Boum, voyage surprise et improvisé au dernier moment! Il va me mener à la grande fête de la Bière, mais pas que: à la découverte de quelques merveilles de Bavière et de Suisse!
Du 19 au 29 septembre 2019
11 jours
Partager ce carnet de voyage

I'm back! Dix jours avant la date de départ, me voici en train de prendre la décision d'aller voir à quoi ressemble l'Oktoberfest, celui de Munich le seul le vrai, tant que j'en ai encore le temps sans prendre de congés. J'aurais préféré y aller avec des amis, mais fin septembre, c'est difficile de m'accompagner. Je passe par la Suisse car cela fait longtemps que j'ai envie de m'y promener. J'ai fait le choix de ne rester qu'à Lucerne et Berne, qui me semblent être les villes les plus mignonnes. Au départ, j'y avais rajouté Genève, Lausanne, Fribourg et Zürich, mais le budget allait exploser et cela risquait d'être un peu trop long toute seule hors saison.

Pour m'y rendre, je propose des covoiturages. J'ai de la chance, ma voiture est pleine sur quasiment tout le trajet. J'embarque avec moi une mamie de 85 ans qui me fait la conversation pendant tout le trajet et est ravie de son premier covoiturage. Je dois la laisser attendre seule sur le parking car malheureusement je me suis trompée dans une sortie d'autoroute ... Rentrer dans Annecy nous fait ensuite perdre un peu de temps mais avec ma dernière passagère, nous arrivons à la frontière suisse à l'heure que Blablacar prévoyait. Je vais prendre la vignette, qui permet de circuler sur les autoroutes toute l'année pour seulement 36,50€, très pratique !

Genève s'étend le long du lac Léman, enfoncée dans le territoire français. J'aurais aimé avoir le temps de voir le jet d'eau, l'Horloge Fleurie, mais mauvaises surprises: les feux rouges sont extrêmement longs et les voies de circulation sont bizarres. J'entends par là qu'en France, le prolongement de la voie dans une rue, c'est la voie du milieu ou de droite. Ben non, ici, c'est la voie de gauche. Et ça mène à toutes les confusions possibles et inimaginables, surtout que les feux sont en alternance. Quelle galère ! Cela ne me donne pas tant envie de rester, ni même d'y retourner en revenant. C'est la ville de Rousseau, j'aurais dû m'y attendre.

Je ne peux même pas utiliser mon téléphone convenablement car la Suisse n'étant pas dans l'UE, je paie plus cher. Je trouve cependant mes deux covoitureurs à la gare routière sans trop de souci mais je n'ai pas le temps de manger. Celui qui est francophone me dit que les Suisses n'aiment pas les Français car ils conduisent mal. Je n'échappe pas à la règle aujourd'hui. Je le dépose à Lausanne, dans le centre, une ville moins embêtante que Genève, mais quand même.

Avec ma dernière passagère, nous filons jusqu'à Sion. L'autoroute offre de beaux panoramas sur le lac Léman, sur les vignes du Lavaux qui s'accrochent aux pentes des montagnes... C'est beau mais impossible de s'arrêter pour une photo, d'autant plus qu'elle doit être à 18h pile devant la gare. Notre timing est parfait. Il y a des châteaux à Sion, fameux pour son évêché, mais après dix heures de trajet, je n'ai pas le courage d'aller visiter.

Mon B&B se trouve à Grône, à un petit quart d'heure de Sion. Je n'ai pas trop eu le choix, mais je suis dans la campagne, un peu loin du tumulte, avec une très belle vue sur les côteaux. La vallée n'est ici pas trop encaissée, mais le dénivelé monte très vite, ce qui donne l'impression que les villages s'accrochent à la verticale à flanc de montagne. De gros talus rocheux s'éparpillent ça et là. Après un petit coup de stress car le B&B semblait vide (il fallait appeler l'hôte), je vais prendre un bon repas bien mérité, une bonne bière, et au lit. Le matelas est confortable, la couette est en plumes et invite à se blottir en-dessous bien au chaud, car la différence de température se fait sentir!

• • •

Réveillée assez tôt, j'en profite pour me préparer avant le petit-déjeuner. J'admire la vue peu banale pour moi, où le Rhône n'est qu'une rivière de montagne: son eau bleue-verte paraît si pure. L'hôte est là ce matin, et j'apprends deux-trois choses sur la Suisse: l'apprentissage de la seconde langue nationale (français ou allemand) se fait à partir de 7 ans tandis que l'anglais est appris à partir de 10. Les deux autres langues nationales sont l'italien (parlé dans le canton du Tessin à Lugano où nous étions passées avec les copines) et le romanche (canton des Grisons) qui est un savant mélange d'allemand et d'italien. Après un croissant et de la confiture, me voilà en route. Avec un petit chronométrage puisque je dois récupérer un autre covoitureur, Marouen, en début d'après-midi. Premier contretemps: l'autoroute est fermée sur plusieurs kilomètres. La nationale me ralentit. Je finis par arriver au pied des montagnes, et quitte le canton du Valais pour celui d'Uri. La transition de paysage se fait en douceur mais je me rends compte assez soudainement d'à quel point le paysage devient beau. Les premières routes à virages en épingle à cheveux me font monter en altitude ... Je découvre de magnifiques pâturages verdoyants et même des sommets éternellement enneigés. Des bottes de paille, des vaches, des chalets en bois aux balcons fleuris ... Je me croirais dans une carte postale ! Je m'arrête pour prendre des photos quand je le peux mais j'aurais volontiers filmé l'intégralité de mon trajet. Le temps est magnifique, je suis si chanceuse ! Mon seul regret est de ne pas pouvoir acheter de fromage maintenant, faute de moyens pour le conserver. À nouveau, des virages serrés, et je passe le col de la Furka avec une vue imprenable sur la chaîne Sidelen. La route continue, je traverse de petits villages tous aussi beaux les uns que les autres mais qui au final finissent par se ressembler. Une dernière montée jusqu'au col d'Oberalppass où je m'arrête manger, à la frontière d'Uri et des Grisons. Un civet de cerf avec des spätzles, de la sauce aux airelles, un marron ... Une vue magnifique. C'est dépaysant.

Sauf que je suis à la bourre. J'envoie un message à Marouen pour lui dire que je serai là dans 1h30 ... Il s'avère qu'il n'a pas compris car il arrive trop tôt, patiente pendant une heure et m'appelle toutes les 30 secondes pendant que j'ai affaire à une route pleine de virages descendants qui me donnent un peu la nausée et des camping-cars lents et difficiles à doubler. Je fais de mon mieux et j'ai du mal à profiter du reste de la route avec ces appels incessants, tu comprends pas que je suis au volant ? Je finis par le récupérer à Bad-Ragaz, ville très calme et très verte de l'autre côté des Alpes. Je me montre sympathique, histoire de ne pas avoir de mauvais avis. Et nous parlons tellement que je rate la sortie pour Munich au niveau du lac de Constance. Je dois m'y reprendre à trois fois à l'embranchement des autoroutes dont une erreur de Marouen pour me rendre compte que nous sommes 20km trop loin. Et à ma décharge, une fois revenus sur nos pas, je m'attendais à continuer sur l'autoroute mais non, il fallait en sortir, passer la frontière autrichienne, traverser des villes ... Quel bazar, heureusement qu'on ne paye plus l'autoroute. Je n'en peux plus de ce trajet, je suis heureuse d'enfin trouver l'autoroute pour l'Allemagne ! Tout le monde va soudain à fond, vu qu'il y a des portions sans limite de vitesse, puis il y a des ralentissements dûs à des accidents ... Je prends mon mal en patience en pensant au fait que ça vaille le coup, tout cela. Nous voici sur le périphérique de Munich, des bouchons, évidemment. Je dépose Marouen et 20 minutes plus tard, je me gare enfin devant mon hostel après un trajet de 10h30. Je vais manger à une petite trattoria italienne car ici il n'y a que ça d'ouvert, c'est une zone industrielle avec des bureaux et ... Des strip-clubs. Ok. En tout cas je mange très bien pour moins de 10 euros. Et je vais vite me coucher !

Un océan de bière

L'Oktoberfest

C'est le grand jour !

Je suis réveillée très tôt et décide de partir vers 7h30 pour avoir une bonne place pour assister à la parade d'ouverture de l'Oktoberfest. Sauf que je me suis trompée dans l'heure et elle commence à 10h45 et non 10h, me dit un couple de retraités d'Alençon avec qui je sympathise. Cette levée aux aurores était parfaitement inutile: il fait froid (6 degrés) et j'erre sans but précis autour de la place d'où les chars doivent partir. Tout ça pour au final décider de me rendre à Theresenwiese, où se tient le festival, car ça serait chouette de les voir arriver. Entre temps il est 10h, la température remonte et il y a déjà du monde. J'en profite pour entrer dans la tente de la Hofbräu où tout le monde est déjà sur le pied de guerre en attendant l'arrivée de la bière à midi. Je vais aussi dire bonjour à Isa, ma copine de Bolivie qui travaille là ! Trop chouette de la revoir ! (Ce n'est pas elle sur la photo).

 Sous la tente Hofbrau

Mais la parade arrive bientôt donc je trouve un endroit que je pense stratégique, mais qui ne le sera pas au final. Du monde me passe devant et se bouscule, tandis que les charrettes de la (la parade des aubergistes et des tonneaux de bière) arrivent au son des fanfares. C'est chouette mais c'est un sacré bazar, les chevaux se cabrent ... "l'enfant de Munich", une jeune femme blonde, mène la parade. Comme l'explique la dame à côté de moi, "ce n'est pourtant plus une enfant". Le maire de Munich arrive ensuite à la tente de la Schottenhamel pour ouvrir le premier tonneau symbolique. "O'zapft is!" crie-t-il, signifiant "la bière est servie", et c'est parti pour la beuverie.

L'Oktoberfest est à la base fait pour célébrer le mariage du roi Ludwig avec la princesse Thérèse. La date de début a cependant été avancée en septembre pour profiter des beaux jours. Et ça c'est une bonne idée. Il y a une sacrée ambiance même en dehors des tentes: quasiment tout le monde, hommes comme femmes, porte un costume traditionnel bavarois. C'est comme un immense concours du même cosplay. J'aime beaucoup le côté fête foraine, car j'y suis assaillie de plein d'odeurs: pain d'épices, cannelle, gingembre, frites, saucisses, flammekueches ...

Je me dis qu'avant de boire, je ferais mieux de faire les manèges. J'opte pour des chaises volantes à ... 80 mètres de haut ! J'ai senti mon estomac me remonter dans la gorge. Derrière moi, des gars hurlent à plein poumons. Je risque de petits regards timides vers le bas, vers les toits de Munich ... Argh! Je finis par me sentir un peu plus à l'aise mais quand même ! Ça ne dure pas assez longtemps pour que je m'habitue totalement.

Ensuite, je me dis qu'un manège plus calme, ce serait pas mal. Je monte dans une sorte de train fantôme en réalité virtuelle. Enfin non ce n'est pas un train fantôme, c'est un voyage dans le temps, mais c'est le même principe d'être sur des rails et de passer de pièces en pièces. Je me dis que vus de l'extérieur, on doit avoir l'air bêtes à crier de surprise ou à s'émerveiller devant des barres de fer. C'est assez bien fait mais ça donne un peu envie de vomir ... Vite, une grande Bradwurst ! Un hot dog, quoi. Qui coûte un bras car tout est deux fois plus cher à l'Oktoberfest.

Je suis maintenant décidée à goûter la bière, je retourne à la tente d'Isa et essaye de trouver une place dehors, quelle chance qu'il fasse beau ! Je finis par aborder des étudiants Erasmus de l'université de Milan qui m'accueillent parmi eux. Ils sont vraiment chouettes ! La bière arrive dans sa chope d'un litre, tellement lourde que j'en ai mal au dos chaque fois que nous trinquons. Et c'est souvent. Quelle ambiance, c'est trop rigolo !

Une seconde chope de bière attaque ma sobriété. Je finis par suivre les Erasmus pour leur tour de la ville en fin d'après midi. Natalia, une Polonaise, est assez mal en point mais assez légère pour que je la soutienne. Sur la route de ce City tour, nous perdons le guide au moins deux ou trois fois. Puis, je m'incruste sur les photos de groupe, sans que les autres du plus grand groupe ne s'en aperçoive mais ça fait bien rire mes nouveaux copains. Finalement, nous nous promenons seuls dans les rues. Mais arrive 19h30, ils doivent repartir vers l'Oktoberfest pour prendre leur bus de retour à 20h30. Ils me manquent déjà !

 Profitons-en tant que la lumière est belle!
• • •

Exploration tranquille

La parade du dimanche

Je comprends mieux pourquoi les Allemands boivent autant d'eau pétillante, ça limite la casse, mais pas la fatigue par contre. Je me lève tôt une fois de plus pour une autre parade, la Trachten und Schützenzug qui est le défilé des tireurs avec plus de 9 000 participants costumés. J'en croise quelques uns dans le métro. Cette fois ci, je me mets au point de départ, la Maximilianstraße, une heure avant mais les gens n'affluent qu'au dernier moment.

Une "préparade" a lieu à 9h30. Très courte, pas mal mais ce n'est rien à côté de la vraie. Au moins, j'ai récupéré un coeur en pain d'épices qui dit probablement "j'adore BMW", c'est mieux que rien. Oui car tout le monde défile: les pompiers, les sponsors, les policiers, les chasseurs, les gueux (et oui), les patrons des tentes, des chars aussi qui représentent Neuschwanstein et euh, des chambres à coucher ... Pourquoi ?

Promenade dans les rues de Munich

Le défilé dure jusqu'à midi, mais le froid commence à me geler les os. Je quitte un peu avant la fin, me rendant sur la Platzl (oui c'est son sobre nom) avec l'intention de manger à la Hofbräuhaus, la brasserie. Mais celle ci est déjà pleine, chère, et les éclats de voix résonnent. J'opte pour le restaurant d'en face, qui me sert des boulettes de porc avec de la purée et de la citrouille, miam.

La fatigue de la veille se fait sentir, et je dois rester motivée pour ne pas m'endormir. Je fais un tour dans les rues de la vieille ville, attentive aux petits détails des façades. Je me trouve maintenant au Viktualienmarket, le marché des victuailles, mais comme on est dimanche il est fermé. C'est dommage car tout le monde en dit du bien. Je repasse sur la Marienplatz oú se trouve le Neues Rathaus, le bel hôtel de ville de style gothique (pourtant bâti dans les années 1900), mais aussi celui qui l'a précédé dans ses fonctions, ainsi que l'église Altes Peter et son haut clocher. J'emprunte des rues que je n'ai pas parcourues la veille, et j'arrive à la Frauenkirche et ses deux tours, lieu symbolique de Munich. L'intérieur a beau être grand, je ne l'apprécie pas autant que celui de l'Asamkirche, baroque à souhait avec ses profusions de détails. Je rejoins cette église en empruntant plusieurs petits passages qui révèlent des cafés à l'écart de la rue et bien sympathiques, cela donne l'impression de passages secrets.

Mais je ne profite pas à 100% et décide de retourner me reposer à l'hostel. Après tout en métro ça va vite. Je dois dire que je l'apprécie beaucoup, il n'est pas trop grand et vraiment bien pensé pour limiter les déplacements. Par exemple à la station Innsbrucker Ring, en descendant du U2, on fait la correspondance avec le U5 qui arrive sur le quai d'en face et attend que les gens traversent le quai. Aussi, il n'y a pas énormément de voies pour une même station car les rames peuvent emprunter la même voie et se succéder toutes les deux minutes sans se gêner. C'est un vrai travail d'horloger. Même le dimanche, en journée l'attente est de 10 minutes. Oui, en tout cas moi qui aime les métros, je leur tire mon chapeau.

Après une longue pause, je me motive tant bien que mal à quitter mon lit pour aller me promener dans le quartier de Haidhausen, repère des artistes et des hipsters. C'est aussi un endroit historique: il s'agissait du quartier pauvre, de ceux qui ne pouvaient pas franchir les portes de la ville de nuit (n'ayant pas acheté "le droit de cité"), puis au 16e siècle les artisans comme les tanneurs, les ébénistes, les plombiers ... Ils se partageaient entre familles des maisons comme le Kierchbaumhof, curiosité datant de 1760. En 1870, la victoire contre les Français permet de renflouer les caisses et faire rénover le quartier. En cet honneur, ils élargissent les rues, les places, et leur donnent des noms de villes françaises qui correspondent à des batailles gagnées (comme nous avec Iéna, quoi). Maintenant, c'est l'un des quartiers les plus agréables de Munich, il respire le calme et la douceur de vivre, surtout en cette fin de journée.

La nuit commence à tomber et je décide de repartir sur le site de l'Oktoberfest, que je n'ai pas vu de nuit. Beaucoup plus de monde à cette heure-ci, et un sacré turnover. Les gens sont bourrés à toute heure pendant l'ouverture, donc certains s'en vont aussi à la tombée de la nuit. J'ai plusieurs spécialités à goûter: un sandwich au saumon grillé à la flamme, des chips maison, des épis de maïs, une brochette de fraises enrobées de chocolat ... Mais ça coûte cher, très cher, pour une petite quantité. L'Oktoberfest, c'est commercial. Les gens s'amusent bien autour de moi, ils chantent, ils dansent, ils courrent, ils crient ... C'est chouette. Je teste mon portable en photos de nuit et je dois dire que je suis conquise. Et puis, on m'avait avertie de la viande soule, mais je n'ai pas eu trop de soucis, j'ai juste vu un homme qui semblait complètement plein à sa façon de marcher et qui a dû s'agripper aux barrières.

• • •

Un peu de culture

Dachau

GROSSE AMBIANCE. J'ai décidé d'aller visiter le camp de concentration, histoire de me challenger un peu. J'avais déjà visité Mathausen en Autriche, avec mon père, et j'en garde un souvenir écrasant. En plus aujourd'hui, il pleut. Dachau n'est qu'à 16 km en voiture.

Il y a quand même du monde venu pour se recueillir, ou en quête de sensations macabres. Il ne reste que quelques baraquements, témoins de l'horreur. Je retrouve la sensation d'écrasement déjà ressentie 9 ans plus tôt, comme si le ciel était très lourd au-dessus de toute cette grisaille. Et le camp est grand, trop grand, 10 000 personnes y ont trouvé la mort dans les premières années et il avait dû être agrandi. Je n'ai pas envie de refaire des recherches pour donner le chiffre exact. Je me dirige vers le crématorium et les chambres à gaz, qui ont été pensés "à la chaîne" car on passe d'une pièce à l'autre comme dans une usine de la mort. Je commence à me sentir très mal, très oppressée. Visiter un camp avec quelqu'un, c'est une chose, mais seule, c'est bien plus éprouvant. Je me mets à pleurer devant le mémorial. J'ai l'impression d'être dans un cauchemar. Les lieux de culte ont pourtant pris la place des horreurs, mais tout de même. On y trouve une église protestante bien glauque, une synagogue (heureusement), une église catholique, un couvent (ancien "terrain de jeu" que le chef avait fait construire par les détenus). Il y a aussi un musée, avec des photos des détenus sur lesquels on faisait des expériences pour repousser les limites du corps humain. C'en est trop, je n'y arrive plus, je pars. Dans la cour, j'entends des jeunes rigoler, je me dis que c'est pour relâcher la tension. J'espère. En sortant, j'ai une totale sensation d'irréalité, j'ai du mal à revenir à la vie normale, comme si je me réveillais d'un affreux cauchemar. Je suis complètement à l'ouest, et cette sensation va persister jusqu'à la fin de l'après-midi.

La Residenz

Je retrouve les rues animées de Munich avec un certain soulagement. Bizarrement, tout cela ne m'a pas coupé l'appétit, au contraire j'ai faim mais il m'était impossible de m'arrêter manger à Dachau, j'avais juste envie de m'enfuir des lieux. Après une longue hésitation, j'opte pour le restaurant de l'Hôtel de Ville.

Puis, après quelques hésitations, je vais visiter la Residenz car il y a tout de même de jolies pièces. C'est le palais des ducs, princes-électeurs et rois de Bavière. Attendez, c'est quoi un "prince électeur"? L'électorat était composé de trois clercs et quatre laïcs (des Nobles) dans le but de désigner l'Empereur du Saint Empire Romain Germanique. lls étaint quasiment indépendants de cet Empereur car ils règnaient sur leurs territoires respectifs. La Residenz elle, dans sa première version, date de 1385 et a été améliorée depuis. Le dernier Roi de Bavière, Louis II, y avait fait ajouter une serre, un lac artificiel et un pavillon mauresque, au-delà de toute convention. Mais nous reparlerons de lui dans le prochain article.

Pour la suite, il devait y avoir une visite guidée de l'Hôtel de Ville à 15h30, mais celle-ci est en Allemand exclusivement. Tant pis, il est tout de même accessible au public puisque que, quand même, des gens travaillent ici et d'autres viennent pour leurs papiers administratifs. Et ça doit être sympathique ... Le Neues Rathaus est souvent comparé à Poudlard de par ses escaliers, ses arches et ses couloirs gothiques. Même s'ils ne bougent pas dans tous les sens, le bâtiment est quand même splendide. Et puis, le clou de la visite est la bibliothèque de droit, Juritisches Bibliothek, qui est censée nous propulser tout droit dans La Belle et la Bête. Très bien. Au détour d'un couloir, je tombe par hasard sur sa porte d'entrée, et ils ouvrent la bibliothèque exprès pendant un quart d'heure après le départ des étudiants, pour la visite. Enfin ... Plutôt pour les photos. Je ne dis rien, je vous laisse regarder les vidéos.

INSTAGRAAAAAM 

On peut aussi monter dans la tour pour avoir une superbe vue sur Munich. Même s'il ne fait pas beau, ça vaut le coup d'aller jeter un oeil! Un ascenseur m'emmène tout en haut, d'où je peux voir toute la ville, quasiment seule. Tout à coup, la cloche retentit: oh non! J'ai oublié qu'il y avait le carillon à 17 heures! Et il est juste en-dessous de moi ... D'ailleurs, je vois tous les gens tout en bas qui le regardent. J'hésite, est-ce que je vais avoir le temps de descendre? Finalement oui, je n'en ai raté que la moitié. C'est mignon, les carillons.

Carillon my Wayward Son 

Je finis la soirée assez originalement dans un restaurant afghan. Il y en a une vingtaine à Munich! De l'agneau, du riz avec du safran, de la cardamone, des pistaches, des amandes, des raisins secs, des aubergines et des tomates, et de la sauce au yaourt. Je ne me souviens malheureusement plus du nom du plat, mais c'était délicieux.

• • •

Le château de Nymphenburg

Je rassemble mes affaires et part de l'hostel sur le coup des 9h30. Mais avant de quitter Munich, j'ai un dernier site à visiter, qui est sur ma route: le château de Nymphenburg. De sa traduction "le château des nymphes", il s'agit de la résidence d'été des Wittelsbach (les Rois de Bavière et du Palatinat), il a été terminé en 1730. C'est là où est né Louis II.

Ce palais est d'autant plus intéressant que les panneaux explicatifs racontent les dramas des personnalités qui y sont représentées ou y ont vécu. Une pièce remplie de tableaux de femmes de la cour de notre Louis XIV montre la Duchesse de Berry, mariée à 14 ans, veuve à 19 ans, morte jeune dans le scandale. Marie-Léopoldine, mariée à 18 ans au prince-électeur Karl Theodor, 70 ans. Elle refuse d'obéir à son mari et de lui donner un héritier. Quatre ans plus tard à sa mort, elle négocie l'héritage de la lignée des Wittelsbach plutôt que les Habsbourg, ce qui était plus compliqué. Elle est donc devenue très populaire en Bavière, et dirige plusieurs propriétés. Elle était aussi l'équivalent d'un trader de l'époque, une belle féministe! Le roi Louis I était fasciné par les femmes, par comment leur beauté s'exprimait dans l'art (enfin, pas que). Passionné par Lola Montez, une danseuse, cet amour mènera à la Révolution de Munich en 1848. Dans le palais, c'est toute une salle qui est dédiée à des portraits de femmes ...

Il y a un musée dédie aux carrosses, qui est assez intéressant. On y apprend que les voitures royales étaient équipées de suspensions modernes pour l'époque, qui allait d'avant en arrière du corps du véhicule. Ils étaient parés de symboles royaux: un coq pour la diligence et la force dans la bataille; un aigle pour la royauté; un sphinx masqué pour les arts; un faucon pour la vitesse, l'orgueil et la chevalerie; les lions pour la Bavière.

Dans les jardins royaux se trouvent plusieurs pavillons: Amalienburg construit pour la reine Amélie, Badenburg qui contenait une piscine privée pour les électeurs, et Pagodenburg pour prendre le thé. Ce parc comprend une grande forêt, qu'il est agréable de traverser. Faire tout le tour me prendra environ une heure.

Et au terme de cette visite, je prends une dernière fois le périphérique, direction Füssen et le château de Neuschwanstein !! En espérant que le temps ne se gâte pas trop.

Le château de Neuschwanstein

Le suspense était à son comble: on ne pouvait réserver des places que 48 heures minimum à l'avance, ce qui était trop tard pour moi. La visite de l'intérieur du château dépendait des places restantes dans un groupe avec un guide, donc ce n'était pas si gagné que ça.

Le village d'Hohenschwangau se trouve à environ deux heures de route de Munich, et après avoir traversé les vertes collines bavaroises en direction des Alpes, j'aperçois enfin LE château dont je rêvais depuis quelques années, fin 2016 probablement. Quelle émotion! Il se détache du paysage, des montagnes acérées qui sont à elles seules déjà magnifiques. Elles servent d'écrin à ce magnifique bijou. A Hohenschwangau, il y a déjà le château du père de Louis II, qui devait faire son petit effet avant la construction de celui de son fils, mais qui maintenant semble réduit à l'état de maquette. Et oui, Louis II a construit son merveilleux château au-dessus de celui de son père, comme pour l'écraser. Mon psycho-sense s'active très très fort.

Finalement, je parviens au kiosque pour les tickets, et il s'avère qu'il en reste pas mal ... Je choisis une heure de visite avec audioguide, comme ça il sera en français. 17h30, j'ai pris large pour pouvoir me promener aux alentours et faire une petite randonnée pour atteindre un beau point de vue, d'après ce que me dit Maps.me. Mais il semblerait qu'il y en ait pour 1h50 de marche, toujours d'après l'application ... Après manger, il est déjà 15h et quelques, mais je ne perds pas espoir pour autant. Les touristes montent à la queue leu leu sur la route goudronnée, mais je prends un autre chemin qui monte dans la forêt, plus court. Comme d'habitude, je souffle et je souffre dans la côte, mais au bout d'un moment je trouve un certain rythme et surtout, de la motivation. J'aimerais bien ne pas avoir ce souci de régulation et monter tranquillement ... Mais j'y parviens, à l'endroit où le bus dépose les touristes, mais je suis contente de moi. Et ce n'est pas fini. Je me dirige vers Marienbrücke, le pont suspendu qui offre une magnifique vue sur le château. En effet, et 400 personnes sont aussi là pour en profiter et se pressent sur la petite passerelle sans avoir peur qu'elle ne cède et s'écrase en contrebas. Moi, je ne m'attarde pas trop ... Je traverse le pont pour trouver le sentier de l'autre côté. J'arrive à un premier belvédère mais la vue n'est pas bien différente. Je trouve l'autre sentier, celui qui mène plus haut et plus loin, et qui monte un peu plus haut dans la montagne. Il y a un bon dénivelé mais mes muscles sont chauds, par contre il est 15h50, on va dire que si je n'y arrive pas à 16h30, je retournerai sur mes pas pour ne pas rater la visite, ce serait bête. Mais au final, à force de volonté, je ne mets qu'une demi-heure pour monter, et la vue vaut le coup! Il n'est pas possible de se trouver pile face à l'entrée du château sans drone, mais là on le voit bien d'au-dessus, ainsi que la plaine, le lac d'Alpsee, les montagnes ... Je suis vraiment fière de moi.

 Je n'ai pas réussi à me décider quelles photos mettre, alors j'en mets plein. 

Mais voici déjà le moment de redescendre, j'ai même le temps de me prendre un Ice Tea bien mérité en attendant l'heure, et en évitant d'attraper froid surtout. L'heure arrive, il faut attendre que son numéro de visite soit affiché et on scanne le code barre à l'entrée, et pour ce faire on n'a que cinq minutes. Par contre, petite déception: les photos sont interdites à l'intérieur. Bien, tant pis. Je comprends vite pourquoi ...

On aurait envie de prendre TOUT en photo, ce qui moi m'aurait bien pris une heure entière rien qu'à trouver le bon angle et à choisir ce que j'allais prendre. Ce qui n'est pas possible, vu les hordes de touristes chinois qui s'y pressent. Il faut que ça bouge vite, pour ne pas encombrer ces salles ...

Magnifiques. Féériques. Folles. C'est juste fou. C'est le mot. J'en perds un peu plus mon vocabulaire à chaque embrasure de porte passée. Le début de la visite nous mène dans la salle du trône. C'est une chapelle byzantine, en fait, dont les murs sont recouverts d'or. Tout est très bien conservé, le château ayant été bâti dans les années 1900. C'est très grand, imposant, et l'architecture mêle plusieurs styles. Sur les peintures murales, on peut voir Jésus devant un arc-en-ciel, mais aussi les représentants des quatre plus grandes religions sur les autre murs. Et aussi un lustre médiéval encastré de pierres précieuses.

Vient la chambre de Louis II, dont le lit est flanqué de flèches gothiques comme une cathédrale. Où que l'oeil se pose, l'objet est ouvragé: le bureau, le rideau, le drap, le mur, le sol ... C'est surnaturel. Nous passons dans une salle dédiée au chevalier Lohengrin, de la Table Ronde, à laquelle Louis II s'identifiait. Il admirait beaucoup l'opéra de Wagner qui s'y consacrait, et le symbole du cygne qui y est rattaché. Alors, il y a beaucoup de rappels au cygne dans cette pièce, notamment une grande porcelaine. Ensuite, il s'identifiera plutôt à Galaad et sa pureté.

A ce stade, les détails donnés par l'audioguide sur Louis II de Bavière font nouveau sens. Louis n'a jamais eu une bonne relation avec ses parents, est-il dit pudiquement, et lorsqu'il monte sur le trône à 18 ans, il n'a aucune idée de comment régner. Il préfère s'enfermer dans son monde imaginaire, est-il relaté. Lorsqu'il fait construire Neuschwanstein, c'est pour s'y retirer, et c'est pour cela que l'architecture intérieure peut paraître hétéroclite, car il veut tout en même temps: le Moyen-Age qu'il idéalise, les légendes qu'il aime, les religions, l'Histoire de différents pays, il n'y a aucune limite. Pourtant, il parvient à rendre le tout harmonieux, mais après tout, les psychotiques font de géniaux artistes. Louis II est incapable de régner, et il finit par se faire destituer en 1918 par son Conseil, ce qui met fin à la monarchie de Bavière. Il meurt peu de temps après et ne verra jamais son château de contes de fées achevé.

Pensive, je continue la visite sans quitter mon groupe. C'est alors que nous passons dans ... Une grotte. Une PUTAIN de grotte, en plein milieu du palais, là, pour relier deux chambres! Que, quoi ?! Sérieusement! Les choses redeviennent normales quand nous passons dans un magnifique jardin d'hiver qui contemple les montagnes. D'autres pièces richement décorée qui estomaquent à chaque entrée, et puis la dernière pièce, pour faire des réceptions ... appelée la salle des chanteurs, ou des chevaliers. Elle est malheureusement en travaux. Il y a une sorte de jungle peinte sur l'un des murs ... Etonnant et détonnant, une fois de plus. Et la visite s'achève ainsi. Si Neuschwanstein a un défaut, c'est que la visite est courte, beaucoup trop courte! Je reste sur ma faim, avec l'impression que le château n'a pas livré tous les secrets dont il est plein, qu'il y a encore plein de choses devant lesquelles s'émerveiller, mais probablement que non.

Sur le chemin du retour, je me retourne plusieurs fois pour le voir encore et encore. C'est probablement le plus beau château que j'aie vu de ma vie, et je ne dis pas cela en vain, j'en ai vu plein. Il transcende tout ce qui est connu, mais il renferme finalement une bien triste histoire: celle d'un jeune roi, probablement schizophrène, qui se retrouve au pouvoir sans n'avoir rien demandé et qui n'aspire qu'à vivre dans son monde imaginaire, caché dans les montagnes, protégé par sa forteresse ...

Füssen

Quelle journée! Pourtant je ne me sens pas épuisée. Je vais manger dans le centre ville de Füssen, là où se trouve mon hostel. Tout de suite, je flashe sur la petite ville bavaroise, voyez plutôt.

COUCOU 

J'ai même le temps d'y retourner le lendemain. Le temps n'est toujours pas au beau fixe, mais il y a quelques éclaircies de temps en temps. J'aime tout de même beaucoup ma petite promenade, de toute manière je traîne jusqu'à midi, car je récupère une covoitureuse. Mais vers 11 heures, je me dis que j'ai le temps d'aller à la frontière du Tyrol, matérialisée seulement par une sorte de totem (dont j'ai raté la photo). Facile d'aller en Autriche! Mais ce fut très rapide, car je devais retourner d'où je venais ...

Et me voici repartie pour cinq heures de route, direction Lucerne. Au revoir, l'Allemagne, à une prochaine fois! (Maintenant, il va falloir que j'aille à Cologne, à Francfort, dans la Forêt-Noire ...)

Au passage de la frontière autrichienne, je dis adieu à ma 4G et aux SMS pour quatre jours ... Je récupère mon second covoitureur non loin de là, en bénéficiant encore du réseau européen. Mais après, c'est fini. Sur ses conseils, nous reprenons la route de Coire et de Bad-Ragaz car lorsqu'on se dirige ensuite vers Zürich, la vue est magnifique.

J'étais déjà passée devant le Liechstenstein à l'aller mais je ne l'avais pas mentionné. Quel étrange, minuscule petit pays. Il se compose d'un flanc de montagne qui surplombe l'autoroute, de deux ou trois villages (la capitale Vaduz est toute petite), d'un château, et c'est assez à-pic, pour certains villages on dirait presque que les maisons sont superposées. Il monte jusqu'en haut de la montagne, et au sommet c'est à nouveau l'Autriche. Et voilà, c'est tout. La géopolitique, c'est rigolo.

Bonne idée de prendre cette route, car nous longeons de magnifiques lacs. La Suisse, ce n'est pas bien grand, Zürich n'est qu'à peu de kilomètres. Même si en arrivant, je me trompe de voie, je passe sous un tunnel, fais demi-tour, repasse sous le tunnel, dépose la covoitureuse, et repasse encore sous le tunnel car c'est la route de Lucerne. Je laisse mon dernier passager proche du centre-ville, et m'en vais me poser et me relaxer après cette route. Ma première constatation: la Suisse, c'est cher, vraiment cher. Un franc suisse c'est 1,10€, donc la différence est négligeable sur de petits prix, comme ceux des restaurants qui proposent une pizza à 18 francs. Heureusement il y a un supermarché juste à côté de l'hostel, qui me permet de me faire un repas pour "seulement" 10 francs. Il ne m'en reste que 13 d'ailleurs, et impossible de changer ma monnaie maintenant. Retirer de l'argent, c'est avoir une grande commission sur la carte bleue (4% du retrait!), le plan était de changer à la frontière sans taxes mais sur le moment, j'ai oublié. Dommage. Mais au moins avec mes courses, j'ai du bon fromage, du jambon fumé, des pâtes ... Ca fera l'affaire.

• • •

L'hostel est tenu par des Coréennes, alors quoi de plus original que de manger du fried rice pour le petit déjeuner en plein milieu des montagnes suisses?

L'avantage des hostels en Suisse, c'est qu'ils donnent souvent des cartes de bus gratuites illimitées pendant le séjour, ce qui fait économiser 2,50F à chaque fois et ce n'est pas négligeable. C'est d'ailleurs rigolo de parler de francs, en plus je suis dans la partie germanophone de la Suisse, c'est comme un voyage dans le temps. Donc, je me mets en quête de changer mon argent, ce que je fais à la gare avec une commission de 4 francs. Ca me fatigue. Et même s'il ne fait pas beau, je commence ma visite de Lucerne par le Pont de la Chapelle. C'est le monument le plus photographié de Suisse et il doit encore mieux rendre sous la lumière du soleil. Il date du 14e siècle. En son milieu, la Wasserturm, qui a accueilli des archives, un trésor, des prisonniers et des chambres de torture.

Ma promenade m'emmène au bord du lac des Quatre-Cantons puis vers la Hofkirche, qui semble fermée au premier abord mais qui est en fait équipée d'une porte qui s'ouvre toute seule à l'approche des gens, système qu'on retrouve souvent en Suisse. On dirait qu'un fantôme nous invite à entrer. Pour le déjeuner, j'arrive à trouver une brasserie qui n'est pas trop chère, et fait une orgie de fromage, profitons-en c'est le pays idéal.

Mes pas me mènent ensuite vers le fameux Lion de Lucerne, qui représente les soldats Suisses tombés au combat pour protéger les Tuileries lors de notre révolution. Mark Twain, en visite à Lucerne, nous dit que c'est la statue la plus émouvante, la plus triste du monde. En effet, la sculpture retranscrit bien l'émotion, c'est dommage qu'il y ait des travaux tout autour. En conséquence, le Jardin du Glacier, qui est une rétrospective du climat de Lucerne depuis l'ère glaciaire, n'est que partiellement ouvert. Ca ne vaut pas le coup.

Je me trouve maintenant dans la vieille ville, ses petites rues et ses maisons aux façades richement peintes. Je récupère des Lindor gratuits à Bachmann, boutique où ils ne vendent que du chocolat et ont d'ailleurs un mur de chocolat fondu! L'Hertensteinstrasse me mène d'abord sur la Falkenplatz, puis sur la Hirschenplatz, et tout au bout la Mühlenplatz. Je reviens ensuite par le Kornmarkt, la Kapellplatz et la Sternenplatz pour terminer. Sympathique petite marche souvent animée par les groupes de Chinois venus visiter.

Une petite montée m'emmène sur les hauteurs du Museggmauer, les anciennes fortifications de la ville datant du 14e siècle. Plusieurs tours sont visitables par les touristes: Männliturm, Wachtturm, Zytturm et Schirmerturm. D'en haut, on a une belle vue sur la ville et en fond, le mont Pilatus qui a actuellement la tête dans les nuages pendant la plus grande partie de la journée. Il est aussi connu pour ses dragons moyenâgeux, qui y avaient élu domicile. Beaucoup de légendes s'y relatent, notamment celui à l'haleine fétide qui avait un penchant pour les jeunes filles, et qui finit terrassé par Heinrich Winkelried qui lui, meurt empoisonné par le sang de la bête. Isaac Newton lui-même a lancé une chasse au dragon! Peu fructueuse, étonnamment. Pour en revenir au pic, on peut y monter par temps clair avec un téléphérique (75F aller-retour, hahaha), mais là ça ne vaut définitivement pas le coup.

Dernières étapes: le Spreuerbrücke. C'est le seul endroit d'où on pouvait jeter la paille des céréales qu'on n'utilisait pas, ce qui lui a donné son nom en allemand. C'est aussi le plus vieux pont de bois de Suisse, encore plus vieux que le Pont de la Chapelle. Il est proche du Nadelwehr, un barrage original qui maintient le niveau de l'eau grâce à des rondins de bois, et il est toujours en activité. Sur l'autre rive, la Franziskanerplatz et son église, ainsi que l'intérieur de la Jesuitenkirche terminent ma visite.

Nous sommes en fin d'après-midi, les musées ferment tôt (18h), je n'ai donc pas le temps d'aller visiter le Musée des Transports que les Suisses prisent tant, pour je ne sais quelle raison. Même s'il m'aurait plu, l'entrée coûte 32F. Je parle beaucoup d'argent mais il faut se rendre compte d'à quel point le niveau de vie de ce pays est élevé, pas étonnant que beaucoup de frontaliers aillent travailler à Genève!

Au final, je fais mes derniers achats, dont un coucou suisse discount (donc il n'est pas en bois massif comme les autres mais il fait quand même du bruit). Retour à l'hostel assez rapidement car le supermarché ferme aussi vers 18h, en Suisse il faut un bon timing pour faire ses courses.

Lucerne était mignonne, mais ce n'est pas mon étape préférée. Peut-être à cause du temps, et des projets avortés faute de budget. Le patrimoine est intéressant, mais j'ai vu bien mieux. Ce n'est pas grave, c'était agréable quand même, continuons notre route!

Au moins aujourd'hui, il fait beau, ce qui n'empêche quand même pas le mont Pilatus d'être dans les nuages. De toute manière, il faut prendre la route de la capitale fédérale de la Suisse, souvent bien oubliée par un peu tout le monde qui pense plutôt à Genève, Zürich ... Pourtant, nous allons voir que cette ville est bien plus intéressante que ses deux voisines plus riches.

Les châteaux au bord de l'eau

Je ne choisis pas la route la plus rapide, car une autre va me mener au bord de magnifiques lacs sur lesquels sont bâtis de beaux châteaux. Et je ne suis pas déçue: d'abord le Lugernersee m'offre son superbe panorama et ses eaux turquoises, bordées de collines verdoyantes avec en toile de fond, des sommets enneigés. C'est un lac où l'on peut pêcher, en témoignent les petites barques un peu partout. La voiture doit grimper un peu pour passer des cols, et redescendre de l'autre côté en direction d'Interlaken. La ville, comme son nom l'indique, se trouve entre deux lacs: celui de Brienz et celui de Thoune. C'est le second qui va plutôt nous intéresser. Là encore, des eaux turquoises, et une lumière du soleil qui se reflète dessus et le fait scintiller. Une fois de plus avec ces virages, je ne me sens pas très bien et je n'ai pas beaucoup mangé, je m'arrête donc dans un restaurant de poisson avec une vue sur le château d'Oberhofen. Il semblerait même qu'il y ait une régate, vu le nombre de voiliers qui s'élance sur les flots. Au moins, ils ne perturbent pas les cygnes qui profitent du beau temps.

Les hauteurs de la capitale

Après cette délicieuse pause, je reprends la voiture et arrive à Berne une demi-heure plus tard. Je vais garer directement la voiture à l'hostel, et là aussi j'ai droit à une carte de bus gratuite. Quel bon système. Après m'être un peu reposée, je l'utilise tout de suite en me rendant au Rosengarten, le jardin des roses d'où on peut avoir une jolie vue sur Berne. Il vaut mieux en profiter tant qu'il fait beau, on ne sait pas de quoi demain sera fait!

Berne a été fondée en 1191 par Berthold V de Zähringen, duc venant du Sud de l'Allemagne à un moment où la Suisse était un territoire à conquérir. Il l'a nommée d'après le premier animal qu'il y a tué à la chasse, c'est à dire un ours, dit la légende. D'ailleurs, le blason de Berne représente un ours, oui, mais un ours avec un pénis pour faire plus viril, parce qu'à Berne on est de vrais bonhommes! La ville est bâtie dans la boucle de l'Aar, ce qui la protège sur trois côtés mais a entravé son expansion à un moment où construire des ponts, c'était long.

Et des ours, il y en a dans la Fosse aux ours de la ville, qui est en contrebas du jardin. Il y en a trois, une mère et deux de ses petits. Normalement, ils peuvent se promener à flanc de colline sur les bords de l'Aar, mais là l'enclos est en travaux, et ils sont contenus tous trois dans la petite fosse. C'est triste, on voit la mère tourner en rond et essayer de passer par les portes qui mènent au bord de la rivière mais qui restent closes. C'est un espace bien trop petit pour trois ours. Sachant qu'avant, la Fosse ne se trouvait pas là, mais bien plus en centre ville, près du Parlement. Il y avait jusqu'à huit ours, qui au Moyen-Age servaient à faire des civets ... Lors des guerres napoléoniennes, les Français les ont kidnappé pour humilier la cité.

Je traverse ensuite le pont au-dessus de l'Aar, et observe trois baigneurs. Il est très populaire de s'immerger dans l'eau en amont, de se laisser porter par le courant et d'en ressortir de l'autre côté de Berne. J'aurais adoré le faire mais je pense que l'eau est bien trop froide fin septembre. J'admire cependant leur courage, ça n'a pas dû être facile de rentrer dans l'eau!

Je me promène ensuite dans les rues médiévales de la ville. Il y a peu de places et elles sont tout en long, car il s'agit d'une ville thuringienne et elles se bâtissaient selon ce plan. Les maisons sont étroites, les balcons arborent des ornements dorés, et on circule au niveau de la rue sous des arches. Même les caves sont mises à contribution, menant dans des salles voûtées sous les pavés! Elles abritent souvent des cafés et des boutiques. Quelle architecture originale! Dans l'ensemble, bien que ce ne soit pas la même, la ville a un petit quelque chose d'Edimbourg, probablement par ces longues rues pavées qui montent. Elle semble en tout cas très agréable, et je vais me faire un plaisir de la découvrir demain.

• • •

La maison d'Einstein

En fait, il n'y a rien de bien extraordinaire dans cette maison, à peine un peu de mobilier et des panneaux explicatifs sur la biographie d'Albert. Cela reste quand même intéressant, mais j'irai visiter le musée qui lui est consacré dans l'après-midi, il paraît que c'est tout aussi intéressant.

Beaucoup de rumeurs et légendes urbaines circulent sur Einstein, notamment le fait qu'il était mauvais à l'école et qu'il l'avait quittée. En fait, cela n'est arrivé que pendant un an au lycée, il s'est fait renvoyer pour sa discipline malgré de très bons résultats en mathématiques et il est parti travailler avec ses parents en Italie tout en abandonnant sa nationalité allemande. Cependant, tout au long de son enfance, il s'intéresse en autodidacte au calcul différentiel et intégral. Il tente le concours d'entrée à Polytechnique de Zurich, accessible sans bac, mais n'y parvient pas. Il intègre un autre lycée pour avoir son bac. Il essaye une seconde fois et cette fois-ci, il est pris, et obtient même la nationalité suisse. Il rencontre sa future femme, Mileva Maric, la seule de sa promo. Albert va réussir ses examens de justesse, car il n'est pas fait pour l'apprentissage scolaire et déplore le manque de physique théorique dans son cursus. Il est bien meilleur en autodidacte. Mileva quant à elle repousse son examen, puis une seconde fois car elle tombe enceinte ... Elle va accoucher en secret de leur fille illégitime, Lieserl. Un mariage n'est pas possible car le couple est trop dans la précarité. Albert ne la rencontrera jamais, Mileva doit s'en séparer, elle est adoptée. Est-ce que cela a perturbé le génie? Probablement, mais il n'en est pas moins motivé, avec ses amis il continue à explorer les pistes de la physique. Il poursuit toujours son rêve d'enseigner à Polytechnique, mais aucun professeur n'y est favorable pour l'instant du fait de ses absences, de son comportement impertinent, de ses notes moyennes ... Il devient professeur particulier, pour le salaire. Sa thèse est rejetée à l'Université de Zurich. C'est le bordel. Un de ses amis finit par lui trouver un meilleur job à Berne: l'Office des Brevets. Il s'en contente, se fait des amis enseignants, peut faire ses petites expériences et partage ses avancées. Toujours pas d'Université, mais il faut dire que les exigences l'auraient freiné. En 1905, ses travaux commencent à être remarqués parmi les experts: l'hypothèse de la lumière quantique, la taille des atomes et la théorie de la relativité restreinte. C'est en 1908 qu'il publie la formule E=mc², mais il bloque pour en prouver l'intégralité. Et finalement, l'Université de Zurich pense à retourner sa veste et à lui proposer un poste de professeur. Il est ensuite nommé pour le prix Nobel pour la lumière quantique (et non pour la théorie de la relativité!), et prend son poste à Zurich.

Le walking tour

A onze heures, je me rends au point de rendez-vous pour une visite guidée gratuite de la ville, avec plein d'informations intéressantes. Par exemple, comment Berne prospérait au Moyen-Age alors qu'elle n'avait aucune ressource (sauf le cuir) et dépendait des autres villes de son territoire pour survivre. En fait, ils vendaient des enfants comme soldats aux autres nations, très glorieux. Berne perd de son essor lors des guerres napoléoniennes, où elle a perdu une grande partie de ses privilèges qu'elle n'a jamais pu récupérer par la suite. Aujourd'hui, elle a été choisie comme capitale fédérale car elle est assez calme, il ne s'y passe pas grand chose et il fallait un terrain relativement neutre. La Suisse n'a en fait pas de capitale économique, malgré les banques et tout cela, mais personne ne le sait.

Nous repassons sur les berges de l'Aar pour commencer notre visite par le berceau du chocolat: la fabrique de Rudolph Lindt. Pourquoi dit-on que la Suisse est le pays du chocolat alors qu'ils ne sont pas producteurs de cacao? Parce qu'à l'époque, on ne pouvait que le boire et c'était très amer, et il était impossible de le manger. Mais Rudolph Lindt était convaincu qu'il pouvait en tirer quelque chose, et ne rêvait que de délicieuses barres chocolatées ce qui lui attirait bien des moqueries. Pendant longtemps, il fit des expériences, sans succès, jusqu'à ce qu'un jour il oublie d'éteindre la brasseuse pendant le week-end. En revenant le lundi, le miracle s'était produit!

Nous passons ensuite dans l'ancien quartier pauvre de Berne, qui maintenant est très apprécié des habitants. Mais à l'époque, la ville était sujette aux inondations, et cet endroit y était très exposé pendant que les riches vivaient en hauteur. Il y avait des tanneurs, car le travail du cuir ne sentait pas bon, et des voleurs. Il y avait beaucoup d'immigration au Moyen Age, et le langage matte s'y est développé, un mélange d'hébreu, d'allemand et d'autres langues. Il permettait aux voleurs de communiquer entre eux sans que les autorités ne les comprennent. Nous passons ensuite dans la rue de Badgasse, où se trouvaient les anciens bains publics, aussi connus pour la prostitution. Casanova, en voyage à Berne, y consacre un chapitre sulfureux.

Nous remontons au niveau de la cathédrale, le Münster. C'est le plus haut clocher de Suisse, plus haut que celui de Zurich, et les Bernois en tirent une certaine fierté. C'est un agrandissement de l'église de base, elle est tout le temps en rénovation. Avant les années 40, la cloche était toujours activée manuellement grâce à un lasso, mais depuis que le gardien a trouvé la mort un soir de Nouvel An alors qu'il était bourré, elle est maintenant automatique.

Nous arrivons devant une maison qui était un nid d'espions pendant la Seconde Guerre Mondiale. Etant proche de l'hôtel Bellevue, où passaient tous les politiciens, elle était bien située et discrète. Nous repassons ensuite dans la Kramgasse, la principale rue commerçante de la ville, qui mène à l'horloge astronomique Zytlogge. Elle a été construite au Moyen Age pour montrer la puissance de la cité, et comprend un carillon. Celui-ci n'est pas extraordinaire cependant, restant immobile la plupart du temps.


Nous remontons ensuite jusqu'au Parlement, où nous terminons notre visite fort intéressante. Je vais dans un restaurant pour, encore, manger un plat à base de fromage! Probablement le dernier.

Un après-midi aux musées

Le musée Einstein se trouve dans le bâtiment du musée d'Histoire de Berne. J'y parviens en traversant l'Aar par le pont industriel en fer. Comme c'est un musée historique, ils disposent de beaucoup d'objets qu'ils essayent de caser en comptant sur la popularité du scientifique. Il y a donc même de l'art hébreu dans la section Einstein, alors qu'il n'était pas pratiquant du judaïsme malgré ses origines, ainsi que des objets utilisés à Berne au début du 20e siècle. Sacrée excuse! Il y a cependant des vidéos sur la théorie de la relativité, et nous pouvons donc continuer notre biographie d'Einstein après son départ de Berne.

Nous l'avons laissé enseignant à Zurich. Il est aussi convoité par l'Université de Prague, qui négocie un bien meilleur salaire pour l'y faire venir. Entre temps, le couple a eu deux enfants légitimes, deux garçons. La famille va s'installer à Prague, mais ils ne s'y plaisent pas, surtout Albert qui n'a personne à qui parler de sa théorie de la relativité qu'il veut généraliser et ne peut toujours pas prouver. Il retourne une fois de plus à Zurich. Puis il a une offre de l'Université de Berlin, où il va pouvoir avoir la chance de continuer ses recherches. Albert reprend aussi la double nationalité, allemande et suisse. Plusieurs évènements personnels surviennent alors: Albert prend contact avec sa cousine Elsa, divorcée, et en tombe amoureux. Mileva le sait, et elle prend ses deux enfants pour retourner à Zurich. Elle refuse la première proposition de divorce, mais accepte quelques années plus tard. Ensuite, tout en étant à Berlin, il va enseigner à Zurich deux fois par an. Il reçoit le prix Nobel en 1921. Mais déjà, la situation se gâte en Allemagne, et à l'aube de la guerre il émigre aux Etats-Unis à Princeton. Il renonce à sa nationalité allemande et devient citoyen américain, et suisse. Il travaille sur la bombe atomique mais est écarté du projet final du fait de ses réticences. Il est placé sous surveillance du FBI à la fin de la guerre, soupçonné d'activités anti-américaines. On lui a aussi proposé la Présidence d'Israël, ayant participé à la construction de l'Université! Mais à ce moment là il est trop vieux, et refuse. Il meurt en 1955 d'une rupture d'anévrisme.

Assez d'Einstein! Je m'en vais au musée de la Communication, qui est interactif et moins prise de tête. C'est assez sympathique, axé sur l'histoire de la communication, les dangers d'Internet, les principes du langage, etc ... Mais il ferme à 17h et je dois partir sans avoir tout vu.

Une dernière balade dans les rues qui sont si agréables et originales, jusqu'à la nuit, et je dis au revoir à la ville. Demain, une longue route de retour (9 heures et 750 kilomètres) m'attend ... En tout cas, je suis ravie de mon séjour, heureuse d'avoir découvert un endroit où je n'étais jamais allée!