Au revoir la jungle, la chaleur, les moustiques. Je suis impatiente de découvrir de nouveaux horizons. Mais je me connais, dans un an, je voudrai retourner dans la jungle, comme d'habitude. En partant de l'hostel, je sauve un portable sur le bord de la route, qui a failli se faire écraser. Je compte le ramener à l'hostel mais je croise un gars qui dit qu'il est à lui. Je lui demande de le déverrouiller. Il le fait avec son empreinte, c'est bien le sien, il a eu du bol. Je monte dans un colectivo et m'installe confortablement pour quelques heures de route jusqu'à Ocosingo.
La route. J'ai eu la flemme de trier. J'ai entendu plein de choses sur cette route, notamment qu'il y avait souvent des braquages de touristes, mais pourtant plein de monde y passe tous les jours. Alors, en colectivo ... On y croise souvent la police, mais il faut s'en méfier aussi. Bref. Le paysage est magnifique, il est encore plus beau après Misol-Ha où je m'étais arrêtée. De belles vallées montagneuses. Par contre, beaucoup de travaux, et des enfants qui nous sautent dessus pour nous vendre des trucs à chaque arrêt. Cela dit, il vaut mieux ça, les braqueurs pourraient s'en donner à coeur joie vu qu'on s'arrête une dizaine de fois. C'est long, mais c'est tellement joli que je ne le vis pas mal. Trois heures plus tard, changement de combi à Ocosingo, direction San Cristobal. On se sent dans la montagne car la végétation a changé, plus de palmiers mais des conifères ! C'est rigolo. Par contre, je repère un petit insecte noir sur ma peau. Qui en saute. Bon, ce n'est pas une mini punaise, mais une puce ce n'est pas cool non plus. Vite, qu'on arrive, ça commence à me démanger un peu. Le trajet est un peu plus court, et nous voici enfin à destination.
Première impression : hé, je suis revenue à Cusco ! Avec les petites maisons coloniales, ça a un sacré air. Il manque les balcons de fer forgé, mais on y est presque. Même les places y ressemblent un peu. Il fait beaucoup plus frais évidemment, nous sommes à 2 200m d'altitude. Soit 1 100 de moins que Cusco et ça, heureusement quand même. Je m'installe à l'hostel Puerta Vieja, qu'on m'a vendu comme un super hostel mais pour l'instant le personnel n'est pas top, et j'ai du mal à trouver comment entrer en contact avec les gens. Ça va venir, je suppose. Même s'il y a ENCORE le même gars de Tulum et Bacalar. Je le suis. J'ai appris son nom maintenant, il s'appelle Alan. On a le dîner inclus, ce qui est plutôt cool, mais il n'est pas très copieux alors je vais m'acheter une natilla et un nuegado pour goûter, en plus j'ai envie de sucre et ici c'est l'endroit idéal, il y a plein de pâtisseries. Je vais aussi me balader, et booker un tour à cheval pour demain avant de rentrer. Je me cale tranquillement dans mon lit, confortable mais ... Probablement plein d'araignées car je me fais piquer à plusieurs reprises, notamment au dessus de l'oeil, ce qui me fait gonfler la paupière en pleine nuit. Je prends un second antihistaminique, alors ... Dire que je croyais que les bestioles allaient arrêter de me piquer. Quelle naïveté.
Un autre monde
Pas de bol, ça n'a pas dégonflé. Je crains un peu de devoir faire du cheval un oeil fermé, en plus c'est désagréable au possible. Je trouve une solution en me collant un pansement en travers de l'oeil pour le garder ouvert, et bonne nounj89velle c'est moche mais ça marche. De toute manière, je vais ressembler à Elephant Woman toute la journée, heureusement que les lunettes de soleil ça existe. Je descends à la cuisine pour le petit dej, et quand je demande de la glace, les dames n'en ont rien à foutre. Genre, vraiment. Heureusement, un autre mec de l'hostel me sort une bière du congélo, ça fera l'affaire et ça fait rire le volontaire qui lui non plus n'est pas très utile. Aussi, une autre fille de mon dortoir, une Espagnole, remarque mon souci et me dit qu'elle a eu le même sauf que ça se voit moins. Bon, ben j'imagine que ça fait de nous des potes. Crêpe et pancakes avalés, je me prépare pour partir faire du cheval jusqu'au petit village de San Juan Chamula, réputé pour son église. Oh non Marine, tu nous soules avec ton art religieux. Non mais attendez, c'est pas ce que vous croyez, vous allez voir.
Dans le taxi, une autre tradition qui se perpétue : je suis avec un couple de Montpelliérains. Spotted. Nous arrivons à l'endroit où nous montons à cheval avec plein d'autres personnes. Ma jument s'appelle Coqueta, et ça va elle n'est pas trop difficile. Par contre les étriers sont petits et ça me fait mal aux genoux, donc je préfère les déchausser. Coqueta est un peu longue à la détente le matin, elle ne veut pas trotter. Comme nous sentons que ça va être une balade tranquille, avec les gens de devant on s'amuse à trotter un peu, voire galoper sur quelques mètres, mais ni la selle ni Coqueta ne sont confortables. En plus nous devons souvent prendre la route goudronnée car il a plu et les chemins sont glissants pour les chevaux. Le paysage est très beau, c'est très agricole.
Au bout d'une heure, nous laissons les chevaux avant d'entrer dans le village de San Juan Chamula. Tout le monde se dirige tout droit vers l'église, évidemment. C'est quand même une sacrée attraction. J'avais lu quelques mots à son sujet, mais quand même, la voir de ses yeux c'est tout autre chose. De l'extérieur, rien d'anormal, mais à l'intérieur ... Je vais essayer de décrire du mieux possible, mais je pense que les mots ne suffisent pas à capturer l'essence de ce lieu mystique.
Car ça pour être mystique ... Les Chamulas suivent une religion syncrétique mêlée de chamanisme. Le chaman tient lieu de docteur. Ici, les croyants sacrifient des poulets pour guérir les maladies. Ils transfèrent le mal dans le corps du volatile, il part en même temps que son âme. On voit d'ailleurs un sac bouger, et on entend un cot cot cot un peu affolé. J'essaye d'en faire abstraction car ça me perturbe. Je dois aussi ranger mon portable, même pour prendre des notes, car c'est un lieu sacré et les photos et vidéos sont interdites sous peine d'amende de 4000 pesos. Après les explications que je n'ai pas comprises intégralement, je m'asseois par terre comme tout le monde, pour prendre des notes et retranscrire mon état d'esprit. Je suis sur une couche d'aiguilles de pin, dispersées sur tout le parterre de l'église. Elles représentent le ciel, tandis que les racines représentent l'inframonde. Des centaines, peut être un millier de bougies sont allumées, sur les tables et à même le sol. De couleurs différentes, elles se consument pour créer des lignes colorées qui se mêlent entre elles, rappelant un tableau abstrait. L'air est empli d'odeurs de cire fondue, d'encens et bien évidemment de pin frais. La plupart des gens présents, touristes comme chamulas vêtus de peaux de moutons noirs, sont assis par terre pour prier, méditer, préparer les poulets ou dans le cas des gringos, observer de manière intriguée et émerveillée. C'est un endroit comme aucun autre, et lorsque l'on croit avoir saisi l'essence du lieu, voici que des musiciens entrent, avec des encensoirs et des pétards qui retentissent, faisant sursauter les non avertis. Le lien entre la religion et la nature est profond. Les plantes comme les tournesols et autres sont posées en offrande à tous les saints vénérés ici, petites statues dans leurs retables, alignés les uns à la suite des autres. De grandes tentures vertes et grises décorent la pièce. Tout à coup devant moi, une dame sort son poulet du sac et l'étrangle. L'oiseau est pris de convulsions tandis que son âme quitte son corps. J'espère que la maladie sera guérie ... Je demanderais bien qu'on soigne mon oeil, d'ailleurs. Mais je ne me sens pas d'étrangler un poulet. Pendant ce temps, les musiciens répètent inlassablement le même rythme, au son des tambours, guitares et accordéons. Nous les voyons contempler la représentation de Saint Antoine de Padoue, faire des ... des trucs, mais personne n'ose les déranger. Ah, maintenant il y a des flûtes ou des sifflets, je ne sais pas trop. Et un poulet qui caquette. Ah, le sifflet est en fait une mini calebasse. Boum ! Une autre détonation, et les musiciens s'arrêtent de jouer. Les croyants boivent de l'alcool, d'ailleurs ils en proposent aux gens à côté de moi, qui refusent, quelle idée. Je ne sais plus où donner de la tête, je ne comprends rien à ce qu'il se passe mais c'est fascinant. Totalement hors du commun, inimaginable si on n'y assiste pas soi même. Une dame entame une litanie incompréhensible pour moi, et une musique désincarnée proche de l'autel de San Juan Bautista entonne We wish you a merry Christmas, ce qui est plutôt dérangeant. Et avec tout cela, c'est bientôt l'heure d'aller retrouver les chevaux. Il faut bien partir un jour, j'aurais pu y rester de longues minutes encore, je me retourne plusieurs fois pour graver le souvenir dans ma mémoire.
J'ai trouvé la vidéo de quelqu'un qui s'appelle Osk A, car vraiment, il faut voir ça. En sortant, je n'adresse la parole à personne, voulant me connecter avec mes sensations, et en plus j'ai l'impression de revenir d'un autre monde, ce qui n'est pas foncièrement faux. Il y a des gens qui ont acheté des "fourmis" (c'est ce qu'ils ont dit mais on dirait d'autres insectes) et m'en proposent, au point où j'en suis, j'accepte. Ça a un goût de fumé, ça croustille et ça reste dans les dents. Nous remontons sur les chevaux, et faisons une petite balade avant de rentrer. Coqueta est un peu plus réveillée.
De retour à San Cris, je vais acheter du poulet frit que j'éponge de sa graisse autant que faire se peut, et je commence à cuisiner le riz de Tulum. Je me suis faite à l'idée que ma liseuse est morte. Je galère à trouver comment allumer les plaques, principalement car il n'y a pas de briquet, et les cuisinières ne sont d'aucune utilité, elles s'en foutent. Bon heureusement, il y a d'autres gens qui m'en passent un. Je vais ensuite me reposer tranquillement, avant de partir pour le walking tour de 17h. Je fais un saut à la pharmacie pour essayer de trouver un répulsif contre les araignées, et la nana me m'en propose un contre les insectes volants. "Arañas no vuelan", dis-je. Elle est un peu con. Elle finit par me donner une bombe à mettre sur mon matelas. Ça fera l'affaire, enfin, j'espère.
Je me rends sur la Plaza La Paz et essaye de trouver le guide. Je ne vois pas d'ombrelle orange, mais en regardant bien, je finis par repérer le logo sur une casquette. Je vais me présenter, lui aussi, il s'appelle Carlos et il est de Xochimilco à Mexico City (interro surprise chers lecteurs, vous vous souvenez de ce qu'on y a fait?). Il pensait qu'il n'y avait personne à cause du temps qui vire à la pluie, mais nous sommes huit au final, dont une fille de mon hostel, enfin du lit au dessus de moi pour être plus précise. Joy, d'Allemagne. Les autres personnes avec nous sont assez cools aussi ! Bon pour une fois, j'ai eu la flemme de prendre des notes pendant le tour, surtout que Carlos nous montre des endroits un peu hors des sentiers battus, ce qui est très bien. Il nous fait visiter beaucoup de centres culturels, car c'est assez emblématique de la vibe de San Cristóbal. Il y a plein de boutiques de commerce équitable et responsable, une foule de petites associations. Ne serait-ce que dans l'Avenida Michel Hidalgo, il y a la boutique de Kiki Suarez, une grande artiste. Elle a peints des femmes dans des positions un peu tordues, qui sont probablement une référence à l'orgasme, car dans le temps lorsque cela arrivait, on les torturait. Charmant. Dans cette rue se trouve aussi la première faculté de Droit d'Amérique Latine. Et tout au bout, on trouve l'Arco del Carmen, symbole de la ville, entrée de l'ancienne Ciudad Real en venant du Guatemala.
San Cristóbalest l'une des premières villes de Nouvelle-Espagne en Amerique continentale. C'était la première capitale du Chiapas avant Tuxtla Gutiérrez, de qui elle est la rivale. C'est le prêtre Bartolome de las Casas qui lui donne son nom. C'était un fervent défenseur des indigènes. La villr a changé plein de fois de nom, elle s'est même appelée Villa Viciosa.
En redescendant, nous faisons un tour dans le Mercado de Dulces y Artesanías, où se trouvent donc des stands de pâtisseries. Carlos nous fait goûter un ponche, à ne pas confondre avec celui au rhum même si des fruits sont aussi infusés. Ça se sert chaud, et ce n'est pas mauvais. Il faudrait au moins ça pour accompagner les tacos d'ici ... À la langue, à l'oeil ou à la cervelle de boeuf. Nous remontons l'Avenida Insurgentes qui nous mène à nouveau vers le Zócalo, et nous nous arrêtons devant des maisons avec des fresques un peu curieuses, notamment des sirènes et des statues de lion qui ont été commandés par les colons espagnols, sauf que les Mexicains n'en avaient jamais vu de représentations et ils ont donc inventé en fonction des descriptions.
Tandis que nous remontons le Corridor de Guadalupe, menant à l'église du même nom, je parle de mes impressions sur les flics du Chiapas à Carlos. Il me dit que des enfants indigènes sont souvent enlevés pour rejoindre les forces paramilitaires. Grosse ambiance dans le Chiapas, et pendant ce temps les hippies viennent ici pour se défoncer et trouver leur moi intérieur. On essaye de ne pas être trop politique, mais j'ai tout de même lancé le sujet. Mais tout à coup, un accordéoniste sort sur son balcon et se met à ... Euh, chanter, appelons ça comme ça, en tout cas il détend l'atmosphère.
Il se passe de sacrées choses ici, tout de même. Les rues sont aussi recouvertes de street art, certaines fresques réalisées par un artiste sous substances, allez savoir lesquelles vu qu'on y trouve plein de choses. Carlos nous parle de la galeria Arteria, et l'une des filles du groupe renchérit en la qualifiant d'incroyable. Mais arrivés sur place, c'est déjà fermé, il est plus de 19 heures. Pas grave, ça sera pour plus tard. À la place, nous allons dans une galerie où nous pouvons apprécier de magnifiques textiles, notamment un tissu tressé avec du cuivre.
Nous entrons dans un petit restaurant qui nous fait déguster du pozole, une soupe avec du maïs, dans de tout petits bols juste pour l'échantillon. Trop bien, on ne paye rien de plus. C'est pas mal, mais bon, encore un truc au maïs qui n'ai pas trop de goût. Et notre dernière étape est aussi une dégustation, une liqueur de ... maïs, appelée pox. Il y a aussi du sucre de canne dedans, et c'était un alcool très prisé des Mayas. La liqueur est déclinée dans sa version pure, mais aussi à l'hibiscus et au chocolat, cette dernière étant particulièrement délicieuse. C'est là que nous arrêtons notre walking tour, qui a duré 3h30 au lieu de 2h30. Carlos nous propose de rester boire une bière, nous parle d'autres tours comme celui du temazcal - ça m'intéresse - et il va aussi reverser une grande partie de ses pourboires à une association pour les chiens errants. Nous aurions bien aimé rester, mais Joy et moi avaons réservé le dîner gratuit de l'hostel pour ce soir et nous sommes déjà à la bourre, le repas ne se servant que jusqu'à 20h30. Je n'ai aucune confiance en les nanas de la cuisine là-dessus. C'est donc sous des trombes d'eau et un peu à regret que nous quittons le groupe, non sans avoir pris les comptes Instagram ou numéros Whatsapp les uns des autres.
Les rues se sont transformées en rivières, et on comprend mieux l'utilité des hauts trottoirs. Le souci c'est qu'ils sont glissants, et d'habitude je préfère carrément marcher sur la route pour éviter de me casser la figure, ce qui doit énerver les voitures. Notre progression en est fortement ralentie, et nous arrivons à l'hostel à 20h34 exactement. Et devinez quoi, en cuisine on se fait engueuler. Les dames ne veulent pas nous donner nos burgers à la viande qu'on a pourtant réservés en début de journée ! Soit disant il n'y en a plus. Je vais voir la réceptionniste pour lui dire qu'elles abusent, et en fait elles sont ok pour nous donner des burgers mais seulement végétariens. Bon, et bien on va crever la dalle. Heureusement que j'ai fait plein de riz pour compléter le repas car les portions ne sont pas bien grandes. Après tout cela, Joy me présente à un autre Français de Lyon, très sympa. On va tous prendre un verre au bar, et je rencontre deux Normandes, Chloé et Meïlys, qui sont dans mon dortoir. Chaque fois je crains de ne rencontrer personne et de rester à part, mais tout finit par bien se passer. On danse tous ensemble, en plus c'est la soirée des cocktails gratuits. Les mojitos sont nuls, par contre la tequila sunrise est sympa. Plein d'autres gens rejoignent notre groupe, et on s'entraîne pour la soirée karaoké de demain.
Journée de repos, ou presque
Bon, malgré l'Aerius et la pommade à la cortisone, mon oeil n'a toujours pas dégonflé. J'ai même l'impression qu'il est pire, parce que je peine vraiment à l'ouvrir, il me fait mal car je dois forcer sur la paupière, même avec le pansement pour le maintenir ouvert. J'essaye de n'ouvrir que le droit en mettant mon masque de nuit en travers de ma tête, j'ai l'air con mais tant pis, mais c'est pire car c'est mon oeil directeur et le droit n'est pas habitué à autant forcer non plus, au bout d'une minute je vois des points noirs. Bon, et bien il va falloir être radicale et aller voir un docteur ! Mais tout d'abord ... Il y a une cérémonie du cacao dans un autre hostel, ouvert au public pour cette occasion, avec un certain Keith. Cet autre hostel, La Isla, c'est le repère des hippies. Alors, allons-y, je suis curieuse, on verra bien ce que ça donne !
Ça donne ... Dans le too much pour moi. Je retrouve des gens du groupe du cheval, mais on ne se parle pas plus que ça, car tout le monde autour semble vivre dans le monde des Bisounours. Alors oui, ce sont des gens sympas, compatissants et tournés vers les autres, mais une vingtaine de personnes qui soupirent de contentement à chaque phrase, qui s'appellent "beautiful soul" et pour qui la réponse à "je crois que je t'ai croisé quelque part" c'est "oui dans une vie antérieure", c'est trop. Et ce n'est pas fini, attendez de voir le gourou. Nous prenons nos tasses de cacao, les volontaires (avec leurs tee shirts "la isla, a place to be awaken") les remplissent d'eau chaude, jusque là tout va bien, il me tarde de savoir à quoi va ressembler ce fameux rituel maya. C'est comme ça que c'était vendu. Keith se lève et, avec son tee shirt "Keith cacao's magic" ou un truc dans le genre, commence son one-man show. Oui, oui. Il blague, tout le monde rit comme hypnotisé par son charisme de folie, mais pas moi. Parce que moi qui pensait assister à un rituel ancestral, je me retrouve à écouter un gourou antivax. Merveilleux. Et le cacao alors ? On le goûte, Keith le boit presque cul sec en blablatant sur lui et sur le potentiel de chacun, nous encourageant à la méditation, tout le monde soupire de plaisir. Sauf moi, parce que ça ne va pas soigner mon oeil. Impossible de me mettre dans le mood, je finis le cacao amer et quitte la secte discrètement quand Keith a le dos tourné et ne peut pas faire de remarques. Je sais, ce n'est pas poli, c'est pas très hippie, mais je m'en fiche. J'ai un petit retour de karma car dans ma précipitation j'en oublie ma pommade.
Vite, le centre médical. Par chance il y en a un non loin, et il n'y a personne dans la salle d'attente, et le docteur est jeune, sympa, et parle anglais. Il me rassure tout de suite en m'affirmant qu'il s'agit de piqûres d'araignées et que c'est fréquent ici. Ce ne sont donc pas des punaises, bonne nouvelle pour mes affaires, que j'avais quand même sorties du dortoir par précaution. "How many pills did you take yesterday, Marine?" me demande-t-il sur le ton du docteur qui parle à une junkie. Il me prescrit des antihistaminiques plus forts que l'Aerius, me demande de faire une prise de sang pour être sûr que je n'ai pas attrapé un parasite peu fréquent, le chagas, on ne sait jamais, et il me fait une piqûre de cortisone dans les fesses qui me fait un mal de chien pendant une heure, mais au moins ça va être radical. J'ai pris une assurance cette fois-ci, avec le covid, je devrais pouvoir me faire rembourser la consultation. Pas le médicament par contre, car la pharmacienne abrutie ne comprend pas que je n'ai pas de RFC (leur numéro de sécu) vu que je ne suis pas mexicaine, il y a une case "cliente extranjero" sur son logiciel, je lui dis de la cocher, elle me répète RFC, une de ses collègues lui montre la case, elle s'en fout, elle me dit que pas de RFC, pas de facture. Bon, il faudra se contenter du ticket et de l'ordonnance, je suppose. Ayant très mal aux fesses, impossible de partir en vadrouille pour le moment. De toute manière, il pleut. Oh, et je me rends compte que je me suis encore faite piquer, sur la joue cette fois, j'ai une grosse cloque, sexy. Et quelques autres piqûres qui n'étaient pas là auparavant. Ça suffit, je demande à changer de dortoir, car si c'est pour encore me faire piquer, cette injection n'aura servi à rien. Pas de chance, ce soir c'est plein, mais demain c'est possible. Je vais quitter le dortoir des filles, dommage, mais la santé avant tout ! J'envisage d'aller dormir sur le canapé du coin ciné, pourquoi pas après tout.
Vers 16h30 la douleur s'est estompée, je vais aller faire un tour dehors, il y a des éclaircies, alors pourquoi prendre le parapluie ... Dans la rue, je goûte quelques petites cochonneries sucrées, et me rend au Templo Santo Domingo pour voir sa belle façade. Il y a aussi un marché artisanal mais rien ne m'inspire. Du coup, je passe à la fameuse galerie Arteria, je ne la trouve pas extraordinaire mais je fais bien car il se met à pleuvoir des cordes. Je me cale sur un canapé en attendant, puis je me dirige vers la Iglesia de Guadalupe qui est juste à côté. Les représentations religieuses ont des têtes de poupées, c'est un peu dérangeant, mais c'est rigolo. L'église est aussi très fleurie. En redescendant, je fais un saut dans un café où l'on peut voir des colibris, espérant les prendre en photo, mais pas de chance ils se cachent à cause du mauvais temps. Je vais ensuite acheter des truxs sucrés au marché sur les recommandations de Carlos: une durazno pasa (une pêche amère macérée dans le sucre) et un lemon relleno de coco (de la pâte de noix de coco dans un citron vert confit), en faisant attention car avec tout ce sucre, le stand est envahi de guêpes, il ne manquerait plus que ça.
Retour à l'hostel car c'est bientôt l'heure du repas, et ensuite il y a (encore) karaoké. Je n'ai plus peur de rien, je passe même en première, motivée par les shooters de mezcal sunrise gratuits. Le docteur m'a dit pas plus de deux verres, mais deux verres pleins je présume. Du coup, je m'éclate, je motive les gens, et j'enchaîne les chansons parce que j'ai soif. Alan chante encore I want it that way, parce que j'ai insisté. Je rencontre de nouvelles personnes, comme Cristian du Nicaragua et Eric qui vit en Californie et qui fait une super interprétation de Frank Sinatra. Dur de passer après lui, mais pensons au mezcal. Au final, j'ai bu gratuitement toute la soirée. Mais un autre truc se prépare : tout le monde ou presque va partir en rave ce soir. En plus ce sont les 30 ans de Chloé et d'autres français sont arrivés. Je suis au départ tentée d'aller voir à quoi ça ressemble, mais le projet serait de ne pas rester trop tard car je prévois le temazcal demain midi et il faut être en forme. J'apprends que c'est à 25 minutes de marche et que l'entrée coûte 300 pesos. Une rave quand on ne peut pas trop boire et qu'on ne prend pas de drogues, c'est un peu nul, non ? Du coup, je passe mon tour, tant pis. J'essaye d'aller dormir sur le fameux canapé mais je n'y arrive pas car il y a un détecteur de fumée qui bugue et qui fait des bips stridents toutes les 20 secondes. Finalement, il se trouve qu'il y a un lit en hauteur de disponible dans mon dortoir, et pas dans un coin. Je vais le squatter dans la nuit. Joy n'est pas partie en rave non plus. Bon, une part de moi regrette d'avoir raté l'occasion, vu que je n'en ai jamais en France non plus, mais il faut savoir faire les bons choix, enfin, j'espère que c'est le cas. Avoir refusé la coke, oui, ça l'était. Prendre possiblement d'autres drogues après une piqûre de cortisone, sous antihistaminiques, pour la première fois en voyageant seule au Mexique, avec des gens sympas mais défoncés, et pas mes potes, je trouve que les calculs sont pas très bons quand on y pense.
L'expérience spirituelle transcendante
Ils sont tous rentrés à au moins 6 heures du matin, la rave était dans un skate park, c'était de la grosse techno comme à Berlin et ça m'avait soulée au bout d'une heure à l'époque, bon c'était du clubbing quoi. Je me demande même si elle était si illégale que ça ou si c'était juste pour faire genre c'est une rave à San Cristóbal, voilà. Ils ont tous pris des trucs et ils ne parlent que de leur soirée. C'est marrant de les écouter mais du coup je me sens exclue, et tandis qu'ils vont tous dormir, moi j'ai un vrai programme parce que moi, j'ai pas 6 ou 10 mois de voyage. Il ne me reste qu'une semaine et demie et je compte découvrir des trucs. Notamment la meilleure expérience de mon voyage.
Je dois rejoindre Carlos chez lui à 11 heures, mais une fois arrivée, je m'aperçois qu'il m'a envoyé un message via Whatsapp en me disant qu'il ne va pas venir et qu'il faut que j'aille par moi-même au temazcal dans la montagne. Oui d'accord sauf que je n'ai pas l'adresse. Il ne répond pas au téléphone, panique à bord. Je vais être à la bourre. Au bout d'un quart d'heure sans réponse, j'ose sonner chez lui, et je fais bien car il est là et il m'explique mieux. Je rencontre donc sa femme et sa fille, toute mignonne, et je monte dans sa coccinelle au pare brise tout pété pour qu'il m'emmène prendre un taxi, qui va me mener au mirador de Don Lauro.
Maintenant, il s'agit de trouver où c'est. Parce que c'est pas dans un spa ou quoi, je n'ai aucune idée de ce que je cherche. J'entends des cris et des chants dans une maison, il y a des gens en cercle vêtus d'habits traditionnels, qui font je ne sais quoi, c'est ici le temazcal ? Bah non, me répond la dame, ça c'est ... Euh, je n'ai pas compris, mais c'est privé. Elle m'indique une direction un peu plus haut sur le chemin de terre. Heureusement, je croise deux filles tatouées qui s'y rendent aussi. Et bien, heureusement que j'ai demandé, car c'est dans un jardin au milieu de nulle part, mais il y a plein de gens qui y sont déjà. Je fais connaissance avec le shaman Gustavo, qui m'explique un peu en anglais ce qu'il faut faire et ce qu'il va se passer. Pour l'instant, je suis un peu perdue. La tente vient d'être préparée, au lieu du four à pizza traditionnel, on dirait une yourte. Ses armatures sont des branches auxquelles sont accrochées des fleurs et de petits sachets. Le sol est recouvert d'épines de pin, qui créent un matelas naturel. En son centre, un trou est creusé pour accueillir les pierres volcaniques, les abuelitas, qui sont en train de chauffer dans le feu. Gustavo me donne une pincée de tabac pour l'y jeter dedans. Je regarde aussi la préparation de la cérémonie : de l'encens, des petits sachets, du basilic/romarin qui trempe dans un seau d'eau, des instruments ... Nous sommes une trentaine de personnes. La cérémonie va bientôt commencer, nous passons des vêtements légers ou nous mettons en maillot, et nous entrons un par un dans la tente. Je me suis installée proche de la porte, derrière Gustavo, en cas de problème. Je vois tout le monde prendre l'encensoir et entrer à quatre pattes en posant le front sur la terre. Je ne l'ai pas fait, Gustavo me dit de ne pas m'inquiéter, mais je suis venue pour faire ça dans les règles. Je ressors et fais tourner l'encensoir autour de mon corps, pour qu'il purifie ma peau nue, et rentre comme il se doit, à quatre pattes dans la boue. Je me dis qu'il y a plein d'insectes prêts à me piquer dans le tapis d'aiguilles de pin, mais tant pis.
Avant de commencer, tout le monde se présente. Beaucoup de gens viennent en famille. Le temazcal étant un moyen d'entrer en contact avec les esprits de la nature et des ancêtres, les gens parlent d'abord de leur reconnaissance envers leur famille, leurs amis, leur vie en général, et envers la Pachamama (je pensais qu'ils l'appelaient différemment ici). Ils posent aussi le but du temazcal d'aujourd'hui : purification, recherche de réponses, hommage. Le père de la jeune fille à côté de moi est mort il y a peu et elle lui dédie cette cérémonie. Ça commence déjà à être émouvant. Moi, je parle de mes amis et de ma famille.
Les premières abuelitas sont accueillies dans l'âtre, un homme assiste le shaman en les prenant avec des bois de cerf. Il y a des enfants, Gustavo leur dit qu'il va faire noir et chaud, qu'il ne faut pas avoir peur. Je crois qu'il fait en sorte de me prévenir aussi. Quatre chants, et on rouvre la porte. On tient mais si on se sent mal, on peut partir à tout moment. Le battant de la porte est rabattu, le rite peut commencer. Gustavo lance de l'eau sur les abuelitas, et des huiles essentielles dans l'air. On ne voit rien. Et les chants commencent ... À l'unisson, au rythme des tambours et maracas, des chants puissants. Des mélodies qui sortent du plus profond du coeur de chacun. Des références aux éléments, à la nature, il fait de plus en plus chaud mais c'est bon. Tout le monde semble faire partie du même corps, en totale communion. Ne connaissant pas les paroles, je parviens à en saisir quelques unes et à les chanter avec eux. Sinon, je fredonne l'air, me sentant part de ce groupe. La porte s'ouvre au bout de quatre chants comme annoncé. Les enfants sortent, les abuelitas rentrent, "bienvenidas". Un autre chant est entamé, un chant de transition.
Bienvenidas abuelitas, caras piedras de mi corazón. Entran con el corazón rojito ... Cantando esta cancion de amor.
Deuxième session. Je prends une profonde inspiration, les chants reprennent, la chaleur est de plus en plus écrasante. Je sens toute l'eau de mon corps dégouliner sur ma peau, et mon visage brûler, mais la mélodie me porte, les notes me transpercent. Mon coeur bat la chamade, je suis presque en transe, avec tous ces gens autour de moi. Venue de julle part, je me prends de l'eau dans la figure, c'est bien venu. La porte s'ouvre, les abuelitas rentrent - bienvenidas. Je sors pour boire, prendre le frais, en espérant ne pas attraper la crève. Beaucoup d'autres personnes doivent faire la même chose. Mais au final, la chaleur réconfortante de la tente, c'est le mieux. La pluie semble arriver, le tonnerre gronde. Troisième session. Chants, tambours, chaleur. Je me consume. Certains s'arrêtent là, je veux aller jusqu'au bout. Quatrième session, comme les quatre éléments, le dernier est le feu. On a un peu plus de place, on peut s'allonger, vidés mais détendus, à la toute fin, tandis que nos corps reviennent à température normale et que la pluie tombe sur la tente. Il y a bien quelques insectes, que je n'écrase pas, ça la foutrait mal. Je suis dans un état second, encore sous le coup de l'expérience que je viens de vivre. C'était fou, c'était incroyable. Et tout ça sans drogues. La pluie fait rage, mais elle peut bien me tremper les os, la boue peut bien salir ma peau, après tout c'est le monde qui nous donne vie tous les jours. Cette nature que nous rejetons et pourtant sans laquelle nous ne serions rien. La boue, ce n'est que la terre nourricière, après tout.
J'ai essayé d'être discrète pour être la plus respectueuse possible. Quand je vais payer, Gustavo me redonne du tabac "à mettre dans mon porte monnaie". Ah, euh, ok. Je plains les gens à qui je vais donner mes sous qui puent. Je fais aussi attention à bien me sécher, car c'est un coup à choper la crève. Mes chaussures sont trempées bien que les gens aient mis une bâche pour protéger les affaires. Mais ce n'est pas bien grave. Je ne sais plus trop où j'habite et j'ai un peu la tête qui tourne. Mais c'est aussi probablement l'hypoglycémie, il est quand même 14h30.
En redescendant de la montagne, prudemment car ça glisse, je décide d'aller au parc de l'Arcotete. Bon, il pleut toujours, mais si je n'y vais pas maintenant je n'irai jamais. Comme il est un peu tard et que je ne veux pas traverser la ville pour prendre un colectivo, je prends un taxi. Les routes sont mauvaises, ça secoue et je me sens un peu nauséeuse. En arrivant, ça va mieux. L'entrée n'est pas bien chère, et après avoir mangé un sandwich (une torta) je me dirige vers l'Arco de Piedra qui est l'emblème du site. Il pluviote mais ça va. Il y a des gens qui font de la tyrolienne (qui n'a pas l'air de faire bien peur) et d'autres qui font de l'escalade libre. Il y a aussi des grottes à visiter. Bon, elles n'ont rien d'extraordinaire, certes, mais c'est toujours rigolo de voir des formes dans la pierre. On peut s'y promener en passant à travers de petits conduits, il ne faut pas être obèse. Mais ça on le sait de suite en passant la petite porte.
Pour franchir le Rio Arcotete, il y a des ponts suspendus en bois, qui bougent quand on passe dessus, et ça aussi c'est toujours fun. Bon, et bien ce fut rapide, j'aurais bien aimé revenir à pied à San Cristóbal mais comme il fait moche et que quand même, il faut se ménager après un temazcal, on va opter pour le colectivo. De retour en ville, je vais booker mon tour pour le canyon demain, puis je retourne à l'hostel. Je vais faire ma prise de sang demain, et ce soir il n'y a pas beaucoup d'ambiance vu que tout le monde est crevé, donc zéro alcool. Ça fait du bien de temps en temps. J'ai changé de dortoir, je suis dans "le placard sous l'escalier", il n'y a pas de fenêtres, que des gars, et il pue l'humidité. C'est un peu mieux quand on laisse ouvert. Mais au moins il y a Gustavo, un Brésilien trop sympa (alors tout le monde ne s'appelle pas Gustavo non), et un Anglais que je ne comprends pas quand il parle. Je redoute un peu d'aller dormir, ça ne me fait pas très envie, donc je traîne en salle ciné pour regarder des séries. Un autre gars me rejoint, on veut mettre la saison 5 de la Casa de Papel mais on se fait virer car "il est trop tard, la salle est fermée", sauf que 10 minutes plus tard les volontaires s'y calent pour se matter un film d'horreur. Pas cool. En plus la musique va me réveiller en pleine nuit, n'importe quoi.
Pourquoi les crocodiles ressemblent autant à des bouts de bois.
Réveillée tôt pour aller faire ma prise de sang, à jeun, alors que je crève la dalle. Vite, qu'on en finisse, et que je puisse manger mes crêpes. Au labo, la dame me montre que tout est bien stérile, et oui, tout l'est bien. En fait, c'est rassurant. J'ai un peu la tête qui tourne, mais pas assez pour faire un malaise.
De retour, je profite de mon petit dej, enfin presque.. Le guide pour le Cañon del Sumidero arrive à 8h45 au lieu de 9h. Je ne suis pas prête ! J'ai même pas pu aller aux toilettes ! Heureusement la fille de la réception lui dit de revenir plus tard. Ça a l'air de le faire chier, mais hé, 9h c'est pas 8h45, surtout que ça prend du temps pour être servi. J'engloutis donc les bonnes crêpes, me prépare en vitesse, et j'en ai tout juste le temps d'ailleurs qu'il est déjà revenu. C'est un peu nul car au final on tourne et retourne pour aller chercher les gens, on repasse devant l'hostel, il aurait pu me laisser plus de temps. Il s'appelle Alejandro et quand je lui demande si on peut aller aux toilettes avant notre premier stop, il dit non. J'aurais jamais dû prendre du café. En plus la route secoue un peu, mais bon, ça va passer. Nous nous dirigeons vers Tuxtla Gutiérrez, et mauvaise nouvelle, tout est embrumé. C'est pas bon signe. Finalement, on peut quand même faire un stop pipi ... Attendez, je suis qu'avec des vieux mexicains, heureusement qu'on s'arrête.
Après un trajet qui semble bien long, nous arrivons au premier mirador, La Coyota, et suspense, suspense ... Ah ça va en fait, c'est assez dégagé ! On peut voir le Rio Grijalva 1000 mètres plus bas. Ce n'est qu'un petit stop photo, on repart assez vite pour le second mirador, nommé Los Chiapa. C'est l'ethnie qui a donné le nom à l'état qui vivait ici, leur nom voulant dire "ceux qui vivent sur la montagne qui est sur l'eau en dessous" (ouais en VO c'est "los que viven en el cierro que está sobre el agua de abajo"). Ils se sont retirés dans le Canyon del Sumidero pour échapper aux Espagnols pendant la conquête.
Je commence à avoir faim, on n'a pas du tout mangé. Encore un long temps de transport plus tard, nous arrivons à l'endroit où nous allons prendre le bateau, pour descendre dans tout le canyon pendant deux heures. Mais comme on va apprécier la vue au dessus de nous ... Le bateau n'a pas de toit. Il est midi. On est en plein cagnard. J'ai mis un pansement pour protéger ma piqûre sur ma joue qui fait une cloque, aussi pour la cacher car elle est dégueulasse, mais je suis obligée de l'enlever sinon je vais bronzer avec la marque d'un petit carré sur le visage et j'aurai l'air con. Je n'ai même pas prévu de crème ... Heureusement, un gars m'en donne un peu. Je prends aussi des cacahuètes pour tenir encore jusqu'au repas.
Et c'est parti, nous pouvons admirer une presse hydraulique. Puis nous pénétrons dans le canyon, qui est certes impressionnant mais assez sale. Ils essayent de le nettoyer, mais ces derniers temps il a trop plu et il y a plein de plastiques à la dérive dans l'eau. Nous pouvons admirer des cascades, dont celle de l'Arbol de Navidad qui est magnifique, nommée comme cela à cause des formations rocheuses vertes qui rappellent un sapin. Nous passons juste en dessous, pour nous faire mouiller, je protège le Reflex juste à temps. Mais avec la chaleur, ça fait du bien ...
Nous continuons notre petit tour à la Cueva de Colores, bon, rien de bien extraordinaire. Nous pouvons voir aussi pas mal d'oiseaux, des aigrettes et des pélicans. Les parois rocheuses qui s'élèvent à 1 200 mètres au dessus de nos têtes sont impressionnantes, et finalement le cagnard est supportable. Surtout quand on va vite. Dès qu'on s'arrête, c'est infernal.
Et puis, on entre dans la "zona de cocodrilos", enfin, je n'en ai pas vu à Bacalar et ça va être l'occasion ! Après avoir vu 40 bouts de bois et les avoir pris pour des crocodiles, l'attente est terminée. Surtout qu'ils sont assez pépères, sur leur petite plage privée, ils ouvrent grand leur bouche, on dirait moins des branches. C'est rigolo en tout cas. Et celui qui est aussi rigolo, c'est Pancho. C'est un singe araignée très curieux que l'un des guides attire avec un appeau. Il ouvre ses grands yeux ronds pour nous regarder passer et se faire photographier tel un acteur sur un tapis rouge. En comparant les photos prises à d'autres moments, il semble tout le temps être là. En plus il a un petit collier. Mais bon, il est mignon et rigolo, il fait bien son job.
Enfin, nous terminons notre trajet, qui finalement n'était pas si mal que ça, à Chiapa de Corzo. C'est un village touristique, un autre pueblo magico. On peut y faire un tour assez rapide dans les rues, il fait très beau temps, peut être même un peu chaud. Je vais enfin manger, dans un restaurant typique avec de la musique, j'essaye une Pepita con Tasajo. Le gars me dit que c'est de la viande de boeuf dans de la sauce à la fleur de courge. En tout cas c'est ce que j'ai compris, mais au goût, surprise, on dirait de la joue. Pourtant même en vérifiant il y a bien marqué "viande de boeuf salée". En soi, j'ai voulu faire typique, c'est pas terrible. Et en plus une petite fille, bien que mignonne comme tout, vient me harceler pour vendre des trucs. J'achète toujours pas aux enfants, la pire c'était celle de 3 ou 4 ans. Je suis obligée d'être ferme, puis de l'ignorer, ça me fend le coeur car elle a l'âge de mes patientes mais je n'ai pas trop le choix non plus. Une fois le repas terminé, c'est déjà l'heure de repartir. Et bien ça ne m'aura pas laissé un souvenir impérissable non plus.
Sur la photo 1, ce n'est PAS Chiapa, heureusement. C'est un quartier très moche de Tuxtla. À mon retour, il y a toujours les mêmes personnes dans le patio, ça me crée un vrai sentiment de famille, de rentrer à la maison. J'ai beau critiquer cet hostel, le fait que les gens y restent longtemps, les repas ensemble etc, ça crée vraiment cette sensation. Bon, même si les Caennaises m'ont un peu soulée en me disant "c'est pas un vrai temazcal que t'as fait, c'était juste pour la thune", gnagnagna, tu n'étais même pas là, tu n'en sais rien. J'ai pas critiqué votre rave de merde, là. Je ne l'ai vraiment pas bien pris, ça me met de mauvaise humeur, j'ai besoin d'aller m'isoler un peu. Mais je finis pour revenir au bar pour goûter une ... immondice. Une Michelada. Ça avait l'air sympa comme ça, autour de certaines il y a des bonbons, je pensais que c'était juste un cocktail à la bière sucré et épicé. Et non, que nenni. Il y a aussi du jus de tomate et de la sauce huître. Non non c'est pas une blague. Mon expression change au fur et à mesure que je le vois préparer le fameux cocktail, l'effroi doit se lire dans mes yeux. Mais peut-être que c'est pas si mauv .. Ah si putain! J'ai presque recraché ! Heureusement, l'autre serveur du bar m'aime bien depuis le karaoké, il ne me le fait pas payer et le boit à ma place. Je prends un cocktail plus classique, mais comment font-ils pour boire ces trucs à longueur de journée ? Vraiment, ces gens ne sont pas comme nous.
L'ambiance est moyenne ce soir. J'ai des sentiments vraiment partagés quant à mon départ demain, je me sens complètement perdue dans mon ressenti. J'ai envie de me casser, mais en même temps envie de rester. J'ai aussi un peu peur de ce que je pourrais faire ici, je sens que ça pourrait être dangereux pour moi, trop de tentations, trop de stimulations. Cette ville a vraiment un effet bizarre sur moi, et je crains que ça ne tourne à la mauvaise influence. Il y a pourtant encore tant à découvrir, toute cette spiritualité est incroyable, la vie culturelle est épanouie, c'est vrai qu'on pourrait y rester bien longtemps. Mais en même temps il pleut tout le temps, il fait froid, mon dortoir pue. San Cristóbal, c'est un très beau piège doré, un magnifique traquenard où la drogue se vend au coin de la rue, mais un endroit beaucoup trop fascinant pour me laisser insensible. J'ai l'impression que ça pourrait m'épuiser. Finalement, le temps m'étant compté avant mon retour, c'est le planning qui va trancher à ma place.