L'hostel à Villa de Leyva est un havre de paix. Le jardin est étagé, les bâtiments se fondent dans la nature et des hamacs appellent au farniente.
Mes hôtes m'indiquent deux excursions. Je décide de commencer par la visite d'un lieu dédié à la biodiversité à Arcabuco.
Je n'échappe pas à un nouveau malentendu en matière de transport. J'avais compris que 12 km me séparaient d'Arcabuco. En fait 25 km de piste chaotique soit une heure et quart de route. A la réflexion l'hôtelier me l'avait dit. Déni quand tu nous tiens! Fort heureusement, la campagne est variée et dépaysante.
Après un café bien mérité et un saut de puce en taxi j'arrive à Rogitama biodiversidad non sans avoir salué une représentante de mon espèce d'animal préférée.
La chance me sourit. Une visite commence juste. Le guide est un biologiste pédagogue et passionné. Je vous livre une infime partie de son récit.
Depuis presque 40 ans sous l'impulsion du propriétaire des lieux, une équipe s'affaire à transformer un pâturage en eco-système de plus en plus riche. L'enthousiasme et l'humilité de notre guide sont contagieux.
Les espèces sont mélangées, étagées. Le sol s'enrichit année après année des feuilles qui tombent des arbres et des déjections des animaux. Les lombrics sont à l'honneur. Ces grands fabricants d'humus sont élevés avec soin.
Les orchidées font légion en Colombie. Une mini-orchidee pousse sur un arbre en symbiose avec une autre plante, à côté d'un lichen rose.
Démonstration est faite des méfaits de la monoculture. En haut de la colline sous une forêt de pins, rien ne pousse. Alors qu'un pin isolé aère la terre et d'autres espèces profitent de l'humidité du sol.
Les chauve-souris voyagent parfois si loin qu'elles n'ont pas le temps de rentrer chez elle avant le lever du jour. Un abri spécial leur permet de se reposer. Elles sont d'autant mieux chouchoutées qu'elle mangent un millier de moustiques par nuit.
L'eau se cultive : la pluie est retenue par la canopée, les gouttes d'eau perlent, les plantes s'hydratent par les feuilles et par le sol. L'humidité est retenue sous le feuillage.
Nous admirons diverses fougères géantes. L'oeil exercé de notre biologiste et aussi celui d'un petit garçon nous permettent de voir des coccinelles verte et orange, une mante religieuse, des colibris et le principe petit oiseau noir et blanc.
Ce lieu sert de corridor pour les animaux entre la montagne et le plateau. Des haies touffues prolongent la foret.
Notre guide nous enseigne son respect pour la terre mère et pour les forces de la nature, en rapport avec son indianité. Dans le Boyaca comme à Bogota nous sommes en territoire muisca.
Il est tellement convaincant que nous nous mettons à quatre pattes pour ne pas détruire le fil d'une araignée qui barre notre chemin.
Cet environnement force le respect. Richesse, biodiversité, équilibres instables, interdépendance et fragilité. Je ressens un apaisement et une sensation d'harmonie.
Dans l'ordre d'apparition dans le texte De retour à Bogota je découvre un atelier de joaillerie. La démarche est respectueuse de la tradition muusca. Chaque bijou a un rapport avec les croyances muisca et a sa propre énergie. Les métaux sont travaillés avec des plantes.
Dans la tradition muisca chaque lac d'altitude a son histoire. Ils sont reliés entre eux et sacrés. La légende dit que le couple fondateur de l'humanité est sorti du lac d'Iguape près de Villa de Leyva. Quand les Espagnols sont arrivés, le couple est reparti dans le lac.
A Bogota sur le Moncerrat était un temple du soleil évocateur du masculin et sur le mont Guadalupe voisin était un temple de la lune, du côté du féminin. Mon infirmatrice est formelle : les Espagnols ont pris possession de ce lieu pour soumettre le pouvoir muisca.
Vivre son humanité en se pensant comme partie d'un tout, respecter les croyances dans les forces qui nous dépassent et rester humble face à l'immensité de la nature semble être un acte de résistance pour la joaillère et pour le jeune biologiste. Ils se revendiquent d'une civilisation ancienne qui pourrait bien porter des valeurs salvatrices pour l'humanité.
Encore quelques murales pour le plaisir des yeux. Plus faciles à photographier maintenant que les rues sont désertées.
C'est avec le cœur serré que je quitte ce pays. Les mesures d'isolement prises en prévention du coronavirus risquent de provoquer beaucoup de souffrances. La plupart des Colombiens vivent au jour le jour et la faim pourrait rapidement s'inviter. Entre la peste et le choléra...
Hasta luego Colombianos y buena suerte en este fracaso.