entre les gouttes ».

6

Après un petit déjeuner pris en compagnie d’un trio de trentenaires françaises dans la belle cuisine design du gîte, je me dirige tranquillement vers le bureau de poste qui n’ouvre qu’à 8h30 (sauf erreur). Depuis Moissac j’essaie d’envoyer des affaires superflues, dont le volume 1 du Miam Miam Dodo. En chemin, je croise celui qui a dîné hier soir avec moi. Parti tôt, il s’est aperçu après une heure de marche qu’il avait oublié ses bâtons...

Dans la campagne gersoise il n'y a pas que des tournesols 😀

Sous un ciel gris, une habitude durant l’été 2021, je me mets en route tout seul. Rapidement, je rattrape les deux sœurs nantaises rencontrées à Lendou-en-Quercy (cf. étape 2 ci-dessus). Puis, un peu plus loin vient le tour du mari de l’une d’elle, l’autre conduisant la voiture du quatuor. Le GR65 qui suit essentiellement des départementales ne présente pas grand intérêt jusqu’à Saint-Antoine-de-Pont-d’Arratz (dans le Gers, mais d'après la toponymie, on se rapproche du Pays basque !)

La tour-porte qu'on franchit pour entrer dans le bourg

En pleine saison touristique, son exploitant a préféré partir en vacances ! Il y en a qui ont un drôle de sens du commerce et du service aux randonneurs.

Un portail mozarabe à 1000 km de Tolède

Je pénètre dans le bourg par la tour-porte qui jouxte l’ancien hôpital de la commanderie de Saint-Antoine aujourd’hui privatisé. Et contrairement à ce qu’annonçait mon guide, je buterai sur la porte close de l’unique épicerie du village. En pleine saison touristique, son exploitant a préféré partir en vacances ! Il y en a qui ont un drôle de sens du commerce et du service aux randonneurs.

L'église Saint-Antoine-de-Pont-d’Arratz et son portail mozarabe!

Heureusement, devant la minuscule église Saint-Antoine, une table et deux bancs m’incitent à faire une pause bien méritée après 9 km seul dans la grisaille. Je suis rapidement rejoint par une alter égo sympa qui partage avec moi son saucisson qui me faisait de l’œil. Il en faut peu pour réjouir le pèlerin affamé !

On pourrait s’attendre à un accueil un peu plus proactif à 10h du matin en pleine saison d’été sur le chemin de pèlerinage le plus fréquenté de France !

Rassasié, je me dirige vers l’église, mais celle-ci est hélas! fermée... Encore une fois, on pourrait s’attendre à un accueil un peu plus proactif à 10h du matin en pleine saison d’été sur le chemin de pèlerinage le plus fréquenté de France ! Incroyable. Je me contente d’admirer le clocher mur triangulaire et surtout le portail polylobé d’inspiration mozarabe. Émouvant, lorsque l’on sait que Tolède est à plus de mille kilomètres d’ici.

L'école « troisième république » de Flamarens

Un village chargé d’histoire

Une heure et une grosse montée plus tard, j’arrive à Flamarens dont j’admire l’école « troisième république» si typiquement française. Le ciel vire au noir et je réussis de justesse à m’abriter dans les vestiges de l’église Saint-Saturnin (XVIe siècle). Après une prière, je repars en contemplant au passage le château gascon (XIIIe-XVe s.) avec sa belle tour à mâchicoulis.

Le château de Flamarens (XIIIe-XVe s.)

Le chemin pédestre qui longe la D953 est épuisant. En effet, la terre devenue meuble colle aux chaussures comme une glue néfaste. Lorsque j’atteins Miradoux vers midi et demi, l’épicerie est « naturellement » fermée. Comme il bruine et que je n’ai nulle envie d’entrer transpirant et crasseux dans le seul bistrot du village, je me dirige vers l’église dans l’idée de m’y abriter pour récupérer un peu.

C’est dans ces moments-là qu’on se dit que la vie d’itinérant n’est pas toujours facile : froid, pluie, fatigue, nourriture spartiate et solitude.

Premier découragement

Construite à l'emplacement et avec les matériaux du château fort détruit au tournant du XIVe s., l'église Saint-Orens-et-Saint-Louis de Miradoux (XVIe s.) est hélas fermée. Je m’assieds alors à même le sol dallé dans le narthex et je mange les maigres victuailles qui me restent. C’est dans ces moments-là qu’on se dit que la vie d’itinérant n’est pas toujours facile : froid, pluie, fatigue, nourriture spartiate et solitude.

Avec la seule volonté d’avancer pour ne pas déprimer davantage, je continue la tête vide. J’ai même renoncé à l’espoir d’un regain de motivation au cours de la journée. Pourtant, à peine trente minutes plus tard, le soleil refait son apparition m’obligeant à enlever ma pèlerine. Et alors que je marche au milieu des tournesols, j’aperçois l’intrigant château de Gachepouy sur ma droite. Plus photogénique, tu meurs !

Son nom vient du gascon gachar, guetter, surveiller et de pouy (latin podium) qui désigne une hauteur.

Le château de Gachepouy qui était encore habité en 1914

Une inattention payée comptant

De plus en plus fatigué, je ne garde aucun souvenir de la traversée de Castet-Arrouy. Par contre, je me remémore avoir longé un bout de forêt suivi d’un joli étang le long duquel je me suis arrêté pour boire un peu d’eau et pratiquer quelques assouplissements. Je ne m’en rends pas compte, mais je ne suis qu’à quelques centaines de mètres de mon étape du soir.

Comme celle-ci se situe en rase campagne, je passe devant sans prêter attention à la discrète flèche en bois indiquant « Boué ». Résultat des courses, je marche encore un kilomètre en montée (eh oui !) jusqu’à ce que j’aperçoive la colline de Lectoure... C’est là que je comprends ma méprise et que je pousse un violent cri de rage et de dépit. Je suis hors de moi !

Lectoure au loin sur sa colline 

“The perfect place to rest”

Je ravale ma colère et redescends martialement vers le fond de la combe. Je finis par arriver devant le corps de ferme en partie rénové par Ivor et Rosemary, deux retraités anglais élégants. Après m’avoir prêté une brosse pour décrotter mes godillots, j’entre dans leur maison où ils m’offrent un sirop de bienvenue.

Je kiffe l’ameublement sorti tout droit d’un catalogue d’antiquaire et la grande salle de bain avec tout le confort. Je sens que je vais me plaire ici !

Puis, ils me guident vers une belle chambre au rez-de-chaussée. Je kiffe l’ameublement sorti tout droit d’un catalogue d’antiquaire et la grande salle de bain avec tout le confort. Je sens que je vais me plaire ici !

Tout près du gîte d'Ivor et Rosemary 

Un échange enrichissant et inoubliable

La soirée passée en compagnie d’Ivor et son épouse fut charmante. D’abord, parce qu’aux petits soins pour moi, ils me servent un dîner de roi. Ensuite, grâce à l’échange bienveillant et empreint de curiosité mutuelle que nous avons eu. Mon hôte est un vrai gentleman dans la pure tradition britannique. J’aurais adoré avoir un grand-père comme lui !

Vues du chemin entre Auvillar et Lectoure

Que ceux qui n'aiment pas les tournesols évitent le Gers (mdr. 😀) 
7

Afin de m’aider à affronter l’étape du jour, Ivor mon hôte m’accompagne en voiture tout en haut de la côte parcourue inutilement hier après-midi. Depuis la Route d’Agen, il me reste encore une bonne demi-heure de marche jusqu’à Lectoure. Pourtant, j’aperçois de plus en plus nettement le clocher gothique de la cathédrale Saint-Gervais et Saint-Protais (XIIe s.) qui domine toute la cité fortifiée.

Avant Lectoure dont on aperçoit au loin l'imposante cathédrale Saint-Gervais et Saint-Protais (XIIe s.)

Je comprends que je suis arrivé dans un lieu touristique où l’argent n’est pas un problème pour les vacanciers.

Lectoure, haut-lieu du tourisme chic

En pénétrant intra-muros, je décide de visiter la cathédrale, mais une messe m’en empêche. Tant pis, je passe à la pharmacie pour me réapprovisionner en pommade à l’arnica et en crème solaire, malgré la grisaille des derniers jours. Lorsque la vendeuse m’amène des produits de marques prestigieuses, je comprends que je suis arrivé dans un lieu touristique où l’argent n’est pas un problème pour les vacanciers.

Lectoure (Gers) 

On l’oublie lorsque l’on voyage en voiture, mais un pèlerin n’a pas la même énergie à consacrer aux activités culturelles qu’un automobiliste.

Et effectivement, en flânant dans les rues je découvre des boutiques de mode et d’ameublement que la demande des 3672 habitants permanents ne saurait justifier. Je vais ensuite faire le plein d’aliments pour la journée et je décide de poursuivre mon chemin. On l’oublie lorsque l’on voyage en voiture, mais un pèlerin n’a pas la même énergie à consacrer aux activités culturelles qu’un automobiliste. Sans compter qu’avec sa dégaine de routard et son gros sac à dos qu’il ne peut laisser nulle part, la visite des musées et autres monuments historiques ne va pas de soi.

A Lectoure, le tourisme est source de prospérité

Pèlerins pas nécessairement bienvenus

Je poursuis donc vers le nord-ouest en direction de Marsolan où je m'arrête pour déjeuner. Vers quinze heures, j'atteins La Romieu. Le soleil s’est enfin montré et il commence à faire très chaud. Je me rue sur la première fontaine venue et, pour me rafraîchir la tête, j’ôte mon grand chapeau de toile. Je me dirige ensuite vers le cloitre de la collégiale Saint-Pierre avec l’intention de visiter cet « exceptionnel exemple d'architecture gothique méridionale » à en croire Wikipédia.

La collégiale Saint-Pierre (XIVe s.) de La Romieu 

Une fois de plus, vacanciers motorisés et pèlerins se croisent sans se rencontrer.

Hélas, l’entrée coûte sept euros et aucun rabais n’est prévu pour les pèlerins. Cela m’indigne et, la fatigue aidant, je préfère poursuivre mon chemin. En revenant en plein soleil, je m’aperçois que j’ai oublié mon chapeau. Le cœur battant, je retourne au point d’eau où il m’attend bien sagement. Ouf !

Une famille de touristes installée confortablement à l’ombre d’une terrasse de café m’observe en coin et semble s’amuser de la situation. N’auraient-ils pas plutôt dû m’avertir tout à l’heure de mon inattention ? Une fois de plus, vacanciers motorisés et pèlerins se croisent sans se rencontrer. Je les prends pour des oisifs flemmards et eux me voient sans doute comme un vieux baba cool crasseux et hirsute. Et si les deux clans avaient raison ?

La collégiale Saint-Pierre (XIVe s.) de La Romieu  

Détente aquatique et belles rencontres

Il me reste moins de cinq kilomètres jusqu’au Relais du maçon où j’ai réservé pour la soirée et j’avance à marche forcée, car je n’ai plus d’énergie. Vers seize heures, je parviens devant un portail fermé derrière lequel aboie un chien. Au bout de deux minutes, une dame dans la soixantaine finit par arriver et m’invite chaleureusement à la suivre. Elle me montre mon lit au premier étage, dans une chambre déjà occupée par David, un Catalan sympathique avec lequel j’entame tout de suite une conversation en... castillan !

Chante-Louve avant La Romieu 

Une fois douché, j’enfile mon maillot de bain et saute dans la piscine autour de laquelle musarde une famille de Parisiens. Agréablement rafraîchi, je remonte m’allonger afin de récupérer un peu en écoutant un peu de musique.

!Fue necesario traducir la conversación!

Vers dix-neuf heures, Nicole et son mari Philippe nous invitent à nous installer autour de la grande table du séjour. En plus de nos hôtes, il y a là la famille de Franciliens. C’est avec plaisir que je joue l’interprète pour permettre à David de prendre part à la conversation.

Celui-ci attendra! 😀

Après une agréable soirée passée à discuter et à rire, il est temps pour les deux pèlerins de monter se coucher. Demain, vingt-quatre kilomètres de GR65 nous attendent !

Vu sur le chemin

Quelque part entre Lectoure et Castelnau-sur-l'Auvignon 

De la Toscane française aux collines du Béarn


Vous voulez découvrir Condom, la capitale des Mousquetaires ainsi que la citadelle de Larressingle qui n'a presque pas changé depuis le Moyen-Âge ? Cette 4e semaine sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle vous fera passer par des lieux chargés d'histoire, mais aussi des hébergements atypiques et des endroits totalement dépeuplés. En effet, nous la terminerons au cœur de la diagonale du vide!