Quatre semaines au Brésil et une en Argentine.
Du 10 août au 16 septembre 2022
38 jours
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Bonjour à toutes et à tous, et bienvenue sur ce nouveau blog!

Après moultes hésitations sur la destination de cet été, dont plusieurs changements de plans, j'ai donc décidé de me lancer sur le tout premier projet de voyage que j'avais envisagé en 2021, mais que j'avais laissé tomber car il y avait trop de covid à ce moment là. Bon, et bien maintenant, il y a peut être trop de variole du singe, qui je le rappelle n'est pas transmise QUE par relations sexuelles. Je vous promets d'être prudente.

Je ne vous cache pas que c'est un voyage plutôt cher, surtout quand on s'y prend mi juillet pour y aller mi août. Mais comme au final je pars seule (pas d'Emma qui fait un plot twist cette fois-ci), il valait mieux que je réalise ce projet-là, plutôt que la Colombie qui se voit encore décalée. Honnêtement, je me demande si j'irai un jour? C'est un peu la destination maudite, il me semble!

Bref, par rapport à mes premiers plans de mars 2021, j'ai préféré laisser tomber certaines destinations, comme par exemple tout ce qui est Amazonie. Mais Marine, tu adores la jungle pourtant! Oui, justement, en regardant un peu ce qu'il se passait du côté de Manaus, je n'ai trouvé que des tours ultra touristiques, et qui coûtaient une blinde. Alors, j'ai décidé de zapper pour plusieurs raisons, donc la thune évidemment, mais aussi parce que je n'aurai jamais une aussi bonne expérience qu'avec Carmen au Pérou, et également parce que j'ai une flemme, mais alors, une énorme flemme de prendre la Nivaquine pendant deux semaines pour à peine 4 ou 5 jours sur place, avec l'irritabilité, le mal de bide, les nausées et insomnies qui vont avec. Je pense que ça peut se comprendre. Donc, ça m'a laissé du temps pour ... aller à Buenos Aires. Et oui, d'où la présence de l'Argentine dans les pays visités! C'est le fait d'aller passer la frontière à Iguaçu qui m'a décidée. Je sais que je vais blaser quelques personnes, moi qui ait toujours dit que l'Argentine ne m'intéressait pas, mais bon là c'est la capitale et puis je suis à côté, ce serait bête de ne pas en profiter.

Petit défi de cette année: partir avec un backpack qui passe en cabine uniquement. Donc exit le 60L, heureusement Emma a quand même apporté sa contribution en me prêtant celui qu'elle avait au Mexique! Et oui pépette, ton backpack part en Argentine. Mais d'ailleurs qui dit Argentine, dit températures différentes. C'est ça qui est embêtant: je dois prendre moins d'habits, et en même temps des trucs pour survivre entre 9 et 30 degrés. Il semblerait d'ailleurs que quand je vais arriver à Sao Paulo, il fera 16 degrés. Boum, -20 dans la tronche. Oh, et il va pleuvoir. Je sens que l'arrivée va être très sympa.

Bon, je pense que c'est tout pour cet article d'intro, pour le moment. Comme d'habitude, la navigation sur le blog n'a pas changé, on peut zoomer sur les photos, retrouver les articles en cliquant sur le numéro des étapes en haut, on peut s'abonner, et évidemment me laisser des petits commentaires qui me feront plaisir, ma tante Joce est rodée maintenant.

C'est parti!

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[Pour bien commencer ce blog et ce voyage ... Je me suis fait voler mon appareil photo à Salvador sans avoir pu télécharger les photos de Sao Paulo. Donc au final il n'y en a que quelques unes que j'avais prises avec mon portable. J'irai en reprendre quand j'y reviendrai. ]

Au revoir, le soleil, tu vas me manquer ... me dis-je en regardant la météo qui m'attend à Sao Paulo, dans l'hémisphère sud, en hiver. Bon alors d'accord, on n'est pas sur des températures canadiennes, mais entre 15-17 degrés pluvieux et les 30 degrés ensoleillés de Barcelone au bord de la piscine de l'hostel, ça fait une petite amplitude piquante. C'est aussi ça, l'amour du voyage. Ce n'est pas que se taper 12 heures d'avion après n'avoir dormi que 3 heures car il faisait trop chaud dans le dortoir. Ni galérer avec des transferts de liquides dans les petits pots réglementaires pour l'avion, surtout quand on avait oublié qu'on avait pris sa bouteille de shampooing exprès pour la finir avant le départ et qu'il en reste un bon fond.

Pour le moment, peu d'envie de socialisation de ma part. J'ai bien parlé avec un Américain qui vient de l'état de New York, qui rêve de venir s'installer en Espagne, et qui présentement était en galère car il n'avait pas le bon adaptateur pour recharger son téléphone. Mais ça s'arrête là.

Le lendemain, je récupère très rapidement mon pass d'embarquement, qui n'avait pas été émis par internet, et aucun souci pour le passage de la sécurité malgré tous mes petits flacons. J'aurais dû faire ça depuis longtemps ... On verra ce que ça donne sur le moyen terme !

Je pars avec la compagnie LATAM, qui se présente comme low cost mais bof, quand même. En prenant avec le voyagiste Trip, j'ai économisé 200 balles par rapport à eux. En tout cas, les sièges sont confortables par rapport à la compagnie que j'avais prise pour le Pérou, et ils ont une très bonne offre séries et films ! En revanche, ils se foulent pas pour la bouffe. Juste un plat et une gaufrette au chocolat. Ça va que le plat n'est pas trop mauvais, il faut dire que j'ai pris deux fois des pâtes car aucune confiance en la viande sous ces conditions. Au final, je ne vais pas dire que le vol est passé vite, mais il est passé, parce que je sens que j'ai vraiment l'habitude d'y aller par tranches de 12 heures d'avion maintenant.

L'atterrissage est sportif, du fait d'un vent violent qui crée de sacrées turbulences, j'en ai presque la nausée. J'ai un peu peur, mais ça va j'ai donné mes dernières volontés. Au final, je suis encore vivante. Allez, maintenant on file prendre la navette pour prendre le train pour prendre le métro ensuite. Sympa le petit choc thermique à l'extérieur ! On les sent les 20 degrés de moins ! Mais ça ne m'empêche pas de me sentir bien d'être là. C'est plutôt positif d'avoir ce feeling là dès le départ, car je ne l'avais même pas eu pour Mexico et son métro, et ses rues pleines de clodos la nuit, pas du tout le même ressenti parce que là, je n'ai vu QUE deux clodos, ça change tout. Bon, il faut dire que j'arrive dans le quartier le plus safe de la ville et que mon hostel n'est pas dans les favelas, ça y joue un peu. En tout cas c'est mignon, il y a de petits bars et restos sympas, et sur le trajet je prends une brochette avec de la saucisse maison. La première bouchée de nourriture locale dans un pays étranger, c'est toujours exceptionnel, que ce soit en bien ou en mal. Ben là, c'est clairement en bien, cette saucisse est grasse mais damn ! Qu'elle est bonne. Un point d'allégresse supplémentaire.

Je me hâte vers l'hostel car il est quand même 21h avec tout ça, il y a de la pluie prévue et comme dit précédemment, il fait PAS CHAUD. L'auberge s'appelle O de Casa, et elle a un bar où, tristesse, le beer pong était ce soir et là c'est trop tard. Il y a du bruit mais la bonne nouvelle c'est qu'ils ferment le bar à 23 heures. Non pas que je veuille directement picoler, mais il va falloir que je me repose un peu. Donc, on est sage ce soir, mais on retient qu'il y a des free shots à 19h tous les jours. Niveau équipements, on est pas trop mal car la clim est réversible, donc il fait bon dans le dortoir. J'ai quand même bien fait de piquer un plaid à LATAM. Les 5 heures de décalage horaire tombent bien, j'ai sommeil vers 23h30 heure locale, et la musique du bar s'est arrêtée ... Parfait.

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"Ça fait même pas 24 heures que je suis là, et déjà ..." 

La journée commence tôt, 6 heures du matin vu le décalage horaire, mais c'est un rythme plutôt convenable car je ne bouge pas avant 8h30. Ma mission si je l'accepte, est de trouver un distributeur, non sans avoir au passage englouti un pao de batata, qui je suppose est fait à partir de patates et fourré au fromage. Diététique. On en trouve dans tous les cafés, semble-t-il, à chaque coin de rue voire plus ! Bon, c'est un pays où on ne meurt pas de faim, bonne nouvelle. Mais pour manger, il faut de l'argent, et c'est chose faite fort rapidement. On est prête à tout !

Le quartier où je me trouve, Vila Madalena/Pinheiros, est réputé pour son street art (et accessoirement le côté hipster qui va avec). Le point d'intérêt s'appelle ni plus ni moins que Beco do Batman, un nom qui donne envie, et surnommé de la sorte grâce au street art de Batman au début de la rue. Et en plus de ça, ce sont de petites allées pavées, mignonnes et agréables même s'il n'y a personne à 9h du matin. Enfin ... Vraiment personne ? C'était sans compter sur la horde d'ados, forcés par leurs profs à tenir le journal du lycée, à devoir faire un article sur la rue. Les pauvres. Ils me sautent dessus dès que j'arrive, ils parlent plutôt bien anglais, dont un qui s'est mis à totalement fanboyer sur moi. Sans blague, il en pouvait plus, il était "so excited to speak english with me", c'était mignon.

Mais quand je quitte la rue, quelques minutes plus tard, le ciel se couvre et la pluie commence à tomber. Pas trop fort mais assez pour avoir froid et être un peu mouillée. Je rentre à l'hostel et m'enfile une crêpe de manioc avec du jambon et de la mozza (que de fromage), et un ice tea maison pour le moins dé-li-cieux.

Le ciel se dégage, il refait soleil. Ah oui, c'est ce type de climat, d'accord, je vois. Je me mets en route pour prendre le métro et rejoindre le point de rendez-vous de mon ... roulements de tambours ... FREE WALKING TOUR. Et oui, on ne déroge pas à la règle. En plus, il n'est pas tous les jours, mais on est jeudi, il est programmé, les étoiles étaient alignées. Soyez prêts pour du blabla sur l'histoire du Brésil et de Sao Paulo.

Qu'on ne prononce pas Sa oh po lo, d'ailleurs. Mais San Paolo.

Notre guide du jour s'appelle Luci. Elle joue un peu son rôle sans trop nous solliciter, mais peu importe. Nous allons donc visiter tout le centre ville, en partant du square República. Et bien entendu, que serait un free walking tour, et surtout que serait mon blog sans un peu de contexte historique ?

Bienvenue dans le pays le plus peuplé d'Amérique Latine, et le 5e plus grand pays du monde de par sa superficie ! Et si je ne me trompe pas, le pays qui possède la plus grande frontière terrestre avec la France. Et oui, la Guyane les gars. Je ne suis pas si loin finalement ! Je vous fais un historique rapide, histoire de situer. Sao Paulo était le territoire des tribus Tupi et Guarani avant la colonisation par l'Espagne à partir de 1500. Bouh Marine tu t'es trompée ! C'est le Portugal, non ? Et bien, NON. C'est bien un Espagnol, Vicente Yañez Pinzón qui découvre les terres à partir de Recife. Le Portugal a en fait récupéré le Brésil suite au traité de Tordesillas par lequel le pape partage les terres d'évangélisation entre les Espagnols et les Portugais: tout ce qui est à l'ouest de la longitude 50 degrés est aux Espagnols et à l'est aux Portugais. Évidemment, ça a été le bordel tout du long de l'époque coloniale entre eux, avec des révoltes et violations du traité. Sautons en 1807 car ça devient intéressant : comme le royaume du Portugal refusait d'adhérer au blocus du Royaume-Uni par Napoléon, ce dernier l'a mal pris et a fait avancer son armée vers le pays. La famille royale fuit au Brésil et installe sa cour à Rio. Le Brésil devient donc un royaume jusqu'en 1821 suite à des protestations. La famille royale repart au pays sauf Dom Pedro qui se sent plus brésilien et surtout ne veut pas prendre la couronne à la mort de son père. Il accorde finalement l'indépendance au pays le 7 septembre 1822.

Nous commençons notre marche pour arriver devant le second plus grand building de Sao Paulo, l'Edificio Italia. Il se trouve que la ville accueille la plus grande communauté italienne hors Italie. On peut monter tout en haut, il y a un bar en rooftop, et une histoire marrante qui va avec. Un jour, un homme est monté tout en haut et a sauté dans le vide ... Avec son parapente (oui, j'avais dit une histoire marrante). La police ne l'a jamais retrouvé, nous dit Luci, mais on voit clairement sa tête sur la vidéo. Et d'ailleurs, ils sont deux.

Juste à côté se trouve l'immeuble Copan, qui est le plus grand immeuble résidentiel de toute l'Amérique du Sud. 1160 appartements, 5000 résidents ! Il est si grand qu'il a son propre code postal. Il a été designé par Oscar Niemeyer, le fameux architecte qui a fait tout Brasilia, et il est actuellement en rénovation donc il y a une immense toile bleue transparente dessus. Ça doit être sympa pour les résidents.

Sao Paulo, c'est donc avant tout une histoire de buildings. Comme celui qui a un grand toit qui ressemble à un vaisseau spatial (construit par un gars qui s'est fait passer pour un architecte et qui faisait valider ses projets par son pote), celui qui a été construit le premier et qui arbore une couronne, ceux qui se font taguer avec des symboles spécifiques à Sao Paulo comme un langage codé, mais aussi le théâtre municipal inspiré de l'opéra Garnier, qui surplombe une fontaine elle-même inspirée de Trévi. Nous franchissons le Viaduto do Chá (le pont du thé qui arrivait par ici) qui antérieurement traversait la rivière Anhaugabaú, enfin il la traverse toujours mais elle a été reléguée de manière souterraine. Il y a une esplanade à sa place. Anhaugabaú signifie en tupi "rivière du mauvais esprit", car ils pensaient que toucher son eau pouvait maudire. Et une ville a été bâtie par dessus !

Le temps tourne à l'orage, et fort heureusement c'est l'heure de la pause dans un petit café. Je commande un jus d'açai particulièrement bon, et surtout une grande découverte (ce qui n'est peut être pas une bonne idée), la coxinha de frango com catupiry. Un truc pané avec de la patate, du fromage et du poulet. Un régal, malheureusement. Il est temps de repartir, mais il pluviote encore, bon, pas le choix car le second groupe du walking tour prend notre place dans le café.

Nous arrivons dans le quartier des affaires, où nous pouvons admirer LE building le plus haut de la ville, 161 mètres de haut pour 31 étages, il s'agit du Farol Santander. Il a souvent été comparé à l'Empire State Building, étant le plus haut gratte-ciel hors États-Unis jusque dans les années 50. À côté on trouve l'Edificio Martinelli, du nom de son architecte. Lui, il est un peu plus ancien et ça a été le plus haut pendant un temps, les gens avaient peur qu'il ne tombe. Martinelli, confiant, a fait construire son manoir de 4 étages tout en haut de l'immeuble ! Il y vivait avec sa famille. Mais comme beaucoup, il se retrouve en difficulté financière en 1934 et vend l'immeuble au gouvernement italien, qui se le fait confisquer par le gouvernement brésilien au moment de la Seconde Guerre Mondiale. Il a été ensuite squatté, des gens sont morts dans les ascenseurs et les hantent encore ... Il a été restauré à partir de 1975 et classé monument historique. Et c'est ainsi que se termine le tour.

Il est 14 heures et quelques, j'entre dans le monastère de Sao Bento, qui est plutôt beau en intérieur. Normalement, on ne doit pas prendre de photos, mais vous avez l'habitude de mes photos en scred, maintenant.

J'ai encore pas mal de temps devant moi, et vraiment, le Farol Santander a piqué mon intérêt, il est juste à côté, ce serait bête de ne pas monter tout en haut. Au 26e étage, on dirait qu'on a une maquette sous les yeux. Bon, cette forêt de gratte-ciels n'est pas très jolie car ils ne sont pas très design, mais ça a le mérite d'être impressionnant. Je descends ensuite vers l'expo sur Alice aux Pays des Merveilles, qui est somme toute assez sympa. Il y a aussi des tableaux, dont ceux d'une artiste nommée Sandra Mazzini, et je trouve ça plutôt sympa. En continuant à descendre, il y a carrément un skate park au 21e étage ! Incroyable. Et plus bas, on peut se plonger dans l'histoire de la banque.

J'ai filmé en format instagram, ce n'est pas une bonne idée. 

Ceci fait, je compte me diriger vers l'avenue Paulista à pied, mais d'abord je vais visiter le Solar de la Marquise, vu que c'est gratuit, bien qu'au final je ne sois pas conquise. Je fais un crochet par la , qui à l'intérieur n'a que le mérite d'être grande. Par contre, quel bordel sur le square. Il y a des gens qui lisent des lettres ouvertes à la démocracie pour rappeler aux candidats de toujours respecter le peuple. Ça s'agite, ça s'échauffe. Et ils font ça parmi toute une population de clodos. Ah, oui, hier j'avais dit qu'il y en avait peu à Pinheiros, et bien là ce n'est pas le cas. Il y a des tentes partout, ils squattent le parvis de la cathédrale. Je me dis qu'au moins, avec les tentes, ils sont à l'abri de la pluie, ce n'est pas le cas de tout le monde. Ils ont tous les mêmes couvertures, probablement fournies par les bénévoles qui interviennent vu qu'il fait froid la nuit. Et en passant, juste à côté de moi, un homme se prend les pieds dans sa valise et s'écroule net par terre. Il ne bouge plus quand la police essaye de l'interpeler. Il est mort ? Ah, non, quelques instants plus tard il bouge encore. Impressionnant. Cet endroit, c'est un peu plus la jungle, et moi je me balade cramponnée à mon Reflex que je préfère autour de mon cou que dans mon sac. Ah, et cramponnée à mon portable pour filmer aussi, car c'est pas drôle, sinon. Que serait un voyage dans une grande ville comme celle là sans un peu de danger ?

Bon, ce n'est pas une raison pour y rester toute l'aprem. Je quitte la zone, mais je meurs de faim. Bien que ça me tenterait de remanger une coxinha, ce n'est pas très sain et trop de gras risque de me faire mal à l'estomac. Je m'arrête donc dans un café, le Fazenda, pour manger un sandwich, je passe ma commande et ...

... Et le serveur, probablement patron, se fait interviewer par la télé. Sur le micro il y a marqué "NEWS". Aucune idée de quoi ils parlent. Mais les dames de l'équipe ne s'arrêtent pas là, non. Elles le filment en train de me servir mon sandwich. Et bien, ce n'est pas si compliqué d'agir naturellement dans les moments comme ça, sans regarder la caméra. Un peu pesant quand même, parce qu'elles m'ont aussi filmée en train de prendre la première bouchée et j'ai juste eu le temps de me dire "oh my god j'espère que je sais encore manger un sandwich correctement" mais je vous rassure, tout s'est bien passé.

BON. Et bien, d'accord. Je vous jure. Même pas 24 heures que je suis là. Et c'est pas fini.

Je vais marcher 3 kilomètres, motivée, pour rejoindre la grande avenue un peu comme les Champs Elysées mais en moins bien. Il y a tous les musées là bas. En chemin, j'observe les gens, je me fais la réflexion : je suis déjà allée dans des pays où la population est très métissée, mais là au Brésil, en tout cas à SP, il n'y a aucune règle, un peu comme en France. Du coup, je me fonds dans la masse, je n'ai pas l'air d'une touriste et on me parle volontiers en portugais. Ah, oui, du coup il va vraiment me falloir une carte SIM, ne serait-ce que pour traduire des choses car au final ils parlent peu anglais. J'essaye en espagnol car c'est proche mais ça ne passe pas toujours, par contre je comprends deux trois trucs en portugais et ça, c'est pas mal.

Ça y est, me voici sur l'avenue Paulista. Je vais la remonter jusqu'à la station de métro, ça va je n'ai pas trop froid. Et ce faisant, je tombe sur une manifestation anti Bolsonaro, que je rejoins. On me donne une affiche. Je la garde et ça sera mon plus beau souvenir rapporté du Brésil.

Mais il se met à pleuvoir. Et la température baisse. Et il fait nuit. Je me hâte donc pour rentrer à l'hostel, où un gars de l'accueil me parle en français pour me dire qu'il faut me changer de dortoir car la nana d'hier s'était trompée et elle m'avait upgradée. Mais du coup il y a une autre fille qui a réservé pour ce soir. Bon ben, dommage j'aimais bien, surtout le chauffage, là où je vais il n'y en a pas. Ce qui est sympa c'est qu'ils ont déjà rassemblé mes affaires et les ont mises dans un sac, m'évitant de le faire moi même. Heureusement que je n'avais rien de trop compromettant. Ah, et ce gars ... Il parle un francais slang. "t'étais dans le dortoir avec que des meufs, du coup cimer pour ta compréhension". C'est marrant. Je me demande où il a appris, et si c'est fait exprès ou si des français se sont foutus de sa gueule.

Je me repose un peu, avant d'aller au bar pour ma caipirinha gratuite et les shots gratuits. Mais après ça, il faut vraiment que j'aille faire un vrai repas. Bon, comme la soirée m'attend je vais dans un petit restaurant juste à côté, qui fait des plats simples. J'ai envie de viande rouge. Je n'ai pas mentionné que malgré tout le bordel que c'est, les rues de SP ne sentent pas mauvais, parce qu'elles sentent la bouffe. Et particulièrement la viande grillée. Donc, je commande un "bisteca", je pense que c'est assez transparent comme mot ... Mais c'est de la côte de porc. Bon, ben tant pis. C'est bon quand même. Retour à l'hostel où je joue au beer pong en équipe avec Aghata qui travaille ici et avec qui j'ai un peu discuté avant. Le gars de l'équipe adverse dit que les perdants payent une bière aux gagnants. Bon, on est mal barrées, et moi même si je ne suis pas encore soule, le dieu du beer pong n'est pas avec moi ce soir. Je ne mets qu'une balle, et Aghata met les autres, et on gagne ! Mais le plus fun, c'est qu'elle ne veut pas boire vu qu'elle travaille. Donc, elle m'a basiquement gagné ma bière. Ça, c'est fort! Je mettrai un commentaire sympa sur elle dans ma review. On danse, elle m'apprend une choré marrante, je me fais draguer par une nana. Je rencontre une autre française, Margot, qui étudie au Brésil depuis 4 mois. Et puis on était censés sortir dans un club mais ça s'éternise, ça traîne, donc finalement on décuve dans la salle tv devant Sandman, juste l'épisode que je n'avais pas encore vu. Parfait. Cette première journée était incroyable. Mes chakras se réalignent.

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C'était un rapide passage sur Sao Paulo, maintenant nous allons découvrir Salvador. Comme dans "Salvador de Bahia", ce nom qui évoque direct le Brésil et fait rêver les gens.

Enfin, on va s'immerger. Déjà dans le métro, je remarque que la population est moins melting pot qu'à Sao Paulo, elle fait plus afro caribéenne, du coup elle est métissée tout de même mais pas pareil. Ça fait du sens ce que je dis ? Moi, je me suis.

Mon hostel m'avait envoyé un message générique comme quoi venir à pied depuis la station de métro, ça craignait, et qu'il valait mieux prendre un Uber. D'accord mais je n'ai même pas de 4g, situation à laquelle je le répète, il va falloir remédier. Donc, c'est bel et bien toute seule à pied que je fais le trajet de 10 minutes. Franchement, ça va, j'ai connu pire insécurité, mais on sent que oui, c'est chaud. Autre constat: c'est en pente, ça monte et ça descend, c'est digne de Lisbonne et Porto. Au final, j'arrive en un seul morceau dans le quartier du Pelourinho sans me faire embêter, je fais mon check in, j'ai droit à une caipi gratuite car je n'étais pas là pour l'happy hour (une nouvelle passion pour un autre alcool latinoaméricain après le mezcal ? Non, impossible de détrôner le Tobala). Je ne traîne pas trop car j'ai encore une mission : acheter du répulsif. Je me suis DÉJÀ faite piquer la nuit dernière par des connasses d'araignées, voilà ça y est le bizutage, merci. Et proche du même oeil que la dernière fois au Mexique ! Comme j'ai comme qui dirait l'habitude, je n'ai pas gratté et j'ai limité les dégâts. Mais ça me gêne, ça m'a réveillée pendant la nuit tellement ça me grattait. Comme d'hab, vous dis-je. Donc, je n'ai vraiment pas besoin de me choper (au choix) zika, le chikungunya ou la dengue par dessus (et non le paludisme n'est pas ici !). Je sors dans les rues pour trouver une pharmacie. C'est chaud. Mais oh, qu'est ce que c'est dépaysant. Il y a de la musique de partout. Littéralement de partout, c'est incroyable. Je me tiens à un coin de rue et j'en entends trois différentes. Il y a des gens qui se préparent à jouer du tambour dans la rue. Mon sens de l'orientation en est tout troublé, je me perds vite alors que c'est tout petit, certaines diront que c'est le choc culturel qui m'envahit, d'autres la caipirinha. Je ne sais pas, je n'ai pas choisi. Je finis par trouver une pharmacie et le fameux répulsif au deet, on ne va pas lésiner. Mais il y a un gars qui reste à l'entrée et qui me harcèle pour que je lui donne des sous pour soit disant acheter du lait pour son bébé. Oui, j'ai fait comme si je ne comprenais pas le portugais mais bizarrement j'ai compris, là. Bon, je veux payer en caisse, ça la fout mal de sortir mon billet de 100 reales (20 euros) alors que je viens de dire que je n'avais pas de thunes. Je le regarde d'un air blasé jusqu'à ce qu'il arrête son discours larmoyant, "ma femme a un bébé on n'a pas d'argent" gnagnagna ben fallait y réfléchir avant de faire un gosse mon coco, la contraception ça existe même ici. Le gars de la sécurité vient lui dire que je ne veux rien lui donner et qu'il m'embête (je vous dis, je comprends déjà !) mais il reste à la porte. Je regarde la caissière. Elle me regarde. Il y a un couple qui passe et je détourne son attention en disant "ask them" en les pointant du doigt. Ça marche. VITE ! Je sors mon billet et le donne à la dame. Elle rigole, moi aussi. On a réussi notre coup, et je repars avec mon répulsif.

Retour dans les rues, où je me perds encore. Je m'arrête devant un bar pour voir les gens danser et les écouter parler parce que vraiment, cette langue est trop belle, et un mec m'aborde pour me proposer de la weed. Dommage, je lui explique que j'ai arrêté de fumer il y a bientôt trois ans et que même fumer un joint me donne envie de nicotine. Il est compréhensif. Je me promène encore dans les rues pour faire du repérage, il y a de la musique partout encore. C'est incroyable, mais je vais avoir besoin d'un peu d'adaptation, par exemple me sentir moins pleine d'histamine sera un bon début. Et vraiment, j'insiste, de quoi traduire sur le moment.

Je commence à me faire un peu embêter pour acheter des bracelets à la con. On va tester le pouvoir du "no" au Brésil. Je tourne dans les rues pour faire du soit disant repérage mais je ne repère que dalle. Enfin si, un resto qui fait de la moqueca de poisson ou fruits de mer, soit une espèce de ragoût. Accompagné de riz, haricots blancs, farofa (de la farine, souvent de manioc mais elle peut être de maïs ou de blé, frite dans du beurre ou de l'huile et passée au four, qui accompagne les plats) et du pirao, je crois que c'est de la purée de manioc avec du poisson. Depuis deux jours, j'y vais complètement au pifomètre mais je peux dire qu'il y a beaucoup de manioc.

Pendant que je mange, il y a un vendeur qui vient m'aborder pour me vendre un collier, il est très insistant et s'approche de moi pour me toucher l'épaule, malgré le fait que je dise non. Il s'avère qu'il en a profité pour voler mon appareil photo ... Je le tenais pourtant bien contre moi, mais il devait avoir un complice et c'est pour ça qu'il m'a touchée, pour me faire bouger. Du coup, au revoir les photos de Sao Paulo, j'étais pourtant contente de moi. Je suis blasée mais je relativise comme je peux en me disant que j'ai toujours mon portable, mes sous et mes papiers. C'est le plus important. Cependant, mon sentiment de relative sécurité en a pris un sacré coup. Je me dis qu'en plus, je ne l'aurais même pas laissé à l'hostel même si j'avais voulu la jouer plus safe, me connaissant je l'aurais pris avec moi dans tous les cas, car je voulais faire des photos. Et puis vu le modus operandi du mec, vigilance ou pas, c'était pareil. Donc je vois bien tout le monde venir, à vouloir me faire la leçon "ah mais il fallait être vigilante", c'est mon 6e gros voyage les gars, vous croyez quoi ? Et puis ça me fait une belle jambe. Je vais ensuite au commissariat avec un des serveurs du restaurant qui parle anglais, et je dois revenir demain pour faire ma déposition. C'est important qu'on essaye de le retrouver et qu'il paye !

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Jour 1: On n'est pas productive

Le gars du commissariat ne fait pas que parler anglais, il parle aussi bien français. C'est agréable, car plutôt rassurant de parler sa langue maternelle dans ces moments là. Il n'y a pas grand chose à faire de plus, ils vont essayer de le retrouver grâce à ma description et aux caméras de surveillance, mais ce dès lundi, et on est samedi. Bon, c'est mieux que rien, et ma déposition va probablement permettre de faire marcher mon assurance. Pour peu que ça passe en "vol à la tire" et non en "inattention", alors que "détournement d'attention par contact tactile direct" est clairement plus indiqué. C'est pas de l'inattention réelle quand on est prise comme ça par surprise, non ? Pas au sens où les assurances l'entendent ? Il va falloir que je me renseigne avant de déclarer mon sinistre.

Aussi, je lui demande s'il y a un marché noir où ils revendent leur butin. Oui, vers l'ascenseur, mais quand je m'y rends je ne trouve rien ... Quoi ? On sait jamais. Quand je me promène dans les rues, il y a encore de la musique dès le matin, et des démonstrations de capoeira ... Ils ne s'arrêtent jamais. C'est rigolo car on peut s'y essayer avec les danseurs, un peu au pif pour les gens comme moi, avec assez de succès pour d'autres ! Trop forts, ces Brésiliens, ils ont vraiment le rythme dans la peau.

Le Brésil se vit en vidéos. 

Pour la peine, je vais manger un risotto avant d'aller m'enquérir des prix des appareils photos. Oui, parce qu'après un débat animé dans ma tête, je retiens trois arguments : 1) je ne vais pas sortir mon portable à tout bout de champ et faire des photos, ça fait partie intégrante de mon expérience 2) je n'arrête pas d'y penser et ça me pourrit l'humeur 3) je vais prendre un petit numérique que je revendrai au retour en France.

Mais dans les rues de la ville basse, il y a vraiment plein de stands et magasins, qui vendent de tout et n'importe quoi. Vraiment de tout ! Sauf ... Des appareils photos, même les plus simples d'entre eux. Attendez, vous voulez dire que le mec qui va revendre mon Reflex va lui même galérer à le revendre ?! Ah ben, génial ! Après, il suffit de regarder les prix sur internet pour voir qu'il a moyen de le vendre bien plus cher que je ne l'aie moi même acheté. À ce point, j'espère que la personne qui l'aura en prendra soin et l'appréciera. Notamment le fait que l'objectif commence à déconner sur le focus et qu'il faut l'enlever et le remettre. Ah ... Ça va être tout un deuil.

Donc au final, cet après-midi était surtout une balade aux alentours du centre ville, assez peu productive, mais qui a le mérite de m'avoir immergée dans cette fameuse effervescence des pays en voie de développement, avec les stands et les marchés de rue. Pas très touristique et tant mieux dans un sens, ça permet de prendre la température hors des sentiers battus. Je pense aussi laisser tomber l'histoire de la carte sim car il y a souvent de la wifi, finalement, et surtout il faut un numéro CPF que personne ne semble très enclin à vouloir me prêter. C'est un numéro comme celui de la carte d'identité, qui nous enregistre auprès du gouvernement brésilien. Il ne faut pas forcément avoir la nationalité brésilienne mais il faut entreprendre des démarches. C'est chiant.

Un peu déçue de rentrer bredouille tout de même, je rentre à l'hostel avant l'happy hour et les caipirinhas gratuites. Ce pays aura finalement raison de mon foie. Je prends le temps de me reposer, et dans mon dortoir je rencontre Carl, qui vient de la Nouvelle Orléans et qui a vécu 17 ans en France. Il est trop content de parler français. Je lui raconte mon histoire et c'est très injuste car lui, il dit que jamais personne n'a essayé de l'approcher comme moi on m'a fait, qu'en général on le laisse tranquille, en plus il se balade avec un matos ultra professionnel car il tourne un documentaire personnel sur le Brésil. Il me dit aussi que j'ai peut être trop une allure de touriste et qu'il faut que j'observe comment s'habillent les Brésiliennes et que je fasse pareil. Ce qui aurait pu être une bonne idée sauf qu'elles sont toutes en crop top et/ou en short. Donc clairement, pour moi, ça ne le fait pas.

Son histoire, c'est qu'il est là depuis 3 mois car il a suivi sa copine, qui s'avère être bipolaire et qui l'a mis dehors 4 jours après qu'ils aient pris un appart ensemble et qui essaye quand même de se remettre avec. Il a préféré se barrer ailleurs au Brésil et découvrir le pays. Demain il prend le bus pour Natal, trajet qui va durer TRENTE DEUX HEURES.

La musique a repris de plus belle dehors, bien qu'elle ne se soit jamais arrêtée. Sur les coupes de 20h30, je sors pour manger une tapioca, une espèce de crêpe à la farine de manioc (comme beaucoup de choses ici) que je choisis fourrée à la carne do sul (oh mon dieu que c'est bon ! De la viande du sud littéralement, donc qualité argentine. Je ne vais plus pouvoir m'en passer), au fromage et à la banane, parce que pourquoi pas. La garniture est excellente, la crêpe qui l'entoure est un peu bizarre.

Sur l'esplanade juste à côté, il y a un concert de hip hop, et sur l'autre juste en face, un concert plutôt samba et pop brésilienne. Avec que des chanteuses et danseuses en surpoids, mais quelle énergie incroyable, il faut croire que les Brésiliens ont un sacré cardio ! Tout le monde danse, ils sont à fond. Ils ont vraiment le rythme dans la peau, ici. Évidemment il ne m'en faut pas plus pour commencer à danser aussi. Ça fait du bien ! Malheureusement, on se prend fréquemment des averses et seulement quelques personnes continuent à danser sous la pluie pendant que la plupart va s'abriter tandis que le concert continue. Il y a un moment très sympa où elles ont fait monter des filles du public sur la scène et se sont toutes roulées des pelles entre elles.

Même si c'est cool, je commence à en avoir marre de me prendre tout le temps la pluie. Je rentre, mais de toute manière le concert est juste au dessus de l'hostel donc j'entends toujours la musique, jusqu'au bout !

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Jour 2: On n'est toujours pas  productive. 

Il fait encore gris et il pleut ... Il y a des choses sympas à voir autour de Salvador, comme Morro de Sao Paulo qui est un petit village avec une plage paradisiaque, mais à quoi ça sert avec un temps pareil ? Heureusement que j'ai déjà vu pas mal de plages paradisiaques dans ma vie et que je ne suis pas en manque ... Donc j'en profite pour me reposer, je lis le Lonely Planet pour avoir des infos sur Salvador, et vers 11 heures je vais juste à côté, visiter le Convento de Sao Francisco.

Il m'intéresse particulièrement car il a une histoire rigolote: les esclaves africains étant contraints de travailler à son édification, ils déformèrent les visages des chérubins, dotèrent les anges de gros sexes démesurés et des figures féminines furent représentées enceintes. Bien sûr, ces ajouts créatifs ont été enlevés depuis.

On voit clairement que les petits anges ont été délestés d'une part de leur anatomie. 

Le temps n'est pas génial, je me dis que je vais visiter la Casa do Carnaval da Bahia, mais quand j'arrive à la caisse je vois que c'est gratuit les mercredis. Ben d'accord, à mercredi alors. Je vais manger un Bobo de Camaroes parce que le nom m'inspire bien, hé ! Bon, Internet me vendait ça comme une espèce de curry avec du lait de coco, (...), c'est probablement vrai mais ça ressemble beaucoup à la moqueca. Je l'accompagne avec un jus de noix de cajou pour l'expérience, le serveur me propose du sucre mais je refuse pour avoir le vrai goût. Ben sans surprise réelle, c'est bizarre, et ça aurait été meilleur avec du sucre. Peu importe.

Je prends le métro pour me rendre dans le quartier de Pernambués et enfin espérer trouver un appareil photo numérique. J'aime bien le prendre de jour car il traverse des quartiers où les petites maisons un peu sales s'étendent à perte de vue sur les collines, presque entassées les unes sur les autres. Il ne s'agit pas non plus de réelles favelas car ce sont des maisons en dur. Mais ça a un côté assez fascinant.

Ah, en sortant de la rame, je me rends compte qu'on m'a ouvert la poche arrière du sac, ben j'espère que tu as aimé y voler du rien, mec. Ça me procure une sorte d'étrange satisfaction sadique. Donc ici, il y a un grand centre commercial, Salvador Shopping Business, qui est dans le quartier des affaires et qui est ouvert même si nous sommes dimanche aprem. Il y a plein de boutiques, mais comme d'habitude, pas d'appareil photo numérique. Et dans tout ce centre, seulement UN Reflex. C'est incroyable. Dans l'une des boutiques, je tombe sur un vendeur qui parle anglais, je lui explique mon souci, et je lui demande comment ça se fait que c'est si dur à trouver. Aucune idée, mais classiquement les gens commandent sur Internet, comme sur Amazon par exemple. Ah ! Mais le souci c'est qu'il faut peut être un numéro CPF pour commander sur Amazon Brésil. C'est sans fin. Il faudrait que je demande à l'hostel s'il y a des sites de vente d'occasion comme le Bon Coin, apparemment c'est possible mais il faut encore et toujours un CPF. Ce vendeur, qui s'appelle Enzo, est sympa. Il prend une pause de son boulot pour m'accompagner dans les magasins qu'il connaît et demander en portugais "voceis vendem camaras digitais?". Mais bon, sans succès. Il ne me demande pas des sous, lui, mais mon Whatsapp "pour savoir si j'ai réussi à trouver". Bon, il est jeune et sympa, c'est d'accord.

Bien, c'est un problème qui n'est pas réglé mais qui est plus ou moins terminé. Il va falloir se résigner à laisser tomber le plaisir de prendre des photos artistiques, ce qui est frustrant dans une ville photogénique comme Salvador. Dire qu'au retour des Cinque Terre j'ai eu la flemme de retoucher mes photos, ça ne me fait pas le même effet maintenant. Bon, je vais quand même faire de mon mieux pour faire un blog convenable ...

Avant de quitter le centre commercial, vu que c'est l'heure du goûter, je cherche quelque chose à manger et finalement je craque pour un açai version glace, avec ce qu'on veut comme topping. C'est plutôt bon mais je ne trouve pas ça extraordinaire non plus.

Je fais un peu de randonnée urbaine dans ce quartier sans trop d'âme, mais c'est agréable de marcher sans être embêtée et sans gens qui hurlent pour un oui ou pour un non. Le dernier en date étant un type qui, me voyant prendre une maison en photo, a crié "no photo! Danger! Danger !" pendant 5 minutes. Je ne sais pas sous quoi ils sont dans ce pays, sous crack ? Sous moonrock?

Je m'arrête à la laverie automatique que j'ai repérée, et pour commencer mon lavage et séchage je dois renseigner mes nom, prénom, date de naissance, genre, email, numéro de téléphone et si j'ai, CPF, et si je suis brésilienne ou non. Oh, mais c'est fini la CIA du Brésil, là ? Et après, vous allez pas retrouver mon voleur qui a été filmé et qui va vendre mon appareil en renseignant son CPF ? Il y a la wifi dans la salle, mais je ne peux m'y connecter que si je renseigne mon numéro CPF. C'est sans fin, Big Brazilian Brother.

Profitons en pour faire un point sur la situation sanitaire du pays vu qu'il semblerait que la variole du singe (la variola do macaco) sévisse. En France, on a entendu que Bolsonaro foutait que dalle pour la protection contre le covid, qu'il y avait zéro mesures, etc. Ben c'est faux. Il y a des distributeurs de gel hydroalcoolique partout, il faut porter le masque dans le métro, il y a des affiches pour se faire vacciner, certains endroits demandent le pass sanitaire ... On est au même niveau que la France, quoi.

La lessive finie, je me hâte de rentrer pour ne pas rater la caipi hour. Il y a deux Françaises, Josephine et Marion, et une Peruvienne Alessandra, on discute jusqu'à ce qu'un autre gars nous propose de sortir pour encore aller danser, vu qu'il y a une fois de plus un concert. Je remonte dans mon dortoir pour aller faire pipi et surprise ! Karl est encore là ! Il se trouve qu'au lieu d'avoir acheté un billet de bus, il avait acheté l'assurance du billet de bus seulement. Du coup, son voyage est remis à demain, et ce n'est pas trente deux heures en fait, c'est TRENTE SEPT. Du coup, il nous suit pour venir faire la fête.

Me revoilà au même endroit qu'hier ! Pour manger, cette fois ci, pas de tapioca mais de la carne do sol avec des frites, une portion moyenne qui est censée être une entrée (petisco). C'est évidemment très bon. Ensuite nous allons danser la samba, et nous nous faisons aborder par des gens qui dansent avec nous. Et tiens, il y a même le serveur qui m'a aidé hier qui est là et qui vient me parler. Il danse avec nous aussi, et tout est dans le fait de faire des petits pas, des petits pas, des petits pas rapides. Mais la musique s'arrête à 20 heures, c'est super tôt ! Donc, ce groupe nous invite à continuer la soirée ailleurs, dans une espèce de night club qui semble clandestin, mais c'est rigolo. Ils aiment tous beaucoup la manière dont je danse, à vrai dire moi aussi, ce sont des rythmes qui m'inspirent. J'ai laissé mon sac dans un coin pour mieux bouger, l'avantage de n'avoir plus rien à perdre! On ne reste pas très très longtemps, et on retourne à l'hostel pour continuer à discuter entre nous.

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Jour 3: Cachoiera

Nuit courte car j'ai mis le réveil à 5h30 du matin, ouh là là, qu'est ce que c'est que ce masochisme ? En fait, je vais prendre le bus pour me rendre dans la petite ville de Cachoeira, où se tient la cérémonie de célébration de Nossa Senhora da Boa Morte.

«Les gens parlent de l’esclavage d’une manière si naturelle… mais l’esclavage a été quelque chose de si grave que l’homme noir n’y croyait pas, et il n’a jamais cru à la libération non plus, le saviez-vous? Après avoir été asservi, il n’a jamais cru qu’il aurait la liberté. L’homme noir ne croyait qu’à la vraie liberté qui survient après la mort. C’est pour cela que la fête s’appelle « boa morte » (belle mort). Dans ce processus, l’homme noir demandait à mourir, car il pensait qu’en mourant, son esprit irait librement en Afrique. La mort, pour lui, serait la libération. C’est pourquoi que je dis: l’Afrique a toujours célébré la mort, la mort est un état de liberté. (…) »Valmir Pereira dos Santos, dans un texte contenu dans le livre « Nós Os Tincoãs ». La confrérie de Boa Morte représente donc la lutte des femmes noires. Les symboles de la Boa Morte sont en fait issus du passage spirituel d'Aiyé (la Terre) à Orun (le monde des esprits). Malgré ses airs, ce n'est donc pas une fête catholique.

Je suis crevée, mais en même temps j'ai choisi de venir à Salvador à ces dates exprès pour ça, et pour la cérémonie de demain aussi. Donc, ce serait trop bête de passer son tour.

Le trajet dure 2h30, jusqu'à la petite ville située dans l'arrière pays. Les paysages sont assez sympas, car le relief est plutôt vallonné avec des arbres tropicaux, alternant avec des plaines où paissent des vaches et des chevaux. Cela me rappelle un peu le Chiapas, à la frontière avec l'état de Oaxaca.

Le bus me laisse devant le marché municipal, et je me dirige vers l'Igreja Matriz, où se trouve la représentation de Nossa Senhora et où la messe va commencer. Oui, la messe, je vais assister à une messe, mais il y a une procession après. C'est probablement la première fois de ma vie que je fais un 15 août religieux. Il y a déjà pas mal de monde, je m'installe dans l'église, mais il semblerait que la messe ait été décalée à 11 heures au lieu de 10 comme annoncé. Une heure de sommeil de perdue ... Enfin, les irmas arrivent, parées de leurs jupes à cerceaux, leurs robes blanches et leurs multiples colliers et bracelets. Il y a aussi l'évêque du diocèse et son long bâton doré. Les gens chantent dans l'allégresse, c'est beaucoup moins solennel qu'en France. En revanche la messe elle-même est plus classique. Je m'étais attendue à quelque chose de différent. Comme je suis fatiguée, je reste assise en écoutant surtout les chants, mais je n'y reste pas jusqu'à la fin. Je préfère sortir sur le parvis pour attendre la procession à l'extérieur. Il repleut, il refait soleil, des rayons qui brûlent la peau car il fait lourd. Enfin, les cloches sonnent et tout le monde sort, même l'effigie de Nossa Senhora. Elle est belle, on dirait que sa chevelure est faite avec de vrais cheveux humains. La fanfare commence à jouer, et voici la cohue organisée partie défiler dans les rues de Cachoeira. Qui est une petite ville particulièrement charmante, force est de le constater lors de la procession. Une ambiance que j'aime toujours, des maisons coloniales rongées par l'humidité et la décrépitude, tandis que d'autres sont flamboyantes.


Le tour du petit centre ville terminé, Nossa Senhora rentre chez elle, à l'Irmandade da Boa Morte. Je vais manger, car je n'ai pas avalé grand chose à part un pao de queijo qui n'était pas terrible. Je rebrousse chemin pour écouter la fanfare au largo d'Ajuda, où les gens dansent comme à leur habitude. Je me promène aussi dans les rues, et au bord du rio Paraguaçu, qui sépare Cachoeira de Sao Felix, sa voisine.

La ville, tout comme l'état de Bahia, est le carrefour des cultures africaine, européenne et brésilienne native. De riches familles venant du commerce de tabac et de canne à sucre s'étaient établies là. Son nom complet était autrefois Ville de Notre Dame du Rosaire du port de Cachoeira du fleuve Paraguassu. Ou aussi la cité héroïque, du fait de sa résistance contre le Portugal lors de l'indépendance, notamment pendant la bataille du 25 juin 1882. En commémoration, le siege4du gouvernement de Bahia est transféré à Cachoiera chaque 25 juin.

Le temps est passé plutôt vite, la fatigue est un peu partie. Je reprends le bus pour retourner sur Salvador, et comme j'ai faim je prends un épi de maïs aux classiques vendeurs ambulants qui montent à chaque arrêt - j'étais partie dans l'idée d'en trouver et j'aurais été déçue si ça n'avait pas été le cas. Je ne comprends pas tout ce qu'ils disent donc je demande à ma voisine de m'aider. C'est une jeunette qui s'appelle Gabriele et elle parle un peu anglais, elle dit qu'elle est nulle mais elle ne se débrouille pas trop mal. On discute pendant tout le trajet, et on échange nos instas.

De retour dans le centre ville, il y a beaucoup moins d'animation un lundi, c'est bizarre. Ah si, il y a tout de même un groupe de percussions puis un groupe de samba sur l'une des places, avec les seuls restaurants ouverts. J'en choisis un où je vais pouvoir faire d'une pierre plusieurs coups et goûter plusieurs spécialités locales sur ma liste: des acarajés (comme des accras, quoi), du vatapé, du sururu et du caruru. Mais bon ... Autant les acarajés ça va, autant le reste ... me donne envie de vomir. Je crois que c'est le goût de l'huile de palme qui me pose souci.

Encore et toujours des percus.  

Heureusement, la garniture était incluse dans le prix, j'en ai pour 6 euros. Soirée peu animée aujourd'hui, je retourne donc tranquillement dans mon dortoir. Où la fille qui prend sa douche a oublié sa serviette sur son lit, et pensant que je ne suis pas là, elle sort de la salle de bains toute nue. Du coup je ferme vite les yeux, surtout pour elle ! Elle est mexicaine de CDMX, elle s'appelle Gladys. On discute un peu, il y a d'autres personnes qui nous rejoignent, mais l'ambiance est plus au chill qu'à la fête. Ça fait du bien, aussi, de toute manière il fallait bien que je me repose après cette longue journée.

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Jour 4: Omolu et Capoiera

Encore une célébration syncrétique ! C'est la fête de Sao Roque (Omolu), qui a lieu le 16 août. J'ai trouvé l'endroit, la date est la bonne, mais je ne suis pas sûre de l'heure, du tout. Le site web dit qu'il y a une messe à 7h (outch non), une à 11h et une autre à 17h mais il date de 2018, le doute est donc permis. Après avoir attendu une énième fois que la pluie se calme, je fais donc un saut à l'office du tourisme, et le gars peut me confirmer cette info. Je descends donc dans la ville basse par le fameux Elevador Lacerda que j'ai déjà mentionné plus tôt. De ce côté de la ville, c'est moins joli car plus moderne, mais il y a plus de commerces. Je galère un peu à trouver un arrêt de bus, car il y a des sens uniques, et finalement je monte dans un qui se rend vers Ondina, le quartier où se trouve l'église de Sao Lazaro et Sao Roque (ils font une colocation), pas du tout le bus que j'avais repéré mais il va bien plus vite. Même si le chauffeur n'ouvre pas la porte arrière à l'arrêt que j'avais demandé. Ah, oui, il y a de petits tourniquets dans les bus, à l'endroit où on paye, donc on ne peut pas aller à la porte avant une fois qu'on l'a passé. Bon, heureusement le suivant n'est pas bien loin. Et excellente nouvelle, enfin il y a du ciel bleu ! Je suis au bord de la mer, dans le secteur des plages, j'ai pris mes affaires au cas où. En fait ça a l'air bien comme ça, mais le soleil est un peu écrasant quand même.

Je trouve la fameuse église en question, elle est au sommet d'une petite colline, il y a donc une belle vue sur l'océan. Et quand j'arrive sur le parvis, il y a un sacré monde ! Il y a déjà du popcorn par terre du fait de la première messe, et des stands de nourriture. On peut aussi voir des prêtresses et prêtres qui apportent des bénédictions, avec de la sauge et autres. Et bien, moi, je me suis faite purifier par le popcorn. Moyennant 20 reales (4 euros) certes, mais tout le monde dans mon entourage ne peut pas en dire autant. Un peu de sauge en spray aussi, et une poudre sur mes poignets et mon cou. Bon, alors peut être que la routourne va tourner, j'ai aussi une feuille dans mon porte monnaie qui va m'apporter de l'argent. J'aimerais bien y croire.

La bénédiction par le popcorn

La messe commence, animée, mais je préfère laisser les vrais fidèles y assister pendant que je profite de l'ambiance si spéciale autour de moi. Au final, je pensais voir des gens habillés en orixas, mais ce n'était pas le cas. Il faudrait que j'assiste à un véritable candomblé.

Ça fait énormément de bien d'avoir enfin beau temps. J'en profite pour marcher le long de la plage, où les vagues de l'océan s'écrasent sur les rochers. Le chemin est parfois moyennement praticable mais empruntable tout de même, malgré les cris d'une bande de gens qui me voyant passer ont hurlé NO! NO! et j'ai compris qu'il ne fallait pas continuer, mais je les ai ignorés, ils ne me connaissent pas. La promenade est très agréable, et réveille mes envies d'exploration.

Je les mets toutes car ils sont dans des positions marrantes. 

J'hésite à me baigner à la Praia do Barra, mais j'ai peur de laisser mes affaires sur la plage, et de plus le temps revire un peu à l'orage, gris et vent. Je retourne donc à l'hostel pour profiter pour la première fois de la piscine, au son des percussions qui retentissent dans le Pelourinho.

J'en profite aussi pour réserver un cours de capoeira pour tout à l'heure, à l'école de Mestre Bimbe, soit le gars qui a fondé la capoeira de Bahia, ça ne rigole pas.

La fameuse capoeira! Ses origines remontent à 400 ans environ. Pratiquée par les esclaves africains de manière rituelle, elle est pourtant bannie des senzalas brésiliens (quartiers d'esclaves) par les européens mais elle est pratiquée clandestinement. Dans les années 20 elle est chassée des rues par la police montée. Le fameux mestre Bimba la convertit en danse une dizaine d'années plus tard. Cette école se revendique purement brésilienne, venant des plantations de Cachoiera, alors que sa rivale, la capoeira d'Angola de mestre Pastinha, est comme son nom l'indique plus africaine et moins violente.

Il est temps de s'y mettre. Ma prof s'appelle professora Formiga (comme la fourmi), et elle va me faire bosser intensément pendant 1h15. Elle m'apprend le mouvement de base, le ginga, qui fait passer d'un pied à l'autre en posant en arrière celui opposé à la jambe de terre, tout en tenant la garde en protection avec le bras opposé. La danse, ça aide, même si j'ai plus de mal sur la gauche. Comme je m'en sors bien, elle m'apprend vite d'autres mouvements, comme contourner l'adversaire, esquiver en se jetant au sol en fente (ouille, mon genou gauche douille), des coups rotatifs, et même la roue ! Ou sur la vidéo, un semblant de roue, car je suis restée en mouvement tout du long et la fatigue paralysait mes muscles. Mais je suis contentede voir que j'en étais capable ! En fin de cours, une autre fille me rejoint pour tester le roda, le combat en cercle. Il faut que nos gingas soient accordés, et ce n'est pas si facile, mais c'est rigolo ! Même si je suis épuisée, super expérience, qui me donne envie de recommencer si mon corps n'est pas trop douloureux demain.


Profiter à nouveau de la piscine pendant la caipi hour, c'est quand même un régal. Gladys est dehors, mais je rencontre Eden qui est israélienne et qui fait son voyage perso de fin de service militaire. Il y a aussi Anna, une Anglaise de la cinquantaine, et Whitney, une américaine qui est DJ à Puerto Escondido au Mexique. On n'est pas beaucoup à l'hostel ce soir. Je sors faire un tour dans les rues pour choisir un resto. Finalement, je tombe sur Anna qui elle veut aller boire un coup, et nous nous retrouvons en terrasse avec un concert de rock, ça change un peu. Le groupe passe au reggae ensuite, et je vais danser avec une dame un peu âgée. La magie de Salvador !

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Jour 5: Histoire et Candomblé 

Et bien comme prévu, tout mon corps est douloureux, mais particulièrement les jambes. Bon timing pour partir faire un classique walking tour ! Parce que quand même, ce serait bête de s'en priver. Tant bien que mal, je rejoins le point de rendez-vous pour retrouver Eduardo, le guide, que je n'ai que pour moi car je suis la seule à le faire en anglais.

Il serait temps de parler un peu de l'histoire passionnante de Salvador, puisque vous l'avez remarqué, la ville est marquée de tradition africaine, et bien évidemment on se doute qu'il s'agissait d'une ville spécialisée dans le commerce des esclaves. C'est Tomé de Sousa qui fonde la ville au 16e siècle. Au tout départ la région n'était qu'un point de passage et de ravitaillement pour les navires qui allaient jusqu'en Inde, mais ensuite le Brésil est devenu une colonie portugaise florissante, du fait des plantations de tabac et de canne à sucre. Les esclaves importés d'Afrique constituent bientôt la moitié de la population. La baie de Salvador, nommée la Baie de Tous les Saints, est alors un point stratégique que convoitent les Hollandais et les Français. Il faut donc créer une ville fortifiée, accessoirement celle qui va contenir le plus d'églises au Brésil. Elle devient la capitale de la colonie, seconde ville la plus importante après Lisbonne. Elle se crée une réputation sulfureuse de par, déjà, ses fêtes, et au 17e siècle elle acquiert le surnom de "Baie de tous les Saints et de presque tous les péchés" (presque !). En 1763, elle perd son statut de capitale car l'industrie sucrière décline, et c'est Rio qui prend le relais. Aujourd'hui, c'est la troisième plus grande ville du Brésil.

Nous remontons donc vers le Pelourinho pour commencer notre visite d'endroits intéressants, c'est sympathique mais plutôt anecdotique, difficile de tout retranscrire. On peut retenir qu'après son indépendance, le Brésil s'est inspiré de l'architecture française pour construire de nouveaux bâtiments. L'urbanisation est très disparâtre: squats, favelas (ou comunidades maintenant), immeubles, appartements de standing ... La fameuse fracture du Brésil. J'en profite aussi pour demander quelle drogue prennent les gens de la rue, et il s'agit bien de crack, de mauvais crack.

Nous faisons un saut à la fondation Verger, un photographe français, et nous arrivons à la Praça da Sé, où se tenait l'ancienne cathédrale qui a été relocalisée quelques centaines de mètres plus loin, comme c'est souvent le cas ici. Il y a une statue d'un évêque, Obispo Sardinha. Il avait été mandaté pour évangéliser les régions reculées du Brésil, mais il est tombé sur une tribu de cannibales qui l'ont mangé. "They ate Obispo Sardinha like a sardina", me dit Eduardo, provoquant mon fou rire.

Nous visitons aussi quelques musées gratuits comme l'ancienne banque où on trouve les anciennes monnaies brésiliennes, complètement instables autour de 1800 (cruzeiro, cruzeiro novo, cruzado, cruzeiro, cruzeiro real, real). Nous descendons aussi vers la fameuse place du pilori qui donne son nom au Pelô, et où Michael Jackson avait tourné le clip de They don't really care about us! On y trouve aussi la fondation Jorge Amado, qui a vécu en France et est devenu le protégé de Simone de Beauvoir. Ce tour est très agréable, vu le temps radieux ! Je demande à Eduardo s'il connaît quelqu'un qui ferait assister à de vrais candomblés dans les maisons. Il me donne le contact d'Armando, qui ne parle qu'espagnol, mais on va faire avec.

Comme je suis vraiment fatiguée, je rentre un peu me baigner dans la piscine pour me délasser les jambes (ça ne marche pas), me reposer un peu et manger un bout dans un restaurant buffet pas cher, mais délicieux. Seulement 14 reales pour ce que je prends, mais l'erreur stratégique a été de ne pas en prendre plus. Vers 15 heures, j'ai à nouveau faim, je veux grignoter quelque chose et j'essaye un acarajé sur la place .. Mais quand ça veut pas, ça veut pas. Le problème n'était pas le resto, c'est vraiment le goût qui me donne envie de vomir. Je vais donc m'acheter une glace, je tombe sur un homme maquillé qui fait la manche et qui se fait appeler Lady Butterfly. Je ne peux pas lui donner beaucoup d'argent, il me demande aussi à manger, et l'espace d'un instant j'avais oublié que j'avais gardé l'acarajé dans mon sac. En fait, parce que le plan initial était de l'offrir à Anna vu qu'elle avait payé une bière d'avance hier soir.

Sur ce, je vais donc visiter la fameuse Casa do Carnaval da Bahia, celle qui est gratuite aujourd'hui. C'est un musée interactif avec un audioguide où nous pouvons en apprendre plus sur les origines de la fête.

Pour une fois, ce sont les Européens qui ont importé la fête, avec des parades et des bals luxueux seulement pour les colons. Ils avaient aussi coutume de se lancer des bombes à eau dessus dans la rue. Les esclaves n'avaient pas le droit d'y participer mais se le sont donné malgré tout, ce qui a créé une telle débandade que les manifestations dans la rue ont dû être interdites. Plus tard cependant, ils purent à nouveau apporter leur contribution, notamment avec les afoxés (des groupes de musique liés aux traditions du candomblé) et des blocos afros. Dans les années 70, un duo de musiciens ingénieurs nommés Dodo et Osmar ont l'idée de créer des trios elétricos, des groupes de musique avec des instruments électriques qui défilaient sur des voitures avec des hauts parleurs. L'origine des chars ! Maintenant, ça a bien évolué. Au final, le carnaval de Bahia est, à juste titre, le direct concurrent du carnaval de Rio. Les groupes y jouent de l'axé (style qui signifie bonne énergie) et du pagode (de la pop bahianaise). On peut citer notamment le groupe Olodum, qui est aussi une fondation pour l'entraide dans la communauté noire.

Et maintenant, ne serait-il pas 17 heures ? Socialisation avec les nouveaux arrivant à l'hostel : Thea qui est suisse, Andrew qui est de Los Angeles. Anna et Whitney me proposent un drag show ce soir, mais le guide que j'ai contacté vient me chercher à 18 heures pour aller au candomblé. Je leur dis qu'il est possible que j'enchaîne les deux car c'est censé durer deux heures selon Eduardo (spoiler alert, il ne parlait que de la cérémonie, pas du reste). Celui qui vient me chercher, Armando, est un peu en avance. Nous faisons un saut sur la place principale pour récupérer un couple d'italiens, et nous voilà en route dans la ville. Nous récupérons aussi un "ami" d'Armando qui en fait va nous servir de guide. Il s'appelle Jorge, il parle anglais, français, italien, espagnol, portugais ... Tant mieux ! Et il est incroyablement sympathique et attachant. Il nous donne plein d'informations sur ce que nous allons voir, je ne peux malheureusement pas tout retranscrire tellement c'est dense, mais je vais essayer de résumer.

Le candomblé célèbre les orixás,qui sont des divinités d'Afrique de l'Ouest, particulièrement des Yorubas et que l'on retrouve dans le vaudou. Elles représentent les forces de la nature et ont chacune une couleur distincte. Et chaque personne a la sienne. Ce soir, le candomblé est donné en l'honneur de Yança (ou Oyá) , orixá de la tempête, car c'est la confirmation de trois membres de la communauté envers elle. Omolu, dont j'ai parlé il y a deux jours, n'est pas le dieu du popcorn mais celui des maladies contagieuses, donc basiquement le dieu du covid. Il est censé les guérir car il est lépreux. La cérémonie sera tenue par un prêtre de Damballa, l'esprit serpent, qui se pare de couleurs arc en ciel. Les prêtres de cet appartenance doivent être maigres.

Nous entrons dans la maison dédiée à la cérémonie, et je me demande bien où nous sommes car le gps ne me localise pas, il a perdu notre trace à partir d'Acceso Norte. Perdus au milieu de nulle part ! Nous avons le droit de prendre des photos avant que la cérémonie ne commence, mais évidemment pas pendant. Ce serait irrespectueux, déjà que nous avons la chance d'être là ... Il y a d'autres touristes, on ne sait pas trop ce qu'ils font ici.

La cérémonie commence par des percussions et des chants. Les participants dansent en cercle, chacun portant sa propre couleur. Ils ont une sacrée allure, et leurs chants gutturaux semblent transpercer l'âme, comme les tambours pénètrent le coeur. À l'unisson, comme tant d'individus formant une même entité. Lorsque les tambours s'arrêtent, ils se penchent pour baiser le sol, sur lequel on repère quelques tâches de sang. On ne s'en rend pas de suite compte, mais le rythme est de plus en plus rapide, c'est l'escalade. Et ça ne s'arrête jamais. Combien de temps cela fait-il, une heure, trois heures ? Difficile à dire. Il fait de plus en plus chaud, et les gens qui baillaient au début sont maintenant dévoués à la danse corps et âme, toute fatigue semble avoir disparue. Un nouveau palier d'intensité est passé. Et tout à coup, une femme se met à trembler, à se tenir la tête et part au centre du cercle en tourbillonnant, hagarde. Elle est en transe, et bientôt plein d'autres la suivent. Ils sont au moins une dizaine, certains les yeux révulsés, d'autres la bouche tordue, et encore d'autres crient tandis que la musique ne s'arrête jamais. On ne sait plus trop où donner de la tête et on ne peut que regarder la scène, sidérés devant toute cette agitation fiévreuse. Ceux qui ne sont pas entrés en transe dénouent les foulards colorés de la taille mais les renouent autour de la poitrine. Je crois comprendre que c'est d'une pour libérer l'énergie spirituelle, mais aussi en contrepartie, empêcher l'esprit de quitter le corps. Jorge me dit que c'est à peu près ça, mais que même eux ne savent pas toujours à quoi ça correspond. C'est extrêmement intense. Et puis, au fur et à mesure, ils quittent la pièce quand ils se sentent prêts, les yeux fermés, en tournoyant. Et puis, un dernier coup de tambour. C'est étrange, ce retour au calme. Je me sens vidée de toute mon énergie comme si j'avais couru 20 kilomètres. La communauté nous sert à manger, ouf car cela m'inquiétait un peu. Jorge va demander si c'est fini, et bien non. Nous choisissons de rester encore, et bien nous en a pris. Car la seconde partie va vous étonner. Non, vraiment, j'étais étonnée, je ne m'attendais pas à les voir arborer des costumes d'orixas. Et quels costumes ! Ils sont incroyables. Des peaux de bête, des chapeaux cousus de coquillages et de perles rappelant des pierres précieuses, des couronnes brillantes ... Et c'est reparti pour un round de transe, avec de plus en plus de ferveur. Cependant, c'est Jorge qui craque en premier, il se sent dépassé et nous dit qu'il est temps de partir. Retour à la vie réelle.

Un tout petit bout de vidéo, de dehors, juste pour le son.

Je me sens un peu hagarde, tandis qu'Armando me raccompagne à l'hostel. Oh non, j'ai encore mon acarajé dans mon sac ! Dans les ruelles vides pour une fois, qui font passer Salvador pour une ville fantôme, je me mets en quête d'un sans abri pour le donner. Mais il n'y a personne pour une fois. Personne, sauf Lady Butterfly sur la place! Parfait, justement la personne que j'avais en tête. Toute contente, je l'aborde en lui disant que je peux lui donner de la nourriture ! Tout ça pour qu'il me dise ... Qu'il ne mange pas d'acarajé. Quelle déception ! Je le donne à un vendeur, et je rentre.

Et bien, quelle claque cette ville. Ça me fait vraiment bizarre de partir demain, je me suis attachée à ces lieux malgré le départ du mauvais pied, que je suis en train de reléguer au second plan. C'est dire le pouvoir qu'a Salvador de Bahia, une ville si puissante qu'on ne peut pas passer à côté, forte, intense et inoubliable.

4

Sao Luis ça sera plus calme, qu'elle disait ... On va profiter de la fête à Salvador pour ensuite se poser, qu'elle disait. Que dalle, oui. Dès mon arrivée, je me fais aborder dans la rue par deux trois vendeurs insistants, je donne un peu de ma bière à un clodo qui récupère les restes de mon resto, et arrive un groupe de gens dont deux françaises qui parlent couramment portugais, Lulu et Sophie, qui m'invitent à me joindre à elles. Elles sont là depuis 7 mois car elles ont fait un PVT. Maintenant elles visitent, et elles se sont connues sur la route.

Des stands d'alcool partout, bemvindo a Sao Luis

Malgré le fait que je n'aie quasiment plus de cash, je prends un risotto aux fruits de mer délicieux. Nous bougeons ensuite, d'abord pour essayer d'aller voir les tambours - un groupe un peu comme Olodum mais d'une autre branche - mais il est déjà trop tard, ils sont passés. Nous nous inscrivons donc sur la guest list du Bar do Nelson, un bar hyper connu sur Sao Luis où on peut danser le reggae et qui ne fait des soirées que les jeudis et samedis: c'est l'occasion. Il faut par contre prendre un Uber pour y aller car c'est au bord de la plage. Le coin a l'air sympa, en tout cas, il faudra penser à y revenir en bus.

Sao Luis est connue comme le berceau du reggae brésilien. Dans le bar, l'ambiance est ... Et bien, reggae, mais à la différence près que les Brésiliens se le sont approprié comme une danse "collée serrée" romantique car ils n'avaient aucune idée de comment le danser. Moi je reste une heure et demie, et je commence à fatiguer. De toute manière le reggae c'est sympa, mais pour moi, pas toute la nuit non plus. Je rentre en un coup d'Uber et c'est officiel, je n'ai plus de cash ! Il va falloir remédier à cela.

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Jour 1

Quelle sera donc la galère d'aujourd'hui, je vous le demande ? Et bien, c'est de retirer de l'argent. Je ne crois pas l'avoir mentionné mais à chaque retrait de 1000 reales, Banco 24 horas prend une commission de 15% du montant, ce qui dans ce cas correspond à ... 30 balles. C'est une catastrophe, ça m'embête vraiment, ce n'est jamais arrivé que ce soit autant ! À Bradesco, ce n'est "que" 8,5% comme m'a dit Sophie. C'est honteux. Bolsonaro démission. Le pire c'est qu'il n'y a pas le choix ! Je me demande si avec ma fameuse formule de compte Monabanq aux frais gratuits, je ne pourrais pas faire quelque chose contre ça. Je cherche donc un atm Bradesco mais je n'en trouve nulle part ... J'essaye Santander: carte internationale refusée. J'essaye Banco do Brasil: carte internationale refusée. J'essaye Caixa: carte internationale refusée ! Petit coup de pression. Bon, pas grand chose à faire pour le moment à part mêler l'utile à l'agréable : en recherche d'un distributeur, j'en profite pour me promener dans la ville, avec ses façades décaties et ses magnifiques azulejos qui rappellent le passage des Portugais. Enfin ...

Sao Luis, construite sur une île bordée par le Rio Bacanga, le Rio Anil et l'océan Atlantique, est en fait fondée par les Français sous le nom de Saint Louis de Maragnan. Mais le projet de colonie française équinoxale ne tient pas, et les Portugais reprennent la ville. Elle tombe ensuite aux mains des Hollandais quelques années, classique. Ils finissent par s'en faire expulser. Aujourd'hui, le centre ville est classé à l'UNESCO pour ses belles façades d'azulejos, mais certains endroits tombent un peu en décrépitude. Le quartier nord, en bord de plage, est plus moderne.

Sao Luis est connue pour le festival du Bumba meu Boi, qui a lieu en juin et qui a des allures de carnaval. Le personnage principal est un boeuf, car au 18e siècle le bétail avait une importance capitale (comme maintenant d'ailleurs). La fête vient d'un conte folklorique: Mae Catirina et Pai Francisco sont un couple d'esclaves dans une ferme. Enceinte, Catirina a une petite fringale originale, celle de manger la langue du plus beau boeuf de la ferme. Francisco le vole à son propriétaire, et lui coupe donc la langue. Ils s'enfuient, le propriétaire jure de se venger, mais heureusement ils parviennent à ressusciter le boeuf ! En remerciement, le propriétaire organise une grande fête, d'où la tradition.

Comme d'habitude, j'aime cette ambiance de ville écrasée par le soleil équatorial et rongée par l'humidité. Bien que je me sente moi même un peu écrasée et étouffée, le premier jour sous des latitudes tropicales étant toujours un peu hardcore. Heureusement, il y a un peu de vent. Malheureusement, la piscine de l'hostel n'est pas disponible cet après midi car il y a un concert de reggae, et ils ont installé la scène SUR la piscine ! Ça sera pour demain, malheureusement je n'avais pris que deux nuits pour être flexible et demain c'est plein ... Mais le gars de la réception est ok pour que je squatte dans l'après midi si je libère mon dortoir. Ça aurait été trop dommage de ne pas du tout en profiter, vu qu'elle a l'air agréable.

Je finis par trouver un distributeur Bradesco, ouf, je peux retirer plus d'argent pour la même commission. En espérant que ça me tienne assez longtemps ! Peut être jusqu'à la fin du séjour si je peux payer plus facilement en carte pour les grosses dépenses.

Maintenant que ceci est réglé, mission laverie. J'embarque avec moi quelques fringues de Lulu, ravie de lui rendre service vu tous les bons plans qu'elle me file. Il faut que je retourne dans le secteur plage. Heureusement, le terminal de bus est très pratique car tout est très très bien indiqué. Et puis, une promenade en ônibus c'est quand même bien pour continuer à découvrir la ville de manière plus tranquille. La laverie se situe juste à côté de la plage de Ponta d'Areira et d'une petite cantinha avec vue sur la mer. Je mange une fois de plus comme une reine ! Et ensuite, une petite baignade pour se rafraîchir. L'eau est tiède, c'est très agréable, mais le sable crisse sous mes pieds et provoque une sensation étrange. Tout à coup, la jambe commence à me piquer. J'ai un peu peur qu'il ne s'agisse d'une bestiole, comme une petite méduse par exemple, et je préfère sortir. Pas grave, de toute manière il commence à faire gris et j'aimerais avoir un peu de temps pour me reposer avant le concert de ce soir ... Peut être même faire une sieste, qui sait ? Je m'en vais vite car j'ai posé mes affaires sur une table de bar, sans consommer, mais comme souvent je m'en sors (comme une crevarde) avec un "I don't speak Portuguese".

Et bien, il va falloir tirer un trait sur la sieste car le groupe est en train de faire les essais sons. Tant pis ... Vers 18 heures je ressors sur le square principal, où un groupe joue du tambor de crioula. Ils allument aussi un feu avant de commencer, pour appeler les esprits. Les femmes se lancent dans une danse virevoltante et endiablée.

Je retrouve Lulu et Sophie au bar, puis elles vont rencontrer d'autres brésiliens. Elles me proposent de rester, mais comme tout le monde parle portugais, ce n'est pas trop intéressant pour moi. Je vais manger des brochettes de viande, et les attend au concert. J'aurais eu une bonne dose de reggae !

La scène sur la piscine a l'air de tenir. 
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Jour 2

Il devient urgent de se reposer, surtout que je prends le bus demain après-midi. Heureusement, je n'ai plus grand chose à faire pour le moment, j'avais pensé au surf mais il vaut mieux que je mise sur Fortaleza pour ça. Je vais essayer de faire une soirée plus tranquille. J'organise aussi la suite du voyage, puis qu'apparemment il vaut mieux réserver les bons hostels par les temps qui courrent. Après le check out, j'ai le droit de rester un peu au calme, peut être pour profiter de la piscine ... Une fois qu'elle sera nettoyée, et après la pluie rafraîchissante.

Le repas de midi sera dans le resto self-service, 3 reales aux 100 grammes de nourriture. C'est vraiment un principe que j'aime beaucoup, pas besoin de savoir ce que ça veut dire, et vraiment pas cher. En revanche, il se remet à pleuvoir des cordes. Et j'ai laissé mon parapluie dans le backpack. Évidemment. En sortant, je cours m'abriter au Museo do Reggae. Entrée gratuite, petite visite courte. Ce sont surtout des photos de reggaemen, des collections de vinyles, des vêtements, un historique ... C'était mieux sur le papier. Mais au moins la pluie est en train de s'arrêter. Il vaudrait mieux donc aller chercher son parapluie, on ne sait jamais, ça pourrait retomber dru. Ou pas, maintenant que j'ai le parapluie avec moi. Ça sera évidemment la seconde option !

Le temps parfait pour boire une eau de coco. 

Il y a encore un endroit intéressant à visiter: la Casa do Tambor da Crioula, gratuite elle aussi. Ce sont des panneaux d'informations sur l'histoire et la signification des pratiques que l'on peut voir dans la rue. Tout est en portugais, mais j'en saisis le principal, et surtout grâce aux photos que je prends et à Google Lens, je peux en traduire la majorité.

Le Tambor de Crioula fait partie de l'identité culturelle de l'état du Maranhão, et son style se rapproche de celui de la samba. La danse batuque est, elle aussi, issue de la population afrobrésilienne. Elle est décrite comme "désordonnée" par les anthropologistes blancs. C'est une sorte d'obligation religieuse, souvent pour Averequete ou Saint Benoît par syncrétisme. Il s'agit donc d'une offrande. Les vêtements portés sont importants, certains les préfèrent simples pour faire référence aux origines, d'autres aiment le flashy. L'accordement des tambours se fait devant un feu, car le tambour a besoin d'y puiser sa force pour s'exprimer. Mais ce n'est que le début du Tambor, avant de jouer et danser, car ils vont ensuite se produire ailleurs.

Ça y est, le soleil revient. Après un peu de shopping pour m'acheter un tee shirt ésotérique stylé qui me fait ressembler à une voyante classe, je vais enfin pouvoir profiter de cette fichue piscine. Elle est vraiment très agréable ... Mais encore un peu sale, bien qu'elle ait subi un premier round de nettoyage. Au final, l'expérience dure juste ce qu'il faut avant que je ne préfère aller prendre une douche.

La soirée arrive, tout comme Lulu et Sophie qui reviennent ce soir. Elles me proposent de sortir tout de suite, mais de mon côté il est temps de partir m'installer à l'hostel de ce soir, maintenant que la température est plus agréable pour marcher avec le backpack sur le dos. Je traverse donc l'autre partie du centre de Sao Luis: celle qui craint encore plus. En effet, ne serait-ce que de jour, il plane un sentiment d'insécurité, et sur le chemin se trouve d'ailleurs un bar à l'allure glauque. Mon intuition me dit qu'il ne vaudrait mieux pas rentrer à pied par ce côté là, ce soir, si je veux conserver tous mes organes.

En ville, ça commence à bouger. Du jazz résonne dans la rue, et je croise les filles qui me disent "oh non t'as raté un truc de ouf ! Un défilé de gens avec des costumes de tarés". Oh non ... Déception. "Ils sont encore sur le square du Palacio si tu veux les voir !" Ah ! Et bien, allons y d'un pas décidé. Effectivement, ils sont toujours là.

Première réaction, en plus que d'être impressionnée: mais c'est QUOI ÇA ENCORE. Ça ne s'arrête donc jamais dans ce pays ? Non mais, je veux dire. Les concerts, les rodas de samba, les démos de capoeira, les processions, les rituels, le candomblé, le tambor do crioula, et maintenant, ces costumes de folie qui sortent de nulle part. Non mais franchement, le Brésil, quoi!

Le nom de cette manifestation est "encontró de cazumbas", ces derniers étant les esprits qui ont ressuscité le fameux boeuf de la légende (ah, les pièces du puzzle se mettent en place), et gros coup de bol, c'est la première fois qu'ils célèbrent de cette manière à Sao Luis. Ah, oui, d'accord ! Il y a quelqu'un qui porte une coiffe d'environ 3 mètres de haut ... Et ils ont mis des guirlandes lumineuses ou des leds ... Et leurs habits sont brodés de je ne sais combien de paillettes et sequins brillants ... Vraiment, les défilés, ça ne rigole pas ici. C'est une dinguerie.

Je retrouve les filles après avoir un peu erré et pris un Guarana Jesus, car pas d'alcool ce soir. J'ai déjà goûté du guarana, rien à voir avec celui qu'on connaît nous, c'est une espèce de soda sucré qui rappelle le goût de l'ice tea mais pétillant. Enfin, normalement. Pas en Maranhão. Ici, le guarana Jesus est une boisson avec 39g de sucres pour 350ml au goût chewing-gum. Ça cale, je regrette mon choix et je ne vais même pas le finir, sinon c'est le diabète assuré. Avec les filles, nous écoutons le jazz, mais crevées, nous arrêtons vers 22 heures. Nous nous disons au revoir, je les remercie pour tous leurs bons conseils.

Ça danse! 

Maintenant, il va falloir rentrer en vie, ça ne va pas être une mince affaire. Je décide de rentrer à pied par le fleuve car je suppose qu'il y aura bien plus de passage que dans ces rues bizarres où une fille que connaît Sophie s'est bel et bien faite agresser à l'arme blanche. Bon. J'ai fait le bon choix d'itinéraire, mais sachant cela je ne peux qu'être sur mes gardes. Tous les 50 mètres, je repère un point qui me semble sécure, comme un bus qui passe, un resto, une station service, au cas où il faudrait se mettre à courir. J'ai aussi mon guarana à la main que je peux jeter dans les yeux et qui pourrait faire office de bombe au poivre, acide, ou autre. Mais au final, je rentre saine et sauve. Pas aujourd'hui, faucheuse, pas aujourd'hui. De nouvelles aventures m'attendent demain, et pour les jours qui viennent.

5

11 jours, c'est peu pour voir tous les points d'intérêt du Nordeste, il va falloir faire des choix et c'est Atins qui va passer à la trappe car c'est un peu plus loin, même si facile d'accès en excursion.

Au revoir Sao Luis, donc. Ville étonnante, bien que moins vibrante et haute en couleurs que Salvador. Ville aux multiples visages, selon de quel côté du fleuve Anil on se trouve. Ville qui semble coincée dans un passé récent, au rythme du reggae plus calme que le son des tambours. Ville intéressante cependant, une autre petite perle de ce si grand pays.

Au moment de quitter l'hostel, je m'aperçois que le guarana Jesus que j'ai laissé ouvert dans la chambre a attiré des fourmis sur la canette. Ah ouais. Et une nouvelle petite contrariété émerge : j'ai perdu mon gel douche. Condensé, dans un contenant de 100mL, j'en avais encore pour deux semaines. Je regarde un peu partout mais on est dimanche, il n'y a rien d'ouvert. Peut être à la Rodoviaria, la gare routière ? Vôceis tem savonete liquida? Une bouteille de 500mL uniquement ... Il va falloir se rabattre sur un savon dur, pas une grande fan. Peu de choses sont ouvertes mais il y a quand même des restos, ce midi ça sera carne assada, qui est en fait de la viande façon pot au feu qui laisse des bouts entre les dents. Je donne les fejoas (les fèves) aux gens de la table à côté de moi, ils apprécient. Puis, le bus arrive, il part à l'heure. Enfin, un vrai trajet pour voir du pays, c'est parti pour 5 heures jusqu'à Barreirinhas.

La route est très belle, avec de la végétation tropicale, de petites maisons cachées entre les arbres, et de magnifiques fleuves bordés de mangroves. On n'est pas dans la jungle, mais pas loin. J'ouvre la fenêtre pendant le trajet car de toute manière il fait chaud malgré l'aération, mais à la pause je me fais engueuler par le chauffeur. Hey elle a qu'à mieux marcher ta clim, mon gars. Puis, il commence à y avoir du sable en bord de route, présageant le désert que je vais voir demain. Le soleil se couche et le paysage s'embrase de rouge quelques instants.

Nous arrivons de nuit à Barreirinhas, je ne sais pas du tout s'il y a une rodoviaria donc je descends un peu au hasard, proche de mon hostel. Il est un peu loin du centre ville. Une des premières constatations sur l'endroit: ça fait du bien de se sentir en sécurité, ce n'était pas arrivé depuis Sao Paulo. Les gens semblent plus zen, la sensation d'être potentiellement observée est moins oppressante, on voit surtout des personnes se baladant tranquillement en scooter ... Ça fait du bien. Mais petit coup de panique quand j'arrive à l'hostel: la climatisation ne semble pas marcher et le dortoir est un four. Ça m'embêterait de mal dormir et de hurler parce que je fais des cauchemars. Heureusement les Américains qui sont là me disent que la dame l'allume vers 22-23h seulement pour la nuit. Et la wifi est mauvaise ! Ah, non, il y a un spot pour en bas, et un spot pour l'étage. Rassurée, je descends en centre ville pour manger. Les restaurants les plus intéressants sont en bord de rivière, il y a une ambiance sympathique - et musicale comme d'habitude - mais cela vaudrait la peine de voir le panorama de jour aussi. Je choisis un resto où je vais pouvoir tester des sushis brésiliens, sans trop d'attentes. C'est la bonne solution, car bon, ils ne sont pas mauvais mais ce sont des sushis brésiliens, quoi. Tout sur le poisson, quasiment pas de riz, et surtout pas de mirin ou alors on ne le sent pas. Par contre, le plat me permet de goûter du poisson pêché dans le fleuve Preguiças, qui traverse Barreirinhas, et c'est délicieux. Je prends un milk shake à la goyave avant d'aller me poser dans mon dortoir, car demain grosse journée d'excursion.

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Barreirinhas

Moyennement dormi, malgré la température plutôt correcte du dortoir, le sommeil n'était déjà pas constant mais pire, à 4 heures du matin nous entendons un français hurler en bas, enfin, il avait une conversation "normale" mais l'alcool et/ou le joint lui ont fait oublier l'heure. Il réveille tout le monde, j'attends un peu avant de peut être intervenir et passer pour l'héroïne des Américains, mais au final il part se coucher. Trop tard, le mal est fait. Heureusement, j'ai jusqu'à 8 heures pour me reposer et en dormant par tranches d'une heure, ça va.

Après le petit déjeuner, le guide vient nous chercher, une famille de Sao Paulo et moi pour l'excursion dans les Lençóis Maranhenses, le fameux site que je suis venue voir ici. Ils sont sympas les gens avec moi, la fille Barbara parle un peu anglais, elle est là avec sa mère et sa grand mère, et Felip un ami, qui bien qu'il ne parle pas bien anglais, il essaye, et il est vraiment marrant. Il essaye de prononcer des mots en français et nous arrivons à avoir une vraie discussion sur le surf. Je dois dire que j'aime beaucoup les Brésiliens, ils viennent me parler, ils s'intéressent à moi, ils essayent de communiquer même si je galère. J'aimerais savoir parler portugais, leur langue chantante qui me régale l'oreille. J'ai l'impression qu'il y a de plus en plus de mots que j'arrive à comprendre. Maintenant, je connais "bode" (bodji), qui veut dire "bêêêêh" selon Felip, et nous parlons de bode car c'est une option pour le restaurant de midi. Bode ao leite de coco. Oh mon dieu. Mais il s'agit d'un plat long, pour 4 personnes, et pour une excursion touristique avec autant de buggies qu'il y en a ce matin, il faut choisir des plats de base. Ça sera poisson frit et crevettes à l'ail, miam.

En attendant, nous arrivons au point où nous devons prendre le mini ferry pour traverser le fleuve Preguiças. Tous les buggies se garent, sans les gens dedans, non les gens sont debouts à côté. Pourquoi pas. Une fois de l'autre côté, la route devient plus ... Chaotique. Nous sommes secoués "comme sur un chameau", pas besoin d'avoir l'expérience du buggy dans les dunes ! Nous passons régulièrement dans de petits cours d'eau, ou des flaques, "c'est ça la Lagoa Azul" me dit Felip.

Et enfin, après ce qui a dû être 20 minutes de route secouante, se profilent les premières dunes, constrastant avec la végétation alentour. La frontière est on ne peut plus nette. Le buggy a l'amabilité de nous monter tout en haut de la première dune, pour une vue panoramique sur les lagunes de la Lagoa Azul qui font de ce désert un lieu d'exception. Et oui, il y a bien de petits lacs turquoises entre deux dunes d'ivoire. C'est unique. Et en plus, on peut s'y baigner.

Felip n'hésite pas à faire un roulé boulé depuis le haut de la dune pour finir dans l'eau. Moi, un peu plus, non pas par peur évidemment, mais parce que me retrouver à manger du sable et en avoir plein les cheveux sans arriver à le faire partir pendant trois jours serait ennuyeux. Donc j'opte pour une baignade. L'eau est d'une délicieuse tiédeur, fort agréable malgré le fait qu'il ne soit que 10 heures du matin (et je ne suis normalement pas du matin). Malgré également le fait que le fond soit vaseux et qu'un banc de petits poissons me tourne autour pour venir me faire une pédicure improvisée. Finalement, je tente l'expérience "machine à laver" mais pas du haut de la dune ... Plutôt de petits essais pour rouler sur les coudes et ne pas finir avec le visage "comme une empañada". Et bien même avec ma manière, ça tourne déjà trop quand j'arrive dans l'eau. Bof bof.

Le guide nous emmène ensuite dans la lagune juste à côté, pour un autre point de vue et une autre baignade. Le soleil tape fort, je me retartine d'écran total. Ce qui ne va pas empêcher mon visage de rougir quand même ...

Il est temps d'aller déjeuner. Le buggy nous promène encore dans les petits sentiers où nous croisons des quads, cela doit être un sacré terrain de jeu. Cette promenade est plutôt rigolote, à être secoués dans tous les sens. Je constate qu'il y a des gens qui habitent directement dans le parc naturel, car il y a pas mal de petites maisons, en dur en bois ou en paille. Un remake des trois petits cochons. C'est vraiment se trouver au beau milieu de nulle part, entre les dunes et les marécages. Finalement, nous arrivons au restaurant. Nous nous retrouvons avec trois autres personne dont José qui parle un peu français. Ils aiment bien avoir l'occasion de parler français ... Et il y en a partout ici, ça tombe bien. Nous nous régalons avec du poisson, des crevettes, du riz et de la "vinaigrette" qui est en fait un accompagnement de vinaigrette certes mais avec des dés de tomates et oignons. Parfait.

Maintenant, seconde partie de l'excursion : la Lagoa Bonita. C'est reparti pour des secousses, tandis que nous délogeons de jolis petits oiseaux marrons et oranges de leurs branches, et même un coati qui esquive le buggy ! Nous voici maintenant au pied de la dune, aménagée avec un escalier car sinon il serait bien compliqué de la gravir. Julia, la mamie de la famille, peine un peu à monter mais elle veut y arriver et ne pas totalement se faire aider. Cependant nous sommes tous attentifs à ce qu'elle ne tombe pas. Arrivés en haut, le panorama est une fois de plus spectaculaire ! Mais il faut marcher un peu plus dans le sable pour accéder aux lagunes. Felip a la bonne idée d'utiliser son tee shirt pour se faire un look de bédouin et se protéger la figure. Je l'imite, vu qu'apparemment l'écran total ne daigne pas faire correctement son effet. Et une brûlure du visage en plein désert, avec la réverbération du soleil sur le sable, ça pardonne zéro. Nous faisons un premier arrêt dans l'une des lagunes, où nous sommes quasiment seuls, très bon timing de la part des guides. Il y a tout de même un vendeur ambulant qui vient nous proposer des sacolés, des espèces de sorbets type Mister Freeze. J'en choisis un au cupuaçu, un fruit d'ici. Le flot de touristes finit par nous rejoindre, et nous bougeons. Je revêtis la panoplie de bédouine, surtout que nous allons rester une heure sur place, et au lieu de me baigner tout ce temps, je préfère faire des time lapses des mouvements du sable et de l'eau des lagunes. C'est tout un processus, mais c'est rigolo, et ça rend bien. Il faut juste avoir le temps de prendre entre cinq et dix minutes de vidéo.

Time lapse 1 
Time lapse 2 
Time lapse 3

Il y a du vent, et comme je suis assise dans le sable, je finis par en être recouverte malgré ma protection. La chaussure qui me sert de trépied aussi. Et mon sac, aussi. Je cherche d'autres points stratégiques pour en refaire quelques uns, puis je vais marcher un peu dans le désert, seule, à l'aventure, comme une badass. Enfin, l'effet s'estompe vite car je suis loin d'être seule ici. L'heure tourne, et je vais tout de même me plonger dans l'eau avant le prochain rendez-vous avec le guide à 17 heures, en haut de la dune. Nous allons attendre le coucher du soleil et profiter de la superbe golden hour qu'il nous offre. Une lumière dorée et rougeoyante sur les dunes ivoire et les eaux turquoises des lagunes. Splendide. C'est dans des moments comme celui ci qu'on se dit que notre monde est tout de même magnifique.

Je récupère du sable de ce lieu magique dans une bouteille en plastique. Non parce que je n'en avais pas assez sur ma face ... Dans mes chaussures ... Dans mon sac ... Entre mes dents ... C'est pas drôle sinon.

Ça y est, il est temps de rentrer. Enfin, on va encore aller faire quelques cahots de nuit dans les sentiers, parce que pourquoi pas, après tout ! Moi, ça m'amuse. Mais il faut bien finir par rejoindre le ferry. Je commence à avoir faim, alors je craque pour une coxinha car ça fait longtemps, quand on y pense, chez El Rei de la Coxinha et franchement, presque, oui. Elle est délicieuse. Le ferry arrive, nous rentrons à l'hostel. Il y a un Français qui est arrivé dans le dortoir, il me pose plein de questions sur les excursions ici, et comme il arrive de Rio on échange des bons plans. Quelle journée bien remplie !

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Parnaiba

Aujourd'hui, c'est départ vers 11 heures pour Parnaiba, avec une longue escale de 3 heures à Tutoia, une ville sans trop d'intérêt. Parnaiba est proche du delta du même nom, on peut y faire du bateau, voir des dunes et des oiseaux, et on me l'a conseillé. Ça peut être sympa ! Et surtout il sera bien plus facile de rejoindre la prochaine étape une fois là bas. Bon, quand je dis que Tutoia a peu d'intérêt, vraiment ... Je comptais trouver un restaurant mais arrivée sur place, tout est fermé. Il y a un groupe de personnes qui ne souhaitent pas attendre le bus de 16 heures et qui veulent prendre un taxi collectif pour seulement 15 reales de plus que le bus, vu la situation je suis partante. Sauf que le temps d'aller aux toilettes et de revenir, ils ont négocié avec le taxi et il y avait une personne en trop, qui est donc moi. Moi qui n'ait pas de 4g sur mon tel, qui ait un bon mal de dos à cause du sac, qui ait mal au bide à cause des règles qui arrivent, et qui ne parle pas portugais. Cimer les gars. Déçue, je m'en tiens cependant au plan initial, et je cherche tant bien que mal un restaurant sous la chaleur écrasante et mes lombaires qui rouspètent. Au final, je trouve une petite cafétéria, au frais, avec de la wifi et des filles qui essayent d'avoir une conversation avec moi, Rosia et Juliana. Elles sont marrantes, heureusement j'ai Google trad et j'essaye de prononcer les phrases. Finalement, c'est une rencontre assez sympa. C'est quand même rigolo comme les Brésiliens s'en fichent de la barrière de la langue et essayent quand même de communiquer autant que possible.

Le bus arrive enfin, et trois heures plus tard me voici à Parnaiba. J'ai la flemme de prendre un taxi, je marche donc pendant 40 minutes car j'ai mieux réparti le poids de mon sac et je l'ai à nouveau réglé, ça va beaucoup mieux. C'est long, mais c'est de nuit, et j'ai besoin de faire de l'exercice. Arrivée sur place, je pose mon sac mais je commence à me sentir patraque, avec envie de vomir. Probablement une hypoglycémie vue la situation et le peu que j'ai mangé à midi. Je regarde les excursions pour demain: soit un tour de bateau classique de 8h à 15h, soit la Revoada dos Guaras qui est l'embouchure du delta sur l'océan, où on peut voir des envolées d'oiseaux rouges au coucher du soleil. 250 reales cependant, 40 balles. Bon, je vais plutôt partir sur cette option là, maintenant qu'on est là ça serait bête de passer à côté. Oui, sauf qu'en fait c'était pas une hypo, c'était une intox alimentaire qui m'a bien fait douiller, avec des malaises, des frissons et de la fièvre. Autant dire que le lendemain, faire du bateau semble être une très mauvaise idée, et c'est journée immobilisée au lit, seule sortie pour aller acheter quelque chose de mangeable au vu des conditions, genre, du riz. Mais quand même un yaourt à boire aussi. Et des crackers car c'est ma meilleure technique pour me remettre des turistas. Au final, j'ai éliminé toutes les cochonneries que j'avais mangées ces derniers temps, ça tombe le jour d'une excursion qui me hypait pas forcément, c'était ni dans le bus ni pendant que je marchais, et ah ! Juste avant la coupure d'eau de la seconde soirée. Ça va, je le vis bien, y'avait pas meilleur moment pour que ça arrive. Positive attitude, toujours.

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Jericoacoara

Du coup ! Maintenant qu'on est plus ou moins sur pied, direction Jericoacoara. Avec un bus qui part à 7h15 de Parnaiba, et une correspondance de deux heures à Camocim et non pas à Granja comme je le pensais au départ, mais j'ai bien fait de demander au guichet. Le bus de la compagnie Guanabara est très confortable, j'aurais même pu avoir de la wifi pendant le trajet si le réseau ne demandait pas encore ce putain de CPF sans aucune autre option. Nous passons dans une ville, Chaval, qui semble assez originale car elle est entourée de gros rochers ronds. Apparemment il y a des grottes, dans lesquelles ils ont aménagé des chapelles. Ça ne vaudra jamais Dambulla au Sri Lanka.

Depuis Camocim, où il n'y a pas grand chose non plus, il y a l'air d'y avoir des minibus qui se rendent à Jeri, je les void passer devant la rodoviaria, venant d'ailleurs. Mais j'ai déjà mon billet pour le bus, et j'ai la flemme de chercher où les prendre, et en plus ils vont être un peu plus cher. On reste sur le plan A, attendre deux heures ce n'est pas la mort et il est encore tôt, c'est moins pénible qu'à Tutoia. Le temps d'écrire le blog et de trouver des cochonneries mangeables comme des petites gaufrettes fourrées au chocolat, ça passe vite. Oui, il faut bien se réalimenter, bien que je sois contente d'avoir perdu mon "bourrelet du Brésil" pour le moment.

Une petite ville random du Brésil. 

Sur ce, le bus arrive. Deux heures plus tard, nous voilà à Jijoca de Jericoacoara. Évidemment, il y a pas mal de chauffeurs qui nous attendent pour nous faire monter dans les "jardineiras", le nom officiel de ces 4x4 pickups avec des sièges de buggies. Une taxe d'écotourisme doit être payée pour entrer dans le parc et aller faire du quad et du buggy puis se baigner dans les piscines le soir puis dormir dans nos dortoirs climatisés. Cool. Il ne nous faut pas moins de 45 minutes pour atteindre Jeri: ça secoue non seulement sur les pavés, mais aussi lorsque la voiture arrive dans le sable. Elle se faufile entre les trous, les bosses et les dunes, après un petit passage dans la forêt. C'est impressionnant et "pittoresque", comme qui dirait. Il n'y a avec moi que des touristes brésiliens, toujours très peu d'étrangers. Ils ont peur de venir à cause de la situation sanitaire alors qu'elle n'est pas mieux ailleurs, au final.

Nous atteignons Disneyland Jeri et le chauffeur peine à trouver les différentes pousadas et hostels que nous lui indiquons, mais au final, ça le fait. Moi, je suis au Frida Hostel, "exclusivement réservé aux femmes", et il a la bonne idée de demander où se trouve mon petit hostel de lesbiennes à tout un groupe de mecs qui se mettent à rire, probablement à faire des réflexions. Bravo, gars ! Je suis accueillie par Jio, gay jusqu'au bout des ongles, chaleureux et utile dans ses conseils. Je réserve un tour avec lui pour demain, j'ai envie de conduire un quad. Apparemment je n'ai pas trop le droit d'en louer un en autonomie, quel dommage car toutes les rues ne sont que sable et je sens que cela va être fatigant, étant donné que l'hostel est un peu excentré.

Dans mon dortoir, il y a une fille que j'ai déjà vue quelque part, qui parlait français. Elle se souvient m'avoir vue à Barreirinhas et comme j'étais dans ma bulle sans trop parler à personne ou à essayer de baragouiner en anglais, elle a cru que j'étais Américaine. Évidemment, c'est ma nationalité refoulée. Je la laisse pour le moment car il est 14h30 et j'ai faim. Je vais un peu explorer les environs.

Oui, Jeri c'est très mignon. Mais ça n'a évidemment rien d'authentique. On se promène dans un décor d'Instagram, avec des restaurants qui rivalisent de style photogénique. Sans compter que les prix sont un peu plus élevés que la moyenne. Dire qu'il s'agissait d'un petit village de pêcheurs isolés! Il doit y avoir une bonne ambiance, alors. Vers 17h45, le soleil se couche: il y a des jours où l'on peut apercevoir le fameux rayon vert. Et bien, pas ce soir, malgré toute la foule rassemblée. Maintenant, je vais tenter de me baigner. Je dis bien tenter, car pour accéder à l'eau il faut traverser tout un énorme tas d'algues puantes. Oui oui. C'est ça le "paradis" de Jeri. J'ai vu des gens le faire, c'est que ce n'est pas dangereux pour la peau malgré les insectes qui grouillent autour ... Première tentative, non, c'est trop dégoûtant. Deuxième, je cours le plus vite possible et là, j'atteins l'eau. Qui est aussi plein d'algues. Et qui pue, par la même occasion. Ça valait bien la peine, tiens, en plus il faut repartir en sens inverse. L'expérience est loin d'être agréable, je vais m'en tenir à la piscine qui est bien mieux, même si maintenant il fait nuit. Sur ce, la nana de tout à l'heure revient, elle s'appelle Valentina et elle vit à Hambourg. On décide d'aller boire un verre ensemble ce soir. Il y a de la musique live sur la plage, mais rien de bien extraordinaire.

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Doux réveil dans les draps roses sensation satinée, très agréable. Ce qui l'est un peu moins c'est de voir les fourmis affamées qui tentent de manger le petit déjeuner sous cloche. Mon gateau va être vivant. À pile 9 heures, j'ai tout juste le temps de dire au revoir à Valentina pendant que nous parlions du fait que "les guides ils disent 9 heures mais bon ils sont là vers 9h30, on n'est pas pressées". Le mien ne parle pas un mot d'anglais, mais heureusement que Google translate a fait des progrès et que la couverture 4g du Brésil est excellente. Au moins on peut communiquer un minimum ! Je suis seule avec lui pour aujourd'hui, personne d'autre ne veut claquer des sous pour faire vroom vroom sur un quad dans les dunes. Et du coup, comme il n'est pas sûr que je sache conduire un quad toute seule parce que la misogynie latente a encore de beaux jours devant elle, il monte derrière moi alors que j'aurais adoré avoir mon quad uniquement à moi. Bon, je critique, mais en fait j'ai conduit un quad une fois y'a 20 ans à mes 12 ans et ça s'était très bien passé, mais pas depuis. Juste des scooters et des petites motos, donc une fois la bête apprivoisée ça devrait le faire. Il faut surtout que je m'habitue au passage de vitesses et aux mouvements amples pour tourner, mais dans l'ensemble ça vient vite et je suis rapidement à l'aise.

Allez, allons mater les dunes. Ce qui est agréable avec un quad, c'est que contrairement aux scoots, on a confiance et on est sûre qu'il ne va pas se renverser au premier virage dans le sable, donc même si ça patine on peut y aller. Et ça, j'y vais. C'est rigolo comme sensation même si ça ne va pas assez vite. Heureusement, nous arrivons bientôt sur la plage et là, c'est parti, on passe la cinquième et on fo-o-o-on-ce. 70 km/h maximum, le vent dans les cheveux, je ne sais pas ce que pense le gars derrière moi mais peu importe. Je dépasse les jardineiras et les buggies, j'éclabousse les roues d'eau de mer. Ça bouge moins qu'en deux roues mais c'est chouette, et le paysage est splendide. Le seul souci c'est peut être la fréquentation, quoi que nous ayions un peu d'avance pour l'instant. Mais 10 kilomètres à cette allure, ça passe bien trop vite. Nous voici arrivés à Guriu et nous devons franchir le fleuve avec des minis ferrys encore plus petits que ceux des Lençóis, on n'y tient qu'un ou deux quads.

Ce tour est plein de DLC, on peut faire différentes activités à condition de payer en plus. Je choisis de faire le tour en barque pour aller voir les hippocampes, 30 reales de plus. Nous allons dans une petite mangrove et les guides attrapent un hippocampe dans un bocal le temps de nous le montrer, et le relâchent ensuite. C'est pour cette raison que c'est un "ecotour", mais on va dire que sur une échelle de 1 à Into the Wild, on est sur un 4,5. Le malchanceux hippocampe tournoie dans sa prison de verre, sans savoir qu'il va devenir une star d'instagram et qu'il aurait pu faire une carrière d'influenceur. Heureusement que c'est pour peu de temps. Après, il est très intéressant de le voir de si près, on peut voir ses petites branchies s'agiter, sa petite tête étrange ... C'est un moment spécial. Bon, il est temps de le relâcher et de repartir.

Prochain arrêt : Mangue Seco. Un paysage asséché comme son nom l'indique, probablement une ancienne mangrove dont l'eau s'est retirée au vu des arbres qui semblent maintenant déchiquetés par le soleil et le vent. Un paysage de désolation. Enfin, ça le serait s'ils n'en avaient pas fait un spot instagram. Il y a des filles qui se font prendre en photo sur toutes les balançoires et autres installations qui font la photo parfaite. Ouais, hyper authentique. J'arrive à trouver des coins qui ne sont pas pris d'assaut: au naturel, c'est beaucoup plus beau.

Nous repartons, et pour peu il y aurait des embouteillages. Nous repartons faire un petit tour dans les dunes, à la recherche des sensations fortes qui m'ont été promises. Nous arrivons proches de Tatajuba, où tout en haut des dunes, je vais lancer le quad pour le laisser dévaler la pente. Je dois laisser la seconde et ne toucher à rien, du coup ça va un peu vite, mais ça pourrait aller tellement plus fort, là il y a zéro danger. C'est rigolo, je ne dis pas, mais l'adrénaline n'est pas trop au rendez-vous. Nous avons deux ou trois descentes comme celle ci, et la dernière est un peu plus raide ! Le guide m'attendant en bas pour me filmer, je me retiens d'accélérer, sinon c'est lui qui va flipper.

Il y avait aussi la possibilité de faire un toboggan en plastique installé dans une dune et atterrissant dans une petite lagune, mais 20 reales de plus, pas intéressant. Maintenant, c'est l'heure du repas, au bord du Rio Pesqueiro. Il y a des restaurants avec des tables les pieds dans l'eau, et des hamacs dans la lagune, c'est très agréable. Cependant, le repas est cher. Ils proposent des poissons qui ont été péchés à côté, mais les prix sont assez élevés et les bestiaux très gros, c'est fait pour deux personnes au moins. En plus je ne comprends pas trop ce qu'on me dit ... Heureusement à la table d'à côté il y a un couple de Recife, Alex et Sandra, qui parlent anglais. Ils m'aident à choisir une assiette de petisco avec du poisson pané à la place, ça revient moins cher. Mais c'est quand même gros, du coup je leur en donne un peu. 20 euros pour ça, maintenant je ne paye qu'en carte. Je profite un peu de la baignade, mais en étant toute seule et en ayant une très mauvaise wifi, c'est vite ennuyeux. Du coup, je demande à repartir relativement tôt par rapport au reste des groupes. J'ai espoir de pouvoir faire plus de quad, en prenant peut être d'autres chemins ... Mais il ne veut pas. Je suis un peu dégoutée et je me dis que ça aurait été vraiment, vraiment sympa de me louer un quad seule et de faire plein d'allers retours sur la plage à fond pendant toute la journée. Mais probablement que même en suivant les traces de pneus, j'aurais voulu m'aventurer hors piste, me connaissant. Peut être que ça aurait mal tourné. Peut être que ça aurait été glorieux. On ne le saura jamais.

Étant rentrée bien tôt, je profite de la piscine et vers 16h, comme je constate que le temps se couvre un peu, je me dis que c'est le meilleur moment pour une rando malgré la fatigue après-coup que procure le quad. Le point principal d'intérêt est la Pedra Furada, à 30 minutes au-delà de la colline. Il y a du vent, comme toujours à Jeri semble-t-il, et la température n'est que de 28 degrés, temps parfait. Et surtout, ça fait du bien de marcher sur un terrain un peu ferme et pas sans arrêt dans ce sable à la con, ça en devient épuisant. Il y a de beaux points de vue sur le village et sur la mer, et sur la fameuse roche en contrebas, donc ... Où quand j'arrive, il y a la queue. Littéralement la queue pour prendre la photo souvenir. Bon, j'arrive à me glisser et à trouver un angle sympathique en esquivant les gens, tout est affaire de timing. Mais le soleil qui va bientôt se coucher n'est même pas dans l'alignement. De toute manière, comme il y a des nuages, le coucher ne sera pas exceptionnel.

Il devait y avoir de la samba ce soir à l'endroit des petits stands d'alcool, il n'en est rien. Il devait y avoir de l'électro au Nox, il y a du jazz. Et danser sur de l'électro, ça commence à me manquer quand bien même leur musique est entraînante et plus sympa que le reggaeton. Ce n'est pas si facile de trouver une soirée sympa, en fait, en plus les bars ferment à 22 heures ou à minuit, ah oui je comprends mieux le fameux concept des afters qui ne sont pas vraiment des afters à ce compte là. Dans les restos, il y a de la musique live, mais ça ne me branche pas. C'est mou, ça me donne envie de dormir. Je tente quand même de rester tard, et le Nox était censé arrêter son jazz et passer au DJ à 22h30, mais à 22h45 on y est encore et je ne vais pas payer 20 reales de plus pour peut être une heure de dancefloor ! Quand ça veut pas, ça veut pas. Ce n'est pas vraiment une destination faite pour les voyageurs solos, il pourrait y avoir un party hostel pour le coup mais on dirait bien que ce n'était pas le cas. Le mien est chouette mais trop calme et en plus c'est dur de trouver des gens qui parlent anglais. Bilan des courses: Jeri, c'est mieux à deux ou plus, et au final ça me fait me sentir très seule, plus un effet badant qu'autre chose. En mon for intérieur je remercie Lulu de m'avoir conseillé de ne pas m'y attarder, et de passer une journée à Fortaleza. Je ne sais pas trop ce qui m'y attend, peut être vais-je m'y ennuyer sévère aussi, mais au moins il y aura le surf.

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On a le temps pour une grasse mat avant de se casser d'ici, et même d'aller manger dans un très bon self service au poids, pour finir sur une note positive. En plus je recroise Alex et Sandra avant qu'ils ne partent. Moi, je vais prendre la jardineira pour choper le bus de 14 heures pour Fortaleza. Dans ce sens là, ça risque de mettre plus de temps à ce qu'elle se remplisse, alors je m'y prends à l'avance, mais ... Au bout d'une heure, toujours rien. Bizarre, les gens vont pourtant devoir le prendre ce bus, non? Et vraiment, j'ai beau regarder, personne. L'heure tourne. Le chauffeur me propose, de ce que je comprends, de m'emmener quand même mais il fait un deux avec ses doigts, et je comprends "dois pessoas" soit deux personnes, donc en espagnol tout pourri pour sa compréhension je dis "pago dos pessoas, sesenta? Sixty?" oui, me fait-il. Voyagez seule, payez pour deux. Bon, pas le choix semble-t-il. Laissez moi quitter cet endroit, pitié. Au final on s'arrête pour prendre d'autres personnes "qui bossent". Mais ça prend du temps. On arrive sur Jijoca mais il est 13h47. Ça traîne, ça traîne, les gens descendent et je vois enfin d'autres jardineiras passer, mais ils étaient où ces gens ? À moins qu'ils n'aient formé un groupe à l'avance ? Arrivés à la station de bus, il est 14h et quelques, le bus est en train de partir et c'est le moment que le chauffeur choisit pour me prendre la tête quand je lui tends un billet de 100 qu'il refuse. Hein ? Mais déjà que je paye pour deux ? Je lui dis de me suivre parce qu'en plus il s'énerve. Je tape à la vitre du bus pour lui faire comprendre de m'attendre mais coup de bol, il y en a un autre qui part à 14h30, me montre-t-il. Ouf, ça va me laisser le temps de régler le souci avec l'autre abruti qui ne fait aucun effort pour essayer de me faire comprendre autrement ce qu'il veut. Je comprends juste qu'il me dit "travail". Je suspecte qu'il veuille me faire payer 200 reales, sauf qu'on va se calmer mon coco. Ça tombe bien, eu nao falo portugues et si tu essayes de m'arnaquer je ne comprends pas ton arnaque et je vais m'en tenir à ce que moi j'ai accepté dès le départ. J'ai un bus à prendre alors si tu me prends trop la tête, je ne te paye même pas, tu vas faire quoi ? Me suivre et me crier dessus, pour l'instant, et chercher un traducteur qui parle anglais - ça je comprends, mais tu n'as pas vu la pub à la télé, c'est pour ça qu'il faut apprendre l'anglais en zone touristique. Moi, je prends mon billet tranquille, et comme il s'énerve, uj gars de l'accueil fait la traduction avec le portable. Je lui explique que j'ai accepté de payer pour deux personnes, 60 reales, et quand je lui donne 100 il ne les veut pas, mais comment que cela se fait-il, je suis pourtant honnête moi. Le chauffeur tente d'expliquer ce qu'il se passe mais oh, il n'a pas l'air très convainquant parce que le gars qui traduit a l'air de vite prendre mon parti. Il va même me faire de la monnaie sur 100 reales pour que j'aie pile 60 à donner. Et il dit un truc assez catégorique au chauffeur. Merci, putain. Trop chouette ce gars. Et le chauffeur qui dit "elle a pas compris" mais meeec, combien de fois je t'ai dit que je parlais pas portugais ? 3 fois au moins, ou 5, et tu l'avais pas remarqué ? Et pour autant, on ne m'arnaque pas comme si j'étais née de la dernière pluie. Ah, Jeri. Commencer dans la tentative d'arnaque, finir dans la tentative d'arnaque. Dur, dur d'être une gringa, mais la gringa ne dit jamais son dernier mot. La gringa aime trop sa thune.

Bien ! Enfin ! On s'arrache la vache, c'est pas trop tôt ! 6 heures de bus jusqu'à Fortaleza.

Coucher de soleil sur la route.

Il y a plein de terminaux différents et je n'ai aucune idée d'où je vais arriver. Ça sera la surprise. Et bien, dans aucun terminal. Le bus stoppe sur l'avenue Beira Mar, à 30 minutes à pied de mon hostel, dans lequel il me tarde d'arriver car encore une fois, Lulu me l'a conseillé, il y a un bar et le site mentionne des activités. Je vais peut être y rencontrer du monde et sortir de la solitude ! En attendant, faisons connaissance avec Fortaleza. C'est Benidorm du Brasil en fait. Plein de hauts immeubles en bord de plage, une promenade où les gens font du roller, du vélo, du skate et de la rosalie en famille, des baraques pour manger, des stands, des gens qui vendent des trucs ... Hé, il s'en dégage une ambiance sympa, finalement c'est agréable de rentrer à pied.

Ça y est, j'atteins l'hostel. Qui n'est pas du tout comme je l'espérais. Je m'attendais à une ambiance backpacker, mais il est un peu cringeouille. Il n'y a que des gars qui traînent, du coup les toilettes puent la pisse virile, ils ne s'adressent pas trop la parole entre eux, et le dortoir est tout petit, vraiment petit, sauf le lit superposé en lui même qui est sur trois étages et moi je suis tout en haut. Hyper galère pour grimper. Pas de clim mais un gros ventilateur qui fait un bruit monstrueux, même pour moi. Personne au bar, surtout des types qui traînent. Génial. Et bien heureusement que c'est pour deux jours ! L'avantage c'est que c'est très proche de la plage. Je n'ai pas faim, je vais juste grignoter une brochette boeuf et fromage, et un épi de maïs grillé, ça sera amplement suffisant.

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Fort à l'aise

Oh, que la nuit a été galère. Dès que le mec du milieu bouge, et il n'a quasiment pas arrêté, tout le lit bouge. Au moins de me secouer. Vers 3 heures du matin j'ai dû lui crier gentiment dessus. Mais le sommeil n'a pas été de qualité, alors que ce matin j'ai rendez-vous pour ma première leçon de surf. J'espère que ça va le faire quand même ? Je tente de prendre le bus, qui passe toutes les heures, j'en vois un passer mais je ne suis pas au bon arrêt, ça ne semble pas être la bonne ligne mais en fait si ça l'était. Bon. Et bien on va prendre un Uber alors. Mais dans ce cas, on va se la jouer cool et se prendre un Uber moto. Enfin, scooter. C'est quand même vachement plus agréable ! Il fait beau, il fait bon, j'aime les deux roues.

Un peu galère pour trouver l'école de surf Titanzinho mais Tiago, le prof, m'attendait dans la rue. Oh joie, il parle un peu anglais ! Et il se débrouille bien, on se comprend et quel plaisir de pouvoir taper la discute avec quelqu'un. C'est une fois de plus Lulu, qui décidément fait un featuring sur ce blog depuis deux articles, qui me l'avait conseillé. Normalement c'est la dernière fois que je la mentionne !

Je me demande bien comment va se passer cette leçon, moi et ma coordination toute pourrie et mon temps d'intégration des consignes et mon manque d'endurance et de gainage de ces derniers temps. Déjà, la première question, quelle jambe en avant ? Droite ou gauche ? Ah, ça commence bien, aucune idée. Je n'ai peut être pas été très bonne en ça jusque là car je n'avais peut être pas la bonne. Euh la droite ? Il me pousse dans le dos et je mets la droite pour me rattraper. Mais je ne la sens pas totalement, enfin si, un peu, mais l'autre c'est pareil. Ça commence bien. En plus il faut vraiment que je le sache, c'est primordial pour la suite. J'essaye en faisant des sauts de biche sur la plage. Droite. Bon, ben on va essayer les mouvements pour se mettre debout avec la droite devant. Je commence à pratiquer sur le sable, évidemment, se mettre debout en 4 étapes. Mais je me prends le pied je ne sais pas trop où, je patauge un peu, je ne le pose pas bien ... Bon, et de l'autre côté alors ? Ah ben en fait, ça va beaucoup mieux avec la gauche devant. C'est réglé, donc. Il est temps d'aller enfin dans l'eau pour se mesurer aux vagues ! Je ne sais pas si je suis prête, je verrai au moment venu.

Le moment vient quand Tiago repère une vague, il me lance dessus et .. Je ne suis pas tombée mais je n'ai pas été assez rapide pour me lever. Ok, on réessaye, et oh, chance du débutant ? Ça se passe mieux que prévu ! Bon, je tombe à la toute fin de la vague, mais c'est vrai qu'une fois qu'on est dessus, c'est bien plus stable. Allez, on y croit ! Et après plusieurs ploufs mais plus de succès que d'échecs, je suis contente de dire que je ne m'en suis vraiment pas trop mal sortie. À mon grand étonnement mais comme quoi, des fois il faut y croire et être motivée pour y arriver. Tiago me dit que pour une toute première fois j'ai bien géré, et que je pourrais être une bonne surfeuse si je m'entraînais ! Et ben ! C'est pas souvent que ça arrive, et dommage ça ne risque pas vu les vagues inexistantes en Méditerranée. J'aime bien la sensation même si les vagues sont petites là où je suis, mais surtout le sentiment d'accomplissement quand on va jusqu'au bout de la vague sans se casser la gueule. C'est un défi à répétition, de tous les instants, et ça c'est plutôt chouette.

Cette fois-ci, je parviens à prendre le bus. L'urgence actuelle, c'est une opération laverie car je n'ai vraiment, vraiment plus rien à me mettre. Allez, j'ai tellement de choses à laver que je me met carrément en maillot le temps que ça se termine, mais c'est pas grave, c'est le Brésil bébé. L'après-midi est tranquille, et je le termine par une baignade sur la plage fort agréable. J'aime beaucoup l'ambiance détendue de cette ville, elle n'est pas si dangereuse qu'on me l'avait dit. Bon, je n'y passerais pas une semaine, je finirais par m'y ennuyer. Pour une étape, c'est plutôt ressourçant, surtout après Jeri. Qui l'aurait cru, venant de cette forêt de gratte-ciels. Mais le contact social commence à me manquer, heureusement demain, direction Rio et un hostel digne de ce nom !


6

Je n'arrive pas par les quartiers les plus sympas de Rio, ça c'est sûr. L'aéroport est ridiculement loin en transports en commun, mais prendre un Uber c'est tricher, où est le fun ? Donc, il faut d'abord prendre un bus jusqu'à la station de métro Vincente de Carvalho. Un bus que je ne paye pas, puisque la machine à Riocard ne marche pas. Il y a un gars qui me repère, et qui me conseille de rapidement me trouver une place assise pour mettre le backpack sous le siège et le sécuriser. Bien lui en a pris de me donner ce conseil, car deux stations plus tard, le bus se retrouve bondé. Mais vraiment, bondé bondé, au point où un gars est à moitié dehors. Et ça dure pendant 45 minutes. Dure, la vie de métropole. Le métro ne subit pas ce souci. J'atteins enfin le Discovery hostel, pour faire la connaissance des gens qui sont là : les françaises Margot et Aline, la canadienne Stacy, les allemands Janine et Mauricio, le chilien qui s'appelle aussi Mauricio et qui sait chanter la Marseillaise mieux que n'importe quel français, l'anglaise Laura, l'américain Chris, bref vraiment beaucoup de monde. Et ce soir, on part direct en soirée, parce qu'on ne va pas chômer. Malheureusement, je ne retrouve pas mon chargeur, l'aurais-je oublié à Fortaleza ? Il va falloir en racheter un ... Bon, on verra ça plus tard. Nous nous retrouvons donc à prendre un Uber ... À sept filles dans la voiture. J'ai Margot sur mes genoux, ce qui pourrait sembler cool comme situation mais elle m'écrase les cuisses. Heureusement le trajet ne s'éternise pas. Nous sommes dans une rue avec plein de stands d'alcool, et de la musique, tout le monde danse le reggaeton car les Brésiliens ne jurent que par ça ... Il y a des toilettes payantes, 2 reales, mais j'y vais tellement qu'au bout d'un moment, le gars me fait passer vip pour que je ne paye plus et j'ai même droit à un tampon sur le bras. Nouveau titre de gagné. On s'amuse beaucoup et les caipis sont délicieuses. La pluie torrentielle ne nous surprend même pas grâce aux bâches installées au-dessus des rues. Au contraire, c'est plaisant, c'est fun. Heureusement cela dit que nous sommes un grand groupe et que nous ne nous dispersons pas trop. Et que nous n'avons pris que le nécessaires avec nous, et que ma banane qui passe sous mes vêtements est utile car cela pourrait rapidement tourner au vinaigre. Mais ne pensons pas à ce qui aurait pu mal se passer quand on s'amuse autant, libre de tant de responsabilités. Quel bon début !

Hostel Life. 
Youpi, dansons la Carioca


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Jour 1: A girl from Rio

Bien sûr, le fait d'être rentrée au moment où le jour se levait, ça a un peu tout décalé donc la journée ne sera pas très productive. Enfin, quand même, en milieu d'après midi je me motive à aller faire un tour sur la Marina da Gloria, proche des musées. On peut apercevoir le Pain de Sucre, et aussi le Corcovado, très loin très haut, surplombant la ville. Incroyable de les voir enfin en vrai ! Je m'arrête pour observer des gens qui s'entraînent à tourner au centre d'un grand cerceau, ça a l'air très compliqué. Il fait beau, il fait bon, la promenade est agréable et mes pas me mènent en centre ville, pour observer les hauts buildings sur lesquels se reflètent la lumière dorée. Wahou ... Et la musique que j'ai dans les oreilles me rend plus qu'heureuse. Je crois que je suis en train de tomber amoureuse de Rio.

Au final, ce qui était parti pour une petite balade va quand même durer deux heures. On prend le temps, on remarque des choses, on regarde les gens. C'est étonnant, le traffic routier est plutôt fluide à cet endroit de la ville. On imaginerait un bordel sans nom. La température a beau être fluctuante en ce climat hivernal (entre 17 et 33 degrés dans la même semaine), les filles s'habillent toujours aussi court, crop tops et minis shorts ou jupes. Ce n'est pas une légende, au Brésil on montre son corps. On montre aussi tout plein d'autocollants de soutien à Lula, et vraiment très peu pour Bolsonaro. Ils sont à fond, les militants. Je me demande bien quel sera le résultat de ces élections.

Retour à l'hostel à la tombée de la nuit, pour papoter un peu avec les gens. Pas d'alcool ce soir, c'est sûr, mais les volontaires de l'hostel essayent de nous motiver pour une boat party. Personne ne l'est trop, sauf les Allemands. Il paraît que cette fête est incroyable. Mais je ne me sens pas de me coucher encore vers 5h du matin ce soir, et encore moins de rester sur un bateau. Tant pis, on va rester sage. Par contre, je prends le temps d'installer ma moustiquaire, seul avantage d'être tout en haut du lit superposé à trois étages, car les moustiques ici sont vé-ners et il s'agirait pas de se choper la dengue, zika ou le chikungunya. Et surprise, mon chargeur est revenu ! On avait dû me l'emprunter. C'est une plutôt bonne nouvelle.

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Jour 2

Ok, alors on se motive pour faire des choses aujourd'hui, il y a vraiment trop à faire à Rio en seulement cinq jours pour glandouiller. Il y a un guide qui s'appelle David qui propose un walking tour dans le centre ville, let's go. C'est l'occasion de rencontrer Anuz (on prononce Anoush, le pauvre, sinon) de Londres, qui est venu entre autres pour Rock in Rio, le plus grand festival du monde semblerait-il. 1 million et demi de personnes en 2019. Il va voir Gojira et Iron Maiden, mais aussi Bullet for my Valentine, Dream Theater ... Le 2 septembre, c'est la soirée rock/metal. Mais les billets sont tous vendus, au cas où j'aurais eu envie.

La visite commence à côté de l'hostel, avec évidemment un peu d'histoire comme d'habitude. C'est en 1500 que la côte de Rio est découverte, les Portugais sont arrivés sur l'un des fleuves qui alimentent la baie de Guanabara en janvier. D'où le nom complet, San Sebastian Rio de Janeiro. On l'a raccourci ensuite. La ville naissante a accueilli beaucoup de réfugiés français suite au massacre de la Saint Barthélémy, et la France nommait Rio "France Antarctique". C'est pour cela qu'il y a une marque de bières et de soda qui se nomme Antarctic, je ne voyais pas trop le rapport. Les habitants se nomment les cariocas car, bien qu'il y ait la syllabe Rio dedans, apparemment rien à voir. "Carioca" était le mot tupi pour désigner les maisons blanches dans lesquelles vivaient les colons. Le nom de Brésil vient quant à lui de "fer", particulièrement de "l'arbre brésilien" qui est rouge à l'intérieur et qui se traduisait par "arbre de fer". Jusqu'au 18e siècle, Rio ne sert que de centre d'approvisionnement et de commerce de l'or. En 1762,la capitale est transférée de Salvador à Rio, mais elle ne connaît son essor qu'en 1808 à l'arrivée de la famille royale portugaise qui fuit Napoléon. Suite à l'indépendance, Rio est restée très populaire, jusqu'à la fin de la Seconde Guerre Mondiale où Sao Paulo prend le lead économique et en 1960 la capitale fédérale est transférée à Brasilia. Dans les années 80, la ville craint, vraiment. Les Cariocas ont peur pour leur futur. Heureusement dans les années 90, le gouvernement a remis de l'argent dans le service public et des policiers ont été engagés. Les bâtiments historiques ont été rénovés et le peuple a redécouvert la samba. Rio retrouve une popularité en organisant les Jeux Panaméricains en 2007, puis la Coupe du Monde en 2014 et les JO en 2016.

Nous continuons par les Escaliers Selaron, par lesquels j'étais déjà passée la veille mais je vais regrouper les photos et explications ici. Il y a toujours autant de monde, vu que c'est un haut lieu touristique photogénique, et tout le monde veut s'y faire prendre en photo. Comme d'habitude, pas moi. Mais cela ne m'empêche pas d'observer les mosaïques et toutes les tuiles rigolotes qui constituent l'escalier.

Le nom vient de l'artiste chilien George Selaron, qui s'est inspiré de Gaudí pour créer cette oeuvre, et oui maintenant qu'on le mentionne, il en a un petit quelque chose. Il a mis 20 ans, avec des pauses. Il le termine (seulement) en 2014 mais il se fait tuer ensuite ... Probablement par des vendeurs de drogue.

Nous traversons sous les fameux Arcos da Lapa pour nous retrouver à la Cathédrale Métropolitaine. Elle a été construite par Fonseca (et non Niemeyer) pour rappeler un temple maya. C'est vrai, il y a quelque chose de Chichen Itza, mais en rond. Elle n'est pas si grande que cela, et nous nous asseyons le temps que David nous explique la signification des quatre grands vitraux. Ce qui est un moment assez ... magique, comme suspendu dans le temps car son discours très inspirant est rythmé par une belle musique solennelle, légère mais inspirante.

Les quatre vitraux ont des significations multiples, entrecroisées. Le premier représente la Terre, la tête de Jesus, le commencement, et est dirigé vers le Sud. Il montre la scène de la Genèse avec le serpent, et représente la liberté. Le second à sa gauche est l'Air, la main droite, le Paradis, c'est donc l'espoir, vers l'Est. Au-dessus de l'entrée, c'est l'Eau, les pieds, la marche sur l'eau, la confiance, le Nord. Et le dernier est le Feu, la main gauche, l'amour, vers l'Ouest.

Nous continuons notre visite par la place Tiradentes, où se tient une statue de Dom Pedro, le roi que j'ai déjà évoqué auparavant qui a donné son indépendance au Brésil via sa fille, Isabelle. Petit détail supplémentaire : c'est sa femme Léopoldina de Habsbourg (ils sont partout) qui a insisté pour pouvoir rester au Brésil, car sa soeur s'est faite marier à Napoléon alors que c'était à cause de lui qu'ils avaient fui le Portugal ... Un peu le bordel, cette histoire. Pour la petite anecdote, Dom Pedro était un grand fan de photographie dès son invention. C'est dans la cour de son Paço Imperial que la première photo des Amériques a été prise. C'est probablement lui le tout premier photographe brésilien.

Nos pas nous mènent maintenant au Real Gabinete Portugues de Leitura, une belle bibliothèque qui possède la plus grande collection d'ouvrages en portugais hors Portugal (en même temps c'est logique). Elle a été élue quatrième plus belle bibliothèque du monde par le Times. L'extérieur est inspiré du monastère des Hiéronymites et a été réalisé en pierres de Lisbonne et déplacé en bateau jusqu'à Rio. Je ne sais pas si c'est moi qui suis blasée à force de voir de belles bibliothèques comme à Porto, Puebla ou Munich, mais bon ben, voilà, c'est joli mais je ne suis pas très impressionnée.

Je me suis un peu amusée avec Lightroom pour tester ses possibilités, c'est moins bling en vrai. 

Nous traversons la Rua Uruguaiana et ses stands, pour arriver à la Confeitaria Colombo qui sert de très bonnes pâtisseries et qui est prisée des hommes politiques. Malheureusement, ce n'est pas l'heure de manger et je n'ai pas faim du tout, étant donné mon rythme de repas un peu anarchique. On verra bien si j'ai le temps d'y retourner, mais il s'agit de pâtisserie qui ressemblent beaucoup à ce que l'on fait en France, ou alors des gâteaux très crémeux qui pèsent sur l'estomac rien que de les regarder.

Nous visitons une petit église baroque, nous passons sur la Praça XV et devant le palais impérial, nous entrons pour visiter une cour de justice et David nous explique plus ou moins le fonctionnement des lois au Brésil, mais j'ai un peu décroché sur ce sujet. Nous finissons devant le théâtre municipal inspiré (comme à Sao Paulo) de l'opéra Garnier, et sur le boulevard surnommé Cinelandia vu qu'il y a plein de cinémas.

Nous nous mettons maintenant en quête d'une carte sim pour Anuz, mais c'est soit un peu cher, soit un peu compliqué sans CPF. Tous les trois avec le gars turc dont je ne me souviens malheureusement plus du nom, nous cherchons un restaurant mais comme ils ont très faim à cause du décalage horaire, nous allons dans le premier que nous trouvons qui s'avère être un restaurant ... allemand. Le Turc (je crois qu'il s'appelle Ali, mais j'ai un doute, on va l'appeler Ali quand même c'est plus sympa) commande un sandwich qui finalement ne lui dit trop rien ... Moi qui n'ait pas très faim, j'échange mon assiette de pâtes avec lui, au moins pour qu'il mange quelque chose. Nous parlons un peu avec le gérant, sosie de son grand père qu'on peut voir en photo dans le resto, qui a émigré au Brésil (ahem, était-ce un nazi?). Puis, nous nous promenons un peu dans le quartier de Santa Teresa, et pour cela nous gravissons tout l'escalier Selaron. Les gars sont un peu essoufflés. Bon, d'accord moi aussi, j'ai un peu perdu depuis le covid. Tout en haut, il y a un musicien qui joue de la guitare, plus au calme qu'avec toute la cohue d'en bas. Nous montons tout en haut de la colline pour un point de vue sympathique, et des maisons de riches. Malheureusement, le Parque das Ruinas est fermé aujourd'hui, nous y avons fait un petit détour pour rien. Ou peut être juste pour l'exercice physique, dirons-nous. Nous sommes montés, nous redescendons via la rue de Lapa et son street art.

Anuz et Ali vont se reposer, mais moi je suis trop impatiente de monter au Corcovado. Mon projet est d'y aller pour le coucher du soleil, pour voir la baie de Guanabara s'illuminer, et surtout le Christ lui même, comme un phare chrétien dans la nuit! Le soleil se couche à 17h45 et il est dit que la station de train est ouverte jusqu'à 19h, il doit donc y avoir des nocturnes ! Le temps n'est pas idéal, il y aura moins de monde, il est 16h et je peux y être en 30 minutes si je pars maintenant. Allez, go !

Arrivée sur place, je perds un peu de temps pour que le chauffeur de bus me trouve de quoi rendre la monnaie, dommage car je rate le train d'à peine 5 minutes. Je dois attendre jusqu'à 17h maintenant ... J'ai un peu le stress de ne pas avoir trop de temps sur place, qu'il fasse déjà nuit, que le petit train mette trop de temps à monter ... Ils prévoient pourtant 20 minutes d'ascension. Bon, de toute manière pas le choix, on va faire avec. La montée est agréable, le wagon passe dans la jungle et offre de belles vues sur la ville entre les arbres.

Ça y est, 17h25, nous y sommes ! Je me dépêche de monter sur l'esplanade, il y a carrément un ascenseur et un escalier roulant, c'est bien fait. Et en plus il y a peu de monde.

C'est impressionnant, vraiment. Le Christ Rédempteur lui-même, bon, c'est juste une belle et grande statue avec laquelle on peut prendre des selfies marrants. Il y a mieux comme Merveille du Monde, surtout quand on sait qu'Angkor était dans la course aussi et n'a pas été retenu. Mais quelle vue ! Comme dans les cartes postales. Il a beau faire nuageux et peu de lumière alors que le soir tombe, ça a quelque chose de magique. Comme un rêve qui se réalise. Et ce n'était même pas particulièrement le mien, c'est dire !

Mais malheureusement il semblerait que le dernier train descende à 18 heures. Ce qui veut dire qu'il faut partir avant la nuit. Quel dommage ... Mais il fait frais et je n'ai pas particulièrement envie d'être enfermée là cette nuit. Peu de temps passé, mais ça en valait la peine !

Retour à l'hostel, où j'arrange mon excursion de demain, et là oui, je parle de réaliser un de mes rêves. Depuis 5 ans que j'attends l'occasion. J'ai nommé : le parapente. Et oui, on se gave de nouvelles expériences cette année. Et la nana me dit, c'est demain ou jamais, après le vent n'est plus bon jusqu'à mon départ. D'accord, bon ben ne réfléchissons pas trop, c'est oui ! Maintenant, il faut que je fasse attention à ma consommation d'alcool ce soir pour ne pas refaire comme la dernière fois, ce serait bête. Sauf que la soirée est très sympa, on s'amuse bien, et la barmaid me fait deux caipis ... Beaucoup trop fortes. Ce qui fait que je suis bourrée très vite, et quand les autres partent dans les bars de Lapa, je ne les suis pas et je file au lit. Un choix a été fait.

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Jour 3

Outch ... Je les sens un peu ces caipis d'hier. Je me bourre de citrate de bétaïne tandis qu'on rigole avec les filles sur le fait qu'il est probable que je fasse partie des 10% de gens qui vomissent en parapente. Ah ben si ça tourne et qu'on sent les montées et descentes, ça risque bien, oui, déjà sans alcool j'avais failli vomir à Nazca en petit avion. Donc, je prends un léger petit déj, mais il faut quelque chose dans le bide. Je dis au revoir à Ali et Anuz qui doivent quitter l'hostel tout en restant sur Rio, car même problème que moi, plus de place. Je vais aussi acheter une Red Bull à la pharmacie, pour me donner la pêche et digérer. Oui, j'aime bien le concept de la Red Bull en pharmacie moi aussi.

Bon, il est temps. J'ai rendez-vous à midi là bas, loin, à Sao Conrado. Au moins 20km au sud de là où je suis, puisque Rio c'est immense. Je prends le bus qui a l'avantage de me déposer très proche du centre de parapente. Nous passons par différents quartiers, dont Copacabana et Ipanema, les fameux. Mais j'ai peut être sous estimé la distance, je pense arriver là bas vers 12h10. Sauf que ... Des travaux sur la route bloquent mon bus pendant 20 bonnes minutes. Merde, j'aurais dû prendre le métro. C'est donc avec une demi heure de retard que j'arrive, et je me confonds en excuses ... Mais ça ne semble pas trop perturber l'équipe. Le moniteur avec lequel je vais voler, Rodrigo, parle anglais et me dit qu'en haut il y a plus de vent qu'il y a une heure. Donc, le parapente n'est pas très safe. Par contre, le deltaplane ... Bon, j'avais fixé la limite là, à la base. Quand je voyais des photos de gens avec un deltaplane, suspendus dans le vide avec seulement la tringle pour diriger et rien en dessous d'eux, je me disais non quand même, le parapente on est assis, ce n'est pas la même sensation. Sauf que je me fais vite convaincre car quand même la sécurité, c'est important, et si ça bouge moins j'ai moins de chances de vomir. Oh là là, quelle idée d'avoir dit oui.

Tout en haut du spot, les gens font la queue pour s'élancer. Rodrigo doit faire voler une fille avant moi, et il reviendra pour moi ensuite. Je n'ai rien à dire, c'est moi qui suis à la bourre ! Donc, pendant qu'il la prépare, je regarde ce que font les autres ... C'est rigolo, ils mettent les pieds dans une housse qui les fait ressembler à des cocons, puis à des papillons une fois dans les airs. Je sens l'excitation et la nervosité monter. Dans une heure, ça sera moi, là, qui vais me jeter dans le vide avec Rodrigo. Mais quelle idée !

L'avantage de l'attente, c'est que la digestion s'opère et toute trace de nausée gastrique disparaît. Par contre, la nausée de stress, elle est un peu là, et elle a peur de la nausée de l'oreille interne. Mais le temps s'écoule, et au final je me perds dans d'autres pensées que celle de l'impatience.

Rodrigo finit par revenir, il m'équipe. Nous nous entrainons à courir ensemble, et je n'avais pas compris qu'il fallait que je me laisse porter par lui, et non être synchros. Mais ce n'est pas facile pour autant, je suis loin d'être la reine du lâcher prise. Surtout quand il faut faire confiance à quelqu'un d'autre, mais bon il est moniteur, c'est normal de mettre ma vie entre ses mains, genre, littéralement. Je mets donc mon cerveau en pause là dessus et j'accepte la situation.

Ça y est, c'est notre tour. Plus le temps de réfléchir. Est-ce que je suis prête ? Non. On m'entend le dire sur la vidéo. Mais pas grave, ne l'est on jamais la première fois. Rodrigo court, je le suis et ...

... Oh, ce n'est pas du tout la sensation que j'attendais. Je pensais être compressée comme dans des montagnes russes, il n'en est rien. Je ne me suis même pas sentie chuter de quelques mètres. Je sens juste le vent sur ma figure et un sentiment d'émerveillement. Je me cramponne tout de même à Rodrigo, mais je ne sens rien de désagréable pour le moment. C'est donc ça, voler ? Le panorama est exceptionnel, c'est fascinant de voir tout d'aussi haut. Aussi haut, seulement suspendue par une corde à une espèce d'aile, il se passe quoi si ça lâche ? me dit une petite voix dans ma tête. J'ai une fugace sensation de profonde panique. Que j'arrive à chasser très vite heureusement pour moi, et pour Rodrigo. Qui doit me sentir moins rassurée. Je pense au fait que c'est de la technologie et que plein de gens en font et ne meurent pas. Donc, il vaut mieux profiter du paysage et des deux sommets des Dois Irmaos qui surplombent le quartier Leblon et la plage d'Ipanema, en fond de décor. Rodrigo me fait diriger le deltaplane, mais je trouve que c'est un peu lourd et surtout cela nous fait faire des virages serrés à gauche et à droite qui risquent de retourner mon estomac. Je ne suis pas très rassurée quand même. Je vais préférer admirer la forêt et les maisons de riches avec des piscines, qui doivent voir tous ces deltaplanistes comme une volée de mouettes. Sacré panorama. Nous survolons maintenant l'océan, et Rodrigo fait quelques piqués rapides car nous allons bientôt atterrir. Le retour à la terre ferme est bizarre, comme lorsqu'on descend d'un bateau. Je suis toute chancelante et ma tête est encore dans les nuages. Le vol a duré 13 minutes. C'était une expérience incroyable, mais je ne pense pas la reproduire pour le moment.

Partie 1 
Partie 2 

Il est 15 heures mais je ne peux rien avaler vu que je me sens nauséeuse, à part un petit pao de queijo. Vu que je suis dans le coin et qu'il fait beau, j'en profite pour me rendre en bus à la plage d'Ipanema, et marcher sur la promenade. La vue est très scénique car les Dois Irmaos encadrent la plage vers l'Ouest, comme sur les cartes postales. Comme il y a du vent, la baignade est risquée et il n'y a pas tant de monde que cela sur le sable. Surtout des gens qui jouent au beach volley, et un gars qui s'entraîne à faire des saltos, avec succès. Mais les sensations fortes m'ont bien fatiguée et de toute manière, le soleil ne va pas tarder à se coucher. On rentre donc en un coup de métro.

L'ambiance est plutôt chill à l'hostel car tout le monde est crevé. Je me souviens avoir gardé une caipi dans mon casier (oui oui) car je ne souhaitais pas la finir, mais évidemment elle n'est pas bonne. Je profite de ce moment de pause pour organiser la suite du trajet, réserver un tour dans les favelas demain, bouquiner un guide sur Rio qui ne soit ni en allemand ni en hollandais ... Les copines sont parties, et comme demain c'est le premier soir de Rock in Rio, les Brésiliens qui avaient anticipé le coup ont tout réservé en avance et ont chassé les touristes de l'hostel. Les prix ont flambé aussi. C'est la vie ... Mais je ne perds pas ma soirée car comme j'ai peu mangé, je m'autorise à aller me taper une assiette de picanha, la fameuse viande réputée pour être super bonne. Et effectivement je ne suis pas déçue, le plat est énorme par contre, même le farofa est fait avec de l'oeuf. Il doit y avoir 400 grammes de viande, mais pas question de gâcher un met aussi délicieux ! On va juste faire l'impasse sur les féculents haricots/riz/frites. Je ne sais pas comment ça sera en Argentine, meilleur ou pareil, mais cette partie de l'Amérique latine est la reine du churrasco.

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Jour 4

Alors ... Quasiment tout le monde du dortoir s'était couché tôt pour se reposer, genre vers 23 heures. En tout cas la majorité des personnes avec les 6 lits qui se touchent et qui communiquent. Sauf que ... Comme déjà mentionné, ça bouge. Comme dans un bateau ou presque, quand on est tout en haut. Donc dès que quelqu'un se retourne, ça me secoue. Mais comme un peu tout le monde. Nous avons donc passé la nuit à nous empêcher de dormir en nous réveillant les uns les autres au moment de sombrer dans le sommeil car nous n'étions pas synchros. En 10 ans d'hostels divers et variés, c'est la première fois que je vois ça ! Une insomnie collective. Je crois que j'ai dormi 30 minutes ... Et je dois me lever pour être à 9 heures au point de rendez-vous à Copacabana. Ben de toute manière c'est pas maintenant que je vais m'endormir ... Donc tant bien que mal, je me prépare et me rend devant le Copacabana Palace pour y attendre le guide. La plage est vide à cette heure là, il est possible que j'y retourne plus tard mais je ne la trouve pas aussi jolie qu'Ipanema. C'est un peu surcôté.

Le guide, Leopoldo, vient me chercher en compagnie d'un couple d'Argentins de Córdoba, Rosanna et Santiago. Je ne me sens pas trop de travailler mes skills en espagnol aujourd'hui ... Mais je vais devoir. Leo parle français heureusement, mais il fait une partie des explications en espagnol pour eux. Heureusement, il est compréhensible, Rosanna aussi, Santiago un peu moins. Mais j'arrive tout de même à converser basiquement avec eux pendant notre trajet en taxi.

Nous allons visiter la favela de Rocinha, qui est l'une des seules où les touristes soient autorisés à entrer, accompagnés. Nous atteignons l'entrée du quartier juste à la sortie de Gavea, un quartier dont le niveau de vie est équivalent à celui de la Suisse, et qui a une école qui coûte 1000 dollars par mois. Le contraste est plutôt saisissant, quand on sait que le niveau de vie de la favela correspond plutôt à celui d'un pays d'Afrique.

Rocinha, c'est 90 000 personnes, entassées les unes sur les autres, vivant dans une ville dans la ville. En tout, 2 millions de cariocas vivent dans les favelas, soit environ la population de Paris intramuros. Il y en a plusieurs, mais celle ci est pacifiée par les groupes. Des paramilitaires, mais aussi des narcotrafiquants qui y règnent comme une mafia. Enfin, presque, car contrairement à ce que l'on pourrait penser, il n'y a que peu de crimes à l'intérieur de la communauté, du moment qu'on est accompagné par la bonne personne. La raison principale est que les cartels tuent les gens qui commettent des crimes. Ici c'est Commando Rojo qui domine Rio, c'est le second plus grand cartel du Brésil après PCC de Sao Paulo. On pourrait aussi croire que les gens des favelas sont tous des drogués mais non, ce sont plutôt des alcooliques. La drogue est bel et bien faite sur place, par 2% de la population de la favela, mais elle est vendue à l'extérieur, pour ceux qui ont les moyens de se la payer. 98% des gens sont comme nous, les enfants vont à l'école mais seulement la moitié de Rocinha finit le lycée. Les écoles sont gratuites mais le système éducatif n'est pas très performant. Les gens n'ont pas le droit de construire des maisons de plus de 5 étages, le réseau électrique est volé sur celui de la ville, en revanche l'eau est gratuite. Pas le gaz, les gens des favelas n'ont le droit que d'acheter des bombonnes pour cuisiner qu'à l'intérieur du quartier, et c'est d'ailleurs un peu plus cher.

Il y a des rues dans lesquelles nous avons le droit de prendre des photos, et d'autres non, Leo nous prévient à chaque section. Quand on n'a pas le droit, c'est soit parce que c'est un endroit où l'on vend de la drogue, soit un endroit stratégique pour les militaires, donc on ne peut pas diffuser les images de quelque manière que ce soit. Détail amusant: nous repérons des chaussures lacées sur les câbles électriques. Ah, ben c'est là qu'ils vendent, non ? Pas du tout: ici, c'est pour la déco. Pas besoin de code, semble-t-il.

Je reviens sur ce que m'avait dit Eduardo à Salvador: est-ce qu'on dit communidade ici ? Pas du tout, on garde bien le terme de favela qui n'est pas considéré comme péjoratif. Le terme est né ici, car la première favela a été construite sur une colline qui était une plantation de ... favelas. De petits haricots. C'est donc mignon comme appellation, à la base. Rocinha, elle, doit son nom aux travailleurs d'une hacienda.

Et concrètement, c'est un autre monde une favela ? Pas tant que ça. Alors certes les poubelles débordent de sacs car il y a du monde mais le service passe tous les jours, certes il y a des fils électriques partout vu qu'ils détournent l'électricité et des canalisations pourries, certes les maisons s'entassent un peu et créent de petites rues où on ne voit pas la lumière du jour et qui deviennent si humides que la tuberculose s'y développe facilement. Mais je ne sais pas si c'est parce que mes voyages m'ont fait voir pire, comme les maisons en tôle au bord de la rivière Chao Phraya à Bangkok, ou si c'est parce qu'à Perpignan on a notre propre favela un peu, ou parce que les rues étroites me font penser à Gênes (pas très sympa pour la ville), mais je m'attendais à bien pire. C'est juste un endroit pauvre où les gens vivent. Rien de vraiment dangereux tant qu'on ne va pas dans la forêt au-dessus. C'est animé, les gens s'entraident, et c'est tout de même intéressant d'être témoin de ce mode de vie et de ne pas se faire des films dessus, d'en avoir le cœur net quoi. Peut être que le tourisme aide, et que c'est bien la merde dans d'autres favelas. J'aurais pensé que nous irions un peu plus à la rencontre des gens, mais tant pis. Ce qui est le plus intéressant c'est vraiment le contraste d'un quartier à l'autre, car une fois descendus de la colline nous nous retrouvons à Sao Conrado, là où j'étais pour le deltaplane hier. Avec leurs maisons avec piscine, là, tandis qu'à Rocinha on peut acheter une maison pour 25 000 dollars. Oui quand même, hein !

Je ne regrette pas la visite mais je suis épuisée et il n'est que midi. Nous devons prendre le métro pour rentrer mais surtout je dois payer Leo en cash alors que le site disait que je pouvais payer en carte. Pas trop le choix, je vais devoir retirer dans un distributeur Banco 24 Horas et me faire escroquer. Et au moment où c'est mon tour, arrivent des militaires avec de grosses mitraillettes. Qu'est ce que j'ai fait, encore ... Ils viennent vérifier le distributeur et peut être remettre de la monnaie dedans si j'ai bien compris la logique. Ça va prendre 10 minutes. Donc, au lieu de rentrer directement sur Gloria en métro, je vais devoir refaire un stop à Copacabana, sortir, retirer, rerentrer. L'opération est chiante. Je suis affamée et épuisée, je n'ai pas le courage d'aller refaire un tour sur la plage comme prévu initialement. Je rentre, je mange au restaurant à picanha qui fait buffet-self a quilo le midi et je me régale avec leur tilapia. Du poissons, ça fait du bien. Puis, je vais changer d'hostel à 14 heures pour tenter de faire la sieste. Ça va il se trouve à 150m du Discovery. Et fun fact, je l'ai pris en photo quelques jours avant sans savoir que j'allais m'y rendre. Le nom n'est marqué nulle part, j'espère avoir la bonne adresse, mais tout se passe bien. Il est moins cool que l'autre, cela dit, mais au moins c'est un lit superposé normal qui ne va pas tanguer.

Et au final, même pas je dors ! Les insomnies, c'est nul. Je n'ai même pas pris de Red Bull pour éviter d'être trop up cette nuit. C'est donc une "sieste" mais c'est suffisamment reposant. Vers 17 heures, avant la tombée de la nuit, je vais donc faire une petite balade proche, entre les stations Catete et Largo do Machado. C'est animé mais à part quelques belles maisons coloniales, ça a moins d'intérêt que ce que je pensais en y étant passée en bus.

Je fais un aller retour devant le perron du Discovery pour squatter leur wifi et chercher de bonnes adresses, parce qu'il est plus près. Mais au final j'ai la flemme d'aller au restaurant, je m'achète des lasagnes surgelées pour les cuisiner à l'hostel mais ... Je me rends compte qu'il n'y a pas de micro ondes. Et que le four ne marche pas. Quelle solution dans ce cas là ? Retourner au Discovery, expliquer la situation ("so, funny story ...") et demander si je peux venir manger mes lasagnes ici. Et ça passe, il n'y a personne vu que c'est Rock in Rio, tout le monde est allé voir Iron Maiden, sauf la volontaire, Gabriel et un autre gars. Mais ils regardent la rediffusion à la télé, donc on se cale ensemble sur le canapé. C'est super détente, familial. Ça fait du bien.

Mais la fatigue me rattrape, vers 22 heures je me sens partir, des signaux envoyés par mon cerveau pour me dire dodo. Je dis au revoir, mais le temps de faire la route, je retrouve un peu la pêche et je me dis qu'il faut que j'aille voir ce qu'il se passe du côté de Lapa vu que tout le monde en parle. Et bien oui, des bars, du monde, de l'ambiance, je vais même danser un peu mais pas longtemps, notamment parce que c'est du funk et du reggaeton partout, soit de la musique de boule et ce n'est pas drôle sans alcool.

Je me tiens au fait de ne pas faire n'importe quoi en étant seule. Je trouve quand même un bar avec un peu de son dancefloor, le Reviano, où il y a un mec qui danse, euh .. Comment dire. Je n'arrive pas à le quitter des yeux. ... Parce que je suis morte de rire, vous avez cru quoi ? Ça égaye ma soirée. Voyez par vous-mêmes !

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Jour 5

Enfin, un sommeil à peu près normal. C'est bien là l'avantage de cet hostel. On va donc en profiter pour aller faire une petite randonnée dans le Parc National de Tijuca, soit la jungle. Pas d'Amazonie, mais dur de résister quand même ! Je prends donc le bus en direction du Jardim Botanico, que j'aimerais bien visiter mais ... Le prix pour les étrangers est de 67 reales et j'en ai marre de dépenser ma thune à tort et à travers, déjà que je le fais dans les restos. D'ailleurs, en parlant de ça, j'attends midi pour manger dans une délicieuse pizzeria, une des meilleures de Rio. Et ça en vaut la peine ! C'est aussi une bonne idée de manger, d'attendre un peu la digestion, et ensuite d'entamer la montée vers la Cachoeira dos Primatas. Est-ce que je vais voir des singes ? Pas sûr, en tout cas je les entends crier dans les arbres, mais aucun ne se montre. Pourtant j'ai des cacahuètes. Des panneaux indiquent de ne pas randonner seule, et bien je ne vais pas me priver, surtout qu'il y a du passage et que je ne suis pas vraiment, vraiment seule, du coup. Une demi-heure de montée sur un sentier somme toute assez simple, je me dis qu'au moins j'aurai fait une marche au Brésil à défaut de faire le trail de la Pedra Bonita qui est très beau mais très long. J'ai un peu trop perdu en capacité physique. Je parviens donc à la fameuse cascade, qui bon, est une cascade. C'est sympa, mais voilà, dans quatre jours je vais voir Iguazu.

Je continue sur le sentier tout droit au lieu de rebrousser chemin, car il monte au Corcovado. 2 heures 30 de montée et 600m de dénivelé. Non je déconne, j'ai dit que j'étais fatiguée. Il monte bien au Corcovado mais je vais bifurquer avant, par un chemin que m'indique maps.me. Comme ça, je vois d'autres choses. Bon ... Aux alentours du chemin, rien n'est indiqué. Heureusement, ma localisation est précise, et je finis par le repérer. Il n'a pas l'air très fréquenté, pas grand monde ne doit connaître. Je m'y engage tout en ayant le petit stress de me perdre en pleine forêt, mais sinon ce ne serait pas une aventure ! Ça va, c'est relativement praticable, il y a des endroits un peu envahis de végétation mais j'ai vu pire. Mon expérience de survie Jungle 101 (même bien 105 maintenant) me rappelle qu'il faut toujours regarder où on met les mains quand on veut attraper des branches. Notamment pour ne pas glisser. Il faut aussi faire attention aux jackfruits pourris qui sont tombés des arbres. J'arrive à une petite cascade qui se nomme apparemment Cachoeira de Santiago, je dois être sur la bonne voie, ça va bien se passer ! Je croise perdre le chemin, mais en escaladant les rochers, je repère un tuyau qui descend vers la ville. On va le suivre ! Ça aussi, ça va bien se passer. Au bout de 5 minutes de marche, j'arrive devant une antenne, et je descends les petits escaliers qui me mènent sur la rue bétonnée. Et ben voilà, ça s'est bien passé !

Je continue mon chemin pour redescendre prendre le bus, fière de moi, quand tout à coup je me retrouve nez à nez avec une porte fermée. De mon côté, de l'intérieur. Merde ! Je suis sur une propriété privée ! Je pense à l'escalader mais il y a des piques sur le dessus, une caméra de surveillance et un panneau qui indique que je suis surveillée par la police. Putain, en plus je suis chez des riches paranos. On ne dirait pas, pourtant, vu les habitations. Bon ben, pas le choix, il va falloir trouver quelqu'un. En espérant qu'il y ait âme qui vive. Oui, je repère un homme dans sa maison, je vais sonner chez lui. Sans réponse. Je descends pour essayer de le revoir, en appelant "hola?", et il sort de chez lui au téléphone, il me crie des choses dessus en portugais, énervé. Putain, il est en train d'appeler les flics. Il va falloir leur expliquer ce que je fais là, dur. J'espère qu'ils parlent anglais. Ça serait drôle de me faire embarquer et d'avoir un casier pour cambriolage dans l'état de Rio de Janeiro. Je me demande s'ils sont corrompus. Ou peut être que le mec est à la tête d'un cartel. ÇA VA BIEN SE PASSER. Bref, j'adopte une attitude pacifique bien qu'il ne parle pas anglais, j'espère qu'il va comprendre mon ton. Je lui montre mon portable, et le chemin indiqué. Il comprend, de toute manière il voit bien que je veux sortir. Je me confonds en excuses, il se calme, et il va m'ouvrir le cadenas. En même temps à sa place ça me ferait un peu bizarre aussi, cette situation. Mais ça y est, je retrouve la liberté et j'éclate de rire. Sacrée anecdote ! Il faudra que je m'en souvienne pour la raconter en soirée.

Avec tout ça, je me sens bien transpirante. J'irais bien à la plage. Je retourne du côté du restaurant de midi pour voler de la wifi et prendre des nouvelles des gens: Anuz était à Ipanema mais il a bougé avec un de ses potes. Gabriel est toujours chaud pour se baigner. Il est à Praia Vermelha, entre le Pain de Sucre et le Morro dos Urubus. Je lui donne rendez-vous à l'ancienne ("in front of Chopin's statue in twenty minutes") et je prends mon Uber.

On passe un super moment ensemble car on a pas mal de points communs pour discuter. Et la plage est superbe ! Bien plus belle que Copacabana et Ipanema. Le sable ressemble à du sucre roux. Même si la température de mon corps s'est un peu rafraîchie dans le Uber, je file me baigner, au moins pour l'avoir fait à Rio. Outch, elle est bien fraîche ! Mais une fois qu'on est dedans, ça vaaa. Bon par contre quand on en sort, on se gèle. J'ai prévenu Gabriel que je ne me rasais plus pendant mon voyage, ce à quoi il répond "tu peux, t'es française. T'es dans le cliché." Mais ! Ça fait que depuis l'année dernière ! Mais c'est drôle. En parlant de cliché, les Brésiliens ont tous un kanga à la plage, une espèce de paréo qui n'est pas une serviette (Gabriel ne comprenait pas que je veuille me sécher avec ce qu'il prenait pour un kanga), ils ont donc une serviette en plus. Oh, et j'ai lu des trucs bizarres sur un guide, et apparemment c'est vrai. Plus ou moins.

Des règles très genrées sont apparues sur la plage d'Ipanema et par extension sur les autres plages du Brésil. Par exemple: rien ne doit se mettre entre un homme et le sable chaud, pas de chaise ni de kanga ni rien, sinon c'est un gringo. "Un Brésilien doit planter ses fesses couvertes de Lycra dans le sable chaud, pour que le bas de son dos et ses cuisses soient recouvertes de grains de sable blanc". Il y a des exceptions, il peut s'asseoir sur 3% du kanga avec une fille s'il la drague. "Un homme peut aussi se tenir debout, buvant une bière, regardant virilement autour de lui en appréciant la compagnie des autres hommes". Les femmes doivent s'asseoir sur les kangas. Une femme debout, ce n'est pas acceptable ! Elle ne fait pas non plus de beach volley ou de foot. Un homme ne s'enlève pas le sable de son corps. Une femme, si, et très voluptueusement, surtout le sable sur ses fesses. Un homme doit nager, ou tout du moins faire comme si, car la plupart des Cariocas ne savent pas nager mais font semblant. Ils doivent prendre la vague de front, virilement. Les femmes, bien entendu, doivent seulement faire de petits clapotis et jouer avec les vagues. Enfin c'est rare, en fait elles doivent seulement s'immerger jusqu'à la taille, ou juste les doigts de pied.

Inutile de dire que j'ai brisé toutes les règles mais qu'ici, sur cette plage, tout le monde s'en fout. Même celle de poser mes fesses directement dans le sable, comme un gars.

Le soleil va bientôt se coucher et nous changeons de baie pour aller l'admirer, du côté de Botafogo où on peut voir le Christ qui surplombe la ville et toutes les couleurs chatoyantes du coucher de soleil, pendant que nous partageons une bière d'un litre, que Gabriel a payée. Malheureusement, il y a du vent, je suis encore un peu mouillée et ça serait un miracle si je ne chope pas la crève : je lui dis que je payerai la prochaine bière ce soir à Lapa, il faut qu'il vienne avec moi vu que c'est ma dernière soirée à Rio. On en convient, il rentre en Uber tandis que je vais me balader du côté de Botafogo, tout en admirant encore le Christ qui de nuit brille de mille feux, alors que les nuages lui tournent autour. On dirait qu'il prend feu. C'est magnifique. Botafogo, c'est un petit quartier agréable avec des bars sympas, un peu comme Lapa. Je profite d'un supermarché assez bien fourni, Zona Sul, un truc de riches, pour m'acheter un délicieux jus de goyave pour la route.

Retour, douche, tentative de joindre Gabriel ... Pas de réponse. Je vais manger une simple escalope de poulet avec du riz, il commence à pluvioter mais ça va. Toujours pas de réponse, bon, je vais quand même sortir seule, alors. Là, il pleut, ce qui en fait explique pourquoi Gabriel et les autres n'ont pas été motivés à sortir. Mais je lui devais une bière ! Bon, même à Lapa l'ambiance est moins festive. Je me sens un peu triste. Je me demande si je ne devrais pas rester une nuit de plus et partir pour Paraty dans la matinée. On prendra la décision demain.

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Jour 6

Il pleut toujours. Mais on est dimanche, et il y a un marché hippie à Ipanema. Je propose à Anuz d'aller y faire un tour, histoire qu'on se voie avant que je ne parte à Paraty. Car le temps et surtout les projets avortés vont finir par me blaser de Rio, et ce n'est pas le but. Donc, on se donne rendez-vous. Bon, une fois sur place, le marché n'est pas fameux, c'est un peu une perte de temps, donc nous allons faire du shopping ailleurs. Notamment moi qui doit acheter une paire d'Havaianas avant de partir. Je trouve mon bonheur rapidement. Avant de quitter Ipanema, nous passons rapidement sur la plage pour que je récupère du sable. Anuz me dit que je collecte des choses inhabituelles, et il n'a pas tort étant donné que je suis l'heureuse propriétaire d'un bout de pavé de Lapa qui s'était décroché du trottoir.

Il est temps d'aller prendre le bus pour Paraty ... Au revoir fabuleuse Rio, au revoir les gratte ciels et favelas, je suis heureuse de t'avoir rencontrée tout comme les gens avec qui j'ai passé du temps. C'est le genre de ville qui peut te retenir longtemps, enfin tant qu'il y a de la place, des gens sympas et qu'on a assez d'argent. Peut être qu'on se reverra pour le carnaval, qui sait ? Merci de ton accueil.

7

J'ai failli me tromper de bus et ne pas monter dans celui de Paraty. Je ne sais pas trop comment l'interpréter. En attendant que le bon bus démarre, je squatte la wifi du terminal pour chercher quoi faire une fois là bas. Les lundis, il y a un cours de capoeira, et il y a des FWT (je vais abréger maintenant) en anglais tous les soirs à 17h. Ce qui me laisse éventuellement le temps de me promener dans la matinée. Ou de me reposer, on verra, je suis très en retard sur le blog.

Nous démarrons, et quittons Rio et ses favelas qui couvrent les collines, comme autrefois les plantations de haricots. Il pleut toujours, l'humeur est un peu morose. C'est fort dommage qu'il fasse ce temps, car le bus atteint la côte, la Costa Verde, et la baie d'Ilha Grande qui est une destination incontournable quand il fait beau. Jenny, Aline, Margot et Mauricio y sont en ce moment, mais ça ne doit pas être très rigolo. Heureusement pour eux, le temps est censé s'améliorer dans quatre jours, mais pas pour moi du coup. Le paysage est quand même beau, de petites criques se découpant dans la baie, avec diverses îles en face. L'eau doit être turquoise, normalement.

Nous atteignons Paraty en fin de journée, et je vais m'enregistrer à l'hostel. Il ne reste plus que des dortoirs féminins, nickel. Enfin presque, car la salle de bains sent les égouts et mon lit est juste à côté. Alors, c'est loin d'être agréable mais c'est supportable, on verra peut être pour changer de lit ou de dortoir demain.

Je ressors pour aller dîner, et je trouve un "buffet mongolien". Entre guillemets car à part la déco, il n'a pas grand chose de mongolien, enfin je suppose que non vu qu'il propose un bowl avec du requin, le fameux requin de Mongolie. C'est ce que je prends et c'est délicieux. Avec du ceviche, et en dessert une banane flambée, on se fait plaisir. Les restaurants du centre ne sont pas très bon marché car Paraty est une petite ville touristiques de riches.

Je prends mon repas seule dans le restaurant, accompagnée des serveurs et d'une chanteuse de Bossa Nova. Sinon, il n'y a pas grand monde dans les rues. Ça promet d'être très tranquille.

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J'ai pu dormir malgré l'odeur et faire un semblant de grasse matinée, mais là c'est trop infect. Le dortoir est divisé en deux et probablement que de l'autre côté, on sent moins. Je vais changer de lit. Vers 11 heures, mission laverie. Je baptise mes havaianas sur le goudron de Paraty, car je n'ai plus de chaussettes propres (!) et le midi, je mange de la Black Angus délicieuse dans une churrasqueria. On ne s'en lasse pas.

J'ai envoyé un message pour la capoeira mais je n'ai pas de réponse. Et bien on verra à 15 heures ce qu'il se passe ... Malgré la grisaille, j'ai le temps d'aller me promener dans les rues pavées à moitié défoncées. Ce n'est pas facile d'y marcher, même avec mes chaussures de rando. Je comprends mieux l'intérêt des carioles, même si elles ont un but touristique. En tout cas, c'est très photogénique, on dirait un décor de cinéma (et des films y ont déjà été tournés d'ailleurs), mais compte tenu de la basse saison, on dirait un peu une ville d'exposition. Il y a des magasins et des restaurants, des snacks, des hôtels, mais la plupart des maisons sont inhabitées car ce sont des résidences secondaires des riches de Sao Paulo qui viennent à la plage l'été. La plage d'ailleurs, parlons-en. On y accède en franchissant un petit pont qui enjambe le canal où l'on trouve tous les petits bateaux. De l'autre côté, une grande tente a été installée pour des stands, car la ville fête sa patronne, Nostra Senhora de los Remedios. Ah, ben oui d'accord, on n'est plus à une fête près. En vrai, on s'y habitue, à avoir de la musique tout le temps.

La plage doit avoir un côté paradisiaque quand le ciel est bleu. Heureusement que je ne suis pas trop en manque de ce côté là, de toute manière rien pour l'instant ne remplace les Perhentians dans mon coeur.

Il est 15 heures, je me rends à l'endroit indiqué pour la capoeira mais malheureusement, personne ne vient ... J'aurais peut être dû contacter par Whatsapp plutôt que par mail, mais j'aurais été toute seule pour l'atelier dans tous les cas. Pas grave ... À l'hostel je rencontre des gens, Belges flamants et un Chilien, qui jouent au poker avec des bonbons. Je galère un peu à me souvenir des règles et surtout, avec le vocabulaire anglais, c'est compliqué. Donc j'y vais totalement au pif, et je prétends savoir ce que je fais. Le pire c'est que ça marche, il doit vraiment y avoir la chance du débutant. Bon, j'ai eu de bonnes mains par moment aussi, et du coup je gagne, mais au bout d'une heure je dois partir pour le FWT.

C'est un peu tard pour un tour, quand le soleil se couche à 17h45. Notre guide anglophone se nomme Enrique.

Paraty a été fondée en 1502 et très vite, elle devient une ville importante car c'est le premier port de commerce d'esclaves du Sud du Brésil (le premier du pays étant évidemment Salvador). Elle commence à produire de la cachaça, notamment pour rendre les esclaves alcooliques donc dépendants de leurs maîtres. Un peu tous les jours, sans les rendre ivres et inaptes, mais cela suffisait pour empêcher des rébellions. Au 18e siècle, elle se met à produire du café. Mais de nouvelles routes sont construites, notamment celle qui relie Rio à Sao Paulo, et elle s'en retrouve isolée. Elle tombe un peu en désuétude jusqu'au milieu du 20e siècle, où il y a un boum du tourisme, lui faisant entamer son troisième cycle économique depuis sa création, sans avoir quitté la cachaça.

Nous faisons maintenant face à l'Igreja Matriz, l'une des quatre importantes églises du centre, organisées par congrégations : les blancs, les métis, les esclaves et les esclaves libres. Elle devait posséder un clocher mais il a été jugé trop lourd, et l'église risquait de s'enfoncer dans le sol meuble. C'était aussi une excuse pour continuer à demander de l'argent pour sa construction. Les travaux pouvaient donc prendre pas mal de temps ... Les Brésiliens ont une expression pour les choses qui trainent en longueur, "comme une église qui ne se termine jamais".

Avez-vous remarqué les motifs géométriques sur certains maisons ? Ce sont des logements de francs maçons. Ils ne posent aucun souci en Amérique. Souvent comme ils sont riches, leurs maisons sont ornées d'ananas et de trompettes qui signifient bienvenue et abondance. On peut voir aussi des toits à pointes dont le nom est "pagoda", donc c'est une mode ramenée de Chine. Il est probable que les premiers gens de Paraty qui aient adopte cette architecture l'aient fait "pour la blague" que ces tuiles allaient canaliser les mauvaises ondes hors de la maison. Mais finalement, c'est une mode qui a été adoptée telle quelle.

Les rues étaient volontairement basses et creuses pour que la marée emporte les déchets. Mais quand les égouts ont été installés, il a fallu les surélever. C'était tout un travail d'ingénieurie car lors de certaines pleines lunes, l'eau inonde les rues mais ne monte que jusqu'aux trottoirs. Maintenant, ça devient un peu risqué avec le réchauffement climatique.

Ça y est, c'est fini. Je n'ai aucune monnaie à lui donner, c'est soit 2 reales soit 50. Je pars comme une vilaine voleuse, pour retourner jouer au poker. Mais l'ambiance est plus à la papotte. Apparemment, il y a une roda de samba ce soir, mais les gens avec qui je parle ne sont pas motivés pour s'y rendre. Moi si, quand même. Et on m'a dit que c'était sur la place principale, mais pas vraiment. Par contre, il y a une procession, ils sortent Nostra Senhora et ils la baladent, bien qu'elle n'ait pas le panache de Boa Morte. Oh, bon, et bien suivons le défilé, tant qu'à y être, même s'il commence à pluvioter.

En fait le concert a lieu de l'autre côté du pont. Comme d'habitude, les gens dansent avec allégresse. C'est probablement le seul endroit de la ville où il se passe quelque chose. En attendant, je sirote un Jorge Amado, qui est un cocktail que j'ai choisi totalement au pif, je sais juste que c'est une spécialité de Paraty. J'espère que ça ne va pas me faire le coup de la michelada au Mexique. Mais non, ouf c'est bon, il y a des grains de fruit de la passion, qui se prennent dans ma paille telles des billes de tapioca dans un bubble tea. Un autre cocktail proposé est le "lait de singe", avec de la vodka et du lait concentré. Bizarre.

C'est sympa, c'est mignon, mais ce n'est pas la folie non plus. Allez, on se rentre.

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Agréable de ne pas sentir cette ignoble odeur d'égouts ! J'ai de la chance qu'elle n'ait pas imprégné mes vêtements, d'ailleurs. Ce matin, je fais un petit effort pour me lever, je vais vérifier les horaires de bus, et je vais voir une exposition photo sur les dauphins

Voilà, rien de plus à Paraty. Je ne regrette pas d'être passée, c'était intéressant mais pas plus qu'une journée. Le trajet en bus pour Sao Paulo va durer 6 heures, en longeant la côte. Et une fois les montagnes qui entourent Paraty passées, il fait soleil et c'est l'occasion de voir la belle couleur de l'eau sous la lumière.

Nous montons en altitude pour franchir la Serra do Mar, jusqu'à atteindre les nuages ! La jungle dans la brume, c'est toujours quelque chose. Puis, plus tard, nous voici dans la banlieue et ses favelas. Mais les favelas, au moins, ce sont des maisons. C'est moins pire que les tentes des clodos de Sao Paulo autour du terminal Tiete, où j'arrive. Et comme je n'ai pas froid aux yeux et que j'ai envie d'exercice, je vais marcher 3 kilomètres jusqu'à la station de Luz où se trouve mon hostel de la nuit. En passant donc devant les campements, et en faisant attention à ne pas marcher dans le caca d'homme. Je reste comme il faut sur mes gardes, et le trajet se passe bien. C'est fou comme les rues de Sao Paulo se vident le soir, à croire que le coucher du soleil transforme les gens en Gremlins. Les clodos, peut être. Ils sont des hordes. Ça sent le danger, mais l'adrénaline aussi. Ce qui fait qu'une fois mon sac posé dans le dortoir qui va m'appartenir pour la nuit car il n'y a personne d'autre, je ressors. Mon objectif, c'est de tester le bar du coffre au Farol Santander, qui est à 20 minutes à pied, parce que je n'avais pas assez marché. Ça craint ces rues, ça se sent. Mais en marchant vite et en restant loin des gens, distances de sécurité, rien ne se passe. Et du coup, ce bar est un bar de riches, un bar à cocktails. Même pas de caipirinhas ici, c'est pour les pauvres. Je prends un Pisco Sour en l'honneur du Pérou.

Par contre, je n'ai pas envie de refaire le trajet en sens inverse. Le métro sera plus sûr ... C'est donc sans encombre que je rentre, enfin presque, ayant tourné 10 minutes en sous sol pour trouver une sortie vu que la mienne était fermée. Je me couche, je commence à m'endormir, et il y a un gars qui ouvre la porte du dortoir à minuit, avec fracas, sans toquer. Bon déjà, ce n'est pas agréable dans un demi sommeil, et puis je suis blaser car je pensais vraiment que l'intimité c'était gagné. Et aussi, ça me stresse d'être seule avec un seul gars dans un dortoir. Bizarrement deux ça irait. Du coup je fais une mini scène en jouant un peu de panique et d'effarouchement, et ça marche, on le met dans un autre dortoir. En vrai, j'ai eu un peu peur, et le pic de cortisol ne redescend pas jusqu'à 3 heures du matin. Ce qui ne m'empêche pas d'être assez fraîche et dispo à 7h30, impatiente de passer à la suite !

Vous voulez encore de la favela? 
8

Brésil 

J'arrive à Foz do Iguaçu un peu avant midi. La bonne surprise en sortant de l'aéroport, c'est qu'il fait vraiment bon ! Ensoleillé, ni trop chaud ni trop froid. Et c'est tant mieux parce que pour des raisons de simplicité, je me rends directement au Centre des visiteurs du Parc National d'Iguazu, à pied, 45 minutes de marche. Mais ça va, ça se fait facilement, même avec le sac sur le dos. J'ai même sous estimé mon efficacité car j'ai réservé le bus pour 13 heures alors que j'arrive à 12h30. Je me dis que je vais attendre un peu et grignoter un truc ... Mais la dame de l'accueil me dit qu'elle peut changer mon ticket pour la demie, comme ça je profite plus longtemps, et je peux même mettre mon sac dans un casier, j'ai tout juste le temps mais il va falloir que je courre ! Et c'est avec efficacité que j'y parviens pile dans les temps. Ça s'est vraiment bien goupillé !

Le bus nous emmène au premier point de vue. Du côté brésilien, tous les guides parlent de "vue d'ensemble", et du fait que les chutes du côté argentin sont bien plus impressionnantes. Le groupe descend donc le long de la falaise où un trail a été aménagé, et ... La première rencontre avec les chutes est saisissante. Attendez, vous voulez dire que ça, c'est pas aussi impressionant que de l'autre côté ? Bah putain, qu'est ce que ça va être, alors ? On comprend tout de suite pourquoi c'est une des Sept Merveilles de la nature. Le plus joli, c'est qu'elles s'étendent sur plusieurs kilomètres, en plein milieu de la jungle. Le temps est un peu couvert, mais pour autant, ce n'est pas si grave.

En plus aujourd'hui, c'est la fête nationale brésilienne, donc il n'y a pas grand monde. C'est donc plus agréable de se promener tout le long du trail, face aux chutes. Il y a même des coatis curieux qui viennent voir les touristes !

L'attraction principale, c'est la Garganta del Diablo, la plus grosse chute. Et déjà du côté brésilien, on peut s'en approcher par en bas, quitte à être trempés ! Il faut faire attention aux téléphones, quand même. Bon, d'accord, moi-même j'ai déjà pris un sacré risque en réalisant mes time-lapses, en posant mon téléphone sur la rambarde pour qu'il ne bouge pas, un enfant inattentionné aurait pu me le faire tomber. J'ai pu le faire mais c'étaient les 3 minutes les plus longues de ma vie, à craindre qu'il ne bascule dans le vide même si j'étais prête à le rattraper. Mais bon, il est toujours là. Ce portable et moi, c'est pour la vie, on dirait.

Le trail fait un peu plus d'un kilomètre, et maintenant c'est l'heure d'aller manger, quand même. Il y a un buffet, dans un restaurant au bord du Rio Iguazu, je croyais que c'était un buffet au kilo mais il est à volonté et il coûte 100 reales. Bon, quitte à payer 20 balles, autant se faire plaisir avec leur délicieux risotto aux morilles ! Et d'autres plats un peu raffinés. Je me régale. C'est vers 15h30 que je décolle, pour aller prendre le bus qui va m'emmener en centre ville. Je n'en ai pas vu beaucoup lors de mon précédent chemin.. Et effectivement j'attends pas mal de temps. À côté de deux nanas qui ont fait un tour d'hélicoptère au-dessus des chutes. Ok. Il faudrait que je teste l'hélico un jour. Le bus finit enfin par arriver, il y a de la wifi dedans. Toujours dans des endroits improbables au Brésil, c'est pratique.

Me voici au Tetris Container Hostel: comme son nom l'indique, il est fait de containers colorés imbriqués les uns dans les autres ! J'adore le concept. Il y a même une piscine mais l'eau est vraiment trop froide. J'ai rapidement le temps de faire le check in que je commande un Uber moto pour me rendre au Marco de las Tres Fronteras. C'est un endroit pour marquer le tripoint entre le Brésil, l'Argentine et le Paraguay. J'aimerais y être avant que le soleil ne se couche. Il y a des animations, des shows culturels ... Mais l'entrée coûte 45 reales car c'est une espèce de complexe. J'en ai marre de dépenser mon argent pour du rien, donc au final je zappe et je vais le garder pour mieux. Maintenant que je suis là, je vais essayer de trouver un endroit aux alentours pour prendre la photo et voir le soleil se coucher. Je trouve un chemin qui descend vers la confluence, du rio Iguazu et du rio Parana, donc. Il y a l'air d'y avoir un bâtiment rond qui s'appelle Espaço das Americas sur ma carte, mais quand j'y parviens, je me rends compte qu'il est abandonné. Il avait l'air assez prestigieux. On peut rentrer facilement dans son sous-sol, chouette, je vais me retrouver accidentellement à faire de l'urbex! On verra ça en revenant, surtout qu'il y a peut être des junkies dedans, sait-on jamais. Je trouve un accès au fleuve, une pente un peu glissante mais je vois des pêcheurs en bas, c'est que ça doit être praticable. Le seul truc qui me fait sursauter, c'est que je me prends une toile d'araignée dans la figure, et ce avec l'araignée en question, trois fois plus grosse que nos araignées à nous, qui se retrouve sur mon bras. Merde, j'ai pas besoin de me refaire piquer ! Mais ouf, je me débarrasse sans encombre de la bestiole. Sinon, j'ai trouvé un bon spot. Il y a plein de tripoints dans le monde mais c'est toujours rigolo. Je peux voir en face Puerto Iguazu où je me rends demain, ça a l'air de se la péter un peu. Le temps de voir un petit bateau qui s'ambiance bien remonter la rivière, je remonte. Le soleil ne s'est pas encore couché mais ça ne sert à rien en fait, on ne le voit pas de ce côté. Je rentre donc dans le bâtiment abandonné pour mon excursion urbex surprise mais ... À peine je rentre, qu'il y a deux gars dans un coin sur ma gauche. Oh le flip. Ils sont en train de faire, euh .. Alors la première idée sortant de mon cerveau alerte dans ce genre d'endroit c'est qu'ils étaient en train de se droguer, mais après coup, ils étaient peut être en train de se faire des trucs. Ce qui n'est pas un super endroit vu que ça sent la fiente. En fait, je sais pas, ça s'est passé trop vite, ils avaient l'air habillés mais dans une position ..? Bref, je ne le saurai jamais avec certitude. J'entre par une autre fenêtre pour ne pas les déranger et/ou ne pas me faire agresser, c'est selon (c'est quand même ma préoccupation principale), mais bon c'est juste une pièce circulaire, les fondations, quoi. Ça aurait été rigolo d'explorer la terrasse en haut mais le pont pour y accéder a été détruit. Plus rien à voir ici, je vais laisser les deux gars tranquilles. Ça m'apprendra à avoir des bails sombres comme ça.

Le soleil se couche sur le grand pont qui relie le Brésil et le Paraguay, pas très sexy mais les couleurs sont très belles. Maintenant, je suis un peu coincée pour revenir. Il semble y avoir un unique bus car il y a un arrêt mais là encore, ça pourrait prendre des plombes. Peut être que sur la grande avenue il y a plus de passage ? Allez, comme si je n'avais pas assez marché de la journée, je m'y rends, prenant au passage des forces avec un jus d'abacaxi (ananas).

Je trouve un arrêt où des enfants attendent, et le bus passe au bout d'une demi heure. J'appuie pour descendre, mais le chauffeur a l'air de s'en foutre, je me retrouve donc à l'arrêt suivant. Où je repère un rassemblement festif, si vous vous souvenez bien du début de cet article j'ai mentionné que c'était la fête nationale. Regrettant de ne pas être dans une grande ville, je suis contente d'assister à des trucs quand même! Sauf que .. Quand je me retrouve au milieu de la foule, je constate qu'ils ont des drapeaux, des serviettes et des badges "Bolsonaro 2022". Avec un mec qui fait un discours sur oh combien Bolso a rétabli l'ordre dans le pays. Ah bon, avec le bordel de la crise du covid ce n'était pas mon impression mais d'accord. Bien sûr, je me casse dès que je me rends compte de ce qu'il se passe. Ils tirent un feu d'artifice, mais pas question de rester pour un feu de fachos, là.

De loin, c'est là qu'ils sont le mieux ! 

Je trempe mes pieds dans l'eau de la piscine, ça fait un bien fou. Et je prends ma caipirinha offerte. Mais les gens sont un peu entre eux, pas facile d'aller leur parler. Je vais m'acheter à manger un peu tard, des nouilles chinoises car je n'ai pas très faim et les restos ça ne me dit rien - normal après ce midi. Je suis bien crevée, la soirée risque d'être tranquille, il n'y a pas grand monde dans l'hostel, les gens sont peut être partis faire la fête. Dommage, j'étais chaude pour ma dernière soirée au Brésil avant l'Argentine. En plus, pour la fête nationale ... Je demande quand même au gars de l'accueil s'il y a des trucs spéciaux ce soir, il me dit non mais y'a des gens qui sortent, va avec eux si tu veux, et il leur court après pour qu'ils viennent m'intégrer ou me baby-sitter. Sympa ! Mais en fait je parle avec ces gens, je dis que je suis française, et un gars me dit "ah mais il y a une autre française, tu l'as pas vue ? Tiens, elle est là" alors que nous passons devant une terrasse de restaurant. Et c'est ainsi que je fais la connaissance du groupe de Constance, Valentine et Louna, et aussi de Chris et Florus qui sont Hollandais. Du coup, je reste avec eux et nous sortons dans un bar dansant, avec de la pop (Las Ketchup, s'il vous plaît !) mais aussi beaucoup de reggaeton. Je ne me sens plus trop fatiguée et les Brésiliens se donnent quand il s'agit de danser, on peut faire des minis chorégraphies. Même celle que j'ai faite en arrivant à Sao Paulo, la boucle est bouclée. Par contre le twerk c'est vraiment pas pour moi. Mon dieu, on dirait que dès qu'il s'agit de bouger leur boule, ils rentrent en transe. Et ça peut devenir ultra chaud, mais des fois juste pour le fun et le spectacle. C'est normal au Brésil ... En France on se ferait traiter de salope. Mais bon, ça ne me met pas particulièrement à l'aise de faire ça, voire pas du tout. Ça ne m'empêche pas de filmer les nanas. Au final, super soirée à danser (intensément mais pas sexuellement) et à se défouler, plus moi que le reste du groupe qui reste un peu timide.

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Argentine

Je n'ai pas bu beaucoup d'alcool hier mais outch ! Le corps a bien chargé avec tout cet exercice physique. Bien que réveillée vers 8 heures, les courbatures ne s'estompent que vers 10. C'est à ce moment là que je pars, sans trop perdre de temps car il faut passer la frontière. Je commande donc un Uber en direction du terminal international, parce que logique, je vais en Argentine. Dans un autre pays. À l'international. Mais quand j'arrive, je me rends compte qu'il n'y a que des bus pour le reste du Brésil. Et on me confirme que les bus pour le Paraguay et l'Argentine sont au terminal urbain. LO-GIQUE. Cette fois ci j'y vais en bus de ville, et j'arrive à trouver l'arrêt. Je dois prendre un ticket, le conserver pour quand je descends à la douane, reprendre un autre bus de la meme compagnie. Parce que les Brésiliens de Foz n'ont pas besoin de formalités pour entrer en Argentine. Le pire, c'est que ce bus s'arrête aux arrêts normaux, ce que je ne savais pas, enfin en tout cas je n'en étais pas sûre et je préférais partir de la gare routière. Il passe donc devant mon hostel. 50 minutes de perdues.

Je descends à la douane comme prévu, tampon de sortie du Brésil. Pas pour longtemps. Maintenant, il faut attendre que le prochain bus passe, c'est mal fichu. 30 minutes en plus. Si seulement j'avais pu prendre un Uber international, me dis-je à un moment donné ... Pensée que j'ai vite regrettée en voyant la file d'attente pour passer la frontière en voiture. Et nous en bus on les double par le côté. Bon, finalement pas trop de quoi se plaindre hein ! Nous passons la douane et cette fois le chauffeur attend les passagers, ça va nous ne sommes que trois. Mais quelle déception ... Pas de tampon d'entrée ! Juste un QR Code de merde qu'on m'envoie par mail. C'est donc ça l'avenir des passages de frontières ? Des passeports ? Ah, non, je refuse le progrès, je veux regarder tous mes petits tampons pour toujours, sinon à quoi ça sert les pages des passeports ... Je verrai en partant si je peux demander un tampon de sortie, je sais qu'en Europe on a le droit de le faire.

Et ça y est nous sommes à Puerto Iguazu. Le temps est pour le moins particulier aujourd'hui, le soleil brille, mais il est vraiment très rougeoyant. En plus, il se trouve que Puerto Iguazu est construit avec pas mal de briques, et la terre y est ocre foncé. Résultat : on se croirait dans une scène de série américaine qui se passerait au Mexique, donc pour laquelle ils auraient appliqué leur filtre orangé. Mais en moins dégueulasse, parce que cela donne la sensation que le temps s'est arrêté dans une golden hour permanente.

Une ville très rouge.

Finalement avec tout ça il n'est que midi. Je vais déposer le sac à l'hostel, et je vais manger dans un buffet a quilo, vu qu'il y en a un de ce côté aussi. Moins cher que les autres restaurants et surtout, plus sain. Mais pas aussi bon que ce que j'ai pu trouver au Brésil. Puis, je retourne au terminal de bus pour le prendre en direction des Cataratas. Mais mauvaise surprise: je l'ai raté de 5 minutes, le prochain est dans une heure. Allez, super. Ça va être super juste pour visiter, maintenant, mais le trajet dure 20 minutes donc j'y serai vers 14h30, c'est encore faisable. Bon, je dis que je l'ai raté de 5 minutes mais pas tout à fait. Déjà je ne peux pas payer mon ticket par carte, je dois aller chercher du cash à deux blocs de là. Mais quand j'arrive à la banque ... Il y a une longue file d'attente. Il n'y a que deux distributeurs qui marchent. Les autres ne fonctionnent pas. Ah oui, je savais que c'était la crise mais à ce point. Ça me prend bien 20 minutes cette affaire, et je ne peux retirer que l'équivalent de 130 euros avec une commission de 10 euros, hummm. Je crois que si on m'en avait parlé avant, je n'aurais même pas voulu le croire. Ça y est, je peux prendre le bus, je l'attends un peu, et non il ne met pas 20 minutes mais 40 pour arriver au parc. Pfffff, que de perte de temps. Donc forcément, quand je prends mon ticket la dame me dit que je ne vais pouvoir faire que la Garganta del Diablo (de l'autre côté) vu l'heure, et que c'est mort pour les deux trails. Oh, tu ne me connais pas, tu sous estimes ma capacité à savoir faire (malheureusement, indépendamment de ma volonté) les excursions au pas de course. Littéralement.

Déjà elle ne pensait pas que j'attraperais le petit train de 15 heures. Apparemment il faudrait des tickets de train mais on ne les a pas ? Bon, pas grave, on monte quand même. Dans ce train qui est tout mignon mais qui va à 5 km/h. Donc il faut 20 bonnes minutes avant d'atteindre la dernière station ... Allez, on ne perd pas de temps, on va essayer de rentabiliser. Heureusement que je marche vite, que je fais de grands pas. Mais le trail jusqu'à la Garganta est très très agréable, je veux dire, c'est magnifique. Nous sommes sur des passerelles au-dessus de l'eau, traversant l'immense rio Iguazu (qui veut dire "grande eau" en guaraní, on comprend pourquoi). Et la lumière de la golden hour en permanence, là. Je ne sais pas si ça a un rapport avec le fait que nous sommes sous le Tropique du Capricorne. Encore plus loin même, mais pas tant que ça. En tout cas c'est particulier. J'aimerais prendre une tonne de photos mais encore, cela ne rendrait pas justice à la beauté du paysage. J'arrive à marcher les 1100 mètres en 12 minutes, pour me retrouver au point de vue et AH OUI D'ACCORD. Des tonnes d'eau, probablement. Des tonnes d'eau qui s'écoulent dans un débit particulièrement hypnotique. À tel point que les 15 minutes réglementaires que je passe sur place semblent 15 secondes.

Bien, maintenant il s'agit de s'activer pour choper le petit train de 16 heures. Et quand je dis s'activer ... C'est taper un footing. Au pas de course, j'ai dit, et je ne déconnais pas. Un petit footing au-dessus du rio Iguazu par 30 degrés, oh, j'ai fait pire. J'arrive à doubler les gens, mais à la station il y a vraiment beaucoup de monde. Heureusement pour moi je peux m'asseoir, une des dernières places dispos. Et cela me permet d'arriver à temps, avant que les deux trails ne ferment. Mais je vais probablement pouvoir n'en faire qu'un. Celui d'au-dessus, ou celui d'en-dessous ? Et bien il y a l'air d'y avoir plus de points de vue au-dessus. Je fais donc ce choix là.

Et je ne regrette pas ! C'est vraiment magique. La lumière est toujours magnifique, le panorama est spectaculaire. L'eau crée des arcs en ciel qui ressortent plutôt bien sur les photos.

L'avantage là c'est que je peux un peu plus profiter. Mais pas bien longtemps tout de même, il est 17 heures et le parc va fermer. Je regarde l'autre trail au cas où mais non, "no pasar". Il y a un petit sentier dans la jungle qui nous permet de retourner à l'entrée, pour attendre le bus qui va ramener tout le monde en centre ville. Enfin, il y a une longue file d'attente devant moi ... Mais le chauffeur dit qu'il reste une place. Donc je me dévoue et je passe devant tout le monde comme la petite crevarde que je suis.

Cela me permet d'arriver à Puerto Iguazu avant le coucher du soleil, et donc de trouver un point de vue sympa pour le voir se coucher sur le Paraguay, plus en hauteur cette fois ci. Il est d'un rouge sang, c'est très beau. Les moustiques me tournent autour, mais je suis en sécurité grâce à la magie du répulsif.

La soirée est assez tranquille, après avoir mangé au buffet je me couche tranquillement, je fais la connaissance d'un homme un peu âgé qui parle français car il a vécu sur la côte d'Azur et c'est un artiste. Il est bien perché, mais il me parle des cantatrices françaises qu'il a connu dans sa jeunesse, comme Mady Mesplé. Grande star à l'international, semble-t-il.

Voilà pour Iguazu, et la première journée en Argentine, qui semble un peu plus galère que le Brésil. Je suis un peu frustrée de ne pas avoir eu plus de temps dans le parc, une heure de plus ça aurait pu passer. Mais c'est mieux que rien. Et ça en valait la peine. Il y a aussi une réserve que l'on peut visiter aussi, du peuple Yryapu. Mais impossible pour moi de tout faire!

9

Jour 1

Ça commence bien, le premier vol en Argentine. Il était prévu à 10 heures, encore hier quand j'ai fait le check in, et surprise, en arrivant à l'aéroport il est affiché pour 10h30. Et en vérité il ne décollera pas avant trois quarts d'heure supplémentaires. Je ne le sais pas encore, mais ce n'est que le début des retards car rien n'est à l'heure en Argentine. Rien. Jamais.

Buenos Aires a l'air très sympa, plantée au bord du Rio de la Plata qui fait office de mer. Encore faut-il pouvoir quitter l'aéroport. Car quand je veux prendre le bus, impossible de payer à bord ! Il faut une carte "SUBE". Qu'on ne trouve qu'à un endroit dans l'aéroport. Qui n'en a plus. Je traîne pendant une heure pour tenter de trouver un autre endroit, mais rien. Il va falloir que je fasse la manche si je ne veux pas passer la nuit ici. Enfin, non, en fait je propose 50 pesos à un gars car ça coûte 30, mais il n'en veut même pas, il me paye le passage. La manche malgré tout, donc.

Ok, j'arrive au bon endroit, par l'impressionnante avenue 9 de Julio qui est la plus large au monde ! 140 mètres, 6 passages cloutés, et ça doit être une douzaine de voies en tout, voire plus. Au centre trône une obélisque, qui n'a aucune signification particulière. Du coup, traverser prend du temps. Mais l'hostel Viajero n'est pas bien loin, à quatre blocs de l'avenue. Oh, et ici les blocs s'appellent aussi des manzanas ... Je ne vois pas trop le rapport avec les pommes.

L'hostel est vraiment cool: bar, activités, cuisine, dortoirs confortables avec rideaux, et piscine (mais il fait bien trop froid). Au vu du tableau des activités, il y a vraiment beaucoup de choses à faire. Il va falloir que je me fasse carrément un planning. D'ailleurs, il y a un atelier maté à 17 heures. Je vais faire un tour dans le quartier pour chercher à grignoter avant, et pour repérer les environs. Je tombe sur un petit resto qui vend des empañadas, allez il faut tester. Elles sont dé-li-cieuses, comme je disais en arrivant à Sao Paulo, la première bouchée de street food dans un nouveau pays, c'est toute une poésie. J'ai aussi une part de Budin de Pan, un espèce de pudding dans du caramel. Miam. Toujours pas très light, j'ai dû prendre facilement 3 kilos pendant ce voyage. Régime en rentrant.

C'est l'heure de l'atelier. Nous faisons connaissance avec Dante, qui s'occupe des animations de l'hostel, mais ce n'est pas lui qui anime le maté, c'est un autre gars. Il nous explique que le mot maté fait en fait référence au verre ou au pot, et ce qui se boit ce sont les yerbas infusées . Les récipients sont faits à la base avec des calabasas. En Argentine, il y a tout un processus pour faire son maté: remplir à moitié avec les yerbas, incliner à 45 degrés pour faire un petit tas pentu, planter la paille dans le sens opposé, recouvrir d'eau mais laisser un petit peu de yerbas sèches. D'où le tas. Il y a un cebador, un serveur d'eau désigné dans un groupe. On se filme pour voir si l'on va faire la grimace car c'est amer. Non, parce qu'en fait, j'ai connu pire au Pérou ...

Il fait froid quand même dehors, ça fait du bien de rentrer à l'intérieur pour profiter du cocktail d'accueil gratuit, qui est une sangria. Mais il faut vite ressortir, car il y a un groupe de deux gauchos qui viennent pour jouer de la musique traditionnelle.

L'ambiance dans le bar n'est pas trop mal bien qu'il y ait beaucoup de groupes déjà formés, mais je m'incruste quand même avec des Argentins de Rosario pour jouer au Jenga avec eux. Puis, c'est l'heure de manger, je me suis inscrite à la soirée asado (barbecue) pour manger de la viande grillée au feu de bois et boire du Malbec. Je fais la connaissance d'encore pas mal de monde, et je suis forcée de parler espagnol durant tout le temps mais je me débrouille pas trop mal. Nous faisons une partie de Uno avec des règles un peu différentes, évidemment, personne n'a jamais les mêmes. Puis avec encore d'autres personnes, Dante nous emmène dans un bar, le Gibraltar.

Les fameuses carafes pingouins. 
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Jour 2

Lendemain un peu difficile, mais on ne va pas se laisser abattre ! Le temps est radieux malgré la fraîcheur hivernale de Buenos Aires, à 15 degrés. Le seul problème, c'est que j'ai perdu ma voix. Extinction quasi totale, mais j'ai mal à la gorge depuis Iguazu. Ça ressemble bien à une angine, je me demande comment j'ai fait pour choper froid par 25 degrés alors que je n'ai eu aucun souci à Rio malgré le fait d'être trempée avec du vent. Je pars faire un tour dans le centre-ville, côté Monserrat et Puerto Madero et ses buildings. Il faut savoir que Buenos Aires est une ville qui a voulu s'affranchir du style espagnol, et qui a rasé bon nombre de ses buildings pour en construire de nouveaux, tout sauf espagnol. On retrouve donc beaucoup de style haussmanien, mais aussi des immeubles cubiques des années 70, des inspirations italiennes, américaines, et ce les uns à côtés des autres dans la même manzana. Ce qui donne un ensemble très hétéroclite et plutôt rigolo quand on s'intéresse de près à l'architecture.

Mon premier arrêt est la plaza ... Non, mon premier arrêt est le snack d'empañadas, parce que j'ai faim, et elles sont moins bonnes que la première que j'aie mangé. Malheureusement, même si nous sommes samedi, beaucoup de commerces sont fermés. Donc, je me rends à la Plaza de Mayo, où se trouvent le Cabildo et surtout la Casa Rosada, siège du gouvernement. Qui était censée proposer des visites gratuites le samedi mais il semblerait que non. Bon, tant pis. Je pousse mes pas jusqu'à la Reserva Costanera Sur, un parc écologique, mais c'est un peu loin et en fait je pars du mauvais côté, il n'y a pas de pont là où je vais. Du coup, je laisse tomber, mais cela ne m'empêche pas de me promener sur les docks de Puerto Madero et d'admirer le Puente de la Mujer, en rénovation. Il y a pas mal de petits restos aménagés en bord de fleuve, c'est assez sympa et ça rappelle les villes européennes comme Anvers ou Hambourg. Puerto Madero était un quartier défavorisé, mais ils ont construit plein d'hôtels chics, d'où le look building, et tout le quartier s'est gentrifié.

De retour dans l'autre sens, je remonte la rue Florida où se trouvent pas mal de commerces, jusqu'au niveau de l'obélisque. Puis, je prends l'une des deux seules avenues diagonales du quartier, Saenz Peña, pour revenir à mon point de départ. J'essaye de trouver le passage Rivarola qui est connu pour être parfaitement symétrique, mais c'est peine perdue: maps.me n'est pas très précis ici, et les rues en angle droit sont si longues qu'il faut donner les adresses selon le quadrillage: au coin des 4 rues. Ce n'est pas tout à fait le même système qu'à New York où les rues sont aussi divisées en ouest/est, nord/sud, ce qui est aussi fort pratique. Mais du coup, je reviens sur la Plaza de Mayo. Et juste à côté, il y a une scène avec des gens qui font des démonstrations de danse. Cool, encore des danses traditionnelles argentines ? Traditionnelles oui, argentines non. Il semblerait que ce soient des danses du monde, et particulièrement d'Europe car il y a un groupe déguisé pour les ferias de Bayonne. Enfin, en basques, quoi. Je me disais bien, aussi.

J'en profite pour visiter le Cabildo, qui est donc l'ancien donjon et un siège militaire. Il y a un musée pour en apprendre plus sur la Révolution.

Le musée retrace le système sociétal colonial que nous connaissons bien: des castes selon la couleur de peau et l'origine ethnique, même si les personnes ne sont pas esclaves ou affranchies, les commerçants, les métiers manuels, l'élite, les femmes qui sont dépendantes de leur mari ... C'est au début des années 1800 qu'il va se passer beaucoup de choses pour l'Argentine. En 1806, les Anglais prennent Buenos Aires. Très facilement, car l'Espagne a l'air d'en avoir rien à foutre. Même le vice roi, Rafael de Sobremonte, quitte la ville pour aller à Córdoba. Peut être en prenant la thune avec lui, on ne sait pas trop. Les gens de Buenos Aires n'étaient pas contre cette occupation au départ, sauf que les Anglais sont protestants et ils ont très vite voulu imposer des lois anti catholiques. Ce qui n'allait pas du tout, donc protestation. L'Espagne finit par se bouger et demande à un officier français qui travaille pour eux, Jacques de Liniers, de monter une armée à Montevideo et de reprendre la ville. C'est ce qu'il se passe, au terme d'une journée sanglante. Liniers fut nommé vice roi du Royaume de la Plata. Au final, l'occupation anglaise aura duré 46 jours.

Mais ce n'est que le début des emmerdes. En Europe, Napoléon envahit l'Espagne à ce moment là (les Portugais fuient à Rio, etc), le Conseil de Séville se crée, et les sud-américains se rendent bien compte que le pouvoir faiblit, mais se sentent toujours un peu abandonnés. Des juntes prennent un peu de pouvoir, et surtout s'insurgent contre Liniers qu'ils accusent de vouloir donner le royaume à Napoléon puisqu'il est français. Liniers a le soutien des militaires, mais la situation est quand même tendue, alors un autre vice roi est nommé, Cisneros. Il contrôle la situation jusqu'en 1810, où toute l'Espagne tombe aux mains de Napoléon. Le 22 mai 1810, le peuple décide de créer un gouvernement local, mais comme le roi d'Espagne a toujours du pouvoir, ils créent cette organisation "au nom du roi". Ainsi, personne ne peut dire qu'ils sont entrés en Révolution, même si techniquement c'est le cas. Enfin, ça, c'est pour la majorité, qui veut rester en monarchie fédérale. Un autre groupe commence à parler d'indépendance, car le pouvoir du roi est affaibli, et le pays avait été conquis par la force. L'idée se propage partout au même moment, avec la formation de gouvernements autonomes dans toute l'Amérique latine. Cisneros et d'autres fonctionnaires furent envoyés en Espagne.

La suite, c'est beaucoup de conflits entre tous ces gouvernement autonomes, mais aussi une guerre civile entre les partisans de la couronne et ceux de l'indépendance. Ils essayent de se libérer les uns les autres, tandis que finalement, Napoléon est repoussé et le roi Fernando VII revient sur le trône, ce qui met la Révolution à mal, sans compter que la guerre crée une grosse crise économique. L'Argentine se proclame indépendante le 9 juillet 1816 sous le nom de "Provinces Unies d'Amérique du Sud". En 1817, José San Martin parvient à libérer le Chili, puis le Pérou des royalistes. Ainsi, les autres ont pu devenir indépendants aussi.

Fatiguée, mais pas inactive pour autant. Je vais faire une activité relativement tranquille ce soir, le Teatro Ciego. C'est une pièce de théâtre dans le noir, jouant sur les bruits, les odeurs et les sensations. Un peu comme ce que j'ai fait à Hambourg. Je réserve ma place et je ne résiste pas à l'envie de marcher encore, jusqu'à la Plaza del Congreso, bâtiment qui ressemble un peu à la Maison Blanche. Juste à côté se trouve le Palacio Barolo, du nom de son architecte qui s'est inspiré de l'œuvre de Dante Aligheri pour le créer. C'est pour le moins imposant. Je n'en avais pas entendu parler, il m'a été conseillé par Joan, un porteño (gentilé de Buenos Aires) que j'avais rencontré à l'Oktoberfest en 2019.

Mais il ne faudrait pas que je me mette trop en retard, car le théâtre est situé dans le quartier Palermo et il faut prendre le métro et marcher. Je n'ai toujours pas de carte Sube donc je descends dans le métro, le Subte, pour en acheter une mais ... Les guichets sont fermés ! Mais on est samedi ! Et il est 17 heures ! Pourquoi ! J'essaye donc de trouver des kioscos, puisqu'ils en vendent aussi, mais je repars bredouille après trois essais, ils disent que plus personne n'en a. Mais en fait, la quatrième est la bonne, je dois être tombée sur une dealeuse de cartes Sube qui me donne le précieux sésame. Ceci fait, allons-y.

Le quartier Palermo est très populaire, pour ses bars, restaurants et night clubs, il ressemble à tout quartier branchouille européen mais il s'en dégage une atmosphère sécurisante et agréable. Mais pas beaucoup de dépaysement. J'arrive au théâtre, et après avoir un peu patienté, nous entrons dans la pièce. Nous nous asseyons sur des chaises et mettons un casque. Oh, moi qui pensait que nous aurions de vrais acteurs malvoyants en face de nous ! Je suis un peu déçue. Mais bon, tant pis. La pièce enregistrée raconte l'histoire d'Alberto, mal voyant de Buenos Aires, ses combats pour qu'on arrête de le surprotéger étant petit, ses difficultés, son premier amour, sa découverte de la musique, son émigration à New York pour devenir un grand musicien, et son choix entre sa carrière et sa femme ... Le tout avec des odeurs, et même de la pluie. La fin est assez émouvante car il retourne à Buenos Aires pour rencontrer sa petite fille qu'il n'a jamais connu. Bon, c'est pas mal mais c'est vrai que mon expérience similaire à Hambourg était d'un plus haut niveau.

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Jour 3

Dimanche. C'est le jour de la grande brocante à ciel ouvert dans le quartier à côté de l'hostel, San Telmo. Je retrouve donc le groupe pour le fwt, histoire d'avoir un peu de background supplémentaire. Mais avant, je fais un détour par une pharmacie pour me trouver des pastilles, histoire de pouvoir communiquer avec le reste du monde.

Notre guide se nomme Juan (in a million). Il nous apprend que Buenos Aires a été fondée en 1580 par les jésuites italiens, qui sont aussi allés dans la province de Misiones, d'où le nom. C'est là où se trouve Iguazu, et ils ont commencé la production en masse de maté. Ils ont aussi décidé de conserver la langue guaraní, qui est toujours parlée aujourd'hui. 50% de la population étaient des immigrants, et la moitié des italiens, c'est pour cela que les argentins parlent avec les mains. Pour autant, l'Argentine n'était pas très riche, les maisons étaient construites en adobe au départ et il n'en reste donc rien.

Il nous parle aussi des tunnels qui relient l'église de San Ignacio au Cabildo, infestés de rats. Ils se situent juste à côté de l'université de Buenos Aires, et les étudiants avaient l'habitude de les emprunter pour sécher les cours. Cela a donné lieu à l'expression "tu te comportes comme un rat" quand on sèche.

Nous arrivons maintenant au Paseo de la Historieta, c'est à dire la rue de la bande dessinée car les Argentins adorent. Surtout Mafalda, elle est partout. Ils en font plein de souvenirs. Il y a plusieurs personnages qui sont représentés en statues, dont un qui n'est pas trop connu à l'étranger, Clemente, une espèce d'abeille.

Malgré sa tête sympa, c'est un révolutionnaire. Il a été créé pendant la Coupe du Monde de 1978, alors que l'Argentine connaissait la dictature de la junte militaire dirigée par Videla. La tradition était alors de lancer des petits papiers pendant les matchs de foot. Le gouvernement ne trouvait pas ça très civilisé, donc il embauche un journaliste, José Maria Munoz, qui somme le peuple d'arrêter de se comporter en sauvage car il faut faire bonne impression au reste du monde. Mais dès que ça touche au foot, les Argentins sont plutôt intenses. Donc dès le lendemain de ce communiqué, un cartooniste a créé Clemente et l'a publié dans un journal pour soutenir cette tradition, car c'est la réalité du peuple Argentin et pas question de la changer ! Quant à Mafalda, pas la peine de la présenter.

Il y a une maison assez curieuse dans une rue de San Telmo: la maison minimaliste. Elle est très étroite, mais pas autant que celle qu'on trouve à Amsterdam. Il faut savoir que pendant l'immigration, la seconde plus grande après celle de New York, les familles pauvres vivaient dans des conventillos, des maisons partagées, car souvent elles ne pouvaient louer qu'une chambre où tout le monde s'entassait. Cette maison a été vendue, revendue, et à cause des successions elle a été partagée, et repartagée. San Telmo a aussi été dévastée par la fièvre jaune, suite à la guerre du Paraguay en 1865. Le pays a décidé de déclarer la guerre au Brésil, à l'Uruguay et à l'Argentine en même temps, ce qui n'est pas une bonne idée. Cela pourrait être à cause de territoires revendiqués ou parce que le gouvernement uruguayen, jusque là allié, s'est fait renverser par une junte avec l'appui du Brésil, et ça ne sentait pas bon pour eux. Beaucoup de jeunes argentins de 18-19 ans qui venaient de commencer leur service militaire sont morts, le Paraguay a perdu quasiment deux tiers de sa population et a dû instaurer la polygamie pour se repeupler car le ratio était de 4 femmes pour un homme, et les survivants ont ramené la fièvre jaune à Buenos Aires. Désastre complet. San Telmo s'appauvrit puisque les riches ont fui l'épidémie, mais un jour un architecte du nom de Jose Maria Peña rachète la Farmacia de la Estrella, plus vieille pharmacie de Buenos Aires, et une maison qui appartenait à une riche famille, pour les rénover et inciter le gouvernement à garder son patrimoine au lieu de tout détruire et de faire des immeubles hausmanniens de merde. Il crée aussi la grande brocante à ciel ouvert pour que les gens vendent leurs antiquités, et elle a toujours lieu les dimanches depuis.

Et c'est vrai qu'il y a un sacré monde autour de nous, nous devons faire attention à ne pas nous perdre, entre les stands, les shoppeurs et les artistes qui se donnent en spectacle dans la rue animée. Heureusement j'ai rencontré un français, Aloïs, qui fait deux mètres. J'arrive à lui parler en appuyant sur ma gorge pour un effet Dark Vador. Il a fait du volontariat à Salta avec des jeunes en réinsertion. Nous arrivons au dernier stop de notre tour, la Casa Chorizo (en forme de chapelet de saucisses) et surprise, Juan nous demande de payer un prix précis : 3000 pesos. Alors non seulement c'est censé être le prix qu'on veut, mais en plus le prix des tours normaux c'est 2000. Et oui je sais l'inflation blablabla mais prévenir avant aurait été mieux. Bon, pas le choix. Avec Aloïs, nous allons au Mercado de San Telmo qui est assez réputé, je prends une empañada au passage mais vraiment, la magie opère moins qu'avec les premières. Il rejoint une copine à lui, et nous nous disons au revoir car j'ai un planning un peu chargé.

Car le dimanche, ce qu'il est sympa de faire au lieu de regarder le match Boca Juniors contre River Plate, c'est d'aller au delta dans la ville de Tigre, et de potentiellement faire une promenade en bateau. On va voir. Grâce à ma carte Sube nouvellement acquise, je peux aussi prendre le train pour y aller, et pour moins cher. Une heure de trajet environ depuis la gare de Retiro. Malheureusement, le long du trajet, le ciel se couvre et devient un peu gris. Ça sera moins beau, mais maintenant que je suis là ... Je débarque dans la petite ville au bord du Rio Luján, et finalement les paseos ne sont pas si chers, ça va valoir le coup. Le prochain départ est dans 20 minutes, j'ai juste le temps de me prendre un burger pas trop trop gras - j'en mange quand même beaucoup trop mais il n'y a quasiment que de ça ! - et j'ai failli rater le départ, qui lui est pile à l'heure. Je n'y aurais pas cru. Du coup dommage, je ne suis pas sur le bord, c'est galère pour les photos. L'endroit est super joli, en plus: c'est un système de canaux au bord desquels se trouvent des maisons plus ou moins originales, plus ou moins chères aussi, la balade est très agréable malgré le temps et le vent qui se lève. Il y a vraiment des gens qui habitent ici, on peut les voir rentrer chez eux en canoë ... Ou en jet ski.

Je ne tarde pas trop car ce soir il y a une excursion tango dans une milonga avec l'hostel, à 19 heures. Je parviens à être dans les temps mais quand j'arrive, tout le monde regarde le match, et du coup le tour est annulé. En plus, Dante n'a pas l'air d'être là, je crois qu'on devait y aller avec un autre membres du staff Lucas, qui parle français, mais il dit que c'est annulé, personne ne s'est inscrit. Ah oui, super. Ça valait bien la peine. Mais il me donne l'adresse de l'endroit si je veux y aller seule, et c'est ce que je compte faire. Je prends le temps de me poser un peu, et je ressors prendre le bus. C'est censé être le 39, mais il y en a quatre différents et un seul va à Palermo. Et il en met du temps à arriver ! Je vois le 39-1, le 39-2 mais pas le 39-3 ... Ça me permet de remarquer que chaque ligne a son design différent. J'attends quasiment 20 minutes, j'ai faim, je devrais probablement me rabattre sur le métro et marcher longtemps ... Mais à peine je veux quitter l'arrêt, que le précieux bus fait son apparition ! Coup de bol.

Le tango va durer toute la nuit, donc j'ai le temps d'aller manger. Et on est en Argentine, il va falloir tester la viande ! Heureusement que c'est la voix que j'ai perdue et pas le goût. Palermo condensant les meilleurs restaurants, je vais au Calden del Soho qui est très bien noté. Tellement que je dois attendre 20 bonnes minutes avant d'entrer ! Je discute un peu avec le gars de la sécurité, surtout pour lui demander où prendre le bus de retour car les rues sont en sens unique. Il me dit que mon espagnol est plutôt bon, et il me demande "quand est ce que je rentre aux États Unis". Encore ? Ça arrive de plus en plus souvent, ou alors des fois c'est italienne. Je finis par pouvoir m'asseoir, goûte un Malbec rouge excellent et pas cher, et j'opte pour un ojo de bife. 3500 pesos (22 euros) par contre, c'est pas donné, et il n'y a que la viande sans accompagnement. Le Brésil me manque. Mais c'est une belle portion de viande ! Et il y a du pain, de la sauce, de petits oignons confits et de la vinaigrette (version Brésil) en tapas, inclus, donc ça va. La viande est très bonne, on sent la qualité, mais ... Ça ne vaut pas la picanha !

Ok maintenant, go tango. Maps.me me le met au mauvais endroit mais je finis par trouver au bloc suivant. C'est dans un centre culturel, donc ce sont des gens lambdas qui viennent danser et prendre des leçons pour progresser. Mais je rate le début de la leçon pour débutants et je ne me sens pas de les rejoindre. En plus il va falloir être en contact rapproché avec des gens que je ne connais pas et je ne suis pas d'humeur à me faire toucher par des inconnus. Ni d'humeur à galérer non plus. Donc je préfère les regarder et c'est tout aussi bien ! Pour apprendre, je verrai mercredi, c'est prévu à l'hostel. Si ça arrive.


Pour le retour, je me dirige vers l'arrêt de bus indiqué, et à un bloc près, je le vois passer devant moi, ce bus pas très fréquent. Je tape le sprint de ma vie et me remercie de faire du jogging régulièrement car grâce à un feu rouge et à de la confiance en moi, j'arrive à le choper. Ouf !

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Jour 4

Aujourd'hui, je prévois de faire la balade avec les gens de l'hostel au cimetière de la Recoleta, mais la fiche pour s'y inscrire n'y est pas, et ils me disent à la réception que c'est le jour off de Dante. Bon, et bien encore un truc qui n'arrive pas, super. La ciudad de la furia, plutôt la ciudad de los occasions ratées. Je me rabats sur un autre fwt de la même compagnie, et cela permet aussi de visiter le quartier Retiro. Nous avons rendez-vous au Teatro Colón, probablement inspiré de l'Opéra Garnier comme d'habitude, à ceci près qu'il est plus grand et qu'il a une encore meilleure acoustique. Il y a vraiment beaucoup de monde dans ce groupe, et un couple de Canadiens âgés d'Edmonton me sautent dessus pour me dire bonjour et me parler, et complimentent mon anglais. Notre guide du jour se nomme Mariano, et en fait j'ai déjà donné pas mal d'informations sur ce qu'il nous a dit durant ce tour, au fur et à mesure de ma narration. L'avantage d'écrire à la toute fin du voyage. Je peux tout de même noter ici que nous sommes passés devant la Grande Synagogue de Buenos Aires, où j'ai appris que le V Vulcain de Spock est issu de la religion juive et veut littéralement dire "live long and prosper". On peut voir ce signe sur une mosaïque à l'entrée.

Nous voici sur la plaza San Martín, du nom du général dont nous avons déjà parlé, celui qui a libéré les autres pays d'Amérique Latine. Petite anecdote sur sa statue: les Chiliens ont commandé une statue à un artiste français, mais les Argentins n'étaient pas très contents car quand même, il est d'ici, c'est leur héros national. Du coup ils demandent à l'artiste de faire la même statue, en payant plus cher, et de la faire livrer à eux avant celle de Santiago. Du coup, l'artiste fait traîner la livraison de la chilienne en prétextant qu'il doit changer les sabots du cheval, sinon la statue va s'écrouler à cause des tremblements de terre !

Le square fait face au "Big Ben d'Amérique du Sud", ou Torre de los Ingleses, offert par les Anglais pour le centenaire de l'indépendance. Les Argentins leur doivent leurs trains, car ils ont créé pas mal de voies ferrées pour pouvoir importer de la viande et pour le reste du commerce. Mais c'était avant qu'ils entrent en guerre pour les îles Malouines, qui est un sujet très présent partout car cela est arrivé en 1982, il y a à peine 40 ans. On voit beaucoup de tags et affiches "Las Malvinas son argentinas, no olvide", sur les murs et sur les bus.

Les Malouines (ou îles Falklands pour les Anglais) sont sur la liste de l'ONU des territoires contestés. Elles sont situées dans l'océan Atlantique Sud, au large des côtes argentines. Elles avaient été occupées par les Français, les Espagnols puis finalement les Anglais, qui les délaissent un peu. Les habitants sont plus proches de la culture argentine. Mais le pays les revendique au moment de la dictature miltaire, entre 1976 et 1983, donc cela ne fait pas très bon effet et les Anglais se battent pour les garder. Les Argentins perdent, beaucoup de jeunes là aussi. Cela précipite la chute de la junte, et donne lieu à une élection avec un président démocratiquement élu. Cependant, quand bien même le peuple argentin n'est pas favorable à la dictature, on raconte l'histoire différemment ici, puisque comme je le disais, les Malvinas sont omniprésentes à Buenos Aires.

Nous pouvons aussi admirer le building Kavanagh, du nom de son architecte Corina Kavanagh. Elle a voulu le faire dans le style de ceux de Chicago dans les années 30. Il cache une très belle église qu'une dame de famille riche nommée Mercedes Enchilera a faite construire. La légende dit que Corina et le fils de Mercedes voulaient se marier, mais Mercedes s'y est opposée donc Corina a fait construire son building juste devant pour l'embêter ! Bon, il semblerait que ce ne soit pas du tout vrai, malheureusement.

Une longue marche nous emmène maintenant devant le cimetière de la Recoleta, un peu comme le Père Lachaise. Sur la place se trouve aussi le plus gros arbre d'Argentine et ses immenses branches, c'est un gomero. Pour ne pas prendre trop de place, il doit être soutenu par des piliers, et aussi par une statue d'Atlas faite en pièces mécaniques !

Le tour se termine, et je compte visiter le cimetière mais l'entrée coûte 1400 pesos soit 10 euros ... Beaucoup trop cher. Il est bientôt 14 heures, du coup mon plan est de retourner dans les environs de l'hostel, m'acheter des pâtes et faire la cuisine, parce que ça commence à me revenir cher et surtout, gras. Je suis donc à quelques manzanas du métro quand j'entends qu'on m'appelle. C'est Dante, avec d'autres gens, au coin de la rue ! Mais je pensais que c'était annulé ? Il me dit non, c'est que des fois la réception ce sont de gros glandus. Du coup, ils vont visiter le cimetière, je me fais embarquer car avec d'autres gens ça peut être sympa. Effectivement, ça l'est. Parce qu'il y a José, péruvien qui a vécu aux USA, Jessica qui est de Sao Paulo, mais surtout Rodrigo qui est de ... Euh, dur à dire au départ. Né au Guatemala, habite à Barcelone, mais a bougé à plein d'endroits car parents diplomates, et qui a un passeport italien. Gros cliché du stoner de base, tout le temps en train de parler de weed, mais là ce qui est marrant c'est qu'il est franc maçon du 7e degré (oui, pas très secret) et nous sommes dans un cimetière rempli de tombes de francs maçons, donc il nous fait le guide pour nous montrer tous les symboles plus ou moins cachés. Bon après, avec une tombe en forme de pyramide, on sait à peu près à quoi s'attendre. Si il faut il nous a raconté tout un ramassis de bullshit pour se la péter, et on n'aura aucun moyen de vérifier ! Mais bon au moins on a bien rigolé. J'ai pris des photos un peu glauques, donc âmes sensibles, ne regardez pas la prochaine mosaïque. Rien de dégoûtant, mais beaucoup de cercueils. Pas pire que les catacombes de Paris.

Il y a aussi la tombe d'Eva Perón, ou Evita, héroïne nationale que tout le monde vient saluer et que certains considèrent quasiment comme une sainte. Mais qui est-ce ?

Evita est à la base une actrice, elle épouse le colonel Perón un an avant son accession à la présidence de l'Argentine. Elle joue un rôle important dans sa campagne et oeuvre en faveur du droit de vote pour les femmes, instauré en 1947 après l'élection de son mari. Elle fonde le parti peroniste pour promouvoir les droits sociaux, non seulement les droits des femmes mais aussi pour les plus démunis. Elle est la passerelle entre les syndicats et son mari. En 1951, elle pourrait se présenter à la vice présidence, mais sa santé décline. Elle meurt à 33 ans d'un cancer fulgurant du col de l'utérus. Son cadavre a été embaumé et exposé dans la centrale CGT, puis enlevé et dissimulé pendant 16 ans. À cette suite, elle a pu rejoindre sa dernière demeure, avec sa famille.

Il commence à se faire un peu tard, au final je n'ai pas mangé, je ne suis pas allée à la laverie car ça devient très urgent, je n'ai plus aucun sous vêtement propre, et ensuite on a un cours d'espagnol argentin avec le gars du maté et ensuite il y a une activité ce soir, mais on a perdu Dante et une autre fille dont je ne connais pas le nom. José et Jessica crèvent la dalle donc ils s'installent à une terrasse de resto, mais moi je n'ai vraiment pas envie de burger. Je veux des pâtes, simples. Rodrigo en a marre aussi, donc on rentre tous les deux après un long moment passé dans le métro car ça nécessite beaucoup de changements. Et puis je l'aime bien, il est marrant, mais à petites doses sinon il est fatigant. Arrivés à l'hostel, je vais d'abord déposer mon linge à la laverie, j'aurais préféré une libre service pour avoir de quoi me changer direct comme au Brésil mais il n'y a pas, ça ne sera prêt que demain midi, du coup ça me laisse le temps d'enfin prendre un vrai repas au lieu de grignottage, des pâtes avec du thon, à 17h30. Puis c'est l'heure de l'activité à 18 heures. Je vous jure, j'ai un agenda de ministre dans cette ville, je ne m'arrête pas, j'ai dû me faire un planning. Mauvaise surprise entre temps, ma carte Monabanq est bloquée, heureusement que j'ai l'autre.

Mafalda dans le métro 

Le cours est assez rigolo car on apprend du slang argentin, et surtout les origines de certaines expressions. Il y a des mots italiens très utilisés dans le langage courant comme Avanti, la gamba (et non pas la gambas) ... Des mots différents entre le Chili et l'Argentine qui peuvent faire des quiproquos, comme "mal" qui est négatif au Chili mais les jeunes d'ici l'utiisent dans un sens positif, un peu comme nous avec le mot "terrible". Ah, et ils ont du verlan ! ispa, la yeca, el tordo. Et une expression un peu similaire à notre "les cordonniers sont les plus mal chaussés" : en casa de herrero, cuchilla de palo. Dans la maison d'un forgeron, couteau de bois. Et l'expression "Pipi Cucu", le gars me demande si je connais, je suis un peu étonnée qu'ils disent cucu et pas caca, mais du coup j'explique le sens scato. Et bien, rien à voir. Ça vient d'un boxer argentin dont je ne me souviens plus du nom, qui est allé à Paris, a gagné un trophée et on lui demande de dire "merci beaucoup" en français. Au moment de le dire devant tout le monde, comme il n'avait rien compris il dit "pipi cucu", et voilà. Ils ont aussi l'équivalent de "ça me casse les couilles" quasiment traduit. Et deux derniers pour la route, "boludo" assez connu qui veut dire "t'es con" mais dans le sens sympa du terme, à ne pas confondre avec peloudo qui veut aussi dire con, mais méchamment. Et le fameux "Che", qui est à la fois une interjection, qui veut dire "qué/quel" (che boludo!), et qui sert aussi à désigner des gens. Intraduisible.

L'atelier est fini, maintenant nous partons avec Dante voir le groupe la Bomba de Tiempo, qui font des percussions dans un ancien hangar. C'est tonique, c'est un peu style Tambours du Bronx, ça donne envie de danser. On peut boire des coups, et j'essaye d'éviter la bière le plus possible donc je demande s'il y a du vin rouge. Oui, il y en a en canette. ... en CANETTE. Il est bien nommé, Blasfemia. Mon dieu, je vais me faire tuer ou exiler de la France. Mais on va tester, parce qu'on est là pour de nouvelles expériences, même si celle-ci est peut être encore plus flippante que le deltaplane. Bon en vrai, je dois dire que ce n'est pas si mauvais, c'est un bon petit Malbec/Syrah. Le goût n'est pas horrible, j'ai eu bien pire durant les ferias et autres fêtes de village, franchement. Et 260mL pour un prix imbattable de 200 pesos, je dis oui!

Nous finissons la soirée dans un club qui s'appelle ... Le Jean Jaurès. Un club de reggaeton. C'est sympa de danser, mais même s'il y a moins de twerks intempestifs, c'est moins rigolo que les soirées au Brésil où les gens dansent comme s'ils faisaient des chorégraphies. Là, on est sur une ambiance un peu plus occidentale. Le Brésil me manque un peu, comme sa bouffe d'ailleurs. On rentre vers 2 heures du matin.

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Jour 5

Une matinée bloquée pour reposer un peu les jambes et les genoux, et de toute manière, je suis bloquée jusqu'à midi à cause de la lessive. Je ne peux décemment pas passer toute la journée à l'extérieur sans culotte. Pour aujourd'hui, j'avais deux choix : soit prendre le ferry et aller à Colonia de Sacramento en Uruguay en traversant le Rio de la Plata mais en payant 80 dollars, soit prendre le bus et aller dans la pampa à deux heures de là, dans une petite ville nommée Areco où on peut faire du cheval mais c'est aussi un peu cher, mais le bus l'est moins. Je choisis finalement la seconde option, car je me dis que quitte à être en Argentine, autant expérimenter autre chose que Buenos Aires qui est au reste du pays ce que Paris est à la France. Ça ne sera pas la pampa "pampa" comme ailleurs, là où il n'y a rien sur des centaines de kilomètres, régions qui sont la hantise des joueurs de Geoguessr, mais quand même. À la base, ça veut dire juste campagne. Donc, pampa it is. Après avoir mangé de la viande achetée en boucherie et du maïs, passé une tenue décente grâce à mes culottes et chaussettes propres, je m'active pour aller choper le bus qui est à 13 heures. C'est un peu serré quand même car il faut aller au terminal de bus de Retiro. Donc, je tape un petit footing jusqu'à la station de métro, pour l'attraper pile à temps. Dix minutes de gagnées ! Dix minutes assez cruciales d'ailleurs. Car c'est le temps qu'il faut ensuite pour atteindre le terminal de bus. Bon, au final je suis à l'heure, j'avais une petite incertitude. Il part un peu en retard, comme d'habitude, il n'y a que les métros qui sont à l'heure, plus ou moins. Même les fwt ne le sont pas forcément. Mais il est confortable, par contre il n'y a de la wifi nulle part, c'est un scandale. Je me suis mal habituée au Brésil.

À la sortie de Buenos Aires, le paysage n'est pour le moment pas très passionnant. Des aires urbaines, puis la fameuse campagne, mais qui a des airs européens avec ses prairies vertes. J'espère que je ne vais pas être déçue, Areco est censée être le berceau de la culture gaucho ! Mais en nous approchant, les champs changent un peu, on peut voir des troupeaux de vaches, des chevaux, des moulins à hélice, des tracteurs ... Voilà, c'est ça qu'on veut ! Il n'y a même pas de terminal à Areco. Le bus nous dépose à une station service en bord de route, et s'en repart pour un long, long trajet vers Mendoza.

Ah, et j'ai mal anticipé mon coup: j'ai oublié de télécharger la map d'Areco, qui n'est pas la même que celle de Buenos Aires. Et ici non plus, pas de wifi. Heureusement, comme j'ai regardé sur Google maps hier, je me souviens sommairement de comment la ville est fichue. Et elle est toute petite donc ça devrait le faire. Non parce que là, je me sens bien paumée au milieu de nulle part, quand même ! Allez, on se met en route ... Je tombe sur quelqu'un et il m'indique le centre ville, en tout cas la rue principale. L'architecture est plus authentique qu'à Buenos Aires, bien sûr. C'est très tranquille mais surtout il fait un temps magnifique, ensoleillé et plus de 20 degrés. J'arrive sur la place principale, c'est très mignon et paisible, je suis contente de découvrir cet endroit, même si c'est vide j'ai un très bon feeling. Mon corps non, je me sens un peu en hypoglycémie, mais il n'y a pas grand chose d'ouvert. Je trouve une pâtisserie qui fait des alfajores, des espèces de gâteaux comme des macarons fourrés au dulce de leche. C'est pas mal, mais c'est évidemment bien sucré.

J'arrive au bord de la rivière, et c'est là que ça devient plus sympa. En traversant le vieux pont historique, on se retrouve dans une partie qui fait beaucoup plus western! Il y a des enclos pour les chevaux, les vaches, les chèvres, les moutons ... Le tout sous une belle lumière dorée, c'est génial ! Exactement ce que j'espérais ! Je me promène un peu le long de la route en terre, pour faire plein de photos et admirer les animaux et les bâtiments. Malheureusement, le musée de la culture gaucho est fermé les lundis et mardis, dommage car ça aurait été sympa. Je me promène un peu dans les rues de ce côté de la ville, mais je manque de me faire agresser deux trois fois par des chiens. Par un veau, aussi. Enfin non, pas vraiment, en fait il voulait des gratouilles sur la tête.

Je suis ravie, mais l'heure tourne. Enfin, je dis ça, mais ça m'étonnerait que le bus soit à l'heure, surtout s'il arrive d'aussi loin que Mendoza dans l'autre sens. Mais bon, on ne sait jamais. Je repars donc en sens inverse, et sur mon chemin je m'arrête dans une galerie dédiée à l'artiste Gasparini, peintre gaucho.

J'arrive au point de rendez-vous en avance. Donc, je refais un petit tour en bord de route pour revoir un peu de campagne et de chevaux, et je reviens vers 18h35. Allez, c'est parti pour une attente interminable, motivons nous. Mais en fait, surprise : le bus arrive même en avance de trois minutes. Comment est-ce possible ! Ben j'ai bien fait de m'activer un peu !

De retour sur Buenos Aires, j'ai faim, et on m'a dit qu'il fallait tester les pizzas, quand même. De toute manière c'est ce que je fais toujours, dans n'importe quel pays: tester une pizza. Même en Asie. On n'y croirait pas, mais ça permet de constater les différences culturelles ! Et là je tombe sur une pizzeria qui se proclame "la meilleure du centre de BsAs". Probablement pas la meilleure de la ville donc, mais apparemment elle a vraiment été primée, et ils disent faire des recettes d'ancêtres gênois. Bon, c'est pas napolitain mais c'est déjà ça. Elles sont chères et il y a 500 pesos de différence entre une petite et une grande, mais je peux emporter le reste, alors voyons grand ... Par contre par erreur je prends avec des poivrons. Et la pizza est IMMENSE. J'en aurai pour trois repas. Par contre il y a beaucoup trop de fromage, la pâte n'est pas super ... C'est un peu la déception. Heureusement que je peux l'emporter car je ne peux manger que deux parts tellement elle est grosse. Dans le sac, j'ai l'impression de porter deux kilos de pizza ! De retour à l'hostel, je vais discuter avec Rodrigo et d'autres gens, Paul et Pascual, je leur raconte ma journée, mais je suis crevée et j'ai envie d'être en forme pour demain car l'emploi du temps va être encore pas mal.

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Jour 6

Le dernier jour plein au même endroit ... Ça fait bizarre de se dire que dans deux jours à peine, je serai en route pour la France. Et que demain, je repars sur Sao Paulo. Je me suis trompée d'une journée en faisant mon planning, je pensais repartir le 17 mais c'est en fait le jour où j'atterris à Madrid. Donc ce sera une escale d'une nuit là bas.

Bon, il va quand même falloir manger cette foutue pizza ... En plus, je l'ai sous la main, pas besoin d'aller racheter des choses. J'enlève les poivrons et une bonne partie du fromage mais j'en laisse un peu, et réchauffé c'est tout de suite plus mangeable. Et puis à 13 heures, avec un grand groupe de gens de l'hostel partons vers le quartier de la Boca, menés par Dante comme d'habitude. C'est un assez long trajet à pied, 30 minutes environ, et nous arrivons devant le stade des Bocas Juniors, qui ont gagné contre River Plate et se classent maintenant cinquièmes de la ligue 1, enfin équivalent. Tout est aux couleurs de l'équipe, jaune et bleu foncé, on dirait Ikea.

Je suis plus intéressée par les bâtiments colorés à moitié en tôle, typique du quartier. C'est un quartier qui était pauvre, où vivaient tous les dockers. Maintenant, c'est un incontournable de Buenos Aires, car on y trouve le Caminito, une rue avec des maisons colorées imaginée par un artiste, Benito Quinquela Martin, pour redynamiser le quartier. Il n'y en avait que deux au départ mais maintenant, tout le monde a fait pareil.

Mais qui dit grand groupe, dit s'attendre. Ça prend des plombes dans une boutique de souvenirs, et ensuite tout le monde s'attable pour manger, mais moi je suis ok avec ma pizza qui était déjà assez grasse comme ça. Du coup, je vais faire un tour en attendant, prendre des photos, des vidéos ... Avec l'espoir après d'avoir le temps d'aller au musée d'art moderne qui est gratuit aujourd'hui, peut être faire un tour à Costanera Sur, être rentrée pour 19 heures pour le cours de tango, aller au resto et faire la soirée karaoké ensuite. Agenda de MINISTRE vous dis-je.

La plupart des bâtiments sont des anciens conventillos comme à San Telmo, reconvertis en boutiques de souvenirs. C'est un style coloré et bariolé, original, assez particulier. La foule s'amasse, prenant des photos, assistant à une démonstration de tango, sous le regard des personnages souriants qui depuis les balcons scrutent tout le raffut de la rue. On peut y voir Maradona, et aussi le pape François qui rappelons le, est argentin. Probablement d'autres célébrités du pays que je ne connais pas !

Je rejoins le groupe pour refaire un rapide passage dans la rue, et nous allons ensemble visiter le musée Benito Quinquela Martin. On peut y voir certains de ses tableaux, et notamment qu'il avait l'air un peu obsédé par le feu car on n'y trouve pas moins de six peintures représentant l'incendie de la Boca, ou des forges, sur plusieurs années différentes dont deux en 1940. Sans relation, on y trouve aussi une collection de figures de proues assez flippantes.

Je pense que l'on risque d'attendre encore trois plombes. Cette fois-ci je prends vraiment congé, je monte dans le bus pour aller vers le musée mais je rate l'arrêt. Enfin, ce n'est pas que je le rate, c'est que je pensais qu'il y en aurait un plus près. Et je suis donc un peu plus proche de l'entrée de la réserve, mais il est 16h30. Que faire ? Maps.me me donne un trajet de 20 minutes à pied. Et si je n'aime pas trop ? Et si je rate un truc génial ? Bon, on va tenter un truc: y aller en courant. Enfin, en footing hein, pas un sprint. Il y a de quoi me faire gagner 20 minutes aller-retour. Et puis, ça me fera éliminer la pizza ! C'est ainsi que je traverse Puerto Madero et ses buildings, avec les autres joggeurs.

Alors, qu'en est-il de cette réserve ? Et bien ... Ouais, ça doit être agréable, mais là bof. En fait, j'ai vu mieux comme paysage. Et puis cela va impliquer de faire tout un tour entier car il n'y a qu'un accès. Après c'est sympa pour le principe, ça permet à plein d'oiseaux de venir nicher, et des papillons, tout ça tout ça .. Mais ça ne me motive pas. Même pas il y a des singes, il fait trop frais en hiver. Je n'en aurai pas du tout vu cette année ! Tant pis.

Allez, je me casse. En courant, en sens inverse, et je vais jusqu'au Musée d'Art Moderne pour voir des choses bizarres. Difficile d'expliquer les expositions, mais pour une entrée gratuite, ça m'intéresse vraiment. Je commence à apprécier ce type d'oeuvres, même si évidemment plus c'est bizarre, mieux c'est.

Le musée n'est pas si grand, donc au final je finis dans les temps pour rentrer me poser un peu avant le tango, à 19 heures. Trois garçons et cinq filles, mais le prof vient danser aussi. Avec sa partenaire, ils nous montrent les pas basiques, très basiques, le plus dur va être de le faire avec un partenaire. Paul galère, Dante est trop massif, l'autre gars veut surtout danser avec sa copine, donc au final je m'éclate plus avec le prof. Je redoutais un peu le rapprochement où on doit se serrer l'un contre l'autre, mais en fait ce n'est pas trop gênant. Enfin, avec le prof. Car Paul est gêné, lui, et on rentre dans les autres, et Dante me marche dessus. Mais bon, on n'est pas là pour gagner des concours ! Un petit truc qui se passe dans les milongas: on ne vient pas demander à quelqu'un de danser, mais on se regarde, on doit faire un contact visuel et ensuite ne plus rien dire. C'est un peu dur parce que je m'amuse à fixer Paul comme une psychopathe et ça nous fait rire. Et en vrai, si on ne veut pas du partenaire qui nous fixe, on regarde ailleurs jusqu'à ce qu'il s'en aille. "Maybe if I don't look at him he will go away". C'est censé être moins gênant. Rodrigo ne participe pas au cours parce qu'il préfère être dehors mais je me demande ce que ça aurait donné. Probablement n'importe quoi, quoique !

En parlant de Rodrigo, il est chaud pour le karaoké, par contre. À la fin du cours, je vais d'abord manger dans une parilla car j'estime ne pas avoir assez mangé de viande argentine ici, donc ce soir entrecôte et purée de patates et butternut, plutôt light. Ça me coûte encore une blinde mais ici au moins le service est compris dans le prix du plat, pas de surprises comme au Brésil. Bon, et du coup ce karaoké, Rodrigo le fait quasiment tout seul car il y a peu de monde motivé mais ça c'était avant que j'arrive, avec ma voix qui va mieux. Enfin, presque, elle n'était pas prête à forcer sur Baby One More Time. Elle se casse en plein milieu de la chanson, mais surprise, en fait ça me donne une voix rauque assez sexy. Britney Spears en version rock, jamais été aussi satisfaite de ma prestation ! Je devrais faire des karaokés uniquement quand je suis malade. Rodrigo met Bohemian Rhapsody mais m'abandonne dès le début de la chanson, et là vraiment ma gorge est trop morte, heureusement il y a une autre fille qui vient chanter avec moi. On passe une bonne soirée mais on rencontre un type vraiment bizarre, gentil mais bon, jusqu'au moment où quand il s'agit de me demander mon âge et que je dis la trentaine, il me demande si mes oeufs sont fertiles, d'un ton ultra sérieux. J'essaye de ne pas trop rigoler devant lui mais j'en fais part à Rodrigo via Whatsapp. Wahou. Mais quoi! Enfin quand même, c'est drôle. On finit une fois de plus au Gibraltar, trois fois dans la même semaine pour moi, ce qui est plus qu'au Shannon. Mais bien que le Malbec m'aide à parler espagnol, c'est bien plus fatigant pour moi que de faire une soirée en anglais, et au bout d'un moment je décroche. J'aurais eu envie d'aller danser dans un nightclub mais on ne va encore trouver que du reggaeton. Et puis ça ne vaut pas le Brésil ! Cela dit, dernière soirée sympa en Argentine.

10

Et voilà, nous arrivons au dernier article, que je vais consacrer rapidement au déroulé des événements mais aussi à mes impressions générales. Ça aurait été trop long de le faire sur le précédent ... Surtout que je vais probablement publier le reste une fois arrivée en France, tellement je n'ai pas eu le temps de rédiger quoi que ce soit dans la Ciudad de la Furia (tranquila quand même).

Je vais consacrer ma matinée à quelque chose que j'ai envie de faire depuis le début mais je n'en ai jamais eu le temps : me faire couper les cheveux. Oui, ça aurait été bien en début de voyage, je sais! Mais que dalle. C'est passé trop vite, ou alors je ne trouvais pas de salon. J'y file avant midi, clic clic, j'ai la sensation qu'elle me coupe trop court mais tant pis, je peux encore les attacher. Ça ira mieux après les avoir lavés (véridique). Pour le midi, et comme un cadeau d'adieu, je vais m'acheter non pas une, non pas deux, mais trois empañadas dans le premier endroit où je les avais trouvées si délicieuses ! Et là, c'est ouvert. Parfait, je me régale. Mais je ne dois pas trop tarder car l'aéroport est loin en bus, genre 1h30 et plus s'il y a des bouchons, apparemment. J'envoie un message à my favorite stoner pour lui dire au revoir, si il faut on se reverra sur Barcelone, qui sait. On a bien accroché, quand même. Je dis aussi au revoir à tout le staff, je suis tellement blasée de partir.

Surtout que je galère pendant 20 minutes avant de trouver le bon arrêt de bus car je n'étais pas dans le bon sens et en face il n'y est pas, quand je demande au chauffeur il me dit juste no no limite à me gueuler dessus, il m'a fallu deux minutes pour comprendre car il y a marqué aeropuerto sur le bus et il n'aurait pas pu me dire "al otro lado" ?! Connard. Je me retrouve sur la Plaza de Mayo, je ne vois pas le 8, je cherche à la cuadra suivante, et encore la suivante, putain heureusement que je m'y suis prise à l'avance ... Je finis bien sûr par trouver, ouf. Et j'arrive deux heures en avance, oh, j'aurais même pu partir encore plus tard. Mais je profite de la wifi, comme ça. Et je vais prendre Air Canada car le vol va jusqu'à Toronto mais fait une escale à Sao Paulo. L'avion est trop bien, trop confortable, il faut appuyer sur un bouton pour assombrir le hublot, c'est technologique, le stewart s'appelle Lancelot, les annonces sont faites en anglais, québecquois, espagnol et portugais, et il y a mon film préféré dans leur sélection, ce vol est parfait.

L'arrivée à Sao Paulo beaucoup moins car même si je sais où il faut aller, la navette atteint la gare pile au moment où le train part pour Luz. J'attends donc 30 minutes. Et encore 30 après son arrivée à quai pour qu'il parte ! Une heure de perdue, putain ! Je vais arriver à l'hostel à 22h30 et la soirée sera finie. Du coup j'ai le choix entre arriver en fin de soirée et profiter un peu de l'hostel, ou dîner. Genre, vraiment, c'est l'un ou l'autre. Comme Air Canada nous a filé un petit sandwich, je n'ai pas trop faim, on verra plus tard. J'ai quand même le droit à ma caipi gratuite même si le bar vient tout juste de fermer, trop sympa, la caipi c'est sacré ! Et je blablate avec des Brésiliens et un mec de Haïti (qui doit être riche, du coup), et il y a tout un énorme groupe qui part dans un club gratuit jusqu'à 23 heures, à cinq minutes de l'hostel. Oui c'est vite raconté mais ça s'est passé en littéralement 10 minutes.

Le club, Nossa Casa, passe de la samba, génial! La déco fluo est trop cool, la musique est du coup entraînante, les gens sont à fond, ça m'avait manqué cette ambiance ! Et ça me rappelle Salvador, j'ai une impression de boucle doublement bouclée.

Par contre, pas d'autre alcool et la fatigue me rattrape une demie heure plus tard. Mais je me suis bien donnée. Je trouve que c'est une super fin de soirée pour une fin de voyage, qui va me faire revenir des souvenirs plein la tête. Et si je n'ai pas mangé ce soir, pas de panique : le lendemain midi, j'ai pris une picanha à l'aéroport, histoire d'en emporter le goût avec moi, une dernière fois ...


Alors ? Pfouh, tant de choses à dire, tant le Brésil m'a mis claque sur claque. Commençons par le négatif, le vol du sac, la perte du Reflex, la morale par les gens qui ne savent pas comme je peux être vigilante habituellement, mais que là il y avait coup monté quand même. Heureusement, j'ai fini par en faire le deuil, et bien qu'il y ait eu des moments où j'ai regretté quand mon portable galérait à capter la bonne lumière (ah ! Qu'auraient été les photos d'Iguazu, elles auraient été glorieuses !), au final j'ai voyagé plus léger et j'ai pris moins de temps sur les retouches, je pense que ça m'aurait pris la tête car la tablette était très très lente. Déjà que je n'avais pas de temps ! J'ai pris un peu moins de photos que d'habitude, moins artistiques aussi, mais rien que pour Sao Paulo j'en avais pris une cinquantaine, celles qui ne verront jamais leur publication. Il va falloir que je m'en rachète un, et à voir si je peux faire marcher l'assurance.

L'autre point négatif : les clodos. Même en s'y attendant, ça reste impressionant, surtout leur nombre. Bien plus qu'à Mexico ou ailleurs, et pourtant il y a plein de favelas aussi. Disparités du Brésil, comme on dit, mais comme c'est un pays très peuplé, forcément les proportions ne sont pas les mêmes. Et puis, on voit bien qu'ils sont sous crack. Mais bon, je n'ai pas eu de problèmes avec eux.


Le reste, maintenant ! Que de claques, comme je disais, je n'ai pas d'autres mots. Je ne saurais même pas dire ce que j'ai préféré tant c'était intense. Salvador, c'était quand même quelque chose. Les rues qui vibrent au son des tambours et de la samba en quasi permanence le week end, et quand même tous les soirs, et les concerts gratuits partout, et la capoeira, et le candomblé ! Cinq jours passés à danser. Vibrant. Je n'aurais manqué ça pour rien au monde. On en prend plein les oreilles. Et Rio qui est si belle, on en prend plein les yeux ! Et toute la côte du Nordeste et son soleil qui caresse la peau, comme le sable des dunes. Mais quand on y pense, même les rues de Sao Paulo peuvent être agréables quand on y sent la viande grillée partout. Cette viande, si délicieuse en bouche, même un simple filet de poulet est sublimé, avec tout l'accompagnement classique qui donne l'impression de manger comme une reine pour peu cher. L'accueil des Brésiliens, leur chaleur littéralement, bien que dans le culte du corps il y a aussi une certaine acceptation qui fait que tout le monde porte des crop tops et des minis shorts et ça ne pose aucun souci. Enfin sauf à Sao Paulo mais ça c'est parce qu'il faisait un temps de chien à chaque fois. Le culte du corps, mais de tous les corps, et de tout ce qu'on en fait, comme et avec qui on veut. Pays le plus métissé au monde, avec une culture qu'on ne trouve nulle part ailleurs, pays qui ne ressemble à aucun autre en Amérique Latine, et dans le monde évidemment. Tout en musique, tout en danse, tout en rythme. J'y cherchais quelque chose, de l'adrénaline et de l'intensité, des connexions, j'ai trouvé encore mieux que ce que j'espérais.

Et du coup forcément, l'Argentine fait un peu pâle figure à côté, enfin en tout cas le peu de temps que j'y ai passé. Sauf les chutes d'Iguazu, ah, quand même ... Quelle force, quelle puissance. Une puissance que Buenos Aires n'a pas, mais il faut dire que passer après tout le reste, c'est dur. BsAs est une ville peu dépaysante, mais ce serait mentir que de dire que je n'ai pas aimé, mais heureusement que je suis allée dans cet hostel et que j'ai fait plein d'activités. Les jours en sont passés à la vitesse de l'éclair sous un si beau temps malgré l'hiver austral et l'angine, entre tours, visites et soirées. J'aurais quand même pu y rester quelques jours de plus, faire les activités avec Dante et dire de la merde avec Rodrigo (qui restait 15 jours). Mais bon, j'aurais fini par me ruiner, c'est le voyage qui m'a coûté le plus cher de ma vie et je ne sais même pas combien, je crois que je ne veux pas le savoir, ça casserait la magie.

Parce que c'est ça dont il a été question: la magie. Ah, je me demande bien comment va se passer le retour, à ne quasiment rien faire de la journée. Dire que j'ai failli aller en Colombie. Je me demande si j'irai un jour, franchement. Pour le moment, on va dire que le Brésil et ses racines africaines a été un bon entraînement pour le stage en immersion au Sénégal en février prochain !

Allez, je vous laisse, l'avion arrive à Madrid dans deux heures. Merci d'avoir suivi ce blog, et à la prochaine !