Carnet de voyage

Japon, typhon, petit patapon

7 étapes
8 commentaires
Quitte à ce que ce soit le dernier "grand" voyage avant pas mal de temps, autant partir en beauté.
Du 30 mai au 20 juin 2023
22 jours
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... Bon, vous savez comment ça marche! Et moi aussi, donc ... Cette fois-ci, je la fais courte.

J'avais à la base envie de coupler Corée du Sud et Japon. Sauf qu'au final, mon timing personnel et l'organisation de ma vie fait que je ne peux voyager que trois semaines, ce qui est déjà pas mal. Donc, il fallait faire un choix. Donc, ledit choix a été rapidement fait.

On rattrape le temps perdu en 2020, mais malheureusement, comme l'on peut s'en douter, pas mal de choses ont fermé depuis le covid. Notamment des endroits à thèmes sur Tokyo qui m'intéressaient beaucoup, mais tant pis, ce sera l'occasion de découvrir d'autres lieux à la place. Et encore, la situation est déjà moins pire qu'à la réouverture du pays en octobre dernier!

Les points les plus embêtants seront:

  • Je pars pendant la saison des pluies, tsuyu, donc je risque d'être bien arrosée. Et quand bien même je sois au courant, je vais probablement m'en plaindre, mais je m'y adapterai parce que c'est tout de même une chance d'être au Japon! Et une chance d'avoir eu peu de frais, vu que c'est une basse saison. Cela m'étonnerait que je sois tout à fait seule cependant. Et puis ... Vu comment le climat se détraque, on n'est plus sûr de rien.
  • Les Japonais étaient paranos. Ils sont toujours paranos. J'entends par là que ce sera le retour du masque pendant 3 semaines, ce qui va être particulièrement étrange!

Mais évidemment, ce n'est rien comparé au positif qui m'attend! Au programme: des temples, des temples, des temples, des festivals culturels qui certes ne seront pas comme ceux de juillet mais qui promettent d'être incroyables, et même incroyablement intéressants, de la BOUFFE à profusion et des kilos en plus, de la geekerie, et même Sarah (du Mexique) qui part du Japon le jour de mon arrivée mais nous aurons de quoi nous croiser si tout va bien.

Ah, et il faut que je me remette au moins à l'apprentissage des hiraganas et des katakanas. Tout ça pour arriver sur place et tout voir écrit en kanjis, et ne rien comprendre. Mais ça peut toujours être très utile pour se faire phonétiquement comprendre!

Edit: Nous sommes à trois jours de mon départ et je n'ai toujours pas révisé. Vu que je l'avais déjà fait, ça pourrait revenir assez vite. En parlant de vite, j'ai trop tardé à commander mon Japan Rail Pass, mais il est arrivé pile hier après un petit coup de stress. Belle efficacité de la part de l'agence Japan Adventures!

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Petit rappel pour les nouvelles personnes intéressées par mes blogs:

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Vous pouvez cependant retrouver toutes les étapes tout en haut de la page là où il y aura une bannière, une fois que j'aurai fait la photo adéquate ... Cliquez dans la bulle avec le chiffre et vous pouvez directement sauter au numéro de l'étape.

Les photos sont cliquables pour les voir en plus grand. Attention, ce n'est plus mon regretté Nikon, qui fait sa vie au Brésil. C'est mon Canon, que je considère ne pas encore bien maîtriser. Et l'objectif basique est tout de même moins bien. On verra ce que ça donne mais ne soyez pas trop durs avec moi ... En revanche, j'ai décidé de prendre mon PC avec moi. C'est le Japon, ça devrait bien se passer. Ca sera nickel pour les retouches photos.

Je fais beaucoup de blabla historique avec des mots précis. Si ça ne vous intéresse pas, je le mets en italique, c'est bien repérable, et vous pouvez le sauter pour revenir à ma propre timeline.

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(Ne cherchez pas ... Le premier mot ne veut rien dire. Enfin phonétiquement, fuayajiu. Prononcez-le ... Pourquoi ne pas carrément chercher la traduction ? Ah mais, c'est plus rigolo comme ça. Les noms des villes devraient être corrects, en revanche).

Soudaine réalisation dans la nuit, tandis que je me réveille dans mon lit d'hostel à Barcelone: j'ai oublié ma housse de pluie pour le sac. Alors que je n'ai de cesse de rappeler qu'il va pleuvoir. Très bien, il va falloir se rééquiper sur place, probablement. Entre temps, j'ai des nouvelles de Sarah: finalement elle rentre plus tôt en France pour être auprès d'un membre de sa famille, et nous nous ratons donc à un jour près. J'espère que tout ceci ne m'apporte pas de mauvaises augures ...

Je prends la compagnie Etihad avec une escale de trois heures trente à Abu Dhabi, entre deux vols de respectivement six heures et neuf heures vingt. J'ai l'habitude, pas vrai? Mais pourtant, le trajet a été pénible, bien que j'aie eu de l'occupation. Je ne sais pas, histoire d'état mental probablement, impatience, d'autres choses en tête ... Peut-être m'avez-vous entendue me plaindre de cette compagnie, peut-être même l'ai-je mentionnée dans mon premier article et je ne m'en souviens plus, mais j'ai cette fois-ci été agréablement surprise. La nourriture était très bonne, s'il faut il y a un comité de scientifiques qui étudie la question du goût en avion car à force de voyager, je peux dire qu'il y a eu de l'amélioration.

Je ne résiste pas à l'envie de vous partager des photos du survol du désert égyptien, où les ombres des nuages paraissent imprimées sur le sol aride. Le Nil, majestueux, et de belles nuances de turquoise. L'atterrissage aux Emirats est aussi quelque chose, les habitations qui rappelleraient presque Tatooine, mais en blanc et urbanisées en blocs, et l'air qui semble saturé de sable. En plus, il est 18 heures, et c'est la Golden Hour. Abu Dhabi fait bien de se la jouer Mille et Une Nuits. L'aéroport que je connaissais déjà n'est pas extraordinaire de par sa structure ... Mais de par toutes les populations qui s'y croisent. Cheiks, Sikhs, dames en hijab et niqab qui côtoient les Européens en direction de l'Asie et les gamines aux cheveux rouges en crop top. En prenant le temps de capter cette ambiance, on se dit que le monde est quand même un endroit rigolo.

Le second vol paraît long, très long ... Et dire qu'il va durer onze heures en sens inverse. Et c'est en n'ayant pas du tout dormi que j'aperçois par le hublot au loin les premières terres nippones, BONJOUR JA ... Ah non, c'est la mer. Soit. Enfin, se profile l'aéroport de Narita, et les campagnes environnantes. La végétation ressemble à un mélange de tropical et d'autres influences. Bon, il ne semble pas que ce soit la plus belle partie du Japon. J'ai vu tant de vidéos et tant joué à Geoguessr que cela me paraît tout de suite familier. Un peu trop, même. L'aéroport est très international, sans âme, nous pourrions être n'importe où dans le monde si ce n'était pour les panneaux écrits en kanjis. Au moins, les toilettes? C'est la première fois que j'ai la hype d'aller aux toilettes. Et bien, c'est plus simple que ce que j'imaginais, mais le test du petit jet d'eau est concluant. Je récupère le backpack qui pour une fois est parti en soute, je vais prendre mon ticket de bus en manquant de me tromper et de payer le double pour un bus non low-cost qui fait le même trajet, il part dans sept minutes, mais l'arrêt est juste devant la sortie. On s'y retrouve bien, probablement que Haneda, aéroport plus proche de Tokyo, est plus imposant et en met plein la vue pour les gens qui ne prennent pas des compagnies de pauvres. D'économes, pardon. Direction la Tokyo Station, que nous allons atteindre en une heure.

Je dois dire que pour le moment, le dépaysement ne fait pas effet, probablement un effet secondaire du jet-lag, de la déprivation de sommeil ou de trop de voyages. Ou tout en même temps. Evidemment, difficile de retrouver l'effet de mon dernier long courrier, la sensation que j'éprouve en arrivant ici est de me dire "enfin! On se rencontre, Japon, il était temps!". L'urbanisation se densifie en nous approchant de Tokyo où il ne semble y avoir aucune circulation, et tout à coup au loin, la Tokyo Sky Tree! Il faut dire que du haut de ses 634 mètres, on la voit de loin, de très loin. Ce qui brouille totalement la perspective, car le relief est plat, on dirait qu'elle n'est qu'à quelques kilomètres de nous alors qu'elle est au moins à vingt. Etrange sensation. Et ce n'est pas fini. Les abords de Tokyo sont moches, qu'on se le dise. Je n'imaginais pas ça comme ça, quand bien même les quartiers pas beaux ne sont pas un souci. Il n'y a aucune unité dans l'architecture, les blocs d'immeubles sont juxtaposés les uns à côté des autres, comme dans pas mal de villes où je suis allée mais cela ne crée pas la même impression. Ouh, j'espère que je vais m'y sentir bien, quand même. Nous entrons dans Tokyo par une autoroute aérienne qui domine d'ailleurs tous ces blocs en question. Le bus prend la sortie, et nous descendons littéralement d'un niveau, la route toujours suspendue serpente entre les buildings à la moitié de leur hauteur. Ca, c'est rigolo. Encore un niveau plus bas, et je me rends compte que oui, les immeubles sont grands quand même. Tout carrés, serrés. Là comme ça à chaud, Tokyo me fait l'effet ... d'une ville Lego. Comme si on avait empilé des blocs, alors que bon, les immeubles ne sont pas les uns SUR les autres, mais je ne sais pas, la perspective est particulière.

Le bus arrive à destination, j'entre dans la gare pour essayer de trouver la ligne de métro que j'avais repérée, mais ... petit bug, je ne la vois plus. Il faut dire que les stations aux noms différents communiquent entre elles, et que plusieurs réseaux opèrent au même endroit, notamment le métro de Tokyo et le TOEI (oui, comme les studios d'animation). J'étais prévenue que ça allait être compliqué, mais au final, j'ai un peu la flemme de chercher à comprendre. Je me promène dans les couloirs de la gare pour aller aux toilettes, esquivant le flux de personnes. Et tout à coup, plein de lycéens en uniforme qui passent, comme dans les animés. C'est irréaliste, je suis au Japon. Irréaliste mais en même temps, cela paraît tellement familier! Les halls sont immenses, je cherche à grignoter et je rentre donc dans un konbini (une petite épicerie) et je choisis que la première chose que je vais manger au Japon sera un onigiri au saumon. Qui évidemment n'est pas extraordinaire vu la provenance, mais au moins ça calera un peu! Je décide d'ailleurs de rejoindre l'hostel en marchant une vingtaine de minutes, ça sera plus simple que de me prendre la tête à trouver le métro, et payer de surcroît.

Tokyo a beau être la plus grande ville du monde, ici c'est ... calme. Très calme, il y a des voitures mais quasiment pas, les grandes avenues paraissent vides alors qu'il est 15 heures du matin. Je croise pas mal de gens à vélo. Et des gens qui semblent pressés. Au Japon comme au Japon, j'ai laissé tomber mes manières de rustre pour le moment et je me suis acheté une politesse. Ce qui signifie dans mon cas, attendre. Patienter que le feu soit vert, et traverser aux passages piétons. Faire attention et laisser passer les voitures qui veulent se garer. Je ne sais pas, j'ai envie de faire genre l'ambassadrice européenne des bonnes manières. J'arrive à destination dans un état d'esprit un peu perplexe, suis-je dépaysée ou pas, je ne sais même pas le dire, suis-je impressionnée? Je sens surtout que je ne suis pas immergée. Qu'à cela ne tienne. Je m'allonge un peu sur le lit car cela faisait littéralement 25 heures que je ne l'avais pas fait, et malgré le manque de sommeil mais l'insomnie persistante, je me dis qu'il y a tellement de choses à découvrir dans la capitale qu'il serait bête de stagner. Il se trouve que je suis à quinze minutes à pied du fameux quartier geek d'Akihabara, appelé aussi Akiba par les locaux. Allez, on va se prendre un petit shot/choc culturel, j'espère, comme un défibrillateur.

Je dois dire que pour une photographe adepte d'architecture et d'urbain, je sens que je vais me régaler car c'est totalement le genre d'environnement qui m'inspire. On entend souvent le gimmick "le Japon, entre tradition et modernité", et bien oui allez, "Tokyo, entre tradition et modernité!". Les petites baraques en bois qui abritent des restaurants de nouilles, currys ou brochettes, coincées entre les buildings, mais aussi les izakayas avec leurs lanternes qui s'illuminent à la nuit tombée, les rues ont tout du cliché. Pour le moment, même ce que j'ai mangé est assez similaire à la cuisine japonaise que je connais, et les restaurants ressemblent aux immersifs que nous avons en France, je dois dire que je suis assez étonnée de ne pas être ... plus étonnée. Alors ça, ça ne me l'avait jamais fait, comme quoi ... Mais pour autant, ce n'est pas désagréable d'être ici, évidemment. Je me dis juste que cette partie de la culture japonaise ne nous parvient pas si déformée que ça, contrairement au sens inverse et à leur utilisation des mots français approximatifs.

Me voici à Akihabara. Soit c'est plutôt soft, soit je ne suis pas au bon endroit. Allons voir. Je rentre au hasard dans un endroit où les gens jouent au Pachinko (c'est le jeu où il faut mettre les petits cerceaux sur des piques avec la pression de l'eau, un peu comme un flipper, et là on peut gagner de l'argent) et là BOUM, la musique à fond, des néons de partout, du bruit, comme dans un casino mais le niveau au dessus. Je n'ai pas le droit de faire de photos mais vous me connaissez maintenant, j'ai fait une vidéo en scred.

 Je m'excuse. Je me suis trop habituée à faire un format story, je m'en rends compte trop tard. Je refilmerai en horizontal.

C'était court, car je n'allais pas rester à regarder les gens jouer, c'est gênant et je sais qu'ils n'aiment pas ça, mais c'était déjà un peu décoiffant. En faisant un tour de ce côté-ci, il semblerait qu'il n'y ait pas grand chose. Impossible. Je ne suis pas au bon endroit. Je suis en hypoglycémie et je ne réfléchis pas bien. Saleté de jet-lag. Je goûte des sushis et une yakitori pris au konbini, et bien ce n'est pas si mal pour un casse dalle! En plus c'est moins cher qu'en France pour une fois, mais dans les restaurants ils doivent être excellents. Par contre, comme je l'avais lu, il n'y a pas de poubelles à l'extérieur bien que les trottoirs soient nickels. Un jour il y a eu un attentat impliquant une explosion dans une poubelle et le gouvernement japonais a réagi en supprimant les poubelles. Malin. On les trouve en fait dans les konbinis, ou alors il faut se promener avec son petit sac plastique. Je vois qu'il y a des sacs poubelles à même les trottoirs à certains endroits précis, que selon les jours il faut déposer des déchets brûlables ou pas et ... oh, bon, on ne va pas faire de connerie. Etonnant comment marche ce système, ce serait déjà l'anarchie ailleurs.

Ah! Premier magasin de figurines, je suis sur la bonne route. Je rentre à l'intérieur, elles sont classes mais chères, et il y a des gachapons avec des photos de filles dessus, je me demande si ce ne sont pas des gachapons pour avoir des culottes - en écrivant, je me souviens que c'est réservé aux sex shops. Un gachapon, c'est quoi? C'est un espèce de distributeur de tout et de rien où on va recevoir un cadeau aléatoire. Alors dit comme ça, je le vends bizarrement, mais vous connaissez c'est sûr. On met de l'argent, on tourne la molette et le cadeau tombe dans une petite boule en plastique. Vous verrez sur mes photos et vidéos, vous allez dire "aaah, mais oui".

Je continue mon chemin, j'observe les bâtiments, c'est quand même beau et pour certains il y a un sacré effort de décoration. Et puis soudain, sans prévenir, bam, je me retrouve au coeur d'Akihabara. De la musique dans les rues, encore des arcades de Pachinko, des magasins d'électronique et de figurines, de souvenirs, des écrans lumineux et des néons comme à Times Square, wouah, d'un seul coup je ne sais plus où donner de la tête! Il y a plein de monde, c'est bruyant, animé, je rentre dans plusieurs magasins mais je ne sais pour le moment pas trop quoi acheter. Et pour la peine, j'essaye un gachapon pour avoir une figurine de Pokémon, à côté on peut avoir des tote bags, ou alors des masques pour les yeux, ou alors des porte clés ... Le choix est vaste. J'ai trouvé un magasin où il n'y a que des figurines d'animaux, dont des ornithorinques.

Là, je dois dire que c'est assez incroyable, ces explosions de bruits, de lumières et de couleurs. Je traîne, je traîne ... Il y a des jeunes filles qui font du rabattage pour les Maids cafés. Pour le fun, j'ai pris un prospectus mais je ne sais même pas si c'est bien vu pour une femme d'y aller, je vais me renseigner et j'aviserai, par curiosité. Il n'y a pas que les Maids, je tombe aussi sur une jeune qui fait partie d'un groupe d'idols (les chanteuses/danseuses des groupes de pop), il faut voter pour elle pour qu'elle gagne en popularité pour espérer être prise en Ligue 1. Pardon, dans un groupe plus important. La concurrence est rude. Du coup, que ce soient les Idols ou les Maids, elles rivalisent de style, entre uniforme et cosplay. J'ai demandé à les prendre en photo ne serait-ce que de dos mais elles n'ont pas voulu. Celle que l'on voit, là, et bien je ne le savais pas et elle n'était pas encore en heure de rush.

Je profite encore de l'ambiance, je vais manger des sobas tandis que le soleil se couche, je prends des photos, et je me dis que je reviendrai plus tard car quand même, la fatigue. Tokyo de nuit semble encore plus inspirante que de jour.

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Jour 2

Ah! Les joies du jet-lag. Dormir deux heures, profondément certes, puis se réveiller à nouveau, et ne pas se rendormir de la nuit tandis qu'on entend les gens ronfler et être jalouse qu'ils arrivent à dormir. Je suis réveillée à minuit et cela n'a aucun sens comparé à l'heure de la France, je me suspecte de m'être accidentellement recalée sur l'heure de Vancouver. C'est un peu embêtant car demain j'aimerais faire une grande journée de balade, et surtout, je meurs de faim en plein milieu de la nuit et il n'y a rien à manger. Bah, on survivra. Ce n'est que plus tard qu'on m'a rappelé que les konbinis étaient ouverts 24h/24h. Et au final, je tombe de fatigue vers sept heures du matin, pour me faire réveiller par les hommes de ménage à onze heures. Oups! Bon, ce n'est pas un trop mauvais timing, pour ce que je veux faire ...

Je profite du temps encore agréable pour me rendre à pied au marché de Tsukiji, à cinquante minutes de là. Il ne fait pas encore trop chaud, entre 23 et 25 degrés, avec un petit vent doux. Sur le chemin, j'observe une fois de plus les bâtiments éclectiques, mais je me trouve dans un quartier plutôt résidentiel, Nihonbashi, donc il y a peu d'animation comparé à hier soir. J'entre dans un 7 Eleven pour retirer de l'argent, car il va bien m'en falloir, et l'ATM me parle (oui, me parle littéralement) en français. Et pas n'importe comment! C'est sympathique. J'atteins ma destination, et en profite pour visiter un temple bouddhiste. J'aurai l'occasion d'en reparler, mais les Japonais sont donc bouddhistes ou shintoistes. C'est ces derniers qui mettent les portes que l'on connaît bien, les torii, à l'entrée de leurs temples.

Le fameux marché de Tsukiji était connu pour être le plus grand marché de poissons d'Asie. En fait, par manque de place, il a été décalé au marché de Toyosu, dans lequel j'irai peut être faire un tour si le temps (dans les deux sens du terme) me le permet. Il y a encore une halle qui semble peu impressionnante car beaucoup de stands sont fermés, il est déjà presque une heure de l'après-midi, mais en revanche il y a de petites ruelles pleines de restaurants et snacks. J'ai entendu parler de l'un d'eux qui sert de l'oursin ... C'est à tester! Malheureusement, il y a la queue, et le plat coûte 6000 yens (40 euros) de toute façon. Mais quand je regarde le restaurant d'en face, moins prestigieux, je me rends compte qu'ils en servent aussi (un peu, pour goûter c'est bien), à moitié prix, avec un assortiment de thon, une crevette, de l'anguille, de la coquille Saint Jacques, du saumon, du poulpe. Et bien, ça fera l'affaire, et en plus il n'y a pas d'attente. La serveuse me sert de l'eau légèrement aromatisée à ... quelque chose de vert, on dirait du matcha mais le goût en serait très peu prononcé. Le plat arrive assez rapidement: il est délicieux. L'oursin, c'est assez rigolo, bien que tout un plat pourrait être écoeurant. Je ne me souvenais plus du goût de l'anguille, c'est aussi validé.

Repue, ou presque car je ne résiste pas à prendre une brochette de Saint Jacques pour seulement 300 yens (2 euros) sur un autre stand, je fais le tour du marché extérieur. Il est animé mais c'est bien moins le bazar que ceux d'Asie du Sud Est ou d'Amérique du Sud, comme on s'en doute. Mais c'est tout aussi appréciable. Les différents mets font envie, cependant je ne peux plus rien avaler pour l'instant.

Maintenant, direction les jardins d'Hama-rikyu, qui sont proches. C'est une ancienne réserve de chasse qui appartenait au jeune frère du shogun Tokugawa, et qui était seigneur féodal (daimyo). Par la suite, servant toujours l'intérêt de la famille impériale, il servait à accueillir des dirigeants étrangers. Le site brûle une première fois lors du tremblement de terre de 1923, et est bombardé en 1945. Les jardins restent, mais pas les grandes propriétés qui sont transférées ailleurs. Maintenant, il y a de mignonnes petites maisons de thé, que l'on peut visiter, et où on peut se détendre. Il est très agréable, une fois déchaussée, de sentir la texture des nattes en bambou sous les pieds.

Un premier point historique sur le Japon, puisque nous parlons des Tokugawa. L'état japonais se constitue vers 300 après JC, lorsque quatre grands clans s'allient autour d'une première capitale, Asuka. Le prince Shotoku Taishi est à l'origine de l'appellation "pays du soleil levant", lorsqu'il envoie une missive à l'empereur de Chine commençant en ces termes, "de l'empereur céleste du soleil levant à l'empereur céleste du soleil couchant", ce qui était assez couillu pour l'époque quand on considère que la Chine était un empire bien plus puissant. La capitale change pour Nara en 712, mais l'empereur Kammu la déplace à Heian (actuelle Kyoto) pour éviter l'influence du clergé bouddhiste. Cependant, comme partout et comme toujours, des guerres de clans éclatent un peu partout. En 1192, Minamoto gagne une guerre contre des barbares et reçoit le titre honorifique de shogun (généralissime pour la soumission des barbares), ce qui a pour effet de créer un régime parallèle appelé bakufu et qui va s'installer à Kamakura, faisant de l'ombre à Heian. La classe guerrière se développe. Le Japon féodal, fonctionnant aussi avec des seigneurs, est une période d'enjeux de pouvoir. A partir de 1573, trois généraux vont pacifier le Japon: Oda Nobunaga, Hideyoshi Toyotomi et Ieyasu Tokugawa. Les deux premiers connaissent un destin tragique tandis que le dernier remporte la bataille de Sekigahara et établit son shogunat à Edo, actuelle Tokyo. Leur dynastie s'installera jusqu'au milieu du XIXe siècle! Période de colonisation de la région par le Royaume-Uni. La puissance britannique n'envahit pas vraiment le Japon, mais le shogun sait qu'il n'a pas d'autre choix que de négocier un traité commercial contraignant pour garder l'indépendance de son pays. Les différentes castes (samourais, marchands, artisans et paysans) sont abolies, ainsi que les apparats vestimentaires qui les distinguaient. La révolte gronde chez le peuple, notamment chez les anciens samourais. Ils remportent finalement la bataille et c'est le début de la Restauration de Meiji, avec un empereur à la tête du pays.

Il est bientôt 15h30, j'ai le temps de me promener dans le quartier de Ginza. C'est un endroit assez huppé, mais pas autant qu'un autre nommé Omotesando. Le temps de marcher et de faire des photos, l'heure tourne, et j'ai encore une heure de marche avant d'arriver à ma prochaine destination, Teamlabs Planets, qui abrite une exposition d'art digital immersif. Le musée est situé sur une île artificielle, pour m'y rendre je dois traverser plusieurs ponts. J'ai mal aux jambes mais je suis motivée, je ne suis pas sûre de pouvoir autant marcher à l'extérieur les prochains jours, il vaut mieux donc en profiter. En plus, la grisaille a laissé place à un rayon de soleil.

J'ai encore de l'énergie pour l'exposition, qui me fait envie depuis trois ans, quand j'étais déjà censée me rendre à Tokyo en 2020. A l'entrée, c'est assez rigolo car une vidéo précise qu'il y a des miroirs sur le sol et que si nous sommes en jupe, on risque de voir nos culottes. Du coup, ils louent gratuitement des shorts, plutôt sympa. Nous entrons, et des casiers sont à notre disposition pour laisser les chaussures car l'expo se vit pieds nus. On nous avertit même que nous allons avoir de l'eau jusqu'aux genoux ... Wahou. Il faut d'abord passer par la "Water Area", qui porte bien son nom car la première installation nous fait remonter une rivière artificielle les pieds dans l'eau. Je dois dire qu'après toute la marche, c'est extrêmement agréable. Il y a du blabla artistique sur le fait que nous ne sommes qu'un par rapport à la nature, et à vrai dire il semble que toutes les oeuvres parlent de la même chose. La suite, c'est un tapis géant rempli de boules de polystirène que nous devons traverser, évidemment c'est galère. Cela donne envie de se poser et de rester couchée, pour faire une sieste. Le coeur de l'exposition, c'est la salle Crystal Universe. Bien qu'il y ait du monde partout, l'ambiance est incroyable. Je m'asseois sur les miroirs et écoute les sonorités, je m'amuse à faire des photos et des vidéos ... C'est magnifique, c'est fascinant, c'est reposant. On se croirait dans une galaxie où nos esprits flottent à travers des stimulations lumineuses et une musique éthérée.

Time Lapse 

Nous revoici dans une salle avec de l'eau, la fameuse où nous en avons jusqu'aux genoux. Des lumières ondulent sur les flots, tâches lumineuses qui se transforment peu à peu en carpes koi. Puis, une autre salle où nous sommes invités à nous allonger pour nous immerger dans un océan numérique de fleurs. Je pourrais y rester des heures, c'est si reposant ... Mais il y a une seconde aire à découvrir, la "Garden Area". Malgré le fait qu'il faille la faire en second, elle n'est pas aussi incroyable que sa voisine, et il faut passer par des files d'attente pour y accéder, ce qui est agaçant. Nous ne pouvons profiter du plafond de fleurs qu'en durée limitée. Mais bon ... Je ressors de l'exposition ravie, et détendue: j'ai adoré. Malgré les expos immersives que j'aie pu faire sur Paris, celle ci est d'un tout autre niveau.

Je pleure de la qualité de mes vidéos qui s'est dégradée. Il va falloir que je change de portable. 


Bien, maintenant il s'agirait de rentrer, et certainement pas à pied cette fois-ci. D'abord, j'aimerais voir le Rainbow Bridge allumé, ça tombe bien la nuit est tombée mais ... il n'est plus rainbow. Des économies d'énergie, probablement. Une fois dans la station de métro, mauvaise surprise: le ticket n'inclut pas de correspondances, même dans le seul réseau de Tokyo Metro. Et le prix est en fonction de la distance parcourue. Ah ... Finalement, le ticket à la journée aurait été pas mal, sauf que comme j'avais décidé de ne pas le prendre avant, ce serait frustrant de le faire maintenant. En plus de cela, je n'ai plus assez de monnaie. Donc, je me rabats sur le bus qui m'emmène à Tokyo Station. Je comptais marcher vingt minutes comme lors de mon arrivée, mais je me retrouve de l'autre côté de la gare ... Et impossible de traverser sans ticket. Donc, je vais tester le JR, qui est un peu comme le RER. La station est immense, mais de mémoire je sais quelle ligne je dois prendre, je parviens à ne pas me tromper. Pour le moment, ça va! Le train n'est pas bondé, et j'arrive à cinq minutes de mon hostel, où je prends du repos bien mérité. Et cette fois-ci, avec des horaires plus normaux pour le Japon. Par contre, force est de constater que l'ambiance de l'hostel ne se prête pas à des rencontres malgré ce que disaient les commentaires Booking. Il n'y a pas vraiment de vibe backpacker, ni même flashpacker, car le bar est un peu snob et sert des pintes d'IPA à 12 euros. Pour un début de voyage et une acclimatation, pas grave, on se socialisera plus tard.

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Jour 3

Ca y est, il pleut! Et pas qu'à moitié. Réveillée un peu avant cinq heures du matin, je prévois donc mon programme indoors. J'étais à la base censée assister à un show au Robot Restaurant, avec des danseurs, des lasers et donc des robots. Mais le staff m'a envoyé un mail pour me dire qu'ils annulaient pour cause de sérieux problèmes techniques, et le site ne marche plus non plus. A savoir que ce show vient de réouvrir, genre, il y a quelques jours, après avoir souffert du Covid (mais il va mieux maintenant). Ils se sont juste associés à un cabaret et la salle accueille des stripteaseuses le soir. Bon, on verra si dans deux semaines, c'est réglé, j'espère avoir de leurs nouvelles! Donc, on va se rabattre sur des musées, et on va tenter de faire la tournée des cafés à thème que je n'ai pas pu réserver. C'est potentiellement une journée où on va se faire refouler et avoir des échecs. En tout cas, une journée qu'on va passer à grignoter et à dépenser de l'argent.

Il est encore relativement tôt, je me dirige donc vers le musée Sumida Hokusai, du nom de celui qui a réalisé l'estampe bien connue de la Grande Vague de Kanagawa. La pluie n'est pour le moment pas bien gênante, bien qu'il y ait des bourrasques de vent par moment et que je doive faire attention à mon parapluie, mais il fait une vingtaine de degrés. Arrivée sur place, c'est un peu la déception; ce musée n'abrite que des reproductions car la Vague est encore entreposée dans les stocks pour sa protection. Bon, maintenant que je suis là, je n'ai pas fait tout ce chemin pour rien. Il y a de jolis travaux, notamment Hibiscus and Sparrow, Peonies and Butterfly, et Watching Fireworks in the cool of the evening at Ryoguko Bridge. Il y a bien quelques croquis originaux exposés dans une autre partie du musée, mais il fallait payer en plus. Je n'aime pas beaucoup le principe.

Hokusai est un personnage intéressant, non seulement parce qu'il s'est affranchi des traditions de l'ukiyo-e, mouvement artistique dont il faisait partie et qui consistait à peindre surtout des acteurs et des courtisanes, mais aussi pour ses mangas qui sont à la base des carnets de croquis destinés à ses étudiants. En 1796, il invente un nouveau style personnel, lyrique, inspiré par des influences chinoises et occidentales. Il est à l'origine d'une tradition du Nouvel An de s'offrir des surimonos, ses estampes et ses poèmes sur de petits papiers entre amis. Personnage atypique, il a changé plusieurs fois de nom au cours de sa vie, Hokusai signifiant "Atelier du Nord" en hommage à la divinité bouddhique Myoken.

 La technique de réalisation d'une estampe.

En un coup de métro direct, me voici maintenant à Shinjuku pour tester le café à thème Alice in Fantasy Book. C'est un quartier très connu, notamment pour les ruelles du Kabukicho, où l'on trouve des bars à karaoké, des clubs, mais aussi pas mal de prostitution et des yakuzas à la nuit tombée. Evidemment, l'ambiance à midi sous la pluie est toute autre, et je prévois déjà de revenir un soir quand il fera beau. En attendant, je ne trouve pas le café ... il faut dire que les immeubles accueillent tous plusieurs restaurants, boutiques ou salons. Les enseignes que l'on voit à l'extérieur permettent de savoir à quel étage aller, et quelle porte prendre, ce qui n'est pas toujours évident quand on ne connaît pas et que la localisation n'est pas précise. Je tourne autour du bloc, en détaillant les panneaux ... Tokyo est une ville à la verticale où il faut lever la tête. J'arrive à trouver de la wifi gratuite tant bien que mal au bout de dix minutes pour plus de précisions, et enfin, je repère l'enseigne, noyée au milieu de toutes les autres. Pas facile. Pour y accéder, je dois obligatoirement prendre l'ascenseur, et c'est une spécificité que l'on retrouvera dans beaucoup d'autres endroits, parfois on ne peut juste pas prendre les escaliers.

 Je reviendrai pour prendre des photos, avec la pluie c'est trop embêtant. 

La bonne nouvelle, c'est qu'il n'y a pas foule, comme j'en avais peur, donc peu importe que j'aie une réservation ou non. Ce café a survécu à la crise, contrairement à ses compatriotes. Il y avait avant au moins cinq ou six cafés sur le thème d'Alice dans Tokyo. Je vois cependant sur une affiche qu'ils viennent de réouvrir un buffet sucré à volonté. Et sinon, l'immersion? Je dois dire que la déco est soignée, tout comme la présentation des plats. Vu que nous sommes midi, tout n'est pas disponible, mais il y a un sacré soin accordé aux détails. Je n'ai pas encore très faim, j'hésite à ne prendre qu'à boire mais finalement, je suis attirée par une salade car je manque de verdure. En plus, il y a un très joli dressing qui va avec, autrement je pouvais commander des spaghettis bolognaise sur le thème du chat du Cheshire mais pour des pâtes, l'estomac ne m'en dit pas. Je suis assez surprise de découvrir que c'est délicieux, j'imaginais franchement qu'ils soignaient plus la présentation que le goût, mais cette vinaigrette à la framboise relève divinement le plat. Et manger des tomates, qu'est ce que ça fait du bien! Elles sont trop chères en supermarché. Force est de constater qu'au niveau du prix, c'est plutôt correct car je m'en tire pour 1300 yens (8,5 euros) alors que soyons honnêtes, à Paris la même chose aurait coûté 20 balles. Pendant mon repas, j'observe ce que les autres tables ont pris, comme un assortiment de desserts pour le thé, tandis que passent les musiques de Disney en fond sonore.

Je sens cependant que je ne suis pas invitée à rester éternellement car la serveuse m'apporte l'addition. Première expérience originale! Mais je ne suis pas pour autant repue. Je me dirige maintenant vers Harajuku, le quartier le plus pop de Tokyo. Je m'aperçois cependant que le ticket "all-day pass" que j'ai acheté, ne passe pas sur certaines lignes, et pas sur celle que je viens de prendre, mais je fais semblant de ne pas avoir remarqué. Il faut dire que les barrières du métro sont en mou, avec un espace entre les deux, à hauteur de genou, donc facilement franchissables. C'est le Japon, quoi. Takeshita Street est juste à la sortie, et là, j'ai un coup de coeur pour les boutiques goths et kawaii! Il y a pas mal de gens qui se promènent avec des outfits comme s'ils étaient en convention, c'est vraiment plaisant, mais ce n'est tout de même pas la majorité. J'avais lu qu'on voyait de moins en moins de gothic ou pink lolitas dans les rues, c'est malheureusement vrai. En plus, vu le temps ... La pluie se calme cependant. Je me dis que je reviendrai forcément ici quand je serai en mode shopping avant de partir, histoire de me dénicher des fringues et accessoires bien cools. Je trouve cependant que le quartier est un peu petit, quand on considère la taille de la ville. Il doit être bondé en temps normal. Au passage, comme j'ai faim et qu'il y a un McDo et qu'il est toujours rigolo de tester leurs spécialités autour du monde, je goûte un burger avec un pané de crevette. Convaincant, il faudra que je goûte le chicken teriyaki. Je prends aussi, ailleurs, un long bâton de pomme de terre frite, en tourbillon, qui fait 52 cm. Original, même si galère à manger.

Prochain café à thème: Harry Harajuku. Ce n'est pas ce que vous croyez, ce n'est pas Harry Potter, il y en a bien un mais vu qu'on en a à Paris ... Il s'agit d'un bar à hérissons. Parce que le nom des hérissons en japonais, c'est harinezumi. On peut les caresser et les prendre dans nos mains, pas la peine d'avoir réservé si je ne reste que trente minutes. Une fois de plus, il n'y a pas trop trop de monde et je n'ai pas besoin de faire la queue, ouf. Il y a aussi des hamsters, mais c'est beaucoup moins hypant tout de même. Je m'installe près du bac des petites bestioles après que la serveuse m'ait expliqué comment interagir avec eux. Je prends le premier au creux de ma main ... mais je lui fais peur, il veut s'enfuir. Ah ben bravo, l'amie des animaux. Il va se blottir contre son copain. J'y vais un peu plus doucement, parce qu'ils essayent de dormir, donc je préfère les prendre au moins pour filmer et quelques photos, puis les laisser tranquilles et aller voir ceux qui sont réveillés, notamment parce qu'on leur donne à manger. Ils doivent avoir l'habitude d'être manipulés par tout le monde, et pas forcément en douceur. Le café a tout de même une politique d'amende si on ne prend pas soin de l'animal, et il y en a qui ont des temps calmes. En tout cas, c'est la première fois que je prends des hérissons, et que j'en vois d'aussi près! C'est vraiment trop mignon, super expérience. Mais ce qui est d'autant plus rigolo, c'est qu'il y a un suricate qui a l'air un peu stressé ... Mais qui en fait cherche des câlins des serveuses, comme un chien ou un chat. D'ailleurs, il y a des photos de lui à l'extérieur car elles le baladent dans la nature. Il s'appelle Saburo et il se laisse facilement caresser, c'est presque plus rigolo d'avoir des interactions avec lui qu'avec les hérissons.

Les aventures de Saburo

Je traîne encore un peu dans le quartier, profitant que la pluie se soit arrêtée. Comme je passe ensuite par la station de Shibuya, et que je me retrouve à l'extérieur pour faire ma correspondance, je me dis que c'est l'occasion d'aller voir la statue de Hachiko, ce petit chien fidèle connu pour avoir attendu son maître à la gare tous les jours lorsqu'il rentrait du travail. Il y a une file d'attente devant pour prendre un selfie avec lui, heureusement que je m'en fiche et que je peux le prendre de loin. Shibuya est aussi connu pour son fameux croisement, le plus fréquenté du monde aux heures de pointe. Mais nous ne sommes pas une heure de pointe. Il y a quand même du peuple. Ceci est dû au fait que tout le monde traverse en même temps pour aller dans toutes les directions à la fois, sans alternance. Aussi, vu sa réputation, il y a plein de touristes (comme moi) qui viennent faire l'expérience, donc cela fait encore plus de monde.

Je repars dans le métro dans l'intention de visiter le musée scientifique Miraikan, situé sur l'île artificielle d'Odaiba, en grugeant encore au passage puisque c'est une ligne qui n'est pas prise en compte dans mon ticket, mais difficile de savoir lesquelles le sont et ne le sont pas. Enfin, là, c'est un sky train, donc ça se voit que c'est différent. La pluie reprend de plus belle, le métro s'avance dans la tempête tandis qu'il franchit le Rainbow Bridge. Nous passons devant le centre commercial où il y a le Unicorn Gundam, qui semble immense et qui s'anime à certaines heures. J'avais oublié ce détail, heureusement il y a de la wifi gratuite dans la station où je descends, histoire que je vérifie à quelle heure il bouge. 17 heures, normalement, et il est 16h30 passées, bon, peut être que je peux aller le voir de plus près et ensuite aller au musée ... Sauf que je percute, à temps: il ferme à 17 heures. Oh, non, j'ai fait tout ce chemin pour rien, heureusement que je n'ai pas payé. Enfin, presque pour rien, le Gundam va faire son show, non? J'essaye de me rapprocher une fois à l'extérieur, mais il y a de plus en plus de vent qui retourne mon parapluie, et même 500 mètres vont être insupportables sous ces conditions. Je rentre à nouveau dans la station, je me mets au sec ... Et je fais bien car des trombes d'eau se mettent à tomber. Je peux quand même voir de loin ce qu'il va se passer à 17 heures ... Et bien, il s'allume, il fait des lumières rouges, mais c'est tout. J'avais lu qu'il faisait plus que ça. Mais aussi qu'il y a un show de sons et lumières entre 19h et 21h30, ce qui est bien trop tard et pas du tout le moment opportun à rester dehors de toute manière. Donc, demi tour, c'était instructif tout cela. Heureusement que j'aime le métro.

Peut être que je vais expérimenter un typhon. Après tout j'ai déjà fait le tsunami et le tremblement de terre. 
 Seul dans la tempête

Au final, la ligne m'emmène à la station de Shimbashi, qui est juste à côté de l'horloge Ghibli qui va s'animer à 18 heures. J'adore les automates, et là ça a un côté assez magique. Vous avez peut être entendu parler du musée Ghibli à Tokyo, je ne vais malheureusement pas pouvoir le faire car il aurait fallu réserver des mois en avance pour avoir un créneau. Un peu comme un repas au Pokemon Café, bien que je puisse probablement trouver une alternative à cela.

La suite du programme, c'est d'aller au Vampire Café tant que je suis revenue du côté de Ginza. Même principe qu'Alice, mais ambiance différente. C'est beaucoup moins chaleureux, sans blague, je veux dire que le service l'est bien moins. Il est possible que cela fasse partie du truc. Je suis dans un petit box avec un rideau, je ne peux pas voir la salle ni les autres clients sauf si je le pousse, mais les serveuses le referment quand elles viennent prendre ma commande. Je constate qu'ils ont augmenté les prix car ils faisaient avant, symboliquement, leurs entrées et accompagnements à 666 yens. Là, c'est 740, avec de la belle décoration aussi. Je reprends une salade, mais je suis obligée de prendre une boisson avec. Va pour du Dracula's Blood avec de la Ginger Ale, car les autres cocktails, bien que beaux, risquent de me revenir un peu cher. La musique dramatique crée une belle ambiance, et il y a des moments où les serveuses se mettent à réciter des sortes de psaumes. En japonais bien sûr. Par contre, dès que j'ai fini de manger, je me fais pousser vers la sortie. La serveuse attend même immobile derrière moi le temps que mon ascenseur arrive, et ce dernier met du temps, c'est malaisant mais ça fait partie de l'expérience et je trouve que c'est encore plus immersif qu'Alice. Bordel, j'aurais dû appeler Alucard.

Il pleut tellement que mon parapluie en tissu censé être imperméable commence à prendre l'eau. Cela ne m'empêche pas de passer rapidement au centre commercial Matsuya Ginza qui est juste à côté, car j'ai entendu dire qu'on pouvait goûter des échantillons de nourriture au sous-sol. C'est un peu comme les Galeries Lafayette. Au final, je n'ai goûté qu'un truc. Et j'en ai acheté pour plus tard. C'est comme des gyozas, mais moins frit. Et en parlant de gyozas, je n'ai pas fait de "vrai" repas pour ce soir, donc je risque d'avoir faim dans la nuit. Journée grignotte, mon pancréas me déteste. Juste à côté se trouve le quartier d'Hibiya, avec un restaurant de gyozas réputé et recommandé par le youtuber que je suis. Sur le chemin, en passant sous la voie ferrée qui donne au quartier un air de Blade Runner, je tombe sur des stands de street food. J'hésite à y rester manger, mais j'ai quand même envie de tester le Chao Chao. Que je galère à trouver car il y a plusieurs restaurants au même endroit et l'enseigne n'est qu'en japonais. Heureusement, j'ai encore pu employer la stratégie de la wifi gratuite, et ce, à l'abri. J'ai bien fait, car il y a une vraie ambiance locale, les gyozas ne sont pas chers donc j'en prends plusieurs, même que j'en recommande. J'ai donc goûté porc gingembre, crevette, et prune/shinsu, je prends aussi du riz dans une soupe de fruits de mer, le tout accompagné de saké chaud. Une expérience qui me régale, je me sens vraiment contente d'être là!

 Le Japon de nuit sous la pluie, c'est quand même canon.

Et c'est ainsi que cette journée s'achève. Il est temps d'aller se mettre au sec !

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Jour additionnel

Naïve que je suis. Naïve. Pourtant, j'ai beaucoup baroudé. Mais je ne sais pas comment j'ai pu croire que j'allais arriver à monter dans le Shinkansen si facilement, en arrivant à la gare à l'arrache.

Il faut dire que le contexte est particulier. Moi qui pensait que les pluies d'hier étaient normales pour le pays, et qui faisait des blagues, et bien c'était bel et bien un typhon. Un typhon qui a inondé toutes les voies de train alors que je suis censée aller à Nagoya. Prête à 7 heures du matin, grignotant des raviolis, je regarde Facebook et sur le groupe de voyageurs consacré au Japon, les gens signalent que les trains sont annulés pour le moment. Toute la circulation entre Tokyo et Osaka est interrompue, on ne sait pas quand elle va reprendre. Bon, et bien je vais me recoucher, et me réveiller juste avant le check-out en espérant que la situation ait changé. Effectivement, les trains recirculent. Je me rends donc à la gare, non sans d'abord faire un crochet par le Dawn Avatar Robot café, que j'ai vu hier, où la commande est prise par un robot. Et bien, on s'habitude vite à lui parler comme à un humain ... Mais les prix sont hors taxes, et du coup, je n'aime pas le principe, on n'est pas en Amérique, c'est trop cher et je m'en vais. Je vais prendre mon latte au distributeur ... C'est très bon, ça me motive pour les vingt minutes de marche jusqu'à la gare.

Il faut que j'échange mon coupon Japan Rail Pass que j'ai commandé, pour le vrai Pass qui va me servir pendant quatorze jours. Et il y a la queue au guichet ... Avec un peu de chance, je vais pouvoir attraper le train de 12h57 qui est maintenu. Sauf que ça prend, longtemps, bien longtemps ... Je commence à stresser. Enfin, le guichetier me délivre le précieux sésame, mais je dois encore réserver mon billet sur une machine. Et là, mauvaise surprise: les options qui s'offrent à moi avec le Pass sont limitées ... J'aurais dû m'y prendre à l'avance, mais je pensais qu'on ne pouvait activer le Pass que le jour où on le faisait émettre. Avec le recul, évidemment que j'aurais pu réserver en avance, ça paraît logique. Premier train disponible vers 15 heures, mais il y a marqué qu'il ne reste que des sièges non réservables, oui d'accord ça me va mais ... ? Ca ne marche pas. Je commence à stresser car je me dis que tout le monde est en train de booker ses tickets. En fait, je vois qu'il y a marqué sold out, sold out ... Et je ne comprends pas trop le système de non-réservation, parce que l'option n'est pas disponible, et il me faut quand même un ticket ... ?! Mais c'est probablement parce que c'est le chaos depuis ce matin et que tous les gens dont le train a été annulé doivent être recasés dans la journée. Il y a un train toutes les dix minutes, rendez vous compte le monde que cela représente. Je veux sélectionner un ticket pour 17h33 car c'est le premier qui semble disponible, mais trop tard, le temps que je tape mes informations, c'est sold out! Reste 18h03 ... Super. J'ai toute l'après-midi à attendre, mais je ne semble pas avoir le choix. Je cherche à déposer mon lourd backpack dans un casier, mais ils sont tous pris. Evidemment. Je le garde donc avec moi ... Quitte à me défoncer les épaules et le dos (bon en vrai, ça va, c'est juste sportif).

Pour ne pas totalement perdre ma journée, je me rends au Palais Impérial qui est juste à côté. Enfin, à vingt minutes de marche quand même. Heureusement qu'il ne pleut plus, il fait plutôt bon, et pas trop humide, là -dessus j'ai de la chance. Le Palais Impérial n'est pas visitable, mais les jardins à côté le sont. Il faut monter une côte pour accéder à l'ancien château d'Edo qui me fait penser à une base de temple Maya. Et juste à côté se trouve le jardin de Ninomaru et ses magnifiques iris au bord d'une mare où s'ébattent quelques discrètes carpes koi. Le tout en faisant trois ou quatre pauses en tout pour soulager mes trapèzes.

Le château d'Edo était la résidence des shoguns Tokugawa, et la résidence de l'empereur actuel. Akihito a abdiqué le 30 avril 2019 et a pris le titre d'empereur émérite. Il a représenté l'ère Heisei, "Accomplissement de la paix", depuis 1990. Il est de tradition de donner des noms aux ères sous chaque empereur, depuis la restauration de Meiji sur le trône, et de compter les années en fonction ("an deux de l'ère Heisei" par exemple) bien que maintenant, le modèle occidental soit plus largement utilisé. Quand il va mourir, on se réfèrera à lui par le nom "Heisei Tenno". C'est maintenant son fils, Naruhito, qui règne durant l'ère Reiwa, ce qui veut dire "belle harmonie" (et non pas "on en a chié avec la pandémie"). D'ailleurs, je rigole, mais le photographe Hiroshi Sugimoto a carrément proposé que l'on rebaptise l'ère à cause de cela, car une tradition ancienne veut qu'on la renomme après une épidémie ou une catastrophe naturelle. "C'est un appel des Dieux, Reiwa n'est pas un bon nom". Ah, et bien si on avait su que c'était leur faute, bravo Naruhito.

Il est bientôt 16 heures, j'ai encore deux heures à attendre et je vais d'abord manger des ramens dans la bien nommée Ramen Street au coeur de la Tokyo Station. Apparemment, c'est une institution chez les tokyoïtes, malgré l'artificialité du fait qu'elle soit en plein centre commercial. Cela dit, c'est très bon, il faut dire qu'ils doivent tenir la concurrence. Je galère ensuite à avoir de la wifi gratuite, puis je vais vérifier la voie de mon train ... Qui a une heure trente de retard. Comme tous les autres. Oh, putain ... Et dire qu'on pense que le Japon n'accuse jamais de retard. Même en temps normal, c'est faux, d'ailleurs. C'est une légende qui a été amplifiée lors de l'histoire récente du train qui était parti deux minutes en avance. Et en fait on comprend que ça mette le bazar, vu que comme mentionné précédemment, ils partent toutes les dix minutes. En fait, il y a eu une enquête car le conducteur avait quitté son poste, d'où le fait que ça ait fait des remous.

Heureusement que j'ai trouvé un bon spot pour la wifi. L'heure arrive, enfin. Je me demande si j'aurais pu faire autrement, je ne crois pas. Je monte dans le train, direction Nagoya, que je vais rejoindre pour un festival culturel.

3

Ah, les Japonais, on ne mérite pas leur gentillesse. La dame assise à côté de moi dans le Shinkansen a remarqué que mon chargeur de téléphone ne marchait pas bien, et a insisté pour me prêter le sien, malgré le fait que je proteste en disant que j'allais m'en sortir. Je ne pouvais plus refuser, mais au moins, c'est vrai que c'était un souci en moins. Une hausse de bon karma après le typhon, peut-être? Ou bien est-ce parce que j'ai résisté à embarquer un parapluie trouvé dans un ascenseur et qui n'allait manquer à personne car il n'allait jamais être réclamé? A vrai dire, c'est après cela que je me suis pris la pluie et que mon parapluie acheté à Salvador de Bahia a trop pris l'eau. Ca valait bien le coup de faire une pseudo-bonne action. Donc, la seconde fois qu'un parapluie a croisé mon chemin dans des toilettes, un mangifique spécimen transparent de 70 cm, je l'ai adopté. Pas la troisième cependant. C'est un délire, d'oublier les parapluies, ici.

Deux heures plus tard, me voici enfin à Nagoya dans le but d'assister à trois festivals culturels différents, d'affilée. Je suis en retard pour le check-in car il est déjà 22 heures, malgré cette journée galère, j'ai encore l'énergie nécessaire pour une marche de 25 minutes. Les épaules vont tenir le coup. J'ai prévenu au préalable Shin, l'un des hôtes, que j'allais arriver en retard, heureusement il est sur place. Après un rapide repas au Lawson's, konbini équivalent du 7 Eleven, j'ai surtout besoin de repos et d'une douche.

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Jour 1

Je vérifie donc le programme du Horikawa Festival qui se tenait hier, mais plus particulièrement aujourd'hui. Et là, surprise: le site anglais des festivals de Nagoya a mytho. Genre, je revérifie l'information, les dates, l'année, les horaires, pour eux c'est "Sunday 4th". Mais sur le site internet en japonais sur lequel je tombe maintenant en premier vu ma localisation, qu'il faut faire traduire en anglais, c'était bel et bien hier. Outch, grosse sensation de coup de poing dans le ventre de frustration. J'aurais dû mieux me débrouiller et essayer de monter dans un train bien plus tôt! Quel enfer ... J'avais plus ou moins prévu ces dates en fonction de ce festival là. Je suis pour le moins dégoûtée, et j'ai du mal à passer à autre chose. Heureusement, tout n'est pas perdu. Il y a toujours mon autre plan déjà prévu: le Dekimachi Tenno Festival. Il se tient à partir de 11 heures au sanctuaire de la famille Tokugawa, dans l'est de la ville. Et bien, allons-y, en espérant qu'il s'agisse cette fois-ci de la bonne date et du bon lieu. Quel scandale, quand même. Tout aussi scandaleux est le fait que je coure pour attraper le bus et qu'il s'en aille quand même. Prochain dans dix minutes, ce qui me fait arriver encore plus en retard par rapport au début de la parade. Cela valait bien la peine de laisser tomber les bonnes résolutions et de traverser à l'arrache, sous le regard amusé d'un groupe de jeunes. Ca n'aura pas duré longtemps.

En arrivant aux abords du temple, j'entends des tambours. Ah, je pense que je suis au bon endroit. Il n'y a pas "tant" de monde que ça, et pourtant ... C'est particulièrement impressionnant! Ce sont des chars montés sur roulettes mais que les participants portent pour l'effort et la gloire, mais surtout les autels sont en fait des automates. Et carrément des automates qui font un mini spectacle chacun leur tour. Je ne peux en voir que deux, mais l'un a libéré des pétales de cerisiers, l'autre de la fumée verte. Le tout, au son des tambours et des cris virils. Le karma continue de s'attaquer à moi car j'ai oublié la carte mémoire de mon appareil photo, donc cela ne sert à rien d'en prendre. Nouvelle frustration, au vu des magnifiques parures, des chars mais aussi des gens qui ont sorti leurs plus beaux kimonos. Mais heureusement que les vidéos valent encore plus le coup d'oeil.

C'est assez incroyable, ces performances. Les chars partent pour aller parader dans les rues, je demande à l'un des gars de la sécurité à quelle heure ils reviennent, enfin, j'essaye de me faire comprendre comme cela. Il me dit 16 heures. Je devrais avoir le temps de revenir prendre des photos. Je ne sais pas trop si j'ai envie de suivre la parade, il fait chaud et c'est quand même assez répétitif.

Je fais un saut à mon hostel pour récupérer cette fameuse carte mémoire, et je vais quand même voir s'il reste des choses du côté d'Horikawa, comme annoncé sur le site. Et bien non, pas grand chose. J'ai fait un trajet pour rien, ou presque, car cela me permet de repérer l'endroit pour le festival de demain. Et de demander s'il est vraiment demain, apparemment oui. Je me méfie maintenant. C'est pour ce genre de raisons que j'ai des trust issues. Au passage, comme il y a beaucoup de stands de street food, j'en profite pour manger une sorte de petites madeleines délicieuses. Je n'ai malheureusement aucune idée de comment ça s'appelle en réalité, mais ça fait un bien fou de se régaler. Je prends aussi des takoyakis (les beignets au poulpe) au passage. Bon, demi-tour, on va voir si les chars sont revenus. Je passe beaucoup de temps à faire des allers-retours, ce n'est pas terrible, mais mon organisation en est toute foirée. Enfin, presque. Dans un sursaut de conscience, je descends à une station proche d'un Starbucks pour pouvoir capter de la Wifi et vérifier une information: oui, le château de Nagoya ferme tôt. 16h30. C'est un coup à ne pas avoir le temps de le visiter. C'est étonnant comme au Japon, les monuments et les musées ferment vers ces heures-là! On n'a le temps de rien faire et c'est particulièrement agaçant! Surtout quand je me retrouve à faire des trajets pour rien!

Ce château est quand même plutôt réputé, bien que la structure que l'on peut voir aujourd'hui est une réplique qui date d'après la Seconde Guerre Mondiale. Nagoya n'est pas la ville la plus touristique du Japon bien que ce soit la troisième plus grande, elle est même boudée par les étrangers à tel point que lors d'une recherche Google je suis tombée sur un site web "nagoyaisnotboring.co.jp". Pourtant, il y a quelques points d'intérêt, notamment le musée Toyota et le Parc Ghibli - que je n'ai pas fait ... parce que j'aime bien les oeuvres de Miyazaki, mais pas assez pour apprécier un truc tel que celui-là, par contre pour les fans il a l'air génial. Sinon, historiquement, la moitié de la ville a été bombardée ... C'est aussi la mère patrie des trois fameux héros Nobunaga, Toyotomi et Tokugawa évidemment. Aujourd'hui, le secteur automobile fleurit toujours, même si l'économie est en perte de vitesse.

Il y a des acteurs-samourais qui font une représentation dans la cour du château, c'est divertissant, mais les démonstrations avaient lieu à 11 et 14 heures. Il y avait même des ninjas. Oh, je ne pouvais pas être à tous les endroits à la fois, sans pouvoir prendre de photos de surcroît. J'essayerai de voir des ninjas à Kyoto. Je sais que j'aurais pu aller réserver au Ninja Akasaka Restaurant de Tokyo, ce qui aurait été plutôt chouette, mais le site de réservations ne marche pas non plus et je crains de toute manière qu'il ne soit déjà complet. Comme les Pokemon Cafés. Le Japon ne laisse pas beaucoup de place à l'improvisation.

Je refais un saut au Tokugawaen: non, les chars ne sont pas revenus, ou alors ils sont déjà partis. On ne se comprend pas bien, avec les Japonais ... Bref, je suis fatiguée, j'en ai marre de cette journée, je rentre. J'essaye de profiter un peu car tout de même, il fait très bon aujourd'hui, presque trente degrés. Bon et ensoleillé, à tel point que je porte mon masque dehors pour être sûre de ne pas bronzer avant mon opération pour la couperose. Saison des pluies, ouais ouais. On ne va pas se plaindre.

Oublier son parapluie oui, mais oublier ses clés ? C'est un autre délire. 

Je me demande quoi faire ce soir. Si j'allais dans un Maid Café, pour l'expérience? Ce serait l'occasion, mais je ne sais pas si à Nagoya, une femme qui va dans un Maid Café est bien vu. J'ai un peu peur d'une situation malaisante, donc je demande à Shin ce qu'il en pense. Il me dit basiquement "oui c'est possible" mais je vois bien à sa tête que ce n'est pas une bonne idée. Du coup, il me propose de venir au restaurant avec lui et d'autres gens de l'hostel. Ah, et bien parfait! Cela me permet de rencontrer Liam qui est Gallois, un Allemand dont je n'ai pas retenu le nom et d'autres Japonais en voyage. Nous prenons l'option bière à volonté pour une heure, c'est rigolo. Niveau repas, ce sera des sashimis. Bizarre, ils ne sont pas très salés. Dans les couloirs du restaurant, il y a un robot qui passe pour que l'on dépose les plateaux dessus, c'est rigolo. Nous mangeons assis en tailleur sur des tatamis, à la japonaise. En rentrant, nous continuons à discuter avec Liam, et Lucas qui est français nous rejoint. Nous discutons jusqu'à 4h30 du matin, jusqu'à ce qu'il fasse jour, et oui c'est très tôt pour le lever du soleil!

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Jour 2

Au moins, j'ai dormi plus de six heures, il était temps. Il fait beau, il fait chaud, je me dirige donc vers l'Atsuta Festival dans le sanctuaire du même nom. Une brochette de poulpe en guise de petit déj', et j'explore ce lieu hautement spirituel.

C'est l'un des sanctuaires les plus sacrés du Japon car il est dédié à la déesse du soleil Amaterasu-Omikami qui y aurait remis l'épée Kusanagi-no-tsurugi à la famille impériale du Japon, en l'an 86, lors de la création de la lignée. En français, nous pouvons traduire ce nom par "le sabre à deux tranchants qui fauche l'herbe" et qui est l'un des trois attributs impériaux avec le miroir et le grand anneau à huit éléments. C'est Takeru Yamato, premier fédérateur du Japon (celui-là même qui avait provoqué la Chine), qui en a été selon la légende le premier détenteur. Il aurait échappé à une embuscade en coupant l'herbe enflammée avec le sabre sacré. En ce qui concerne le festival, il vient marquer le début de l'été et accueille énormément de monde dans un espace réduit, 50 000 personnes.

Mais pour le moment, l'après-midi est bien plus tranquille, à l'ombre des cyprès japonais. Les allées sont encore relativement dégagées bien qu'il y ait déjà de la circulation. Je me cale dans la salle de spectacles du Treasure Hall pour écouter de la musique traditionnelle et voir des danses. Bon en vérité, rien de bien impressionnant car les performeurs sont un peu âgés. D'ailleurs, c'est terrible à dire mais ça sent l'EHPAD dans cette salle. J'admire tout de même les tenues et m'intéresse aux instruments traditionnels comme le bika, le siwa ... Au bout d'un moment, la musique est répétitive et nasillarde. Heureusement, il y a des endroits sympathiques à découvrir dehors. Et de la wifi gratuite dans la zone de repos.

Je me promène souvent pour voir s'il y a des choses à découvrir dans les autres allées, et tout à coup j'entends des gens crier. Vite, vite, c'est la procession des lanternes! Bien qu'il fasse encore jour, elles sont déjà allumées. C'est vraiment très joli, et je remarque qu'il y a un chariot spécialement féminin. Intéressant! Tous les participants se dirigent vers le temple principal, afin de se faire bénir. S'enchaine ensuite une performance de tambours avec des jeunes enfants qui gèrent vraiment très bien leur rythme, et qui ont l'air fiers de ce qu'ils font. Il y a aussi de jeunes petites filles, 10 ans environ, qui bénissent les gens. Je ne sais pas qui elles sont, pourquoi elles, qu'est-ce qu'elles ont de spécial, mais je vais me faire bénir, on verra si ça peut exorciser ma poisse. J'ai bizarrement un peu la pression de me ridiculiser, mais non, tout se passe bien.

Le soleil commence à se coucher, il va y avoir un feu d'artifice vers 19h30. Vite, il faut que je sorte du sanctuaire, mais surprise, il y a tout à coup un monde fou. Mais vraiment. Impossible de bouger, impossible de sortir tout de suite. C'est impressionnant, tout le monde se rue dans le sanctuaire. C'était le bon moment pour partir. J'arrive à jouer des coudes, car vraiment je ne voudrais pas rater le feu, pas au Japon. La marée humaine m'emmène vers les escaliers pour traverser la route, mais une fois le pont passé, on respire ... A tel point que je me demande si je suis bien au bon endroit. Mais oui, je vois plein de monde assis sur les berges, à même les trottoirs. Je m'allonge, sur la brique encore chauffée par cette belle journée ensoleillée. Et les premiers pétards retentissent, les enfants crient "Tamaya!" à chaque gerbe d'étincelles, c'est en fait le nom d'une des guildes d'artificiers de l'époque d'Edo, c'est une manière de prier les feux d'artifice. C'est mignon tout plein. Cela dit, ce feu n'est pas si extraordinaire. J'en attendais bien plus de la part du Japon, mais je suppose que Nagoya n'a plus le budget, ou surtout se réserve pour ceux de cet été qui sont bien plus réputés. On peut noter quand même que bien qu'il y ait un côté répétitif des patterns, cela fait durer le spectacle bien plus longtemps. Mais moi, j'ai la flemme, je suis fatiguée, et je suis agacée par une dame qui râcle sa gorge à côté de moi depuis une heure, sans masque d'ailleurs, il ne faut pas croire que les Japonais sont si paranos finalement. Avec le monde qu'il y a, je me dis que rentrer à pied le long de la rivière Hiso est plutôt une bonne idée même si cela prend cinquante minutes. En plus, je me retourne fréquemment pour voir le feu de plus en plus loin.

Constatez plutôt. 

Arrivée à l'hostel, je croise Liam et Lucas, on se dit bonsoir mais je suis vraiment épuisée. Il n'est que 21 heures, mais je file au lit, espérant pouvoir rattraper ma carence de sommeil et être prête pour demain, car je prévois un programme assez chargé mais qui promet d'être sympathique.

4

Jour 1 (hop-on hop-off)

Très bonne nouvelle, je me réveille naturellement et fraîchement à six heures du matin, n'ayant toujours pas de rythme physiologique bien défini. C'est une bonne nouvelle dans le sens où je vais pouvoir prendre le train Shinano (ancien nom de Nagano) de sept heures pour me rendre dans la campagne de la préfecture d'Aichi. Le timing est serré: il y a deux petits villages traditionnels nommés Tsumago et Magome. Pour se rendre efficacement au premier, il faut s'arrêter à Nagiso. Pour se rendre au second, à Nakatsugawa. Le problème est que Nagiso, c'est tout petit. Le train n'y passe que toutes les trois heures. Et vu la durée du transfert qui m'attend, je dois concentrer ma visite sur la matinée. Vous voyez le truc? Bon, et bien je l'ai rondement mené.

Je dirais bien que je pars aux premières lueurs de l'aube, avec mon sac sur le dos pendant que l'hostel dort encore, mais comme vous le savez le jour est levé depuis une heure et demie, ça claque beaucoup moins. Dehors, les Japonais commencent à s'agiter. Moi aussi quand j'arrive à la gare, car il est maintenant 6h40 et je ne vois pas ce satané Shinano. Tout est marqué en japonais et je n'y comprends rien, un scandale! Je demande donc au guichet. Je ne suis pas au bon endroit, il faut que j'entre dans la gare par une autre entrée, d'accord. Là, il y a marqué JR Rail. Toujours pas de Shinano, oh là là, l'heure tourne et le monsieur devant moi a des problèmes avec sa carte. Il s'avère que je ne suis toujours pas au bon endroit, mais quelle est cette gare et combien y a-t-il d'entrées? Je suis un nouveau flot de gens, et enfin, je le vois, ce train. Contrairement aux machines de vente de tickets, il ne manquait plus que ça, il part dans cinq minutes et je suis sûre qu'il va être à l'heure. Finalement, maintenant que j'ai l'habitude, hop hop hop le ticket est pris, et réservé, je ne suis toujours pas sereine de monter dans un train comme ça. En plus, ça me fait des billets en souvenir, et ça, c'est chouette.

Nagoya au petit matin 

Installée, je regarde le paysage défiler. Ca fait du bien de voir autre chose que de la ville, surtout que la vallée de la rivière Kiso-gawa est scénique. Quittant la plaine de Nagoya et les petites rizières coincées entre les maisonnettes, le train s'engouffre entre les montagnes bosselées. La rivière, elle, est d'un bleu turquoise qui rappelle un peu celles de la Suisse. Une heure plus tard, je descends à Nagiso, au beau milieu de nulle part, avec une famille de Belges. Le bus part dans quarante minutes, j'en profite pour aller me chercher une brioche au chocolat car je n'ai encore rien avalé.

La campagne japonaise, vue depuis le train 

Il est neuf heures lorsque nous arrivons à Tsumago, charmant petit village mais qui à cette heure-ci, encore préservé des hordes de touristes, est encore endormi et prend même des allures de village fantôme. Je dois dire que c'est une ambiance très reposante, qui donne à ce lieu pittoresque un charme fou.

Pittoresque? Tsumago était une petite ville très prospère pendant l'ère Edo, car c'était l'une des stations de poste (shukuba) qui reliait Kyoto à Tokyo. Elle était aussi située à l'embranchement d'une route commerciale, la Kisoji. Mais lorsque la ligne de chemin de fer Chuo fut achevée, elle évitait Tsumago, et le village est tombé dans la pauvreté et l'oubli. Cependant, en 1968, les habitants ont décidé de rénover les maisons pour leur redonner leur gloire passée, espérant en faire un lieu touristique, ce qui a été accepté en 1976. Rénovées, mais pas toutes reconstruites, les habitations sont donc bel et bien les témoins du patrimoine architectural d'Edo. Elles appartiennent d'ailleurs uniquement à des familles de Tsumago, qui y vivent toujours.

Il y a un trail qui relie Tsumago à Magome, huit kilomètres dans la vallée du Nakasendo. Mais comme j'ai gardé mon sac sur le dos, je pense que cela va être un peu compliqué. Je n'ai pas eu le réflexe de le mettre dans un casier, alors qu'il y en a quasiment partout dans les bus stations, je ne m'en rends compte que trop tard. Peu importe, une heure et demie c'est bien moins que ce que j'ai fait la dernière fois, et puis il me paraît plus léger du fait de l'habituation. Ce qui me fait d'ailleurs toujours peur, car je crains d'avoir oublié la moitié de mes affaires.

Hop, à nouveau du bus. Signalons au passage les petits écriteaux "how to ride a bus". Ils me font penser à "how to get in a train" et "how to use the vending machine". C'est une très bonne idée d'avoir fait cela, je me demande si cela date des JO ou d'avant, même si cela sonne comme si nous étions de gros débiles. Un trajet de vingt minutes dans la montagne nous emmène maintenant à Magome. Tout comme sa voisine, c'est une shukuba de l'ère Edo. La différence, c'est qu'elle est toute en pente, et j'ai la présence d'esprit de descendre en haut pour la visiter dans le bon sens. Apparement il y a un point plus haut, mais mes genoux risquent de faire la gueule. Comme il est maintenant presque onze heures, les touristes affluent. En vrai, ça va, mais c'est un peu plus compliqué pour les photos, surtout quand on a décidé de shooter à l'objectif macro en focale fixe. Au moins les photos sont plus nettes, même si parfois il se fiche complètement du focus que je lui demande de faire. Magome est très photogénique aussi, mais plus petite que Tsumago: j'ai vraiment bien fait de visiter les deux. Ce qui est rigolo, c'est qu'il y a des lanternes Pokemon devant les maisons, ainsi qu'une statue de Pokestop en plein milieu du village. Le fameux Pokestop de Magome, monument historique. Je m'arrête pour goûter des age mochis, des gâteaux de riz gluants trempés dans de la sauce soja sucrée, et c'est un peu écoeurant mais il y a peu de restaurants dans cette partie du village. Une espèce de cracker au sésame aussi, très salé. Je descends pour attraper le bus car je devrais pouvoir être à l'arrêt à 11h20 vu que la visite fut rapide, et ... Je vois le bus qui me passe devant, à 19. Très bien, très bien. Bon, relativisons, il y a un stand de sobas juste en face, c'est l'occasion de recharger les batteries en attendant les trente prochaines minutes.

Hop, nouveau bus, qui m'emmène à la gare de Nakatsugawa, où il y a bien plus de trains express qui circulent. Je réserve, encore, ce qui me permet d'ailleurs de sélectionner la meilleure option et de gagner vingt minutes par rapport au trajet proposé par Google Maps. Quarante minutes d'attente cependant, heureusement qu'il y a de la wifi gratuite. Hop, on remonte dans le Shinano et on descend une heure plus tard à la gare de Matsumoto, qui sonne comme un nom japonais inventé. Signalons que le train est arrivé avec cinq minutes de retard. Mais ce n'est pas grave parce que je dois encore en attendre quarante-cinq, rebelotte, wifi, petite gaufre au matcha et onigiri aux Coleseed greens. Hop, on monte dans le train Azusa, pour s'arrêter une heure plus tard à Kofu. Ca n'en finit jamais! Et il y a un tout dernier bus à prendre! Mais qu'est ce que j'ai bien fait de faire ce changement à Matsumoto, car j'arrive à 15h53 et le bus pour le Mont Fuji part à 16 heures. Il aurait encore fallu attendre une heure supplémentaire, j'y était éventuellement préparée, mais il y a encore une heure trente de route et puis c'est fini pour les transports. Mais je le vis bien, j'aime beaucoup les road trips. Par contre ce que j'aime moins, c'est qu'ici il pleut. Moi qui voulait être accueillie par Fuji-San, je crois que c'est raté, il fait bien moche sur la ville de Kawaguchiko. Dernier trajet: à pied, avec mon nouveau parapluie très pratique qui couvre bien mon backpack grâce à ses 70cm. Vingt minutes, qui me paraissent un peu longues car porter un sac pareil de 11 kilos toute une journée, ce n'est quand même pas de tout repos, même si j'ai l'air d'avoir bien plus la forme physique qu'avant.

Les jolies montagnes 

Je m'installe à l'hostel, les dortoirs sont des petites capsules qui donnent de l'intimité, et sont très bien aménagés. Peut être un peu trop, car du coup il n'y a pas d'ambiance pour se rencontrer malgré la salle commune et la cuisine qui paraissent vides. Zut alors ... Il y a bien des gens, mais ils voyagent ensemble, dur donc de se rencontrer. Vraiment pas la même ambiance que lors de mes précédents voyages. Du coup, je ressors seule sous la pluie, pour aller tester un restaurant de sushis, où je prends des choses bizarres. Notamment au oeufs de poisson-volant, parce que ça fait classe, mais aussi des choses au pif dont les noms m'inspiraient, comme ark-shell et tsugu. Ce sont respectivement des espèces de fruits de mer qu'on ne connait pas en France (des arcidaes selon Google?), et un autre qui serait proche de l'huître mais beaucoup plus caoutchouteux. J'ai plus de chance avec ceux à la "scallop", qui est le même nom pour Coquille St-Jacques et pétoncles, mais là je pense qu'il s'agit plutôt de ces dernières. C'est quand même savoureux, même si le sushi se désagrège dès que je le mets dans la sauce soja. J'en recommande, au saumon et aussi au crabe, pour me faire plaisir. Je teste aussi des sushis pockets, et je prends des rolls classiques car j'ai faim. J'essaye de noter la commande sur le papier en japonais, en recopiant les caractères sur le menu, et ce qui arrive sur ma table est exactement ce que j'ai commandé. Bien joué. Avec tout ce que j'ai pris, ces sushis rigolos et originaux, je m'en tire pour un peu moins de 20 euros. C'est bien quand même, le Japon. Ce qui est moins bien, c'est que l'on m'a pris mon parapluie! Oh! Bon, d'accord ils se ressemblent tous. Il y en a un autre qui est resté là, mais quand je l'ouvre il y a une baleine cassée, ce n'est définitivement pas le mien, qui n'était d'ailleurs pas non plus le mien. Je me demande où est-ce qu'il va voyager, peut-être va-t-il retourner à Tokyo, quel dommage pour lui. Fort heureusement, ce substitut fait la même taille, on ne va pas s'en plaindre.

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Jour 2

Je me réveille en sursaut à six heures du matin après avoir fait un cauchemar. Pour faire passer l'impression et revenir à la réalité, je sors du dortoir, et monte à l'étage pour espérer voir le Mont Fuji. Raté, il fait encore super moche et c'est tout nuageux. Je sens que ça va foirer, mon histoire. Je me recouche, c'est vers neuf heures trente que j'émerge à nouveau, bis repetita, et cette fois-ci, il fait grand soleil et le Fuji est ... vraiment très proche en fait! C'est étonnant. Plus on est proches, plus il fait relativement petit, il me fait penser à tous les volcans que j'ai pu voir mais en particulier à celui d'Arequipa, le Misti qui surplombe la ville aussi, mais en moins haut. Et en fait, il ne fait "que" 3 776 mètres. Comme nous sommes en juin, il ne s'est pas revêtu de son chapeau de neige emblématique, mais cependant il en reste encore un peu. Du coup, il n'est pas habituel de le voir tel quel, mais ce n'est pas plus mal. Au moins, je ne suis pas venue pour rien.

 Majestueux Fuji

Il est possible que le beau temps ne dure pas toute la journée, aussi je décide de me mettre en marche vers Arakura Sengen Shrine, de là où sont prises les photos les plus connues avec la pagode. Le truc, c'est qu'il y a peu de bus ici. Il me faudrait marcher jusqu'à la gare, en prendre un mais encore marcher vingt minutes supplémentaires. Cela ne sert pas à grand chose, donc je vais tout faire à pied. Une heure de marche. C'est pour ça qu'il vaut mieux profiter de la météo clémente maintenant ... Je prends mon parapluie en tissu cette fois-ci, pour m'en faire une ombrelle et protéger ma figure et mes bras du soleil tapant. En fait, la promenade est agréable ... Je passe dans de petites rues tranquilles, dans un coin de campagne, c'est très calme. Je suis aux abords du parc d'attractions Fuji-Q Highlands, ce serait rigolo que j'y aille car les montagnes russes sont réputées pour faire peur, mais aussitôt je remarque l'absence de cris. Il a l'air fermé de chez fermé, bizarre, normalement le jour de fermeture est le jeudi. On dirait presque un parc abandonné, c'est très étrange. Mais en vérifiant plus tard, il s'avère qu'actuellement, il n'est ouvert que les week-ends.

Cinq kilomètres plus tard, il faut maintenant monter la pente pour arriver à la pagode! Easy. Par contre, il faut supporter les moustiques et moucherons, bien moins easy. Ils sont plus chiants que les touristes qui font leurs selfies sur le poste d'observation bien dégagé sur la vallée. On ne voit pas le lac, mais le Fuji-sama est majestueux. La pagode Chureito qui a un nom qui sonne espagnol est tout de même très mignonne, la photo vaut totalement le coup. C'est bien pensé, car l'endroit est en escaliers, du coup les gens se gênent beaucoup moins. D'après les panneaux "don't feed the monkeys", il y a des singes mais pas aujourd'hui ou pas ici. Peut-être plus haut, mais bon il y a beaucoup de chances que ce soient des macaques à la con. Et puis les insectes m'énervent. Du coup, je ne m'attarde pas plus que ça, on va continuer la suite de la journée.

La suite, c'est encore trente minutes de marche jusqu'à la station Fujisan pour attraper un bus et me rendre à Oshino Hakkai. Ce sont de petits étangs constitués par la fonte des neiges du Fuji, ils sont donc sacrés. Sur le chemin du bus, il y a le Ninja Village, ça a l'air rigolo! Et bien non, ça ne l'est pas, il n'y a personne! C'est fermé. Super. Vingt minutes de marche supplémentaires pour rien, pour la peine je vais me prendre une bière. Quand j'arrive aux étangs, je suis un peu surprise car je pensais qu'il y avait un village traditionnel. C'est en fait un gros complexe de boutiques à touristes, autour des étangs en question, à tel point que cela perd beaucoup de son charme. Je peux grignoter des raisins secs et autres trucs déshydratés, ça a au moins cet avantage. Je décide tout de même d'aller visiter le petit musée et les reproductions de maisons paysannes, après avoir goûté une brochette de boeuf délicieuse et une patate douce au four qui enfin est une alternative au riz et aux nouilles! Pendant ce temps, le Fuji s'est caché dans les nuages et le temps vire à l'orage. Pas terrible pour les photos, j'ai bien fait d'aller à la pagode en premier.

Un peu déçue quand même, je rentre. De retour à la gare, le sommet s'est à nouveau dégagé, mais il est 16 heures et le téléphérique que j'aurais pu prendre vient de fermer, évidemment. Je ne peux donc que rentrer à l'hostel, me reposer puis aller essayer un restaurant de spécialités locales ... Ah ben non, il est fermé. Décidément. Du coup, je teste un restaurant indien, bien bien copieux et délicieux. Une fois encore, les saveurs sont vraiment proches de celles que nous avons en Europe. Pour le reste de la soirée, je me demande si je devrais aller au onsen qui ferme à 22 heures ... Mais il me faudrait prendre un taxi car je n'ai plus la foi de marcher cinquante minutes supplémentaires, surtout de nuit. Ce sera donc une soirée consacrée au blog et à certaines démarches administratives.

 Je ne suis jamais venue à bout du naan.
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Jour 3

Météo du jour: moche. Fuji se dévoile un peu ce matin, mais une dizaine de minutes plus tard, il se cache à nouveau. Quel dommage car j'ai prévu d'aller prendre le téléphérique pour monter tout en haut du mont Tenjo, afin d'avoir un beau point de vue sur le lac. Peut-être que le temps peut encore tourner d'ici que j'y arrive, en trente minutes. Et bien, non. Pire encore: il y a une file d'attente d'une heure avant d'entrer dans les cabines. Dans un endroit sans wifi gratuite. Est-ce que ça en vaut vraiment la peine? Je décide que non, et je presse le pas car avec un bon timing, je peux attraper le bus pour partir ailleurs, sachant qu'il n'y en a un que toutes les heures. Je jette un coup d'oeil au lac Kawaguchiko: il semble un peu triste, vu le temps. Les bateaux en forme de cygnes géants ne sont pas non plus de sortie. Cela ne vaut pas la peine de s'attarder.

J'ai bien fait, car j'attrape le bus tout juste. Direction la forêt d'Aokigahara, tristement célèbre pour la vague de suicides qu'elle a engendrée, les gens venant s'y donner la mort. Elle n'a pas un pouvoir dépressif particulier: elle est juste très très dense, il n'y a pas de réseau donc difficile de retrouver quiconque ne veut pas être retrouvé, et ces caractéristiques sont dues au fait qu'elle a poussé sur les coulées de lave de Fuji. Dans cet endroit, il y a de très belles grottes de lave également. Mon premier stop est d'ailleurs la Ice Cave, qui porte ce nom car on y trouve des stalagmites et stalactites de glace toute l'année et qui était utilisée comme réfrigérateur naturel. En s'enfonçant dans les profondeurs, il faut faire un peu de spéléo: se baisser, marcher quasiment à quatre pattes, éviter de glisser, ne pas se cogner la tête. Le jeu en vaut la chandelle: l'endroit a un petit côté magique. Solennel. Vite troublé par l'arrivée d'ados en classe verte qui hurlent en descendant les escaliers. Et il y en a vraiment beaucoup, beaucoup, ils ne vont pas tous rentrer en même temps. Vite, je sors, et je trouve un coin plus tranquille. En l'occurence, je m'engage sur le Tokai Nature Trail pour rejoindre la prochaine grotte.

Me voici donc dans la fameuse forêt. Il y a un peu de monde sur cette partie du chemin, un groupe d'Américains, mais je me débrouille pour les dépasser assez vite et me voilà seule au beau milieu des arbres. Ah ... J'adore. C'est particulièrement paisible, et serein. Quel beau cadre pour venir mourir. C'est fort joli, bien que cela ne vaille pas les forêts majestueuses de Colombie Britannique. Je pourrais suivre le trail pendant une heure, pour arriver tout au bout. Mais je sens que j'ai bien trop faim pour ça, ce serait bête de mourir d'hypoglycémie sans faire exprès et non pas de suicide, c'est pas trop dans la vibe de l'endroit. Je trouve une petite boucle à faire pour rallonger mon parcours d'une bonne vingtaine de minutes, me sentant apaisée dans cette nature vibrante.


J'arrive donc sur le parking de la Wind Cave, mais malheureusement l'horaire du bus ne va pas concorder avec la visite, je vais le rater. Bah, je l'attendrai une heure supplémentaire, il y a de la wifi ici au moins. Cette grotte, donc, ressemble beaucoup à sa voisine, mais avec bien moins de monde. Les stalagmites en sont d'autant plus impressionnantes, et de plus il y a une autre pièce où sont stockées des graines et des larves de vers à soie. Cette technique de garder au frais les oeufs permet d'augmenter la productivité des éclosions, et d'en avoir 3 à 4 fois par an au lieu d'une à deux. Elle a été perfectionnée vers le milieu de l'ère Meiji. Même principe pour les cèdres, les cyprès japonais, les pins ...

Très intéressant en tout cas. Maintenant je me prépare à attendre car le bus a dû passer il y a quinze minutes. Cependant, je remarque qu'il y a des gens à l'arrêt. Je ferais mieux d'aller vérifier l'heure de passage. Bien m'en a pris: il était en retard, juste pour moi probablement! Allez, direction les onsens, maintenant. Tout en me trompant dans le prix en voulant descendre ... Et oui, pour une fois je ne suis pas partie depuis le point d'origine! Je devais prendre un petit ticket avec un numéro, et plus ou moins payer en fonction de la distance. D'où le "how to ride a bus" qui me faisait rire plus tôt. Et bien, bravo.

Connaissez-vous la particularité des onsens, mis à part que ce sont des sources chaudes souvent d'eau thermale? Il faut y aller à poil.

Alors évidemment, les hommes et les femmes sont séparés. Probablement que leur côté est complètement identique au nôtre, d'ailleurs. Mais je ne me suis pas baignée nue devant des inconnues depuis toute petite, comme beaucoup de monde j'imagine, ça risque d'être un peu étrange. Heureusement que je suis plutôt à l'aise avec mon gras, mes poils, et ma pensée body-positive. Bien que ce soit le cas, quand même. Avant de tenter l'expérience, je vais au restaurant, qui me coûte un peu cher mais il est très agréable: porc au gingembre, mini katsudon, bière du Mont Fuji. Je suis un peu trop repue pour aller dans de l'eau chaude, mais ça devrait aller. C'est rigolo car j'ai un doute, est-ce que les gens sont vraiment tout nus? Imaginez en fait, c'est pas vrai, et il y en a en maillot? Bon, il s'avère que non. Heureusement nous avons des serviettes, donc pour le premier coup, je vais me cacher et me glisser rapidement dans l'eau.

Pas de photos pour des raisons évidentes! Donc de la description. Premier bain: à l'extérieur. Il fait un peu frais donc je m'y glisse rapidement, c'est agréable mais très vite j'ai chaud et je suis en pleine digestion. Mais tout de même, c'est très agréable. Le fait d'être nue est plutôt relaxant. Je reste seule un bon moment, mais je suis rejointe par quelques personnes bientôt. Je me sens moyennement à l'aise, et en plus j'ai envie de tester les autres bains. Le second est à l'intérieur, mouais ... Mais je découvre qu'il y en a encore en sous-sol, notamment un extérieur qui est aménagé à la façon d'un étang de jardin zen, et qui a vue sur Fuji ... qui se décide à se montrer, enveloppé de nuages tournoyants, comme s'il était en éruption. Le spectacle n'est que de courte durée, mais il faut dire que c'était agréable. Je rejoins ensuite le bain bouillonnant aromathérapique, avec des essences de cyprès mais je ne les sens pas beaucoup. A l'intérieur, il y a un sauna et un hammam, mais je me sens étouffer. Il y a cependant un autre bain bouillonnant qui est aménagé comme une grotte de lave, ça sent un peu le souffre, mais c'est fort agréable. Et le dernier est un "carbonated bath" où je suis totalement seule, et de petites bulles se collent à ma peau, c'est plutôt rigolo. Au final, je n'oublie pas trop que je n'ai pas de maillot, c'est un peu difficile à oublier dirons-nous, mais le malaise n'est pas palpable. Les femmes discutent entre elles, il y a même une dame d'une soixantaine d'années qui vient discuter avec moi pour me demander si j'aime les sobas. Elle a dû faire la conclusion grâce à mon bidon.

En tout cas, cela reste une belle expérience. Je me sens particulièrement détendue. Retour à l'hostel, repos, et quand je veux ressortir pour tester un plat de la région nommé Hoto Foudo (hot food?), il pleut des cordes. Heureusement que ce parapluie tient bien la route, mais comme mes chaussures sont en nettoyage dans la machine à laver, j'ai dû mettre mes belles baskets en cuir et j'essaye de ne pas trop les mouiller, mais c'est peine perdue. En plus, je ne vois rien. Je finis par atteindre le restaurant, à temps car il est marqué qu'il ferme à 20 heures et quelques. Qu'est ce que c'est tôt! En fait, c'est l'heure du dernier service, de la dernière commande. Le lieu est très sympathique, grand, avec des tables à la japonaise. Je jette un oeil au menu et il y a ... de la viande d'ours? Oh là là je veux goûter! Mais il n'y en a pas en cette saison. Je me rabats sur le Hoto Foudo au sanglier. Le bol est énorme: de grosses nouilles, du bouillon, quelques morceaux de sanglier donc, et plein de légumes. Ca va faire du bien, mais ça porte bien son nom: la hot food est vraiment hot! Ca m'en fait transpirer. J'ai du mal à en venir à bout, d'ailleurs.

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Jour 4

J'ai décidé de partir vers onze heures, pour me reposer car enfin le sommeil me rattrape. Ce qui est plutôt agréable, dans un sens! Mon sac me paraît bien lourd aujourd'hui. J'arrive en temps et en heure pour pouvoir faire mon premier trajet jusqu'à Gotemba, ce qui prend une bonne heure et demie et 1500 yens (10 euros) tout de même. Il faut maintenant que je prenne un second bus pour Hakone, là où je vais. Aujourd'hui, il y a du brouillard, du vent, mais il ne fait pas trop froid pour autant et heureusement, vu que je dois attendre. Mais moins longtemps que prévu car un bus arrive finalement plus tôt que celui qui était annoncé sur Google Maps, et peut-être sommes-nous durant une période de vacances, je ne sais pas trop. Allez, 1500 yens supplémentaires, sachant que je vais devoir faire un changement. Qui par la suite, je me rends compte, n'était pas du tout nécessaire car ce bus m'aurait amenée pile en bas de l'hostel. Non seulement j'ai payé trop cher car je ne savais pas où il allait s'arrêter, mais je suis donc descendue pour rien. Je suis juste en face du musée du verre vénitien, ça pourrait être sympa en attendant ... Non, il coûte 1800 yens l'entrée. Trop cher! Bon, l'autre bus finit par arriver, et cette fois-ci je descends à l'endroit correct. Il faut monter un peu, c'est fatigant ... Mais le cadre est joli. Il y a une petite rivière en contrebas qui sent le souffre, car Hakone est aussi une station thermale.

Je m'installe, il n'y a pas l'air d'y avoir grand monde pour le moment. Les matelas sont durs, j'espère aussi que ça ne va pas encore être trop la misère sociale. Bon, en attendant, allons au lac Ashi. Qui est bien plus loin que ce que j'imaginais, 10 kilomètres, donc encore le bus à payer aller-retour. Embêtant ... Mais bon, je suis venue exprès ici pour visiter ce point d'intérêt. Même s'il fait gris, et qu'il y a un vent bien plus froid car nous sommes un peu plus en altitude ... et les magasins et restaurants sont fermés pour la plupart. Hakone a connu des jours meilleurs. En revanche, le temple, sobrement nommé Hakone jinja, est magnifique.

En contrebas, il y a un torii sur l'eau, où une file de touristes attend pour se prendre en photo. C'est particulièrement scénique, surtout avec les flots agités du lac, cela donne une autre sorte d'ambiance qui n'est pas si déplaisante. Et surtout, c'est abrité du vent froid. Normalement, il est possible de voir Fuji depuis le lac, en toile de fond. Mais bien entendu, ce n'est pas assez dégagé aujourd'hui, on ne doit même pas le voir depuis Kawaguchiko. Je me serais bien engagée sur le trail de la vieille route pavée qui est le vestige de l'ancien chemin pour Edo, mais il est déjà bien trop tard, les nuages donnent l'impression que la nuit va tomber d'un instant à l'autre.

Allez, retour à la guesthouse. Cependant, je me trompe totalement d'arrêt, car l'endroit ressemblait à d'où j'étais partie. Mais j'aurais dû vérifier ma position sur maps.me avant de descendre, ça aurait été bien plus intelligent de ma part. A croire que je ne sais même plus prendre un bus, vu les soucis que j'ai avec eux. Je finis par rejoindre le bon endroit, je dîne puis je vais faire connaissance avec quelques personnes qui sont dehors pour faire un barbecue. Mais il est déjà tard, et tout le monde va au lit. Ce n'est pas la grosse ambiance non plus ... Je comptais rester la journée sur Hakone, mais ces bus me font péter un câble, en plus ils sont trop chers et je n'ai pas pris le Hakone Pass (que je trouvais lui aussi trop cher vu qu'il inclut le téléphérique que je n'étais même pas sûre de prendre). J'espère que je me plairai plus sur Kyoto.

5

Cette fois-ci, c'est de la gare d'Odawara que je vais partir. En un dernier coup de bus, ce qui m'a tout de même pris une heure en tout, m'y voici. Le Shinkansen ne partant pas avant une bonne heure, cependant, c'est l'occasion de manger ... Des spaghettis. Ca y est, je commence un peu à saturer de la nourriture japonaise et un peu de comfort food fait du bien. Surtout qu'étonnamment, c'est plutôt savoureux, avec des tomates et des crevettes. Pour la peine, prenons aussi des pancakes au chocolat en dessert, et on se met bien.

 GOTTA GO FAST

Je refais là toute une partie du trajet que j'ai déjà effectué pour Nagoya, mais de nuit. Deux heures de train, agrémentée de pleurs de bébés au pluriel. Le monde entier a les mêmes problèmes que nous, même le Japon malgré le recul de la natalité, quel dommage pour le coup. Débarquons donc à Kyoto, "la capitale de l'Ouest", dont Tokyo est en quelque sorte le verlan. J'ai trente minutes de marche jusqu'à l'hostel, cette fois-ci. Il fait bien plus lourd que les autres endroits que j'ai visités pour le moment, mais on n'est pas (encore) non plus sur un niveau sud-est asiatique, donc ça le fait. J'aime bien me donner le petit défi de me rendre à pied avec mon sac sur le dos quand c'est possible, comme vous l'avez remarqué. Cela permet de prendre un premier contact avec la ville. Pas grand chose à repérer de ce côté-ci cependant, bien qu'il y ait des temples partout. C'est Kyoto, quoi. C'est un Chiang Mai shinto en bien bien plus grand. Me voici arrivée, aux alentours de 15 heures, comme indiqué sur Booking pour le check-in. Bon, première remarque, c'est un hostel comme celui de Tokyo avec un bar lounge. Aie aie aie, je sens que ça ne va pas être facile de rencontrer des gens non plus. Quelle galère, je vais difficilement supporter d'être seule ... Et puis, surprise: finalement le check-out est à partir de 16 heures, comme non-indiqué sur ma réservation. Oups. Je peux laisser mon sac, fort heureusement, et je peux commencer à visiter quelques points d'intérêt dans les environs car ici aussi il y a vraiment, vraiment beaucoup de choses à faire. Notamment des temples, des palais, des jardins parmi les plus beaux du Japon.

Donc, on va se concentrer sur quelque chose de relativement près et relativement rapide à visiter. Mon choix se porte donc sur Kyoto Gosho ou le Palais Impérial, situé tout de même à 45 minutes de marche. Commençant à choper le coup du Japon, je sais que la dernière entrée sera aux alentours de 16h20. Cela devrait le faire, mais c'était sans compter le fait que j'allais traînailler. En effet, je suis à côté de la grande aire de shopping et l'équivalent des Galeries Lafayette, Takashimaya. Mais pas que, il y a des choses bien plus accessibles au niveau des prix. Evidemment, des pachinkos avec des néons arc-en-ciel hyper colorés pour rendre les gens fous et épileptiques. Mais aussi d'autres magasins qui vendent de tout comme la chaîne Don Quijote, on y reviendra plus tard, il y aura une histoire sympa à ce sujet. Et plus loin, des boutiques de souvenirs d'un bon standing, des restaurants, sous des arcades couvertes. J'aime beaucoup l'ambiance! Ayant été un peu distraite, j'arrive un peu après 16 heures à l'entrée sud des jardins, où des écoliers sont en train de jouer au base-ball. Je ne peux m'empêcher de les regarder un peu jouer, car c'est le sport national du Japon et ils ont vraiment l'air de prendre du bon temps. Autant qu'ils profitent d'un ciel relativement dégagé!

 L'intérieur d'un temple random

Je parviens enfin à l'entrée du Palais Impérial à ... 16h20. Tout pile. Je ne fais pas attention à si je suis la dernière entrée, mais pas loin. Les surveillants tiennent des panneaux écrits en anglais rappelant que le monument ferme dans quarante minutes et qu'il ne faut donc pas trop s'attarder.

Le palais était la résidence impériale jusqu'en 1869 jusqu'au début de l'ère Meiji, le pouvoir ayant ensuite été transféré au château d'Edo. C'est cependant toujours une résidence secondaire de la famille impériale, et certaines cérémonies de couronnement y ont eu lieu. L'original a été construit au 8e siècle. Le Palais actuel a brûlé en 1788, fut reconstruit, mais a une nouvelle fois brûlé en 1854. C'est un problème récurrent dans tout le pays, étant donné que tout est construit en bois. Kyoto, alors Heian, était divisée en deux districts: Sakyo (gauche) et Ukyo (droite) en prenant le palais comme référence.

L'un des points les plus intéressants est probablement les trois salles d'attente, Shodabu-no-ma: les invités les utilisaient en fonction de leur rang social. Par ordre croissant de prestige, nous trouvons la Salle des Cerisiers, la salle des Hérons puis la salle des Tigres. Nous trouvons aussi Shunkoden, la salle où était gardé le miroir sacré que nous avons déjà évoqué.

Des avertissements retentissent dans la cour, nous rappelant que le Palais va bientôt fermer. Les surveillants nous pressent vers la sortie en faisant de grands gestes. Il reste cependant un endroit à visiter, et pas des moindres: Oikeniwa Garden. Un magnifique jardin où l'on peut admirer deux héros qui vivent leur vie, peu intéressés par les touristes. Génial, je peux utiliser mon téléobjectif! Mais je me fais rappeler à l'ordre comme quoi, il va falloir partir, Madame. Tout le monde nous désigne la sortie avec, en même temps, insistance et politesse. Je me sens cependant contente d'avoir eu le temps de faire cette expérience. Je redescends le long de la promenade de la rivière Horikawa, où des gens font leur jogging, et qui est un endroit fort agréable en contrebas de la route. Je passe au cas où devant le château Nijo, mais bien entendu il est fermé - je le savais - mais surtout on ne peut pas le voir de loin.

Arrivée à l'hostel après cette longue marche, une douche rapide et un tour dans les parties communes, car j'entends des gens qui ont une conversation ensemble. C'est l'occasion de rencontrer Ben, Adrienne et Josh. Nous descendons dans le bar lounge de l'hostel, pour boire de bonnes IPA, et nous rencontrons trois Japonais qui nous abordent, assis à la table à côté de nous. Nous partons manger ensemble dans une sorte d'izakaya à thème, un endroit très kitsch dont nous n'aurions pas deviné l'existence. C'est vraiment rigolo, je goûte un okonomiyaki mais je trouve qu'il y a trop de bonite (le poisson séché) dessus. C'en est écoeurant. Ben essaye de parler Japonais avec les filles, c'est vraiment drôle à voir car elles semblent à fond, sacré lover. Pour finir la soirée, nous allons du côté de Pontocho, là où se trouvent tous les bars. Sacrée ambiance pour un samedi soir! Le groupe de Japonais nous achète ensuite chacun une bière dans un konbini, et nous souhaitons la partager avec eux mais ... ils doivent rentrer. Ils nous ont juste payé des coups comme ça, pour le fun. Et bien, d'accord, c'est assez surprenant mais plutôt chouette de leur part!

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Jour 2

L'IPA m'a un peu tapé sur la tête, à moins que ce ne soit le saké que Josh a voulu acheter dans le dernier konbini où nous sommes allés. Je n'en ai pas bu beaucoup car il était bien trop sucré. Mais du coup, on va y aller doucement aujourd'hui. J'émerge vers midi, et je décide d'aller visiter quelque chose qui ne demande pas trop de concentration: la bambouseraie d'Arashiyama. Cela prend cependant un peu de temps pour l'atteindre, en bus puis en train de ville. Les choses ne sont pas très bien indiquées dans la gare de Kyoto, et je parviens à trouver la bonne voie un peu au hasard, et un peu grâce à Google Maps aussi, lorsque la wifi gratuite daigne marcher.

Les alentours de la bambouseraie sont, évidemment, très touristiques. Il y a beaucoup de monde, et le temps est bien plus lourd qu'à Tokyo. Ca n'aide pas mon mal de crâne, aussi je décide d'acheter un peu d'aspirine dans un konbini, appelée Bufferin ici. Et bien, quelle surprise, vingt minutes plus tard la migraine est passée, ce n'était pas gagné. Belle efficacité! Je vais pouvoir mieux profiter de la balade. Avant d'aller faire connaissance avec les bambous, je vais admirer le Togetsu Bridge, mais aussi le temple Tenryuji et ses jardins. 500 yens pour l'extérieur, 800 yens pour le billet combiné avec l'intérieur du temple. Pourquoi je précise? Vous allez comprendre. C'est toujours un plaisir d'enlever ses chaussures et de marcher en chaussettes sur les tatamis, et sur les sols des temples. J'ai l'impression que mes pieds font un voyage sensoriel très agréable. Mais ce fameux temple est en bordure des jardins, et n'a pas vraiment d'intérieur. Ce qui fait qu'il aurait été possible de ne prendre que le billet à 500 yens car j'aurais tout aussi bien vu depuis l'extérieur. C'est complètement l'arnaque.

L'avantage, c'est que la sortie nord donne directement sur la promenade entre les bambous. C'est très joli et dépaysant ... Mais peu relaxant, car il faut éviter les gens qui se font prendre en photo, et être attentive à ne pas être sur les leurs. Particulièrement car eux, ils y font attention pour moi comme ils peuvent, ce qui est appréciable. En vérité, la bambouseraie est relativement réduite, mais tant mieux vu mon état de fatigue. De l'autre côté se trouve le temple Niso-In, que je vais visiter car c'est l'empereur Saga qui l'a construit pour Shaka, et ce sont les noms de deux Chevaliers d'Or dans Saint Seiya, alors c'est pour la vanne. Mais les deux statues, de Shaka donc et d'Amida, divinités importantes dans le bouddhisme, sont assez anciennes et précieuses. Je grimpe aussi les hauts escaliers pour prendre un peu de hauteur et voir quelques tombes, ainsi qu'une vue sur la ville.

Avec tout cela, il est bientôt l'heure de fermer le temple, et c'est déjà la fin de la journée qui est passée bien vite. Je grignotte une boule de riz et une brochette de vapeurs, puis un bento savoureux pris sur la route. Avant de rentrer, je dois régler un problème important: j'ai perdu mon adaptateur à l'izakaya d'hier. J'ai essayé de retrouver l'endroit, mais en vain, je n'ai plus aucune idée d'où nous avions bien pu aller. Retrouver un endroit au Japon qu'on a vu quand on était bourré, c'est bien plus compliqué qu'il n'y paraît, vu l'accumulation d'endroits qui se ressemblent les uns les autres et que tout est superposé. Je me rends donc dans l'allée commerçante, et je tente ma chance au Don Quijote, qui est un centre commercial où l'on trouve plein, plein, plein de choses. Dont mon adaptateur heureusement, mais aussi juste à côté, tout le rayon sex-toys. Le Japon est connu pour les Tengas, qui sont basiquement des cylindres qui imitent les vagins. A usage unique, normalement. Il y a aussi des gashapons où l'on peut obtenir des petites culottes.

Retour à l'hostel. J'y croise Ben, nous dînons ensemble des plats achetés au 7 Eleven, et je trouve une part de pizza (avec du maïs dessus) que je me permets de goûter car j'aimerais varier un peu les plaisirs. Je pense que je me ferai une pizza sympa de retour sur Tokyo, c'est toujours rigolo de goûter les adaptations de plats à l'étranger, surtout au Japon. Nous avons des nouvelles de Josh, qui a rencontré un autre gars, Jack, et ils sont partis boire un verre ensemble. Je vais les rejoindre, mais je passe tout de même ma soirée sans alcool. L'ambiance à Pontocho un dimanche soir est un peu moins folle qu'hier, mais c'est tout de même sympathique. Nous nous installons en bord de rivière, comme tous les gens autour de nous, mais je ne fais pas long feu. En plus, demain, j'ai un walking tour à dix heures, il faut donc que je mette le réveil!

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Jour 3

C'est devant la statue d'Izumo no Okuni, actrice et danseuse à l'origine du théâtre de Kabuki, que le tour démarre. Je ne saurais dire le nom du guide, vu que je n'ai pas été très ponctuelle. L'avantage des free walking tours, c'est que nous en apprenons beaucoup sur la culture du pays visité et la visite fourmille d'anecdotes en tout genre. Cette fameuse Okuni, par exemple, était une vraie célébrité, et était connue pour ses rôles de prêtres chrétiens et de samuraïs. A son époque, les femmes étaient donc autorisées à jouer sur scène. Le problème, c'est que cet art a attiré pas mal de femmes, et parmi elles, beaucoup en ont profité pour se rapprocher des hommes de pouvoir en leur proposant des happy endings à la fin de leurs pièces. Donc, le Tokugawa de ce moment-là a pris une décision radicale: plus de femmes dans le Kabuki. Comme quoi, même en ce temps là, les mesures drastiques faisaient déjà parti de la ligne politique du gouvernement. Ce sont donc majoritairement les hommes qui jouent encore des rôles de femmes, même si le ban a pris fin au milieu du 20e siècle.

Nous allons visiter le quartier de Gion, qui rend Kyoto si exceptionnelle. C'est traditionnellement une des images qui vient en tête quand on pense au Japon: les rues bordées de tea houses en bois, des lanternes pendues aux portes closes derrière lesquelles s'activent les maikos, apprenties geishas. Nous allons pas mal parler d'elles, d'ailleurs, nous sommes là pour ça. La rue principale se nomme "rue des cerisiers", non pas parce qu'elle est bordée d'arbres, mais pour une toute autre forme de beauté. Cependant, il est très compliqué d'aller manger dans un restaurant où l'on peut trouver des maikos et des geishas. Il faut être membre de club, et réserver des mois et des mois à l'avance.

Le terme "geisha" signifie "personne qui pratique les arts", et non pas "prostituée" ou quoi que ce soit d'autre. C'est un métier très contraignant: les maikos rejoignent une maison nommée okiya, gérée par une geisha, de leurs 15 à 21 ans. Elles doivent se présenter à leur okasan (la patronne), passer deux semaines dans la maison, observées, et au terme de ce test, elles peuvent continuer leur formation ou non. Elles doivent connaître la cérémonie du thé, la conversation, l'ikebana (la composition florale), les instruments de musique et la danse. Tout l'argent qu'elles gagnent est reversé à l'okasan pendant leur formation. Elles n'ont plus de vie personnelle, et ne sont autorisées qu'à écrire des lettres à leurs parents. Elles doivent dormir sur un oreiller spécial, très dur, pour ne pas abîmer leur coiffure. Ce sont les maikos que l'on voit en photo, avec leurs kimonos colorés, car les geishas en portent en fait des plus sombres. Ce sont des dames de compagnie, mais en fait elles ne font pas de sexe. Il y a une certaine confusion car elles vivaient dans les mêmes maisons de thé que les prostituées lors de l'ère Edo.

L'endroit est extrêmement photogénique, et pour une fois je ne suis pas la seule à être à la traîne à cause des photos: un autre gars fait la même que moi. C'est plutôt plaisant, et nous surveillons tour à tour où va le groupe, histoire de ne pas nous perdre dans le dédale. Et au détour d'une ruelle, nous croisons une maiko, pas encore apprêtée, qui vient travailler discrètement. Nous pouvons la reconnaître grâce à sa coiffure élaborée. Cela a quelque chose d'intime, d'en croiser une publiquement. C'est presque comme croiser une star.

Nous arrivons maintenant à la Yasaka Pagoda, plutôt impressionnante. Juste à côté se trouve le temple des trois singes, où l'on peut voir plein de petites pelotes de laine. En fait, les gens mettent des résolutions ou des promesses dedans, afin de se motiver à les tenir. C'est rigolo, c'est coloré. Nous traversons une autre rue commerçante animée, et nous rejoignons le sanctuaire du même nom que la pagode, Yasaka Jinja. Il est dédié à Inari, le dieu du riz, représenté par ses messagers renards. Il est très important dans la religion shinto-bouddhiste des Japonais.

Il est dit qu'un Japonais vit shinto mais meurt bouddhiste. Il n'y a pas de livre sacré dans le shinto, seulement dans le bouddhisme, d'où l'introduction des kanjis chinois dans la langue car il fallait écrire les sutras. C'est une sorte de syncrétisme qui est pratiqué, même si l'on reconnaît les sanctuaires shintos aux torii à l'entrée, et au fait qu'ils soient gratuits et ouverts tout le temps! Le shinto a été fait religion d'Etat par l'Empereur lors de la restauration car il est censé être de droit divin, et vu qu'il fallait renforcer le pouvoir après la chute des Tokugawa, c'était très pratique. Les Japonais vénèrent les Kamis, qui sont des esprits d'un peu tout ce qu'on peut imaginer. Ils ne font pas de statues d'eux car le temple est leur maison, quel intérêt donc d'avoir une représentation de soi chez soi?

Le tour se termine, et il me reste tout l'après-midi pour aller visiter des choses, sachant qu'il me reste beaucoup de choses à voir en trop peu de temps, vu que je compte aussi aller à Nara et à Osaka dans les prochains jours. Après m'être enfilé un MacDo local, je prends le bus, direction le Kinkaku-Ji, ou Pavillon Doré. Environ 45 minutes de trajet ... C'est le problème quand on voyage au Japon. Tout est loin, tout est dispersé, et il se trouve que Kyoto est particulièrement chiante au niveau des déplacements car les points d'intérêts sont souvent en périphérie de la ville, et le métro ne les dessert pas très bien. Donc, ça prend des plombes, et il ne faut pas oublier que tout ferme à 17 heures avec dernière entrée à 16h20 en général. Mais là, le Pavillon vaut le coup. C'est l'une des choses les plus jolies que j'aie pu voir lors de ce voyage, malgré la grisaille du ciel. Cela doit être encore mieux lorsqu'il fait beau.

Oui ok, j'ai pas su choisir une photo en particulier.  

Le terrain appartenait à un noble de la période Kamakura, au début du 13e siècle. Le shogun Yoshimitsu Ashikaga, après avoir remis le pouvoir entre les mains de son fils, décida de s'y retirer après l'avoir fait construire et dessiné lui-même. A sa mort, son fils le fit reconvertir en temple; le Rokuon-Ji. Un jeune moine s'y suicida en 1950 et provoqua un incendie. Comme d'habitude. Le Pavillon fut reconstruit en 1955. Le bâtiment est recouvert d'or pur et il abrite des reliques de Bouddha. A son sommet, on trouve un fenghuang, un phénix chinois.

Unrelated. 

Tant que je suis dans le coin, je reprends le bus pour aller visiter le temple Ryoan-Ji, qui est l'un des plus importants sanctuaires zen du pays. Et ça, c'est sûr, quand on pénètre dans l'enceinte, il se dégage une certaine sérénité dans l'endroit, d'autant plus que les visiteurs jouent le jeu. Comme d'habitude on enlève les chaussures, on ressent les nervures du plancher et les tissages des tatamis au travers des chaussettes, c'est tout un voyage sensoriel. Je m'allonge un peu face au jardin zen, et ses rochers dispersés au milieu des gravillons d'un blanc éclatant. C'est une petite pause fort bienvenue.

Mais voilà, c'est déjà l'heure de partir. Un retour à l'hostel pour se reposer encore un peu, puis je me mets en route pour assister au spectacle qui a lieu au Gion Corner. Alors d'accord, c'est très touristique, mais cela permet d'avoir un bon aperçu des arts japonais quand on n'a pas le temps ou pas l'occasion d'en voir ailleurs. Quel dommage, il y a du théâtre de Noh un mois sur deux, mais pas celui-ci. Photos et vidéos interdites, il faut dire que sinon, tout le monde serait en train de filmer et l'expérience en serait bien différente. Pour le coup, je comprends très bien la démarche. Le spectacle commence avec une démonstration de la cérémonie du thé, pendant que sur scène des joueurs de koto entament une mélodie, et d'autres dames font de l'ikebana: c'est un art floral particulier qui consiste à arranger d'une certaine manière les plantes dans un vase. Ca n'en a pas l'air comme ça, mais c'est tout un processus. Les mouvements sont stylisés, millimétrés, contrôlés. C'est très formel. Ensuite, il y a une performance de bugaku, une danse qui n'était pas très populaire car seulement exécutée à la cour de l'empereur. J'imagine que les danseurs de bugaku sont peu nombreux, et triés sur le volet. Cependant, bien que le costume soit très impressionnant, l'art lui-même ne l'est pas trop. D'accord, les mouvements sont précis, mais je suis quasiment sûre que Lou et moi, on peut faire pareil voire mieux. Il y a une histoire rattachée à cette performance: un prince chinois qui était si beau qu'il n'était pas pris au sérieux par ses troupes, aussi revêt-il un masque terrifiant. La suite, c'est un numéro de théâtre comique kyogen, comme c'est en japonais on ne comprend pas trop mais heureusement le prospectus raconte l'histoire qui s'y passe. Le clou du spectacle, ensuite: la danse kyomai, avec une maiko magnifique sur scène. La voir en vrai pratiquer une danse gracieuse avec un éventail a quelque chose de fascinant, de magique, même, comme si le temps était suspendu. Je comprends pourquoi elles fascinent tant, elles présentent une beauté raffinée et en même temps pleine de mystère. C'est incroyable. Et en parlant d'incroyable, le dernier numéro est une marionnette bunraku, animée par trois marionnettistes. Que l'on voit sur scène, bien qu'ils soient vêtus de noir. Je me dis que ça ne va pas être super. Et pourtant, ce qui est bluffant, c'est que celui qui est le plus spécialisé parvient à montrer des émotions sur le petit visage de poupée de la marionnette, à tel point qu'on la croirait vraiment vivante. Je n'ai aucune idée de comment il fait, probablement le contexte y joue beaucoup, mais quand même!

 Un héron croisé sur le chemin, sur le pont enjambant la rivière Kamogawa.

Ce fut un bon moment, bien qu'il ait été court. Avant de rentrer, affamée, je vais manger un curry dans la chaîne de restaurants Sukiya, particulièrement bon. A savoir, car il y a des Sukiya partout! Je demande à Josh ce qu'il fait ce soir, ils sont encore dans un bar avec Jack, et un néozélandais, Nathan. Bon, seul souci, j'ai encore plus de mal à les comprendre, mais on peut tout de même parler photo, et au moins cela me force à apprendre le vocabulaire en anglais (sharpness, lense, shutter speed, aperture ...) ce qui pourrait s'avérer très utile.

Demain, direction Nara dans l'après-midi! Pour le coup, je sépare l'étape Kyoto en deux parties, car sinon l'article sera bien trop long. Il va y avoir encore pas mal de contenu.

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Jour 4: Nara

La journée commence bien mal: je pensais vraiment pouvoir y échapper au Japon, car après tout, ce n'est pas un pays très tropical. En tout cas, pas le Japon central. Mais on n'esquive pas comme ça des années de tradition. Je parle de ... celle de me faire piquer par des bestioles.

Une araignée, probablement, vu que ce sont quelques cloques qui remontent le long de mon corps, dont un bouton sur la joue, génial. Heureusement, j'ai du Locoid sous la main, la cortisone calme un peu les démangeaisons, assez pour pouvoir me rendormir. Mais bon, je vais quand même être gonflée d'histamine pour quelques jours. Je soupçonne le Chinois qui vient d'arriver dans le dortoir d'avoir ramené quelque chose. Non, ce n'est pas raciste, il est vraiment chinois déjà, et je veux dire, ça fait trois nuits que je suis là et rien ne s'était passé!

Je ne me laisse pas abattre pour autant, car aujourd'hui je vais d'abord aller visiter le sanctuaire Fushimi Inari Taisha, le fameux. C'est celui où l'on trouve toute l'enfilade de 30 000 torii. C'est beaucoup, vraiment beaucoup! En fait le sanctuaire est immense car il fait plus de 870 000m², et l'on peut accéder à plein d'autres petits autels disséminés dans la montagne. Le soleil, qui joue à cache-cache avec les nuages, vient par moments frapper le bois vernis, créant de beaux dégradés rouge-orangés. Malgré cela, avec toutes ces enfilades c'est un peu le bordel. J'aurais aimé y passer plus de temps, mais ... déjà ce n'est qu'une étape sur ma route dans la journée, je suis crevée à cause des piqûres, il y a pas mal de monde, et ensuite j'ai du mal à me connecter à l'énergie du lieu. Niveau climat, il fait assez lourd. Je suis contente d'avoir pu visiter cet endroit car c'est un incontournable unique au monde, ça oui, mais les conditions auraient pu être plus agréables.

Je remonte dans le train, direction Nara cette fois-ci. C'est une ville plus petite, mais très connue car c'était la capitale du Japon impérial du 8e siècle. La première capitale fixe, car avant cela, elle changeait à chaque mort d'un Empereur, selon la croyance shinto dictant que la ville en est souillée. C'est par l'arrivée du bouddhisme et le télescopage avec les pratiques existantes, que l'Impératrice Gemmei peut établir Heijo-Kyo, la capitale de la paix, en 710. L'Empereur Kammu décide cependant de la déménager à Heian (Kyoto) car le clergé bouddhiste y devenait de plus en plus important et commençait à avoir bien trop d'influence, ce qui aurait pu mettre en péril la cour. Nara a ensuite été la cible de guerres civiles.

Mais si Nara est connue de nos jours, c'est certes pour ses temples, mais surtout pour son parc où se baladent des daims, en liberté. C'est devenu le symbole de la ville, et on les trouve dès l'entrée du grand parc où sont regroupés tous les points d'intérêts. Ne serait-ce que sur une portion réduite du parc, qui est immense, il y en a plein, et ils ne sont pas farouches. On peut aisément les caresser. Ce sera décidément le voyage du contact avec des bestioles en tout genre. Mais le plus drôle, ce sont les touristes qui ont acheté des gâteaux pour leur donner à manger, parce que des hordes de daims leur courent après et les gens se mettent à crier. Vous vous attendiez à quoi, les gars? Enfin, ça me fait beaucoup rire! J'en ai même vue une traverser au passage piéton. Mais pas au vert, petite enflure.

Le premier temple que je visite est le Kofuku-Ji, qui était le siège de la secte Hossô, selon laquelle tous les phénomènes sont des projections de l'esprit. Il y a plusieurs pavillons, une grande pagode à trois étages, plusieurs bâtiments. Je continue mon chemin vers le centre du parc, où il y a un musée que je ne visite pas, il contient des représentations de Bouddha mais j'en ai déjà beaucoup vu. Je suis plutôt intéressée par le Todai-Ji, qui est un immense temple imposant. C'est l'un des plus grands bâtiments en bois du monde, et il abrite une impressionnante statue de Bouddha de 47 mètres de haut! Ce ne sont pourtant que des répliques, vu que comme d'habitude, des incendies sont passés par là.

Ma dernière visite est le Kasuga Taisha. Il n'a rien de particulier, si ce n'est qu'il a été construit pour protéger les habitants et leur apporter le bonheur nécessaire, mais aussi qu'il est tout au fond du parc ce qui en fait une belle promenade, afin de profiter encore un peu des daims. L'heure tourne, il fait beau et chaud, je me cale pour manger des sobas au matcha, des sushis enroulés dans des feuilles de pennamon et un bun au sanglier vraiment délicieux.

Je n'ai pas vraiment terminé ma journée. Je reprends le train pour me diriger vers Kyoto, car j'ai rendez-vous à 17 heures au Ninja Dojo and Store pour une expérience, ben, ninja. La séance est avec un maître, qui va nous apprendre quelques techniques pour le fun. C'est une expérience adultes/enfants, mais il y a avec moi une famille avec deux enfants vraiment petits. Bon, pas vraiment l'ambiance à laquelle je m'attendais, j'aurais espéré quelque chose de bien plus sportif. Mais c'est original: nous apprenons à compter avec des mouvements de doigts pour la concentration, à dégaîner une épée, à marcher sur la pointe des pieds sans faire de bruit (ou presque), à lancer des shurikens et à utiliser une sarbacane. Il y a aussi un passage secret dans le dojo, avec un mur coulissant, c'est rigolo. En vrai, c'était tout de même sympathique de rencontrer un "vrai" ninja actuel qui, bien qu'il ne nous ait pas fait de démonstration, dégage une certaine aura.

Je ne suis pas loin de l'aire de shopping, alors je vais faire quelques emplettes, notamment un sweat en rayon, le matériel des kimonos, que j'avais déjà repéré en arrivant. Je me promène ensuite dans Gion, pour trouver un restaurant où je vais goûter du boeuf wagyu. Il est très cher en France, il l'est un peu là aussi (30 euros pour 150 grammes de Sirloin) mais je le fais griller moi-même et franchement, le goût en vaut la peine, surtout cuit comme ça, il est délicieux. Pas de sortie supplémentaire ce soir, car Josh et les autres ont checked-out, mais j'ai demandé à changer de lit pour ne pas risquer de me refaire piquer. De toute manière, moi aussi demain, je quitte l'hostel.

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Jour 5: Osaka

Donc, première mission: changer d'hostel. J'avais envie de tester une guesthouse qui était plus typée japonaise et qui ne serait pas trop loin des autres endroits que je voulais visiter. Une seule nuit car je pensais que ce serait plus compliqué de rencontrer des gens, et plus simple dans un party hostel, mais en fait c'est complètement l'inverse. Dès que j'arrive, les hôtes sont extrêmement accueillants, à tel point qu'ils m'offrent ce qu'il reste du petit déjeuner car il est un peu plus de 10 heures, je n'ai pas mangé et je meurs de faim. Il y a un gars Lituanien qui est en train de partir, mais il est très gentil, nous avons le temps de discuter un peu. Et aussi, un Suisse francophone et une Péruvienne. Non, je n'ai pas demandé leurs prénoms cette fois-ci, mais l'ambiance a l'air vraiment chouette. On verra à mon retour.

Arrivée à la gare de Kyoto, j'ai le choix de prendre le Shinkansen un peu plus tard, ou une ligne locale qui met du temps ... Le truc, c'est qu'il y a beaucoup de Shinkansen Nozomi, mais que je ne suis pas censée les prendre avec le JR Pass. Et en même temps, vu qu'on ne fait que passer les portiques, qui va vérifier? Allez, je fais la hors-la-loi, j'ai la flemme d'attendre vingt minutes. Le Nozomi met ... quinze minutes entre Kyoto et Osaka. J'ai à peine le temps de me connecter à la wifi, de regarder un truc, que nous sommes déjà à la gare de Shin-Osaka. Je peux prendre certaines lignes gratuitement avec le JR Pass, c'est utile. Après, je ne compte pas vraiment visiter la ville, il n'y a pas grand chose à y voir comparé à ailleurs, si ce n'est qu'il y a une vie nocturne sympathique. Je suis ici pour, encore, un festival culturel! Cette fois-ci, c'est la cérémonie de plantation du riz, Otaue Matsuri, qui a lieu au sanctuaire Sumiyoshi-Taisha. Ce dernier est déjà, en soi, un très bel endroit avec un grand pont très pentu pour y accéder. Mais le festival va se dérouler dans la rizière juste à côté, bien qu'il commence à pluvioter. Les petites gouttes d'eau qui rident la surface du champ donnent au lieu un aspect très poétique. J'espère juste que la forte averse ne va pas arriver.

 Une vue d'Osaka depuis le métro

Je m'enquiers donc de l'organisation, et pour le moment quelqu'un parle dans le haut parleur pour remercier toutes les personnes qui vont participer à la représentation. En fait, je ne sais pas trop à quoi m'attendre. Je vais rapidement me chercher des takoyakis, vu que c'est la spécialité d'Osaka, et je reviens juste à temps pour le début du défilé. Ah, ouais! Je suis impressionnée, les participants sont en costumes traditionnels. Il y a des adultes, et quelques enfants, des maikos aussi et des adolescents déguisés en samuraïs. Les costumes sont incroyables! Ils entrent en musique dans la rizière pour pouvoir défiler devant les gens, puis ils commencent leurs représentations. Les cultivateurs de riz, et bien, cultivent le riz, mais pendant ce temps là les autres groupes dansent. Il y a toute une cérémonie d'apprêtement d'une maiko, puis les samuraïs font aussi une démonstration. Même les enfants, qui galèrent pas mal mais ça en est rigolo et attendrissant. C'est vraiment chouette, et je me sens bien immergée dans cette ambiance festive.

Tout le spectacle dure jusqu'à 16 heures. Donc, évidemment, il va être compliqué d'aller visiter le château d'Osaka, comme il était éventuellement prévu. Pas grave, je rentre sur Kyoto, avec une ligne locale cette fois-ci. Ca prend plus de temps, mais au moins je me repose. Parce que je ne cesse de marcher, la guesthouse étant à 30 minutes de la gare. Je me cale un peu, je discute avec le Suisse, mais je ressors pour aller voir une représentation de kagura au sanctuaire Yasaka. Il a vraiment de la gueule, de nuit, avec toutes les lanternes allumées, c'est magique. Mais bon, le kagura, c'est censé être une danse religieuse traditionnelle et stylisée assez rare, mais ce n'est pas vraiment ce qu'on peut appeler une danse. Il y a de la musique, mais le performeur reste beaucoup debout sans bouger en tenant de l'ikebana dans ses mains. Il se déplace en carré, ou en ligne, par moments. Mais ça ne me parle pas beaucoup, même si c'est joli. Bon, je préfère aller manger, je trouve un restaurant qui fait un combo ramens et gyozas, ce qui tombe bien car j'hésitais sur ce que j'allais manger. Je profite encore un peu de l'ambiance de Kyoto la nuit, car tout de même, c'est unique, avec toutes ces lanternes illuminées on se croirait dans un décor de cinéma. A mon retour, j'ai l'occasion de discuter un peu plus avec les gens cités précédemment. La Péruvienne est très sympa, c'est chouette de parler de nos vies. Je regrette de ne pas être venue dans cette guesthouse plus tôt.

Je dois admettre que cette capacité à bouger tout en ayant l'air parfaitement immobile est fascinante. 
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Jour 6

Vous ne devinerez jamais ce que je vais faire aujourd'hui. Il y a l'Aoba Matsuri au temple Chishaku-in, juste à côté de la guesthouse! Quelle coïncidence, presque c'était fait exprès! C'est pour commémorer le fondateur du bouddhisme shingon, qui est un syncrétisme avec le shinto mais aussi avec des religions des montagnes plus reculées, plus animistes. C'est "la voie du pouvoir spirituel à travers la discipline". Un peu en retard, je rate l'arrivée du moine grand chef dans sa chaise à porteurs, mais heureusement pour lui qu'on fait ça car il a l'air très très vieux. Et donc, très très vénérable. Lorsque j'arrive, tout le monde entame la cérémonie religieuse et récite des sutras. Dans la cour, il y a un autel qui a été installé, et un énorme tas de feuilles et branches de cyprès. On dirait qu'ils vont le faire brûler plus tard, ça promet d'être intéressant.

Je prends place, et une demi-heure plus tard, le cortège des religieux arrive. C'est vrai que certains moines ont l'air différents des autres, par exemple il y en a qui portent une peau de raton-laveur autour de la taille. Les offrandes à l'autel commencent, et les démonstrations diverses. Il y a des hommes qui jouent, apparemment, des rôles de guerriers qui sont très vénères contre le tas de feuilles. Je ne sais pas ce qu'il a fait, mais c'est l'agression. Le premier récite un discours digne d'un héros de shonen, je ne comprends rien mais il y a le ton convaincant qui va avec, il prend une hache/hallebarde (en plastique, certes) et fait mine de l'attaquer, mais sans le toucher pour autant. Bon, je m'attendais à plus impressionnant. Après, ce n'est pas fini. Il y a aussi un archer, qui lui aussi fait un discours et tire des flèches en plastique vers le ciel. Je me retiens de rigoler trop fort parce que bon, tout ça pour ça. Il y a une fille qui en fait parle français à côté de moi, et on commente donc ce qu'il se passe, mais sans oser trop se foutre de leur gueule. Finalement, ça devient plus impressionnant quand ils mettent le feu au tas de feuilles, je savais bien qu'ils étaient énervés contre lui, mais à ce point! Le cyprès brûle, en une fumée épaisse un peu étouffante.

Au bout d'un moment, elle se dissipe. Et les moines organisent un chemin de cendres, et les gens se déchaussent pour pouvoir marcher dessus. Wow, je ne m'attendais pas à ça! En vrai, je critique, mais c'est super intéressant. Le feu continue de brûler et des gens donnent leurs sacs, à faire bénir près du brasier apparemment. Je donne mon sac, comme ça mon appareil photo sera lui aussi béni. J'ai un peu peur mais ça va, ça ne prend pas feu, il ne manquerait plus que ça!

Midi, je meurs de faim mais comme je suis proche d'autres temples intéressants, je vais d'abord y faire un saut. Je suis particulièrement intéressée par le Yogen-in dont le plafond est apparemment peint avec le sang des serviteurs des Tokugawa, mais ... il est fermé, quelle déception. Fort heureusement, juste en face, il y a le temple Sangsunjen, qui est particulièrement intéressant car son hall contient non pas une, non pas des centaines, mais un millier de statues de Bouddha. Et l'effet est saisissant! On ne peut pas faire de photos car on n'est pas censé en prendre de Bouddha. Je prends une vidéo très discrète, ne serait-ce que pour se rendre compte de l'impression que ça renvoie. Il faut imaginer ça sur un hall de 100 mètres de long.

Le repas du midi sera tout simplement des yakisobas au Family Mart, pour rester simple. Je fais un saut à la pharmacie pour récupérer des anti histaminiques car mes piqûres n'ont pas dégonflé, et comme je ne suis pas loin, je me rends au temple Kiyomizu-dera. Il a une belle vue sur Kyoto vu qu'il est un peu en hauteur. Je me fais avoir par la rue commerçante qui y monte, me disant "non mais j'achèterai tous les souvenirs pour tout le monde sur Tokyo" mais je n'ai pas résisté à en prendre quelques uns pour des cadeaux. Bon, et le temple, du coup? Oui, il est assez sympathique. Mais c'est vrai que ça commence à faire beaucoup de temples. Je m'y attendais. Mais c'est le dernier temple visité sur Kyoto, donc ...

Je rentre pour me reposer un peu avant de prendre le train, en passant par un cimetière vallonné assez impressionnant. Mais avant d'arriver, outch! J'ai une douleur dans le genou. Genre, comme s'il se déboîtait, mais pas vraiment puisque je peux continuer à marcher. J'avais eu la même chose à Kawaguchiko mais c'était passé au bout de dix minutes, donc peut-être que c'est pareil. Si je me repose un peu, ça devrait aller. Mais au moment de vraiment se mettre en route une heure plus tard, même avec du repos, la douleur devient plus aigue, à tel point qu'il en devient trop dangereux de marcher trente minutes comme prévu. Je dois donc prendre le bus, bondé, et embêter tout le monde avec ce gros backpack, mais pas le choix. C'est un peu inquiétant, j'espère que ça va passer, c'est le genou fragile à cause de l'entorse du Pérou, mais ça ne fait pas mal au même endroit. Du coup, ça me fait forcer sur la jambe et sur le genou droit, ce qui n'est pas terrible non plus. Mais au moins, je peux quand même me déplacer, je dois juste être vigilante à ne pas aller trop vite et à ne pas faire de trop grands pas. Je monte dans le Shinkansen sur le coup des 16h30, et boum c'est parti pour trois heures de trajet, direction Tokyo!

7

Il fait un temps tout pourri, de retour à la capitale. Et pour parvenir à mon nouvel hostel, il faut que j'opère une petite gymnastique mentale: mon JR Pass maintenant activé me permet de prendre certaines lignes gratuitement, les lignes JR comme leurs noms l'indiquent. Mais pas les lignes de Métro, ni les lignes TOEI qui, je le rappelle, sont gérées par d'autres opérateurs. Je monte donc, non sans avoir galéré à trouver le bon quai, dans une rame qui m'emmène à la station Asakusabashi et de là, je dois marcher quinze minutes. J'aurai une organisation différente dans deux jours, quand le pass ne sera plus valide. J'espère juste que mon genou va tenir le coup, car le temps de trajet l'a un peu reposé, mais dès dix minutes de marche, il se déboîte à nouveau, créant une onde de choc dans toute ma jambe. Je dois faire très attention, mais normalement comme c'est moins pire que l'entorse, ça devrait tenir. Je me demande bien ce qu'il se passe, on dirait que la rotule n'est plus en place.

Tant bien que mal et sous la pluie, je parviens à destination. C'est encore un hostel lounge, j'aurais aimé changer pour un endroit plus sociable mais Booking a refusé mes deux cartes pour je ne sais quelle raison. Le destin, on va dire, et mon destin ça va être de me faire chier si c'est aussi compliqué de rencontrer des gens qu'aux deux précédents. Il y a bien une cuisine commune, mais elle n'est pas très fréquentée ce soir. Des gens qui restent de leur côté dans le dortoir. Et de toute manière, j'ai un peu de mal à sortir de ma bulle, vu le cumul allergies/douleur. Sans compter que demain, grosse journée, encore une fois, mais la dernière grosse journée du voyage.

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Jour 1: Nikko

Je me réveille assez tôt car il y a beaucoup de lumière dans la chambre. Vraiment, je sens que cet hostel va me blaser. Je me prépare, car aujourd'hui je me rends dans une petite ville avec le plus beau sanctuaire du Japon: Nikko. C'est ce que disent les guides, à voir maintenant si c'est le cas, mais comme je peux encore y aller gratuitement avec le Pass, ce serait bête de s'en priver. Le genou va un peu mieux, mais je sens qu'il va falloir se méfier. Je me mets en route pour cette fois-ci, prendre un nouveau Shinkansen nommé Nasuno. Ca change d'Hikari que j'ai pris en long en large et en travers, bon bien évidemment le confort ne change pas trop en fonction du nom. Une heure cinquante pour me rendre à Utsunomiya, où je peux faire une correspondance pour Nikko. Cette ville au nom peu connu a la particularité d'être le point le plus oriental que j'aie atteint dans ma vie.

A l'Est, rien de nouveau

La ligne pour Nikko traverse la campagne japonaise, et quarante-cinq minutes plus tard, j'arrive enfin. Ca aura pris un peu de temps! Je décide de traverser la ville à pied, en vingt-cinq minutes supplémentaires, bien que ce ne soit pas très responsable vis-à-vis de ma rotule. Mais il faut bien éliminer toutes les calories ingurgitées de par tous les onigiris des konbinis, quand même! Il fait gris, alors que le soleil était radieux sur Utsunomiya puisque je le rappelle c'est la saison des pluies et qu'il ne faudrait pas l'oublier, mais c'est agréable.

Le complexe du sanctuaire de Nikko nous accueille avec le pont Shinkyo, qui est le plus vieux pont du Japon et qui selon la légende, a été invoqué par le Gardien des Eaux Jinja Daishô sous la forme de deux serpents, pour permettre au moine Shodo Shoinin de traverser la rivière. Une petite montée vers le premier temple, Rinno-Ji, juste sur le coup de midi. La cloche retentit, une petite musique comme à l'église, mais également une grosse cloche qui fait de gros BONGS. Je continue mon chemin vers le clou de la visite: le sanctuaire Tosho-Gu.

Intéressant de savoir que l'on termine ce voyage historique par le sanctuaire dédié à Ieyasu Tokugawa, Tosho étant son nom posthume ... Et ses descendants n'ont pas fait les choses à moitié. Construit dans la première moitié du 17e siècle puis agrandi, l'architecture shinto habituelle y a bénéficié d'un glow-up grâce à des éléments bouddhistes qui rappellent ceux de la Thaïlande et du Laos, au vu de toutes les dorures. La ville de Nikko a été choisie car à cette époque, le clergé qui s'y trouvait devenait de plus en plus influent et riche, et les Tokugawa ont craint probablement à juste titre, tout comme la cour impériale des siècles avant eux, que les moines ne prennent trop d'importance et ne les éclipsent. Ainsi, le choix s'est justifié pour asseoir davantage la position de la famille shogunale dans la région. Ieyasu Tokugawa a d'abord été enterré au sanctuaire Kozonan Toshogu à Shizuoka, puis ses os auraient été déplacés ... Mais certains disent que la terre du Japon ne permet pas de conserver assez bien les os pour que cela ait été possible ...

Dès l'entrée, j'en prends plein les yeux. Je ne sais pas s'il est regrettable que les Japonais préfèrent la sobriété quant il s'agit de leurs temples, car dès qu'ils décident de les parer des plus belles décorations possibles, c'est époustouflant. Mais cela crée peut-être cet effet du fait de la rareté de ces endroits. Tout est finement sculpté, ne seraient-ce que les magasins de l'entrée, nommés Sanjinko (où l'on trouve les costumes pour la cérémonie des 1000 samouraïs) ou l'écurie royale Shynkyusha sur laquelle sont représentés les trois singes car ce sont les esprits gardiens des chevaux. Mais c'est la porte Yurei-mon qui attire le plus le regard, avec ses sculptures couleur or et ébène qui mettent en relief les têtes de dragons qui semblent prêtes à s'élancer dans le ciel. Son nom signifie "la porte du crépuscule" car elle a été construite pour qu'on l'admire jusqu'au coucher du soleil. Facile, tant elle est parée de détails. De l'autre côté, il y a la cour avec quelques petits sanctuaires, et le temple principal Gohonsha, qui sert de salle de prière et qui est entouré de murs d'enceinte, les sukibei. D'abord, je vais admirer la porte surmontée du petit chat qui dort, le Nemuri Neko, qui est devenu le symbole de Nikko, et qui est trop mignon.

Je prends maintenant un peu de hauteur en gravissant les escaliers qui s'enfoncent dans la forêt de cèdres, jusqu'au sanctuaire intérieur Okumiya, qui est la tombe d'Ieyasu Tokugawa. Malheureusement, les arbres cachent un peu la vue sur le reste des temples aux toits sertis de doré. On y trouve aussi un cèdre centenaire, au tronc creux, que les villageois avaient l'habitude de prier pour que leurs voeux se réalisent. Et bien, on va essayer, je ne sais pas à combien j'ai droit, tentons trois. Il faut s'incliner chaque fois que l'on a fait son voeu, et lors du deuxième, je suis un peu trop chargée en émotions je crois, car je m'incline un peu trop bas et je me prends doucement le petit toît du promontoir à offrandes, sous les yeux amusés d'un gars qui passe à ce moment-là et qui me dit, "ça doit être un voeu vraiment important". Je n'ai aucune idée de ce que ça peut vouloir dire, ça, est-ce que les kamis me disent "n'y compte pas trop"? Ou l'inverse? Dans le doute, je m'éloigne un peu et je les refais du début. Voilà, croisons les doigts, l'avenir nous dira si ça marche.

Je redescends et pénètre maintenant dans le temple principal, puis je vais admirer les temples portatifs du Shinyosha, puis il y a un autre temple, Honji-Do, un peu en contrebas. Un moine nous fait une démonstration de l'histoire du dragon gémissant, car quand on claque des bouts de bois en dessous du plafond où il est peint, il semble geindre. Ce temple est dédié à une représentation de Bouddha, Yakushi Nyorai, et aux Dieux de l'astrologie chinoise. On peut encore faire un voeu devant le sien, et bien on ne va pas s'en priver. Avec tout ça, ça a intérêt à marcher, surtout que je mets des pièces à chaque fois.

J'ai beaucoup de mal à quitter cet endroit, que je trouve particulièrement magnifique, surtout que le soleil commence à pointer à travers les nuages à quelques occasions. C'est parfait pour faire de belles photos, bien que je n'aie pas assez rechargé ma batterie et que je sois très juste. Mais coup de chance, je peux faire toutes les prises de vue que je veux avant que l'appareil ne s'éteigne. Et une vidéo aussi, car quand bien même je bombarde, j'ai l'impression que ce n'est pas assez pour traduire la splendeur du lieu, dont il faudrait immortaliser chaque recoin. Vous l'avez compris, c'est l'endroit qui me fait la plus forte impression au Japon.

Mais c'est la faim qui me contraint à partir, l'heure qui tourne et le fait que beaucoup de gens arrivent d'un seul coup après l'heure du repas. Beaucoup d'enfants aussi. Bon, c'est un bon moment, de toute manière il faut bien s'en aller un jour. Je fais un petit saut au temple Futarasan-jinja qui est juste à côté, mais quasiment vide. Tu m'étonnes, il souffre de la comparaison. Du coup, il est très tranquille, il y a la wifi, et il y a du soleil. Une petite pause bien méritée pour reposer mes jambes fatiguées. Mais quand même, je suis affamée. Je retourne donc vers le centre-ville, je trouve un petit restaurant où je trouve des yakisobas plus délicieux que ce que j'aurais cru.

Cependant, ma prochaine destination est: un onsen. J'ai mal partout, j'espère que l'eau chaude pourrait me faire du bien. La région de Nikko est connue pour ses onsens, sauf que les plus beaux et plus touristiques se trouvent tous à une dizaine de kilomètres dans la montagne. Je ne suis pas venue pour ça, et je peux encore moins crapahuter vu ma condition actuelle, mais cela doit être très sympa car les montagnes alentour sont très belles. Elles me font presque penser à celles de la Réunion, au vu de leur relief. Non, nous allons rester sur un onsen très simple, et d'ailleurs peu cher. L'avantage de se baigner toute nue, c'est que j'ai pu organiser ça dans le train sans avoir pensé à prendre mon maillot. Par contre, il va falloir que je loue une serviette. Les gens à l'accueil ne parlent pas anglais donc c'est un peu compliqué pour se comprendre. Je pénètre vite dans l'eau très chaude, avec deux dames d'un certain âge qui discutent entre elles. Je remarque qu'elles ne restent pas longtemps dans l'eau chaude, et il semble qu'elles soient là pour discuter et elles n'arrêtent pas de laver leurs serviettes dans une bassine. Elles n'ont pas l'air très avenantes, mais bon de toute manière je n'engage pas la conversation avec des gens tout nus. Le bassin, lui, est très chaud, beaucoup trop chaud en fait. J'ai du mal à rester longtemps, j'immerge un peu mes épaules car elles sont tendues à force de porter le sac. Ca détend. Je lave aussi un peu ma figure en espérant avoir enfin une belle peau (on peut rêver!), j'espère que l'eau thermale fera du bien à mes piqûres qui dégonflent au fur et à mesure grâce aux antihistaminiques, et quant au genou ... Je ne suis pas sûre que ça ait un quelconque effet. Comme je ne reste pas plus de cinq minutes car j'ai trop chaud, c'est peut-être même pire. Au final, quarante-cinq minutes suffiront. Un petit temps calme, avant de reprendre la route pour la gare, puis le chemin en sens inverse.

Il est sept heures du soir quand j'arrive à la gare de Tokyo, et j'en profite pour regarder les free walking tours sur un site, Tokyo Localized. Et bien, il se trouve qu'il y a un tour de nuit à Shinjuku, le quartier chaud. D'ailleurs, les internationaux l'appellent le Red Light District, mais on va vite se rendre compte qu'il est bien, bieeen plus punchy qu'Amsterdam. Pas de "vraies" surprises quand on s'est bien renseigné au préalable. Il y a un tour qui part à huit heures, je pense que j'ai le temps de m'y rendre même si je ne suis pas sapée pour l'occasion du tout. Le temps de trouver la ligne de métro JR qui va être encore gratuite, je débarque dans la gare la plus fréquentée du monde aux heures de pointe. C'est à dire maintenant. Je me mets en route vers le point de rendez-vous que m'a indiqué Maps avant que la connexion ne saute, mais ... J'ai un mauvais pressentiment quand j'y parviens, je ne reconnais pas trop la photo. Essayant de me faufiler entre le flot ininterrompu de gens, je trouve de la wifi gratuite, heureusement que c'est un bon spot ... Pour après vérification sur le site du tour, me rendre compte que ce n'est pas "ce" visitor center, mais celui qui est totalement de l'autre côté de Shinjuku. Et il est huit heures moins trois. Ah ben oui, bonsoir, être à la bourre, chercher son chemin et traverser l'endroit le plus fréquenté du monde actuellement, avec un genou qui déconne, oui oui très bien. J'essaye de traverser une première fois en passant par le métro, mauvaise idée, il y a des sorties partout et quand bien même je vois marqué "East Square" et "West Square", j'ai l'impression que ça ne mène pas du tout là où je veux. Je fais donc le tour par l'extérieur. Et coup de chance, j'arrive en dix minutes au point de rendez-vous et le groupe est toujours là. Mené par Nobu, un Japonais qui a la tchatche. C'est rare apparemment. Il est rigolo, il nous pose des questions, il nous fait participer. Il nous parle de la fréquentation de Shinjuku, nous parle aussi de comment les Japonais font la fête (izakaya et karaoké), et nous parle aussi bouffe. Il nous emmène dans le Square principal, qui a des allures de Times Square, mais comme à Shibuya ou Akihabara en fait. C'est très très stimulant, il y a de la musique partout et des écrans en 3D. Pas le temps de faire des photos vu le rythme de marche, mais de toute manière, ça se vit en vidéo. Nous passons par la petite rue de Omoide-Yokocho, connue pour ses petits restaurants de yakitoris et ses petits bars bondés. C'est vrai qu'il y a du monde, une sacrée ambiance, on se marche un peu dessus mais c'est fun.

... Et on peut m'entendre tchatcher en anglais.  

Et maintenant, retour au fameux Kabuki-cho, de nuit et par beau temps. Alors, ça donne ... Et bien, exactement à quoi s'attendre: une ambiance survoltée mais qui pue un peu trop le monde de la nuit. Certainement à cause des maids qui sont là, qu'on évite de regarder dans les yeux et qui font encore plus jeunes qu'à Akihabara. Aussi à cause des enseignes de milkshakes, qu'on sait que ce ne sont pas vraiment des milkshakes qu'on y fait. Et les cabines de massages avec des happy endings. Des visitor centers qui ne sont pas des offices de tourisme, mais des comptoirs où se renseigner sur les filles. Et au milieu de tout ça, le cinéma avec la fameuse tête de Godzilla qui est toujours là, et des salles de karaoké. Soit, soit! Il faut savoir qu'il y a certes des prostituées mais aussi des escorts, même bien plus souvent des escorts. Elles jouent le rôle de girlfriends, et le gars vient leur payer à boire et ça lui coûte beaucoup à la fin, car évidemment la fille ne prend que des choses chères. Mais elle prétend être sa copine. C'est très courant de le faire en réunion pour le travail aussi, entre businessmen. Par contre, les affiches sont trop photoshoppées. Les filles ressemblent à des aliens. Il y a la version avec des garçons aussi, avec des cheveux mi-longs, plus ou moins androgynes.

Photos du portable 
BLABLABLA j'ai filmé n'importe comment car je regardais pas ce que je faisais.  

Nous allons un peu plus au calme, enfin presque car nous sommes dans la rue des love hôtels. Il y en a quelques uns qui sont à thèmes, et s'ils ne sont pas trop ostentatoires vus de l'extérieur, les fenêtres sont bouchées. On paye à l'heure, en général, et s'il y a une réception on ne voit pas la tête des réceptionnistes ni des clients, confidentialité avant tout. Il y a des vidéos sympas (et visibles!) sur la chaîneYoutube Ici Japon pour voir à quoi ça peut ressembler à l'intérieur. Nous terminons la visite par le micro quartier du Golden Gai, où il y a beaucoup de tout petits bars. Ce quartier a malheureusement connu un regain de popularité en 2011 quand les journalistes sont venus s'y installer pour couvrir l'évènement de Fukushima. Maintenant, les gens ne savent pas forcément comment il est redevenu dynamique et à la mode, car tout change très rapidement à Tokyo.

Fin du tour. J'espérais que le groupe allait peut être vouloir prendre un verre ensemble vu que nous avions tous un peu discuté les uns avec les autres, mais pas du tout. Tant pis, je vais me prendre quelques yakitoris à Omoide-Yokocho histoire de. De retour à l'hostel, c'est toujours un peu vide, pour le moment en tout cas.

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Jour 2

En me réveillant ce matin, il y a des gens qui discutent dans mon dortoir. Ah, je saute sur l'occasion. Ce sont Zoe et Murali. Murali est super sympa, il vient d'Australie, mais il n'a pas un accent à la con. Je lui demande s'il a prévu quelque chose ce soir, sinon on pourrait boire un verre avec les autres personnes du dortoir, tout ça ... Ouais, bon, ça sent un peu le désespoir de mon côté mais ça passe. On se dit donc, à ce soir. Ah, les choses pourraient être un peu plus intéressantes.

Quid du genou? Meh. Encore un peu mieux, mais pas fameux non plus. Par contre, les piqûres, ce ne sont plus qu'un mauvais souvenir, sauf celle sur la joue qui avait explosé toute seule et il y a encore une petite plaie. Ce n'est pas terrible pour l'opération, ça, j'espère que ça aura bien cicatrisé mais là il n'y a plus rien à faire à part attendre et croiser les doigts.

Changement d'organisation pour aujourd'hui: le JR Pass n'étant plus valide, je vais prendre les lignes de métro et de TOEI en illimité, bonne nouvelle car la station Kuramae est juste à côté cette fois-ci. Premier stop: Hie-jinja, dans le quartier d'Akasaka. Parce que cette semaine, il y avait ... Le Sanno Matsuri. Un festival. C'est censé être le dernier jour, je ne peux pas traduire le site web, je crois qu'il y a de petits trucs cela dit. Il y avait une parade quelques jours plus tôt mais je ne pouvais pas être partout à la fois! En fait, le sanctuaire est une découverte sympa, car il est au milieu des buildings et il y a un escalier avec des torii en enfilade, tel le Fushimi Inari du pauvre. On peut aussi admirer de belles chaises à porteurs. Le moine est en train de terminer sa messe, pour clôturer la semaine de festivités. De toute manière, j'ai vu déjà beaucoup de choses, pas de regret.

Il fait grand soleil et 31 degrés car rappelons-le, c'est la saison des pluies, et il est temps d'attaquer les choses sérieuses. Le SHOPPING. Direction Shibuya Parco en premier, pour la seule boutique officielle Nintendo du Japon, et le Pokemon Center juste à côté. Mais ça vaut aussi la peine de jeter un oeil aux autres boutiques à côté. Etant dans le coin, je me balade un peu dans les ruelles, et je monte sur le rooftop de Miyashita Park pour une vue sympa. Je regarde la carte: Harajuku n'est qu'à quinze minutes de marche, aller prendre le métro prendrait en fait encore plus de temps et d'énergie. Je passe une bonne partie de l'après-midi à Takeshita Street, à essayer des vêtements, à acheter des choses, et encore ce qui m'a retenue c'est que tout ne m'allait pas. Mais j'ai trouvé des chaussures plateforme incroyables. La dernière étape, c'est encore Shinkuju, mais cette fois-ci du côté du Tokyo Metropolitan Government Building. Contrairement à ses copains le Shibuya Sky et la Tokyo Skytree, ce point d'observation ne nécessite pas de réservation. On monte au 45e étage en 45 secondes, et la vue vaut vraiment le détour. Le plus impressionnant, c'est qu'on a l'impression que la ville ne s'arrête jamais! Ce n'est pas la plus grande ville du monde pour rien. Et en toile de fond, dans la brume, on aperçoit la silhouette de Fuji.

J'espère ne pas être trop en retard pour la soirée, parce que quand je rentre, il est environ 19h30. Je n'ai rien mangé mais pour une fois, j'ai ignoré ma faim, donc ça va mieux. En entrant dans le lobby, je me fais aborder par deux gars de l'hostel. Ah, ça y est, c'est cool ça! Je leur dis que je redescends après avoir pris ma douche pour ne pas puer la mort, et mis une tenue digne de ce nom, et je rencontre même encore un autre gars mexicain, Rodrigo, dans l'ascenseur. Je lui dis la même chose, et qu'on se retrouve en bas. Pitié, je veux faire la fête, j'en ai trop marre d'être toute seule. J'ai beau m'activer, lorsque je redescends une vingtaine de minutes plus tard, plus personne ... Voilà, encore une occasion manquée. Décidément, quand ça veut pas, ça veut pas ... Je me commande tout de même un demi d'IPA qui me coûte toujours un bras, et finalement, Rodrigo arrive. Nous discutons un peu, du voyage bien entendu, puis je finis par lui raconter mon projet d'installation sur Paris, avec les enjeux que cela représente. Du genre un contrat, trouver un appartement avec les chats, monter un projet professionnel, bref des choses qui m'inquiètent. Malheureusement, Rodrigo tombe un peu à côté de la plaque, en pensant que je me mets moi-même des barrières et que j'ai l'air de courir après l'impossible. Autant dire que cela ne me fait pas trop plaisir, mais fort heureusement, Murali et tout un groupe de gars, dont les deux qui m'avaient adressé la parole un peu plus tôt (Nathan et Brandon, de Seattle), débarquent dans le lobby à ce moment-là et nous embarquent pour aller boire un coup à Shibuya. Quelques filles se joignent à notre joyeux groupe, et après un passage par le Family Mart pour recharger les rations d'alcool, nous voici dans le métro, menés par notre "chef" Duncan qui sait où aller, mais qui prévoit surtout de partir en club à Roppongi par la suite pour aller se draguer des nanas. Je rencontre aussi Ronald qui est polonais mais qui vit au Royaume-Uni. Il est passionné d'histoire, et il compte aller à Hiroshima spécifiquement pour le mémorial. Il aurait aussi aimé aller à Okinawa pour se rendre sur le fameux champ de bataille.

Il y a une bonne alchimie dans ce groupe. Nous arrivons à Shibuya, au square d'Hachiko, mais je commence à avoir très envie de faire pipi. Qu'à cela ne tienne, il y a des toilettes qui ne sont pas loin dans la station de métro, je descends tandis que le groupe m'attend ... Sauf que cela ne se passe pas comme prévu. Il y a beaucoup de monde évidemment, et je ne parviens pas à en trouver de proches. Sans m'en rendre compte, je pars bien trop loin. Et lorsqu'il s'agit de faire demi-tour pour revenir, je ressors du mauvais côté car tout se ressemble ... Le temps de revenir à mon point d'entrée que je retrouve tant bien que mal, tout le monde est parti. Normal. Heureusement, j'ai l'insta de quelqu'un d'autre, je lui demande où est-ce qu'ils sont et il me partage leur position. Enfin, non sans avoir galéré à activer la free Wifi de Shibuya, ce qui m'a pris du temps supplémentaire. Le bar n'est pas facile à trouver, car les rues sont un peu étroites, se ressemblent toutes et bien sûr il y a plein d'enseignes partout. Mais ouf, je les retrouve. Je m'excuse, je bois un saké bien frais ... Puis nous changeons de bar. Un bar en sous-sol. La soirée se déroule, mais à un moment donné, j'ai faim. Je dis que je reviens, pour aller me chercher des chips au Lawson qui est littéralement juste à côté. Mais quand j'en ressors ... Impossible de me souvenir de quel côté je suis arrivée. Littéralement. En plus, ce bar n'a pas d'enseigne ... Et merde ... S'en suit donc un nouveau périple. Je crois reconnaître une première rue, mais non, je ne suis pas du bon côté. Alors, l'autre? Non plus ... et ce faisant, je perds complètement mon orientation. Et il n'y a pas de wifi, évidemment. Il faut que je retourne au carrefour, pour en avoir. Me reconnecter alors qu'elle ne marche pas bien. Je commence à stresser parce qu'il est deux heures du matin, il n'y a plus de métros, je suis à l'autre bout de Tokyo, et si je prenais un Uber pour rentrer cela me coûterait un bras. Pas de panique ... Durant ma tentative de reconnexion, un groupe de jeunes Japonais qui ont bien fait la fête me repère, ils viennent me demander si tout va bien, et aussi s'ils peuvent me faire un câlin. Je ne me souviens que du nom du premier bar, donc vu que la wifi ne marche pas ils m'y emmènent ... De là, je peux me connecter. Et redemander sur insta qu'on me partage la position du groupe. Ouf, on me répond ! Et c'est après environ une heure de galère - selon Murali - que je finis par les retrouver. Avec mon paquet de chips. Bon, note à moi-même, note à tout le monde: ne pas finir bourrée à Shibuya! On ne s'y retrouve pas! Cela dit, même sobre, je trouve que c'est loin d'être évident. Au final, nous prenons un Uber vers quatre heures du matin. Qui nous coûte au total 10 000 yens pour cinq. Sacrée soirée!

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Jour 3

Bon, compte tenu d'hier soir, on va faire une journée bien plus tranquille en ce dimanche. Comme j'ai pris du retard sur le blog, je peux le rattraper un peu, et en début d'après-midi je me mets en route pour Odaiba, deuxième essai après le typhon. Avec un temps plus radieux, c'est de suite beaucoup plus agréable. Je me rends donc au musée Miraikan, et ses expositions autour des nouvelles technologies. Un musée scientifique au Japon, ça doit être plutôt badass, non? Il va encore y avoir des robots performants, des sources d'étonnement constants. Et bien ... Pas tout à fait. Enfin, oui, mais non, pas tant que ça. Effectivement, le Miraikan est axé sur les nouvelles technologies, sur la place de l'humain dans le monde, et aussi sur les catastrophes naturelles qui menacent le monde. Comme par exemple, le plastique. Avec toute une exposition consacrée au recyclage, et aux couverts en carton. Oui alors, je veux bien que dans ce pays qui te met du plastoque entre ton riz et ta feuille de nori dans ton onigiri, ou qui emballe des bananes, ce soit assez étonnant et novateur. Mais nous c'est pas comme si ça faisait deux ou trois ans que c'était devenu courant. Bon, il y a aussi un robot, type Pepper, qui imite les mouvements des gens. Là non plus, pas vraiment ... Il galère à imiter les miens et du coup, ses mouvements sont aléatoires. Il faut dire qu'il ne connaît peut être pas le street jazz. Je me fais la réflexion que le Pepper que j'avais vu à la Villette il y a quatre ans était probablement plus performant. Le reste des expositions, ce sont quelques illusions d'optique, une installation qui imite le déplacement des données par internet, et qui aurait pu être rigolote si elle était bien fonctionnelle, sauf que, pour moi ou d'autres personnes, ça n'a pas tout à fait marché. Après une longue attente. L'intérêt de ce musée c'est aussi l'installation temporaire, payante en plus, où l'on peut prétendre faire une mission sur la Lune. C'est plus axé pour les enfants mais c'est en zéro gravité, ça aurait pu être marrant! Sauf que ... Les gens de plus de 60 kilos ne sont pas autorisés. Ah, ben d'accord, très bien très bien, cimer la grossophobie.

Il est presque 17 heures, donc le musée va fermer. La bonne nouvelle, c'est que je suis juste à côté du Gundam dont j'ai déjà parlé la première fois! Il s'anime à 17 heures pile. Je cours un peu pour arriver devant la statue qui est particulièrement impressionnante, et qui effectivement, s'anime avec des lumières, au niveau de sa tête et de ses bras, pour le plus grand bonheur du public. C'est fun! C'est encore mieux de nuit car il y a une représentation de sons et lumières. Mais je n'ai pas trop le courage d'attendre deux heures et demie pour ça. Après avoir englouti un donut à thème Hello Kitty, je me promène un peu en direction de la baie, car c'est particulièrement agréable. Il fait bon, pas trop chaud, les gens ont l'air d'apprécier. Un bon moment ... Je reprends le sky train, et avec tout ça, j'arrive à hauteur de l'horloge Ghibli pile à 18h moins trois minutes, quand elle commence son show. Je descends donc carrément de la rame, pour l'observer depuis la station. On entend même la musique, de là ... C'est un bel au revoir à cette partie de la ville.

A l'hostel, je recroise tout le monde, mais nous allons manger chacun de notre côté pour ensuite nous retrouver sur le rooftop avec quelques bières, et une vue magnifique sur la Tokyo SkyTree. Les conversations avec le groupe sont particulièrement intéressantes, avec plus de profondeur que ce que je peux habituellement avoir. Enfin, sauf Duncan qui parle de meufs. Mais il part demain, malheureusement en même temps que Murali et Ronald. Du coup, sur les coups de 22 heures, nous décidons de retourner à Shibuya, à l'endroit même où nous étions la veille. Je ne devrais pas me perdre cette fois-ci. Le groupe est moins important, en plus. Je confirme cependant que même sobre, c'est tout aussi compliqué de retrouver ce bar en sous-sol à la con. J'aurais cela dit préféré que l'on aille à Shinjuku dans le Golden Gai, mais c'est vrai que les bars y sont trop exigus pour dix personnes. Je commande un choshu, après moults incompréhensions avec la serveuse. Ca par contre, c'était plus simple hier. Un choshu au thé vert, du coup avec peu d'alcool, je n'ai rien compris à ce que c'était car je pensais que c'était un saké aromatisé. Pas grave. Avec le groupe de Nathan, nous décidons de partir avec le dernier métro, soit ... à minuit. En fait, Murali, Ronald, Duncan veulent rester encore toute la nuit. Trois soucis se posent: ils parlent clairement de meufs, ce qui ne m'aurait pas dérangée mais vu que ce sont eux qui ne me connaissent pas, ça aurait été un peu gênant de s'incruster. Et le second, c'est que je suis fatiguée, et le dernier, je refuse de payer encore un Uber la peau des fesses. Voilà voilà. Je dois racheter un ticket, ce qui nous fait rater le métro de 23h56 de quelques secondes ... Mais fort heureusement, celui peu après minuit est le tout dernier. "Please make sure not to miss this train because it is the last one", dit la voix préenregistrée. Merci pour votre considération, Madame. Le truc c'est que nous allons rater notre correspondance. Nous nous attendons donc à marcher une bonne demi-heure avant de rentrer ... Et je culpabilise un peu. Fort heureusement, l'un des gars s'aperçoit qu'il y a une autre ligne qui termine un peu plus tard que les autres et qui nous ramène chez nous aussi. Ah, si il faut c'est un twist entre le TOEI et le Tokyo Métro! Mais comme il n'y a pas moyen de savoir quelle ligne appartient à qui ... Au final, nous rentrons donc à bon port vers une heure du matin. Le genou tire encore un peu par moments mais cela commence à passer avec de l'arnigel.

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Jour 4

J'ai réservé un dernier walking tour pour le secteur d'Asakusa, avec encore une fois le site Tokyo Localized. Je me sens vaseuse, mais ce n'est pas dû à l'alcool, plutôt la fatigue qui commence à se faire sérieusement sentir. Lorsque j'arrive au point de rendez-vous, la guide attend mais ... elle est seule. Ce qui est extrêmement bizarre pour un walking tour comme celui-ci. Je ne sais pas pourquoi, mais je ne la sens pas ... J'ai l'impression que si nous ne sommes que toutes les deux, le tour pourrait très vite devenir malaisant. Je me demande quoi faire, car quand même, elle s'est déplacée, mais vraiment, je ne peux me dépêtrer de cet étrange sentiment de gêne. Je n'ai pas moyen de contacter pour annuler. Peut-être devrais-je aller la voir et lui dire que je rentre à l'hostel car je ne me sens pas bien? Purée, il est 10 heures et il n'y a toujours personne ... Je la vois attendre, plantée devant le lieu de rendez-vous, je culpabilise. Mais cinq minutes plus tard et donc en retard, une dizaine de personnes finit par venir lui dire bonjour. Ouf! Du coup, je vais me présenter, et les suivre. Effectivement, elle ne parle pas très bien anglais, s'en tient "à son texte" donc si j'avais été seule, j'aurais eu l'impression d'avoir un cours. En plus je n'avais pas envie de parler. Je suis soulagée.

Nous commençons notre visite par la porte Kaminarimon, dédiée au Dieu du Tonnerre Raijin ou Raiden et au Dieu du Vent, Fujin. Ce sont les protecteurs du temple, qui ne protègent que dalle vu que la porte s'est déjà faite cramer et que celle-ci date de 1960. Nous traversons ensuite la rue Nakamise, où se trouvent une multitude de boutiques de souvenirs, ce qui va s'avérer utile en cette fin de voyage. Le temple principal est le Senso-Ji, le plus vieux de Tokyo, et il est le siège de beaucoup de festivals lui aussi. Nous reprenons quelques principes de religion, et nous avons l'occasion de nous laver les mains dans le bassin d'ablutions. La légende raconte que ce temple fut fondé en 628 par deux pêcheurs qui avaient remonté une statue en or de Kannon, la déesse de la compassion, dans leurs filets. Ils ne savaient pas quoi en faire, donc ils l'ont redéposée dans la rivière, mais elle ne cessait de revenir dans leurs filets ... Ils sont allés voir l'un des moines qui a interprété cela comme un présage, et le temple fut construit. Entre temps, il n'a pas cramé. Mais il a été détruit pendant la Seconde Guerre Mondiale, cette réplique date de 1950. Maintenant, nous quittons la zone d'effervescence touristique pour nous promener dans les rues adjacentes, qui restent un peu plus traditionnelles mais qui n'égalent pas le quartier de Gion à Kyoto, c'est quand même assez compliqué. Asakusa était un quartier populaire au début du développement d'Edo. Maintenant, il est plus axé sur le tourisme religieux. Cela dit, mon édifice religieux préféré, c'est tout de même la tour Asahi en forme de pinte de bière, de l'autre côté de la rivière Sumida.

Asakusa est un endroit qui reste un peu traditionnel dans Tokyo, malgré toutes les boutiques de souvenirs. Bien sûr, comparé aux temples de Kyoto, c'est un peu moins impressionnant, mais cela n'en reste pas moins agréable de découvrir ces lieux chargés d'histoire. Et cette concentration de boutiques de souvenirs me permet d'acheter les derniers cadeaux pour tout le monde. Heureusement que j'ai acheté un autre grand sac que je peux prendre en cabine, sinon rien ne tenait dans mon backpack! Mais il y a tellement de choses, et il fait lourd, ça en devient assez pénible. Cependant, je tiens le coup, et je vais même grignoter des sushis dans un restaurant où ils passent sur un tapis roulant. Je me fais plaisir avec anguille et crevette, mais ensuite j'ai vraiment besoin d'aller me reposer pour l'après-midi. Je suis un peu triste car Murali et Ronald sont partis, mais normalement Nathan et Brandon sont toujours là.

En milieu d'après-midi, je rebouge, et comme j'ai regagné un peu d'énergie - mais aussi qu'il me reste de moins en moins d'argent liquide et que je ne veux pas prendre de ticket de métro aujourd'hui - je pars à pied vers Akihabara. Je me rends au Owl Cafe Akiba Fukurou, où comme son nom l'indique, il y a des hiboux et des chouettes. De toutes tailles, de toutes les couleurs, de plusieurs races différentes. On peut caresser leurs petites têtes, à hauteur du front, et c'est particulièrement impressionnant! On peut choisir d'en prendre deux sur nos avant-bras, sauf ceux qui ont trop été sollicités sur l'heure d'avant et qui ont besoin de repos. Notamment Takoyaki, un énorme grand-duc d'Europe, imposant de par sa taille mais aussi de son air agressif. J'aurais adoré le prendre mais il est en break. Mon choix se porte donc sur Arsène Lupin, que je trouve magnifique car son plumage ressemble à un ciel étoilé. Mais bon, il n'aime pas trop être pris, donc je le laisse tranquille après avoir pris la photo. Surtout qu'une fois que je l'ai sur le bras, je ne peux pas trop m'approcher des autres chouettes et c'est dommage. Je choisis ensuite Sushi, que je trouve tout fluffy et qui est un bébé. Et bien lui, il n'est pas encore bien dressé, il s'agite un peu. Et il manque de me faire caca dessus, bien évidemment! Mais il s'est heureusement gardé de faire sur mes vêtements, ce qui était un risque. Je passe le reste des quarante-cinq minutes à m'amuser à faire des selfies et à imiter leurs expressions parce que certaines sont vraiment hilarantes. Surtout Takoyaki et ses gros "sourcils".

C'était une super expérience pour un dernier soir! Comme je suis à Akiba, j'en profite pour faire encore un peu de shopping pour des cadeaux, dans les grands centres commerciaux qui vendent des figurines. Evidemment, pas ce qui m'aurait intéressé, impossible de trouver mes personnages chouchous. On a beau penser qu'on va trouver tout ce qu'on veut, Samurai Deeper Kyo c'est un peu trop obscur et un peu trop vieux maintenant. Il n'y a que du One Piece, du DragonBall, du Demon Slayer, du Attack of Titans, des nanas avec des gros seins, d'autres animés que je ne connais pas, encore un peu de Bleach, de FullMetal Alchemist et de Naruto mais à mon avis bien moins qu'à d'autres périodes. Les fans de One Piece doivent se régaler par contre, car les figurines rivalisent de classe.

Je finis par quitter l'ambiance survoltée du quartier, avec une impression de boucle bouclée. De retour à l'hostel, je vais sur le rooftop où je retrouve Nathan, Brandon et les autres gars. Mais ce soir, c'est tranquille, on ne va pas s'embêter à aller une énième fois se perdre à Shibuya. Quand nous descendons du rooftop, les gars vont se coucher et on se dit au revoir chaleureusement, mais moi je reste discuter avec mon nouveau pote irlandais. D'autres personnes se joignent à nous autour de la table de la salle commune, pour échanger nos expériences. J'apprends qu'en fait il y a un Ninja Bar qui a réouvert, malgré les infos que j'avais qui étaient explicites sur une fermeture. Et ce n'était pas faute d'avoir cherché plusieurs fois. Nous finissons par jouer au Jenga tous ensemble, et je suis contente d'avoir pu passer une dernière soirée conviviale et tranquille comme celle-ci avant de quitter le Japon.

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Jour 5: jour du départ

Et voilà, nous y sommes. Je me réveille assez tôt, et quand j'émerge, je commence à faire mon sac car il y a de quoi faire, et il vaut mieux ne rien oublier. Je redoute vraiment le retour car j'ai 23 heures de voyage entre Narita et Barcelone, puis encore cinq heures supplémentaires avant d'arriver à la maison. Il va falloir faire avec. Une fois le sac replié, je retourne à Asakusa pour de tout derniers achats, sur lesquels j'hésitais. Heureusement que je ne suis pas loin. Et puis, je trouve une petite cantine pour manger un dernier chirashi pour la route, car il ne faut tout de même pas compter sur la bouffe de l'avion malgré l'aller qui s'était bien déroulé. Je vais prendre une dernière fois le métro, sans me tromper de sens cette fois-ci, par contre je me trompe dans la durée et je mets une demi-heure de plus que ce que Google Maps me disait. Mais je suis tout pile dans les temps. Même pas le temps d'acheter quoi que ce soit, mais c'est un peu balot car l'avion décolle avec une heure de retard. Ce n'est pas gênant, j'aurais moins de temps à attendre à Abu Dhabi.

NOMNOM 

Ce blog touchant à sa fin, je vais faire un point général, et avec pas mal de recul vu le délai avec lequel j'ai posté ce dernier article, sur ce que va me laisser comme souvenirs le Japon!

Ce qui m'a le plus frappée, c'est ... d'avoir l'impression de m'être fait des films sur la culture japonaise, particulièrement sur la vie quotidienne des Japonais. Je m'attendais à un gros dépaysement, mais au final je l'ai peu ressenti. Cela peut s'expliquer par le fait que j'ai regardé beaucoup de vidéos sur la culture japonaise, au quotidien. Je ne parle pas des mangas ni de l'histoire, mais de la manière dont ils vivent. Cela faisait plusieurs années que j'avais vraiment envie d'aller au Japon, donc je m'étais immergée dedans. J'ai bien fait mais en même temps, cela m'a apporté un certain sentiment de familiarité une fois sur place. Alors bien sûr, les néons et musiques agressives d'Akihabara quand on descend de l'avion et qu'on est toujours en jet lag procurent tout de même leur petit effet. Et je ne vais pas dire que je m'y sentais totalement comme en Europe quand je me perds dix fois dans le métro et à Shibuya, parce qu'il y a trop d'informations partout. En vrai, c'est tout de même une partie que j'ai préférée, cette profusion de sons et lumières dans les quartiers branchés. C'est stimulant. Tout comme Shinjuku, où j'aurais aimé pouvoir passer plus de temps mais en même temps le Kabukicho est un peu gênant. Et faire du shopping à Harajuku quand il fait beau, c'est génial.

Quand je parle de vie quotidienne, je pense au comportement des gens. Je m'attendais à des extrêmes, soit des gens très effacés qui vaquaient à leurs occupations comme de petites fourmis obligeantes, soit de gros pervers, et dans les hostels des gens très obséquieux. Et bien, faux sur toute la ligne, de mon ressenti personnel. On ressent que leur société est régie par des règles et qu'elles sont respectées, mais quand même, on n'est pas en Corée du Nord non plus. Il y a de temps en temps des gens qui traversent quand le bonhomme est rouge et que c'est sûr qu'il n'y a pas de voitures. Il y a des gens qui se touchent, mais un peu plus les hommes entre eux et avec moi, que les femmes. Les couples se tiennent la main dans la rue, ce qui selon les guides est le stade ultime de tout, mais il ne faut pas exagérer. Ils ne vont pas s'embrasser en public par contre, ça non. Sinon, ils sont quand même très proches de nous. Ils ne font plus le coup de ne pas savoir s'ils doivent parler anglais ou pas. Je m'explique: les Japonais étaient connus pour ne pas du tout parler anglais, essayer de baragouiner des mots mal prononcés aux Occidentaux, et complètement buguer si un Occidental leur sortait des mots en japonais, même basiques. Ben que dalle. Ce n'est pas compliqué de dire konnichiwa, arigato gozaimasu, kudasai ... Personne ne m'a regardée les yeux écarquillés. Par contre c'est l'inverse qui est arrivé à plusieurs reprises: me parler en japonais en pensant que j'allais comprendre. Alors des fois avec le ton de la voix et le contexte, oui ça passe. Mais rarement. C'était plus simple au Brésil, ça! Et quant à l'anglais, je suis quand même tombée sur quelques personnes qui ont pu me renseigner. Bon, mal, parfois. Mais c'est le jeu.

La bouffe, maintenant! Je n'ai pas eu l'occasion de goûter des choses très très exotiques vu tout ce qu'il y avait à manger, et le natto je sais déjà que ce n'est pas mon truc. Mon kiff, ça a été les onigiris à toute heure, dès que j'avais faim. Un passage au konbini et hop, un onigiri. J'ai été étonnée vis-à-vis des sushis. Je m'attendais à quelque chose de vraiment différent de l'Europe, et il s'avère que ... Pas tant que ça. Le goût, toujours savoureux puisque c'est un sushi, est le même. Je ne sais pas, je m'attendais à des sushis pimpés, mais non. Pareil pour les yakisobas et les ramens. Cela doit être dû à l'hygiène. Dans les autres pays que j'ai visités, la nourriture avait vraiment un goût différent, c'est peut être meilleur avec un peu d'Escherichia Coli. Cependant, je ne me plains pas, je me suis régalée et j'ai passé mon temps à manger des trucs.

L'architecture est très esthétique. A part pour les temples qui ont "le" truc différent des autres, ils finissent par tous se ressembler, mais c'est normal je suppose. Il se dégage des endroits que j'ai visités une recherche de la beauté épurée, comme on s'en doute, mais c'est vraiment ce que l'on peut ressentir, notamment dans les quartiers traditionnels. Cela impacte aussi les arts: les estampes, mais surtout les danses. Rien de bien pulsionnel là-dedans, surtout de beaux costumes, sinon vu de l'extérieur ce n'est pas très impressionnant de se déplacer d'un centimètre sur la gauche, et de deux sur la droite, en carré, ou de positionner ses doigts d'une certaine façon. Les danses de maikos et geishas sont un peu plus intéressantes, mais cela est aussi dû à l'aura de la personne qui les performent. Les différents festivals que j'ai pu voir étaient très divertissants, mais ressemblaient plus à des démonstrations qu'à des fêtes. En même temps, ce sont des festivals religieux ... Ca n'est évidemment pas comparable au Brésil où ils font la fête même lorsqu'ils célèbrent des Dieux, mais j'avais ressenti beaucoup plus d'émotions et d'ambiance. C'est probablement ce qui m'a manqué dans ce voyage: de l'émerveillement et de la pulsion. Il faut dire qu'après le Brésil et Vancouver, ce n'était pas facile de passer après, mais je pensais que le Japon m'en apporterait plus. Les moments où j'ai été seule ont été un peu compliqués, j'ai cependant été très contente de rencontrer mon groupe de gens intéressants sur les derniers jours. Mais cela n'a pas été suffisant. C'était peut-être dû à la période, aussi, début juin n'étant pas du tout la haute saison. Pour résumer cet état d'esprit, le Japon a été trop calme et sage pour moi ... Et en même temps, je n'ai pas eu l'occasion d'aller faire de grosses fiestas dans les karaokés par exemple, ce que j'aurais adoré.

Il y a plein de choses que je n'ai pas pu faire, par manque de temps ou des bonnes informations, mais ça je m'y attendais. Du coup, je ne sais pas encore si j'y retournerai un jour, c'est possible mais sur une période plus courte, et à une autre saison. En tout cas, pas tout de suite. Et pas seule, aurais-je l'occasion de faire découvrir ce pays à des amis, comme initialement prévu?

Voilà, c'est la fin de ce blog. Je vous remercie de m'avoir suivie, sachant que comme annoncé, c'est aussi la fin d'une ère de ma vie, moins de voyages se profilent. Ce qui a pu aussi affecter mon ressenti. Mais bon, qui sait ce que le futur me réserve ...