Après une bonne nuit, je patiente au bar de Gau Txorri pour payer ma chambre. La patronne se la joue très occupée et semble peu encline à laisser un bon souvenir au pèlerin de passage. L'ambiance est tellement exécrable, que je décide de prendre mon petit-déjeuner ailleurs, là où l'on me réservera un accueil un peu plus chaleureux...
Je repasse devant l'église où j'ai passé un si bon moment hier en fin de journée et franchis le pont médiéval afin de suivre la rive gauche du rio Arga. Après 1,5 km, j'aperçois l'imposante usine de magnésie détestée par les générations de jacquets passés par là pour sa laideur et la poussière qu'elle dégage. Heureusement, il fait encore frais et la suite du chemin est beaucoup plus riante.
D'emblée, je croise beaucoup d'alter égo avec leur sac à dos, perdus dans leurs pensées, sans plus de volonté d'échanger avec moi que la veille. Il faut dire que la plupart sont des anglo-saxons (Britanniques, Irlandais, Américains, Sud-Africains...) qui se méfient viscéralement de toute personne n'ayant pas la même langue maternelle...
Après une bonne heure de marche à un rythme soutenu (il n'y a rien d'autre à faire!), je monte dans le bel hameau d'Akerreta. A côté de l'église de la Transfiguration (XVIIIe s.), un point d'eau permet de se rafraîchir et ça fait du bien! L'édifice paroissial étant fermé, comme trop souvent en Espagne, je repars sans attendre tout en admirant les très belles maisons basques avec leurs linteaux sculptés et datés.
Le camino francés redescend rapidement vers la berge du rio Arga que je vais suivre jusqu'à Pampelune (Pamplona en espagnol, Iruña en basque!) Le couvert des arbres et la vision du rio qui serpente à quelques mètres est agréable.
Arrivé à Zuriaín, je traverse l'Arga et m'arrête à l'auberge La Parada qui dispose d'une belle terrasse le long du cours d'eau. D'autres pèlerins sont déjà là, mais chacun seul (ou à deux) à sa table, aucun esprit communautaire ne régnant ici... Dommage. Je commande une tortilla de patata aux épinards et un café décafféiné et me pose un demi-heure pour récupérer après 10km d'effort non-stop.
Jusqu'au hameau de Basarena, le paysage fait vraiment honneur à la Navarre et j'apprécie simplement d'être là, je me sens bien.
En effet, rapidement le chemin longe la grand route reliant Pamplune à la France et le bruit du trafic n'est pas des plus agréables... Je me trouve pourtant dans le "parc fluvial de Pamplune" et je croise de nombreux promeneurs et cyclistes venus s'aérer en ce dimanche matin 9 juillet 2022.
Lorsque je croise le boulevard périphérique de la capitale navarraise, je m'aperçois que si je continue sur la rive gauche je vais complètement m'éloigner vers le sud-est et devoir parcourir pas mal de kilomètre en plus. Comme je n'en ai aucune envie, j'enjambe la barrière de sécurité et je traverse l'Arga avec des véhicules qui me frôlent à 100 km/h.
Arrivé sain et sauf de l'autre côté, je rencontre un pèlerin anglophone qui s'est lui aussi perdu. Nous avançons ensemble jusqu'à Trinidad de Arre. Là, au moment de passer le pont médiéval qui franchit le río Ulzama, nous nous séparons. En effet, il marche bien trop vite à mon goût et son stress commence à me contaminer.
Je fais une halte dans la fraîcheur de la chapelle romane (XIIe-XIIIe s), entièrement restaurée. Selon spain.info, il s'agissait à l'origine d'une basilique, d'une auberge et d'un hôpital de pèlerins de grande importance sur le chemin de Saint-Jacques.
Comme midi approche et que j'ai hâte d'arriver à la gare routière, je traverse en vitesse les faubourgs coquets de Villava et Burlada et j'arrive à 12h35 en vue du puente de la Magdalena qui enjambe à nouveau le rio Arga.
Je contourne le bastion nord-est de la citadelle que défendait Ignace de Loyola quatre-cents ans plus tôt. A en croire son hagiographie, c'est la grave blessure à la jambe infligée par un boulet de canon français qui l'obligea à passer sa convalescence chez lui au Pays basque. C'est à ce moment que ses méditations le mettent sur le chemin de la conversion transformant le soldat qu'il était en un mystique.
Dès que je passe la Porte de France, le doute n'est plus permis, je me retrouve bel et bien en pleine San Fermin! Des centaines de personnes entre 20 et 50 ans vêtues de blanc et portant le foulard rouge distinctif boivent de la bière et discutent bruyamment dans les rues étroites de la vieille-ville.
Je mets immédiatement mon masque anti-covid, mais la foule est si dense dans les rues que je crains d'être contaminé! En réalité je le suis déjà depuis mon arrivée à Saint-Jean-Pied-de-Port, mais je l'ignore encore...
Après trois jours de marche en pleine nature, le contraste est saisissant et j'avoue que je n'ai qu'une envie, rejoindre au plus vite Puente la Reina où j'ai réservé un lit. Alors, me direz-vous, pourquoi parcourir une étape en bus et ne pas profiter de la belle capitale de la Navarre ?
Le pire moment de l'année pour traverser Pamplune
La réponse est simple. Chaque année, du 6 au 14 juillet, des milliers de touristes du monde entier se retrouvent ici pour participer à la San Fermin. Il est dès lors très pénible de visiter la ville dont une partie des rues est réservée aux charges bovines. Quant à y trouver un logement, il faut s'y prendre au moins un an à l'avance ou être prêt à payer 200 euros pour une chambre d'hôtel.
Un peu après 13h, alors que je n'ai encore rien mangé depuis Zuriaín, je descends dans la gare routière sous-terraine où il règne une chaleur moite. Impossible de s'y alimenter ou même d'acheter un pique-nique. Or, je n'ai pas le courage de ressortir braver la foule et la canicule. Je me fais une raison.
Une gare routière en dessous de tout!
Après avoir enfin pu déterminer à quel guichet je pouvais acheter mon ticket pour Puente la Reina, je cherche en vain un tableau d'affichage pour déterminer le quai où je vais passer la prochaine heure à attendre mon bus. Mais aucun écran ne fonctionne alors que nous sommes au zénith de la saison touristique!
Hélas, à Logrono, je m'apercevrai qu'il existe encore pire... Mais, comparé à la Estación de autobuses de Saint-Sébastien, celle-ci fait vraiment piètre figure.
En route avec de jeunes fêtards épuisés
Dans le bus, dûment masqué, je me retrouve avec des jeunes encore sous l'effet de l'alcool qui rentrent se reposer chez eux après une nuit de folie. Heureusement, aucun n'aura l'idée de vomir durant le trajet 😀.
A l'Albergue Puente je suis fort bien reçu par le trentenaire à la réception. A l'étage, il me montre le lit à niche où je passerai la nuit. Il m'amène ensuite vers la grande salle à manger et la petite cuisine tout équipée.
Une auberge super accueillante
Lorsque je lui fait part de mon intention de cuisiner ce soir, il m'offre des légumes de son jardin. Magnifique ! Il y a quand même des gens merveilleux sur ce camino.
En ressortant pour faire mes courses du soir et du lendemain midi, je discute avec un SDF français qui fait la manche devant le super marché. Je lui propose de venir ce soir au gîte afin que je puisse lui donner une assiette de pâtes garnies des tomates fraîches du réceptionniste. Il accepte avec joie!
Un bon repas partagé avec un SDF français
Dans le supermarché, j'achète beaucoup trop de choses que je vais devoir trimballer demain. On ne devrait jamais faire ses courses le ventre (très) creux.
Après m'être rassasié tout en discutant avec une mosso d'Esquadra (policière) catalane, je descends pour donner une immense assiette saupoudrée de parmesan à mon ami sans-abri. Hélas, il ne se donnera pas la peine de ramener l'assiette une fois son repas achevé. Tant pis.
Un centre historique charmant et une belle cérémonie
Je remonte vers le coeur historique de la bourgade médiévale et je suis séduit par l'ambiance bon enfant qui y règne, sans parler de l'élégance de son architecture médiévale.
A 19h30, je me rends à la messe des pèlerins. Un grand moment couronné par la bénédiction des jacquets une heure plus tard. En plus, on nous offre un collier avec un coeur découpé dans une jolie croix métallique que j'ai précieusement conservée et que j'ai portée cet été lors de ma traversée de la Suisse à pied.