Après un petit-déjeuner composé de pain de la veille, d’une seule confiture industrielle à choix et d’un thé pas spécialement bon, je me dirige vers la Poste de Moissac. Arrivé devant la porte, je constate qu’elle n’ouvre qu’à 9h00... Je crois que dans toute la Suisse, il n’y a aucune administration qui commence sa journée à une heure aussi tardive. C’en est proprement ridicule. Honte à la poste de Moissac et à cette ville qui, mis à part ses édifices religieux, n’a vraiment rien à offrir aux pèlerins. Voilà, c’est dit. Shame on you Moissac !
Optez pour la
variante en surplomb
Je me résous pour la deuxième fois à différer le renvoi à la maison d’objets inutiles et pesants. La journée commence bien... Je rejoins le GR65 sur la rive du Tarn avant de poursuivre le long du canal latéral de la Garonne. Afin d’éviter une vingtaine de kilomètres sur le plat, j’emprunte la variante vallonnée qui suit un chemin en terre très boisé. La montée est ardue et je ne dépasse qu’une seule pèlerine qui ne semble pas avoir envie d’entamer la conversation. Ce n’est pas grave, j’en ai l’habitude.
Je finis par arriver à Boudou où des bénévoles m’invitent à venir visiter leur jolie petite église où café et croissant sont offerts aux croyants. Bravo, c’est un accueil qui me touche beaucoup. Après ma prière, on me recommande d’aller jusqu’au point de vue sur le confluent du Tarn et de la Garonne. Malgré un temps couvert, la vue en vaut largement la chandelle.
Des ondes extrêmement
apaisantes
Vers 11h, alors que je chemine sur un plateau herbeux dominant la Garonne, j’aperçois l’église Sainte Rose de Viterbe (XIIe ou XIIIe s.) Il s’agit d’un édifice isolé et discret. Je suis comme attiré vers ce lieu de culte et, une fois à l’intérieur, je comprendrai pourquoi. Il y règne un calme et une harmonie rare. On s’y sent bien ! Je remercie le Seigneur de me permettre de faire un si beau pèlerinage dans ces terres de France pleines d’authenticité.
Cent minutes plus tard, je descends sur Malause où je visite l’église Saint-Jean-Baptiste (1861). Bien qu’il y ait des alter ego sur la terrasse en face, je décide de m’acheter un pique-nique à l’épicerie. Je me pose finalement dans le jardin attenant où la paroisse a eu la bonté d’installer tables et bancs pour les pèlerins. Un jeune couple s’approche, mais ils préfèrent ne pas se joindre à moi. Tant pis.
Entre patrimoine
et « modernité »
Bien sustenté, je franchis le très arboré « Canal latéral de la Garonne » le long duquel sont amarrées plusieurs péniches. Après une demi-heure de marche sous les frondaisons du cours d’eau, j’arrive à Pommevic où je visite la remarquable église Saint-Denis (XIe s.)
Je descends ensuite sur le canal de Golfech d’où on aperçoit les deux tours fumantes de la centrale nucléaire éponyme. Pas de doute, nous sommes bien au XXIe siècle...
Il fait un temps chaud et lourd et j’ai hâte d’atteindre mon but. J’accélère le pas sur cette bande de terre qui me sépare de la Garonne qui coule plus au sud. Juste avant Espalais, je m’arrête au Par’Chemin, un gîte qui offre des boissons fraîches en donativo dans son grand jardin. J’y retrouve Thomas et Florent croisés la veille à Moissac. Eux vont camper ici cette nuit ; quant à moi, il me reste encore une ou deux bornes jusqu’à Auvillar.
Ne me parlez plus de la poste française !
En traversant l’interminable rue centrale d’Espalais, je tombe sur une officine surmontée de l’oiseau bleu sur fond jaune. « Naturellement », celle-ci est fermé. C’est à cela que servent les horaires de la Poste française : tout faire pour que les pèlerins n’y aient pas accès. Et quand ils trouvent un bureau ouvert, l’employée incompétente s’arrange pour refuser un colis pour la Suisse sous prétexte que celle-ci n’est pas dans l’Union européenne (cf. mon arrivée à Lalbenque ci-dessus, jour 2).
Peu avant quinze heures, j’enjambe la Garonne et j’aperçois la colline d’Auvillar et son charmant faubourg d’époque, tout en briques. Malheureusement, la petite chapelle Sainte-Catherine-du-Port (XIVe siècle) est fermée.
Auvillar, un bourg chargé d’histoire
Finalement, j’arrive au cœur du bourg face à la halle aux grains circulaire, emblématique de cette ancienne cité gallo-romaine, classé en 2021 quatrième village préféré des Français !
Je cherche alors mon gîte « Place du Château » idéalement placé dans un coin tranquille, à deux pas du centre. Il est tenu par Élisabeth et Christian, un couple de sexagénaires d’un bon niveau social qui ont rénové leur maison avec beaucoup de goût. Je loge au rez dans une chambre à deux lits dont je suis pour l’instant le seul occupant. Pourvu que ça dure.
Après une douche et l’inévitable lessive dans la machine à laver, je ressors flâner dans les pimpantes ruelles pavées. Après avoir admiré la Tour de l’horloge, je me dirige vers l’église Saint-Pierre (XIe s.) Son intérieur très lumineux est vraiment impressionnant. Le tableau central du retable du maître-autel (XVIIe siècle), peint par Bern d'Henny, représente l'Assomption de la Vierge d'après une oeuvre de Pierre Paul Rubens.
Après l’effort,
le réconfort
Comme une messe s’annonce, je suis contraint de sortir. En effet, j’ai trop envie d’une bière fraîche pour assister à l’office. Je me rends donc dans la première épicerie venue et je m’achète une grande Abbaye de Leffe blonde ainsi que de quoi grignoter. Je retourne alors sur l’esplanade qui domine la Garonne et me repose durant une heure en admirant la vue à 180 degrés sur la plaine fluviale en contrebas.
En me relevant, je constate que la fatigue aidant, l’alcool m’est un peu monté à la tête. Je rentre alors au gîte pour profiter d’une sieste amplement méritée. Hélas, à peine me suis-je assoupi, voilà qu’arrive un nouveau pèlerin, un Lyonnais de mon âge. Lorsqu’il revient de sa douche, nous entamons la conversation pour mieux nous connaître. Finalement, comme le courant passe de part et d’autre, nous décidons d’aller dîner ensemble puisque nous n’avons pas accès à la cuisine occupée par nos hôtes.
Vues du chemin
Un bon dîner
entre "amis"
En chemin, nous croisons une pèlerine sympathique d’une soixantaine d’années que j’avais déjà rencontrée ailleurs. Elle se joint à nous sur la terrasse d’une petite pizzeria. Après une heure et quart d’attente, nous recevons enfin notre pizza qui s’avère délicieuse. Heureusement, car la nuit est tombée et il commence à pleuvoir... Nous réussissons à occuper la dernière table à l’intérieur. Ouf ! Et là, nous assistons à une scène relativement violente : une cliente se met à agresser verbalement le serveur sous prétexte qu’elle espère son repas depuis trop longtemps !
Personne ne comprend, car le personnel se donne à fond sous nos yeux et il est visiblement dépassé par le volume des chalands.
Repus et le sourire aux lèvres après cette excellente soirée passée à refaire le monde, nous rentrons nous coucher en marchant « entre les gouttes ».