Prête pour de nouvelles aventures, mais cette fois ci avec une voiture. Le loueur arrive à l'heure devant l'hostel avec une mignonne petite C3. Et il se trouve qu'il a passé 3 mois à Montpellier. Voilà, c'est lui, le Montpelliérain de mon voyage! Il parle un peu français, mais aussi espagnol, italien et russe, et bulgare bien entendu. Nous réglons les derniers détails et je prends le volant. Ça va, ce n'est pas trop compliqué de conduire ici, surtout avec le GPS.
Mon premier stop est l'église de Boyana, située en périphérie de Sofia, donc un peu dans les hauteurs. Et en l'atteignant, surprise ! Il y a de la neige qui a tenu. C'est magnifique. Quand j'arrive devant la porte, elle est fermée pour désinfection ... Pour rouvrir 20 minutes plus tard. Elle est entourée d'un petit parc charmant. Malheureusement, on ne peut pas faire de photos à l'intérieur et la guide y veille. Cependant, j'ai des explications gratuites. Elle date du 11e siècle, et les premières fresques ont été peintes sous le règne d'Ivan Assen II, roi du Second Empire Bulgare. Il est représenté sur le mur de gauche avec sa femme, à côté de la représentation de Jésus. Une arcade la sépare de Saint Nicolas. Mais au 13e siècle, la région est tombée sous le joug de l'empire ottoman. Ils vont y faire représenter l'empereur Constantin et sa femme Irina sur le mur de droite. Le souci est que le Christ doit être au plus proche du roi. Donc, ils inversent: Saint Nicolas à gauche, Jésus à droite. Pour ce faire, ils refont une épaisseur de mur pour repeindre dessus ... Maintenant, on peut voir deux couches différentes superposées érodées par le temps. L'endroit est petit mais plus beau que ce que j'ai pu voir jusqu'à maintenant.
Je reprends la voiture pour un trajet d'1h30 vers le monastère de Rila. La neige est toujours là tandis que je contourne le mont Vitocha. De petits villages aux toits enneigés se nichent dans les vallons. Mais quelques kilomètres plus loin, c'est fini, j'arrive dans une plaine industrielle, avec des usines et des centrales qui font de la fumée, où je prends l'autoroute. Il fait facilement 15 degrés, on a à nouveau changé de saison. Cette impression perdure jusqu'à ce que j'atteigne le village de Rila, où je m'arrête pour manger, car je risque ensuite de rater l'heure.
Je trouve un petit restaurant bistro où me poser, et goûter à de nouvelles spécialités : la salade chopska avec des tomates, concombres, petits poivrons verts, oignons et surtout plein de fromage râpé, et le poulet kavarma qui n'est pas tout à fait comme je m'y attendais, en tout cas il y a des poivrons rouges et des oignons, ce n'est pas mauvais.
Je remonte en voiture pour faire la quinzaine de kilomètres qui me sépare du monastère. La route est sujette à des glissements de terrain importants, d'ailleurs, elle n'a réouvert que le 2 avril (il y a trois jours) à cause de ça. Bon timing, n'est ce pas ? Mais malgré ça, il y a tout de même des cailloux sur la route, ça peut s'avérer dangereux. Je retrouve aussi la neige, tandis que je m'enfonce dans les gorges de la rivière Rilski et ses hautes montagnes qui semblent saupoudrées de sucre glace.
Me voici arrivée au monastère, et je me prends une claque tant la scène est magique: les toits sont encore enneigés mais le soleil brille, faisant fondre les calottes, et l'architecture colorée du bâtiment détonne. Les fameuses fresques murales ont été bien entretenues et arborent des couleurs flashies, et je vagabonde sous les arcades, fascinée. L'intérieur n'a rien à leur envier non plus, il est très spacieux. Encore une fois, on n'est pas censés prendre de photos, mais bon ... Ce serait trop bête de passer à côté. Il fait plutôt bon, malgré la neige qui tient. Ce temps est une vraie chance pour faire de magnifiques plans, dans tous les sens. C'est bel et bien l'un des lieux les plus photogéniques de Bulgarie.
Le monastère a été fondé par St Jean de Rila vers 930. Il a ensuite changé de place, rebâti par Khrélyo, qui a donné son nom à la tour qu'on peut voir dans la cour. Il a souvent été attaqué, mais pendant la période ottomane il a pu être préservé tant bien que mal par les rois Russes. Les moines ont joué un rôle important lors de l'expansion du catholiscisme et du protestantisme en Bulgarie, car les nouveaux prêtres venant essayer de convertir des fidèles, beaucoup de villageois ont envoyé des lettres à Rila pour qu'ils viennent les rediriger dans le droit chemin. Ils ont dû bien faire leur travail car ni le catholiscisme ni le protestantisme ne s'est vraiment implanté en Bulgarie.
Je vagabonde encore un peu dans ce décor enchanté, je décide même d'aller au musée où l'on peut voir la croix de Rafaïl, un ouvrage extrêmement détaillé du nom de son créateur qui serait devenu aveugle après l'avoir terminée. Oui il y a de quoi, c'est un vrai travail d'orfèvre. Je la prends en photo de loin hors caméra quand la dame qui me suit partout va demander quelque chose à quelqu'un. Mais je vous mets une photo prise sur Internet pour que vous puissiez mieux imaginer la précision de l'oeuvre, la méticulosité, le temps et la patience que cela a dû lui prendre. C'est plutôt impressionnant.
Je sors maintenant du monastère pour aller voir l'ossuaire, qui est en fait un cimetière ... La neige est fraîche et peu épaisse, donc glissante. Elle s'infiltre dans mes chaussures. Si je dois faire pareil pour rejoindre mon hébergement de ce soir, je suis mal barrée, j'en aurai pour le double de temps ! Mais là, rien ne vaut les premiers pas dans la poudreuse immaculée.
Sur ces réflexions, je me dis que je ferais mieux de prendre la route. Je regarde l'heure sur la voiture: il n'est pas si tard ... Je veux faire un crochet par les pyramides de Stob, grandes formations rocheuses en forme de pyramides, donc, mais de loin je m'aperçois qu'il faut monter pour les voir de près car elles surplombent le village ... Bon, on va se contenter de les voir de là et puis voilà. Je continue ma route avec un autoradio capricieux: j'aime beaucoup la station Novanews mais je la capte une fois sur deux. Voire trois ou quatre. Ce qui veut dire que parfois j'arrive dans un endroit et la radio a trouvé la bonne fréquence, et quand je repars, bruit blanc... Dommage, moi qui n'aime pas trop conduire sans musique. Au bout de 50 minutes, j'arrive dans le village de Sapareva Banya, où je cherche à grignoter au cas où j'aurais mal compris et qu'il n'y aurait rien à manger ce soir dans mon petit chalet au fin fond de la cambrousse. Je trouve ce qu'ils appellent une pita, qui ressemble à une pizza avec des lardons et du maïs... Peu ragoûtant. Je prends aussi une conserve de viande, vraiment en cas de besoin. Et puis, je m'aperçois que l'heure de la voiture retarde d'une heure. Bon, ne paniquons pas trop, il est 17h au lieu de 16h, même dans ce timing là je peux être au chalet avant que la nuit ne tombe. Il faut marcher 2 km depuis le téléphérique qui monte aux lacs, là où je peux me garer, et c'est à 15 km. Ça devrait aller, non ?
Sauf qu'en montant vers le village de Panichishte, route pleine de virages, il commence à y avoir de la neige. Et je n'ai d'une ni l'habitude de deux ni les pneus adaptés. Alors, quand ça commence à patiner, je serre le volant, et je me souviens de ce que disait mon ami Romain lors du réveillon au Grand Bornand : pas de gestes brusques, pas de freinage, sinon ça part en cacahuète. Je m'accroche à cette idée et essaye de ne pas paniquer quand je dois croiser des voitures qui descendent. Maintenant, la neige est dammée mais recouvre toute la chaussée. Je me cramponne. J'arrive finalement au parking sans accident, j'essaye de monter mais là, la voiture ne veut plus et dérape, alors je redescends un peu en contrebas en marche arrière, ça me permettra de ne pas faire un demi tour pour le retour.
Ok, maintenant, il va falloir faire le trajet dans la neige. Il y a un chien qui est là, et qui décide de m'accompagner. L'endroit est désert, heureusement la Lovna Hut est indiquée sur les panneaux, et Maps.me me localise. Je m'enfonce donc dans le massif du Rila (oui toujours le même mais pas du même côté), sans trop savoir ce qui m'attend ... J'espère trouver mes hôtes au bout de la piste enneigée ! Heureusement, des motoneiges sont passées, et je peux marcher aisément dans leurs traces. Ça ne pose pas trop de souci. Le chien ouvre la voie, tandis que je regarde les sapins enneigés. C'est tout de même magnifique ! Comme la couche de neige est plus épaisse, j'ai moins de souci de glissade. Evidemment, je n'ai pris que le strict minimum dans mon sac à dos, et pas ma valise ... C'est très calme, je n'entends que le bruit de mes pas dans la neige. Cette petite randonnée est quand même un peu physique, on ne dirait pas comme ça. Mais le fait de marcher dans la neige est presque aussi fatigant que dans le sable. Alors, pendant 40 minutes ? Ça monte un peu, ça descend, je checke régulièrement si je suis encore loin. Et puis au détour d'un virage, voilà le chalet ! Il y a le fils du proprio qui est en train de déneiger et qui m'accueille. Il parle bien anglais pour un ado. Par contre je ne comprends pas son nom ! Celui de son père, oui, c'est Dany. Il me montre ma chambre où je recharge le téléphone. C'est marrant, même au milieu de nulle part, ils arrivent à avoir la télé et un peu de wifi - le strict minimum. Je lui demande de me faire réchauffer à manger: des boulettes de viande et des patates, pur bulgare. Par contre il ne fait vraiment pas chaud, bien évidemment, les toilettes et la douche sont à l'extérieur et il n'y a pas d'eau chaude. À la dure ! Le plus embêtant c'est que cette salle d'eau est loin de mon lit, et ça caille ... J'ai pris les 5 couvertures disponibles pour me faire un petit nid douillet, et malgré le chauffage, elles n'étaient pas de trop. Mais je me sens loin de tout, dans ce mignon petit endroit paumé, qui se mérite et qui est une aventure en soi. Je trouve ça super.
Je passe donc une nuit relativement calme, si ce n'est que je me fais réveiller à plusieurs reprises par le vent violent dans les sapins. C'est mal barré pour demain ... Je crois même entendre de la pluie mais c'est le fruit de mon imagination. Je pars le lendemain vers 8h30 pour être au téléphérique aux alentours de 9h. Le but étant de voir les sept lacs du Rila, un magnifique panorama à 2500m d'altitude. Je refais donc le chemin en sens inverse, en me demandant si les Bulgares aiment prendre des risques. Cette fois ci c'est le chien de Lovna qui m'accompagne sur le trajet, brave bête. Quelques oiseaux se font entendre, et heureusement pour moi je suis à l'abri pour rentrer, je crois même que le vent est tombé. Retour à la civilisation pour apprendre que le téléphérique est bel et bien fermé. J'avais envisagé de monter à pied face à cette éventualité, mais je me rends compte que c'était bien trop téméraire : je vais finir par me tordre une cheville, c'est fatigant même avec des raquettes, et puis, 700m de dénivelé, comme ça? Pas question. Tant pis c'est vraiment dommage, surtout que je m'étais arrêtée là pour cette raison. Bah, j'aurais eu ma nuit dans la montagne ... Finalement, la descente en voiture n'est pas si compliquée, bien moins que la montée.
Je retrouve le village de Sapareva Banya et je me dis, tant qu'à y être, pourquoi pas retourner dans des bains chauds, mais cette fois-ci plus relaxants et plus chauds que Korali ? Je demande à l'office du tourisme qui me renseigne sur le spa Luch, qui n'a ouvert que sa piscine en intérieur mais c'est déjà pas mal. L'eau est à 38 degrés et il y a des jets massants, tant mieux car je sens mes chevilles très crispées ... L'addition de torsion sur la neige avec des chaussures qui n'y vont pas, et d'embrayages et débrayages lors de la descente. Mais ces eaux thermales vont me faire du bien. C'est plutôt calme, il y a peu de monde. Je reste un peu plus d'une heure, car je n'ai payé le parking que pour deux heures. En sortant, ça va mieux, les tensions sont parties et je vais manger un morceau au restaurant. Je commande un tarator: c'est littéralement un tzatziki en soupe; ainsi qu'un mich-mach, décrit par le Routard comme une purée non levée sauf que là c'est une omelette avec des légumes notamment des poivrons, des oignons, des tomates, des oignons, des oignons et des oignons. Il y a une minette qui réclame à manger, je partage le repas avec elle car c'est copieux. Il faut savoir que les Bulgares mettent les quantités de nourriture dans le menu, et que leur 350g n'a rien à voir avec notre 350g en France, bizarre d'ailleurs ! Le poids de nourriture a l'air super important, hier soir Dany m'a dit "100g" pour me parler des boulettes. Souvent, ils mettent les prix pour 100g, aussi. C'est pas mal pour se donner une idée du poids que l'on va prendre ! Bon, avec tout ça, il ne me reste plus qu'à goûter les poivrons farcis et j'aurai fait le tour (la soupe de tripes ne m'intéresse pas !)
Repue, je mets donc le GPS pour quitter la montagne, et mettre le cap sur ma prochaine étape.