De Logroño à la Castille: une voie millénaire!

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Par
Partons sur les pas des rêveurs qui traversent la redoutée Meseta de Castille depuis mille ans. Au programme, des villes d'art comme Logroño et Burgos, mais aussi des villages typiques. Immersion.
Du 14 au 20 juillet 2022
7 jours
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Pour ce soir, j'ai réservé une chambre à Cirueña, un village de deux-cents habitants situé à 44 km de Logroño. Si vous avez lu le carnet précédent, vous savez que je me suis arrêté quelques jours dans la capitale de la Rioja pour soigner le Covid-19 qui s'est déclaré cinq jours plutôt alors que j'arrivais à Estella-Lizarra.

Maintenant que je me sens mieux, je peux envisager la suite avec un peu plus de sérénité. Mais, rien ne presse, car il n'y a pas grand-chose à voir dans ce pueblo heureusement desservi par un autobus depuis la gare routière de Logroño.

Cathédrale Santa Maria la Redonda de Logroño, capitale de la Rioja

Dans un premier temps, je me rends à la gare routière pour acheter mon billet, sécuriser ma place et vérifier l'horaire.

Hélas, la guichetière de cette gare à l'ambiance 1960 préfère ne pas me vendre de billet ! Elle m'explique que le départ du bus étant prévu au milieu de l'après-midi, il est préférable que je l'achète à ce moment-là...

Mais oui, cette conversation surréaliste à bien eu lieu. Alors, histoire de ne pas perdre ma bonne humeur, je me dirige vers la cathédrale Santa Maria la Redonda en plein cœur historique de la capitale de cette région viticole qu'est la Rioja. Sur la Plaza del Mercado que je déguste un bon petit-déjeuner ibérique.

La Plaza del Mercado au centre de la zone piétonne de Logroño
Ce plaisir matinal me fait presque oublier que je suis en convalescence 😀

Ensuite, pour la première fois, j'entre dans la cathédrale Santa Maria la Redonda. Son intérieur baroque en vaut la chandelle!

Intérieur de la cathédrale Santa Maria la Redonda de Logroño

Juste avant midi, je passe une dernière fois à la Pension Sotelo pour récupérer mes affaires puis j'essaie de tuer le temps jusque vers 16 heures. Bien qu'à l'abri du soleil dans un parc proche de la gare, la chaleur est étouffante. Vivement le bus climatisé.

Du trajet, je ne garde pas beaucoup de souvenirs, mais je me souviens que j'avais regretté de ne pas pouvoir visiter la jolie bourgade de Najera, située sur les bords du rio Najerilla. Ces deux noms proviennent en droite ligne de l'arabe puisque Náxara signifie « lieu entre les rochers ». En effet, entre les VIIIe et Xe siècles, Nájera fit partie des domaines du clan des Banu Qasi, des nobles wisigoths convertis à l'islam. Depuis le début du Xe siècle, Nájera est mentionnée dans les chroniques sur les luttes continues entre les Maures et les chrétiens.

Vidéo pour admirer les monuments de Nájera

Un chauffeur qui ne fait que la moitié de son travail 😦

Hélas, après cette localité, je ne suis plus en condition d'admirer paisiblement le paysage et les petites bourgades que nous traversons. En effet, le bus n'affiche pas les arrêts et je soupçonne que Cirueña soit une halte sur demande. Mais comme même le chauffeur ne les annonce pas, ce sont les passagers qui doivent guetter leur destination et appuyer sur le bouton de demande d'arrêt... Quand je vous dis que les transports en bus dans cette région en sont encore aux années 1980...

Le bus n'affiche pas les arrêts et je soupçonne que Cirueña soit une halte sur demande. Mais comme même le chauffeur ne les annonce pas, ce sont les passagers qui doivent guetter leur destination et appuyer sur le bouton de demande d'arrêt...

Heureusement, en étant très attentif, je parviens à apercevoir le panneau indiquant Cirueña. Un peu désorienté, je repère finalement une place bordée d'un café. Mais, ce n'est pas encore la Casa Victoria où je me rends. Finalement, je repère une maison à la façade jaune pétante: j'y suis!

L'Albergue Victoria où j'ai passé la nuit 

La gérante me montre aimablement ma chambre et la salle d'eau qui se trouve dans le couloir et m'explique que le dîner sera servi à quelques centaines de mètres, à l'Albergue du même nom qui héberge des pèlerins en dortoir.

Une chambre vintage

Après deux heures de repos dans ma chambre de style début du vingtième siècle espagnol, je ressors pour aller me restaurer. Mais, je ne parviens pas à trouver l'Albergue sur google maps qui m'envoie à un endroit où il n'y a rien! A force d'errer, j'arrive finalement au bon endroit. Autour d'une grande table rectangulaire, une poignée de Coréens mangent en silence.

Un convalescent du Covid-19 n'est pas le bienvenu!

Lorsque j'explique au personnel que je me remets du Covid, c'est un peu la panique: "Pas question que vous mangiez ici. Choisissez l'un des deux menus, nous vous l'emballerons et vous irez le manger seul dans votre chambre." Bon... Il ne me reste plus qu'à obtempérer. En même temps, vu l'ambiance qui règne ici, je ne perds pas au change.

Vue depuis la terrasse de la Casa Victoria où j'ai mangé le repas du soir 

Et finalement, je profiterai seul de la jolie terrasse sur le toit de la casa Victoria d'où j'admirerai les alentours et le coucher du soleil en sirotant une bière. Au menu, rien d'affriolant: une petite salade verte, du blanc de poulet avec du couscous et un yaourt industriel pour le dessert. Heureusement que je n'ai pas marché aujourd'hui.

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Après une bonne nuit dans ma chambre vintage, il est déjà 7h30 lorsque je quitte la Casa Victoria. Inutile de me presser, car j'ai intentionnellement choisi une étape courte pour tester ma condition physique post-Covid. Je n'ai que 7 km à marcher jusqu'à Santo Domingo de la Calzada, une localité fondée en 1044 par Saint Dominique spécifiquement pour accueillir les pèlerins.

Le paysage entre Ciruena et Santo Domingo de la Calzada

Le camino francés traverse d'abord un plateau céréalier. A perte de vue tout est de la couleur des blés. Cela m'impressionne, car c'est la première fois que je me retrouve dans un environnement où le jaune domine à perte de vue. Un peu comme si j'étais dans le Sahara, la couleur chaude des céréales en plus.

L'anonymat même entre pèlerins

Comme je marche lentement, un trio de jeunes composé d'une anglophone et de deux Allemands désirant la séduire me dépasse. C'est à peine s'ils me saluent. Apparemment, nous n'appartenons pas au même monde même si nous sommes tous pèlerins.

Un convalescent du Covid-19 heureux de retourner sur le chemin de Compostelle! 


Vers le sud on aperçoit les uniques montagnes de la région dominées par le monte Hermoso (1163 m) 


La route sablonneuse est si géométrique qu'on se croirait dans le sud des Etats-Unis 


Une oasis improbable dans ce désert jaune 


A 8h10, le soleil tape déjà fort! 


Après 45 minutes de marche en plein désert, j'aperçois avec soulagement Santo Domingo de la Calzada 


Une plantation de tournesols qui me rappelle vaguement le Gers 

Après avoir traversé un faubourg sans aucun charme, j'arrive finalement dans la longue rue qui accueille les jacquets depuis un millénaire.

A gauche, la terrasse où j'ai pris seul mon petit déjeuner 

Sur la première jolie place rencontrée, je m'installe à côté d'une tablée de pèlerins anglo-saxons qui, contrairement à l'image que je m'étais faite du chemin, ne m'invitent pas à leur table. Je me restaurerai donc tout seul, comme depuis cinq jours.

Après avoir repris des forces, je visite la cathédrale construite entre le XIIe et le XVIe siècle. Elle a d'ailleurs la particularité d'allier les styles roman, gothique, renaissance et baroque!

La cathédrale de Santo Domingo de la Calzada (XIIe-XVIe s.)

Véritable musée en plein air, la calle mayor regroupe une série d'hôtels particuliers de style renaissance dont j'ai au moins pu admirer les portes.

Les portes en bois ouvragé de la calle mayor 

Finalement, en remontant vers le sud, je rejoins la calle San Roque qui regroupe la zone commerçante de la ville moderne: boutiques, banque, restaurants, terrasses... Je m'assied sur un banc encore à l'ombre et j'attends presque deux heures jusqu'à ce que mon logement se libère. Et encore, j'ai obtenu de haute lutte d'y entrer à 11h au lieu de 13h... Le temps passe horriblement long et j'ai le temps de gamberger sur ma situation de demi-pèlerin glandeur.

Alors, à 10h45 j'empoigne mon lourd sac à dos et me dirige vers l'avenida Alfonso Peña bordée d'immeubles de 5-6 étages sans charme. Heureusement, ma chambre se trouve dans un bel appartement de 4,5 pièces que je vais occuper seul. Je m'y sens tout de suite bien.

Bien que n'ayant loué qu'une chambre, j'ai un bel appartement rien que pour moi. Quel luxe! 

Après la douche d'usage, je me dépêche de ressortir pour m'acheter de quoi manger. En remontant vers le centre, je tombe sur une petite épicerie de quartier sympathique. Les prix y sont assez élevés, mais on n'y trouve de tout et je n'ai pas envie de chercher plus loin. J'ai faim et besoin de me poser avant la première vraie étape prévue demain.

Vers 19h, lassé de ne rien faire et bien reposé, je retourne admirer l'extérieur de l'abside romane de la cathédrale. Je suis fasciné par la qualité de ses modillons et de ses chapiteaux figuratifs. Dommage qu'ils ne soient apparemment pas entretenus. Je ne peux m'empêcher de penser qu'avec l'acidité de la pollution au gaz carbonique actuelle, ces chef-d’œuvre auront probablement disparu dans un ou deux siècles alors qu'ils ont déjà traversé mille ans sans subir les outrages des guerres et des révolutions pourtant nombreuses en Espagne.

Les admirables modillons de l'abside romane de la cathédrale ne sont pas entretenus. Une négligence rare en Suisse ou en Allemagne


S.O.S. chefs-d’œuvre en péril 😦


Vue d'ensemble de l'abside qui recèle ces fabuleux modillons laissés à leur sort 

Ébranlé par le contraste entre la qualité de ces trésors architecturaux et leur état de conservation, je remonte plein ouest pour admirer les restes des remparts et la façade de l'ex-couvent de San Francisco devenu un parador, soit un palace pour voyageurs fortunés... Autre temps autres mœurs.

Blasons sur la façade de l'ex-couvent de San Francisco 

Une soirée seul au milieu de la foule

Après toutes ces visites, je remonte l'avenida Juan Carlos 1er et m'installe à la terrasse de la cerveceria (brasserie) Capota. Je commande un hamburger maison et une bière. Le plat est vraiment mauvais, mais je profite de m'immerger dans l'ambiance estivale d'un bourg de province du centre de l'Espagne. Nous sommes un vendredi soir et tout le monde est de sortie et sur son trente et un.

Demain, j'ai décidé de prendre le premier bus pour Belorado d'où je vais continuer mon chemin tout en honorant mes prochaines réservations d'hébergements effectuées un mois plus tôt. A la tombée de la nuit, je décide de rentrer. De toute manière, passer une énième soirée seul, entouré de couples qui s'amusent, ne me dit pas trop.

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Après une excellente nuit de repos, je me lève vers six heures histoire de ne pas rater le bus qui va m'amener à Belorado, d'où je reprendrais le cours normal de mon pèlerinage vers Saint-Jacques de Compostelle.

Lorsque j'arrive dans cette commune de 2'156 habitants, il fait déjà très chaud même s'il n'est que neuf heures du matin. Je décide alors de commencer directement mon chemin vers Villafranca où m'attend une chambre réservée il y a déjà un mois.

Le chemin officiel au départ de Belorado dans la province de Burgos (région de Castilla y Léon)

Après avoir longé une petite rivière à l'eau vive et propre, le camino monte en pente douce sur la gauche. J'avance avec joie, car je suis enfin de retour en tant que pèlerin valide sur ce chemin qui signifie beaucoup pour moi!

Des champs de céréales à perte de vue, mais aussi quelques étendues bien vertes. Rassurant! 

Après environ une heure de marche, j'arrive à l'entrée de Tosantos ?, un petit village écrasé sous la chaleur. Le seul lieu un peu animé est la terrasse ombragée du café où des pèlerins essentiellement anglophones prennent leur cappuccino. J'en profite pour me restaurer à mon tour et entamer une brève discussion avec quelques-uns dont une belge si mes souvenirs sont exacts.

Eglise de San Roque, entre Tosantos et Espinosa del Camino

En repartant, je me dis que je devrais me dépêcher de terminer cette courte étape (12,2 km +230 m de dénivelé positif). En effet la chaleur même sèche me fait transpirer à grosses goutes et je sens encore la fatigue liée au Covid-19...

Un pèlerin heureux, car il sent que le Covid est derrière lui 

Impressions du chemin

Sur le panneau tout en bas à droite il est écrit: "Aime, aime, aime et dilate ton âme..."

Sur le parcours, en contrebas de la route N-120 menant à Villafranca, on aperçoit une ruine qui n'est pas celle de l'ancien monastère San Felices de Oca mentionné sur Wikipédia.

Une ruine non identifiée peu avant Villafranca

Une auberge simple mais ô combien accueillante!

Vers onze heures, j'arrive déjà à la modeste Casa Rural La Alpargatería située en plein centre de Villafranca Montes de Oca. L'accueil par Silvia, la tenancière, est chaleureux, je me sens tout de suite à l'aise chez eux. Au rez de chaussée, une petite cuisine avec tout le confort et un grand frigo disponible pour les clients.

Après avoir posé mon sac à dos dans une minuscule chambre située à côté des toilettes, je ressors pour aller m'acheter à manger dans l'épicerie située de l'autre côté d'une route assez passante. Il faut faire attention en traversant!

Après un bon pique-nique dégusté au frais, je me douche et me couche pour une longue sieste. Vu la canicule, inutile de rester dehors...

Une maison ottomane au centre de Villafranca?

Un peu d'histoire... fort intéressante!

Villafranca Montes de Oca est l'antique Auca des Romains. Son premier évêque aurait été San Indalecio nommé par Saint Jacques lui-même.

Située sur le Chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, son nom doit plutôt se traduire par « ville des Francs » que par « Villefranche », encore que les deux aillent de pair, car le nom indique qu'elle fut repeuplée de Français en même temps que dotée de franchises. Quant aux Montes de Oca, ce sont les montagnes voisines, héritières de l'appellation romaine.

Il y eut, dès l'an 884, un hôpital, construit avec l’aide du roi Alphonse III des Asturies ; cet hôpital a disparu depuis lors. L’actuel Hospital de la Reina, dédié à San Antonio Abad, fut fondé en 1380 par Juana Manuel, épouse du roi Henri II de Castille, puis transformé sous les Rois catholiques, dont l'écusson figure sur une arcade. Laffi, prêtre de Bologne (Italie), pèlerin en 1670, le recommande pour « sa grande charité » et pour « sa bonne ration » (de nourriture). Au XVIIIe siècle, il offrait encore trente-six lits, peut-être pas très propres, car le dicton voulait qu'à Villafranca il y eût plus de lits que de draps. Cet hôpital est à l'abandon depuis.

Villafranca fut le siège d’un évêché, depuis les Wisigoths jusqu’en 1075, quand il fut transféré à Burgos.

fr.wikipedia.org/wiki/Villafranca_Montes_de_Oca#Patrimoine_religieux


Après la sieste, une rapide visite du village

Vers dix-huit heures, je ressors de ma tanière pour visiter un peu ce village d'une centaine d'habitants. Hélas, la jolie église paroissiale de Santiago (XVIIIe s.) est fermée, comme c'est (trop) souvent le cas en Espagne... Et, mis à part le luxueux Hotel San Antón Abad***, il n'y a pas grand-chose à voir ici.

L'église paroissiale de Santiago (XVIIIe s.) est hélas fermée... Un problème récurrent en Espagne, surtout dans les villages

Un moment inattendu de grande convivialité

En rentrant à la casa rural, je tombe sur un cycliste espagnol avec qui le courant passe tout de suite! Je lui demande où il compte dîner ce soir et il m'invite à l'accompagner à la Meson Alba, à deux pas mais bien en retrait de la route principale.

Un troisième larron, cycliste sexagénaire originaire de Vigo (Galice) nous accompagne. Après avoir commandé divers tapas à la jolie sommelière, nous ressortons sur la grande terrasse où il y a bien une trentaine de personnes du coin en ce beau samedi soir du 16 juillet.

Même si la nourriture est décidément peu abondante (il n'y a plus rien en cuisine nous a-t-on dit), nous allons passer une magnifique soirée autour de quelques bières bien fraîches. La simplicité des lieux rime aussi avec authenticité: à part nous trois, aucun touriste ou pèlerin en vue... Cela permet une immersion totale "un samedi soir sur la terre" pour paraphraser la chanson éponyme de Francis Cabrel.

Nous en profitons pour faire connaissance

Juan, appelons-le ainsi puisque j'ai oublié son prénom, est un diplomate espagnol en poste à Genève! Il s'apprête à déménager à Bogota (Colombie) où une nouvelle mission l'attend. En attendant il parcours le chemin à vélo. Sa fille presque adulte l'y accompagnera. Son épouse travaille dans l'humanitaire au Soudan et il ne la voit que quelques fois par année.

Quant à Pedro (prénom inventé) originaire de Galice, il est célibataire et a travaillé toute sa vie dans le secteur bancaire dans différentes villes d'Espagne. Dès qu'il a un moment de libre, il enfourche son vélo et parcourt la belle Ibérie...

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Ce matin je mets le réveil à 5h30 afin de pouvoir éviter au maximum les grosses chaleurs annoncées. Comme les premiers kilomètres montent sur un chemin caillouteux, mon ami ami diplomate (cf. étape précédente) décide de m'accompagner en poussant son vélo.

Lever du jour sur les Montes de Oca (Castille)
Un calme apaisant règne en ce matin du 17 juillet

Monte de la Pedraja: immersion dans la mémoire tourmentée de l'Espagne

Il fait encore assez noir lorsque nous croisons deux françaises en train de ranger leur bivouac. Après 200m de montée sur seulement 2,6 km, nous atteignons le Monte de la Pedraja entièrement recouvert de pins. Il est sept heures pile lorsque nous parvenons à l'émouvant monument funéraire qui rappelle l'exécution sommaire de 125 jeunes Républicains de la région au tout début de la guerre civile espagnole (1936-1939).

Avec l'ami diplomate espagnol rencontré la veille

Il faut d'abord savoir que ce modeste monument a été autofinancé par les familles des victimes. Le gouvernement de la province de Burgos (Partido popular, droite) a refusé tout soutien... On estime à 300 le nombre de victimes de ces purges sauvages de 1936. Raison pour laquelle, les familles des disparus réclament depuis 2014 de l'aide publique pour tenter de retrouver les 170 dépouilles restantes.

Monument à la mémoire de 125 jeunes Républicains espagnols exécutés par les partisans de Franco en 1936

Ce monument et les tensions qu'il a générées dans la région (y compris sur internet!) démontre une fois encore le décalage abyssal entre les familles qui souffrent du silence qui entoure la disparition de leurs proches et les descendants des bourreaux qui souhaitent à tout prix passer sous silence ce triste héritage moral...

Pour en savoir plus:

Article du journal El Norte de Castilla relatant la situation en 2014

Bel article en français de l'Institut de recherche jacquaire (IRJ) basé à Tours.

Commentaire émouvant laissé en 2019 par le pèlerin Alberto Andrés:

Emotivo. No me esperaba en el Camino una vez pasado el pueblo de Villafranca Montes de Oca, este desolador y nunca querido por un ser humano, unas fosas comunes del tiempo de la guerra de 1936. Se me pusieron los pelos de punta al comprobar el horror que puede hacer el ser humano por el mero hecho de no pensar de la misma forma. Nunca, nunca se tendría que haber llegado a esto.


Émouvant. Je ne m’attendais pas à trouver sur le Chemin de St-Jacques, une fois passé le village de Villafranca Montes de Oca, ce désolant témoignage sur les fosses communes de 1936. J’ai eu la chair de poule en constatant l’horreur que l’être humain peut infliger à ceux qui ne partagent pas ses idées politiques. On n’aurait jamais dû en arriver là.

Portraits de plusieurs fusillés: fosalapedraja.wixsite.com/fosalapedraja/clients

Récit détaillé de l'exhumation (en espagnol): cronicasapiedefosa.wordpress.com/2015/10/20/fosas-de-la-pedraja-homenajes-y-vandalismo

Photos de l'exhumation

Prisonniers républicains emmenés sous bonne garde

Voici encore les commentaires laissés par des dizaines de personnes sur le site esopiniones.com

Au revoir et buen camino!

Comme il y a désormais une large piste en terre battue qui sépare les deux pans de la forêt, mon ami espagnol décide de continuer sur sa bicyclette ce qui débouche sur des adieux empreints d'émotion. Toutefois, après une vingtaine de minutes de marche en solo, je suis rattrapé par une grande sexagénaire berlinoise trop contente de pouvoir communiquer en allemand avec moi.

Une pèlerine allemande se confie spontanément à moi

En une heure environ, elle me raconte les vingt dernières années de sa vie. D'abord, son mariage avec un latino-américain à la fin des années 1990, puis la naissance d'un garçon et d'une fille dans la foulée. Rapidement, elle s'est heurtée à l'agressivité puis aux coups de son mari. Mais, comme ses parents lui déconseillaient le divorce, elle a persévéré. Jusqu'à ce que sa vie soit en danger.

Cette triste histoire aurait pu s'arrêter là, mais c'était sans compter sur la persévérance dans l'erreur de son mari qui a continué à la menacer à distance avant de s'en prendre à leur fils lorsqu'il en avait la garde... Bien qu'en couple avec un gentil compagnon allemand depuis quelques années, cette femme garde un fort sentiment de culpabilité à l'égard de ce que son union à fait subir à ses enfants. Puisse Dieu l'aider à guérir les cicatrices de son âme.

Absidiole et Chevet roman du monastère de San Juan de Ortega (Castilla y Léon)

Après un peu plus de 12 km, nous parvenons au monastère de San Juan de Ortega perdu au milieu de la plaine de Castille. Je décide de m'arrêter pour un petit-déjeuner bien mérité alors que la pèlerine berlinoise poursuit son chemin.

Il n'est que 9h12 et pourtant il fait déjà une chaleur étouffante!

Ensuite, sur environ deux kilomètres, le sentier serpente au milieu d'un petit bois frais et parfumé grâce aux nombreuses fleurs ayant survécu à la canicule de cette mi-juillet.

Un répit de courte durée dans un petit bois parsemé de fleurs odorantes

Un berceau de l'humanité vieux de plus d'un million d'années

Hélas, quand j'arrive dans la plaine d'Atapuerca, j'ai l'impression d'être cuit à la vapeur tellement la moiteur est étouffante... C'est là qu'on a découvert en 1976 des gisements paléolithiques contenant des os humains qui ont permis la définition d’Homo antecessor, le plus ancien représentant du genre Homo décrit à ce jour en Europe.

Dans la plaine d'Atapuerca, il règne une chaleur quasi infernale déjà à 10h40 du matin

Lorsque j'entre dans Antapuerca, je demande à un groupe de villageois où je pourrais m'approvisionner. Ils m'expliquent que l'épicerie en bord de route est fermée, mais qu'une auberge vend quelques aliments sur les hauts du village.

Retable en bois polychrome de l'église d'Atapuerca

Je n'ai pas trouvé ce dépanneur, par contre j'en ai profité pour visiter la massive église San Martín (fin du gothique, début Renaissance) dominant toute la plaine et je ne l'ai pas regretté. Malgré la pénombre, j'ai pu admirer un magnifique retable en bois sculpté polychrome.

L'église San Martín d'Atapuerca est datée de la fin du gothique, début de la Renaissance

Le Golgotha local...

Grâce à la relative fraîcheur qui règne à l'intérieur, je peux reprendre courage avant d'affronter la montée sur l'inhospitalière colline de Matagrande qui me sépare encore de mon étape du jour. Le chemin caillouteux serpente entre des bosquets trop râblés pour offrir la moindre ombre. Et, histoire de rendre l'endroit encore plus sinistre, une barrière de vieux barbelés rouillés délimitant à un ancien terrain de manœuvre militaire borde la partie amont du sentier.

L'inhospitalière colline de Matagrande est couronnée d'une croix dont la sobriété s'accorde bien avec la rudesse du paysage

J'atteins la limite de mes forces

Parvenu au sommet par 40 degrés, je n'étais pas encore au bout de mes peines. Bien que pour la première fois cette année j'atteins la limite de mes forces, il me reste encore près de quatre kilomètres à descendre sous un soleil implacable. Je me sens si mal, que j'hésite à appeler l'albergue qui m'attend pour demander du secours...

Les quatre petits kilomètres qui séparent le sommet du Matagrande à Cardeñuela Rio Pico m'ont paru interminables, malgré la vue su...

L'heure de l'apéro dans un village castillan

Mais, je tiens bon et à midi et quart, j'aperçois enfin Cardeñuela Rio Pico. Je puise dans mes dernières forces pour arriver à l'Albergue Santa Fe et je me rue à l'intérieur pour profiter de la climatisation, indispensable sous ces latitudes.

La patronne latino-américaine, la quarantaine, discute tranquillement au bar avec les habitués. Après une attente qui me semble longue, elle finit par venir prendre ma commande.

Une chambre petite mais où l'on se sent bien

Après un repas correct dont j'ai perdu le souvenir, elle m'emmène à l'étage pour me montrer une chambre individuelle qui me plaît d'emblée. En voici la critique sur gronze:

Une chambre très petite, mais lumineuse, climatisée et disposant de sa propre salle de bain. Quel luxe! Certes le wifi est trop faible pour arriver dans la chambre, mais sinon la patronne s'est mise en quatre pour rendre mon séjour agréable. Elle m'a même ouvert le dortoir pour que je puisse y faire ma lessive à la main.

Après la douche de rigueur, je fais une bonne sieste, complètement abruti par les 30 degrés qui règnent dans la chambre. Je m'en fiche, je dors!

En fin de journée, en attendant le dîner, je visite le village et monte à l'église Santa Eulalia de Mérida (XVIe siècle) de style gothique Renaissance. Selon Wikipédia, elle abrite un important retable de Felipe de Vigarny entièrement restauré en 2021. Malheureusement, comme trop souvent en Espagne, elle était fermée.

Alors, à quoi bon condamner l'accès à une œuvre d'art majeure ? Pour qu'elle soit admirée par les insectes ?

L'église Santa Eulalia de Mérida (XVIe s.) qui domine Cardeñuela Rio Pico

Des convives atypiques

Au repas du soir, je me retrouve à table avec un couple de jeunes sexagénaires américains et un groupe de Sévillans faisant étape ici avant de remonter vers le Nord pour randonner dans les Pyrénées. La conversation est fort intéressante. L'Andalou qui me fait face nous explique qu'il travaille pour la junte (gouvernement) d'Andalousie au niveau environnemental. Il est chargé de coordonner des mesures permettant aux agriculteurs d'atténuer les effets d'une canicule qui se fait chaque année plus dévastatrice.

Quand aux Étasuniens, Madame vient de se faire licencier de sa High School pour avoir osé appliquer une pédagogie par projet à ses turbulents élèves: elle avait constaté que l'enseignement vertical ne fonctionnait pas avec eux... Sa directrice, partisane d'une orthodoxie rigide, ne l'a pas vu d'un bon œil. Jalousie, incompétence ?

Son mari, genre gentleman farmer, prétend être réparateur de bateaux de plaisance en province. Étant donné ses connaissances géopolitiques et son style "éduqué", je peine à l'imaginer ponçant et peignant des coques multicolores... Je le vois plutôt en diplomate... ou en agent des services de renseignement.

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L'auberge de Cardenuela où j'ai mieux dormi que mangé 😀

Je quitte l'auberge au petit matin et je prends directement un chemin non asphalté légèrement en surplomb de la route communale.

Un agréable chemin parallèle à la route communale qui serpente entre les collines
Vue en direction de l'est en me retournant

Une variante salutaire!

Après 3 km pratiquement sans dénivelé, je passe par dessus l'autoroute A1 et là je prends la bonne décision! Au lieu de suivre le chemin officiel qui s'attarde dans la zone industrielle de Burgos, je prends la variante recommandée par gronze.com et qui longe la piste de l'aéroport. Non seulement, il n'y a aucun vol en cours, mais en plus j'arrive bientôt sur les berges verdoyantes du rio Arlanzon. L'ombre y est quasi garantie et un chemin super agréable me rapproche gentiment de l'ex-capitale choisie par Franco durant la guerre civile (1936-1939).

La variante longe les berges verdoyantes du rio Arlanzon

J'arrive bientôt à Fuentes Blancas, un grand parc urbain qui abrite un camping où je cherche en vain un café ouvert à 9h du matin... Tant pis, je décide de m'arrêter près d'une aire de musculation histoire de faire mes assouplissements quotidiens.

Mon allure de pèlerin détonne dans cet univers californien où les jolies filles en tenue de sport sexy côtoient de beaux mâles ibériques.

Peu avant dix heures, j'entre en ville et j'arrive de suite à l'Happy Hostal Carrales où m'attend une chambre individuelle à 45 euros sans petit-déjeuner et surtout sans climatisation comme c'est encore trop souvent le cas en Espagne!

Après une douche rapide à l'étage, je ressors prendre un bon petit déjeuner dans un café que m'a conseillé le réceptionniste de l'hôtel. A quelques pas j'admire déjà l'élégante Plaza Mayor et ses maisons colorées.

L'élégante Plaza Mayor de Burgos avec la cathédrale en arrière-plan

J'arrive rapidement à la cathédrale dont la visite était mon but. Et je ne serai pas déçu, c'est peu dire! Voyez plutôt.

La cathédrale gothique de Burgos (XIIIe siècle-XVIe siècle)

Visite de la cathédrale en images

Une des plus belles cathédrales que j'aie vues dans un état de conservation incroyable 

Suite de la visite...

Un vrai régal

Il est midi lorsqu'encore sous le charme de cette visite inoubliable je retourne écumer le centre. Après avoir franchi la magnifique porte Sainte Marie, je m'achète à manger et rentre à mon hôtel sous un soleil de plomb.

La Puerta Santa Maria présente une façade transformée au XVIe siècle en arc de triomphe sous Charles Quint
L'arrière de la cathédrale est à peine moins beau que vue depuis son portail principal

Je découvre qu'il fait une chaleur écrasante dans ma chambre qui donne pourtant sur un vide intérieur entouré de façades anonymes.

A la découverte des hauteurs de la ville

La sieste réparatrice étant terminée, je ressors et flâne ensuite dans les élégantes rues du centre, aussi pimpantes que celles de Zürich, c'est dire!

Des rues incroyablement proprettes, encore peu animées en fin d'après-midi

Je m'élance à l'assaut de la colline qui domine la ville histoire de me dépenser un peu. Une bonne décision, car les bâtiments rencontrés en chemin en valent la peine, sans parler de la vue depuis le sommet.

Ancienne muraille arabe de la ville. On aperçoit l'arc outrepassé (en fer à cheval) de la porte

Au sommet de la colline on trouve les ruines du castillo (petit château) édifié en 884 par le comte Diego Porcelos à l’époque de la Reconquista. Sa visite ne m'a pas impressionné, car les vestiges se limitent à quelques fondations qu'on contemple depuis des passerelles métalliques...

Heureusement, a proximité se trouve une jolie terrasse ombragée qui me fait de l'oeil. Je déguste une limonade au milieu de la bourgeoisie locale qui parle affaire ou potins mondains.

 Burgos est certes une ville élégante, mais elle n'est pas très étendue
L'église Saint-Etienne (XIIIe-XIVe) est située entre le castillo et la cathédrale de Burgos


Façade de style andalou découverte en descendant du castillo de Burgos vers la cathédrale

L'église San Nicola de Bari

Et, juste avant d'arriver sur la place Santa Maria, je découvre l'église San Nicola de Bari érigée en 1408 sur un temple roman. A l'intérieur on peut admirer l’un des retables les plus impressionnants de l’art de la renaissance castillane, conçu et réalisé au XVe siècle par Simon de Cologne et son fils François.

Retable monumental de l'église San Nicola de Bari (XVe)

En sortant, j'admire encore une fois la cathédrale puis je m'enquière d'une gargote pour dîner. Il est 18h30 et la faim me tenaille, mais nous sommes en Espagne...

Place devant l'entrée ouest de la cathédrale
Santa Maria de Burgos... Oui, je me répète, mais elle est si belle...

Une ambiance typique pour une facture atypique

Finalement, je trouve une brasserie derrière la Plaza Mayor. Je m'installe au bar et j'apprécie d'emblée cette ambiance ibérique: les clients qui sortent du travail y consomment des tapas ou des "raciones" (assiettes) assis sur des tabourets haut perchés ou carrément debout. Tout le monde boit de la bière ou un verre de vin et les sommeliers (pas une femme!) se contorsionnent derrière le bar pour croiser le collègue qui va dans l'autre sens. Au final, une bonne expérience mais une petite déception lorsqu'on me demande 25 euros pour une bière et deux raciones correctes mais pas incroyables non plus...

Un hôtel à oublier au plus vite!

N'ayant rencontré personne pour passer la soirée, je rentre tôt à mon hôtel et me couche direct. Or, je m'aperçois que chaque fois qu'une fenêtre voisine s'allume, je reçois comme un flash de lumière sur la figure. Impossible d'envisager la nuit dans ces conditions, sans parler du bruit en sourdine de la télé du voisin...

Finalement, j'utilise ma serviette de bain pour obscurcir un peu la fenêtre et atténuer un peu le bruit. Mais, sans air frais, je passe une nuit à oublier au plus tôt.

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C'est presque avec plaisir que je quitte cet hôtel surfait vers cinq heures du matin. Dans une obscurité à peine adoucie par quelques lampadaires, je travers Burgos complètement endormie. Est-ce ma méfiance exagérée par rapport à une potentielle mauvaise rencontre ? En tous les cas je ne fais pas le fier et rase les murs en me retournant souvent et en essayant d'anticiper les présences qui m'attendraient dans quelque point sombre...

La lune se couche lorsque je parviens enfin à sortir de l'agglomération de Burgos

Heureusement, tout se passe bien et à l'aurore j'atteins enfin la campagne où je respire mieux, soulagé que je suis.

Comme un air de plaine du Pô, non ?

Arrivée à Tardajos, un pueblo endormi de plus

Au bout de onze kilomètres de plaine, j'arrive à Tardajos, un village endormi qui abrite la jolie "Iglesia de la Asunción de Nuestra Señora" construite entre le XIIIe et le XIVe siècle.

La place centrale de Tardajos à 8h du matin
Iglesia de la Asunción de Nuestra Señora (XIIIe-XIVe)

Deux kilomètres et demie plus loin, à Rabé de las Calzadas, j'admire les belles fresques peintes sur le mur d'un bâtiment agricole au bord du chemin.

Fresques murales à Rabé de las Calzadas (cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Enfin la vraie Meseta, déserte mais dépaysante!

A la sortie du village, je prends conscience que je suis finalement arrivé sur le plateau sous-peuplé de la meseta castillane. Un désert humain et industriel, mais pas agricole! J'apprécie les vastes champs de blé doré qui semblent s'étendre à l'infini.

Cette fois, c'est vraiment la Meseta dans toute sa démesure!

A moins qu'un groupe d'éolienne vienne en rompre un peu la monotonie que je trouve appaisante. Je voulais être là et j'y suis. Que demander de plus ? C'est juste magnifique.

Il y a beaucoup d'éoliennes sur la Meseta. Tant mieux pour l'environnement!

Finalement, après 18 km de marche, la première montée se présente. En arrivant au sommet, un spectacle remarquable s'offre à moi.

La Meseta dans toute sa sobre splendeur!

Un endroit idéal pour méditer sur sa vie sans distraction aucune à part quelques rares pèlerins comme ce vieil Hongrois que je dépasserai quelques minutes plus tard.

Et ça remonte!

Il est 9h45 lorsque je traverse Hornillos del Camino, un village-rue construit tout en longueur de part et d'autre du chemin de Saint-Jacques. Mais, désireux d'arriver à l'auberge de San Bol avant la pleine canicule, je ne m'y attarde pas.

Hornillos del Camino (871m), un village-rue typique édifié exclusivement le long du chemin

Cinq kilomètres plus loin, au milieu de nulle part, je passe devant une croix de Saint-Jacques typique qui émerge d'un tas de pierre. Selon wikipédia,

"Sa version la plus courante est une croix rouge rappelant une épée, avec la poignée et le bras en forme de fleur de lys.

Elle tire son nom de Jacques le Majeur et du récit de son apparition à la bataille de Clavijo lors de la victoire espagnole sur les Maures en 8441. Elle est largement utilisé dans toute l'Espagne et le Portugal.

Elle était l'emblème des deux ordres religieux et militaires : l'Ordre de Santiago, ordre espagnol du XIIe siècle, et de l'Ordre de Sant'Iago de l'Épée, sa branche portugaise.

L'Ordre de Santiago a été fondé pour protéger les pèlerins sur le chemin de Compostelle, et défendre la chrétienté contre les Maures au moment de la Reconquista. Les chevaliers de l'ordre portaient la croix gravée sur leurs étendards et leurs capes blanches."


Croix de Saint-Jacques typique, perdue en rase campagne, mais pile sur le chemin vers Santiago

Sans Bol, un endroit totalement isolé mais aux ondes positives

A 11h30, j'aperçois enfin l'auberge isolée de San Bol. En effet, aucun village ni habitation à des lieues à la ronde. Bien que je sois le premier pèlerin à arriver et qu'elle soit fermée, je peux m'installer à l'ombre de la terrasse, poser mon sac et manger mon pique-nique. Je suis arrivé à bon port et ce n'est rien de le dire, vous verrez.

L'auberge municipale de San Bol, isolée en pleine Meseta

Vers 13h, les premiers frères et sœurs pèlerins arrivent. Parmi eux, Raoul le Hollando-Espagnol, déjà rencontré peu après Roncevaux ainsi qu'une jolie trentenaire française croisée hier matin à mon hôtel.

La terrasse ainsi que, en contrebas, le bassin dans lequel je serai le seul à oser me baigner en fin d'après-midi

Un public jeune, mais international

Plus tard, un groupe de jeunes adultes étasunien arrive aussi, suivi d'un ténébreux Suédois habillé comme en hiver et de sa garde rapprochée d'admirateurs. Mais toujours pas d'aubergiste! Pour passer le temps, nous mutualisons nos maigres victuailles et discutons bruyamment en anglais et en français. Pour ma part, je taille aussi une bavette avec deux pèlerins allemand dans leur langue.

Déjà règne une ambiance solidaire de camaraderie spontanée. Nous n'avons ni bière ni bonne pitance, mais une énergie positive se développe entre nous tous, sans jalousie ni faux-semblant. C'est si rare sur le chemin espagnol (contrairement au tronçon français) qu'il faut le souligner.

Un jeune allemand fort sympathique s'entretient avec Maria, une Sévillane que je reverrai souvent
Raoul entouré d'une Hollandaise et de la Française croisée à Burgos

Vers 18h, l'aubergiste cubain arrive en voiture. Désormais, le bar est ouvert et peu à peu, un agréable fumet de paella parvient à nos narines.

Une soirée inoubliable

Entre danses, convivialité, rires et de beaux échanges, je passe de loin la meilleure soirée depuis que je suis arrivé en Espagne. Et tant pis si la paella était trop salée. Nos estomacs sont calés et vers 22h, nous rejoignons volontiers le petit dortoir à deux étages pour le repos du pèlerin.

Voici où nous avons mangé et l'ambiance filmée ici reflète parfaitement celle que j'ai eu le privilège de vivre en ce lieu unique

Visite de l'auberge en image

Images prises au printemps lorsque tout est encore vert!
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Après une nuit réparatrice, on range en silence ses affaires, on s'habille et repart dans la nuit pendant que certains dorment encore. L'obscurité est totale lorsque je rejoins le camino. Le vent est si glacial que je suis obligé d'enfiler mon tour de cou, mes gants et le bonnet en laine mérinos que je n'avais plus utilisé depuis le passage des Pyrénées.

Le camino est glacial sur la Meseta avant le lever du jour...

Je suis absolument seul et ma visibilité se limite à quelques dizaines de mètres. Heureusement que je peux compter sur les applications komoot et mapy.cz pour être certain de garder le bon cap.

Arrivée à Hontanas del Camino au petit matin

Des Espagnols qui brillent par leur absence...

Après une petite heure de marche, j'arrive à Hontanas del Camino où je prends un copieux petit déjeuner dans la cafétéria à l'entrée est du village. Encore une fois, la tenancière est une Latino-Américaine. Que font les Espagnols ? A l'heure où j'écris ces lignes, le taux de chômage au pays du Cid est le plus élevé d'Europe avec 11,5%. Pourtant, une bonne partie des actifs travaillant dans les structures destinées aux pèlerins sont originaires d'outre-mer ou volontaires anglo-saxons. Comment expliquer cette contradiction?

Et on peut faire le même constat concernant les pèlerins: les Ibériques sont rarissimes et la plupart d'entre eux parcourt le chemin à vélo.

Les rues endormies d'Hontanas ne manquent pas de charme

Rassasié, je repars étonné par le fait que la jeune pèlerine hollandaise qui était aussi à San Bol m'ait ignoré en arrivant après moi dans la cafétéria d'Hontanas.

Timidité ? Peur de se faire draguer ? Je ne le saurai jamais, mais j'aurais trouvé sympa de prendre ensemble le petit-déjeuner ensemble.

Section du chemin idyllique à la sortie d'Hontanas

La section du chemin qui suit est absolument merveilleuse. Un sentier exclusivement piéton avec des senteurs de pin et d'herbes sauvages. Dans un silence total.

Ruines du convento de San Antón avant Castrojeriz

Alors que le terrain redevient plat, j'arrive au Convento de San Antón que j'avais déjà vu en vidéo. Malgré tout, l'impression est saisissante.

Il émerge comme une tristesse de cet ensemble gothique qui garde encore des traces de sa splendeur passée.

Un lieu qui incite à la méditation sur le facteur temps dans nos vies

Alors que la chaleur commence déjà à prendre possession de l'air ambiant, je m'élance sur la ligne droite menant à Castrojeriz.

Castrojeriz (Castille): à gauche le village, au centre l'ex-forteresse, à droite la collégiale de Nuestra Señora del Manzano

En arrivant en vue de la collégiale de Nuestra Señora del Manzano, je passe devant une patrouille de la Guardia civil qui sécurise le chemin.

La Guardia Civil surveille avec bonhomie le passage des pèlerins sur le camino

Des forces de l'ordre bienveillantes, si si!

Je ne suis pas particulièrement à l'aise avec la police en général. Mais, je dois dire que j'ai toujours bien vécu la rencontre avec la gendarmerie espagnole sur le camino. On sent une bienveillance et un respect sincère du pèlerin de la part des forces de sécurité. Un sentiment perceptible dans toute la population du pays et qui fait vraiment plaisir. En France, c'était plutôt l'indifférence qui semblait dominer.

Façade ouest de Nuestra Señora del Manzano (Castrojeriz, Castilla y Leon)

Un petit musée bien doté

Alors que je désire me recueillir quelques instants dans la collégiale, je m'aperçois qu'il s'agit en fait d'un musée. Je paie un droit d'entrée très raisonnable et je ne le regrette pas. L'exposition permanente vaut vraiment le détour pour qui apprécie l'art religieux comme moi.

Des œuvres d'art de qualité sont à découvrir dans le musée de la collégiale de Castrojeriz

En sortant, je me dirige vers le village tout en regrettant de ne pas avoir l'énergie suffisante pour monter voir la forteresse qui domine le village à 919 m d'altitude. La vue à 360° doit en valoir la peine.

Ici, tout est fermé ou presque

Castrojeriz est si endormi, que je dois demander à quelqu'un où se trouve l'unique épicerie ouverte. Après un détour par le bas du village, je retourne au centre où hélas aucun café n'a levé ses volets.

Castrojeriz et son église de Santo Domingo, hélas fermée comme c'est trop souvent le cas en Espagne...

Des paysages comme on en redemande!

Il me reste encore douze kilomètres à parcourir, y compris le passage d'un col avant de redescendre sur le rio Pisuerga qui marquera l'entrée dans la province de Palencia. Il est déjà dix heures et il ne faut pas traîner si je veux arriver avant midi à la prochaine auberge.

La montée qui m'attend 😀 sous 30 degrés à l'ombre

Parvenu non sans effort au sommet, je me retourne pour admirer le chemin parcouru depuis Castrojeriz.

Un dernier coup d’œil sur Castrojeriz avant d'attaquer la descente vers la prochaine plaine

Et de l'autre côté, je contemple l'étendue plane qui m'attend.

Une impression d'infini règne dans ces plaines de Castille

Ce n'est que 17 km après Hontanas que je trouve enfin un food truck où je peux déguster une boisson fraîche. Quel bien ça fait par cette chaleur!

En haut, sous les arbres, le premier débit de boisson ouvert depuis Hontanas. C'était le moment.

Un accueil italien en plein centre de la Castille

Juste avant d'enjamber le rio Pisuerga qui sépare les provinces de Burgos et de Palencia, je passe à côté de l'élégante Albergue de San Nicolás, tenue par des hospitaliers italiens de Pérouse (Perugia).

L'élégante Albergue de San Nicolás gérée par des hospitaliers italiens

Deux kilomètres plus loin, je franchis le puente Fitero. Le fleuve permet ici l'existence d'une oasis dans cette contrée quasi désertique en plein été.

Le rio Pisuerga qui fait l'effet d'une oasis en plein été

Alors que la chaleur devient accablante, je lance mes dernières forces le long du rio pour arriver à l'auberge de Puente Fitero. Heureusement, le chemin devient ombragé.

Bienvenue à Itero de la Vega toujours en Castille

De l'avantage d'arriver premier dans une albergue

Comme je suis le premier arrivé, comme souvent, je peux choisir mon lit dans le grand dortoir de vingt lits. Ensuite, je m'installe en catimini à l'extrême bord de la terrasse, car j'ignore si j'ai le droit d'y pique-niquer. Il faut dire qu'il n'y a aucun autre point d'ombre à proximité et comme je n'ai pas envie de sortir sous le cagnard, je dois ruser un peu.

L'auberge où j'ai passé l'après-midi et la journée. Malgré la vieille Peugeot 605, la photo a été prise en juillet 2022 😀

Rassasié, je vais me doucher dans l'unique salle de bain du dortoir dont la porte ferme mal... Ensuite, comme c'est mon habitude, je me couche avec délectation pour une sieste bien méritée.

Une fin de journée prévisible

Vers 16h, je me lève et constate qu'une équipe de jeunes cyclistes portugais est arrivé. Leur directeur conduit une Peugeot 605 des années 80...

Je ressors sur la terrasse et commence à tailler une bavette avec un Allemand assez réservé. Je partagerai le dîner de 19h avec lui et trois autres pèlerins dont une autre d'outre-Rhin que je dois aller chercher sur son lit tant elle semble vouloir éviter le contact avec ses alter égo.

Quand le froid s'invite durant une belle nuit d'été

La nuit, je suis réveillé par le vent froid qui entre par la fenêtre derrière mon lit et m'empêche de dormir. Comme à Burgos, je dois trouver une solution pragmatique, mais cette fois avec une couverture qui me permet d'obstruer la fenêtre sans la fermer complétement.

Demain, je dois être en forme car une nouvelle étape de 25 km m'attend. Ce sera la troisième de suite depuis Burgos et pas la dernière!