Nous voici une fois de plus sur la route, tôt, pour nous rendre dans la dernière forêt que fera Cécilia: la forêt de Bélouve. On nous a averti maintes fois que ce serait la forêt la plus humide que nous ferions, et que le cirque de Salazie était pluvieux. Qu'à cela ne tienne, nous sommes motivées! Nous traversons le Tampon et ses kilométrages, et je me demande comment est venue l'idée d'appeler cette commune comme ça. Hé les gars, comment on va appeler l'endroit entre le littoral et les plaines, cette espèce de zone tampon, là? Tampon? Oh, ça sonne bien, allez. Je me moque, je me moque, mais quand nous passons le col Bellevue, nous ne pouvons que remarquer qu'il a été bien nommé: face à nous, les plaines descendent maintenant vers l'océan qui brille au loin, et vers la ville de la Plaine des Palmistes. Mais nous tournons avant d'y parvenir, à Bras des Calumets. Une nouvelle route à virages nous fait traverser la forêt de Bébour, avant de monter vers Bélouve. Une fois garées au parking, nous montons au gîte, où se trouve le départ du sentier et un magnifique point de vue sur le cirque de Salazie. Il y a un chemin qui descend vers Hell-Bourg, mais cela aurait signifié qu'il fallait le remonter. Nous surplombons donc notre prochaine destination, mais nous allons devoir faire le tour en voiture pour y accéder. Et oui, c'est comme ça, de toute manière nous n'allions pas remonter 1000 mètres avec la valise de Cécilia.
Armées de nos bâtons, nous débutons le sentier dans la forêt, en direction du Trou de Fer, un endroit apparemment féérique dans lequel se jettent des cascades. Le seul truc, c'est qu'il est déjà 9 heures et on nous avait dit d'y aller tôt, mais comme d'habitude, "il faut tenter". En tout cas, nous aimons beaucoup toute la végétation luxuriante autour de nous, notamment les fougères arborescentes. Nous traversons des petits ponts, devons grimper quelques raidillons, quand bien même il y a un peu de boue. Après une demi heure (contre 20 minutes annoncées) nous arrivons sur une piste dégagée, que nous suivons jusqu'à la suite du sentier. A cet endroit, un panneau nous informe: "Le sentier est boueux et dégradé, nous vous conseillons de suivre la déviation sur la piste pour arriver au Trou de Fer". Nous nous regardons, et ne réfléchissons pas trop longtemps: on est venues pour la forêt ou quoi? Et de toute manière, nous avons nos bâtons, ça devrait aller, ce n'est pas de la boue qui va nous faire peur!
Sentez-vous venir la grossière erreur? Et bien oui, c'était une erreur bien grossière.
Enfin, au début, tout allait bien, oui il y a de la boue, mais nous passons sous d'immenses arbres, et c'est surmontable. Mais petit à petit, le chemin devient de pire en pire. Oh, c'est insidieux, au départ. Nous pouvons encore passer sur le côté pour éviter la boue, et on se dit que ce n'est pas si terrible. Et puis arrive le premier gros champ de boue, qu'il faut esquiver en s'accrochant aux branches et aux troncs qui le bordent, sauter sur les pierres du sentier, suivre les planches ... Et puis, le deuxième, pareil, ça va encore ... Et puis le troisième ... le dixième ... Ca ne s'arrête plus et à force, nous trouvons que chaque passage est pire que le précédent. Nous devons user de stratégies pour ne pas nous retrouver les pieds coincés ou encore les bâtons trop enfoncés dans la boue, qui parfois se transformerait presque en boue mouvante. Ah oui, l'aventure, on l'a voulue, on l'a eue, on ne pourra pas dire qu'on n'avait pas été prévenues. On ne peut pas faire marche arrière de toute manière, il y a trop de boue partout. Des bottes en caoutchouc auraient été parfaites. Mais toute épreuve a une fin, bien que nous ayons tout de même passé entre une heure et demie et deux heures dans ce bourbier de Bélouve au lieu d'une seule. J'apprendrai par la suite que c'est toujours comme ça, et encore pire en saison des pluies, c'est l'endroit où il pleut le plus en France. Voire parfois, dans le monde !! Nous retrouvons les plateformes aménagées qui nous mènent au Trou de Fer, que nous avons bien mérité. Mais apparemment, la seule chose que nous avons méritée avec tout ça, ce sont des nuages qui bouchent entièrement la vue! C'est malin! Bon, apparemment, le fait que nous ayons emprunté le sentier maudit ne changeait rien à la donne, nous étions de toute manière arrivées un peu trop tard dès le début. Je ne sais pas si j'aurai à nouveau l'occasion de repasser par là, ça m'étonnerait grandement. Peut être le verrai-je depuis l'ULM avec un peu de chance?
Pas la peine de s'attarder ici, les nuages ne vont pas s'en aller magiquement. En plus il est midi, nous avons faim, il faut retourner au parking, et cette fois-ci nous revenons en empruntant la piste et effectivement, ça va beaucoup plus vite et c'est bien moins boueux. On a vu assez de forêt comme ça, on l'a vue profondément, plus la peine d'insister! Sur le chemin, Cécilia se rappelle soudain que Nathan lui a dit quelque chose. "Il faut prendre à droite, ou alors il y a une histoire de sentier botanique". Ledit Nathan me dira plus tard "ah mais vous avez pris le sentier? Mais je vous avais dit qu'il valait mieux éviter", l'information était bien passée apparemment.
Nous redescendons donc à la Plaine des Palmistes vers un restaurant que Cyril nous a conseillé, pour manger de la salade de ... palmiste, figurez-vous. Mais quand nous arrivons, le service est déjà terminé, et pas de chance car c'est parce que le chef doit partir plus tôt. Nous nous rabattons sur un autre petit restaurant qui fait à emporter, Cécilia prend un porc boucané moins gras qu'à Boucan Canot et moi un rougail z'oeufs, avec le F qui se prononce, qui est aussi un plat d'ici. C'est copieux, et ça fait du bien. Pendant que nous mangeons sur le parking, nous sommes visitées par une minette, mais aussi par une dame qui, polie, nous tape d'abord la discute avant de nous demander de l'argent. Mais nous n'avons pas de monnaie. Et bien oui, moi, je suis sensible aux efforts que font ces gens pour essayer de s'intéresser un minimum aux touristes. Il y en a qui n'en font pas.
Nous descendons maintenant sur la côte Nord-Est de l'île, avant de reprendre la route pour Salazie et Hell-Bourg. A l'entrée dans le cirque, petite surprise: la cascade du Pisse en l'Air. D'après ce que j'avais compris, c'était une sorte de cascade inversée, l'eau est projetée vers le haut avant que la gravité ne reprenne ses droits. Probablement que celle-ci fait comme ça, mais nous ne pouvons pas la voir de la route, non, ce qui fait son originalité c'est que l'eau tombe sur le goudron et arrose la voiture au passage. Ew. Le nom fait que l'image n'est pas très propre, mais c'est bien de l'eau qui nous tombe dessus. Après cette douche improvisée, nous pouvons voir la magnifique Cascade Blanche sur le côté, qui mesure 700 mètres de haut ! Et qui se fait pourtant discrète, cachée derrière un piton et visible un peu de loin depuis la route. Ce n'est pas le moment de la prendre en photo, ce sera mieux au retour. Nous franchissons à plusieurs reprises la Rivière du Mât - comme le rhum arrangé, et traversons le petit village de Salazie. A sa sortie, nous arrivons à Petit Sable (où est-il, ce sable?) d'où nous pouvons contempler la cascade du Voile de la Mariée depuis la route. Elle a l'air de descendre du Trou de Fer, d'ailleurs, et ce sont en fait plusieurs cascades qui dégringolent du flanc de la montagne. C'est très photogénique. Une dizaine de minutes plus tard, nous arrivons enfin à Hell-Bourg, et allons nous installer au Relais des Gouverneurs. C'est un gîte un peu plus cher que ce que nous avons pu avoir jusque là, mais Cyril a insisté car selon lui les literies des autres endroits restent humides. Le point fort, c'est que nous avons un chauffage, qui n'est pas de trop! Nous nous reposons, Cécilia part courir, puis fait de la gym en revenant, je me joins à elle pour les abdos. Cela nous a mis en appétit pour le dîner. Nous aurions aimé manger au Relais des Cimes comme conseillé pour la crème brûlée à la vanille, le canard à la vanille, mais d'une c'est fermé, et de toute manière nous avions commandé le repas au gîte. Repas qui n'a vraiment rien d'extraordinaire, mais qui a l'avantage de ne pas être trop gras. Le dessert est une sorte de crème à la fraise, tout ce que Cécilia n'aime pas. Cependant avant de partir, un petit shooter de vieux rhum nous est offert, heureusement, nous avions cru que ce ne serait pas le cas. Il est fort, et nous réchauffe bien. Nous avons l'idée d'essayer de trouver un autre restaurant pour chercher une crème brûlée à la vanille. Il est 20 heures, il pleut, en ville tout est fermé sauf le Ti'chouchou, mais qui ne fait pas de crème. Nous demandons au cas où pour un autre dessert, mais non, c'était le dernier service. Les gars nous avaient prévenues: on se lève tôt, on se couche tôt, à Salazie plus qu'ailleurs. Bon, au moins nous ne sommes pas totalement le ventre vide.
En revanche, le petit déjeuner est presque royal: du pain, deux confitures, un yaourt, un chocolat chaud, des fruits, et du pudding au géranium qui s'avère ... être bon, en fait, on n'a pas l'impression de manger la fleur mais le goût ressemble à du clafoutis! Bien repues, nous entamons notre promenade dans les rues de Hell Bourg. Ca va quand même assez vite, tant le village est petit. Il y a de très belles cases créoles, et un superbe panorama sur le cirque. Et il fait beau, maintenant. Nous passons devant la Villa Folio, une grande case que nous pourrions visiter, mais même au tarif réduit de 4 euros, cela ne nous donne pas spécialement envie, car c'est le jardin le plus intéressant et nous y sommes rentrées en prétendant ne pas savoir qu'il fallait payer. Mais bon en même temps, leur porte est ouverte et il n'y a personne à l'entrée. Le cimetière est assez connu, fleuri, et apparemment c'est grâce à lui qu'Hell Bourg est devenu l'un des plus beaux villages de France. Pas le plus animé en tout cas c'est sûr. C'était une ancienne station thermale très à la mode, mais qui a fini par passer. Il a son charme, mais je crois que je préfère l'Entre Deux. Il y a quelques boutiques dans la rue principale, où nous allons chercher des idées de souvenirs à rapporter, et une visite guidée a lieu juste à côté. La guide parle de l'architecture créole, qualifiée d'indo-portugaise, et s'attarde sur les varangues qui ne servaient pas seulement de verandas et de passage entre le foyer et l'extérieur, mais c'était aussi une vitrine pour étaler sa richesse, on y mettait donc les plus beaux vases, les plus beaux meubles, apparemment sans avoir peur des vols. Elle me repère vite en train d'écouter, me propose de me joindre à eux non pas pour 10 euros, mais pour un tarif réduit exceptionnel de 9 euros! Non, ça ira, merci. Nous repérons aussi que le Relais des Cîmes a ouvert la porte. Nous rentrons dans le restaurant pour essayer une fois de plus de goûter la crème brûlée à la vanille ... Mais ils ne seront même pas ouverts à midi. Je crois qu'il va falloir y renoncer.
Si nous voulons retrouver Nathan et Alizée à l'heure prévue, au lieu prévu, et entre temps faire une petite balade, nous devons nous mettre en route. Nous nous rendons donc à Mare à Poule d'Eau, qui s'appelle comme cela parce qu'il y a une mare avec des poules d'eau dedans. Le village est très proche d'Hell Bourg. Nous pensions faire une balade de 45 minutes, mais nous nous apercevons que nous arrivons rapidement à ladite mare. C'est un très beau spectacle, presque digne des petits lacs canadiens. Pour l'instant, il y a des personnes qui tondent les pelouses, et qui font un beau boucan, mais le lieu sera probablement plus agréable une fois qu'ils auront terminé. Les fameuses poules d'eau ont trouvé un spot inaccessible des touristes, et sont un peu loin pour être photographiées par mon objectif basique. Enfin, les tondeuses se taisent, et nous saisissons l'intérêt de l'endroit: un calme extrêmement reposant. Les gens pêchent, et sont tout aussi paisibles, ce qui change un peu de d'habitude. Les enfants ne courent pas dans tous les sens. Nous ne trouvons pas le départ de la fameuse balade, mais ce n'est pas grave, nous nous contentons de faire le tour et d'observer quelques ruines.
En fait, Mare à Poule d'Eau est un lieu important du cirque, car c'est l'un des premiers à avoir été colonisé par la famille Cazeau. Anciens propriétaires de la région de Saint André, ils sont touchés durement par la crise agricole de 1829 et doivent se réfugier dans les montagnes. Ou plutôt fuyaient quelque chose, car la terre était pour le moins inhospitalière: la Rivière du Mât bouillonnait au fond de cet immense gouffre, et pour s'approvisionner, la famille (eux en personne, apparemment) devait traverser 27 fois la rivière au cours de 6 heures de marche. Et puis, il y eu une violente saison des pluies qui les isola du reste du monde pendant plus d'un mois, et qui les affama. Mais le père, Théodore, avait planté un champ de citrouilles qui leur permit de survivre. Comme le dit si bien le panneau explicatif du lieu, "Un homme qui, le premier, s'est établi à Salazie, qui y a éprouvé sans faiblir de rudes secousses physiques et morales, qui y a enduré la fatigue et la privation sans délaisser le lieu où il a tant souffert, ne doit-il pas être considéré comme le pionnier de Salazie?". Dit comme ça, oui, probablement, même si ça sous-entend que ses enfants et surtout sa femme le regardaient pendant qu'il labourait ses citrouilles ? Quel homme! Peut-être est-ce aussi un Cazeau qui a écrit ça?
Il est maintenant temps de quitter le cirque et de redescendre vers Saint André, non sans nous arrêter pour avoir un beau point de vue sur la Cascade Blanche, tellement impressionnante. Cécilia a beaucoup aimé cet endroit, avec sa végétation plus foisonnante qu'ailleurs, de par la pluviométrie de la région. C'est en effet bien plus humide que Cilaos, pour lequel j'ai encore une petite préférence. Surtout parce qu'il est tout rond.
Nous retrouvons Nathan et Alizée à Saint André, proche du temple du Colosse que nous aurions aimé visiter, ou au moins observer de l'extérieur. Mauvaise nouvelle: il est en travaux. Il est actuellement recouvert de peinture jaune, la base de sa coloration. Le shikara (la tour qui représente la montagne des dieux) est en train d'être peinte, mais le vernis n'est pas encore appliqué. De toute manière, il a beau être le plus grand temple de la Réunion, il ne paraît pas très impressionnant. Mais bon, j'ai très probablement un avis biaisé sur la question. Les temples d'ici ne se visitent que très peu, à certaines heures précises et une fois par semaine, le plus souvent. Les croyants restent dans un cadre intimiste, mais quand on y pense, les touristes ne sont pas censés visiter la Réunion pour ses temples. Sauf moi, qui aurait bien aimé, car après tout c'est toujours chouette d'aller dans un temple. Au moins, cela nous enlève le souci des habits, car Nathan n'a pas de pantalon à jambes longues.
Nous allons manger au restaurant le Velli, qui est juste à côté, car nous avions prévu un point de chute si nous avions un souci pour visiter le Colosse. Ca tombe bien. C'est un restaurant qui a aussi été recommandé par Cyril. Il interdit cependant l'entrée aux voyageurs qui sont arrivés il y a moins de 14 jours. Bien qu'à la base ce soit une bonne idée, ils doivent se baser sur notre bonne foi. Et notre foi est bonne, n'est-ce pas? Nous nous installons et commandons des samoussas au poisson qui sont délicieux, et des plats que nous nous faisons goûter: un civet de zourites qui est bien meilleur que la salade du marché, un coq fermier massalé avec des palmistes (c'est un coeur de palmier amélioré, finalement), et du cabri massalé pour moi. Qu'est ce que c'est bon !! On devrait plus souvent manger de la chèvre en métropole, c'est vraiment dommage que ce ne soit pas dans les moeurs. Mais il y aurait des gens pour être choqués, "c'est pas notre culture, on se fait envahir par les Musulmans, ah rien à voir avec les Musulmans, bon, mais c'est quand même pas de chez nous, on n'est plus chez nous" blablabla. En tout cas, bonne nouvelle, il y a de la crème brûlée à la vanille en dessert !! Nous sautons sur l'occasion, et nous nous régalons aussi. Au moins Cécilia en aura goûté pour son dernier jour ici.
Maintenant que nous sommes repus, c'est parti pour la suite de l'après-midi. Nous allons nous contenter de regarder le temple hindou du Petit Bazar avant de quitter la ville, et le bazar ça a l'air de l'être un peu, avec les travaux et les rues étroites. Nous pouvons le voir à travers les grilles, mais ce n'est bien sûr pas l'heure d'une cérémonie. C'est toujours ça de pris. Bangkok et Singapour me manquent, cependant.
Nous allons maintenant visiter une vanilleraie, au domaine du Grand Hazier à Sainte Suzanne. Sur la route, nous nous arrêtons à la Cascade Niagara, après avoir serpenté entre les cannes à sucre. Elle s'écoule dans un bassin dont l'eau est un peu fraîche. Apparemment, le site appartenait à un accrobranche/via ferrata, à en juger par le pont de singe qui se tend au-dessus de la cascade, et les échelles, filets et cordes de la via ferrata qu'on peut voir encore à flanc de falaise et qui ont été laissés là par l'entreprise qui a fait faillite. C'est un peu bizarre d'envisager que des patrons ont acheté ce lieu naturel pour y faire un parc d'aventures. Les câbles ne dérangent pas les pigeons, bien au contraire, ils y ont élu domicile mais en chassent les espèces endémiques qui n'ont pas le réflexe de s'installer sur des fils comme leurs congénères.
L'heure de la visite arrive. Le Domaine du Grand Hazier appartient à la famille Hoar ... non pardon, Chassagne, et est installé dans une ancienne écurie datant de 1897.
C'est là que les premiers vanilliers venant du Mexique ont été implantés en 1819, dans le but d'en faire une culture florissante. Mais un problème se pose: au Mexique, une abeille endémique permet la fécondation. Car la vanille n'est pas une fleur facile: l'organe mâle et l'organe femelle sont séparés par une languette stérile. Et cette fameuse abeille n'existe pas à la Réunion. Malgré des tentatives pour l'introduire, c'est un échec. Les producteurs se retrouvent avec des plantations de vanille qui ne rapportent pas assez. Les grands chercheurs sont sur le coup, tout le monde essaye de sauver cette entreprise risquée. Jusqu'à ce qu'un jeune esclave de 12 ans, Edmond Albius, trouve par hasard le procédé qui permet la pollinisation. Il s'agit juste de relever la languette stérile et de faire frotter les organes entre eux. Il fallait bien que ce soit un adolescent prépubère qui ait cette idée! Les élites sont tournées en ridicule, et pour la peine, les lobbies de l'époque lancent la rumeur qu'Edmond aurait trouvé cette solution en brûlant la plantation de son maître. Ce n'est pas crédible pour un sou. Ce procédé est encore utilisé aujourd'hui, et cette découverte a permis l'expansion de la vanille de la Réunion: la fameuse vanille Bourbon.
Outre cette technique, cultiver la vanille est une entreprise longue et harassante: d'abord, il faut savoir que c'est la seule orchidée dont le fruit est comestible. Elle ne se développe qu'avec un climat tropical chaud et humide, mais un certain ombrage est nécessaire à son développement. Il faut attendre 3 ans après la plantation pour que les premières fleurs s'épanouissent, et encore elles sont très éphémères et elles doivent être fécondées dans la journée. Sur le domaine du Grand Hazier, ce sont trois agriculteurs qui s'en chargent, dans la période d'octobre à décembre. Une fleur ne donne naissance qu'à une seule gousse de vanille qui met deux mois pour atteindre sa taille définitive mais qui doit encore maturer 9 mois avant d'être cueillie. Elle est entre temps poinçonnée, avec un symbole spécial pour chaque domaine, pour éviter les vols et la retrouver en revente sur les marchés. Elle prend sa couleur chocolat naturellement, mais se fend pour libérer ses arômes. Il faut la récolter juste avant, et la baigner dans une eau à 65 degrés pendant 3 minutes. Ensuite, il faut l'étuver pendant 24 heures dans des caisses capitonnées avec des couvertures pour la faire transpirer. Elle se retrouve donc gorgée d'eau, il faut maintenant la sécher dix jours au soleil, puis plus lentement à l'ombre pendant deux à trois mois. Pendant ce processus, il faut tester la gousse pour voir si on sent les graines, sinon cela veut dire qu'elle est encore trop gorgée d'eau. Quand elle est enfin assez sèche, elle part en caisse de maturation pendant 12 mois. Il faut alors faire attention à ce qu'elle ne moisisse pas. Et enfin, elle peut être calibrée, à la main avec toutes ses copines gousses, et commercialisée. Tout ceci prend environ deux ans minimum. Il faut vraiment, vraiment beaucoup de patience pour arriver à cultiver de la vanille. Et tout ça pour que les parfums populaires actuels soient des arômes de synthèse!
C'est la vanille planifolia qui est cultivée à la Réunion. Elle sent le pruneau, alors que la vanille de Tahiti sent l'anis, et celle de Madagascar le pain d'épice. La guide nous affirme qu'elle possède 2% de vanilline et que c'est la plus forte concentration, et elle passe à 4% lorsqu'elle se givre de manière aléatoire, et que c'est donc elle qui est utilisée dans les recettes de cuisine. Contrairement à la vanille de Tahiti qui n'a qu'1% et qui est utilisée pour les cosmétiques. Alizée est sûre d'avoir entendu l'inverse, vu qu'elle a vécu à Tahiti, et que surtout, elle a rencontré le spécialiste de la vanille de la région, Michel Grisoni, qui lui a tenu le discours inverse. On nous ment ! Peut être y a-t-il une guerre secrète de la vanille, tout comme avec le sucre antérieurement !
[Après vérification quelques jours plus tard, il s'avère que la vanille de Tahiti n'est peut-être qu'à 1% de vanilline car elle possède d'autres arômes qui font sa force ... En cuisine. Les chefs des restaurants étoilés l'utilisent pour leurs poissons. Fake news! Autre info: la Réunion possède des plants de vanille de Tahiti dans l'attente de pouvoir la vendre, mais pour l'instant ils n'en ont pas le droit du fait des conventions nationales.]
La visite terminée, le soleil n'est pas loin de se coucher. Nous faisons une tentative au phare de Bel Air à Sainte Suzanne, mais le panorama n'est pas très bon. Alors, nous reprenons les voitures et nous dirigeons vers le Barachois, la promenade de Saint Denis avec une vue imprenable sur la mer. Nous y arrivons juste à temps mais évidemment, le soleil et les nuages nous font encore le même coup que les deux fois précédentes. Ce n'est pas grave, au moins nous avons visité encore quelque chose de nouveau!
L'heure du départ de Cécilia se rapproche. Nous allons faire les dernières courses, elle achète du rhum arrangé à la vanille, et il est temps de l'emmener à l'aéroport trois heures à l'avance alors qu'il est tout petit, mais les procédures, tout ça. Ce n'est qu'un au revoir! En tout cas moi je ne la revois que dans deux semaines, je le vis bien. De notre côté, nous passons chez Nathan et Alizée, où je rencontre leur chat (démon) Mochi, qui grignotte tout et n'importe quoi. Puis, nous allons dans Saint Denis pour manger des gaufres salées et sucrées à la Waffle Factory. Très bonne soirée! Nous nous disons à bientôt car les aventures ne sont pas finies ... Surtout que Nathan a fini par me convaincre de randonner dans Mafate!