La Mezquita de Cordoue ou la mosquée-cathédrale ou Notre-Dame-de-l’Assomption, peu importe le nom qu’on lui donne, est un monument que vous ne verrez nulle part ailleurs. Nichée au cœur de l’Andalousie, la ville de Cordoue offre à ses visiteurs une plongée fascinante dans les légendes du moyen-âge. La Mezquita est la principale merveille de cette époque.Sautez avec nous dans la machine à remonter le temps et écoutez l’histoire incroyable de la construction de ce joyau d’Al-Andalus !!
Histoire et âge d’or de Cordoue : retour en arrière
Une brève histoire de la ville
La région de Cordoue est habitée depuis la préhistoire, mais c’est à partir de l’époque romaine qu’apparaît pour la première fois le nom de Corduba. Elle devient la capitale de la province de la Bétique et de nombreux vestiges de cette époque sont encore visibles aujourd’hui. Ensuite, commence l’époque chrétienne avec la trace du premier évêque nommé Ossius, puis la ville tombe aux mains des Wisigoths jusqu’en 711, date de la prise de la cité par les musulmans. La région change de statut et de nom en devenant le royaume d’Al-Andalus et Cordoue passe tour à tour de capitale d’émirat, à capitale de califat, gouvernée par une dynastie de princes syriens qui développe favorablement la ville pendant près de trois siècles. Au tout début du Xè siècle, le califat s’effondre et un long déclin s’amorce jusqu’à la reconquête de la ville en 1236 par Ferdinand III de Castille, roi catholique d’Espagne. Cordoue ne retrouvera jamais sa place prépondérante de l’époque et va s’effacer au profit de Séville.
Cordoue au Moyen-Âge : un rayonnement culturel extraordinaire
Dès le VIIIe siècle, la cité connaît un âge d’or exceptionnel. Elle se dote au fil du temps de multiples écoles, qui font d’elle une référence en matière scientifique, ainsi que d’une bibliothèque de plus de 400 000 ouvrages (une des plus importantes du monde médiéval). Ingénieurs, mathématiciens et astronomes renommés y sont venus étudier ou délivrer leurs précieux enseignements. Un système d’irrigation très ingénieux permet une agriculture riche et variée, mais aussi l’alimentation des innombrables fontaines.
Grand carrefour commercial, elle se distingue par sa position entre l’Afrique et l’Europe.
La Cordoue médiévale s’illustre par l’artisanat du cuir, qu’il soit de vache ou de mouton, du plus simple et abordable ou travail ornemental de luxe. Il est à noter que le mot “cordonnier” nous vient de Cordoue ! La réputation de ce savoir-faire dépasse largement les frontières du califat.
La particularité fondamentale de cette époque est que les trois religions présentes (musulmane, chrétienne et juive) peuvent cohabiter en harmonie, la liberté de culte y est autorisée. Même si les lois diffèrent selon les confessions, chacun y trouve son compte sans stigmatisation aucune.
La Mezquita de Cordoue : chronologie de la construction
Temple de Janus et église wisigothe
A l’emplacement actuel de la Mezquita se trouvait à l’origine, un temple romain dédié à Janus, dieu à double visage, figure emblématique du panthéon romain. Puis, il fait place à un premier sanctuaire chrétien consacré à la Vierge Marie, avant l’arrivée des Wisigoths. Ces derniers abandonnent leurs croyances en faveur du catholicisme et s’attellent à la construction d’un nouvel édifice, en pratiquant le réemploi des colonnes et autres éléments d’architecture présents sur place. Dédié à Saint-Vincent-de-Saragosse, le monument devient basilique et siège de l’évêché sous le nom de Saint-Vincent-Martyr en 584. A l’arrivée des conquérants musulmans, le bâtiment est scindé en deux parties, l’une pour le culte islamique, l’autre pour le culte chrétien mais cela ne durera que quelques années. Des fouilles archéologiques dans les années 1930 ont permis de mettre au jour des vestiges de cette époque wisigothique et notamment un magnifique pavement de mosaïque, visible de nos jours sous une dalle de verre.
Les différentes étapes de l’édification de la mosquée
Comme vous l’avez compris, l’église chrétienne du VIIIe siècle va servir de salle de prières pour le culte musulman, dans un premier temps. Abd el Rhaman Ier, prince de la dynastie des Omeyyades, fuit la Syrie où quasiment toute sa famille a été exécutée, pour s’établir à Cordoue qui accueille déjà des partisans de son clan. C’est lui qui est à l’origine de la construction de la mosquée, établie sur les ruines de l’ancienne basilique dont il va reprendre la plupart des matériaux, une fois encore. Ce nouveau bâtiment composé de onze nefs est complètement ouvert sur une cour carrée (la cour des orangers), agrémentée de plusieurs fontaines et bassins, nécessaires aux ablutions du rite de purification avant d’assister à la prière. Un minaret, aujourd'hui transformé en clocher, borde un côté de la cour. On découvre, à travers une forêt de colonnes, la particularité de l’art omeyyade avec des arcs outrepassés ou arcs en fer à cheval. Quant aux colonnes alternant briques rouges et blanches, elles sont un vestiges des églises paléochrétiennes. Les successeurs du prince n’ont eu de cesse d’agrandir la mosquée, jusqu’à ce qu’elle atteigne la taille de 180 m de long sur 130 m de large, ce qui faisait d’elle la deuxième plus grande mosquée du monde après celle de La Mecque. L’ensemble comprenait alors près de 900 colonnes et 19 nefs, ainsi que des salles dissimulées d’où les femmes suivaient la prière.
Après la Reconquista
Au XIIIe siècle, l’Espagne catholique cherche à récupérer ses territoires tombés aux mains des musulmans : c’est la Reconquista. En 1236, Cordoue est reprise par le roi Ferdinand III qui s’empresse de consacrer la mosquée en cathédrale, en la renommant Notre-Dame-de-l’Assomption. Toutes les entrées sont murées sauf une grande porte qui sert d’accès unique au monument. Au fur et à mesure, des chapelles fleurissent le long du mur d’enceinte et une chapelle royale, plus au centre du bâtiment, sert de lieu d’inhumation pour les rois Alphonse XI et Ferdinand IV au XIVe siècle. C’est en 1523 qu’est décidée la destruction d’un nombre important des colonnes d’origines, afin de construire la Capilla Mayor, la chapelle majeure, au cœur de l’ancienne mosquée. Pas moins de quatre architectes ont été engagés pour mener à bien le chantier titanesque, accompagnés des meilleurs artisans ébénistes de l’époque. Cette chapelle grandiose et somptueuse abrite un magnifique retable, le maître-autel et le chœur du chapitre des chanoines.
La mosquée-cathédrale, alliance d’arts qui ne se rencontrent jamais
La mosquée-cathédrale doit son caractère unique à la combinaison de différentes influences artistiques. Sa construction, étalée sur plusieurs siècles, a su mettre en valeur ces formes d’arts variés, tout en les associant de manière tout à fait exceptionnelle.
L’art mauresque et l’art mudéjar
L’art mauresque désigne un ensemble d’arts issus de l’influence ibérique, mélangée à celle du Maghreb pendant la période du royaume d’Al-Andalus. On y retrouve de ce fait, l’art des Omeyyades, importé directement de Bagdad, Damas ou Byzance. En ce qui concerne la mosquée de Cordoue, le témoignage le plus évident de ce courant est la succession de colonnes à arcs outrepassés, les doubles arches empilées qui confère une impression de légèreté et permettait un plafond plat à caissons décorés. Mais le plus grand trésor se trouve être le mihrab : la pièce la plus sacrée de l’édifice qui indique la direction de La Mecque. Ce joyau est composé d’une coupole de marbre en forme de coquille, recouverte de mosaïques reprenant des sourates du Coran, un décor végétal en or symbolisant l’Arbre de Vie finit de sertir l’ensemble. Des artisans byzantins ont été expressément missionnés par l’empereur Nicéphore II pour élaborer ce chef-d'œuvre.
Quant à l’art mudéjar, il représente les techniques architecturales utilisées par les artisans musulmans dans les constructions chrétiennes après la Reconquista. Ici, il est visible dans le décor en stuc ornemental.
Quand le gothique et le baroque s’invitent
Le XVIe siècle a marqué un tournant surprenant dans l’architecture du monument. Jusqu’alors, les chapelles nouvellement construites, s’étaient ajoutées au périmètre de l’édifice, le long des murs d’enceinte. Construire une cathédrale gothique, puis baroque en plein cœur du style islamique, est tout simplement inédit ! La blancheur du chœur tranche littéralement avec la pénombre intimiste de la forêt de colonnes. Les ouvertures inondent de lumière la Chapelle Majeure, rappelant la lumière divine descendant sur les fidèles. Les murs et les piliers portent un décor délicatement ouvragé, caractéristique du style baroque. Le travail de sculpture des boiseries pour les stalles des chanoines est tout aussi remarquable. Le roi Charles Quint avait donné son accord pour la transformation de la mosquée en cathédrale, mais sans avoir vu l’édifice originel. Quand il s’est déplacé pour admirer le résultat final, il prononça cette phrase riche de sens : << Vous avez détruit ce qui est unique, pour faire la même chose que l’on voit partout ! >>.
Bien qu’elle soit cathédrale depuis huit siècles, les Cordouans d’aujourd’hui l’appellent toujours Mezquita, preuve de l’affection qu’ils lui portent. Ce chef-d'œuvre tout à fait unique symbolise la grandeur d’une époque florissante, si bien qu’il est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1984. Si un jour, vous explorez l’Andalousie, ne passez pas à côté de ce bijou ! Une visite accompagnée d’un guide certifié vous immergera dans son histoire passionnante et ne vous laissera pas indifférent, soyez-en sûr !
Auteure : Emilie Heere