Les nuages du matin ne me démotivent pas et je pars ce matin en direction du nord de l'île, face à l'île Keller.
J'improvise un peu le parcours, en m'inspirant du guide de randonnée pédestre acheté à l'office du tourisme hier. Celui-ci ne m'est pas d'une grande aide, et de toutes façons, le principe est assez simple quand on fait le tour d'une île et la mer est plutôt un bon repère...
Depuis le camping, je rejoins le nord de l'île à Beg biniglou, ce qui me permet de rattraper plus ou moins mon tracé d'hier : je ne veux rien louper et faire tout le tour de l'île pendant mon séjour.
Le temps se dégage petit à petit, et les couleurs de la végétation, du ciel et de la mer n'en sont que plus magnifiques encore.
Je longe la côte qui fait face à l'île de Keller, île privée quasi inaccessible. Paradis des oiseaux, où, apparemment, quelques couples de macareux moines nichent encore.
Je continue ma route, la mer à ma gauche, le phare du Stiff devant moi et le phare du Créac'h derrière. Quand je vous dis que c'est facile de se repérer sur une île !
L'heure tourne, il est déjà aux alentours de midi et j'hésite à couper pour rentrer manger au camping. Mais le temps est tellement beau et je n'ai pas encore très faim, alors je décide de continuer presque jusqu'à la pointe de Cadoran, tout au nord est de l'île. Un groupe de goélands tournoie au-dessus de moi. Je lève les yeux et remarque que l'un deux n'a pas une tête de goéland. Je mets les jumelles dessus (et mes yeux sur les jumelles, c'est mieux) et découvre une belle surprise : un faucon pèlerin ! Peu de rapaces habitent l'île, et j'ai rarement pu observer d'aussi près et aussi longtemps ce roi des airs. Me voilà donc doublement ravie, l'observant avec un sourire enchanté.
Avant d'atteindre la pointe de Cadoran (que je prévois de faire un autre jour), je bifurque vers le sud, puis vers l'ouest, pour rejoindre tranquillement le camping en passant par l'intérieur des terres. Je passe devant le rucher de Cadoran, qui fait du miel avec des abeilles noires, participant ainsi à la conservation de l'espèce.
Je découvre de jolis petits coins, quelques maisons habitées au milieu de maisons en ruines. L'endroit est paisible, je suis sous le charme.
Après une pause repas qui me permet de délasser quelque peu les jambes et les pieds, je repars : le soleil est toujours au rendez-vous, et je compte bien en profiter. J'avais prévu plusieurs plans B au cas où la météo ne serait pas complaisante, mais la Bretagne me fait une fois de plus l'honneur d'un temps clément.
Pour cet après-midi, changement de décor : je pars pour la pointe sud ouest, dont le tour est un peu plus court que les autres. Alors que le paysage de ce matin était riche en couleurs, en reliefs, en criques...je chemine cette fois sur une terre rase et aride, dont la végétation est quasi uniformément composée de fougères moitié vertes moitié marron. Sacré contraste ! Mon guide cette fois sera principalement le phare de la jument, que je voyais bien hier aussi depuis la pointe de Pern, puisqu'il se trouve entre les deux.
J'observe quand même quelques oiseaux, comme des huitriers pie ou des craves à bec rouge, mais rien d'extraordinaire.
Une petite baie, Porzh Gored, dessine une entaille bien ronde dans le nord de la pointe. J'y rencontre un gros chien, un magnifique labrador marron, qui vient vers moi, complètement essoufflé et visiblement épuisé. Il semble perdu et renifle partout, marquant plusieurs endroits, à la recherche de son maître très certainement. Il tourne autour de moi, s'éloigne, revient, il a l'air vraiment déboussolé. J'essaie de lui donner un peu à boire, ce qu'il accepte mais ne donne que quelques coups de langue avant de repartir à nouveau. Je préviens la gendarmerie, en espérant qu'ils pourront faire quelque chose. Le chien a un collier mais il n'y a aucune inscription dessus. Je demande au gendarme, consciente que c'est sûrement un peu utopique, de me tenir au courant..il me répond en rigolant qu'il le fera. Je n'aurai pas de nouvelles de l'après-midi.
Je continue en faisant le tour de cette petite baie, puis je longe la côte sud pour terminer mon tour. J'y découvre un petit groupe de tournepierres à collier, une espèce que je n'avais pas encore vue depuis que je suis là, et que j'ai toujours plaisir à observer, car je les trouve amusants : ils farfouillent dans les rochers à la recherche de nourriture, semblant imperturbables à ce qui peut se passer autour d'eux.
La fin de la balade dévoile un paysage un peu plus varié et coloré, avec des bruyères, des ronces, des fleurs...et je traverse un charmant petit village, Toul al lann, où je retrouve un peu de vie, humaine et animale (moutons, chats, chiens...). Un peu après le village, j'observe un rassemblement de gens qui font la queue. La cause de ce rassemblement se dévoile à moi quand je découvre, derrière une haie de buissons, un agriculteur rassemblant ses vaches autour de son tracteur : c'est l'heure de la traite. Les ouessantins, et peut-être quelques touristes habitués, connaissent l'adresse et viennent avec leurs bouteilles pour prendre du lait tout droit sorti du pis de la vache. Je continue ma route, agréablement surprise par cette scène de vie ouessantine dont j'ai été témoin.
Je commence à avoir mal aux pieds et à me sentir fourbue. J'ai presque 20 km dans les pattes depuis ce matin, je suis claquée. Au port de Lampaul, je retrouve mon voisin de tente avec qui j'ai sympathisé hier, lui aussi voyageur solitaire. Il observe la vie du port et se laisse bercer par l'ambiance. Les enfants ouessantins sautent dans l'eau depuis une jetée, ne craignant pas la fraîcheur de l'eau. Les bateaux vont et viennent. Les oiseaux passent. Je comprends son impression d'observer un véritable tableau vivant.
A Lampaul, je m'arrête faire quelques courses au magasin vrac pour mes prochains repas, puis je retrouve ma tente. Le matelas exerce une attraction irrésistible, à laquelle je succombe sans rechigner : je tombe dans les bras de Morphée pendant près d'une heure, avant d'aller prendre une douche bienfaitrice. Ce soir j'ai l'impression qu'il fait un peu plus froid : est-ce la fatigue qui me donne cette impression ? En tout cas, le repas chaud est bienvenu, même si je galère avec le réchaud (prêté par des amis).
Demain, objectif : terminer le tour de l'île avec la pointe sud-est !