Carnet de voyage

[Sea, Jungle & Volcanoes]

19 étapes
16 commentaires
2
Le récit de mon aventure à Singapour, en Malaisie et en Indonésie. Prêts à embarquer? Bienvenue dans mon Monde.
Du 30 juin au 23 août 2018
55 jours
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Bonjour! Bienvenue sur ce nouveau blog, qui cette fois ci vous emmènera à Singapour, en Malaisie, puis à Brunei, et en Indonésie pour de nouvelles aventures.

Comme le veut ma tradition, un premier article sur l'avant voyage, mais aussi sur le fonctionnement du blog qui je l'espère sera un peu moins fouillis que les précédents.

Comment ça marche?

  • Je poste régulièrement des articles, souvent un par lieu, ou je divise s'il y a trop de choses à dire, avec des sous-sections en fonction de ce que je fais chaque jour. J'y raconte souvent ma vie, mes déplacements, mes sensations. C'est un vrai carnet de bord personnel.
  • Je suis amenée à parler de ce que je découvre et ce que j'apprends sur un lieu. Cette fois-ci, je mettrai les parties histoire/culture en italique et dans un nouveau paragraphe, pour que l'on puisse s'y retrouver dans la narration.
  • Pour naviguer parmi les différentes étapes, surtout quand il commence à y avoir beaucoup d'articles: Vous pouvez cliquer sur le petit numéro juste en dessous du titre, qui recense le nombre d'étapes. Vous avez alors accès au sommaire. Pour y retourner, il faudra remonter tout en haut de la page.
  • Vous pouvez cliquer sur les photos pour les agrandir. J'espère qu'elles seront belles vu que j'ai acquis un Nikon D3100 qui, j'espère encore, ne prendra pas trop l'humidité.
  • J'ai aussi remarqué que si je mettais une légende sur une photo, trois petits points apparaissaient dessus. Donc cela veut dire qu'il y a du texte spécifique qui va avec.
  • Nouveauté: je souhaite mettre une ambiance musicale lorsqu'on lit les articles. Ce ne sera pas forcément de la musique locale! En tout début d'article, j'incluerai une vidéo Youtube avec le soundtrack que j'ai choisi pour l'étape. Vous pourrez donc lancer la musique, ou non.
  • Vous pouvez également laisser des commentaires, ce qui me fera énormément plaisir, en renseignant votre e-mail dans le champ adéquat.

Comment se préparer?

Il n'y a pas beaucoup de formalités administratives pour une Française qui fait mon type de voyage quand on se rend là bas. Le passeport doit avoir des pages libres, et être valide 6 mois après le retour, comme d'habitude. Aucun visa n'est nécessaire pour moi pour le temps que je reste dans chaque pays. La seule chose qui me tracasse beaucoup à l'heure où j'écris, c'est que je n'ai toujours pas reçu mon permis international, il met énormément de temps à arriver alors qu'ils ont reçu la demande fin février. Il me permettrait de louer un scooter à Bali où les contrôles policiers sont très très fréquents, et si je ne peux le présenter c'est 90€ d'amende.

Pour tout ce qui est médical, la pochette de médicaments habituelle pour parer à presque toute éventualité. Je vais dans certaines zones à paludisme, je dois donc prendre de la Malarone. Mon vaccin pour la typhoïde est toujours valable (3 ans). Mon vaccin contre la fièvre jaune n'est pas utile là bas, si ce n'est qu'il me faut tout de même mon certificat anti-amarille pour passer certaines frontières, si les douaniers regardent tous mes tampons et qu'ils voient que je suis allée au Pérou. Singapore, I'm looking at you. Autrement, pas d'épidémie d'encéphalite japonaise déclarée actuellement.

Cette année, j'ai renouvelé mon matériel: un nouveau sac à dos, plus petit que l'ancien (60L) mais plus pratique. J'ai déjà trouvé la parade à ce petit inconvénient: des sachets hermétiques où mettre mes affaires, avec une pompe à air pour qu'elles soient sous-vide et prennent moins de place. Ainsi qu'une grande housse pour mettre tout le sac dedans et le protéger d'intrus indésirables ... Et oui, pour celles et ceux qui ont suivi ma piquante mésaventure au Pérou l'année dernière, sachez que cette région du monde très tropicale et très parcourue des baroudeurs, c'est aussi ça:

WOH PINAISE! 

C'est loin d'être rassurant, mais cette fois je suis prévenue et je vais tout faire pour éviter ces merveilleuses punaises de lit. Cela va requérir beaucoup de précautions, et peut-être un peu de paranoïa. J'utiliserai la housse en arrivant à l'hostel ET dans les bus.

Autre acquisition utile: une moustiquaire de voyage, avec des crochets réutilisables au cas où je ne sois pas dans le lit superposé du dessous ou que ce ne soit pas déjà prévu. Ca peut faire un peu princesse, mais j'aime beaucoup être en-dessous: on se sent comme dans un cocon. A l'abri. Donc tant pis pour les autres voyageurs qui me jugeraient, ils seront dans leur jalousie, je serai dans ma moustiquaire.

Me protéger moi c'est bien, mais mon nouvel ami le Reflex en aura bien besoin aussi. L'humidité pourrait attaquer ses petits circuits, son petit miroir, son objectif ... Il va être paré d'un sac congélation pour le protéger, mais également de sachets de Silica Gel pour absorber l'humidité ambiante, et même d'un sac hermétique en néoprène. Jamais trop pour ce qu'on aime. Il a intérêt à remplir sa part du marché et faire de meilleures photos sans buguer inopinément au cours du voyage.

Qu'est-ce qui est prévu?

J'optimise de mieux en mieux les trajets, à force d'expérience. Mais cette fois-ci j'ai dû réserver pas mal de billets d'avion car les transports en ferry, très peu pour moi. Particulièrement quand on peut y trouver des cafards et des toilettes nauséabondes. Ainsi, je vais être plus dépendante du planning, mais je vais alterner entre des jours de visites intenses, des jours pour faire la fête, des jours pour me reposer, des jours pour faire du sport. Voici donc la version de mon itinéraire, et l'on verra bien si je m'y tiens.

  • Jour 1 et 2: arrivée à Singapour après deux vols avec la Turkish Airlines, départ Barcelone avec une escale à Istanbul. 18h30 de voyage. J'arrive normalement le lendemain à Singapour, en fin de journée. Comme ça, je file me reposer pour commencer à m'habituer au décalage horaire. J'ai prévu une première journée de visite de la ville car j'aurai encore du temps au retour.
  • Jour 3 et 4: départ pour la Malaisie, en arrivant à Melaka en début d'après-midi. C'est une petite ville coloniale très jolie mais il ne semble pas falloir beaucoup de temps pour la visiter. Je reprendrai le bus pour Kuala-Lumpur le lendemain dans l'après-midi aussi, de manière à arriver le soir.
  • Jour 5 à 7: visite de KL, dont une journée pour les grottes et une autre pour voir les lucioles.
  • Jour 8 à 10: transport jusqu'au Taman Negara, qui est la plus vieille forêt équatoriale du monde. Là-bas je prévois une journée sur les ponts suspendus + rafting + population locale (= truc à touristes), et une autre pour faire un trek d'une journée au contact de la jungle (et des sangsues ...). A cause des horaires de transport, je devrai repartir le soir pour aller dans une petite ville nommée Jerantut, y passer une nuit pour prendre le bus le lendemain.
  • Jour 11 et 12: une grande journée de bus, de Jerantut à Kuantan et de Kuantan au port de Marang, pour me rendre sur l'île de Kapas (Pulau Kapas). C'est une très belle île hors des sentiers battus, où l'on peut aussi voir une réserve de tortues. Cela me suffira, après la jungle le repos sera bien mérité, et tant qu'à faire autant aller dans un cadre idyllique. Je me suis bien pris la tête pour trouver comment y aller depuis le Taman Negara tout en passant par la côte Est.
  • Jour 13 à 16: retour sur le continent, pour mieux reprendre un bus qui cette fois me mènera à la Jetty Kuala Besut, pour les îles Perhentian, considérées comme "les Maldives de Malaisie". Il y a de magnifiques spots pour le snorkelling (plongée en surface avec tuba et masque), et si le pneumologue me le permet, je pourrai m'essayer à la plongée avec bouteilles.
  • Jour 17 à 19: ce qui est pratique avec les spots touristiques c'est qu'ils sont reliés par des navettes. Après les îles Perhentian, changement total d'atmosphère pour me rendre dans les plantations de thé de Cameron Highlands. Il y a des treks sympathiques de ce côté là.
  • Jour 20 à 22: après moultes hésitations, ce sera un transport pour Penang que l'on ne cesse de me conseiller. C'est aussi une ville coloniale, et réputée pour sa cuisine, ainsi que pour sa vie nocturne. Un bon spot pour faire la fête, et l'auberge de jeunesse qui va avec. L'avion pour Kuching part le soir du deuxième jour.
  • Jour 23 à 25: Kuching est une ville située dans la province de Sarawak, sur Bornéo. On peut y découvrir pas mal de choses, et notamment un sanctuaire d'orang-outans!
  • Jour 26 à 28: encore un avion pour Mulu, mais il n'y a pas le choix. C'est un immense parc naturel qui accueille toute une partie de la faune et la flore de Bornéo.
  • Jour 29: avion pour Miri, cette fois-ci. Pas grand chose à voir, juste une ville-étape pour la suite, et pour se reposer.
  • Jour 30: bus pour Brunei, tôt le matin. Ce n'est pas un endroit où il y a beaucoup à visiter, mais cela peut valoir le coup d'y faire un saut pour les palais. Dans mon cas, ce sera pour attraper l'avion pour Bali, tard le soir.
  • Jour 31 à 33: farniente dans un hostel très cool proche de la plage de Canggu, proposant des cours de surf et de yoga. Ca va être la fête! On croise les doigts pour que je puisse avoir un scooter. Si je n'ai pas le permis, ça sera un vélo électrique, plus physique quand même. Dernier jour, visite du centre de l'île, puis arrivée le soir à Ubud.
  • Jour 34 à 36: trois jours pleins pour découvrir les environs d'Ubud.
  • Jour 35: balade dans l'Est de l'île.
  • Jour 36: retour vers Canggu.
  • Jour 37 à 39: vol pour Labuan Bajo, pour passer une journée avec les varans de Komodo, et une journée pour découvrir d'autres endroits.
  • Jour 40: vol de retour pour Bali. Bus et ferry pour Banyuwangi, Java.
  • Jour 41: une savane. En Indonésie.
  • Jour 42: courte nuit pour un trek dans la pénombre jusqu'au volcan Ijen et ses flammes bleues. Comme la redescente est dans la matinée, bus pour Surabaya pour éviter d'encore prendre l'avion. Surabaya sera aussi une étape pour repartir le lendemain.
  • Jour 43 à 46: Yogyakarta. D'immenses sanctuaires à visiter, une ville pour chiller un peu, et apprendre à tanner le cuir.
  • Jour 47 à 51: vol pour arriver à Padang, Sumatra. L'île est immense et je ne vais me concentrer que sur cet endroit car la culture m'intéresse. Je devrais même pouvoir assister à des courses de vaches typiques de cette région. Au programme aussi, un magnifique lac et peut être ... DU PARAPENTE.
  • Jour 52 et 53: retour à Singapour par la voie des airs. Visites de ce que je n'aurai pas encore vu car j'aurai un bon jour et demi sur place vu que l'avion de fin de voyage repart tard dans la soirée.

Post-edit pour le fun: Une semaine après avoir commencé cet article, j'apprends que la ligne Padang-Singapour a fermé, j'essaye de me faire mettre sur un autre vol ou rembourser comme me le proposait Air Asia mais pour l'instant, pas de nouvelles mais ça ne fait que deux semaines. Et nous sommes à J - 30, et toujours pas de PERMIS.

Voilà, vous en savez déjà pas mal. A très vite pour le début de l'aventure!

30
juin

 

Bande son, à lancer lors de la lecture ou non. 

Le trajet

C'EST LE GRAND JOUR.

Au sens propre comme au figuré, car c'est un trajet de 24 heures sans dormir qui m'attend.

Départ de Perpignan en covoiturage: Blablabla.

Arrivée à l'aéroport de Barcelone, embarquement.

3 heures de vol à côté d'un Bulgare: Blabla.

Istanbul et ses lumières jouent à cache-cache avec les nuages lorsque nous survolons la ville, la Mer Noire, le détroit des Dardarnelles et le Bosphore. D'en haut, il est difficile de repérer quel côté est européen, et lequel est asiatique, le sens de l'orientation est mis à mal. Mais les villes de nuit ont toujours un côté fascinant, il est rigolo de découvrir des immeubles aux néons colorés, comme d'immenses cubes pour enfants.

Atterrissage à l'aéroport pour 2h30 d'escale, mais ça fait du bien de se dégourdir les jambes. Et pour cela, l'aéroport Atatürk, le plus grand d'Europe, est fait pour: je marche, je marche, je marche ... il y a beaucoup de boutiques et de cafés, et des aires fumeurs sur des terrasses. Il est minuit ici mais les télévisions montrent le match France-Argentine. Et il y a du passage, c'est bondé. Beaucoup de gens en profitent pour s'allonger sur les sièges pour piquer un petit somme.

C'est maintenant parti pour 10 heures de vol ... Oulà, niveau confort, l'avion semble moins bien que le premier. Un enfant pleure alors qu'il est en première classe et qu'il fait pile la taille du siège pour s'allonger sur le côté. Tu ne te rends pas compte de ta chance! Et j'ai beau avoir choisi ma place, je pensais être au fond, je me suis foirée et je suis encore au niveau de l'aile. Bon, on sent que la fatigue arrive, ça commence à râler sec par ici. Mes interactions se limitent aux stewarts: Bla. Le vol est pénible, ne pouvant donner à mon corps le repos qu'il réclame. Mais curieusement, la fatigue disparaît lorsque nous commençons à survoler les côtes malaisiennes. Des plages, des palmiers, et soudain des immeubles quand nous passons le détroit de Johor qui marque la frontière entre la Malaisie et l'île de Singapour. Après l'atterrissage, il me faudra deux heures de plus pour rejoindre l'auberge de jeunesse: bagage long à arriver, trouver la station de métro dans un autre terminal, revenir sur ses pas pour tirer de la monnaie, le métro, puis réussir à sortir du centre commercial dans lequel je me suis engagée et qui semble n'avoir pas de sortie. Mais comme toujours, je finis par atteindre mon but.

• • •

Singapour: passé, présent, avenir.

Il pleut quand j'arrive. L'air est très lourd, on croirait se mouvoir dans un hammam. Mais ce n'est pas ce qui me frappe le plus, pour cela il faut remonter le temps et se souvenir de ma première sensation de l'Asie: les odeurs. L'Asie prend par les sens, et Singapour ne déroge pas à la règle. C'est d'abord l'odeur de l'humidité qui est différente, et qui assaille nos narines dès l'entrée dans le métro. Elle rappelle que c'est la nature tropicale qui commande. Les parfums d'ambiance aussi sont différents, et ne jouent pas sur les mêmes arômes qu'en Europe. Et enfin bien sûr, la nourriture. Des odeurs d'épices qui nous sont peu communes, des huiles de cuisson, et l'on croirait pouvoir sentir non pas le piment mais le piquant d'un plat.

Je suis à Chinatown, et ce soir la Chine m'accueille.

J'ai du mal à accepter son invitation: je pose mon sac et en profite pour aller me régaler au restaurant juste à côté. C'est délicieux bien sûr. Mais pour la suite de l'exploration, nous verrons demain. Difficile cependant de s'adapter au décalage horaire, il y a 6 heures de plus que nous. J'arrive tout de même à émerger vers 10 heures après une nuit agitée dans mon petit box. Bon, en réalité, j'ai surtout émergé "grâce" à des Espagnoles qui hurlent dans le dortoir. Mais au moins, cela me permet d'être prête pour aller voir le temple hindou avant qu'il ne ferme.

Un rapide point sur l'histoire de Singapour pour savoir de quoi on parle: l'île appartient d'abord appartenant au Royaume de Java, un prince indonésien tue le gouverneur local pour s'approprier la cité qu'il nomme "Singapura", la ville du lion. Elle passe ensuite aux mains du royaume d'Ayutthaya, puis devient un repaire de pirates. Le pays devient la Malaisie, qui passe sous domination britannique. Beaucoup d'immigrations à ce moment là, surtout des indiens et des chinois, ce qui explique le métissage actuel et les quatre langues nationales: anglais, malais, chinois et tamoul. D'ailleurs tous les panneaux sont écrits dans ces langues. Puis pendant la Seconde Guerre Mondiale, sous domination japonaise; puis les Britanniques et Singapour finit par devenir indépendante en 1965. Elle est depuis sous "dictature bienveillante" car c'est la même famille qui la dirige. C'est le 2e port le plus grand du monde, et le pays avec le plus grand ratio de millionnaires.

Il fait toujours très lourd, mais je ne vais pas me laisser démonter pour autant. Je me dirige donc d'un pas léger vers le Sri Mariamman, la déesse tamoule de la fertilité et de la pluie en Inde du Sud (on peut traduire son nom par ... "mère Marie"!). Sur le chemin, toutes les petites shophouses chinoises du quartier contrastent avec les buildings en arrière-plan.

Dans le temple il faut, comme d'habitude, enlever ses chaussures avant d'entrer - tout comme dans mon hostel d'ailleurs. Quelle chance, il y a un mariage ! Le marié met la bague au doigt ... de pied de sa promise. J'essaye de me faire discrète et ne prend que quelques photos de loin. Je crois qu'il ne s'agit que de la cérémonie et qu'ils vont faire la fête ensuite car ce n'est pas très fastueux. Ou alors ce ne sont que des fiançailles? En tout cas ils ont l'air heureux, au milieu de l'encens et des beaux tissus.

Je souhaite ensuite aller visiter le Buddha Tooth Relic Temple, qui est assez récent (2007). Il y a deux grandes pièces en bas, chacune avec des Bouddhas partout: de grands dorés, de plus petits dans des alcôves, et d'encore plus petits sur tout un mur.

Mais ce qui est d'autant plus intéressant, c'est qu'il y a un petit jardin d'orchidées sur le toit, et un musée du bouddhisme aux étages inférieurs. Parfait pour connaître certaines bases de l'histoire de Bouddha!

Tout commença lorsque la mère de Bouddha, Queen Maya, qui ne parvenait pas à avoir d'enfants, rêva de six éléphants blancs qui entraient dans son flanc droit. Bouddha finit par naître, au pied d'un arbre, et fut appelé Siddhartha, signifiant "pour accomplir toutes les tâches" (vous avez peut être vu le film). Il était appelé à être un encore meilleur dirigeant que son père. Il lui fut donné une éducation holistique au palais, mais un jour il se rendit à la capitale pour voir le monde. Il eu alors quatre révélations, appelées visions: d'abord, les aînés aux cheveux gris, vêtu de haillons. Puis, un homme malade se tordant de douleur, sur lequel il se précipite pour lui venir en aide mais ne peut y faire grand chose. Puis, il croise une procession funéraire: il est confronté à la mort. Et finalement, il rencontre un ascète qui lui dit avoir abandonné ses désirs pour accéder à la paix de l'esprit. Bouddha en vient donc à commencer à comprendre le monde: tout être humain est soumis à la naissance, à la maladie, à la vieillesse et à la mort. Après cela, il décide d'abdiquer pour partir à la recherche de la Vérité. Avec des compagnons, il la chercha d'abord dans l'ascétisme: rester debout, s'affamer ... il n'était devenu qu'un sac d'os lorsque son pronostic vital fut mis en danger: la solution ne pouvait pas être là! Il partit, seul, méditer sous un arbre Bodhi. Et c'est ainsi qu'il atteignit l'Illumination. Même le roi Mara, son rival, ne parvint pas à le détourner des nouveaux préceptes qu'il venait de découvrir. Il avait pour lui le moyen de délivrer chacun de la souffrance. Il donna alors son premier sermon, et voyagea en Inde avec les ascètes devenus moines pour répandre sa vérité, le Dharma. Il condamne aussi le système de castes. À l'âge de 80 ans, il s'éleva au Mahapari-nirvana, sachant que son âme se réincarnerait. Son corps fut crématé, mais aussi divisé en 84 000 parties pour des reliques. Un de ses successeurs est le Bouddha Maitreya, le compatissant. En fait, cela permet de comprendre les différentes représentations de Bouddha et les noms qui lui sont accolés. Par exemple le gros Bouddha rieur avec le sac de pièces d'or est une représentation de Maitreya, que l'on pensait réincarné en un moine avec ce physique. Les Empereurs Chinois, et l'Impératrice Wu Zetian, se déclarèrent aussi réincarnations de Bouddha. Ils prenaient le titre de "cakravartin", signifiant "celui qui tourne la roue du Dharma". Les sujets étaient soumis aux préceptes de Bouddha, aux Dix Vertues. Ainsi, il répand l'Illumination.

Très intéressant tout cela, mais manger ne me ferait pas de mal. Direction la Chinatown Street Food pour des dumplings et un canard rôti (les laqués sont pour plusieurs personnes). D'immenses ventilateurs sur la verrière rafraîchissent un peu les stands et les tables. Une petite promenade digestive dans les rues, il y a du durian partout, ça pue. Ah non c'est la poubelle. Ah non c'est le durian ... il y a plein de boutiques qui vendent plein de souvenirs - on verra au retour! - et une pause bien méritée.

Après une petite sieste, me voilà repartie pour un tour dans la ville futuriste, cette fois-ci. Je suis partie pour aller voir la fontaine du Merlion, le symbole de la ville. Mais je me ravise en me disant que je ne vais pas payer plus pour une fontaine pas si extraordinaire. Je change d'avis après avoir pris mon ticket de métro ... et me retrouve coincée à la sortie. Le prix est différent selon la distance, ça ne marche pas qu'avec une histoire de zone. Heureusement que j'ai 20 centimes, finalement leurs taxes sont utiles pour avoir de la monnaie (oui les prix sont affichés hors taxes ...). En plus de cela, voulant être polie, je me mets à droite de l'escalator pour laisser passer. Et non, eux c'est à gauche!

Je débouche au nord de la Marina Bay, et traverse le Helix Bridge. Je peux voir au loin les Supertrees des Gardens by the Bay, et les grattes ciels du quartier économique. Il fait chaud, mais j'en ai des frissons. Le Marina Bay Sands, le grand hôtel chic le plus connu de Singapour, est moins moche en vrai, il fait même plutôt esthétique. Il commence à pluvioter et c'est l'occasion de sortir mon magnifique parapluie à mettre autour de la tête! Ça fait sourire les gens mais qu'est ce que c'est pratique, surtout pour les photos!

Me voici enfin aux jardins, et mauvaise nouvelle: la passerelle pour marcher entre les arbres est fermée. Juste aujourd'hui. Mais finalement, ce n'est pas si grave car le reste du jardin est accessible. Moi qui adore les jardins, celui-ci est vraiment spécial. Outre les grands arbres de fer sur lesquels grimpe la végétation, on peut faire le tour en passant par de petits secteurs à thèmes. Les palmiers, les fruits, les insectes, et même les dinosaures ... je ne lis pas tout cela, il y en a pour trop longtemps. D'ailleurs le soleil se couche, un peu plus tard que ce que je pensais mais il n'est tout de même que 18h45. Mais la nuit en Asie, c'est super. La chaleur tombe et l'air devient respirable.

À 19h45, c'est le show: les arbres s'allument au rythme d'airs d'opéra, c'est le light show. Mauvaise surprise cependant, je ne peux pas télécharger la vidéo que j'ai prise avec le Reflex! Il faudra se contenter de celle du portable, toute pourrie. Le spectacle est magnifique. Je n'ai pas envie de rentrer, je contemple les gratte-ciels illuminés, mais je suis fatiguée.

Après être passée dans le Marina Bay Sands qui n'est pas exceptionnel à l'intérieur - c'est son toit qui vaut le coup, avec sa piscine à débordement au dessus des buildings - direction le métro où il y a du monde ... il n'y a pas de ticket à la journée. Quand les gens me parlent, ils ont l'air étonnés que je sois arrivée hier et que je me balade à cette heure là. Retour à Chinatown Street Food pour manger un poulet encore meilleur que le canard de midi, une bonne douche - ce ne sont plus des cheveux que j'ai, c'est une serpillière mouillée - et on se prépare à partir en Malaisie demain. Mais pas de souci, Singapour : je reviens te voir à la fin du voyage ...

3
juil

C'est encore un peu dur de se lever à l'équivalent de 4h du matin, mais ça commence à venir. Direction le terminal de bus de Queen Street, de là d'où partent plein de bus, je devrais pouvoir m'y acheter à manger et ... Euh attendez, c'est ÇA le terminal? Il y a juste les offices au bord de la route, et c'est tout. J'ai dû louper quelque chose quand je pensais qu'il allait s'agir d'un grand terminal ... Comme d'habitude quoi. Bon, peu importe, le bus part à l'heure et nous traversons une partie de Singapour. Ce qui est bien en fait, c'est que malgré sa densité de population, cela n'en donne pas l'impression car les immeubles sont espacés par de la verdure, d'où le nom de "ville-jardin" probablement. Alors certes quand on regarde bien on peut voir qu'ils sont entassés dans leurs tours. Mais ça donne moins cette impression d'oppression qu'en Chine. Les bâtiments sont blancs, bleus pâle, beiges, et pas gris béton. Il y a un réel effort d'urbanisme.

Nous arrivons au poste de frontière, c'est parti pour un peu d'attente ... Ah non, en fait, c'est tout électronique et ça prend 2 minutes. Pas de tampon de sortie de Singapour? C'est un peu bizarre mais sur celui d'entrée il y a marqué 90 jours, c'est large. Nous remontons dans le bus et traversons le détroit par un pont, nous voici en Malaisie! Il faut sortir les sacs pour le contrôle de douane, et le sac en plastique dans lequel j'avais mis le mien craque sous son poids. Au revoir, système anti bed bugs, j'aurais essayé ... À moins d'en retrouver un quelque part. Là aussi le passage est rapide, c'est la frontière terrestre la plus efficace que j'aie jamais passée, même devant celle Chili-Pérou. Nous prenons la route, où il y a des péages toutes les 10 minutes. Ça se calme ensuite. Et comme partout où je vais aller, la conduite est à gauche.

Il y a des palmiers partout, c'est joli mais les barrières qui les entourent indiquent que ce sont des plantations. Hum, je ne pense pas que ce soit pour les manger comme en Amazonie ... Si c'est bien ce à quoi je pense, c'est énorme et sur le moment, un peu dérangeant.

Nous arrivons vers de petites montagnes, puis à la gare routière de Malacca. Je vais me régaler avec un poulet "spicy but ok spicy" et du riz. Puis il faut chercher le bus qui va en ville ... Une jeune fille m'aide, mais les précédents sont déjà partis. J'attends, j'attends ... Mais pas au bon endroit. Finalement il me faudra une heure pour enfin décoller du terminal, tant je me suis mal débrouillée. Il y a un tour en vélo qui part de mon hostel à 18h, je devrais y être. Je speede, j'arrive à 17h15, tout ça pour découvrir qu'il est finalement parti à 17h. Mais la fille qui travaille à l'accueil me propose de louer un vélo ... Gratuitement. Voilà de quoi faire oublier ma frustration!

Le vélo est trop grand et les freins ne marchent pas. Je sens un parfum d'aventure mais je vais faire plus qu'attention. Heureusement, les Malais conduisent respectueusement. Avec le GPS pas de souci, j'arrive facilement à mon but après 30 minutes: la Mosquée Flottante. Elle est située sur une île artificielle, où sont bâtis des immeubles modernes. Elle est dite flottante car sur pilotis, sur la mer. Il y a du vent, et il fait très bon. C'est le détroit de Malacca, qui a marqué l'histoire.

Malacca est le plus vieux port de Malaisie, fondé vers 1400, c'est alors un sultanat indépendant. Elle est très stratégique et très convoitée. Pendant 130 ans, Malacca est ensuite portugaise, puis devient néerlandaise, puis enfin britannique. Elle devient malaisienne avec l'indépendance, et prend le nom de Melaka.

Pour entrer dans la mosquée, il faut se vêtir correctement et mettre le voile! Par contre, je ne sais pas comment faire les ablutions, alors je ne vais pas pénétrer dans la partie réservée aux fidèles. De toute façon, ça ne se fait pas. Les mosquées ne sont pas forcément richement décorées de toute manière, et celle ci est assez récente. On peut accéder au point de vue sur la mer, et faire tout le tour, cependant. C'est très agréable, et ce qui l'est encore plus, ce sont les fauteuils massants dont je profite pendant 10 minutes. Il y a un homme qui nous explique les heures de la prière, qui sont sur un tableau électronique. Et puis, l'appel aux fidèles retentit au coucher du soleil, et la mosquée s'illumine en vert. Il est temps de rentrer.

Au retour, je passe par le centre historique de Malacca. Il y a des beignets de patate douce mais je n'ai pas encore faim. Et j'arrive sur la place des rickshaws kitchs. Une photo, et je continue par quelques rues avant de rentrer au Ringo's Foyer. Je n'ai pas pris beaucoup de photos car je suis en vélo et de nuit, mais ça m'a l'air bien prometteur pour demain.

L'hostel est sympa, il y a une belle terrasse qui domine une partie de Malacca. Parfait moment pour une petite bière. Et un bon poulet au poivre noir au restaurant d'en dessous. Je n'ai pas encore le coeur, et surtout l'estomac, pour tester des choses bizarres.

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Le lendemain, au programme: des courbatures! Malgré un réveil un peu plus tôt que d'habitude, je préfère écouter mon corps et me reposer jusqu'à l'heure du check-out. Puis je laisse mon sac et m'en vais parcourir les rues. Malgré une amélioration par rapport à Singapour, il fait quand même très chaud, même s'il y a un peu de vent de temps en temps. J'ai oublié de mettre de la crème solaire, par dessus le marché! Je me mets à l'ombre le plus possible.

Malacca dégage une aura accueillante pleine de sympathie. L'ambiance me fait un peu penser à Hoi An au Vietnam. Je commence par visiter un temple chinois, puis un temple bouddhiste, et à nouveau un autre temple, le Cheng Hoon Teng, juste en face. Ce troisième, en bois, est le plus vieux de Malaisie. Il est dédié à Kwan Yin, la Déesse de la Miséricorde. C'est le temple leader de la communauté chinoise de Malacca.

Je prends la rue de Jonker Street. À certains coins de rue, après une boutique de vêtements ou un petit café, on peut souvent voir une maison richement décorée avec des lanternes, des gravures et des peintures. Après Jonker Street, c'est Heeren Street qui est intéressante. Au numéro 8, on peut voir une exposition sur la rénovation des shophouses qui perdent de plus en plus de leur authenticité au fil des ans. Il y en a beaucoup qui peuvent être démolies si elles ne sont pas suffisamment entretenues. Je suis un peu trop fatiguée pour me concentrer dessus, mais je fais un don.

Dans cette rue, il y a plusieurs musées, notamment celui des cultures Nyonya et Baba. Et un autre qui trace l'histoire de Malacca. Non, ça ne sert à rien d'essayer, je ne vais rien retenir. Je me dirige donc ensuite vers la place rouge, établie par les Portugais. Il y a encore plein de rickshaws! Puis, je vais manger un Ayam Redang, du poulet avec du beurre de cacahuètes et autres épices. Il y a marqué que c'est épicé, mais pourtant, je ne trouve pas, par rapport à la Thaïlande. Je repars par la rivière pour m'y attarder davantage, sous un soleil de plomb. Les façades qui sont toutes peintes donnent beaucoup de gaieté au paysage.

La visite aura été relativement rapide: deux heures trente, sans les musées. Mais j'en ressors vraiment contente, la ville m'a laissé une très bonne impression! En rentrant à l'hostel, je compte reprendre le bus pour aller au terminal. Mais ils me disent qu'il vaut mieux que je prenne un taxi, car le bus passe trop aléatoirement. Avec hier, j'ai eu ma dose ... Je partage finalement le taxi avec deux suédoises, et notre chauffeur nous raconte, puisque nous en parlons, qu'ily a des serpents au Taman Negara en ce moment car il fait très chaud. Il me dit aussi de prendre du sel pour faire tomber les sangsues. Et aussi, plus sympathique, que les rafflesias sont en floraison, quelle chance! Les fleurs sont assez capricieuses et peuvent vite fâner donc on verra que faire de cette information dans 5 jours. En arrivant les filles prennent le bus qui va juste partir, mais moi non. J'ai repéré un comptoir Air Asia, ça m'évitera d'y aller à Kuala Lumpur. Bon, en fait, ça n'a servi à rien, il faut quand même aller à Kuala Lumpur. Ce terminal me porte malheur. Mais au moins en 30 minutes, j'ai le temps de fumer et de m'acheter une bouteille d'eau. Le bus est à l'heure et j'inspecte mon siège par paranoïa des punaises. Rien, me semble-t-il. C'est donc parti pour 2h30 -3h de bus jusqu'à Kuala Lumpur.

À l'arrivée, il me faut DONC aller au comptoir d'Air Asia avant l'hostel de ce soir. Pour cela je prends un train depuis le terminal de bus, situé en banlieue. Dans les toilettes, je dois faire de sacrées acrobaties pour mettre mon gros sac sur le crochet, car le sol est recouvert d'eau. Le temps de trouver quel quai, le panneau annonce une demi-heure d'attente. Prête à encore attendre, je vois des backpackers comme moi quitter ce quai pour aller prendre le train plus rapide. Mais dès qu'ils ont tourné les talons, le train arrive finalement... J'ai rien compris. Je monte dans une rame réservée aux femmes, qui est quand même occupée par trois hommes (qui ont pourtant l'air bien cis!), mais ok. Le train prend son temps, mais j'arrive finalement sur les quais brûlants et exigüs de KL Sentral. Je trouve Air Asia facilement. En fait c'est pour me faire changer mon vol Padang-Singapour dont je parle dans l'article préparatifs, sans payer plus, car non ils ne m'ont toujours pas répondu les saligauds. 45 minutes plus tard, ça y est, j'ai mon billet au même prix! Il est temps de partir vers mon prochain hostel pour une petite soirée : le Reggae Mansion.

5
juil

Jour 1: Brique, tôle et métal 

Après une bonne nuit de sommeil, je pars découvrir la capitale malaisienne et ses contrastes. Je loge un peu au nord de Chinatown, c'est donc par là que je commence. Oui, encore Chinatown, ils sont partout! Mais entre ces trois premières villes, chaque Chinatown était différent. Pour Kuala Lumpur, Petaling Street est en fait une grande rue commerçante qui vend du made in China, tout comme Katsuri Walk. Le plus intéressant ici est la visite d'un nouveau temple hindou, Sri Maha Mariamman, surtout que j'arrive juste quand les cloches sonnent. Les croyants font une file devant les brahmanes, récitent des mantras, puis font ainsi le tour du temple. Il faut faire attention à ne pas être sur leur chemin!

Je n'ai pas encore mangé, et pour rester dans le thème, je vais manger un "roti" avec de la délicieuse sauce au curry, et du riz biryani avec un oeuf.

J'ai pu aussi prendre mon trajet pour le Taman Negara pour le 8 juillet. J'ai beaucoup de mal à savoir quel jour on est, combien de temps ça fait que je suis là, alors que je suis arrivée en Asie il n'y a même pas une semaine. Je dois dire que cette fois-ci, je suis pour l'instant moins impressionnée que la première fois, mais c'est un peu normal car je suis moins mise à l'épreuve qu'auparavant. J'ai gardé pas mal de repères qui me permettent de m'adapter très vite.

Après un passage chez le coiffeur pour moins de cheveux, moins de chaleur, je m'en vais vers la partie coloniale de Kuala Lumpur. Sur le chemin, un beau point de vue sur la mosquée Jamek, "ah oui quand même"! Elle est bâtie sur la confluence des rivières Klang et Gombak, lieu qui donne son nom à la ville: kuala = estuaire, lumpur = boueux, ça perd de son charme. J'arrive à Merdeka Square, qui est l'endroit où la Malaisie a déclaré son indépendance de la Grande-Bretagne. Le square en lui-même est dépouillé, juste une pelouse, on dirait un terrain de foot pas très bien entretenu. Mais les bâtiments coloniaux du 19e siècle qui sont autour sont intéressants, comme celui du Sultan Abdul Samad qui est la Cour Suprême (photo 9), la Bibliothèque, le théâtre (photo 6), le club Royal Selangor (photo 8) ... la Cathédrale Ste Marie aussi, que je vais visiter car il est toujours rigolo de voir s'il y a des différences à l'étranger. Elle est surtout simple, et pas fastueuse. Elle est anglicane. Le plus dur dans cette visite, c'est de supporter le soleil écrasant. J'ai l'impression de cuire. J'ai d'ailleurs vu un oisillon mort sur le bord du trottoir, on aurait dit qu'il était passé au four et prêt à consommer. Il y a un peu d'ombre parfois mais elle est dure à trouver, il faut juste espérer que des nuages passent. Il y a tout un parcours sur le chemin colonial, intitulé "River of Life" puisque tout ce beau monde s'est organisé autour de la confluence. La visite se termine par un monument avec un mur d'eau où on peut prendre des photos, "Countdown Clock" mais je ne vois pas trop le rapport. Je m'approche du mur d'eau pour sentir sa revigorante fraîcheur. Et puis, je pars vers la mosquée pour la visiter. Ce qui est étonnant avec ce quartier, c'est que les bâtiments sont entourés de hauts buildings, sans pour autant être écrasés, comme dans une bulle hors du temps.

Après une petite pause à l'hostel pour retrouver un peu de fraîcheur, je prends le métro, ligne Kelana Jaya, pour aller voir Kampung Baru, "un quartier typiquement malaisien" selon les guides. C'est la formule la plus élégante que j'aie jamais entendue pour désigner un bidonville. Bon ok, j'exagère, ce n'est pas VRAIMENT un bidonville, mais c'est encore un énorme contraste avec le quartier tout autour, et ils sont plus pauvres, on ne va pas se mentir. D'ailleurs ils sont séparés des Petronas Towers par une autoroute infranchissable. On ne me la fait pas à moi, c'est fait exprès. Mais le quartier est cependant agréable, et calme. Les maisons sont faites de bois, de tôle ... et quelques rues plus loin, le béton reprend ses droits. Là encore, c'est une bulle, pleine d'odeurs de nourriture, de feu de bois, d'ordures aussi ... le confin du quartier a dû s'étendre sous un pont bruyant. Il m'a fallu traverser une bonne partie de Kampung Baru pour arriver sur un pont, au dessus de la rivière boueuse qui sépare ces s*lauds de pauvres de ces s*lauds de riches. Nous avons encore changé de planète, à seulement 100 mètres d'intervalle. Ici, c'est le luxe, les grands buildings qui au moins fournissent de l'ombre. La marche est longue, mais j'arrive enfin aux Petronas Towers et leurs 452 mètres de haut, ce qui en fait les plus hautes tours jumelles du monde (encore debout). Elles sont très imposantes, écrasantes quand on est en dessous. Je pense au Burj Khalifa à Dubai qui fait deux fois leur taille, ça doit être un mastodonte. Au pied des tours, il y a un centre commercial rempli de boutiques de luxe, et un autre un peu plus abordable en face. Après des emplettes pratiques, et un dîner léger, j'attends que le soleil se couche mais je ne m'éternise pas non plus, j'ai besoin de reposer mes jambes fatiguées après toute cette marche de la journée. Direction la terrasse de l'hostel pour une petite soirée, où je me fais des copains en jouant au waterpong (comme le beerpong mais avec des verres d'eau).

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Jour 2: "T'as fait quoi aujourd'hui?" "J'ai monté des escaliers"

Réveil difficile après la soirée d'hier, mais je n'ai pas un programme trop chargé. En revanche, petit moment de stress quand je m'aperçois que je ne peux pas retirer. J'avais signalé des soucis avec un distributeur à ma banque, il est possible que ma carte ait été bloquée sans mon accord ... Heureusement j'ai un plan B, des euros à changer. Je me dirige vers l'agence avec laquelle j'ai pris le transfert au Taman Negara, ils proposent aussi un tour pour les lucioles à Kuala Selangor. C'était trop compliqué d'y aller seule, les bus de retour s'arrêtaient avant la nuit, comme par hasard. On va donc faire la touriste. Et au moment de payer, je tente la carte ... et ça passe. Ouf, ils ont dû avoir mon mail à temps. Changer les euros "en cas d'urgence" était donc inutile. J'ai mon autre carte bancaire mais avec Monabanq, je ne paye pas de commission chez eux pendant 25 retraits et 50 payements par an. Autant dire que je compte dessus.

C'est donc un peu tardivement que je me dirige vers les Batu Caves. Je dois prendre le Komuter, qui est comme le RER mais en période de grève : toutes les heures, demi-heures, heures et demie aléatoirement. Mais j'ai de la chance car sans avoir vu les horaires, j'arrive 5 minutes avant le départ. Il se traîne, par contre, mais cela me laisse le temps d'observer les gens. Beaucoup de femmes sont voilées, d'autres sont hindoues, avec des bindis sur le front. Ça parle bahasa, le dialecte malais/indonésien, mais aussi beaucoup anglais, et même un peu français. C'est en tout cas un fort beau mélange harmonieux.

Nous voici arrivés aux grottes. Le prochain train repart à 18h05, celui d'après 20h42, ça me laisse une bonne heure de visite en comptant le temps de revenir. Les Batu Caves sont donc un grand sanctuaire hindou, le plus grand hors de l'Inde. Il est consacré à Murugan, dont on peut voir la statue dorée de 43 mètres de haut. Et puis, il faut monter l'escalier ... très raide et très haut. Les macaques nous accompagnent dans notre ascension. Arrivée en haut, la grotte est belle, mais le temple est en rénovation, ce qui fait perdre de son charme au lieu. Il y a aussi une autre grotte, la "Dark cave", que Joe l'Anglais que j'ai rencontré hier m'avait conseillée. Mais malheureusement j'arrive trop tard pour la visite. Bon, c'était surtout pour voir des insectes donc tant pis. En revanche, prise par le temps, je n'ai pas pu visiter d'autres grottes avec d'autres peintures. Tant pis, c'est la vie. Mais rien n'était indiqué ... certains endroits étaient payants et je pensais me faire arnaquer. De toute manière, ne pas rater le train est plus important. Je prends au passage un zalabia pour grignoter, et de la mangue, sur laquelle viennent loucher de gros singes! Ils sont comme ceux de Lopburi.

J'attrape le Komuter à temps pour retourner à KL Sentral, avec un sacré choc thermique, il ferait presque froid dans le wagon. Le trajet retour semble plus rapide. Maintenant, je veux me rendre au Thean Hou Temple, qui est le plus grand temple chinois de Malaisie. Mais pour cela, je dois marcher près de 50 minutes pour y arriver. Heureusement, il est 19h, ce qui rend la marche plus agréable. C'est l'occasion de passer par Brickfields, quartier où se trouve la rue surnommée Little India. C'est haut en couleurs, aussi bien les tissus que la street-food. Je dois ensuite marcher aubord de la route pour atteindre l'autre côté de la rivière, mais cela se passe bien. Le temple est situé sur une colline, et la pente est ... Pentue. Ah ben sur Google Earth, ça faisait pas du tout le même effet! C'est un peu dur mais je parviens à la gravir, et j'arrive enfin au temple lorsque la nuit tombe. Il est dédié à Mazu, la déesse de l'eau. C'est un temple sincrétique car il mêle bouddhisme, taoisme et confucianisme. Il est paisible et offre une belle vue sur la skyline de KL Sentral. Il faut encore monter des escaliers pour atteindre sa cour principale, où sont suspendues des centaines de lanternes. Vont-elles s'allumer? Et bien non ... Seulement pour le Nouvel An Chinois me dit-on, quel dommage.

J'y reste trois bons quarts d'heure pour me reposer, et je repars ensuite car il est déjà 20h et je suis loin. J'emprunte une autre route, parce je ne sais pas où prendre le bus. Il y a des ponts pour rejoindre l'autre côté, c'est pratique mais ça fait encore plus d'escaliers à monter. Sur le chemin, je décide de me poser au centre commercial pour dîner ... Mais mon choix se porte sur une petite rue avec plein de petits restaurants qui ne payent pas de mine. J'y mange un Nasi Goreng Cina, c'est à dire un riz frit avec du poulet, l'un des plats nationaux. C'est très bon, ça ressemble à ce que je mangeais en Thaïlande, en moins piquant. J'évite le bouillon qu'ils me servent avec malgré un goût délicieux, c'est ce qui perturbe le plus les intestins! Je reprends la route pour plus qu'une dizaine de minutes, le temps de traverser le centre commercial et de trouver la station de LRT. Bonne surprise, je peux à nouveau retirer de l'argent! Je fais le plein, cette fois-ci. J'arrive à l'hostel peu après 21h, le temps de me poser un peu, puis je monte au rooftop vers 22h pour le match France-Uruguay et pour retrouver les copains. Et on gaaaaaagne! Bon ce ne sera pas mon cas au waterpong. Mais je sais pourquoi je suis plus nulle, c'est parce que ce n'est pas de la bière dans les verres! Ils me proposent d'aller en boîte, mais je refuse. Ce n'est plus trop mon truc ...

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Jour 3: La journée bestioles ailées.

Bande son 2 

J'avais prévu de me lever un peu plus tôt pour profiter du Bird Park, mais je m'accorde un peu plus de temps car j'ai de sacrées courbatures. J'hésite : J'y vais? J'y vais pas? Bon, peut être que je ne peux que faire la serre à papillons qu'on m'a recommandée. C'est parti pour 40 minutes de marche dans la chaleur, pour changer. Enfin pas tout à fait, j'ai oublié un truc. Puis je veux m'acheter une carte sim et il me faut mon passeport que j'ai laissé à l'hostel. Rebelote. Ils doivent penser que je fais n'importe quoi. C'est ENFIN parti. Sur Katsuri Walk, j'achète du "steamed bamboo", une pâte de tapioca à la noix de coco cuite dans un bambou. C'est sucré mais ça va me permettre de tenir le coup. Je passe proche de la mosquée nationale, et en grimpant un peu, j'arrive vers la serre à papillons. À l'intérieur, un beau jardin avec des papillons qui virevoltent partout. Wahou. J'essaye de prendre des photos du mieux que je peux, mais je ne suis pas encore assez douée pour ça, ni même mon objectif. Il y a beaucoup de papillons noirs avec des couleurs sur les ailes, ce sont ceux qu'on voit le plus, et d'autres plus rares comme un papillon "dalmatien". En fait c'est un peu comme les Pokémons.

 Il y a toujours des papillons sur ces photos, même quand on dirait que non!

Finalement je ne vais rester que 20 minutes et il me reste le temps pour le Bird Park qui est un peu plus haut, en marchant vite c'est faisable. Sur le chemin, j'entends un bruit dans les buissons. Qu'est ce que c'est comme bestiole? C'est un lézard long et gros comme mon bras, je laisse échapper un "wow" de surprise. Je continue ma route, et j'arrive enfin à mon but. Je n'aurai pas trop le temps mais j'ai le pressentiment que ce sera mieux que rien. En effet, c'est le plus grand parc avec des oiseaux en liberté du monde, apparemment. Et à l'entrée c'est rigolo, il y a plein d'oiseaux qui se promènent parmi les gens sans sembler trop perturbés, ça me fait penser à certains dessins animés de Disney. Des échassiers, des gallinacées, et d'autres mais je ne connais que ces classes là. Certains oiseaux sont dans des volières, comme les toucans, les aigles et les autruches. Comme ils ne peuvent pas vraiment quitter le parc, j'en déduis qu'ils doivent être dangereux pour les autres oiseaux. Le plus intéressant, c'est de voir les ibis. Je ne me souviens pas en avoir déjà vu, là il y en a des noirs et blancs et même un écarlate, rouge fluo. Ils bruissent un peu leurs ailes quand on passe.

Il y a des flamants, mais c'est du déjà vu. Les perroquets sont beaux, aussi. Et malgré la rapidité de ce tour, une demi-heure, je suis contente de ne pas l'avoir raté. Ils nourrissent aussi les oiseaux à certaines heures, et font des spectacles, mais ça ne m'intéresse pas de toute manière. Allez, c'est l'heure de repartir. Je ne sais pas comment mon corps tient avec cette chaleur, tout cet exercice et peu de nourriture, mais il tient. Le bamboo est utile pour ne pas faire de malaise peut être ...

En plus, j'arrive juste un peu en avance avant le départ de mon tour, et comme prévu j'ai le temps de remanger au petit café indien. Nous ne sommes que deux pour la visite, je suis avec Nour, qui est belge francophone et qui habite à Liverpool. Elle travaille pour American Airways et elle est ici pour le travail, pendant deux semaines. Elle me montre aussi la piscine à débordement de son hôtel qui a vue sur les grattes-ciel. Oui mais c'est en banlieue, elle est loin de notre point de départ. Chacune ses inconvénients! Notre guide, Rubish, nous arrête à un temple hindou magnifique sur la route. Il s'agit du Sri Shakti Dhevastiamman qui est consacré à la déesse de l'argent. Donc beaucoup de monde vient y prier même s'il est au bord de la route au milieu de nulle part. Pas le droit de faire des photos à l'intérieur. Quel dommage car il est vraiment mystique. Juste à côté il y a une mosquée, puis une église. Ce village a été construit pour les extracteurs d'huile de palme. Nous arrivons ensuite à Kuala Selangor, et plus précisément Bukit Melawati. Cette colline a été le lieu d'une bataille pour l'indépendance de la Malaisie, donc contre les Britanniques. Maintenant, elle est envahie par les singes, des macaques et des singes à queue dorée, qui tirent leur nom du fait que les bébés sont roux, puis après deviennent gris. Ils sont plus beaux que les macaques, et nous montent dessus quand on leur donne à manger. Nour n'est pas très à l'aise, moi c'est la seconde fois. Ils sont plus lourds et encore plus chauds que les macaques, et ont l'air moins sujets aux maladies des parties génitales comme les autres. Le plus drôle, c'est de leur tendre une cacahuète et de les regarder la prendre de la main à la main.

Nous repartons pour dîner assez tôt avant d'aller voir les lucioles. Le restaurant est au bord de la rivière. Nous avons des crevettes, du poulet au citron aigre-doux et du crabe piquant. Pas décortiqué. Ils nous amènent un marteau. C'est bon mais c'est tellement fastidieux qu'on laisse tomber et on ne mange pas tout. Puis il est temps d'aller voir les lucioles en bateau. Nous remontons la rivière Selangor, en faisant la course avec les autres bateaux alors que le soleil se couche. La nuit tombe très vite sur la mangrove, et tout à coup, une petite étincelle, puis plusieurs. Plein de petites lumières! Elles ne prennent pas tous les arbres et il faut s'en approcher près pour les voir, mais il y en a pas mal. Parfois il y en a plus, parfois il y en a moins. Mais c'est la plus grande colonie du monde, je crois. On dirait une guirlande de Noël. Bien sûr, impossible de prendre une photo ni même une vidéo. C'est très court mais c'est plutôt rigolo. Nour en a une qui s'est mise sur son pantalon! En l'éclairant, on voit qu'elle ressemble à tout insecte moche qu'on écraserait en plein jour. Donc, assez rapide mais je suis contente de l'avoir fait. D'autres gens partent un peu plus tard, peut être en verront-ils plus? Nous ne le saurons jamais. Mais nous, nous avons vu les couleurs du ciel ...

8
juil

Trop peu de sommeil, ayant pris l'habitude de me coucher à 3h du matin, ce qui en plus correspondait mieux à mon rythme européen. Donc à 7h du matin, c'est dur. Je suis un peu triste de quitter mon hostel, son confort et son ambiance, mais la plupart des gens que j'ai rencontrés s'en vont aussi, de toute manière. Je garde une bonne impression de Kuala Lumpur, une ville assez branchée, même si Bangkok reste ma ville préférée. Je dirais qu'il y a plus de choses à voir à Bangkok, un peu moins de culturel à KL. Et je ne pensais pas dire ça un jour mais ... Les tuk-tuks m'ont manqué. Cela m'aurait évité beaucoup de fatigue due à la marche sur plusieurs kilomètres dans la chaleur. Je ne sais pas s'il y en aura en Indonésie.

Aujourd'hui, je me rends dans la jungle. Au Taman Negara, plus précisément, dont le nom veut simplement dire "parc national". C'est la plus vieille jungle du monde, elle a 130 millions d'années, elle est encore plus vieille que l'Amazonie. C'est là qu'il va faire très chaud et qu'il va y avoir des serpents! J'arrive encore au comptoir de Han Travel pour le transfert jusqu'à Kuala Tahan, la ville du parc. Et Rubish est encore là pour assurer la route! Du coup je monte avec lui, j'ai relativement de la chance car c'est le dernier van et donc il est moins bondé que les premiers. Je peux m'allonger sur la banquette arrière et fermer un peu les yeux. Enfin, disons que je suis relativement chanceuse, car Rubish conduit encore plus vite qu'hier. Il doit être pressé de s'arrêter fumer vu que c'est une vraie cheminée. Je ferme les yeux pendant une bonne partie du trajet mais je suis très secouée ensuite car la route est mauvaise, en plus de cela. Rubish me dit "pourtant j'ai essayé d'aller doucement'". Haha. Nous traversons de petites montagnes, avec des plantations qui ressemblent aux Cameron Highlands où j'irai dans une semaine, en plus petit. Nous arrivons tôt, 11h30, et nous devons attendre 2h avant de prendre le bateau. Le temps de manger, d'aller acheter le permis pour entrer dans le parc et apporter appareil photo et portable (5 ringgits chacun, ce qui n'est pas énorme en soi, 1€= 5MYR). C'est juste un peu ennuyeux, ça fait un papier en plus. Il y a déjà plein de gros insectes ici. L'attente est longue ... Mais on nous appelle à l'heure. Tout le monde monte sur le bateau, avec les bagages en équilibre à la proue. Ils sont bien calés, ils ne devraient pas tomber! Le trajet dure trois heures, il est un peu long, et il me rappelle mon trip au Laos sur la rivière Nam Ou. Là, nous remontons la rivière Tembelling. Sur le chemin, nous voyons des buffles d'eau qui se sont mis bien au frais. Ce qui m'embête le plus, c'est le soleil qui arrive sur mon visage. Enfin, nous atteignons la jetée de Kuala Tahan!

Je me rends à mon hostel, le Wild Lodge, qui est très social car c'est facile de parler à des gens. Je rencontre ainsi Eugénie qui est de Paris, Josh de Seattle et Alexandra qui est danoise. Nous décidons de réserver une petite excursion en bateau pour aller se baigner et voir des poissons, et c'est cool mais ça va bouleverser tout mon programme. Tant pis, je me suis engagée et j'ai envie d'être avec des gens sympas. Je réserve aussi deux autres excursions.

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Jour 1

Donc le lendemain, départ à 9h30 pour le Canopy Walk, après du sommeil rattrapé. J'ai pris un groupe car je voulais être avec des gens. En fait je me retrouve avec des familles mais c'est sympathique de faire leur connaissance! Nos deux petites benjamines, Jade et Anna, ont 5 et 4 ans et elles ont sacrément la pêche pour monter tous les escaliers qui nous attendent. Notre guide nous montre des plantes médicinales utilisées par les Orang Asli, les aborigènes de la région. Du "genger" utilisé pour la fièvre, du "Devil"s" quelque chose pour soigner les coliques du nourrisson et les douleurs de l'accouchement - il faut un nombre impair de feuilles pour que ce soit bon, la plante sur laquelle on cueille les Strepsils - c'est presque ça, non seulement elle a les mêmes effets, mais elle a aussi la même couleur!, mais aussi les grands arbres creux pour communiquer, et les lianes de rotin qui peuvent atteindre jusqu'à 100 mètres de longueur et qui peuvent s'enrouler autour de l'arbre et l'étouffer, ce qui en fait un parasite. Ça c'est la partie sympa car ensuite nous grimpons jusqu'au point de vue de Bukit Teresek , en passant par des escaliers mais aussi un sentier qui me fera perdre toute l'eau de mes cellules et me transformer en flaque vivante. Puis nous redescendons vers le Canopy Walk, qui consiste en des ponts suspendus entre les arbres sur 350 mètres de long. Il y a du monde au moment où nous le faisons, mais comme ça bouge, c'est en fait assez rigolo. J'aurais bien pu faire tout cela seule mais l'ambiance aurait été différente, sinon une maman ne m'aurait pas parlé de son fils qui était peut être précoce (et probablement avec un trouble de l'attention, haha) quand elle a su mon métier. J'ai essayé d'y échapper mais je n'ai pas pu. Mais c'est toujours bien de pouvoir rassurer des parents et montrer qu'on les comprend.

Nous revenons à Kuala Tahan, et je repars de mon côté pour manger avec les copines avant notre excursion (dernière photo). Cette fois-ci je choisis un boeuf curry parfaitement épicé à mon goût. Puis il est l'heure! Nous embarquons tous les quatre dans la petite pirogue à moteur, et nous remontons une autre rivière car Kuala Tahan est aussi située sur une confluence. C'est moins fréquenté, et nous nous enfonçons davantage dans la jungle. Nous pouvons encore voir les gros lézards, mais aussi certains oiseaux multicolores. Les deux guides sont très attentifs et se débrouillent très bien contre les aléas du courant, passant parfois à des endroits avec très peu de fond sans pour autant coincer le bateau. Nous nous arrêtons pour voir un arbre immense, qui a 5 000 ans. Cela fait remettre beaucoup de choses en perspective quand on pense qu'il est là depuis la préhistoire et qu'il pourrait avoir assisté à toute notre évolution historique. Nous repartons, pour cette fois-ci nous arrêter nourrir les poissons qu'ils nomment kelah et qui apparemment sont chers si on veut les manger. Ici non, c'est un "sanctuaire". Ces poissons sont énormes, probablement à force d'être nourris tous les jours, mais il faut dire qu'il y en a beaucoup tout de même. Ensuite, nous prenons le chemin du Lata Berkoh, où l'on peut se baigner. Sauf que j'avais compris que c'était une cascade et qu'ensuite on irait se baigner, et contrairement aux autres je prenais ma serviette à la main ... Et je l'ai laissée volontairement dans le bateau. C'est malin. Nous marchons 20 petites minutes dans la jungle en suivant la rivière pour arriver à cet endroit, où il n'y a pas vraiment de cascade. Mais peu importe, nous filons dans l'eau, tant pis pour moi je sècherai. Elle est fraîche mais elle lave un peu de toute la sueur de la journée. Elle est teintée de brun, du fait de la chlorophylle des feuilles mortes et des feuilles rouges, comme en Amazonie. Une libellule noire se promène parmi nous, et se pose sur nos têtes. Nous restons une bonne heure, le temps d'être juste tous les quatre, mais les moustiques ont raison de nous. Il est donc temps de rentrer!

Mon organisation en est toute chamboulée. Je prévoyais d'aller à Kapas, mais c'est un peu compliqué de l'atteindre. J'avais tout prévu en ayant accès aux horaires des bus, mais c'était assez juste et long. Je ne veux pas stresser inutilement, et je ne sais même pas si je pourrai rencontrer des gens là bas vu que c'est moins touristique. Malgré la beauté des lieux, j'ai peur de m'y ennuyer. Je décide donc de rester une nuit supplémentaire ici, mais mon hostel est plein. Je dois donc réserver un chalet, juste une fois, en chambre triple donc plus cher, mais il y a la clim et je serai seule pour dormir, cela me fera probablement du bien. J'ai aussi le choix avec un autre hostel, une chambre moins chère mais en dortoir aussi.

Nous partons manger, mais durant notre repas, la pluie se met à tomber alors que je dois faire la marche de nuit ce soir pour voir les insectes et autres bestioles ... Le petit souci est aussi que je me suis irritée entre les cuisses, avec la transpiration et le frottement, ce qui va rendre la marche très désagréable. Finalement, la pluie se calme vers 21h et le groupe part quand même, mais je choisis de le faire le lendemain. J'espère ne pas m'être trompée. Avec ce temps, je pense aux gens qui sont partis pour deux jours et une nuit dans la jungle ... Quelle galère!

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Jour 2

Le lendemain, je me réveille tard, et tout le monde est déjà parti. Je reste seule dans l'hostel et je booke mon activité pour l'après-midi. C'est bien comme ça, je peux me poser un peu. Finalement, je vais annuler le chalet: ce n'est pas cher, autant laisser trois personnes en profiter. Et puis à midi, personne n'est encore arrivé donc il va y avoir de la place. Je vais d'abord où on m'a conseillé, le Liana Hostel. Je paye, j'ai les clés, je rentre dans le dortoir, et là je vois les matelas. Effarée. Ils sont tous plein de tâches noires, de l'humidité avec probablement des traces de punaises. Elles laissent ça quand elles digèrent le sang de leurs victimes. J'ai plein de piqûres d'araignées, moustiques ou abeilles, mais ça pas question. Je me casse, vais trouver un autre hostel bien plus propre, puis revient au Liana pour dire que non, ça va pas être possible. Il est assez gentil pour me rembourser sans même que j'aie à lui demander. En plus dans celui que j'ai pris, il y a une bonne wifi et de la clim, super.

Après des bonnes bihun (les pâtes de riz) et du poulpe, c'est l'heure d'aller faire les rapides. En fait je paye plus cher pour le tour mais nous ne sommes toujours que quatre ou six et c'est appréciable. Nous partons pour les rapides. Ce ne sont pas vraiment des rapides, ce sont surtout de gros remous qui nous mouillent de la tête aux pieds. J'ai préféré me mettre en maillot! Nous arrivons ensuite au village des Orang Asli.

Le mot Orang Asli veut dire "les hommes aborigènes", cette tribu en particulier est appelée batehnegritos car ils sont venus d'Afrique du Sud il y a 25 000 ans (je ne suis pas trop sûre mais ça fait très longtemps quoi). Les Orang Asli sont divisés en 18 tribus étalées sur 4 états malais, et on distingue les protomalais (métis malais), les cenoy (métis chinois) et les negritos. Le village est dirigé par un chef. Ils reçoivent plus d'aides du gouvernement depuis un an, probablement car l'endroit est devenu très touristique. Ils ont accès à l'eau potable, et aux toilettes qu'ils n'utilisent pas, préférant aller dans la jungle, ce qui paraît normal. Ces toilettes sont plutôt là pour les touristes, et pour faire style que ce soit assez propre pour les recevoir. Les enfants sont obligatoirement scolarisés à Kuala Tahan depuis peu, ce qui leur fait un peu bizarre car ils sont timides envers les touristes et les Malais. Pour pouvoir se marier, un homme doit savoir chasser et construire une maison. Une femme doit savoir cuisiner et guérir le poison. Ils se marient après que la femme soit tombée enceinte, et ils sont monogames. Les enfants prennent des noms d'arbres, d'endroits, ou maintenant ... de marques de bateaux. Cependant, ils ne se marient qu'entre cousins de leur tribu, ils deviennent donc consanguins et ont des maladies génétiques. Ils meurent jeunes de la tuberculose mais aussi car ils fument beaucoup, pour se protéger des moustiques et des esprits. Avant ils prenaient le tabac dans la nature, maintenant ils achètent des indus. Quand un enfant meurt, il est enterré. Quand un adulte meurt, il est mis dans les arbres. Si le crâne tombe, il est maudit. Ils sont en hauteur pour que les esprits laissent les vivants tranquilles. Quand un membre meurt, la famille doit quitter le village pour aller dans un autre de la même tribu. Avant c'était tout le clan qui bougeait, mais ils ont dû avoir envie de devenir sédentaires. Ils quittent aussi le village quand ils ne peuvent plus chasser, quand il y a des glissements de terrain ou des attaques d'animaux. Sinon comme infos supplémentaires, il y a 350 tigres et 700 éléphants au Taman Negara.

Les Malais et eux nous appellent orang puti, ou mah saleh. Et pour finir, pour dire bonjour on leur dit Aluh kaba, et Oyla pour merci. Déjà que j'ai du mal à retenir le telimak aceh en bahasa!

Le guide nous montre ensuite une sarbacane, et des fléchettes empoisonnées au suc de l'arbre Ipoh. J'essaye de tirer à la sarbacane, j'y arrive une fois et j'échoue les deux autres fois, merci insuffisance respiratoire. Nous essayons aussi de faire du feu, j'arrive à faire un peu de fumée.

Le guide nous donne ensuite des snacks pour les enfants. Cela fait alors un peu fausse bienveillance du touriste, surtout que tous les autres groupes ont les mêmes. Ils vont finir par devenir obèses, à ce rythme. J'aurais préféré que nous leur amenions des choses utiles, peut être aurais-je dû penser à des médicaments ou autre. Cela doit être bizarre pour eux au départ de voir débarquer tant de touristes chez eux, surtout qu'au final nous n'avons que peu de contacts avec eux, ils nous font juste une démonstration du feu. Je m'en doutais mais je voulais apprendre des choses sur leur culture. C'est toujours dur d'être éthique dans ces cas là.

Nous repassons à nouveau par les remous, en faisant la course avec un autre bateau que nous arrosons copieusement, bien plus qu'il ne nous arrose! Puis je rentre pour me préparer pour la marche de nuit dans la forêt.

Nous partons à 20h30 avec le même guide, mais les chemins sont bondés. Nous voyons surtout beaucoup d'insectes, notamment d'énormes araignées, des phasmes, des mille-pattes, de gros criquets, et puis des scorpions. Le guide prend une lampe UV pour les faire briller en vert, car ils adaptent leur couleur en fonction. Nous pouvons voir aussi un petit cochon blanc, mais pas d'autres mammifères. En tout cas ce que je retiens de cette balade, c'est que quand tu te promènes comme ça dans la jungle tu peux finir paralysé, aveugle, ou mort, et c'est très rassurant tout ça! Surtout que nous avons fait l'expérience du noir total et on ne voit pas du tout où on est ni où on va.

Et voilà ... le départ est demain! J'adore la jungle même si on peut mourir et je me fais piquer de partout et que j'ai un énorme rond rouge un peu dur sur le mollet car j'ai encore dû faire une allergie. La prochaine fois, ce sera à Bornéo! En attendant, on va changer un peu de paysage même si je crois que la jungle ne sera pas bien loin non plus.

12
juil
Bande son 

Dix heures de trajet.

C'est le temps qu'il nous a fallu depuis le Taman Negara jusqu'aux îles Perhentians. Avec un chauffeur vraiment pas très dégourdi. Nous quittons la jungle un petit peu en retard, car il s'agit d'un service de pick-up. Au bout de quelques minutes, le paysage redevient plutôt monotone: des plantations de palmiers, et encore des palmiers.

Nous arrivons à Jerantut vers 10h, et là, surprise, nous ne prenons pas le chemin prévu. Celà est dû au fait que quatre personnes se rendent à Kuala Terengganu. Il y a deux routes pour se rendre à Kuala Besut où nous allons prendre le bateau, soit par l'ouest du Taman Negara, soit par l'est. Nous devions prendre à l'ouest et nous nous dirigeons donc vers l'est. C'est en fait la route que j'avais prévue de prendre pour aller à Pulau Kapas. Nous passons donc proches de Kuantan, puis une heure de route plus tard, le chauffeur nous demande si nous voulons déjeuner. Pas de refus! Mais sur l'aire où nous voulons nous arrêter, il semble y avoir une fête familiale, ou un anniversaire, voire un mariage ... Quel drôle d'endroit. Nous sortons de l'autoroute pour nous rendre à Dungun, où le chauffeur avait compris que des personnes descendaient, alors que ce n'était pas du tout le cas. Pour ne pas être venus pour rien, il nous arrête au MacDo. Je prends un burger "Nasi Lemak Ayam" sans le nasi, qui veut dire "riz". Le goût est au départ ... Surprenant. Du poulet frit, un oeuf, et surtout une sauce au sorte de goût de poisson que je n'arrive pas à identifier. Nous continuons notre route vers Kuala Terengganu, dans l'état du même nom. L'ambiance y est différente de ce que j'aie pu voir jusqu'à maintenant: il y a trois fois plus de mosquées, et les bâtiments sont bien plus arabiques qu'ailleurs. Tous les panneaux sont d'ailleurs bilingues, en malais et en arabe. Une encore plus grande majorité des femmes porte le voile, les hommes le chapeau qui ressemble à un fez sans les pompons, et un tissu autour de la taille qui ressemble à une jupe (je suis un peu nulle sur le vocabulaire). On se croirait téléportés dans un pays du Moyen-Orient.

Il y a 13 États en Malaisie, qui fonctionnent différemment les uns des autres. Huit d'entre eux ont un sultan, un autre a un raja, cela fait neuf Etats Monarchiques. Les quatre derniers ont des gouverneurs du Commonwealth (Penang, Malacca et les deux de Bornéo) car ce sont des colonies historiques. Au dessus dans la hiérarchie, il y a aussi un autre sultan, qui est comme un roi élu pour 5 ans et qui représente l'exécutif. Il est élu par tous les autres dirigeants des États et doit appartenir à la famille royale d'un des neufs sultanats. C'est en fait une monarchie constitutionnelle vu qu'il y a un gouvernement aussi mené par un Premier Ministre. Donc, les lois et coutûmes peuvent varier d'un État à l'autre.

La circulation est un peu compliquée, et le chauffeur ne parvient pas à trouver son chemin. Il va demander presque à chaque coin de route. Il est 16 heures et nous commençons à perdre patience. Un Français donne son téléphone pour le GPS, et tout va mieux. Nous arrivons enfin à Kuala Besut Jetty vers 17h30.

Il nous reste maintenant à prendre le bateau, mais c'est un speed-boat privé qui est inclus dans le prix du transport, heureusement car nous avons raté les derniers ferrys. Un groupe parti en même temps que nous, et passé par la route de l'ouest, arrive en fait à ce moment là, car il y avait des bouchons. Comme quoi ... Au moins je n'aurai pas pris la même route - même le paysage se résumait encore à, devinez quoi, des palmiers à huile de palme, j'aurai vu Pulau Kapas depuis la route, comme j'avais vu Pulau Tioman depuis l'avion.

Ce speed-boat porte bien son nom, il file à toute allure pour fendre les flots. C'est vraiment grisant après ces 9 heures de route. En revanche, quand nous rions, quand nous crions, les conducteurs se mettent à rire. Et pas forcément de la manière la plus bienveillante qu'il soit. Ce n'est pas la première fois que cela arrive.

C'est bien joli tout ça, mais vous êtes là pour que je vous parle des îles, non? Bon, vous voyez les paysages de cartes postales? Et bien la réalité est toute autre. C'est encore mieux en vrai. Nous atteignons Pulau Perhentian Kecil par la plage de Coral Bay, qui fait face au coucher du soleil. Je ne peux m'empêcher de rester bouche bée devant ce paysage: de l'eau turquoise limpide, du sable blanc, des cocotiers, une lumière digne d'un film. Quelques personnes descendent là car c'est la partie "tranquille" de l'île. Nous, nous faisons le tour. Au nord, il y a un hôtel, où descend une autre fille. Il n'y a pas de jetée donc ils la laissent sur une plateforme au milieu de l'eau. En riant, mais elle, ça n'a pas l'air de la faire rire. J'espère qu'on va venir rapidement la chercher. Et nous, nous allons à Long Beach, là où il y a le plus d'ambiance.

Je dois traverser toute la plage avec le sac à dos car la jetée est de l'autre côté. J'ai réservé les seuls dortoirs réservables, au Seahorse Diver. Tous les hostels, chalets et bars sont en enfilade sur la plage. Je retire mes chaussures pour marcher dans l'eau ... Quel bonheur. J'arrive, je m'installe, il n'y a bien sûr pas de wifi, mais parfois un peu de 3g ou de 4g. Il n'y a du courant qu'entre 7 heures du soir et 7 heures du matin. Ce soir je suis très fatiguée, donc je ne vais pas trop veiller. Je sors sur la plage, fais du repérage, revient prendre une bière, puis je m'installe sur une natte devant des jongleurs de feu, en dégustant des brochettes de poulet satay (enfin, il était temps). On va se la couler douce ...

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 Jour 1

Réveil à 10 heures, avec une véritable vision paradisiaque en sortant dehors. Le temps est un peu nuageux au départ, mais le soleil brille à partir de 11 heures. Je file donc me baigner dans l'eau turquoise. Elle est chaude, tout comme la température, mais je contemple la scène ravie. Je me fais copine avec un Italien et une Danoise, Charlotte, avec qui je vais me baigner et déjeuner. Cette journée est vraiment consacrée à la détente: baignade, bain de soleil, repos à l'ombre, et ainsi de suite. J'achète un nouveau haut de maillot, le mien s'étant cassé, et des tongs pour ne pas me brûler la plante des pieds sur le sable blanc. Je prends, bien évidemment, un coup de soleil malgré la crème solaire, après avoir imité la tartine dans un toaster. L'après-midi sera plus sage: repos à l'ombre avec un livre, dans le hamac. Mon temps est aussi rythmé par les milk-shakes d'à côté pour le goûter et les petits creux. Vers 17h30, je décide d'aller de l'autre coté de l'île à Coral Bay car la lumière est plus orangée pour les photos. Dix petites minutes de marche. Ce côté là est plus chic, et semble moins festif que le nôtre. La plage est aussi plus réduite. Je rentre assez rapidement, pour aller me rebaigner à l'heure où le soleil est moins brûlant et les musulmans viennent prendre un bon bain de mer, tout habillés. Il n'y a pas grand chose à raconter sur cette journée, et c'est plutôt tant mieux. Le temps s'écoule vite et lentement à la fois, il est déjà l'heure de l'apéro et puis d'aller dîner. Je serai un peu plus active demain!

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Jour 2

Ma peau n'est pourtant pas si cramoisie, mais j'ai un véritable incendie sur les épaules malgré ce que j'ai pu mettre dessus pour l'éteindre. Peut-être me suis-je brûlée une sous-couche de l'épiderme? Ou bien cela fait juste longtemps que je n'avais pas eu de coup de soleil et je suis devenue douillette. J'ai par contre l'impression que la peau de mon visage souffre un peu, mais s'assainit. En même temps, c'est un endroit privilégié car j'y mets de l'écran total.

Aujourd'hui, Charlotte et moi allons faire du snorkeling (en surface avec masque et tuba) et voir plein de sites différents : on nous vend du rêve, j'espère que la réalité sera à la hauteur. Les îles Perhentians sont très réputées pour leurs spots de plongée, mais malheureusement j'ai une contre-indication à cause de l'insuffisance respiratoire - mon asthme seul était encore gérable au dessus de 10 mètres - donc je ne pourrai probablement jamais tenter cette expérience.

Nous partons avec une Néerlandaise et cinq garçons malaisiens. Notre premier stop se nomme Keke Beach. Je ne me souviens plus de la sensation du snorkeling bien que j'aie dû en faire étant petite, et c'est comme si je redécouvrais pour la première fois cette activité. La plage est bondée car nous allons tous aux mêmes spots.

Mais une fois la tête sous l'eau, le spectacle est magique: d'abord, de petits poissons zébrés, qui n'ont pas l'air effrayés le moins du monde. J'essaye de les toucher mais ils sont vifs, j'y parviens du bout des doigts. D'autres beaucoup plus fins, bleus électriques avec une ligne rose sur les flancs. De gros poissons noirs aux nageoires dentelées, d'autres arc-en-ciel à dominante verte, d'autres jaunes fluos, d'autres couleur crème, certains à moitié noirs et blancs ... Toutes les combinaisons semblent possibles, comme si ces poissons étaient le fruit de l'imagination d'un enfant. Et puis, il y a aussi tous les coraux. On en vient à oublier les autres autour de nous, et happée par le spectacle, je ne sais plus trop où je vais. Je n'ai pas pu prendre de photos sous l'eau car je n'ai pas de housse hermétique, mais Charlotte m'en enverra quelques unes.

Nous nous rendons ensuite à Fish Point, où la concentration de poissons est encore plus grande. En revanche, je ne comprends pas pourquoi on appelle les fonds marins "le monde du silence". C'est complètement faux, sous l'eau j'ai entendu presque autant de bruit qu'à l'extérieur. Ce sont les bruits des coraux, à mi-chemin entre un son cristallin et le grincement d'une craie sur un tableau noir. Je peux même entendre les poissons manger les plantes, les arrachant d'un "scrontch". Je finis même parvoir de petits poissons clowns qui jouent à cache-cache dans les rochers. Puis nous remontons sur le bateau pour nous rendre à Shark Point. J'ai cru qu'il n'y avait que peu de requins, que c'était juste un nom pour attirer les touristes et qu'il était rare d'en voir. Ainsi, quand j'ai vu une grande forme trouble, je n'ai pas vraiment fait attention, surtout que je commençais à ne pas me sentir très bien. J'ai donc répondu ironiquement quand le gars m'a demandé si j'avais vu un requin, "oui bien sûr". Mais les filles en avaient vraiment vu, Charlotte l'a pris en photo, et c'est là que je me suis rendue compte que j'en avais aussi vu un de loin. Bon. J'aurais dû mieux payer attention. Je suis un peu plus focalisée sur le mal de mer qui monte, car même à la surface de l'eau mon corps est balloté par les vagues et ça ne fait ni du bien à l'estomac, ni à l'oreille interne. Pourtant, j'avais déjeuné mais peut être trop léger. Heureusement, c'est l'heure du repas et de la terre ferme. Nous nous rendons dans le village de pêcheurs au sud de notre île, et même en descendant du bateau, j'ai la sensation que tout est encore en train de tanguer. Je ne commande même pas de poisson à midi, mais apparemment il était bon. D'ailleurs un chaton vient nous quémander un petit bout de notre repas. Cela me radoucit le coeur, et l'impression d'être toujours dans les vagues s'estompe, au moment où il faut remonter sur le bateau. Mais le ventre plein, ça va mieux. Nous nous rendons maintenant à Turtle Bay, où il n'y a plus de coraux, et il y a effectivement de grosses tortues. C'est facile de les repérer, tous les gens sont au-dessus et les poursuivent tels des paparazzi. J'ai fait pareil sans photo. La tortue reste au fond, puis à un moment donné, remonte vers la surface. Je n'ai pas voulu la toucher mais je n'étais qu'à quelques centimètres. Et elle sort sa toute petite tête hors de l'eau pour respirer, et replonge. Sympathique expérience. Notre dernier spot s'appelle Turtle Point mais ici, je ne vois pas de tortues, ni beaucoup de poissons, et je suis fatiguée. La plage est très belle, il n'y a pas de cabane, pas d'ordures. Sur Keke Beach, l'odeur était insupportable. En réalité ce n'est pas qu'ils jettent leurs restes partout, c'est qu'ici sur les îles il n'y a pas de décharge, donc il faut attendre que les éboueurs des mers viennent les collecter.

C'était une fort belle journée malgré mes mises à l'épreuve. En revanche, je rentre avec un coup de soleil carabiné, derrière les jambes, malgré la crème solaire. J'ai heureusement mis un tee shirt pour les épaules qui avaient déjà pris. Je ne regrette rien.

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Jour 3

Finalement, si je regrette un peu de ne pas avoir mis encore PLUS de crème solaire. Mes jambes se sont transformées en brasier, et j'ai l'impression que mes mollets vont exploser dès que le sang circule dans mes veines quand je me lève. Je ne vais pas pouvoir faire grand chose aujourd'hui, je pense, et surtout pas d'exposition au soleil. Ce sera donc une journée tranquille à admirer la plage, en miroir de la première car rythmée par les milk-shakes aux différents parfums, les plongeurs qui s'équipent, les blablas, et les chapitres de Lontano de Grangé. Dans notre dortoir a débarqué une famille malaisienne, ils se permettent de manger sur les lits et, bizarrement, ils ont le privilège d'avoir du courant en pleine après-midi. Ils ont aussi le droit de dormir à plusieurs par lits. Ok. Pour l'instant ils font tous la sieste, ils doivent bien être une quinzaine. On m'a dit qu'apparemment, les lois musulmanes étaient plus souples sur les Perhentians. Allah n'a pas les yeux partout ...

Michael prépare les équipements, Nadia s'occupe des clients, Petra explique le déroulement des plongées, et ainsi de suite. La journée passe lentement et rapidement à la fois. Pour le midi, j'ai testé les mee mamak, des nouilles cuites dans la sauce soja. Ce soir, je teste enfin un poisson au barbecue, le Blue Marlin. Cela prend du temps car c'est le week-end et il y a du monde. Mais l'attente n'est pas sans raison: le goût est délicieux, la chair parfaitement saisie dans la papillotte. C'est énorme, un poisson entier, je me régale mais je ne peux pas finir. Je rentre pour bavarder avec quelques personnes, puis rentre dans mon dortoir étouffant dont les plombs sautent régulièrement ce soir, coupant les ventilateurs, rapport sûrement à la surconsommation de cet après-midi. Dans ma moustiquaire, j'ai l'impression d'être le poisson que je viens de manger, en train de cuire au barbecue dans ma papillotte. Je ne rêve que de fraîcheur, de climatisation, et au final heureusement que je quitte les îles demain, pour un paysage bien différent: les montagnes.

16
juil

Le continent!

Pulau Perhentian Kecil a beau être paradisiaque, elle ne me réconcilie pas avec le bateau, obligatoire. Je suis contente de ne plus avoir à l'emprunter pour l'instant. À l'arrivée à la jetée, des chauffeurs de taxis proposent leurs services. D'humeur un peu espiègle, je leur demande, d'une longue phrase en anglais, où je peux prendre le bus pour les Cameron Highlands. Incompréhension, je recommence, imperturbable. Finalement quelqu'un d'autre prend le relais pour m'expliquer, ce qui n'est pas bien compliqué. Le bus part à 10 heures et je rencontre une Irlandaise vivant en Australie qui s'asseoit à côté de moi. Avez-vous remarqué comme, dans ce monde là, les nationalités prévalent largement sur les prénoms? Tous ces gens que j'ai rencontrés ne sauraient dire mon prénom, mais se souviendraient de la "French girl with piercings". Et moi de même.

Nous faisons route vers Gua Musang, une ville nouvelle plutôt laide, où toutes les maisons se ressemblent comme dans un film satirique - je pense à l'immersion d'Edward aux Mains d'Argent dans le lotissement de banlieue - et où nous sommes arrêtés pour manger, enfin, nous descendons tous du bus et après on nous explique le programme. Une partie du bus part vers le Taman Negara, et l'autre vers les Cameron Highlands. La croisée des chemins. Les alentours de la ville, dans la province de Kelantan, sont plutôt jolis, avec ces gros blocs de calcaire qui surgissent du sol et qui sont couverts de végétation. Pour le reste, les traditionnelles plantations de palmiers à huile. J'ai d'ailleurs lu que la Malaisie en était le second producteur mondial, le premier étant l'Indonésie. Mais c'est alarmant car la Malaisie a bien moins de territoire. Je repense à Rubish et son enthousiasme à nous expliquer que l'huile de palme avait créé des emplois. La défiguration de la nature ne semble poser de problèmes à personne, du moment qu'on a l'argent pour se nourrir et se loger. Je me rappelle aussi avoir lu que le Kelantan produisait un bel artisanat. Je me demande s'il ne s'agit pas de choses en tronc de palmier. Le bus peine à monter la pente, et les kilomètres vers Tanah Rata défilent très lentement en ordre décroissant. On dirait une épreuve de bravoure, comme pour atteindre un sommet inaccessible. C'est cool quand c'est en bus.

Aux palmiers finissent par succéder, avec l'altitude, des champs de plastique destinés pour les fraises et autres fruits de la région. Des camions portent des troncs, vestiges de l'ancienne forêt. Le gouvernement malaisien chie sur l'environnement. Dans ces montagnes, de grands immeubles, certains un peu clinquants, d'autres voulant imiter des chalets alpins, qui détonnent avec le décor. Finalement, nous arrivons à Tanah Rata, et je file à mon hostel, le MapTraveLodge. Qu'il fait bon! Que les lits ont l'air confortables! Et que la wifi marche ...

Nous sommes le 15 juillet, et j'avais oublié la finale de la Coupe du Monde. Vers 23h15, le premier but, ce souvenir se rappelle à moi. Que faire? J'ai pris ma douche, je suis tranquille, mais je pense que je ne vais pas pouvoir dormir de sitôt. Je descends au bar en dessous de l'hostel pour voir le match avec d'autres français. Bien sûr, cela a fini en liesse! Je ne suis pas particulièrement footeuse mais quand même, c'était la finale, et la seconde victoire mondiale de la France. Je suis contente d'y avoir assisté, à cette échelle c'est parfait: pas de klaxons toute la nuit, pas de rabâchage des informations, en fait pas de too much. Juste une célébration à un niveau convenable: la Marseillaise, d'autres chansons, des supporters qui sautent et se prennent dans les bras, et voilà. Par contre j'admets que maintenant quand on va me demander d'où je viens, je vais répondre "World's Champions Country". J'aurais craint qu'en cas de défaite, on ne se moque de nous!

Quand je rentre me coucher, je repère soudain plein de boutons sur mes bras, très rapprochés, qui rougissent, à l'allure de cloques. Alerte, ALERTE. J'essaye de me remémorer si j'ai senti la sensation de brûlure caractéristique puisque j'ai la "chance" d'y faire une allergie, ce qui me permet de repérer le danger bien vite, je réfléchis à quel endroit j'aurais pu attraper des punaises, peut être ce siège sur lequel je me suis assise à Kuala Besut, je refais des recherches Internet, je mets mon sac et mes autres vêtements à l'abri. Bon, il s'agirait peut être plutôt des moustiques voraces des Cameron Highlands, et je n'ai pas mis assez de répulsif pour sortir faire la supporter. Que puis-je faire d'autre qu'attendre demain? Croisons les doigts.

• • •

Jour 1

C'étaient bien des moustiques. Ouf.

Une très bonne grasse matinée pour rattraper le manque de sommeil accumulé, et un bon milk-shake aux fraises locales pour commencer la journée. Je regarde la météo : il y aura peut-être un orage demain après-midi. Dans le doute, mieux vaut déjà avoir vu l'une des plantations de thé. Je choisis de me rendre à la Bharat Tea Plantation car les tours ne la visitent pas. Je suis obligée de prendre un taxi car elle se trouve à 5km, il s'est avéré que c'était en descente mais je ne pouvais pas le savoir. Par contre en arrivant, une constatation qui ne pouvait pas m'échapper: il y a des touristes qui louent des scooters. Intéressant. Me voici donc face à la plantation et ses différentes nuances de vert. Ce n'est pas un paysage que j'ai l'habitude de voir, et j'aime comme les buissons ondulent sur les collines escarpées. Cela m'évoque un mélange de vagues calmes et de labyrinthe d'Alice au Pays des Merveilles. Un petit chemin serpente à flanc de pente, et je suis quasiment seule pour le découvrir. Je veux dire, il n'y a pas de hordes de touristes, bien vu sur ce coup-là. Le ciel se couvre, je remonte pour goûter le thé noir de la plantation. Je ne sais pas si c'est qu'ils l'ont trop dilué, mais je trouve qu'il n'a pas beaucoup de caractère. Je vais tout de même acheter une boîte d'une autre variété pour mes collègues, en espérant que je pourrai toujours la faire rentrer dans mon sac au fil du voyage. Je regrette aussi de ne pas avoir assez faim pour goûter le cheesecake à la fraise qui dégouline de coulis. Notons que bizarrement, malgré mes efforts plus physiques que d'habitude, et des repas espacés sans grignoter tous les jours, je n'ai pas l'impression d'avoir perdu du poids. Merci l'huile et le beurre de palme?

Pour rentrer, j'ai de la chance. J'attends de croiser des gens pour leur proposer de partager le taxi. C'est ce que je fais avec un couple de libanais, ils sont d'accord mais refusent que je leur paye quoi que ce soit car ils ont ce taxi pour 5 heures. Chouette, quelle gentillesse! J'ai l'impression d'avoir fait de l'autostop sans risque. Après le repas, je me décide à partir en randonnée. Je ne choisis pas un parcours très compliqué. Ici, les chemins s'appellent des trails, et ils étaient utilisés par les militaires pour surveiller la frontière de l'État de Pahang contre les forces communistes dans les années 60. Les Malaisiens n'étaient déjà plus sous domination britannique. Je vais donc emprunter le n.5, le 6 puis le plus facile, le 4. Cela fait un parcours d'environ 5km depuis l'hostel. Pour commencer au 5, je dois traverser le campus agricole, appelé le MARDI. La piste se trouve relativement facilement, c'est à cet endroit une trace de sentier qui serpentent entre des zones agricoles: des fleurs et des piments. On s'enfonce vite dans la jungle. Je n'avais pas compris qu'il allait encore s'agir de jungle, mais ce n'est pas grave. La pente grimpe mais assez doucement, il me faut cependant être vigilante à ne pas prendre ma cheville dans les racines. Souvent, la montée se fait grâce à elles, où elles créent des escaliers naturels qui ensuite ont été empruntés de nombreuses fois. Je suis cette fois-ci contente d'être seule, en harmonie avec la nature. 1,5km plus loin, j'arrive à la croisée des trails. J'emprunte donc le 6, et je m'aperçois vite qu'il est plus costaud. La pente est plus raide, il y a encore plus de racines et de troncs d'arbres à éviter, en dessous ou par dessus. J'ai des flashbacks des araignées du Taman Negara, aussi fais-je attention où je mets les mains avant de saisir un quelconque tronc. L'ascension fait chauffer mes cuisses, mais de l'intérieur cette fois-ci. Je suis bien contente d'être remise. Je ne vois jamais le bout! Plus je monte, plus ça monte, mais je garde espoir et ce n'est pas comme si j'avais le choix. Enfin, le chemin s'aplanit quand je passe sur un autre versant. Je continue la piste, et je ne me rends pas tout de suite compte du changement, juste au moment où j'ai failli glisser dessus. Mais ... La végétation a changé. Elle me crée soudain une forte sensation de familiarité, avec ce tapis de feuilles mortes rondes et ces arbres que l'on pourrait trouver en Europe. Ajoutez à cela le climat tempéré qui ne dépasse pas 26 degrés aujourd'hui, et on est rentrée à la maison. La seule chose qui trahisse encore la partie jungle, ce sont les bruits, une sorte de sirène d'alarme naturelle retentit et se rapproche de moi. Je hâte le pas, elle s'arrête. J'essaye de voir ce dont il s'agit, je ne vois rien. Je ne suis pas très douée pour cela. Je continue ma route, et aux feuilles mortes se substituent des aiguilles de pin. Ah, vraiment! Je débouche même dans une forêt. Là aussi, ça glisse, attention. J'atteris sur le n.4, qui est pavé et bien plus facile. 3 heures de randonnée et pas de pluie malgré les nuages qui commençaient à menacer le ciel au début.

J'entends l'appel à la prière sur le chemin du retour, et je passe près de la mosquée. Je me fais la réflexion qu'en France, on a l'impression de connaître l'Islam, vu qu'on en parle tout le temps, mais je suis sûre qu'en réalité on n'y connaît rien du tout. En rentrant, je me renseigne un peu.

Les cinq piliers de l'Islam, tronc commun à tous les courants: Chahada, la foi en Allah le Dieu unique et son prophète Mahomet, les autres religions étant reconnues mais étant considérées comme des falsifications ou, plus soft dans la formulation, des erreurs d'interprétation; Salat, l'accomplissement de la prière cinq fois par jour; Saoum, le respect du jeûne lors du Ramadan; Zakat, l'aumône légale envers les nécessiteux, qui s'apparente en fait à notre bonne vieille CSG, je n'aurais pas pensé qu'il y ait du religieux là dessous; Hajj, le pèlerinage à La Mecque. Source: Wikipédia, on ne s'embête pas. Par contre, j'ai été surprise de découvrir l'existence des Anges dans l'Islam. Ce sont les Malaikas, et ils se nomment... Gabriel, Michel et Raphaël. Enfin plus précisément Jibril, Mikail et Israfil. Exit Uriel, au passage. Il y a même Izrail, notre Azraël, aussi Ange de la Mort mais qui n'est pas cité dans le Coran. Mais aussi d'autres un peu plus spécifiques comme Redouane qui garde le Paradis. Et notre Lucifer, il est où? C'est Iblis. C'est aussi un ange, ou pour certains un djinn, qui a refusé de se mettre à genoux devant Adam, le premier Homme. Oui, je parle toujours du Coran, qui a d'ailleurs été transmis à Mahomet par Gabriel. Les anges scribes ont aussi joué leur rôle dans cette passation. Et les djinns? Ce sont des démons invisibles faits de feu qui poussent les Hommes au péché. Vraiment, je suis frappée par tant de similitudes dans la croyance. Le saviez-vous? Ou bien suis-je trop naïve?

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Jour 2

J'ai réservé un tour organisé pour la matinée car je souhaitais monter au Gunung Brinchang et à la forêt de mousse, et il faut y monter soit à pied soit en voiture. Le guide vient nous chercher dans une petite Jeep dans laquelle huit personnes dont trois garçons un peu baraqués ont bien du mal à tenir, et encore plus pendant les virages. Nous faisons un premier stop sur la route pour prendre des photos de la plantation BOH Tea, et le guide nous fournit quelques explications.

La plantation appartient à la même famille anglaise depuis sa fondation en 1929. Son fondateur s'est vu céder le terrain alors qu'il s'agissait encore de jungle, peuplée de tigres mais pas de Malaisiens car "il faisait 5 degrés la nuit et nous, à cette température, on meurt d'hypothermie!'. Il prospère rapidement. Lorsqu'il a commencé à faire des bénéfices, le gouvernement a commencé à assainir la région et à y créer des infrastructures. On y fait du thé vert, du thé noir, du thé blanc qui est le plus cher, mais aussi du café. Avant sa découverte, tout le monde buvait du thé mais il est ensuite devenu moins cher, moins taxé pour les Américains qui l'importaient d'Amérique du Sud. Le thé blanc est toujours très apprécié en Chine, mais très cher car il est fait de toutes petites feuilles, de jeunes pousses, donc il faut en récolter plus pour avoir une dose convenable. On raconte qu'à la Cour Impériale de Chine, l'Empereur demandait à ce que ces feuilles soient cueillies par des singes.

Nous reprenons ensuite la route vers le haut sommet ennuagé, à 2000 mètres d'altitude, tandis que je fais une grosse crise d'allergie à force de me faire piquer. Mes mains gonflent et brûlent, ça gratte, mes doigts sont tout boudinés. Toutes mes jambes piquent et se couvrent de rougeurs. Rien à faire, je dois attendre de rentrer pour prendre un anti-histaminique. Nous arrivons pendant ce temps au Gunung Brinchang, et à l'entrée de la Mossy Forest ("forêt de mousse"). Normalement il y a une belle vue, on pourrait voir la ville d'Ipoh mais là, il n'y a que la brume qui donne un côté très mystique aux lieux du style Silent Hill donc ce n'est pas plus mal. Le guide nous montre une plante insectivore (photo 6) et d'autres herbes intéressantes.

Nous redescendons maintenant vers l'usine à thé de BOH pour sa visite, ce qui s'avère intéressant.

Il y a cinq processus dans le traitement du thé. Le premier est le flétrissement des feuilles, qui sont perforées et mises sous un gros ventilateur pour en enlever le plus d'humidité possible. Le second est le roulage, les feuilles sont mises dans une grande machine et brassées pour en libérer le jus pour la fermentation. Ensuite cette fermentation est plutôt une oxydation, les enzymes des feuilles sont exposées à l'oxygène et deviennent cuivrées: c'est le processus le plus important. La quatrième étape pour les feuilles est d'être séchées, à 100 degrés pour stopper la fermentation. Et enfin, le tout est trié par des machines.

Je goûte aussi le thé à la Tea'teria, mais ils ont rajouté du lait et du sucre à l'anglaise donc difficile de donner un avis sur le goût. Nous nous dirigeons ensuite vers une Strawberry Farm, c'était difficile d'y échapper vu qu'il y en a partout, partout, et que les souvenirs sont soit du thé, soit des choses à base de fraises, soit les deux en même temps. La visite est loin d'être passionnante puisqu'on ne voit que les fraises en pots et qu'il n'y a aucune explication. Nous rentrons un peu après.

Et maintenant, le moment que j'attendais depuis 3 ans avec plus ou moins d'impatience: la location de scooter! Je ne veux pas faire d'autre randonnée, je ne veux pas visiter les autres endroits à touristes, ce qui me laissait avec plus ou moins rien à faire. Mais de cette manière, je vais pouvoir me rôder avant Bali. J'amène, toute fière, mon permis international mais elle n'en a même pas besoin. Je vais dans une rue peu fréquentée pour me réentraîner, et ça y est je suis partie ... Tout doucement en collant sur la gauche. Je vais jusqu'au temple bouddhiste Sam Poh, tout en essayant de ne pas penser à me gratter.

Je repars ensuite bien plus bas, vers Ringlet à 10 km de Tanah Rata par une route pleine de virages. Pas grand chose à voir de ce côté là à part un lac boueux, mais c'est la limite sud des Cameron Highlands où je ne suis autorisée qu'à circuler. Je suis descendue en altitude et il fait un peu moins froid et venteux, je ne pensais pas que c'était possible en Malaisie. Après une petite balade par quelques chemins, je repère sur la route du retour un panneau indiquant d'autres plantations BOH Tea, proches du village d'Habu et moins touristiques. Je suis ravie d'avoir eu cette idée, car la route est très belle, passant parmi les champs de salades et de choux, les bananiers, et probablement d'autres fruits et légumes. Je m'arrête aussi dans une ferme à orchidées, et plusieurs fois pour faire des photos du panorama qui est bien autre chose que toutes ces fermes touristiques. Mais comme il est 16h30, la plantation ferme, pas grave c'était prévu. C'était juste pour la route .... Je commence à prendre la confiance pour conduire le scooter, je vais même à 40km/h dans les virages au milieu de la route, en me rabattant quand il y a des voitures. C'est super! Mais il fait un peu trop froid pour rester toute la journée, et je rends finalement la bête après 3h30 de promenade.

C'était une étape sympathique malgré ces fichus moustiques tueurs, et redescendre vers la chaleur moite et étouffante de Penang pour un bon choc thermique va certainement être étrange.

19
juil

Au revoir, Strawberry Land et tes moustiques voraces. Je m'en vais vers de nouveaux horizons. Cinq heures de bus plus tard, et un immense viaduc traversé, j'arrive sur l'île de Penang, mais pas encore à Georgetown car évidemment le terminal de bus en est loin. Je demande à un couple s'ils sont d'accord pour partager un taxi, un Uber ou un Grab, ils ont l'air partants mais personne n'a de wifi, mon portable n'acceptant plus ma carte sim. Je m'éloigne pour trouver une solution, je reviens, ils ont trouvé deux autres personnes avec Internet et me disent que "ben non on trouvera jamais un Uber pour cinq, dommage". Bon. Heureusement qu'il y a en fait des bus plutôt rapides pour se rendre dans le centre. À mon arrivée au Tipsy Tiger, la soirée commence déjà, avec du beer pong et des jeux à boire. Notamment un où je me retrouve à échanger de vêtements avec un Irlandais, Steven.

Jour 1

Au petit déjeuner, un Canadien nommé Eli me propose d'aller faire une visite guidée gratuite du centre de Georgetown. C'est parti!

Nous commençons par quelques mots sur le Peranakan Mansion. Je n'avais pas précisé l'origine du nom: Peranakan désigne les descendants des immigrants chinois en Malaisie, un métissage des deux cultures. Beaucoup restaient ici car ils ne prospéraient pas, et ne pouvaient pas rentrer au pays couverts de honte ... donc ils se mariaient sur place, engendrant une Nyonya si c'est une fille, un Baba si c'est un garçon. Mais certains riches restaient dans le pays bien évidemment, construisant de magnifiques manoirs comme celui-ci ayant appartenu à Chung Keng Quee, un magnat chinois qui aimait le mobilier belge raffiné, dont il fit remplir toutes les salles de sa demeure. Un temple attenant fut construit, ne servant que pour la famille et l'éducation des enfants. Seul le Maître de maison pouvait passer par l'entrée principale. L'histoire ne s'arrête pas là : il avait acheté l'endroit aux Ghee Hin, une société secrète rivale de la sienne, Hai San.

Les Ghee Hin devaient être valeureux, un peu comme des samouraïs. Mais ils tuaient plutôt des chinois catholiques. Ils venaient de Chine du Sud, parlaient Cantonais et pratiquaient certaines cérémonies propres à leurs règles, et se basaient sur la cosmologie et la philosophie. Notre guide les compare à la mafia, tout comme leurs ennemis, les Hai San. Ils étaient au départ Cantonais aussi, mais au final du temps les Hakkas finirent par dominer la société. Les deux groupes s'affrontèrent dans l'État de Perak dans les années 1870, et des tensions se firent sentir à Penang, menant parfois à des affrontements. Finalement, les Ghee Hin connurent le déclin.

Nous voici maintenant devant une église, St Georges. De l'extérieur, rien de spécial, si ce ne sont ses pilliers à l'entrée, comme un temple grec. Ils ne sont pas fait de ciment ou de marbre à l'intérieur, mais de troncs d'acajou, résistants comme de l'acier. Ainsi ont-ils résisté aux bombes de la Seconde Guerre Mondiale comme aucun autre bâtiment. Sur cette rue, il y a d'autres temples, une mosquée ... Il s'y organise des Marches pour l'Harmonie, dont le message est de sauver la race humaine au lieu de s'entredéchirer.

Nous passons devant un temple hindou, visité par Charles et Camilla pendant leur visite de l'année dernière pour célébrer les 60 ans d'indépendance de la Malaisie. Ils ont aussi visité le temple ancestral Han Jiang, le seul de style Teochew. L'attitude pompeuse de ces derniers s'est traduite par un discours de Charles disant qu'il "n'en voulait pas aux Malaisiens d'être devenus indépendants" - encore heureux, ils sont toujours dans le Commonwealth tout de même, ni d'avoir changé des noms anglais (les noms des rues sont en fait un mélange de malais et d'anglais, "Lebuh Carnavon", "Lebuh Dickens" par exemple), car tant que Georgetown gardait son nom, il y avait toujours un lien avec la famille royale, notamment par son petit-fils. Les Malaisiens ont commenté cette visite par "si seulement Lady Di était encore là!", d'autant plus qu'ils avaient une affection particulière pour elle. Sa marque de chaussures préférée était Jimmy Choo, qui est originaire de ... Georgetown.

La visite terminée, nous repartons visiter le temple proche de notre hostel, dédié à la Déesse de la Miséricorde Kuan Yi, que j'ai déjà vue quelque part. Je m'y perds très facilement, je confonds courants et religions.

Le taoïsme est plutôt un courant de pensée, c'est un pilier avec le confucianisme et le bouddhisme. Tao est un principe à l'origine de toute chose. C'est une philosophie naturaliste et libertaire. Il faut engager son coeur et son esprit dans la Voie, qui est l'harmonie avec la nature ("Lao-Tseu l'a dit, il faut trouver la Voie, moi je l'ai trouvée alors je vais te couper la tête!"). Un autre principe est d'envoyer valdinguer les conventions sociales, et s'élève contre la technologie car elle n'est pas naturelle. Étrange comme on retrouve ces principes dans la religion mais pas dans la vie de tous les jours, parce que la Chine et le respect de la nature, bof bof. C'est fou cette dissonnance cognitive, cela me rappelle les Boliviens qui vénèrent la Pachamama et qui jettent leurs emballages plastiques partout.

Je me dirige, maintenant seule, vers l'ouest de la ville à pied. Un peu d'exercice ne me fera pas de mal. Penang est considérée comme une capitale de la gastronomie asiatique! Je me rends dans un restaurant où je peux goûter au Penang Assam Laksa, une spécialité de la région. C'est en gros une soupe de poisson épicée au jus de tamarin, avec des nouilles de riz. C'est bon, mais je ne suis pas une très grande fan du goût. Comme cela, il va me rester de la place pour un fameux dessert de Penang: le Teochew Chendul et ses nouilles vertes. Je trouve le stand du spot le plus connu. Les sites m'avaient vendu du rêve : lait de coco, sucre roux, gelée, haricots rouges ... au final je trouve que ça a le goût de lait concentré. Un peu déçue, je reprends ma route le long de Jalan Burmah.

Là encore j'aurais pu prendre un bus, mais je veux me lancer le défi de marcher quelques kilomètres. Il n'y a quasiment pas d'ombre sur les trottoirs, et je m'inspire des gens qui utilisent leurs parapluies pour se protéger du soleil: j'utilise le mien que je peux mettre autour de la tête. C'est parfait! Sur le chemin, j'achète une Apom à la banane et au maïs, une espèce de pancake. J'atteins finalement les temples qui m'intéressent : d'abord le seul temple birman de Malaisie, le Dhammikarama. Il me fait penser à un temple de Chiang Mai, les dorures semblent faire partie du bois et les murs et piliers sont finement sculptés. Ce qui est intéressant, ce sont les différents Bouddhas à l'arrière qui viennent de différents pays à différentes périodes. On peut ainsi voir les diverses représentations, les codes à suivre selon la région. Puis juste en face, changement de décor avec le temple thaï Chaya Mangakalaram, beaucoup plus bling-bling. Là, les statues sont recouvertes de mosaïques qui brillent au soleil: du doré, du rouge, du bleu, du vert ... des dragons, des Gardiens du Ciel, des stupas. Je retrouve un terrain connu! Il y a même possibilité de faire l'aumône en déposant les pièces dans les petits pots de fer. La Thaïlande, c'est quand même un monde à part.

Je décide tout de même de rentrer en bus, car sinon cela va me prendre trop de temps. Sans compter que mon portable fait encore des siennes, il ne s'allume plus alors je vais tenter de le redémarrer en le chargeant. Tu as un mois à tenir encore, ne me lâche pas! Je pense que le bug est dû à la carte sim malaisienne, ou encore à un ampérage différent que mon vieux portable n'est plus en mesure de supporter. Mais dessus, j'ai mon parcours pour la suite: promenade dans les rues et street-art, Penang étant très célèbre pour cela également. La ville me fait penser à Malacca en plus grande, avec toutes ces shophouses chinoises. Mais ici on peut plus facilement voir les fenêtres de ventilation et leur forme particulière ... une fleur? Non, une chauve-souris! Elles sont associées non pas à la vengeance, non pas à la justice, mais à la prospérité. Tiens donc! Ça tombe sous le sens de la richesse de la famille Wayne. En ce qui concerne le street-art, il y en a deux types: les dessins en fer forgé et explications qui émergent du sol et qui sont faites par la ville, et les peintures interactives des artistes. Interactives car elles sont souvent en lien avec des éléments matériels du décor urbain, comme des bancs, des fenêtres, des vélos ... c'est ce qui en fait leur originalité. Les touristes aiment se prendre en photo dessus, il y a parfois de petites files d'attente, mais cela donne des situations cocasses. Sur le chemin, je me rends aussi à la Chew Jetty, puis remonte sur Armenian Street là où il y a le plus de dessins. Partout! Certains sont vraiment très imaginatifs. Certains sont un peu cachés. Sur mon application, j'ai toutes leurs localisations, et même leurs noms.

Les oeuvres interactives ne peuvent pas être spontanées. Je ne sais pas combien le sont, ou comment ça marche pour faire une fresque. George Town ressemble à une galerie à ciel ouvert. Mais même en se proclamant capitale asiatique du street-art, elle ne sera jamais aussi trash que Berlin. Là nous restons dans le soft du soft, dans l'amusant.

Le soir tombe, et mon ventre commence à grogner. Il y a des stands de street-food au coin de Chulia Lane et Carnavon Street, et je commence avec un Char Koay Teow, ce que j'avais en fait déjà mangé à Singapour en arrivant. Comme ce n'est pas assez, j'ai aussi des brochettes d'agneau au satay qui s'avèrent délicieuses! Mais ce que je préfère c'est le Lok Lok. C'est un stand buffet avec des brochettes avec des vapeurs, du poulet, du poisson, des légumes ... je goûte même de la méduse! Très bizarre, très caoutchouteux, peu de goût. Je me suis régalée et je rentre à l'hostel pour la soirée.

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Jour 2

La journée commence bien tranquillement, pour moi aux alentours de midi. Les filles de mon dortoir me proposent d'aller manger avec elles à midi, j'accepte. Le plus dur est de trouver quelque chose qui nous satisfasse toutes les trois et qui soit ouvert. Nous allons finalement manger d'excellents Dim Sum très parfumés, mais elles ont aussi envie de se poser dans un café et ne rien faire ... Pas moi. Malgré la pluie qui commence à tomber, je me dirige vers le temple ancestral des Khoo Khongsi. Il s'agit d'un clan chinois très ancien qui est venu peupler la Malaisie il y a plusieurs siècles de cela. Ils illustrent depuis 27 générations la diaspora chinoise car ils sont présents dans plusieurs pays asiatiques. Ils sont nommés en fonction de leur génération, car leur second prénom en représente une. Ils ont un poème "généalogique" pour retenir ces noms. Influents, ils ont construit ce temple pour vénérer leurs ancêtres. Après la visite, je retourne sur Lebuh Chulia pour manger des Wan Tan Mee, mais avec un jus d'ambula qui n'est vraiment pas à mon goût. Comme je ne veux pas des glaçons, j'essaye de les recracher discrètement dans le verre mais je me fais griller par la serveuse. Plus besoin de faire semblant d'aimer.

Maintenant, je vais prendre le bus pour me rendre à Kek Lok Si, le plus grand temple bouddhiste d'Asie du Sud-Est. Facile depuis ici, beaucoup de bus y vont, et le trajet est plus court que prévu. Mais quand j'arrive à l'entrée du temple, l'orage se manifeste à nouveau. Malgré mon parapluie, je ne m'attarde pas près de la mare à tortues malgré leur nombre incroyable, je me dépêche d'aller me mettre à l'abri dans le premier temple. C'est une grande salle qui peut accueillir beaucoup de monde, mais aussi beaucoup de vendeurs de souvenirs. Souvenirs religieux, surtout, et d'autres plus classiques comme des cartes postales. À l'intérieur même. Je continue à monter la colline pour accéder aux autres lieux de prière, un peu à l'abri cette fois-ci. Je ne sais pas combien il y a d'effigies de Bouddha ici mais ce sanctuaire est énorme! Je prends beaucoup de photos, les gouttes de pluie apparaissent dessus presque comme de la neige.

À chaque étage, il y a des boutiques. Ce temple est un vrai supermarché. Je veux ensuite monter dans la Pagode, il faut payer l'entrée mais ces bénéfices là vont à l'entretien du temple. Je n'ai pas compté les étages mais j'ai remarqué que les marches rétrécissaient plus je montais, et les paliers qui au départ étaient aménagés en salles de prière sont maintenant des débarras à barres de fer des échafaudages. Personne ne monte jusque là ou quoi? Ça la fout mal pour un endroit à accès payant. Mais la vue depuis le sommet est sympathique et permet d'apprécier la taille du lieu. Je redescends un peu vite car finalement il est déjà 17 heures et il va bientôt fermer! Je prends le funiculaire pour monter voir l'immense statue en bronze de Kuan Li qui domine le site. Des gens prient, mais il n'y a pas grand chose d'autre à voir. Je me dirige vers la sortie et vais pour attendre le bus ... très longtemps, presque une heure. Mon jus de canne à sucre ne m'aide pas à patienter. Je désespère et monte dans le premier bus (gratuit) qui vient, espérant qu'il va m'amener dans un endroit plus fréquenté. Finalement au bout de 10 minutes il croise mon bus qui va dans l'autre sens, je descends car au moins je suis sûre qu'il en passe. C'est plus animé, je suis au marché du quartier d'Ait Itam, qui semble plus défavorisé mais pas insécurisant. Finalement, le bus arrive! Je suis bien contente de m'asseoir au frais. En arrivant, je me rue à nouveau sur les brochettes au satay, cette fois-ci au sanglier, et sur le Lok Lok. Je vais aussi goûter une soupe Koay Teow Th'ng, qui malgré un nom bizarre n'est qu'une soupe aux boulettes de poisson. La journée maintenant terminée, une petite soirée au bar de l'hostel comme d'habitude! Par contre je ne les suis pas en boîte ensuite, je m'y ennuie vite.

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Jour 3

Aujourd'hui, je reprends l'avion! Cela va être le début d'une semaine passée dans les aéroports car il y a des endroits où je vais qui ne me laissent pas trop le choix. Le vol est en début de soirée, mais les bus sont peut-être aléatoires en fonction du trafic, et de plus je veux visiter le Snake Temple qui est juste avant l'aéroport. Après un Tom Yam à la thaï moins épicé que les originaux, je quitte l'hostel et coup de chance, le bus est juste là. Cela m'a fait gagner du temps, beaucoup de temps même. Je rate mon arrêt pour le Snake Temple, me voilà à marcher au bord de la nationale avec mon sac sur le dos. Heureusement ce n'est pas très loin, et j'ai la technique pour traverser au milieu des voitures. Le temple en lui-même est petit, mais les serpents qui sont posés sur les espèces de portes-manteaux assurent l'originalité. Ils sont si colorés qu'on dirait presque des faux, et surtout ils ne bougent pas. Ce sont des vipères venimeuses qui je crois sont shootées aux odeurs d'encens pour ne pas attaquer les touristes. Oups ... à côté il y a un endroit pour faire des photos avec de gros serpents, mais il est plus intéressant de voir l'enclos de reproduction derrière le temple. Il y a moins de monde, les serpents dorment aussi mais certains bougent un peu plus, sortant leur petite langue fourchue.

C'était fun mais pas extraordinaire, je suis contente de ne pas avoir fait le déplacement QUE pour ça. Je reprends le bus pour aller me poser, trop en avance finalement, dans la fraîcheur de l'aéroport. Nous embarquons à l'heure, l'avion doit traverser des orages pour arriver à Kuching, sur l'île de Bornéo. Où il pleut, et il ne fait finalement pas si chaud, mais c'est peut être parce qu'il est 22h30. Nous devons repasser la douane car l'État de Sarawak a une législation spécifique pour les accueils. C'est long mais au moins les sacs sont arrivés entre temps. Mon portable n'en faisant qu'à sa tête, je demande à un couple de Néerlandais s'ils seraient d'accord pour partager un Grab avec moi (comme Uber mais ça a encore plus de succès en Asie. Je dois télécharger l'application dès que mon téléphone le voudra bien). Ils acceptent, je deviens maîtresse dans l'art de gratter des Grab. Mais ça ne durera pas, il vaut mieux que moi, je propose de partager un Grab avec moi, non? J'arrive sans encombres dans mon hostel, mais je ne traîne pas trop car toutes ces soirées, c'était quand même épuisant!

22
juil
 Bande son

Jour 1: Les premiers acrobates

Selamat Datang ke Borneo!

Rien que le nom m'évoque l'exotisme, la jungle luxuriante, l'aventure, la culture. Mais là, je suis en pleine ville, dont le nom veut dire "chat" en malais. Je ne peux que m'y sentir bien! L'hostel, le Singghasana, est calme, un peu trop car les gens ne parlent pas beaucoup entre eux. Mais bizarrement, cela me va très bien. La déco de la pièce commune est très belle, très ethnique. Une fois dehors, mon impression de la veille se confirme: malgré la proximité de l'équateur, il ne fait pas une chaleur à crever. Bien sûr c'est humide, mais soit ça l'est moins que Singapour, soit je prends l'habitude, mais en tout cas je me sens d'attaque. Je commence par un petit tour du centre-ville, qui est assez réduit mais sympathique.

Kuching est la capitale de l'État du Sarawak, dirigé par un gouverneur. Il y a une étoile sur le drapeau, et c'est important: le toit de l'Assemblée de l'État est construit de cette forme, ainsi que quelques autres bâtiments administratifs, ce qui est assez original. Avant que la Malaisie n'existe, l'État était sous l'influence de Brunei. D'ailleurs saviez-vous que le nom "Bornéo" est en fait une déformation de "Brunei" par les Portugais? La Malaisie partage le territoire de la quatrième plus grande île du monde (si on compte l'Australie) avec le Sultanat en question, et l'Indonésie qui l'appelle Kalimantan. J'y suis pendant la période de la mousson du sud-ouest mais ce n'est pas la pire.

Je me promène dans Carpenter Street, une rue de Chinatown. Tout au bout il y a l'office de tourisme, et juste derrière, Jalan India. Je vais repérer où prendre mon bus de cet après-midi et vérifier l'horaire, puis je m'en vais manger. Je vais goûter un Rojak, mais je croyais qu'il y avait de la viande mais pas du tout. Ce sont des concombres, des ananas et de la pâte de haricot dans une sauce qui ressemble à du caramel mais qui n'en est pas. Ce n'est pas mauvais, mais c'est écoeurant. On me sert aussi du thé au riz brun qui a le goût de riz, étonnamment. Heureusement il y a des stands de nourriture à côté, et je vais commander une sorte de soupe brune avec du porc et des nouilles. Si c'est comme au Cambodge, je vais me régaler. Je m'installe et un homme d'ici vient s'asseoir avec moi vu le monde qu'il y a, et engage la conversation. Il essaye de deviner d'où je viens: Australie? Nouvelle-Zélande? Autriche? Non, champions du monde, lui dis-je. Il me raconte être allé à Paris avec son frère, mais ne pas avoir trouvé de travail, donc il est revenu. Trouver du travail pour les immigrants, c'est encore plus dur que pour nous ... j'en suis désolée. Je lui raconte un peu ce qu'il se passe en France avec l'islam, comme les gens ont peur d'être forcés à l'intégrisme et crachent dessus, comme une mannequin qui porte le voile est révolutionnaire et provoc' alors qu'ici, elles portent le voile sur la moitié des publicités et c'est normal. Comme dans ma ville ça a été le tollé quand une mosquée a été construite en dehors de la ville alors qu'ici, il y a des églises, des mosquées et des temples les uns à côté des autres et c'est normal. Je me dis qu'ils doivent nous voir comme des chrétiens arriérés. Sur ce mon plat arrive, et je me régale! Je quitte ensuite mon interlocuteur, et file prendre le bus pour Semenggoh Wildlife Center.

Le suspense a assez duré sur mon activité de cet après-midi: je vais voir des orang outans dans un refuge. Enfin je l'espère, un panneau à l'entrée nous informe que c'est la "fruiting season" donc que les singes n'auront pas forcément envie de venir se nourrir à la plateforme s'ils peuvent aller ailleurs. Mon ami de midi m'avait dit qu'en ce moment, c'était plus rare, surtout qu'il avait plu pendant dix jours d'affilée ... je me prépare à peut être, être déçue. Avoir fait ce chemin pour rien. Ce sont eux qui décident de nous gratifier de leur présence, et pas nous ... Il faut marcher 15 minutes sur la route pour s'enfoncer dans la jungle, et je me dis que déjà, c'est quelque chose. C'est aussi beau que je l'imaginais. Enfin nous arrivons à l'endroit où il faut être, the place to be. Tout le monde attend car ils ne sont nourris qu'à 15h. Dans le magasin, il y a l'arbre généalogique des singes, leur histoire et leur personnalité. Il y en a un qui est un playboy apparemment, et un autre qui convoite le trône de Ritchie, le mâle alpha. Vers moins le quart, les gens s'entassent près d'un cordon de sécurité matérialisé par une simple corde, dans l'attente. Un marshall du parc nous dit qu'ils arrivent, mais qu'ils sont lents, et que nous avons de la chance. Vague d'excitation. Impatients et plantés là comme nous sommes devant une barrière, on dirait un groupe de fans avant un concert. Surtout qu'au loin on entend un autre marshall appeler les singes, comme un chauffeur de salle.

Soudain nous voyons les feuilles des arbres bouger au loin. On se presse, on tourne la tête, on la lève. Et tout à coup, la magie opère. Voilà le premier orang-outan! Ce qui me frappe, c'est comment il se déplace. Il a des mains à la place des pieds et du coup il s'accroche dans tous les sens, dans des positions rigolotes, on dirait qu'il fait un spectacle. D'ailleurs il se tourne régulièrement vers les gens qui le prennent en photo. Cela ne l'empêche pas de déguster ses bananes ou de boire son lait. Un deuxième arrive! Même show, mêmes positions tordues. Mais tout à coup, voici qu'arrive le prétendant : Edwin. Murmure dans la foule: il est ÉNORME. Et il suit le marshall tranquillement. Il vient s'exposer sous les photos pour manger des bananes. Le marshall lui donne une noix de coco, et il surprend tout le monde en la cassant en deux contre l'arbre pour la manger. C'est vraiment impressionnant et je pense qu'on se sent tous privilégiés d'assister à cela, surtout que finalement malgré notre nombre, les orang-outans sont libres et totalement respectés. Ils s'en vont 20 minutes plus tard. Je suis encore un peu sidérée, quelle expérience magique!

Mais cela tombe bien car je dois repartir prendre le bus. Je vois des étoiles dans les yeux de tout le monde. Retour sur Kuching, je me sens vidée d'énergie mais je vais tout de même faire une petite balade sur le Waterfront tant que j'y suis. Et pour dîner, je me régale avec un laksa de Bornéo, au curry - meilleur qu'à Penang - et un jus de goyave rose délicieux.

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Jour 2: On y va au pif.

Qu'est-ce qui peut bien être aussi intéressant que des orang-outans? Des singes nasiques, endémiques de Bornéo. Oui, ce sont les singes avec un nez un peu comme celui d'Obélix! On peut les voir au Bako National Park, à une heure de bus de Kuching. Mais ils sont apparemment encore plus capricieux que les orang-outans. Bon nombre de blogueurs témoignent de leur déception, regrettant de ne pas être restés une nuit dans le parc car on les voit plus facilement tôt le matin ou en fin d'après-midi. Sachant que le dernier bateau part à 15 heures du parc, et que je ne sais pas si 9h30 c'est "tôt le matin", vais-je faire partie des heureux élus? Autre souci: pour dormir dans le parc, il faut avoir réservé via le QG, sauf qu'hier nous étions dimanche, ils étaient fermés et comble du comble, je crois que ça y est c'en est fini de mon portable. Ce que je décide de faire est donc de partir à l'arrache avec le strict minimum pour une nuit dans mon camelback - cela comprend tout de même mon sac à viande et ma moustiquaire avec ses crochets - et aviser sur place. Si je vois des nasiques, je rentre. Si je n'en vois pas, j'essaye de rester si ce n'est pas plein. Le tout pour le tout.

Je prends le bus à 8 heures, avec des banquettes en cuir deux places fort confortables, et arrive juste avant 9 heures et le départ d'un bateau. Le parc n'est accessible que de cette manière, en passant l'estuaire de la rivière Sarawak et en contournant les falaises qui plongent dans la Mer de Chine Méridionale. 20 minutes suffisent, et comme nous sommes à mi marée, nous devons accoster un peu loin de l'entrée et nous mouiller les mollets. Nous sommes accueillis par de petits crabes qui courent se cacher dans leurs trous. Mais surtout il y a un attroupement près d'un arbre, et cette fois-ci ce sont bien les nasiques qui nous accueillent! Enfin, accueillir c'est un bien grand mot, ils dorment comme des patapoufs sur leurs branches. Leurs nez proéminents sont vraiment moches. Ce sont des caps, ce sont des péninsules. Ils ressemblent à une grosse patate grise et molle, et vu d'en dessous on dirait de très grosses narines de rongeurs. Plus c'est gros, plus les femelles aiment. Mais ils sont phénoménaux comme cela. Uniques en leur genre, et je suis une fois de plus émerveillée. En revanche, ils ne sont pas très actifs. Je vais m'enregistrer au QG du parc, et bonne nouvelle, il y a un local à bagages où je peux poser mes excédents inutiles maintenant. Comme tout se goupille bien, quelle perfection. Et en sortant, je peux même voir un sanglier barbu.

Il est tôt, 10 heures, et je m'engage sur un trail. Je n'ai pas mangé, j'ai eu faim mais c'est passé, et vu la chaleur et l'humidité, il serait plus judicieux de me ménager. Je pars donc sur celui qui fait environ deux heures aller-retour au lieu de trois et demie. Le timing pour le bateau de 15 heures serait même un peu serré. Même si c'est plat, c'est quand même quelque chose de grimper sur les rochers et les racines. Il est dur de lever la tête à la recherche d'autres singes quand il faut regarder où on met les pieds! Je revois quelques Golden Tails comme à Selangor, mais pour l'instant pas plus. Je prends mon temps, je fais des photos, j'admire la végétation et les rochers. Par contre, je sue toute l'eau de mon corps et le conseil du marshall de prendre de l'eau isotonique n'était pas bête. En plus, c'est bon. Je marche, je marche, et finalement la plage de Telok Paku n'était pas si loin. Je me suis peut être sous estimée on dirait. Cet endroit est magnifique, mais on ne peut pas s'y baigner à cause des crocodiles et des serpents de mer. Ok. Il n'y a pas encore trop de monde, mais comme je commence à avoir faim je préfère rentrer avant de risquer l'hypoglycémie au retour. Et j'ai bien fait car je croise beaucoup de groupes qui s'y rendent, ça aurait été bondé. Sur le chemin tout à coup, plus de touristes mais des macaques! Ils courent dans tous les sens, traversent le sentier, grimpent dans les arbres. Ils sont pourtant encore loins de la cafétéria ... Je prends des photos d'un peu trop près pour que l'un me grogne dessus. Rubish avait dit que les macaques étaient teigneux et pouvaient envoyer les gens à l'hôpital. Je file donc rapidement.

Et en approchant du QG, ola qui voilà? Encore des nasiques. Ils se sont réveillés et se promènent lascivement sur les branches. Soit je suis très chanceuse, soit en fait ils sont plus faciles à observer qu'on ne le dit. Mais le tout est encore de les voir de près! Ils se cachent derrière les feuilles. Je contourne l'arbre et me retrouve sur la plage de notre arrivée, je passe ma tête dans les branches et ... Oh. Je tombe nez à nez (haha) avec lui. Il est là, à 3 mètres, peut être 5, je ne sais pas, je dis ça mais je n'ai jamais eu un compas dans l'oeil. Il est proche, quoi. Et presque à ma hauteur. À moitié cachée derrière un tronc, je bombarde de photos. Bon il m'a vue hein, il n'est pas si abruti. Mais il comprend que je ne suis pas un danger, et sa curiosité ne dure pas longtemps. Un second le rejoint. Mais une fois lassés par ma présence, ils se retirent un peu plus loin. Je les suis. Nous ne sommes que trois à les avoir repérés mais c'est dur de ne pas faire de bruit. Ils ont l'air de s'en foutre. Ils sont installés, endormis après leur repas, sur les branches. Il y en a quatre. Au bout d'un moment, il faut bien les laisser tranquilles, et je vais manger.

Il me reste un peu de temps avant l'arrivée du bateau, donc je m'engage sur un autre trail, celui du Tanjung Sapi. Sur la feuille il y avait marqué T. Sapi, donc je pensais qu'il s'agissait d'une autre plage. Grossière erreur! Je me retrouve à grimper à 300 mètres de dénivelé sur 400 mètres de chemin. Mais au moins j'ai un beau point de vue sur le parc, et je rencontre un couple de Français qui étaient avec moi pour les orang-outans hier. Je redescends ensuite, attends un peu et galère à retrouver mon bateau. En plus il part en retard en attendant des gens qui ne sont jamais venus, et nous ratons le bus de retour de quelques minutes. Enfin, c'est ce que nous disent les chauffeurs de taxi, ils nous disent aussi que le prochain est dans une heure, pour vendre leur course. C'est faux, il arrive un quart d'heure plus tard, c'était peut être celui de 15h30 qui avait du retard? Aucune idée. Mais je retourne maintenant sur Kuching, fatiguée mais vraiment heureuse.

Pour mon programme de demain, j'ai failli faire une grosse boulette. Ici, on peut voir des rafflesias, les plus grandes fleurs du monde, mais elles ne fleurissent que de temps à autre. En vérifiant sur la page Facebook du parc du Gunung Gading, oh! Il y en a une qui fleurit! J'y vais! Je vais demander à l'accueil comment faire pour y aller en bus. Heureusement qu'il a vérifié car en fait le post datait de Jun (juin) et pas de Jul (juillet) mais il s'affichait comme s'il était plus récent. Il m'a économisé du temps et de l'argent!

Et puis je vais manger dans un restaurant qui sert de la nourriture tribale, pour tenter l'expérience. Mais je n'ai pas pris mon appareil photo, je vais donc décrire. Avec du poulet cuit dans du bambou avec du citron, je commande du linut et sagu. Le serveur ne parle pas très bien anglais et me dit que c'est comme du flan. Il s'est trompé de mot ... il m'apporte une espèce de gelée rose à manger avec des baguettes. Je suis ouverte à cette expérience culinaire, mais je dois dire que le goût ne m'emballe pas ... tout comme l'odeur, on dirait une semelle neuve en cuir, qui a commencé à être utilisée. Très bizarre donc, surtout que je crois que j'avais mangé du sagu en Amazonie, cela venait du palmier, et j'avais beaucoup aimé. Il est gentil, il ne me le compte pas, et je prends du bon vieux riz à la place. Par contre, à la télé passait une comédie qui s'inspirait des séries indiennes, et c'était trop comique car complètement ridicule et assumé, tout dans le surjoué.

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Jour 3: Au coeur des ethnies

Pas de rafflésias aujourd'hui, mais un programme pour le moins intéressant. À une trentaine de kilomètres de Kuching se trouve le Sarawak Cultural Village, qui reproduit les habitations des différents peuples de Bornéo. Cela va fort probablement être très touristique mais tant pis, ça m'attire. Après avoir fait ma lessive dans une laverie, par moi-même pour une fois car j'en avais beaucoup et c'était plus cher, je vais prendre le van que j'ai réservé. Nous allons dans la péninsule en face de Bako, au pied du mont Santubong. Les montagnes qui entourent la plaine de Kuching sont toutes rondes, on dirait de gros doigts sortis du sol. Malgré leur forme ce ne sont pas des volcans: aucune activité volcanique en Malaisie. Cela ferait mentir le titre de mon blog ... patience!

Nous arrivons au village, et on nous donne un faux passeport dans lequel il faut mettre les tampons des maisons que l'on visite, et des explications. J'adore. Je file cependant en premier au restaurant, et je commande un Sarawak set: du poulet au bambou (Manok Pansoh)(encore), de la citrouille cuite dans du lait de coco (Labu Masak Lemak), du poisson sauce aigre douce (Ikan Asam Pedas), et d'autres trucs qu'ils ont rajouté ou substitué mais que je n'ai pas identifié, peut-être des feuilles de tapioca, le tout avec du riz. C'est bon mais c'est trop pour moi, je partage avec le petit chat qui miaule à côté de ma table. Quand je sors, il y a des équipes qui font un jeu de coopération qui semble très difficile. J'apprendrai après que c'est un voyage d'entreprise pour renforcer leurs liens!

Maintenant, place à la visite. D'abord, une maison Bidayuh, qui sont appelés "Dayaks de la Terre" par les Européens. Ils habitent dans les montagnes calcaires (photos 5 et 6). Ensuite les Iban, les "Dayaks de la Mer'. Un tiers des Sarawakiens sont des Iban, ils ont construit leurs "longhouses" proches des rivières, en hauteur, et pouvant être abordées en bateau (photos 7 à 10). Puis une hutte Penan, un peuple de la jungle vierge. Elles sont construites pour ne durer que peu, car les familles sont nomades. Ils sont spécialisés dans les sarbacanes (photo 12).

Ensuite, une longhouse très haute des Orang Ulu, autre ethnie du centre Bornéo, connus pour être de très bons forgerons. Ce sont aussi des fermiers qui ont mis au point un efficace système d'irrigation. Seules les femmes avaient des tatouages! Dans la maison on peut voir une guitare de Bornéo (sape) qui a toute une histoire: sa femme étant malade, un paysan s'endort dans ses champs et rêve que pour la guérir, il faut tailler une guitare dans un arbre et en jouer pour que l'esprit vienne la guérir (photos 1 à 4). Ensuite les Melanau, qui vivent proches de la mer et des pirates (ce n'est pas dit comme cela mais c'étaient peut être eux les pirates). Vu le nom ils doivent se rapprocher des Mélanesiens. Au lieu de manger du riz, ils mangent du sago, ah c'est donc à eux que je dois la gelée bizarre d'hier. Dans leur religion, pour soigner quelqu'un, il faut représenter une maladie particulière en statuette. Il y a une danse avec des bâtons à laquelle on peut s'entraîner (photos 6 à 8). J'ai fait des vidéos mais mauvaise nouvelle, la tablette ne veut même pas reconnaître le format .mov! Elles sont sur ma carte SD mais inaccessibles. Ensuite, une maison malaisienne, qui est comme les autres sur pilotis. Les volets de bois sont très décorés (photo 12). Et enfin, une ferme chinoise, la seule qui soit construite à même le sol. Je crois avoir supprimé la photo par erreur.

Maintenant, c'est l'heure du spectacle! Des danses traditionnelles de ces différentes ethnies. Il y a un danseur qui imite la poule, ou l'aigle je ne sais pas trop. J'espère que ça fait partie du show et qu'il n'a pas, genre, la Tourette. Lors d'une danse, il utilise la sarbacane pour éclater des ballons à distance. Il y arrive, et des fois il se rate. Et puis, il se met en plein milieu de la scène et regarde le public. Oh non. Il est juste en face de moi. Il me regarde. OH NON. J'ai envie de me cacher sous le siège mais trop tard il le dit de venir. Il ne pouvait pas choisir pire. J'essaye de dire non, au moins quatre fois. Mais on perd du temps. Je ne peux pas y échapper. Allez, c'est parti pour un tour de honte? Oui, c'est parti! Bon, autant en jouer. Du coup sur la scène je dois l'imiter, avancer accroupie comme si je chassais, je dois avoir l'air d'un canard. Mais je me prends au jeu malgré tous mes ratés à la sarbacane. Même tout près, la flèche rebondit sur le ballon! Bon, dernier essai et cette fois j'ai réussi. Je fais une révérence, je salue. C'était drôle en fait! Coïncidence ou pas, avant ce numéro je me souvenais de mes spectacles de danse, le trac juste avant de monter sur scène, les changements de costumes en vitesse, le vide dans la tête et les réflexes pendant la chorégraphie, le soulagement à la fin. Je me demandais si les danseurs pouvaient voir le public, bon et bien la réponse est oui.

Retour sur Kuching pour la dernière nuit avant de reprendre l'avion. Qu'est ce que c'était intense, ici! Pour l'instant, c'est le gros coup de coeur. J'ai adoré mes expériences et la chance que j'ai eue pour les singes, cela m'a fait me sentir spéciale. Je serais bien restée un peu plus ici, il y a tant à decouvrir aux alentours. Mais maintenant, cap sur la prochaine destination!

25
juil
Bande son 

Jour 1: Au dessus de Bornéo

La climatisation était cassée cette nuit, j'ai donc très mal dormi. Il faudrait vraiment que je m'habitue à la chaleur quand je dors, ce serait plus pratique. Mais souvent je me réveille, j'avais même fait un cauchemar comme quoi il y avait le feu. En plus de cela, l'eau du climatiseur a un peu coulé dans ma trousse de toilette. Enfin bref ... La dame de la réception n'a pas Grab, mais heureusement je croise des filles qui sont très gentilles car elles me proposent d'en appeler un pour moi. Donc, j'arrive sans souci à l'aéroport. Je prends MASWings, c'est une filiale opérée par Malaysia Airlines. J'espère qu'on ne va pas se perdre, mais en même temps je suppose que le pilote n'en a pas très envie non plus et il va faire de son mieux. On embarque et, oh, c'est un tout petit avion à hélices. Je suis partagée entre la crainte et le sourire, mais je suis si fatiguée que mes émotions sont anesthésiées. Alors je choisis de me dire que survoler Bornéo comme ça, ça fait vraiment aventurière. Malheureusement, le temps est un peu couvert au sol, pas de vue de la jungle ou même des montagnes. Un peu par moments, on aperçoit des routes, des rivières boueuses. Je ne sais pas si ce n'est que mon côté de l'avion qui est comme ça, mais niveau déforestation, c'est plutôt préservé et c'est tant mieux. Ça ne fait pas l'effet de la Malaisie occidentale que l'on survole au-dessus des plantations de palmiers, qui donnent l'impression que les reliefs sont piquants, comme plein de petits hérissons.

Au bout d'une heure et demie, nous atterrissons indemnes! L'aéroport de Mulu est tout petit et le tapis à bagages se résume à un seul tapis à rouleaux. Ils nous les donnent de la main à la main, mais au moins s'il y avait eu un souci on aurait pu directement les engueuler. Et c'est très rapide! Je m'en vais vers mon homestay, c'est à dire qu'il y a un dortoir dans une maison locale, juste à côté de l'aéroport. Le couple, Helen et Peter, m'accueillent, et je m'écroule sur le lit pour faire une petite sieste.

Je ne dors pas vraiment mais deux heures plus tard, je suis un peu plus fraîche. Ce homestay est bien mais il est un peu loin de l'entrée du parc, il faut marcher 15 minutes au bord de la route, et là en plein soleil ce n'est pas terrible. Il y avait des homestays plus proches, mais j'avais fait ce choix là pour ne pas avoir à porter le sac trop longtemps. J'arrive au QG du parc, je m'enregistre, je booke mes tours. Il y a un marshall qui me fait rire car il m'appelle "Marina Bay" comme à Singapour. Une fois tout cela fait, je vais m'acheter une lampe torche - il était temps! - je mange un morceau et je vais me promener sur le Botany Trail. C'est génial, il est bien aménagé, il n'est pas long et surtout c'est tout plat. C'est reposant. Sur la route, je ne croise pas d'animaux si ce ne sont que quelques humains. Enfin, si, un gigantesque mille-pattes. Pour le reste, j'entends des bruits mais les animaux sont cachés. Et je profite d'être seule parmi les arbres et les lianes. Mais l'orage gronde ... Il commence à pleuvoir. Fort heureusement, on est protégés de la pluie fine quand on est dans la jungle.

Je reviens à l'office et achète de la Wifi pour dire à ma mère que je suis vivante. J'en profite pour me baigner dans la rivière qui passe juste au pied du homestay. Que ça fait du bien! Malgré de petits poissons qui viennent m'attaquer et me mordiller. Un peu de repos, mais il faut bien que je reparte manger: la nuit est tombée. En fait il fait pleine lune, mais la lampe torche est utile pour me faire repérer des scooters qui passent de temps en temps sur la route, et pour ne pas écraser les grenouilles. Le restaurant, le café Mulu, n'est vraiment pas mal du tout, je mange un bon petit boeuf Rendang, je refais la route en sens inverse, et au lit!

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Jour 2: Par dessous et par dessus la jungle

Quelle bonne nuit de sommeil, je suis ravie! J'ai pu installer ma moustiquaire et surtout, ne mettre le ventilateur que sur moi. Nous ne sommes que deux dans le dortoir mais l'autre fille, Kathlyn, semble vraiment solitaire. Elle ne cherche pas vraiment le contact, ou alors occasionnellement. Elle m'apprend cependant venir de San Francisco. Nous partageons le homestay avec une famille polonaise, qui a fait le trek que je veux faire demain et qui apparemment, est un gros challenge. J'ai un peu peur, quand même. Mais je me dis qu'il faut que je le tente, pour l'aventure et pour arrêter de me sous-estimer au niveau physique. Pour l'instant, ce matin, je vais visiter des grottes, en même temps que Kathlyn qui est partie avant moi sans m'attendre. Quand je vous dis qu'elle est solitaire! Je ne vais pas la forcer non plus vu que moi je suis parfois pareille. Le chemin jusqu'au parc n'est pas trop compliqué à 9h du matin mais on sent que le soleil commence à taper. Nous partons en bateau, mais la rivière n'est vraiment pas profonde et nous remontons à contre-courant. Plusieurs fois, le bateau se coince sur les cailloux, et les conducteurs doivent le décoincer. Il y a un enfant parmi eux, je me demande quel âge il peut avoir, peut-être 10 ans? C'est lorsque je me dis que je devrais descendre du bateau pour les aider qu'ils arrivent à le faire repartir, je culpabilise un peu.

Nous nous arrêtons d'abord dans un marché à touristes, où l'artisanat est bien plus cher qu'ailleurs. Ici, ce sont les Penan, dont j'ai déjà parlé dans l'article précédent.

Les Penan sont à la base des chasseurs nomades, dans une société basée sur le partage (des communistes!). Il n'y a ni riches ni pauvres, ni chef, seulement un porte-parole mais qui n'a pas de pouvoir particulier. Ils n'ont pas de possession terrienne et ne laissent jamais quelqu'un mourir de faim. Il n'y a quasiment pas de violence dans leur groupe, les parents sont permissifs avec les enfants, pourtant personne n'élève la voix ou ne s'interrompt. Même si certaines tâches sont réservées aux hommes et d'autres aux femmes, il n'y a pas vraiment d'inégalités, juste un partage. Ils n'ont quasiment jamais été en guerre. Ils construisent des "sulaps", de petites huttes rapidement bâties. Ils les laissent quand les ressources sur place sont épuisées, mais dans le respect de la nature pour que les générations futures en profitent. Ils ne prennent pas plus que ce qu'ils ont besoin, mais peuvent revenir au même endroit quand la nature s'est régénérée, retrouvant ainsi leur sulap. Ils sont animistes, chaque élément qui constitue la jungle a son propre esprit. Les rêves peuvent révéler la cause d'une maladie, mais ils ne suivent pas forcément à la lettre ce que le rêve leur dirait de faire. En revanche si ce sont des causes non naturelles, là ils pourraient suivre des recommandations. Sinon ils cherchent des augures dans la météo, ou utilisent des plantes médicinales. Ils sont aussi attentifs aux vols des oiseaux, qui montrent le chemin. Ils les suivent lorsqu'ils voyagent ou écoutent leurs chants. Leurs propres actions en tant qu'hommes ont une influence sur la nature et tout est connecté. Les plumes sont utilisées dans des cérémonies religieuses. Lorsque quelqu'un meurt, il ne faut pas faire de bruit près de là où il est enterré, et ne plus mentionner son nom pour ne pas faire revenir son esprit. À la limite si c'est nécessaire, ils peuvent utiliser le lieu de la sépulture. Ils font peu de fêtes, sauf parfois des rituels pour éloigner la malchance en versant du sang sur une feuille de sago et en l'enterrant. Mais depuis les années 30, les Penan ont été convertis au christianisme par les missionnaires. Beaucoup ont changé leur comportement de nomade car en construisant des églises ils ont pensé échapper au destin que leur réservaient les "oiseaux démoniaques". Il reste maintenant moins de 300 Penan nomades.

Nous allons ensuite à la Wind Cave, nommée ainsi pour les courants d'air qui y passent. Les stalactites et stalagmites font toujours de beaux tests projectifs, mais à certains endroits, on dirait vraiment que des bras humains sortent de la roche, ou qu'une représentation de femme a été sculptée. La plus grande salle est la salle du Roi, car elle ressemble à un palais. Avec si peu de lumière, les photos sont minables.

Nous allons ensuite reprendre le bateau, nous faisons une petite pause avant d'attaquer les 200 marches qui m'essoufflent. Comment vais-je faire demain? Allez, j'y crois. Surtout que c'est un gros essoufflement et une grosse tachycardie, mais qui ne durent que 2 ou 3 minutes. Je peux y arriver, par contre je prendrai des bananes. Nous arrivons à Clearwater Cave, où passe la rivière. Ici, on trouve aussi des variétés de plantes endémiques à Mulu, qui poussent sur le calcaire. Il y a une possibilité de faire un parcours entre Wind Cave et Clearwater Cave, dans l'eau, pendant 8 heures, réservé aux avancés. Il ne faut pas rigoler avec ça. Ritchie notre guide nous raconte les soucis que les gens rencontrent avec les fameux pinnacles, ces formations de calcaire en pointes qui sont le symbole du parc. Il faut se lever à 6 heures, et arriver aux minis pinnacles en moins d'une heure sinon on n'a pas la capacité physique pour le faire. Et l'arrivée est très dangereuse car il faut escalader et il faut avoir gardé de la force. Un homme n'a pas respecté son renvoi au camp, il en est mort en avril dernier.

Après cette seconde grotte impressionnante, nous avons une vingtaine de minutes pour nous baigner. Je n'ai rien prévu mais j'y vais en culotte. Pas en soutien-gorge par contre, il est inadapté pour donc je ne me mouille que jusqu'au ventre, mais ça fait du bien. De toute manière ça sèche vite. Nous repartons vers le parc, dans ce sens là la rivière est bien plus praticable. Des enfants nous font coucou sur le chemin, il y en a même un qui imite le coucou de princesse et cela me fait bien rire. En arrivant je n'ai que 45 minutes pour manger car ensuite je vais au Canopy Walk.

Je retrouve un couple d'Espagnols francophones que j'ai rencontrés un peu plus tôt avec le couple de Français. C'est bien, je vais leur parler quand j'en ai envie. C'est encore Ritchie qui dirige le groupe, et sur le chemin il nous montre plein de petits insectes, surtout ceux qui se fondent dans le décor. Ce n'est pas une branche que j'ai prise en photo ... Il y a aussi des chenilles qu'il ne faut pas toucher sous peine d'avoir un rash, des cigales éléphants avec leurs petites trompes, des phasmes qui ressemblent à des feuilles, ce genre de trucs. Je me souviens de ce qu'avait dit un Anglais que j'avais croisé à Bako: on cherche souvent les grosses bêtes, mais pourtant dans la jungle on finit par s'intéresser à ce qui est tout petit, tout petit. Les panneaux explicatifs nous auront appris une chose: tout vole. Les écureuils, les grenouilles, les insectes branches, les insectes feuilles ...

Ce Canopy Walk est à 25 mètres au-dessus du sol, et il envoie plus que celui du Taman Negara! Il semble plus haut et surtout, nous traversons deux fois une rivière. Autant au Taman Negara il y avait des règles mais tout le monde s'en foutait, autant là nous les respectons scrupuleusement, et puis il n'y a que nous, le couple et une famille de Besançon, les grands-parents, le père et les deux enfants. Par contre ce n'est pas accessible sans guide, il faut obligatoirement payer. Mais ça vaut vraiment le coup! Je m'étais dit que je n'aurais pas dû prendre ce tour car j'en avais déjà fait, mais je ne regrette pas. Le guide nous stresse un peu car il commence à y avoir du vent qui fait bouger les ponts, et donc les arbres, il pleut des feuilles mais pas encore de la pluie. Au final pas d'orage, malgré le temps qui peut être très imprévisible.

Nous terminons tout cela vers 15h30, et nous ne sommes qu'à 20 minutes à pied de Deer Cave - inaccessible sans payer - mais à côté il y a l'observatoire pour la migration des chauve-souris en fin de journée. La famille me suit. Nous avions la possibilité de faire une boucle de 900 mètres de plus dans la jungle en retraversant la rivière. Malheureusement, nous sommes coincés 200 mètres plus loin par un arbre qui est tombé sur le chemin. Je pense passer par dessus, puis je me souviens que nous sommes dans la jungle et qu'il y a des chenilles qui piquent et des centipèdes venimeux. Nope. Retour en sens inverse, et chemin normal. J'arrive assez tôt sur les lieux, la famille manque de patience et part 20 minutes plus tard. Je pense qu'il va falloir attendre 18h, ce n'est pas grave, je me pose un peu pour écrire cet article. Mais des fois, on attend pour rien. Je me rends compte un peu trop tard que je n'aurai pas de Wifi ce soir car je n'ai pas acheté de code et le temps que je revienne, l'office du parc sera fermée de toute façon. Je n'avais pas prévu comme ça.

Les minutes passent: nous attendons un spectacle incertain qui n'a pas d'horaire précis. Il y a de plus en plus de monde qui arrive pour s'installer dans l'espèce de petit amphithéâtre. Pour l'instant, nous ne voyons que les oiseaux dans le ciel. Et vers 18 heures, comme quoi elles sont réglées comme du papier à musique, voilà des premiers groupes de chauve-souris. Je devrais probablement dire des formations, tant elles semblent organisées. D'abord des attroupements pour les éclaireuses, et ensuite des ondes comme des serpentins. Ce qui frappe, c'est la régularité de la formation, personne ne dévie, ce qui la fait ressembler au cours d'une rivière noire dans le ciel. Moi, ça me fait plutôt penser aux étourneaux, en moins bruyant et moins brouillon. D'abord intermittent, le flot devient maintenant continu! Et ce pendant une bonne quinzaine de minutes. Il y a 3 millions de chauve-souris dans cette grotte, il faut bien les sortir! Le spectacle se termine vers 18h30, tout le monde se met en marche. Au restaurant, je commande un Umai, qu'ils présentent comme un ceviche asiatique. Un petit goût de Pérou? Et bien un peu oui, mais aussi bizarre que cela puisse paraître, le vrai ceviche pique. Avec tout le citron qu'il y a, c'est un plat qui te désinfecte la bouche et te donne des brûlures d'estomac. Là, ça va. Ces Malaisiens et leur palais sensible! Je commande aussi des "ladies fingers" qui est le légume de la jungle, dans une sauce sambal (un peu) épicée. En fait je me rends compte qu'ils en mettent souvent dans les plats. Là avec le riz, c'est trop bon. Je ne tarde pas trop, car il y a énormément de moustiques ce soir, juste le temps d'acheter mes chaussures pour demain.

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Jour 3: Dans la roche et dans l'eau

Je suis tellement pas prête à mourir.

Sérieux, qu'est ce qui m'a pris de réserver ce trek à la vallée du Garden of Eden? Qu'il paraît que c'est physique? Et que ça va durer une bonne partie de la journée? Je m'imagine déjà à court de souffle en train d'escalader des rochers dans la jungle, transpirant toute mon eau, faisant attendre mon groupe. Et comment vais-je faire pour porter mon sac demain si je suis pleine de courbatures? Ah là là, quelle galère. J'aurais dû me la prendre plus cool. En plus, je me suis trompée d'heure et j'arrive trop tôt. Encore plus que prévu car le frère d'Helen m'a gentillement embarquée sur son scooter jusqu'au parc. Je patiente, encore endormie et un peu stressée. J'ai le temps d'aller chercher mon repas à emporter au restaurant. Et puis, l'heure arrive enfin. Nous sommes cinq, avec un couple d'Italiens et un couple d'Australiens, pour une fois je suis la plus jeune car ils doivent approcher de la quarantaine. Nous faisons connaissance avec notre guide Robbie, il a un nom plus long mais qui commence vraiment par "Robi". Les guides d'ici se présentent souvent sous des noms américains, Helen et Peter aussi maintenant que j'y pense. Je me demande si c'est le même phénomène qu'en Thaïlande ou à Taïwan, où ils se donnent des noms anglophones pour que ce soit plus facile pour les Occidentaux. Ça ne m'étonnerait pas. Dommage que je ne me pose la question qu'après coup.

Robbie me rassure en disant qu'en fait, le trek est surtout sur du plat, et qu'au final c'est assez facile. Nous ne marcherons qu'une heure d'affilée sinon nous ferons des pauses. Génial! Il n'est pas très bavard, cite souvent son père qui sait tout mieux que lui, mais il s'arrête pour nous montrer deux trois trucs sur le chemin. Comme l'histoire de l'arbre Benoît. Enfin, Benuang mais je n'arrivais pas à retenir autrement. C'est un arbre qui est chanceux car il est fragile. Oui, au moins personne ne l'abat car si l'on essaye de faire un bateau ou une maison avec, il sera mangé par les termites quelques semaines plus tard. Donc, le Benoît grandit, grandit, et c'est lui qui après devient un arbre immense, le "big tree" que j'ai pris en photo à plusieurs reprises déjà. Il nous montre aussi une petite grotte juste à côté du chemin, qui était utilisée pour enterrer les os des défunts. Seulement les os des bras et des jambes apparemment. Il nous parle aussi de quelques autres plantes dont je ne retiens ni le nom, ni la fonction. Nous arrivons ensuite devant l'amphithéâtre des chauve-souris, une petite pause et nous repartons pour d'abord visiter Lang Cave, du nom de celui qui l'a découverte. C'est une grotte assez réduite mais on peut y observer de belles formations, comme celle en forme de méduse. On y voit aussi des toiles de vers luisants qui n'ont pas besoin d'être luisants ici, car ils sont proches de la sortie de la grotte. Nous voyons aussi de belles draperies, résultat d'une sédimentation rapide.

Les choses sérieuses commencent avec l'entrée dans la Deer Cave, qui est considérée comme la plus grande grotte du monde ... à moins que maintenant ce ne soit celle du Vietnam? En fait, les géologues pourront certainement argumenter sur la Deer Cave, du fait de son volume, ou juste de sa hauteur, ou encore du fait qu'il s'agisse d'un passage et non d'une grotte fermée, donc en pinaillant il y a toujours de quoi la défendre. En tout cas on peut y faire entrer 2000 Boeing. Et peu importe si c'est la number one ou non, elle est vraiment démesurée. On se croirait sous un gigantesque dôme, comme une bulle de calcaire. Bien sûr les photos ne rendent rien, on ne se rend pas compte de l'espace. Ce ne sont pas les mêmes dimensions, mais je pense à la sensation de profondeur qui m'avait saisie au Grand Canyon. On en aurait presque le vertige inversé, ou l'agoraphobie au sens strict du terme (qui en vérité ne veut pas dire "peur de la foule" mais "peur des grands espaces" comme sur la place publique! Oui mais sur la place publique il y avait des gens, donc le sens a dérivé. Études de psycho!). Il en faut du volume pour contenir ces 3 millions de chauve-souris. Oui, alors, ça soulève un autre problème. Les chauve-souris ne vivent pas d'amour et d'eau fraîche, elles font caca. Elles font beaucoup de guano. Je ne sais pas si vous avez déjà senti la fiente de chauve-souris, mais sacrée odeur. Et encore pour autant de monde, ça reste supportable. Ce n'est pas fini. Nous traversons cette immense Deer Cave sur le chemin indiqué, puis nous bifurquons hors des sentiers battus. L'aventure commence, nous dit Robbie! Nous descendons la paroi, et je suis contente de mes chaussures à crampons qui ne glissent pas, même si j'étais perplexe au départ vu qu'il y a marqué "Bowling" dessus. Nous descendons sur les berges de la rivière, et nous pouvons voir au fond l'ouverture, où le soleil brille sur de beaux palmiers et de beaux bambous. Le Jardin d'Eden, là où nous allons. Mais avant cela, il faut traverser ce que j'ai appelé le Purgatoire, ce qu'ils devraient reprendre dans leur brochure. Je vous avais bien dit que j'allais mourir!

Il y a de gros gros cailloux, comme un éboulis. En fait, nous allons grimper dessus. Chouette! J'adore grimper et sauter sur les rocherd depuis que je suis petite! L'avantage de grandir près d'une rivière. C'est donc plutôt facilement que je passe cette épreuve, que je me glisse entre la roche, que j'agrippe les prises et les cordes pour escalader. Nous devons aussi nous faufiler en-dessous, mais nous n'en sommes pas à ramper. Franchement, ça va. Je me sens forte quand je me dis que d'autres n'y arrivent pas. Par contre, il y a un seul souci. À l'instant où nous démarrons, j'ai compris l'utilité des gants qu'ils vendent en magasin: le guano. Il faut mettre les mains dedans, il s'infiltre entre les doigts et sous les ongles. Il vaut mieux le faire sans y penser, en fait. Je respire par la bouche car elle va moins persister que si je respire par le nez. Après une vingtaine de minutes d'acrobaties, seconde épreuve: la traversée de la rivière. Tout habillés avec le sac sur la tête! Robbie est petit, l'eau lui arrive aux épaules, heureusement qu'il a un sac waterproof. Je suis la première à me lancer alors que les autres hésitent. L'eau m'arrive au niveau de la poitrine, le sac est sauf. Par contre il est difficile de sortir de l'eau car les vêtements sont lourds ... mais ça va. C'est plus rigolo que de s'être mise en maillot, ce qui aurait fait perdre du temps. Ok! Maintenant, la troisième épreuve va être un petit trekking de 30 minutes dans la forêt. Ça monte un peu par moments, bien sûr je peine comme d'habitude, mais une bouffée de Ventoline et c'est reparti. Ce n'est pas si terrible que ça.

Et nous voici à la cascade! Alors c'est vrai que jusque là, j'ai fait ma mauvaise tête. "Non mais je vais pas m'embêter à aller voir une cascade, j'en ai vu plein dans ma vie". Mais celle là, elle est belle, elle s'écoule dans une piscine naturelle surmontée de hauts arbres qui s'élancent vers le bleu du ciel. Par contre, ce paradis a un prix: il faut le partager avec des moustiques, des abeilles, et des sangsues dans l'eau. Cependant, je n'en ai pas eu! Tout le monde a préféré se baigner avec chaussures et chaussettes. Les bestioles tournent autour des vêtements mouillés, surtout des chaussures de rando qui sentent fort. Robbie me dit qu'en plus, les abeilles sont attirées par le répulsif à moustiques. Donc en fait, tu choisis entre te faire piquer et avoir une grosse cloque, et te faire piquer et avoir la dengue ou le paludisme. Super. Ça n'empêche pas (trop) de profiter de la vue, nous repartons par le même chemin une heure plus tard. Beaucoup plus facile dans ce sens. À la sortie de la Deer Cave, nous pouvons apercevoir une autre attraction qui la rend encore plus spéciale: le profil d'Abraham Lincoln!

Les autres vont rester pour voir l'exode des chauve-souris, comme il est assez tôt, moi, je rentre me doucher pour enlever tout ce guano qui colle et me changer pour des vêtements secs avant d'attraper des mycoses ou éviter que mes pieds chauffent trop. Sur le chemin du retour, je croise les Français et leur raconte mes aventures. Tout comme à Helen quand j'arrive. Je veux la payer maintenant pour voir combien il me reste d'argent, et la sentence tombe: je suis sérieusement à la dèche, il me reste 29 ringgits pour manger et prendre de l'eau, et autres. Il n'y a pas de distributeurs à Mulu! Pour la douche, il n'y a pas assez de pression pour me décrasser, je fais à l'asiatique: je remplis le seau et la coupelle, et je me verse tout dessus. Ça marche mieux, c'est agréable. Puis, je repars en direction du parc vers 17 heures: c'est bien, il fait moins chaud. J'essaye de grapiller de la Wifi mais aujourd'hui elle est encore plus capricieuse, je peux cependant souhaiter joyeux anniversaire à mon ami Alix et rassurer ma mère. Avec mon budget serré, je dois choisir entre bière et cigarettes. Je choisis la bière après cette longue journée. Le soleil se couche sur un ciel rougeoyant, je cours hors du parc pour en profiter, mais ce fut très bref. Je me restreins un peu sur la nourriture, je regrette de n'avoir rien vu venir et d'avoir bu des thés glacés et un smoothie à la banane. Surtout, j'en ai oublié de m'acheter un poster de Mulu.

Malgré toute cette marche, j'en ai encore à faire aujourd'hui: le Night Walk! Kathlyn est dans mon groupe, et notre guide s'appelle Stan. Il est spontané, il nous fait des blagues. "Vous entendez ce son, comme un violon désaccordé? Ben en fait c'est mon pote qui joue". En vérité il nous parle des insectes-feuilles, qui font ce bruit dans ils ouvrent leurs ailes. Sur la rambarde, nous voyons plein de choses, surtout des insectes-branches mais beaucoup plus gros et avec beaucoup plus de piquants que ceux que nous avons déjà vus de jour. On peut même en voir qui se reproduisent. Cette fois-ci comme j'ai ma lampe de poche, j'éclaire un peu partout. Quand j'éclaire, mon imagination me joue des tours. N'aurais-je pas vu quelque chose? Ah, non, c'était une feuille ... enfin, en était-ce vraiment une, en fait? Et ça, une branche, ou pas? Le truc avec la jungle, c'est qu'on ne sait pas où regarder. En haut dans les arbres? En bas dans les fourrés? Ou en face de soi pour ne pas se prendre une liane pleine de FOURMIS. C'est pour ça que nous avons un guide. Beaucoup d'insectes-branches, ce soir. Mais aussi de petites grenouilles et des geckos. Et une vipère! Sur une branche, c'est une vipère du Pape, apparemment. Et en passant la rivière, Stan nous chante "where do fishes get money? On the riverbank!", il me fait trop rire! Bon, ce Night Walk était très sympathique. Même quand on ne voit pas d'animaux, le concert de la jungle est très relaxant. C'était mon dernier avant ... Je ne sais combien de temps. Peut être plus jamais. C'est la pleine lune, nous rentrons avec Kathlyn pour ma dernière nuit ici.

C'était génial, encore une fois. Je suis toujours surprise par la jungle, qui compte dans mes endroits naturels préférés. Celle de Bornéo était vraiment intense, touchante. Impossible d'y rester insensible. J'espère avoir l'occasion de, plus tard, retourner encore dans la jungle.

28
juil

Jour 1: Miri

Aujourd'hui, pour cet épisode de mi-saison, c'est journée pause.

J'ai, pour la première fois depuis que je voyage, réservé un hôtel un peu sympa avec une piscine. Miri n'est pas une ville très touristique, c'est plutôt une ville de passage, entre Mulu, Brunei, Kuching et Kuala Lumpur. J'y ai atterri après le volle plus court de ma vie, seulement 30 minutes. De ce côté là, la jungle a malheureusement laissé place aux plantations de palmiers à perte de vue, mais vraiment. Ils ont dû déloger beaucoup d'orang- outans. À l'arrivée, pas de bus pour aller en ville. Heureusement, la famille de Besançon, toujours eux, m'appelle un Grab. Comme d'habitude. Je monte avec un chauffeur fort sympathique qui m'apprend qu'à Brunei, ils n'ont que de belles voitures. Les plaques d'immatriculation sont très similaires, je crois que la seule différence c'est que les autres commencent par un B. Lui, il est de Kuching, il est à Miri pour le travail.

Les grands champs d'huile de palme. 

Il me dépose à l'hôtel. À partir de là, je n'ai plus grand chose à raconter, j'ai même fait une pause dans les photos. La piscine était agréable, malgré le temps couvert. J'y étais seule à cette heure là, j'ai fait ce que je voulais. Le lit était très confortable. Je n'ai pas pu m'empêcher d'aller au centre commercial à pied, pour acheter deux trois choses. Il y avait un concours de danse/chant pour les enfants, c'était sympathique. Il y avait des petits qui en avaient marre et qui se traînaient par terre. C'est fou comme même au bout du monde, les enfants tendent à se comporter de la même façon. Pareil pour ceux qui courent dans tous les sens. Ceux qui crient, ceux qui pleurent. Nous nous faisons tous la guerre, mais nous sommes pourtant si similaires au début de notre vie.

C'est donc ma dernière journée en Malaisie! Qu'en ai-je pensé? Il faut séparer la Malaisie occidentale de Bornéo, car ils sont très différents. J'avais lu quelque part que la Malaisie de l'Ouest était le Yin, et Bornéo le Yang.

Commençons par le continent, et pour être franche: c'est ennuyant. Ne montez pas tout de suite au créneau en me disant que je suis difficile, laissez-moi vous expliquer! Je n'ai eu de cesse de voir des slogans aguicheurs, comme "Fantastic Malaysia" ou encore "Malaysia, truly Asia". Il est vrai que la Malaisie est intéressante et variée de par son métissage, mais pour moi ce pays ne peut pas représenter l'Asie. Pour moi, l'Asie du Sud-Est c'est la fourmilière de Hanoï, ce sont les temples dorés de Bangkok, c'est le joyeux bordel de Ho Chi MinhVille, ce sont les routes défoncées du Laos, les conducteurs de tuktuks hurleurs de Phnom Penh qui zigzaguent entre les voitures et les coutumes étranges de la Chine. Je disais au départ que l'Asie prenait par les sens, et ici ce n'est pas le durian qui va me la faire. Singapour m'a étonnée, dans la torpeur du jet-lag, et malgré leur rectitude c'est la Malaisie que je trouve trop sage. Le ton est bas, il y a de l'énergie mais elle n'est pas dégagée de la même manière, elle semble discrète. Code de la route respecté, si ce ne sont les limitations de vitesse. Routes un peu cabossées à la limite. Les prix sont fixes, on ne joue pas avec le vendeur dans une quelconque partie de marchandage. Le paysage, j'en ai je pense bien donné l'impression pesante, manque d'originalité de par la main de l'homme qui le façonne rectilignement. La nourriture elle-même, bien que bonne et variée, manque de piquant. Alors, ai-je aimé la Malaisie occidentale? Oui, mais elle n'a pas réussi à m'entraîner dans un tourbillon passionnel comme je l'attendais. En revanche, Bornéo était différent, de par les expériences intenses qu'on peut y vivre, comme vous l'avez lu dans mes précédents articles. Voilà, c'est ça que je voulais. De nouvelles choses, de l'extraordinaire. Le continent m'avait endormie, Bornéo m'a réveillée.

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Jour 2: Brunei Darussalam

Quelque chose m'échappe. Les Brunéiens ont de belles maisons, et effectivement de belles voitures. Sauf que ces belles voitures roulent sur des routes pourries! Elles sont pires qu'en Malaisie! Étonnant pour un pays aussi riche. La frontière aussi, c'est quelque chose. Il faut vraiment s'y connaître pour s'y retrouver avec ces voies qui mènent on ne sait où, qui retournent dans l'autre sens, qui partent à gauche, à droite ... Après nos petits tampons règlementaires, un douanier jovial monte dans notre bus pour nous demander si on a quelque chose à déclarer, comme par exemple de l'alcool, surtout de l'alcool, c'est interdit à Brunei. Parce que Charia. Ouh là là, heureusement que je ne m'y éternise pas! Ça ne les empêche pas d'avoir des problèmes avec la circulation. Nous continuons notre routevers la capitale qui a peut être le plus long nom international du monde, Bandar Seri Begawan, abrégée BSB ou Bandar.

Brunei est un pays à PIB par habitant fort, ce serait le pays d'Asie avec le meilleur niveau de vie. Leur richesse vient du pétrole, et on localise souvent le pays du côté des Emirats. Il était sous domination britannique, il fait toujours partie du Commonwealth qui est en accord avec la monarchie qui s'y est installée. Une rébellion a eu lieu dans les années 60, forçant à déclarer l'état d'urgence qui consiste à donner les pleins pouvoirs au Sultan. Bizarrement, ça continue. Il contrôle les médias, peut envoyer des journalistes en prison, peut faire flageller les gens ou couper des mains au nom d'Allah, seulement pour la population musulmane c'est à dire les deux tiers du pays. Joli, tout ça. Il est aussi interdit de promouvoir Noël. Sachant tout ça, à vivre ça nous donne quoi?

Je vais le dire toutde suite mon ressenti: Brunei, c'est spécial.

Quelque soit le sens dans lequel vous avez compris "spécial", vous avez raison. Les deux opposés s'appliquent, il y a du bon et du mauvais. Le bon ne concerne pas la législation bien sûr, on ne le trouve pas sur une page Wikipédia. En arrivant dans la capitale, je me suis tout de même demandée où j'étais tombée.

Ma première impression, c'est qu'il s'agit d'un endroit très vert. De loin, on voit beaucoup d'arbres, et des bâtiments en émerger. Ils sont en fait assez espacés entre eux. Et au coeur de la ville en revanche, de grands blocs d'immeubles, de longues rues larges et droites. Mais surtout, le soleil écrase les trottoirs, et il y a très peu de monde. Chaque bruit semble amorti, l'ambiance est très feutrée. Il est midi, où sont-ils, ils font la sieste? Non, ils sont ailleurs. Ce n'était pas du tout prévu, mais il s'est passé un truc.

J'AI VU LE SULTAN DE BRUNEI, QUOI.

Mon premier dictateur. Le type sur les billets, celui qui fait couper des mains. Je reste 6 heures de ma vie à BSB et voilà ce qu'il se passe. En fait, c'est son anniversaire aujourd'hui, 72 ans. Heureusement qu'il y a des photographes autour de lui et des gens qui font des selfies avec, j'aurais pu passer à côté de lui sans le savoir. Surtout que tout le monde s'est mis sur son 31, et lui, il est décontracté, avec ses lunettes de soleil et sa chemise à motifs. Ce n'est pas le Roi de Thaïlande, mais presque. En tout cas, je m'amuse de cette coïncidence. J'ai été physiquement plus proche du Roi de Brunei que du Joueur du Grenier. Je n'ai vu son nom nulle part, il n'est désigné que par "Sa Majesté". A-t-il au moins un prénom? Quel peut-il bien être? Kévin? En fait j'ai appris plus tard qu'il s'appelait Hassanal Bolkiah Mu'izzaddin Waddaulah ibn Al-Marhum Sultan Haji Omar Ali Saifuddien Sa'adul Khairi Waddien Sultan and Yang Di-Pertuan of Brunei Darussalam et j'ai compris pourquoi on l'appelait "Sa Majesté".

Et comme il est très gentil, même s'il fait couper les mains des journalistes, il offre ce jour là à manger à tous ceux qui viennent le voir. Dommage, j'ai déjà déjeuné. Des calamars frits avec du poivre, de l'ail, du riz, et une soupe offerte, c'était délicieux. Mon souci principal, c'est qu'il n'y a pas de consigne au terminal de bus. Je vais donc me promener avec mon sac de 13 kilos toute la journée. Mais le ciel commence à se couvrir, c'est un peu plus agréable pour marcher. Je ne pourrai entrer dans la mosquée Sultan Omar Ali Saifuddien qu'à 13h30, après la prière. Je fais un tour près de la rivière Kedayan, pour voir le village flottant. L'heure arrive, je me rapproche et je me fais accoster par pas mal de monde. En fait, les Brunéiens sont très accueillants, ils ont l'air ravis que des Blancs viennent visiter leur ville. Il y a des touristes qui se font prendre en photo, moi on ne me propose pas, avec ma tête de chouette due à ma nouvelle coupe. Mais on me dit bonjour, on me demande d'où je viens, avec le sourire. Je me fais féliciter à chaque fois pour la Coupe du Monde, merci, merci, je l'ai méritée. Je suis un peu en avance, les gens de la mosquée sont d'accord pour que je laisse mon sac en attendant de pouvoir entrer. J'en profite pour aller prendre de l'eau offerte par le Sultan. Et là, qui je vois? La famille de Besançon! Ils me poursuivent, à moins que ce ne soit moi. Je vais leur dire bonjour, et je les laisse tranquilles pour ne pas trop les accaparer non plus. J'entre donc dans la mosquée, mais en vérité, on ne peut pas aller bien loin. C'était un peu inutile. J'ai tout de même pris une photo discrètement sans en avoir le droit.

Il me reste beaucoup de temps à passer encore, et je souhaite aller au Palais Nurul Iman. J'ai téléchargé la carte des bus, je peux les prendre du 42 au 49 sauf le 43, pour m'y rendre. Je saute donc en toute logique dans le 46. C'est un tout petit bus, presque un van, il fait rustique, j'adore. Et en fait, surprise: il ne suit pas du tout le chemin indiqué. Ma carte n'était peut être plus à jour? Brunei étant un très petit pays, nous nous retrouvons proches de la frontière malaisienne. Oui, je me suis trompée, mais il vaut mieux que je reste dans le bus qui ensuite refera le chemin en sens inverse, plutôt que de descendre et de rester perdue au beau milieu de nulle part. Surtout que le tonnerre gronde ... Et il commence à pleuvoir. Bon et bien, j'aurais perdu 1h30 à me promener dans la campagne. C'est très similaire aux voisins, bien sûr. J'explique ce qu'il s'est passé au chauffeur, ça ne le dérange pas. Il me dit que j'aurais dû emprunter le 45. C'est ce que je fais au retour du terminal. Le chauffeur m'arrête, enfin, devant le Palais mais ... Il est fermé, comme c'est l'anniversaire du Sultan! Il aurait pu me le dire. Le chauffeur, pas le Sultan. Heureusement que l'orage s'est calmé.

Bon, et bien je vais aller à la mosquée Jame As'r, une des plus belles du pays. Il me reste du temps. Je prends un 45 dans l'autre sens et j'ai vu que je pouvais éviter de retourner au terminal. Sauf qu'en fait, ce n'était pas trop ça. Je pouvais apparemment prendre le 01 en direction de la mosquée depuis là où j'étais. Je paye quand même le chauffeur du 45. Un autre bus arrive, je demande s'il va à la mosquée, il me dit oui ... Mais en fait il me ramène au terminal. Allez, encore un dollar à donner ... Et troisième fois au terminal. Je connais la route par coeur maintenant. Je finis par monter dans ce 01, qui est en fait une ligne circulaire. La jeune fille qui s'occupe de donner les tickets est très gentille, elle me dit même que je suis belle, ce à quoi je réponds "you too". Nous passons maintenant devant un centre commercial. Tous les panneaux sont aussi écrits en arabe, la langue officielle étant pourtant le malais. Finalement, je me fais déposer à la mosquée, et avec tout cela il est 16h30.

Bon, c'est vrai, elle est magnifique! Mais mauvaise surprise, l'homme à l'accueil me montre qu'elle est fermée. Quel dommage! Je monte quand même discrètement les escaliers pour prendre des photos, mais il me voit. Il me dit de partir. J'insiste en disant que je ne fais que prendre des photos et que c'est la seule occasion de ma vie. Il n'est pas content, il râle, mais il n'est pas méchant. Je n'abuse pas jusqu'au bout, je fais vite, je l'ai déjà un peu soûlé et j'espère qu'il ne va pas se faire couper un doigt. Je m'émerveille de cette architecture, jusque là je n'ai vu que peu de mosquées ouvragées, juste celle de Kuala Lumpur. Je ne traîne pas trop, il faut bien que je reprenne, encore une fois, le bus pour retourner une dernière fois au terminal!

Heureusement que je l'ai aperçu car il est arrivé d'un autre endroit. Je lui fais coucou de loin, heureusement il s'arrête, et m'attend. Hop, je saute dedans. Je demande quel bus va à l'aéroport, le 23 ou le 24, il vaut mieux demander. Ils sont là tous les deux, le 24 est le plus rempli, je redemande au chauffeur. Et bien, j'en aurais fait, du trajet, aujourd'hui! J'aurais vécu Brunei par l'asphalte. Mais je suis contente de cette expérience, malgré tout, cela valait le coup de sortir des sentiers battus et de découvrir d'autres choses. Le peuple n'y est pour rien dans l'instauration de la Charia. Je n'y aurais cependant pas passé trois jours. J'ai vu une vidéo de promotion où une jeune fille dit "on raconte que le pays n'a pas de vie nocturne du tout, mais en fait, il y a toujours la nourriture, et d'autres choses à faire la nuit" et sur ce, elle peint. Oui, bon, Brunei peut être décrit comme un paradis inconnu des touristes de par ses plages et ses parcs nationaux, mais cela ne correspond pas à la vision que je m'en fais s'il n'y a pas de bière et si on peut se faire flageller si on en boit. Par contre il est vrai que la gastronomie est un point fort.

Sur ces réflexions, me voici à l'aéroport. Je vais d'abord me débarrasser de mon sac, ce que l'employé du comptoir comprend très bien, et nous rions ensemble. Ces Brunéiens me mettent vraiment du baume au coeur! Et en parlant de cela, ce n'est pas fini: il y a un buffet à volonté. J'ai très faim, je me l'accorde. C'est très bon ce qu'il y a! Je goûte une sorte de boisson à la rose, et je me fais plaisir sur les desserts. Il y a de la pâte de tapioca je crois, caramélisée, c'est délicieux. Il y a aussi plein de petits gâteaux. Je m'explose le ventre, surtout que je crois qu'il fallait payer en plus pour un repas dans l'avion. Ça fait vraiment du bien. Plus que repue, je vais maintenant dans la salle d'embarquement. Il y a énormément de monde dans cet aéroport! Tout le monde est entassé. Quand je demande pourquoi, on me dit qu'ils attendent le vol pour La Mecque car demain il y a la grande bénédiction apparemment. Je me faufile, et vais m'installer devant ma porte pour Bali. Je suis vraiment impatiente! Je regarde un petit garçon qui court dans tous les sens, espionnant des vendeurs, et il fait rire tout le monde. Moi, attendrie, je lui fais signe d'essayer de se rapprocher plus près. Et pendant ce temps, je commence à rêver à ma prochaine aventure indonésienne.

30
juil

Arriver à Bali, ça se mérite. C'est une quête où la patience est toujours mise à l'épreuve. Déjà, le vol depuis BSB a pris 35 minutes de retard, ce qui est d'autant plus embêtant que l'on part de nuit. Mais depuis la salle d'embarquement, on peut voir l'avion, les gens descendre, le pilote et SA co-pilote quitter le cockpit ... Ce n'est pas une attente interminable et nous embarquons. Il y a énormément de Chinois sur ce vol, je pense qu'ils sont en transit ici car il y a des vols pour Shangaï et une autre ville en -zhou. Lorsque nous décollons, je peux voir les plateformes pétrolières de Brunei sur la mer. Puis, cap au Sud, nous allons tracer une ligne presque droite au-dessus de Bornéo. L'île est grande comme deux fois la France, il faut donc du temps pour la traverser. Mais quand même, nous voici au-dessus de la mer de Java. Les premières îles indonésiennes apparaissent, les lumières des villes au bord de l'eau sont comme des rivières argentées. Et puis soudain ... La côte nord de Bali. Je ne sais pas si c'est le mont Agung que je peux voir au loin, mais il s'est tenu tranquille et j'en suis reconnaissante. Mais à ce moment là, au lieu de tourner vers Denpasar, la capitale de l'île, le pilote nous annonce que nous allons devoir tourner sur nous-mêmes pendant une dizaine de minutes, le temps que la piste se libère. C'est donc deux tours plus tard que nous reprenons enfin notre cap. Nous survolons maintenant la mer de Bali, et nous rapprochons de l'eau. On dirait que l'on va amerrir! Mais la piste se matérialise sous l'avion.

Bon, maintenant que nous sommes à terre, j'aimerais bien ne pas trop traîner, il est minuit et demie. Les Chinois ne sont pas très organisés. Mais il nous faut encore monter dans un bus, passer l'immigration et ... Oh. Il y a au moins 1 000 personnes dans ce hall, qui attendent le petit tampon. Plusieurs files d'attente ... Il me faudra, je ne sais pas, 45 minutes supplémentaires peut-être. Au moins, les bagages sont déjà arrivés. Mais si tu crois que c'est fini, jamais: il faut passer la douane. Dans l'avion ils n'ont pas pensé à nous donner ce petit papier. Je le remplis rapidement et ... Oh non, un flot de Chinois collés les uns aux autres me passe devant alors que j'étais seule! Pas question, je triche. Enfin, je suis dehors. Maintenant il me faut un taxi, et je ne connais rien aux roupies indonésiennes. Juste que mon hostel m'a dit 200 000 (200k) pour aller à Canggu. Alors quand un chauffeur me propose 700k, je lui ris au nez et je lui fais clairement comprendre que je n'aime pas qu'on se foute de moi. Un autre plus raisonnable me propose 250k. Je n'ai pas envie de me prendre trop la tête, j'accepte, de toute manière je n'ai que 300k sur moi de quand j'ai changé mes dollars de Brunei, et il va me falloir de l'eau. Il est compréhensif. Comme il est 1h30 du matin, il n'y a pas de bouchons, fort heureusement, malgré tout ce monde qui débarque la nuit à l'aéroport. Le trajet paraît long, tout de même. Cette partie de Bali, ce sont de petites routes, des rues qui y sont perpendiculaires et qui souvent sont des culs de sac, donc tout le monde doit se retrouver au même endroit pour circuler. Et enfin, j'y suis! Il est 2h du matin et la sécurité me fait un rapide check-in, et m'offre de l'eau que je réclame car le frigidaire est cadenassé. J'ai quand même le courage de prendre une douche. Par contre, ce sont trois lits superposés et j'hérite de celui du milieu, le plus galère. Mais les draps sentent bons, c'est confortable ... On verra demain!

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Jour 1: Seminyak

L'hostel n'est pas vraiment comme je l'imaginais. Il y a bien une piscine, mais elle est au bord de la route. Bon, heureusement ce n'est pas une rue très fréquentée. Nous sommes au bord d'une petite rizière et c'est joli. Il y a quelques restaurants autour, mais pas de distributeur et je n'ai pas d'argent. Mais en fait, je n'avais pas fait le check-in qu'il fallait, et on me donne une carte à scanner pour chaque achat, je payerai à la fin. Pratique! Mais la nourriture est un peu chère et peu copieuse ici. Ça dépanne. Par contre, le site web annonçait des cours de surf et de yoga gratuits ... Qu'ils ne font plus depuis 4 mois. Je crois qu'ils se sont faits racheter. Je suis un peu triste mais il s'avèrera que le temps passera tellement vite que je ne sais pas où j'aurais pu les caser. À 14 heures, je prends possession de mon copain pour 8 jours: mon scooter. Ni une ni deux, je l'enjambe et je vais voir la mer. La plage n'est pas si belle ... Ils font des travaux pour faire une promenade. Il y a une sorte de brume qui l'entoure, faite de vent et d'eau. Et puis les vagues sont immenses, ce n'est pas du surf pour débutants! Pas trop de regrets, donc. Maintenant, je repars de l'autre côté car je veux me rendre à Seminyak, pour un magasin local que j'ai connu à Londres, et pour aller voir un autre temple.

Cela implique d'aller prendre la grande route. Beaucoup de gens refusent de louer un scooter car ils ont peur des accidents. Et ça se comprend ... C'est un vrai bordel avec tous ces scooters dans tous les sens et les voitures qui les doublent. D'ailleurs c'est l'heure de pointe. Il faut faire son propre chemin pour ne pas se faire écraser, et même si cela recquiert une très grande concentration, j'attendais pire. En restant sur la gauche de la gauche, pas de souci. Pour tourner c'est un peu plus compliqué, mais je crois qu'ils me repèrent et sont indulgents. Je m'arrête prendre de l'argent, ma carte est refusée à plusieurs reprises, souci de plafond (ils m'enverront un mail le lendemain en pensant qu'elle avait été piratée), mais j'ai mon autre carte. J'aurais plutôt dû changer des euros que j'avais avec moi pour ce cas de figure, mais tant pis ... Je fais mettre de l'essence dans leurs toutes petites pompes. Finalement, il commence à y avoir des bouchons, et je remonte la file comme les locaux, toujours en faisant attention. Il me faut peut-être 30 minutes pour arriver au magasin, en comptant les arrêts pour me repérer. Puis 10 autres pour arriver au temple, Pura Petitenget. En fait, il y en a énormément, dans ma rue il y en a facilement une vingtaine. Je les trouve magnifiques, j'ai envie de m'arrêter à chaque fois pour prendre des photos. Parfois, devant une belle entrée, mon coeur bondit, et c'est donc souvent. Incroyable de vivre dans un tel décor, même si je pense qu'on en prend l'habitude! Mais on ne peut pas entrer dedans, seulement les gens qui viennent prier. Ça se comprend, ce serait envahi de touristes.

Je suis très proche de la plage, je vais donc y faire un tour. Il ne fait pas très chaud ici, à peine 27 ou 28 degrés - c'est l'hiver! C'est l'hémisphère Sud! - et il y a beaucoup de vent qui vrombit dans mes oreilles quand je conduis. Pas les conditions optimales pour une baignade! Il y a beaucoup de roulis ici. L'eau se retire à plusieurs mètres avant de déferler presque d'un seul coup. Première vague: de l'eau aux chevilles, seconde vague: de l'eau aux genoux. Mais ce faisant, lorsque l'eau s'en va, elle laisse un miroir sur le sable, ce qui est très joli. Ici, le sable est à la fois noir et doré. Des gens sont tout de même installés pour bronzer, tandis que des vendeurs font voler des cerfs-volants en forme de bateau (de caravelle même) dans les airs, et que les vendeuses tentent de vendre leurs sarongs.

Retour à l'hostel pour une soirée beer-pong, encore, en compagnie d'Anika, une Allemande très gentille et très sociable qui est venue me parler. Elle travaillait dans une agence immobilière qui s'occupe de caser les SDF et les migrants de Syrie. Beau travail, mais certainement difficile, quand on écoute leurs discours. Nous gagnons le premier match, nous perdons le suivant. Je rencontre aussi un Français et un Saoudien de Californie qui sont partis dans un bar pendant notre partie. Ils me proposent de les rejoindre, mais je n'ai jamais trouvé le raccourci pour y aller et je ne veux pas conduire le scooter alors que j'ai un peu bu de bière. Tant pis!

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Jour 2: Mengwi et Tanah Lot

Une petite baignade dans la piscine pour commencer la journée, bien que l'eau soit fraîche. Comme j'ai faim, je pars en exploration un peu plus tôt que je ne le pensais. Sur le chemin, je m'arrête manger dans un petit restaurant indien. Une spécialité du Kashmir, Rojat Josh à l'agneau, quelque chose comme ça, avec un naan et un lassi, la totale. Je prends des photos des temples qui m'entourent, et des enfants demandent à ce que je les prenne aussi. Surprise en regardant les photos, il y en a un qui fait un doigt d'honneur, ça me fait rire.

J'ai décidé d'aller visiter le temple de Mengwi, à 14km au nord de Canggu. Cela va me permettre de repérer la route pour Bedugul demain. Je ne suis pas forcée de prendre la grande avenue, et je passe par un endroit moins fréquenté. La route traverse les rizières et les bananiers, et je peux plus facilement regarder le paysage. Les gens derrière me klaxonnent souvent, mais tant pis. Ils doivent se dire que les Blancs abusent à conduire des scooters ici alors qu'ils ne le font même pas chez eux. J'arrive finalement sur un grand carrefour, la circulation est bien plus dense. C'est compliqué quand je dois tourner à droite, j'ai failli rater mon embranchement, et je préfère me positionner dans la rue à ma gauche pour ensuite aller tout droit. Le tout pour le tout au moment de traverser, comme une petite fille à mes côtés qui court pour ne pas se faire écraser. Même combat. J'arrive enfin à Mengwi, où il faut garer mon scooter. Il y a des corrompus, enfin je veux dire des policiers, qui surveillent. Je n'ose même pas leur demander si je dois payer, j'ai peur qu'ils m'arnaquent. Je m'éloigne du scooter, ils ne me disent rien. Je demande à l'entrée du temple, ils me confirment que je dois payer. S'il faut, les policiers attendaient de pouvoir me mettre une amende. Je ne leur demande même pas à eux, je demande aux gens à côté où je dois payer. Je trouve la personne en question, je montre mon ticket de loin aux barbouzes, et c'est parti pour la visite.

Mengwi était un royaume jusqu'en 1891, où Denpasar a annexé la province, après de longues querelles de territoires entre les royaumes voisins. Le nom du temple que je visite est Pura Taman Ayun, qui est un temple ancestral de la famille royale. Cette dernière continue toujours d'entretenir le temple.

Là non plus on ne peut pas rentrer dans le temple, on peut voir les pagodes de l'extérieur. Je ne comprends pas grand chose à comment c'est organisé. Il y a des autels un peu partout, des statues, d'autres sculptures, avec parfois peu de sens de la perspective. Mais j'aime vraiment le style, de briques et de pierres. Il est largement inspiré de l'architecture hindoue.

En effet, les Balinais se déclarent hindous à 93%, et non bouddhistes comme on le pense souvent, puisqu'on a l'image d'une île zen. Cependant, cette affirmation divise les ethnologues. En effet, il semblerait qu'il existe une religion javanaise et balinaise à part entière, un peu différente de l'hindouisme, mais cette dénomination viendrait plutôt des Hollandais qui avaient conquis l'île et projeté un nom connu sur des pratiques similaires. Des communautés de Bali conservent une religion pré-hindoue, ce sont les Bali Aga, qui pratiquent l'Agama Tirta (la religion de l'eau). Mais on retrouve tout de même des traces de l'ancienne culture balinaise dans la représentation de Barong (la photo du blog). C'est un lion géant chef des Forces du Bien, qui danse pour défaire le mal. Dans d'autres régions, il peut être un tigre, un sanglier, un dragon ...

C'était intéressant, c'était joli, maintenant je repars en sens inverse pour aller visiter un autre endroit plus proche de mon point de chute: Tanah Lot. C'est un temple au bord de la mer, battu par les vents et les vagues. Pour y accéder, je dois prendre un bon bain de vapeurs de diesel et de chaleur humaine. En arrivant, il faut se garer à l'entrée d'allées qui vendent plein de souvenirs. On arrive au temple en descendant des escaliers et en passant une porte qui donne sur la mer. C'est impressionnant, c'est mystique, et ce serait probablement mieux sans tous ces gens qui se pressent sur les rochers découverts à marée basse. Je me demande comment personne ne glisse dessus, je me suis rattrapée à deux reprises. Tout le monde y va de sa photo, de son selfie, je ne comprends pas l'intérêt de faire ça quand il y a autant de monde en arrière plan. Ce ne serait pas le cas, d'accord, mais là ça se transforme en partie d'Où est Charlie. Ajoutons à tous ces touristes les brahmanes ou équivalents, qui surveillent l'entrée du Temple. Si on veut en faire le tour il faut se faire bénir, oui, mais après donation. Non ce n'est pas cher, mais non je n'aime pas le principe de nous faire cracher notre argent. J'ai déjà payé l'entrée juste avant de me garer. Donc, ce n'est pas grave on le voit de loin. En face, il y a une petite grotte où se trouve le "Saint Serpent" à qui il faut faire une petite donation encore. Je pense que ce n'est qu'une statue, et là c'est encore pire car les religieux n'ont même pas à lever le petit doigt. Alors non, encore moins. Je me pose un peu pour regarder les vagues qui se jettent sur les récifs puis, fatiguée, je m'en vais. Je n'ai pas le courage d'acheter des souvenirs ou d'essayer des pantalons maintenant, il y en a trop et je pense pouvoir trouver plus au calme à Ubud.

Donc je rentre, pour une autre soirée tranquille avec Anika avec qui je suis allée manger une bonne pizza, et aussi George un Anglais et Yann un Bolivien Belge qui vit en Allemagne, sacré mélange. Bien sûr, je lui raconte la Bolivie, et le stage de survie à Uyuni. Mais aussi les bons moments à La Paz. Nous parlons d'Evo Morales, bien sûr il a une opinion dessus, il est Bolivien et les Boliviens sont quand même très politisés, il n'échappe pas à la règle. Conversation intéressante! Nous jouons encore au beerpong mais nous perdons. Je n'arrive pas à me rendre compte que ça fait déjà deux jours que je suis là, le temps passe trop vite en scooter.

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Jour 3: Road trip à Bedugul

Aujourd'hui, petite appréhension au moment de quitter l'hôtel : je vais faire beaucoup de route. Je ne me force pas, mais j'espère que cela va se dérouler comme je le prévois à peu près. Je dois d'abord arrimer mon sac à l'arrière du scooter avec des cordes élastiques. Premier système un peu au pif. Je démarre, pour l'instant ça va. Je tourne à droite, le sac bascule sur le côté. Je n'allais pas vite pour tester donc je ne tombe pas. Je le remets tant bien que mal, je vais aller doucement. Je n'ai plus d'argent, comme d'habitude - je ne peux jamais retirer beaucoup - et je me dirige vers l'ATM de la dernière fois. Mauvaise surprise: il est éteint. Je continue sur la grande route qui n'est pas du tout mon itinéraire dans l'espoir d'en trouver un, mais je fais du trajet inutilement, je commence à être agacée. Mais tout à coup devant moi, des gens s'agitent au bord de la route: un accident! C'est une fille qui est tombée de son scooter (comme moi au Laos mais sans poulet) en plein milieu des voies. Elle s'est râpée la jambe superficiellement mais sur une grande portion. Elle est sous le choc, mais ça aurait pu être pire. Conduire en salopette-short, c'est vraiment une très mauvaise idée. Après m'être assurée qu'elle allait bien, je suis prête à laisser tomber mon histoire d'ATM quand j'en vois un dans un magasin qui change aussi de la monnaie. Ma carte est encore refusée ... j'utilise donc mes euros pour les transformer en roupies. Puis je vais mettre de l'essence, j'ai encore oublié de prendre la pompe en photo mais sur le moment je n'y ai pas pensé, trop occupée par mon sac qui se fait la malle. J'essaye d'une autre manière, ça tient un peu mieux. Je prends la route d'hier, mais bifurque après Mengwi pour en prendre une moins fréquentée. Il y a des nids de poule, le sac est déséquilibré. J'essaye un autre système, et ça y est je crois qu'on y est! J'aime beaucoup cette route, elle quitte les aires urbaines pour offrir un paysage plus rural. Par contre, il y a de sacrées montées, vu qu'il faut prendre un peu d'altitude. En ça se sent: il fait soudain 3 degrés de moins, et j'ai froid sur mon scooter qui fend le vent. En plus, je me rapproche des nuages très gris. Quel dommage.

J'arrive à Bedugul un peu gelée, mais cela va de suite mieux quand je m'arrête, et que je vais au restaurant. On va goûter un poisson du lac Beratan: un gurami, sauce pesmol. C'est vraiment bon! Et les gens du restaurant sont d'accord pour garder mon gros sac et mon scooter pendant que je visite le temple pour lequel je suis venue: le Pura Ulun Danu Beratan. Le nom ne vous dit rien, mais l'image si: c'est une petite pagode au bord du lac qui est un peu l'emblème de Bali, je l'ai vu ces derniers temps sur les paquets de Fitness et tout autre marque qui fasse gagner un voyage à Bali. La différence c'est que sur ces photos il fait beau, alors que là il se met carrément à pleuvoir. Comme je dis quand il fait moche, "ça donne un côté mystique au lieu", mais bon j'aurais aimé que ce soit plus agréable. Mais après tout, c'est un temple de l'eau!

L'orage se rapproche, et j'ai de la route à faire. C'était à voir, malgré le temps, et c'est quand même toujours sympathique de voir en vrai un monument qu'on a vu à plusieurs reprises en photo. Je pourrai dire "j'y étais, j'y suis allée en scooter en au retour je me suis pris la pluie dans la gueule pendant 15 minutes sur une route pleine de virages". Heureusement que j'ai un poncho et une housse pour le sac! Finalement la grande route n'est pas mal, je reviens vite à une température acceptable. Je ne me rends pas compte tout de suite mais dans les lignes droites, je suis à 60km/h, quand même! J'ai envie d'aller me poser à Ubud, ma prochaine étape, que vous allez bientôt découvrir après mes 100km à scooter d'aujourd'hui.

1
août

Ubud, c'est vraiment le paradis des bobos.

C'est la quintessence de Bali. C'est un condensé de clichés hipsters à chaque rue du centre-ville. Il y a une rue pour tous les restaurants à touristes tous aussi mignons les uns que les autres. J'ai mangé dans une crêperie bio assise sur des poufs, autour de mots inspirants comme "Live, Love, Enjoy", juste à côté du restaurant veggie qui sert de la nourriture bio et des jus détox, comme une dizaine d'entre eux. Plein de petits cafés aussi, des bars, qui soignent la présentation avec des lanternes, des guirlandes, des bougies. Il y a des cours de batik, de sculpture, de yoga, il y a des spas pour se faire des moments détente, il y a des chauffeurs de taxi qui racolent, il y a des boutiques de vêtements tous les deux mètres, de magnifiques temples et palais dans lesquels il y a des spectacles de danses balinaises le soir. Mon hostel appartient à une famille qui a son propre temple dans la cour.

J'adore. Même si mon argent part vite, j'adore.

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Jour 1: Yoga, gruge et étonnement

Comment ces trois mots peuvent-ils aller ensemble?

Réveil dans le dortoir en compagnie d'une Allemande, une Autrichienne et Jess l'Anglaise (je ne connais que son prénom à elle), qui est branchée yoga et qui est ici exprès pour ça, avant de repartir en Angleterre écrire des scripts pour la télévision. Les filles déjeunent avant moi sur notre petite terrasse car je suis restée un peu plus au lit. Je vais commander un pancake à la banane, qui est vraiment délicieux, et je m'empresse de donner mon linge sale qui date de Mulu, avant que mes chaussettes encore mouillées (mais sous vide) ne prennent vie. Il y a de la musique zen qui passe toute la journée dans le patio, pendant que la famille fait son rituel dans son temple personnel. Il y a quelques personnes à la piscine qui est fort agréable, mais malheureusement il fait un peu froid pour moi.

Je vais me sevrer du scooter pour la matinée et je pars à pied explorer le centre-ville, ses restaurants et ses boutiques hipsters mais surtout son Palais Royal. Petit par la taille, grand par l'art. J'achète un billet pour un spectacle de danse qui va avoir lieu ce soir, "jeudi seulement", quelle chance que l'on soit jeudi! (J'ai appris ensuite qu'il y avait différents spectacles presque tous les soirs et que j'aurais dû préférer celui de vendredi).

L'Allemande m'a parlé de la Yoga Barn, un espèce de grand complexe où il y a des cours de yoga toute la journée. Pas besoin de réserver, on vient à l'heure indiquée sur le planning à condition qu'il n'y ait pas trop de monde. J'ai choisi de participer à l'Intro au Yoga, car ce n'est pas en ayant fait un cours il y a longtemps à la fac que je peux prétendre m'y connaître. N'étant pas souple, je n'avais pas gardé un très bon souvenir de ce cours. Mais bon, je suis à Bali, et s'il y a un endroit pour retenter l'expérience, c'est bien ici. Je surveille l'heure et je vais manger un Gulai Babi, du porc dans une sauce au curry et à la citronelle, avec probablement d'autres épices. Le goût est délicieux!

Oh mais le temps presse, je suis un peu à court, je vais devoir prendre mon scooter pour y aller au lieu de marcher 20 minutes. Et c'est ainsi qu'on ne se bouge plus assez pour perdre du poids ... il y a un sacré trafic dans les rues d'Ubud, j'aime beaucoup ce jeu qui consiste à slalomer entre les voitures, remonter les files, doubler le plus de gens possible, éviter les piétons et ne pas se faire écraser les pieds quand on doit les poser à terre. Vivre l'Indonésie au plus près du quotidien! Bon, me voici à la Yoga Barn, après une petite galère pour me garer. Entrer là, c'est comme pénétrer dans une bulle de sérénité, les bouchons semblent soudain bien loin. Il y a des cafés, des restaurants, des bars à jus, des spas, des groupes de parole, une guest house, des jardins, le tout dans un cadre zen. C'est une véritable communauté ici. Bien sûr, pendant la séance de yoga, pas de photos. Notre professeure s'appelle Nadine, et elle nous rappelle que le yoga est avant tout basé sur la respiration. Toutes les positions ont en fait pour but de la libérer, de trouver un certain équilibre en soi pour ressentir son corps et l'air salvateur qui gonfle nos poumons. Ce que j'aime dans cette séance, c'est qu'elle ne nous oblige pas à tendre les jambes si on n'y arrive pas et que cela nous fait mal (ouf!) et on ne tient pas les positions compliquées très longtemps, on n'est pas en pilates. Je me laisse prendre au jeu assez vite, essayant d'oublier tout le reste, et suivant les autres quand je ne suis pas sûre d'avoir compris. Et curieusement, j'y arrive, parfois je n'ai pas d'équilibre mais pas de là à tomber. Et c'est agréable. Ce cours fait appel à la pleine conscience, je suis en terrain connu. Nous essayons diverses positions comme la table, le cobra, l'aigle, le triangle ... à la fin, nous faisons un peu de relaxation, un exercice de respiration alternée pour stimuler les deux hémisphères cérébraux (EMDR?) et terminons par un Ohm. Je me sens vraiment détendue et en plus, j'ai l'impression d'avoir gagné en capacité respiratoire. Namasté!

Maintenant, je prends mon scooter et je m'en vais visiter Goa Gajah. Sur mon application maps.me, il est indiqué qu'il y a une entrée secrète pour le temple, dans une rue derrière. Et si j'essayais? Ce n'est pas tant pour le prix que pour le fun. Je me gare au fond d'une allée et effectivement, il y a des escaliers qui mènent à un chemin dans la forêt qui longe la rivière. C'est boueux, mais c'est rigolo. Au bout de 10 minutes de marche, j'arrive à une partie du temple. Comme ce n'est pas une entrée officielle, il faut grimper par dessus le mur en évitant de se faire voir par les gens. Je me cache, j'enjambe le muret et me voici à l'intérieur, l'air de rien. Pari réussi! L'intérêt de Goa Gajah, c'est qu'il y a des autels dans une grotte dont l'entrée représente la bouche d'un démon. Le nom signifie "grotte de l'éléphant" car il y a une statue de Ganesh à l'intérieur, et aussi des lingams, des sortes de représentations phalliques adressées à Shiva. Il fait très chaud et étouffant dans cette grotte, on croirait avoir pénétré proche du noyau de la terre. Il n'y a que cela à voir et ce n'est pas plus mal de ne pas avoir payé. Je remonte les escaliers par la sortie officielle, et voilà ça c'est fait.

Ensuite, j'avais noté qu'il y avait un temple intéressant non loin de là, je m'y rends. Mais quand j'y arrive, il faut payer et surtout, je ne vois pas en quoi il est exceptionnel ... le gardien ne parle pas bien anglais, donc je l'embête. Je lui demande si ce temple vaut la peine, il me répond "no", ah bon, ok, je m'en vais. J'ai aussi noté un musée mais je ne sais pas ce qu'il contient, je voulais me faire la surprise. Sauf qu'il m'est impossible de le trouver, quand bien même je tourne à gauche, à droite, en dessous de l'endroit indiqué. Je demande mon chemin à des gens qui ne me donnent jamais la même direction ... Bon, après une demi heure de recherches, on va laisser tomber et rentrer sur Ubud. Je passe par Mas, un village de sculpteurs de bois. Le spectacle est à 19h30, je vais manger dans un restaurant qui fait des tapas balinais. Je goûte des brochettes de poulet au saté, du lawak (une salade épicée avec du porc) et du tempe frit, qui est un peu comme du tofu sauf que je trouve qu'il n'a pas de goût, comme le tofu quoi.

C'est l'heure du spectacle. Je m'installe au Palais Royal où il y a déjà pas mal de monde, pendant qu'une vieille dame me harcèle pour me vendre de la bière. Les musiciens commencent à jouer un air cristallin et les danseuses entrent en scène. Les costumes sont magnifiques et les chorégraphies sont techniques au niveau du poignet. Mais ce qui frappe, c'est l'expression qu'ils prennent. Ils ont les yeux écarquillés comme s'ils étaient surpris voire effrayés en permanence. Et d'autres ont un air plus neutre. Je me demande si ce n'est pas fait exprès pour montrer deux faces de l'humain ou de la vie car j'ai l'impression que cela dépend du côté où ils sont. Il y a toute une histoire derrière les performances qui représentent des combats entre les protagonistes et les démons qui les attaquent. Mais les actes sont un peu incompréhensibles malgré les explications en anglais sur un papier.

J'ai encore faim et je vais manger quelques vapeurs dans un restaurant chinois, qui s'avère être cher. Je goûte aussi du vin blanc balinais, mais ce n'est pas très concluant.

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Jour 2: Batik et rizières

Le batik est un procédé de peinture avec de la cire pour fixer la couleur. Il se pratique sur du tissu, et ce matin j'ai réservé un cours pour faire mon propre foulard ou ma propre toile, je ne sais pas encore ce que ça va donner. Je pars sous la pluie, mais il est agréable de s'installer pour le cours au sec pendant l'averse, c'est même inspirant. Il faut choisir nous même un dessin à réaliser. Au départ je pensais à quelque chose de trop compliqué et les modèles qu'il me fournit ne me plaisent pas. Mais tout à coup l'idée vient: un oiseau. Un paon peut-être? Je cherche sur Internet avec le téléphone du gars et je trouve un phénix sur Deviantart (artiste: moonlight86). Je ne suis pas douée en dessin spontané mais meilleure en reproduction. Il faut que j'adapte un peu le dessin pour ne pas trop me prendre la tête. Première étape donc: le tracé au crayon. Puis il faut repasser sur les lignes avec la cire chaude, ce qui donnera du blanc. Ce n'est pas facile, et c'est fastidieux, le tracé avec la cire est plus difficilement contrôlable que le crayon. Et puis à un moment donné, mon cerveau a bugué, ou mes doigts sont restés collés sur la cire, je ne sais pas, toujours est-il que je fais un faux mouvement et je me retrouve avec de la cire sur la figure ... moment de panique, mais je m'apaise vite car ce n'est pas en train de me brûler comme de l'acide. En fait je fais vite le rapprochement avec la cire épilatoire, d'ailleurs c'est ce que me dit le type. Il me met de la pommade pour ne pas que je sois irritée et ensuite je la décolle et on n'en parle plus. Je continue mon "oeuvre" jusqu'au bout et je passe ensuite à la peinture. Je dois mettre du jaune là où je veux du jaune, de l'orange, et du rouge. Je mets aussi du vert et du bleu. En fait la technique consiste à fixer la couleur la plus claire pour ne pas qu'elle se fonce avec les différents traitements aux produits. Commençons avec le jaune: je mets de la cire sur ce que j'ai peint là où je veux que ça reste jaune. Il traite avec un produit et rince. La couleur a foncé, je mets de la cire sur ce que je veux orange. Il retraite, je mets de la cire sur ce que je veux rouge, etc ... Je peins en bleu le fond et il sort violet. La dernière étape est le noir, j'ai fait un espèce de cracking avec de la parafine mais je pensais que les couleurs seraient inversées. Du coup le résultat final est un peu baveux car je pensais qu'il y aurait du noir dessus, et finalement non. Ce n'est pas évident car les pinceaux sont gros et la peinture aqueuse. Au bout de 3h30 de travail, mon phénix est enfin fini. Pas tout à fait ce que j'attendais mais il n'est pas trop mal et je suis contente d'avoir participé.

En fait c'était mieux au milieu du processus. 

Après manger, je remonte sur le scooter pour me rendre une dizaine de kilomètres au nord, à Tampak Siring. Là, je commence par visiter le site de Gunung Kawi. Pas d'entrée cachée cette fois-ci et j'aurais eu du mal à gruger car il faut nouer une ceinture à sa taille à l'entrée. Les types ont essayé de me forcer à payer le parking pour me garer mais je suis allée me mettre plus loin, ça va me faire marcher un peu. Les tombes royales du 11e siècle se trouvent tout au fond d'une vallée luxuriante entourée de rizières, d'une belle profondeur. Là je descends, mais je prédis qu'au retour, ce sera une sacrée montée. Comme d'habitude il fait gris et il pluviote, je vais finir par croire que Bali c'est la Bretagne de l'Indonésie. En parlant de pluie, une famille belge me propose de me joindre à eux pour les explications en français. C'est fort gentil à eux, de ne pas se vanter de la possession d'un guide, haha, je m'excuse quand même pour la Coupe du Monde. J'apprends que les différents autels dans un temple sont destinés aux prêtres de différentes castes. Aussi, nous admirons les mausolées, ainsi que d'anciennes halles. Il y a plusieurs interprétations quant au but des grosses jarres de pierre, soit ce sont bel et bien les rois, et leurs femmes de l'autre côté de la rivière (5 hommes 4 femmes!) soit c'est une signification mythologique, le mythe des 5 frères dans l'hindouisme. Le guide croit plutôt à cela. Il y a un temple interdit aux femmes, je fais la remarque "c'est parce qu'on est impures c'est ça?", en fait oui ce n'est pas une blague, c'est qu'on pourrait avoir nos règles. Ça déclencherait la colère divine? Oui c'est pour ça que l'Agung est en éruption. En vérité le guide n'explique pas, je sens bien que c'est comme ça on se pose pas la question, bien sûr ils ne vont pas vérifier mais ils attendent du respect envers leurs coutûmes. Oui bien sûr, dis-je en espérant que ma cup ne me pince pas trop à ce moment là et en pensant que je n'ai pas fait exprès d'avoir mes règles et que je ne me sens clairement pas respectée en tant que femme, moi. Oui, j'étais au courant de l'interdiction et oui je l'ai bravée. C'était ça ou je ratais toute la partie culturelle de Bali. À un moment donné on est prise entre le respect des locaux et le sexisme ambiant, avec nos propres limites. Et moi, m'interdire des visites exceptionnelles, d'une fois dans ma vie car j'ai mes règles, ça dépasse mes limites.

Assez argumenté, il faut remonter les 290 marches. Je remercie les Belges et je tente de faire un peu de shopping. Je dis bien "tente" car je me fais assaillir de gens qui hurlent HELLO SARONG FOR YOU MISS comme des poules qui piaillent. D'ailleurs je ne comprends pas. Ces gens là, ne me dites pas qu'ils aiment crier HELLO toute la journée en se faisant ignorer voire insulter (en français). Ne me dites pas que les touristes aiment. C'est un énorme dysfonctionnement lié à la représentation qu'ils ont de nous et qui au final fait souffrir tout le monde, et c'est débile. En tout cas, ils me donnent mal à la tête et je n'ai qu'une envie, repartir - et leur dire de fermer leur gueule.

Alors maintenant, direction Tirta Empul, qui est une source sacrée où les fidèles vont se mouiller la tête. C'est Indra, figure mythologique, qui aurait fait jaillir cette source pour rendre son armée immortelle et vaincre le roi Mayadanawa. C'est le plus grand lieu de pèlerinage hors Inde. En effet, il y a pas mal de monde dans l'eau, tous habillés. Bon là le coeur ne me dit pas du tout, et ça je respecte cette pratique religieuse. Tu n'entres pas dans le bassin avec tes règles mais je ne vais pas faire exprès! Je ne vais pas m'improviser hindoue, surtout. Je regarde donc les gens dévoués. Il y a des touristes qui le font, quand même ... au final je demande à une fille de me mettre un peu d'eau dans la bouteille et voilà. Par contre pour sortir du site, il faut passer par un labyrinthe de boutiques. J'achète finalement les sarongs pour les copines en ayant demandé à la dame de se taire, pitié. Elle a parfaitement compris.

Dernière étape de la journée : les rizières de Tegallalang. Il recommence à pleuvoir de fines gouttes, mais cette fois ci ce n'est pas gênant. En fait, la route que j'emprunte serpente déjà entre des rizières et c'est joli de voir les petites pousses de riz sous les petites gouttes de pluie. Ça monte beaucoup, ça descend presque à pic, et me voilà au point de vue. Ça doit être mieux sous le soleil mais c'est quand même sympathique! Je n'y fais pas de marche, j'ai la flemme, j'ai une belle vue qui me suffit.

Retour sur Ubud dans l'enfer des bouchons, et repos mérité.

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Jour 3: Barong et méditation 

Déjà le dernier jour! Je me lève tôt aujourd'hui donc il sera long. J'enjambe le scooter pour me rendre à Batubulan, un village où la troupe présente la danse du Barong et du Kriss (poignard traditionnel). Ce n'est pas très bien indiqué quand j'arrive à Batubulan ... Heureusement que cette fois ci, les indications qu'on me donne sont utiles. Il y a même un type qui me propose de le suivre en scooter pour me montrer où c'est! Super! Et bien, il fallait le savoir. J'achète mon ticket et je m'installe. Le spectacle commence: le Barong entre en scène. Franchement, c'est impressionnant, l'expression du masque y est pour beaucoup car on croirait presque qu'il est vivant. Ça doit être lourd à porter, tout cet attirail. Le costume de singe est très bien réalisé aussi. Il y a encore un petit papier explicatif, bien mieux que le premier et l'histoire étant similaire, je comprends plus de choses.

C'est l'histoire d'un Prince, Sadewa, qui est enchaîné dans une forêt à cause d'une sorcière. Un Dieu arrive et lui donne l'immortalité, mais Sadewa doit encore vaincre la sorcière, qui se transforme en Rangda (le grand monstre blanc), en sanglier, en oiseau ... et finalement, Sadewa se transforme en Barong et avec l'aide des guerriers au Kriss, parvient à la vaincre. À la fin de la représentation, nous sommes poussés dehors.

Il fait beau mais, spoiler alert, il serait naïf de penser que ça va durer. Je reprends la route et passe à côté du temple de Batuan. Je voulais le visiter, mais il faut encore payer, encore mettre un sarong autour de la taille ... il a l'air beau mais des temples, j'en ai déjà vu beaucoup. Je lui préfère le temple de Kehen, auquel j'accède après une vingtaine de kilomètres au nord en passant par Gianyar et Bangli. En son centre trône un arbre sacré, et l'ensemble est dédié au Dieu du feu, Agni. Il y a des traces de culture chinoise comme les pièces, première monnaie à Bali, et des porcelaines encastrées dans les murs.

En écoutant les guides, j'apprends que les pagodes s'appellent des meru et qu'elles ont 11 étages. Il évoque aussi les calendriers balinais: ils utilisent le calendrier grégorien pour le scolaire et la fête nationale, le calendrier Saka hindou basé sur les cycles de pleine lune pour les récoltes, et le calendrier Pawukon pour les rites de la société balinaise.

J'ai mis sur ma carte un pin sur Penglipuran, mais je ne sais plus ce que c'est. J'aime bien me faire des surprises, et en plus ce n'est pas loin d'où je suis. C'est en fait un petit village traditionnel balinais, fait pour les touristes. Il faut payer, j'ai la flemme, je repars. C'est malin ... il me faut une heure de route pour revenir à Ubud, et je m'arrête à la Yoga Barn pour manger un wrap ayurvédique (oui oui ...) et assister au cours de méditation avec Greg.

Ce n'est pas la même salle que pour le yoga, celle ci donne sur un jardin et Greg a mis de la musique zen. Détente assurée. La méditation est aussi basée sur la respiration, mais les postures ne sont pas les mêmes que pour le yoga. Nous nous étirons pour libérer la cage thoracique, ce qui est dommage c'est que j'ai mal au dos et j'ai du mal à rester assise et droite. Le but de cette séance va être de retrouver le sentiment de sécurité et de soulagement que nous éprouvons quand on rentre chez soi, où que l'on soit. Cela passe par le bien être intérieur et le recentrage sur soi. Greg nous fait imaginer des boules d'énergie au bas de la colonne vertébrale et en haut de la tête par lesquelles nous faisons passer des vagues d'énergie, comme un chakra bypass. J'imagine les miennes violettes, parcourues d'éclairs blancs. Je suis dans un état second tant je me sens détendue, j'ai du mal à quitter la salle. D'ailleurs je suis tellement à l'ouest qu'une dame me demande la wifi en sortant et je ne percute que quelques secondes plus tard.

C'est la fin du cours, tout le monde est parti. 

Je reprends le scooter tant bien que mal pour aller voir une autre attraction d'Ubud: la Forêt des Singes. Mais arrivée devant il faut payer et ça me rebute une fois de plus, après tout j'ai déjà donné pour la jungle et les macaques. Je n'ai pas envie de perdre les bénéfices de la méditation, je vais devoir faire appel à eux car après avoir garé le scooter à l'hôtel, c'est le moment d'acheter les souvenirs pour tout le monde. L'exercice va m'aider, mais vous savez ce qui va être encore plus utile? Mes boules quiès. En effet, les bruits sont bien atténués, je les entends hurler HELLO SARONG de plus loin et c'est un peu plus reposant. En général, ces courses me prennent la tête car je veux trouver des choses parfaites pour les gens et je m'éparpille, à la fin j'ai de sacrées migraines. J'ai négocié dur, je suis contente de moi, et encore plus quand au final j'arrive à tout faire rentrer dans mon sac, qui s'est alourdi de 3 kilos. Ça va qu'il me reste 20 jours de voyage (déjà!).

Il y a de nouvelles venues dans mon dortoir: une Italienne, et Amy, une Sud-africaine afrikaans (donc blanche) qui travaille au pair avec une famille de Canadiens qui fait le tour du monde avec les enfants. Deux mois à Melbourne, deux à Chiang Mai, deux à Bali pour l'instant. Le père travaille pour le National Geographic. Nous allons manger ensemble, c'est sympa. Elle raconte les inégalités qui se sont installées dans leur pays contre les Blancs. En fait c'est comme chez nous avec les Noirs et les Arabes sauf que c'est parfaitement assumé. On peut te dire "ce job n'est pas pour vous car vous êtes blanche". Pour devenir médecin, si tu es blanc il te faut 91% de réussite à l'examen, si tu es noir 63%. Je ne sais pas si ça fait de meilleurs docteurs d'ailleurs. En tout cas ça cloisonne la société, l'apartheid n'est officiellement plus là mais officieusement, il y a toujours ces énormes différences qui vont desservir une couleur de peau ou une autre. Comme si le gouvernement voulait faire payer les Blancs, sauf que ça ne fait qu'entretenir la haine d'un côté comme de l'autre. Toute sa famille à elle est partie en Australie.

Que d'histoires dans le monde, que de manières de les découvrir en voyageant, même quand ce n'est pas sur le pays qu'on visite!

5
août

Il pleut des cordes.

En fait j'ai évité la première averse car la Wifi ne marchait pas, d'ailleurs j'ai dû retaper une bonne partie de mon article précédent. Que la journée commence bien! C'est finalement vers 11 heures que je décolle, la pluie s'est calmée. Je quitte le confort d'Ubud pour rouler dans la partie nord-est de l'île. Je vais encore faire un sacré kilométrage, environ 100km.

Jusqu'ici, tout va bien, je prends la route que je connais, jusqu'à Semarapura. Il y a souvent des détails insolites sur la route: des gens à scooter qui portent d'énormes choses, d'autres qui tressent des paniers dans des temples, d'autres qui font cuire leur repas, mais malheureusement je ne peux pas toujours prendre des photos car il faudrait s'arrêter et des fois ce n'est pas possible. Je garde ces images comme des flashs, que j'oublierai plus tard, ou qui feront partie du magma de mes autres souvenirs. Magma? Mais c'est qu'aujourd'hui, je vais me rapprocher du mont Agung, le volcan en éruption! Je devrais le voir de loin ... s'il ne fait pas un temps pourri. Et en fait, il a fait un temps pourri ...

Bon pour l'instant, je suis la route de Sidemen, un petit village au milieu des rizières. La route grimpe dans les montagnes, et je m'aperçois que je monte dans les nuages, comme à Bedugul. Je n'ai presque plus d'essence et je voulais pousser Scoopy (c'est son vrai petit nom) jusqu'à ma destination mais ça monte trop et je suis sur la réserve. Une voiture c'est 45km dans le rouge, mais un scooter, c'est combien? Je m'arrête donc dans une boutique où ils vendent l'essence en bouteille, comme au Cambodge. Quelle galère d'enlever le sac à chaque fois, et de le réamarrer. Je continue à monter, et j'arrive dans une belle vallée. À Sidemen il n'y a pas grand chose, c'est un petit village peu touristique. J'emprunte la route qui traverse les rizières : wouah, quelle vue! L'asphalte est chaotique mais avec de la pratique on s'en sort. Bon il y a bien moins de terrasses qu'à Tegallalang mais au moins il n'y a personne, juste les locaux et vraiment quelques touristes qui font des randonnées. Ici ce n'est pas la circulation qui me bloque pour faire les photos, mais le dénivelé! Je ne peux pas arrêter Scoopy en plein milieu, sinon il tombe, déjà que souvent quand je ne veux pas couper le moteur, je le tiens à la force de mes jambes pour ne pas qu'il parte en arrière. Je traverse des villages, je passe sur un pont de bambou, je dis bonjour aux gens. Finalement je m'arrête manger dans un petit restaurant qui surplombe la vallée et j'arrive en même temps qu'un couple de Français, dont la nana est originaire de ... (roulements de tambours) Carcassonne. Ils vivent à Paris maintenant. Nous partageons le repas ensemble, avec leur chauffeur pour la journée, qui aime bien chanter.

C'était tellement bien que ça ne pouvait pas durer. Je prends congé pour reprendre la route et aller jusqu'au Palais d'Eau, Tirta Gangga, à 25km de là. Je l'ai conseillé au couple, ils vont y aller aussi. Mais en voiture. Au sec. Parce qu'après avoir quitté Sidemen, je roule pendant 30 minutes normalement, mais le cauchemar commence à la première averse. Avec l'énergie cinétique du scooter, j'ai l'impression que les gouttes d'eau me transpercent, malgré mon K-way que j'avais déjà mis car j'avais froid. C'est trop fort, il faut que je m'arrête, je ne vois rien avec la visière. Je trouve un magasin fermé avec un abri, je ne veux pas m'arrêter à côté de gens qui me diraient "hello" et qui se diraient que je suis débile de prendre la route maintenant, qui me diraient "oh il pleut beaucoup" ou qui riraient de mon K-way jaune flashy, des choses comme ça. J'attends un peu, puis la pluie se calme, elle est plus fine. Si j'attends qu'elle s'arrête j'en ai jusqu'à la fin de la journée, il faut bien repartir. Il y a de l'eau qui s'est infiltrée dans les manches du K-way, et j'ai mis un tee shirt à manches longues pour avoir moins froid. Sur la route, la pluie reprend mais je ne trouve aucun abri qui ne soit pas chez quelqu'un. L'avantage quand on est mouillée des pieds à la tête, c'est qu'un peu plus un peu moins, c'est pareil. Bien sûr avec un temps pareil, impossible de voir le Mont Agung. Pendant que je compte les kilomètres qui me séparent de Tirta Gangga, je suis prise d'une grande tristesse quant à ce temps. Cette journée aurait pu être si bien! J'aurais pu aller jusqu'au temple avec le point de vue sur le volcan, comme prévu! Là bien sûr c'est inutile. Et je déteste le site qui disait que Bali en août c'était ok. C'est une après-midi galère, pourrie, qui va me rendre malade demain, alors qu'il fait 40 degrés en France. Là, à ce moment, j'ai vraiment envie d'être à la maison ...mais je me répète que je suis courageuse.

Même les mauvaises choses ont une fin, me voici arrivée, et même si le site est petit, ça valait le coup car c'est vraiment joli. Tout le monde fait des photos sur les tuiles posées sur l'eau, à côté des statues, même le couple que je recroise ici. Ils font tous semblant qu'il n'est pas en train de pleuvoir, d'ailleurs. Ils n'ont pas leurs parapluies quand ils prennent la pose et font comme si de rien n'était. Moi je suis couverte, mais moi je le fais à la dure. Il y a même des gens qui se baignent! Non mais oui forcément, si tu arrives d'une voiture, c'est faisable car il ne fait pas si froid.

Le périple n'est pas encore fini: il me reste 30km jusqu'à Padangbai, mon point de chute pour la nuit. À ce rythme j'y serai dans 50 minutes voire une heure. Je ne dirai pas que la météo a été plus clémente, juste qu'il n'a pas plu non-stop cette fois ci. C'est assez reposant. Je file sur la route, je passe par Candidasa, je double toutes les voitures arrêtées dans les bouchons. La visière est très pratique pour ne pas que je me prenne des trucs dans les yeux, mais la visibilité est un peu brouillée donc je dois tout de même être prudente, je sens qu'en plus avec le sac derrière je peux vite perdre le contrôle dans les virages, du coup je pile en me déportant sur la gauche. Et puis, le panneau Padangbai vers la gauche, enfin. C'est une petite ville de pêcheurs au bord de la mer avec de belles plages de sable blanc (on repassera ...) et d'où on peut prendre le ferry pour l'île voisine de Nusa Penida ou vers Lombok. C'est important car il y en a toute la journée, on entend les annonces depuis l'hostel et le tuuuut de la sirène du bateau. À peine installée, je file prendre une douche chaude pour booster au mieux mon système immunitaire contre le rhume ou l'angine qui risque de lui tomber dessus. Je fais connaissance avec les Allemands de mon dortoir et comme la pluie s'est enfin arrêtée, j'en profite pour aller manger de bons calamars du port. Je reviens à l'hostel et me cale dans mon lit, sous la couverture. Ça fait du bien.

Et puis tout à coup ça commence à bouger. Au début, je pense à un gros camion qui passe sur la route et je me dis que déjà que cet hostel est mal insonorisé, les murs sont vraiment faits en carton, et j'ai le temps de penser à celui d'Aguas Calientes quand les murs tremblaient à chaque passage du train. Sauf que le tremblement s'intensifie, dure, fait trembler mon lit et la lampe au plafond, non, ce n'est clairement pas un camion en fait. Je prends ma tablette à la main et saute du lit, je fonce dehors. En fait j'ai les réflexes qu'il faut en cas de tremblement de terre, même si là le temps que je percute, la secousse était finie. Il était de magnitude 7 et l'épicentre était à Lombok. Les Allemandes sont un peu secouées (!) car c'était assez impressionnant, les chiens continuent à aboyer. Mais surtout, ce qui les inquiète, c'est que le réceptionniste a reçu un appel de son oncle pour aller mettre sa famille en sécurité. "Ce n'est pas bon", ah ben non. Sa panique commence à me faire douter de ma sécurité. Et puis tout à coup l'info tombe: le séisme a déclenché un tsunami qui arrive vers nous, selon le New York Times. Cette fois ci, les filles se mettent vraiment à paniquer, et ça entame sérieusement mon "non mais ce n'est pas possible". Pensée que je garde à l'esprit car je ne parviens pas à me rendre compte, pendant que je fais mon sac en vitesse et que je commence à trembler. Les Allemands me crient de me dépêcher, de courir, vite le tsunami peut arriver d'une seconde à l'autre! Non vraiment, je ne percute pas, je suis sous le choc. Mais je cours avec mon gros sac dans la montée sur la colline qui heureusemeng est juste à côté. Ah là bizarrement l'effort physique passe tranquille même si je suis évidemment essoufflée. Des locaux nous demandent ce qu'il se passe, et nous répondons "tsunami". Arrivés en haut de la colline, il y a une belle vue et je pense que nous sommes assez haut pour être en sécurité. Un couple d'Espagnols nous a rejoints. Dans la sidération la plus totale, nous fixons tous la mer pendant de longues minutes, sans pouvoir détacher notre regard des vagues. Nous attendons comme si la catastrophe pouvait se produire là, devant nos yeux. Les vagues semblent plus fortes ... ou bien serait-ce juste à cause du ferry? Apparemment il y a eu des dégâts à Lombok. Combien de temps allons-nous rester là? Toute la nuit? Est-ce qu'on est sûrs de la source, ils disent quoi exactement? Est-ce que c'est fake? Ça me paraît impossible. Mais je suis sûre que les gens à Phuket se disaient la même chose en 2006. Mieux vaut une fausse alerte que l'inverse. Le réceptionniste nous retrouve, sur son scooter il est allé chercher des informations sur la situation. Nous commençons à voir des gens monter, prêts à passer la nuit dehors. Heureusement, il ne pleut pas! Moi de mon côté, je ressens une espèce de panique sourde, comme si elle prenait tout mon corps mais que mon esprit fonctionnait normalement, ou qui était complètement dans le déni. Donc, je fonctionne comme ça, ça pourrait être l'apocalypse que je serais en train de me dire "non mais non mais non" en tremblant. Super attitude, il faudra peut être se fier un peu aux autres. Finalement une dizaine de minutes plus tard un expat arrive, le copain de je ne sais pas qui. Il est plongeur et il vient rassurer tout le monde: il n'y aura pas de tsunami, pas à Padangbai en tout cas. Nous sommes protégés par Nusa Penida qui prendra en premier, ou si ça vient de l'autre côté, ce sera Candidasa en face de nous. Les vagues n'auraient pas assez de recul pour nous atteindre, il faut 60km pour qu'elles prennent de l'élan et les côtes de Lombok sont à 60km. Au Japon, en Thaïlande, ils font face à l'océan donc ça peut arriver, ici en particulier non, on est en sécurité. Il pense qu'on a eu peur à cause du tremblement de terre, "bienvenue dans la Ceinture de Feu du Pacifique", mais non mais ce n'est pas ça qui nous a fait peur ... il nous dit de redescendre et de nous relaxer, mais même s'il sait ce qu'il dit, je ne sais pas pourquoi mais j'ai du mal à lui faire confiance car je suis sur le qui-vive. Finalement je suis le reste du groupe. Les locaux sont dehors, ils ont l'air d'avoir la trouille aussi, mais c'est peut être à cause de nous et de notre paranoïa générale. Nous rentrons, mais nous avons un peu peur d'aller dormir. Le réceptionniste nous offre du cidre, et des shooters d'alcool de noix de coco. Nous regardons sur Internet: l'alerte a été levée. Nous pouvons dormir sur nos deux oreilles, ou pas, je sens que nous allons être agités.

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Les filles ont un peu crié cette nuit. Carlo a rêvé que le volcan explosait. Et moi, je me suis réveillée en sursaut en prenant mes affaires pour partir le plus vite possible. Mais maintenant, c'est fait.

Un bon petit déjeuner nous remet d'aplomb, et surprise, il fait beau! C'est l'occasion d'aller à la plage. La vie continue, et elle est belle quand on est allongés sur le sable blanc. Les vagues sont très fortes donc je reste sur le rivage, mais c'est suffisant car elles sont parfois assez hautes pour m'arriver au bassin. Quand il y a du ressac, mes pieds font un trou dans le sable. Première fois dans l'Océan Indien! Il y a des gens qui vont nager, mais je ne souhaite pas renouveler l'expérience d'Iquique où j'ai peiné à sortir de l'eau. Cette mer qui nous a fait si peur a aujourd'hui quelque chose de reposant dans son roulis. Elle est à la fois bleu marine et bleu turquoise et s'échoue sur des rochers basaltiques. Je bronze un peu, mais je n'ai pas assez de crème. Je laisse donc Lucy et Carlo profiter, et je vais manger un bon barracuda grillé au barbecue!

Le vent se lève. Je vais me reposer à l'hostel et décide de prendre la route à 15 heures. Maps.me me montre une route que je peux emprunter pour faire un raccourci. C'est parti ... enfin, pas tout à fait car il se trouve que cette route se continue en chemin. Et comme il a plu hier, c'est tout boueux ... je tente quand même le coup mais rien à faire, Scoopy patine et c'est dangereux, ça bouge et mon sac menace de tomber, moi de déraper ... d'ailleurs dès que je m'arrête, Scoopy tombe dans les pommes. Heureusement j'ai le temps de m'en dégager. Mais c'est qu'elle est lourde la bestiole! Quelle galère pour le remettre debout! Je laisse tomber l'idée et repars en sens inverse sur le béton.

Cette fois-ci, c'est environ 75km d'une traite. Sur la route, il y a des producteurs de sel sur une plage de sable noir, et aussi un temple dans une grotte avec des chauve-souris. Ça va, le guano c'est fini pour moi ... petite pause pour les photos du littoral et pour réinstaller le sac qui bouge beaucoup car la route a beau être un grand axe, elle est bosselée. Quelle surprise, il se remet à pleuvoir sur le chemin! Fines gouttes mais qui piquent avec la vitesse du scooter. Je n'en peux plus de la pluie, heureusement ça ne dure pas longtemps cette fois-ci. À chaque feu rouge, je vois défiler le kilométrage jusqu'à Denpasar. 52, 40, 35 ... et aussi vers la droite, les noms des villes et villages que j'ai visités auparavant: Semarapura, Gianyar, Ubud, Sukawati, Batubulan ... je finis par arriver proche de la grande ville, que je voulais au départ contourner par crainte du trafic, mais après une semaine sur Scoopy, je gère presque comme une locale. Il me suffit souvent de les suivre sur le trottoir de gauche, ou parfois je double à droite (plus de place) toute seule comme une grande. J'ai même l'impression de parfois être plus audacieuse (ou plus impatiente?) qu'eux. Parfois je me fais avoir, je me coince sur la file de droite, ben alors je croyais que c'était la file des badass qui allaient vite? Ah non ils tournent à droite et pas moi. Cette traversée est longue pour moi, elle doit encore plus l'être pour les voitures. Et puis voilà, je vois le panneau "Canggu/Tanah Lot" et j'ai l'impression de rentrer à la maison. Encore du monde, toujours du monde, entassés les uns sur les autres. Je sens le sac glisser encore. Ça, ça ne me manquera pas! Pratique pour un temps mais pas pour toujours. Je m'arrête une énième fois et je crois que Scoopy en a marre, il s'évanouit par terre sous son poids. Mais merde! Il vient de casser le bout du frein! Non putain, je dois le rendre demain matin et j'étais presque arrivée sans encombres! Je rage. Mais il vaut mieux que Scoopy soit abîmé que moi. Surtout que le frein marche encore très bien et on peut toujours le prendre en main, il est juste un peu raccourci. Que faire dans ces cas là, j'espère qu'ils ne vont pas me prendre toute la caution pour un truc aussi bête. On verra demain si on peut s'arranger ... Entre temps ça y est je suis arrivée. La piscine est en train d'être nettoyée donc elle est toute vide, dommage. Je parle un peu aux gens mais vite fait, je ne suis pas d'humeur sociable aujourd'hui. J'ai plutôt envie de me caler dans ma bulle.

7
août

J'ai les chevilles qui enflent.

Je me suis faite piquer par plusieurs insectes différents probablement, sauf des punaises, car j'ai une collection de boutons différents. Des petits rouges, de gros rouges, des plaques, des cloques. Rien ne soulage. Et bien on va faire avec... J'ai tellement d'histamine dans mon corps que si je fais la bise à un gamin allergique, il meurt.

Je me réveille pour rendre Scoopy ce matin. Il va me manquer quand même! J'ai de la chance car le gars ne se rend pas compte qu'il manque un bout de frein. Mon vol a beau être à 14h, je demande un taxi pour 10h et on va dire que j'ai eu du nez. Les bouchons rendent le trajet bien plus long que prévu, de 20 minutes à l'aller il passe à 2 heures ce matin. Ils pourraient peut être faire un train ne serait-ce que pour l'aéroport! C'est donc à midi que j'arrive sur place. Je laisse mon gros backpack à la consigne et ne prend que l'essentiel pour trois jours dans mon petit sac. Bien que je n'aie pas de correspondance, Wings Air et sa compagnie mère Lion Air sont réputées pour faire n'importe quoi avec les bagages, et de toute manière c'étaient 10 kilos maximum. Impossible dans tous les cas. La consigne semble sécure et c'est bien plus simple. À l'aéroport, je vais manger un crispy duck (bebek goreng) au restaurant car c'est une spécialité d'ici. C'est très sec, et effectivement croustillant. Il y a peu de viande dans l'assiette, beaucoup de peau. J'ai la chance d'ensuite trouver une boulangerie et de compléter mon repas par une ciabatta au fromage et un muffin au chocolat. Feels like home ... Je vais fumer une cigarette dans le meilleur coin fumeur que j'aie pu voir: sur une terrasse avec la vue sur la mer et les avions. Il fait beau! Ça alors! Je suis parfaite niveau timing, mais pas mon avion. Celui qui devait partir à 8h55 a 5 heures de retard, entraînant tous les autres. Le mien va avoir 1h, 1h30, mais je ne me plains pas trop car ce n'est rien, ça pourrait être plus et la Wifi de l'aéroport Ngurah Rai est excellente. Finalement, les embarquements se débloquent assez vite, et nous montons dans un avion à hélices, encore ... Toujours plus rassurant, Wings Air met un livret de prières pour toutes les grandes religions dans ses avions, demandant à Dieu quel qu'il soit d'arriver à destination en sécurité, tout va bien, tout va bien. "I am right where I'm supposed to be", disait Greg pendant la méditation.

En fait, ce fut l'un de mes meilleurs trajets en avion. Parce que nous sommes passés au dessus de Nusa Penida et tout à coup, qui c'est qui sort sa tête des nuages? Le volcan Agung, ENFIN. C'est vrai qu'il paraît haut, plus de 2000 mètres d'altitude. Nous passons ensuite au dessus de l'île de Lombok donc le volcan, le Barujari, pointe aussi vers le ciel. Nous ne voyons pas les îles Gili, celles qui ont été touchées par le séisme et le tsunami. Lombok est beaucoup plus montagneuse que Bali, les randonneurs doivent s'y régaler. Puis nous voici au-dessus de West Nusa Tenggara, beaucoup plus sauvage car recouverte en partie de forêt. Et puis lorsque nous sommes près de l'arrivée, je vois une petite île toute ronde avec juste un volcan qui fume dessus. C'est le prototype d'une île de la Sonde, c'est génial, j'y verrais bien la Bande à Picsou dessus. En plus l'océan brille tout autour, ça a quelque chose de fascinant. Je crois que c'est l'île de Sangeang. Nous approchons de Labuan Bajo et de toutes les petites îles et lagons de la côte. Les îles sont entourées de plages de sable blanc, et autour il y a un peu dégradé de bleu qui semble baver hors des contours depuis la terre comme une peinture, on dirait mon batik.

Atterrissage toujours un peu secouant, mais l'avantage c'est que la sortie se fait vite. Il n'y a que deux kilomètres à pied depuis l'aéroport jusqu'à mon hostel! Bien que sur tout le trajet on me crie hello taxi, motorbike, je continue déterminée. Je passe par une petite colline et au détour du virage, wahou! La vue sur la mer! C'est enchanteur. L'île de Florès, ou East Nusa Tenggara, n'est touristique que parce qu'elle est à côté de Komodo. Sinon il y a peu d'infrastructures, même si elles sont en développement.

Suis-je en Océanie? Officiellement, non, puisqu'il est considéré que l'Indonésie n'est pas à cheval sur deux continents mais qu'elle fait partie intégrante de l'Asie. La démarcation se fait sur l'île de Nouvelle Guinée, la Papouasie indonésienne est asiatique et la Papouasie-Nouvelle-Guinée, État indépendant, est océanienne. C'est plus pratique comme ça mais quand on y pense ce n'est pas si logique. Donc, les géologues considèrent que moi, là, sur Florès, je suis en Océanie car je suis sur un bout d'Australie qui s'est détaché. Ça fait du sens.

J'arrive à mon hostel pour trois nuits, le Dragon Dive. Mauvaise nouvelle: la piscine est en maintenance, elle sera "peut être" prête demain. Et il n'y a actuellement pas d'eau dans les douches ... Elle ne sera rétablie qu'à 8 heures, au grand dam d'une Parisienne qui revient d'une croisière de 4 jours et 3 nuits et qui meurt d'envie de se désaler. Moi de mon côté, je vais en quête d'un tour pour l'île de Komodo pour demain. Je me rends d'abord sur le port, mais c'est le mauvais endroit ... Je finis par trouver le centre-ville et toutes les agences. J'entre dans la première : il y a un groupe de cinq jeunes devant moi. Ils viennent se plaindre de leur croisière de deux jours une nuit: ils pensaient être seuls sur le bateau, ils ont été 25, mais surtout il n'y avait pas assez de lits pour tout le monde. Ils sont allés jusqu'à Komodo pour plonger avec les raies mantas mais il y avait trop de vagues et ils y sont allés pour rien. Bon, je vais chercher ailleurs ... Je rentre dans l'agence Alexandra et la dame me paraît tout de suite sympathique. Elle m'explique que demain, personne n'ira sur Komodo à cause des vagues, mais ils feront tous le day tour pour Rinca, une autre île où on peut voir des varans et qui fait aussi partie du Parc National de Komodo. Je vais vérifier auprès de deux autres agences, même discours. À moins que je ne veuille un bateau privé. Je retourne chez Alexandra et booke mon tour. Tant pis pour le symbole, les varans de Rinca ce sont les mêmes et c'est bien aussi. Par contre il faut être là à 5h du matin! Heureusement, je suis un peu fatiguée et je m'endors vers 22h.

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De la sueur, du sel et de la poussière

Ça va, le réveil est moins pire que ce que je pensais. Le muezzin se met à hurler quelques minutes plus tard, quel rythme difficile! Je me rends à l'agence presque dans le noir. Je suis la première et le gars m'emmène au port en scooter. Je m'installe dans le bateau avec le petit déjeuner en attendant les autres personnes. Il y a plusieurs bateaux côte à côte et le nôtre doit partir en dernier... Donc il faut attendre tous les gens qui sont à la bourre. C'était bien la peine de se lever si tôt! Allez, ça y est, le bateau se met en route. Nous découvrons toutes les petites îles autour de la baie de Labuan Bajo dans la clarté de l'aube. Il y a une banquette que j'utilise pour piquer un micro somme car le trajet s'annonce long, 2h30 pour arriver à notre prochaine destination. Oui, en bateau pour moi c'est interminable. Je suis avec une famille anglaise, un couple d'espagnols, une tchèque et des locaux qui emmènent leurs correspondants en day trip. Nous pouvons tout de même voir l'île de Komodo de loin, qui semble bien mystérieuse. Des pics acérés forment la colonne vertébrale de l'île, comme le dos d'un dragon. Mais je comprends pourquoi nous n'y sommes pas allés: dans le détroit il y a déjà des vagues, qui ne sont pas immenses mais qui font sacrément tanguer le bateau, et qui nous mouillent à la première occasion. Vers 9h, nous arrivons au premier point: Pulau Padar. C'est une petite île inhabitée avec une vue merveilleuse depuis la sommet de la colline. Mais ça se mérite! Il faut monter des escaliers sous le soleil de plomb. Et puis quand on croit qu'on est arrivé, le chemin continue, toujours plus haut toujours plus loin. Je déteste cette impression mais j'ai décidé d'aller jusqu'au bout! Le pire c'est que ce n'est pas la meilleure vue. Je profite un peu du vent qui me rafraîchit, et je redescends un peu pour les photos de l'île, sa plage noire à gauche et sa plage blanche à droite, entourée d'eaux turquoises. Au début si j'avais pu j'aurais évité d'aller là, ça me paraissait une grande rando, mais finalement je ne regrette rien, malgré, le fait que ce soit bondé de gens, bien évidemment.

Nous remontons sur le bateau, notre prochaine étape est Pink Beach, où nous allons aussi faire du snorkelling. Première déception vu de loin: ce n'est pas toute la plage qui est rose. Quelle arnaque. En plus nous devons nous arrêter un peu loin car le bateau ne peut pas passer à cause des coraux, il faut nager jusqu'à la rive donc pas de photos artistiques de près. Je suis blasée mais ai-je le choix? Je chausse les palmes et mets le masque et le tuba. L'eau est un peu fraîche, et il n'y a pas beaucoup de poissons colorés comparé aux Perhentians ... Je nage vers la plage, les vagues me portent et tant mieux car je dois éviter de m'écorcher les genoux sur les coraux qui effectivement sont bien proches de la surface. Des fois je dois m'arrêter, et je me fais crier dessus car je me tiens debout sur les coraux - je le fais sur les coraux morts. J'arrive enfin sur la plage en même temps que tout le monde, et je dois avouer que oui, vu de près, elle est bel et bien rose. C'est très joli d'ailleurs, les vagues qui s'échouent sont couleur smoothie à la fraise. Le sable est moins dense qu'un sable normal et on s'enfonce plus dedans. Il est blanc avec de petits cristaux roses qui viennent d'une espèce particulière de corail. Je regrette de ne pas avoir pu faire de meilleure photo! Un peu de temps pour la baignade, un peu pour la bronzette qui pour moi se partage entre soleil et ombre (je fais attention aux coups de soleil maintenant malgré la crème) et nous devons retourner au bateau en nageant. C'est un peu plus compliqué dans ce sens là et je dois agripper les coraux pour avancer, résistant à l'envie de baisser mes genoux pour nager. Certains se les sont écorchés, moi je me suis bien débrouillée. Nous prenons le déjeuner en chemin vers l'île de Rinca et le Parc National où l'on peut voir les varans en liberté.

L'île est bordée de mangroves où courent des macaques, mais autrement, elle est très aride, battue par les vents qui soulèvent de la poussière. Et oui peu de jungle à cet endroit là. Nous devons payer l'entrée du Parc en plus de notre tour, et nous attendons un ranger avec sa fourche de bois. Un bébé varan, déjà un peu gros, se promène parmi les visiteurs, cherchant à manger près des poubelles. Pourtant le ranger nous dit qu'ils ne mangent qu'une fois par mois mais bon, ils se sédentarisent et la nourriture c'est quand même très important dans le règne animal. En ce moment, ils sont en saison des amours! Nous choisissons de faire un trek moyennement long mais il ne nous faut pas longtemps pour tomber nez à nez avec eux. Deux femelles qui se sont posées à l'ombre pour dormir, il fait chaud en début d'après-midi! Elles n'ont pas l'air bien menaçantes mais il faut s'en méfier. Nous nous approchons quand même assez près pour les photos. Il y a un gars qui s'est mis à une certaine distance pour ses clichés, je vais juste derrière lui en me disant que si elles se réveillent, elles l'attaqueront en premier. Ce ne fut pas le cas bien sûr. Elles ressemblent à d'immenses lézards et bon, à l'arrêt comme ça, elles sont moins passionnantes que les orang outans ou les nasiques. Nous continuons vers le nid où nous pouvons voir une autre femelle cachée dans les rochers. Elles creusent des trous et tunnels de 2 mètres de long pour pondre leur quinzaine d'oeufs. Actuellement, il y a environ 1 500 varans dans tout le Parc National de Komodo. Le plus vieux a 45 ans. Nous montons maintenant sur une colline pour une vue de l'île et de la mer, et c'est déjà fini, il faut repartir. Rapide et peu intense, je dois dire. Mais c'était l'expérience d'une vie!

Maintenant il faut repartir vers Labuan Bajo, mais le retour mettra moins de temps que l'aller. J'ai faim et les Anglais ont plein de gâteaux, que j'avais refusés plustôt et maintenant je regrette ma décision. Je pense au paquet de chips que je vais m'acheter en rentrant et ... En fait nous venons de nous arrêter pour un dernier stop snorkelling. Mes épaules ont un peu rougi et j'ai juste envie de dormir, mais c'est peut être la dernière fois que j'en fais avant longtemps. Je me pousse un peu, et en fait c'est sympathique car l'eau est claire et il y a beaucoup de poissons. Une petite demi-heure plus tard nous voilà repartis, et enfin nous accostons au port. Je file prendre mes chips et je me pose à l'hostel. Je vais manger tôt, là où il y a plein de stands qui montrent leurs poissons qu'ils vont faire griller! Moi ce soir je veux des nouilles, j'en ai marre du riz. Je demande un premier plat, il est petit. J'en veux un second avec un calamar grillé. Les nouilles arrivent mais pas le calamar, je me demande s'ils ne l'ont pas oublié, je demande où il est mais je crois que ça a plus sonné comme une injonction car le visage de la dame se ferme. Je me trompe ensuite sur le prix, j'avais compris 19 au lieu de 90, ça se voit qu'elle le prend mal et j'ai envie d'être gentille. Dernière boulette pour la route? Je veux la remercier en disant "terima kasih" et j'ai le réflexe de joindre mes mains comme sur Bali ... Mais ils ne sont pas hindous ici! Ils sont plutôt musulmans! Bon la dame ne porte pas le voile mais je ne sais pas. Elle marmonne un équivalent de "ouais ouais" et je pars en me disant que j'ai complètement foiré, mais ça ne va pas m'empêcher de dormir pour autant.

Du rien

Aujourd'hui, j'avais peut être pensé à louer un scooter et me rendre au village de Kampung Melo, à 45 minutes d'ici. C'est un endroit avec des huttes traditionnelles de Manggasai, où ils pratiquent la danse du cica, avec des bambous, et donnent du vin de palme aux touristes. Plusieurs soucis: je ne parviens pas à trouver à quelle heure ils font leur show, il m'aurait fallu partir avec une agence mais cela signifiait encore se lever tôt, et de plus je suis fatiguée, il fait chaud, je n'ai pas envie de transpirer encore, de chercher un scooter, de mettre un casque, de chercher ma route en sortant dix fois ma tablette ... Je pense aussi à ma longue journée de demain, au trek que je vais bientôt faire en me levant en pleine nuit, et à la fatigue que j'ai amassée depuis Miri. Je crois que je mérite bien un jour de repos, au bord de la piscine, avec un bouquin. J'ai toujours Vernon Subutex avec moi depuis que je l'ai trouvé à Penang dans le dortoir, je vais donc continuer à le lire aujourd'hui. Et puis me dorer au soleil, sauter dans l'eau qui est un véritable bouillon de culture vu comme l'eau est trouble, mais ça fait du bien, il faut juste penser à toujours se doucher en sortant. Le soleil me brûle, je ne reste pas longtemps, j'alterne en fonction de la musique qui passe: une ou deux chansons, et puis, à l'ombre. Je rencontre Alec, un Américain originaire de Californie, qui vit normalement à Brooklyn mais qui travaille à Kuala Lumpur depuis 3 mois. Il s'occupe des réfugiés du Yémen, d'Afghanistan, des Tamouls aussi ...

Vers midi je vais manger dans un délicieux restaurant italien, puis je reprends la farniente. Ça me fait beaucoup de bien, mais vers 17h j'éprouve quand même le besoin de faire un tour. Je monte sur les hauteurs de la ville, et ce n'était pas du tout prévu mais j'assiste au coucher de soleil sur la mer. Il se teinte de rouge, comme l'immense boule de feu qu'il est. J'en aurais au moins vu un. Je préfère toujours les couchers aux levers car le matin, je dors.

Je rentre à l'hostel avant le début du beer pong, pour changer! J'ai demandé à Alec de jouer avec moi mais il est nul, je mets toutes les balles dans les six verres. J'étais super chaude. Alors on a gagné? Non, nous jouons contre la team la plus forte, des Français de l'hostel, qui nous la font à l'envers. Ils remettent la balle dans notre verre, égalité et bim, ils reprennent l'avantage et gagnent de peu, de si peu! Je suis dégoûtée, pas d'avoir perdu mais parce que j'avais envie de continuer à jouer. Ils font le même coup à l'équipe suivante, et gagnent le tournoi. Ils s'appellent Manu et Margot, et il se trouve que Manu est de Clapiers, à côté de Montpellier! Je lui ai demandé au pif après avoir vu les autocollants "Clapiers" qui était de là bas, et bien c'était lui. Je soutiens aussi Laurent et Stéphanie, un couple de cinquantenaires qui essayent le beer pong pour la première fois et gagnent trois parties. Ils sont gentils, ils m'ont donné du dentifrice vu que j'ai perdu mon tout petit tube. Il va falloir attendre de revenir à Bali et récupérer mon sac pour me les laver avec le mien!

10
août

Aujourd'hui, environ 500 km à faire avec trois moyens de transport différents.

Je me réveille assez tôt pour pouvoir me rendre à l'aéroport à pied. Comme je voyage léger, ce ne devrait pas être un gros problème. Oui, mais moi qui me vantait intérieurement de n'avoir encore rien perdu en plus d'un mois de voyage ... mon écharpe est restée là bas. Quelle idée de l'avoir prise alors que je n'ai même pas fait de scooter. J'ai presque été trop prévoyante, et j'ai l'air de faire comme je peux aujourd'hui avec mon K-way autour de la taille, ma serviette sur les épaules, mon appareil photo autour du cou et mon petit sac à dos pour le reste. En partant, je vois un tout petit chaton au bord de la route qui ne semble pas savoir où aller, les voitures lui passent si près! Je le prends et le met à l'abri de l'autre côté. Quand je me retourne, je vois une fille de l'hostel qui est allée le chercher et qui l'a emmené à l'intérieur. C'est adorable! Ça fera de la compagnie à l'autre minette. Il y avait trop de chiens à Bali ...

J'arrive en sueur à l'aéroport, normalement 40 minutes avant mon vol. Je me suis enregistrée en ligne la veille, mais là pour me donner mon coupon d'embarquement, il semble y avoir un problème. Qui est finalement vite résolu par un coup de téléphone. Oui mais l'heure de l'embarquement a changé : le vol va partir vers 10h30 au lieu de 9h35. Ce n'était pas la peine de frimer hier en mettant "vol confirmé, à l'heure" si c'est pour changer d'avis le lendemain. D'ailleurs le mettre si tôt ne sert à rien. L'aéroport est tout petit, et je lis en attendant. J'attends un peu longtemps quand même ... il a encore une heure de retard mais c'est normal avec Wings Air. En compensation ils nous donnent des gâteaux et de l'eau. Quelle générosité. L'avion arrive enfin, embarquement, retour vers Bali. Sur le trajet, le temps est un peu plus couvert qu'à l'aller, j'ai eu de la chance. Nous arrivons à Ngurah Rai à 13h30. Je voulais prendre le temps de manger mais quelque chose me dit qu'il ne vaut mieux pas que je m'attarde si je veux être à une heure décente à Banyuwangi. Mon repas de midi sera très diététique : un paquet de chips. J'aurais aimé mieux, mais je ne trouve pas de sandwichs dans le terminal d'arrivée. Je récupère mon sac en bon état, et je sors le varan en bois que j'ai acheté parce que j'étale mes affaires partout pour les ranger. Le gars de la consigne en tombe de suite amoureux. Il me l'emprunte pour faire au moins une dizaine de photos, même si ce pauvre varan a déjà la queue cassée, quelle solidité. Je ne pense pas que tous mes achats arriveront en un seul morceau. Je me fais ensuite alpaguer par un taxi. Je lui dis que je me rends au terminal d'Ubung pour prendre le bus pour Banyuwangi, mais il me dit que ce terminal est fermé depuis deux ans et qu'il doit m'emmener à Mengwi. Ah bon? Il sent que je doute et il va se justifier pendant tout le trajet. Mais l'un dans l'autre j'ai fait un rapide calcul: c'est plus cher mais mieux ainsi, car Mengwi est en dehors de l'agglomération de Denpasar donc ce sera moins embouteillé pour un bus. Il est sympa ce chauffeur, il écoute Scorpions, Bryan Adams, Bon Jovi, en plus il a un hot spot sur son portable et je peux donc profiter d'une bonne Wifi pendant ce temps, j'ai posté l'article dernier depuis son taxi. Le temps, lui, est très long comme prévu : entre 2h et 2h30 pour faire 20km. C'est insupportable d'avoir une voiture à Bali, ils devraient faire des autoroutes ou je ne sais quoi pour désengorger tout ça. Parce que ça aucune brochure ne vous le dira, que "l'île des Dieux" est un bourbier à diesel géant.

Quand on attend longtemps la fin d'un trajet, il faut se dire que de toute manière on finira bien par arriver, le temps est obligé de passer. Il n'y a même pas besoin d'entrer dans le terminal, mon chauffeur demande à des gens près d'un bus, il va à Banyuwangi. Ouf, je n'aurais pas à attendre une heure supplémentaire. Il n'est en revanche pas en très bon état et je croise tous mes doigts pour ne pas me ramasser des punaises, qui sont en fait ma seule inquiétude vis à vis des bus locaux. Jusque là, au contraire j'adorais, mais l'expérience de Nazca m'a changée à jamais je crois. De toute manière, là, je ne suis pas en position de refuser. Pour dire quoi, y'a des punaises dans vos banquettes? Ça fait princesse colonialiste. Je me dis que je l'ai déjà fait avant en Thaïlande quand je ne savais pas que les punaises de lit existaient, et je n'en avais pas attrapé pour autant. Allez, ça va bien se passer. Par contre nous sommes peu et quand le chauffeur démarre, je crains le pire: il va lentement et essaye de racoler. À ce rythme là, on arrive demain matin. Mais non, il change ensuite de chauffeur dix minutes plus tard, qui s'arrête juste après la ville au joli nom de Tabanan. Nous changeons de bus et là, oui il y a un sacré monde. Je vais sur une banquette à trois mais je ne peux que m'asseoir à moitié dessus, il n'y a de la place que pour une de mes cuisses. Je passe le trajet à essayer de trouver une position relativement confortable sans me faire un tour de rein. J'essaye de penser à autre chose. Nous traversons la partie ouest de Bali, qui est beaucoup plus authentique. Il y a un peu plus de mosquées dans ces environs. Il recommence à pleuvoir comme d'habitude, d'une pluie forte et cinglante, j'espère que le chauffeur n'est pas trop fatigué. Il double dès qu'il peut, un peu n'importe comment tout en étant relativement prudent (il se rabat si une voiture arrive en face comme normalement), il ne doit pas avoir de désir suicidaire. C'est ce qu'il faut se dire quand on a peur en transports, ce gars ne veut pas nous tuer ni se tuer, donc il va faire de son mieux. La pluie se calme mais la nuit tombe. J'aurais aimé voir les montagnes du Parc National de Bali situé à sa pointe ouest, mais c'est fichu.

Maintenant, il faut aller dans le ferry, c'est une toute autre histoire, il va falloir encore s'armer de patience ... ah, non, nous nous garons assez vite et le bateau quitte le port de Gilimanuk. Je pensais souffler un peu sur le ferry, il n'en est rien: il tangue de droite à gauche. Les vagues sont si violentes que ça pour qu'il ne les fende pas? Ça ne m'empêche pas de manger des nouilles instantanées, mais je sens qu'il ne vaut mieux pas que je me penche trop. Il n'y a pas de sièges à l'extérieur, seulement des ouvertures sur les côtés avec une rambarde par-dessus laquelle je vais essayer de ne pas passer malgré les mouvements du bateau. Je suis la seule Occidentale. Il y a de la musique qui passe, et je la trouve très adaptée aux vagues qui nous soulèvent. Je crois que l'artiste s'appelle Adella. C'est drôle, elle me rappelle une chanteuse péruvienne, et le style se confond aussi un peu avec ce que j'avais écouté au Laos. Une nana avec une petite voix aiguë qui chante du gnagnagna. La terre se rapproche, qu'est ce qu'il me tarde de ne plus bouger dans tous les sens. Mais au moment où je me dis que c'est gagné, nous nous arrêtons en pleine mer pour attendre qu'un cargo nous laisse la place. J'espère que ça ne va pas durer toute la nuit. Mais si on veut relativiser quand on voyage dans des pays en développement, il faut se dire qu'ils ont beau être plus à la cool que nous, ils ont quand même autre chose à faire de leur vie que de camper là. Ils peuvent tout autant avoir envie d'arriver à destination donc il faut faire confiance à leur efficacité. Ça me paraît bête de penser cela tant c'est évident, finalement.

Enfin, on accoste. Et on est abordés par des gens qui font de la musique. Je trouve que c'est très égayant, je les ai filmés avec la tablette juste pour le son vu qu'on ne voit rien. J'aurais aimé qu'ils soient là avec leurs petits banjos pour la première partie du trajet.

Entre temps, l'homme sur ma banquette m'a laissé la place du milieu car il a dû comprendre mon désespoir. Je suis bien mieux installée même pour 25 km, c'est déjà ça. Ça va très vite d'ailleurs, je n'ai pas le temps de comprendre qu'on est arrivés qu'ils me disent qu'il faut que je descende. Comme d'habitude on me saute dessus pour me conduire quelque part: non je suis motivée pour marcher 20 minutes avec mon sac, c'est la nuit ça devrait aller. Je fanfaronne dans ma tête en me disant que je me sens accomplir quelque chose, mais en réalité je galère. En plus ma guest house n'est pas localisée là où maps.me la met. Heureusement elle n'est pas loin, le seul qui ne sait pas me renseigner est celui qui pourtant est juste en face. J'arrive vers 20h30, mais il est 21h30 pour moi. Je dois réveiller la dame, Isha, pour accéder à ma chambre simple, je voulais de l'intimité mais il semblerait que je sois vraiment seule ici. Isha ne parle pas bien anglais, mais heureusement juste en face il y a la guest house où j'avais prévu d'aller en premier, quelle ironie. La mienne avait un jardin qui me plaisait mieux. En face ils parlent anglais et proposent des tours, et une location de scooter. Pour ce que je veux faire demain, personne ne veut y aller apparemment. Mais je peux louer un scooter pour y aller seule. Je pense que c'est ce que je vais faire, et je vais réserver le trek avec eux aussi. Il y a une heure de moins que sur Bali ici, mais je suis trop flemmarde pour ressortir manger.

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Jour 1: un trip loin de l'Indonésie

Ploc ploc ploc, qu'est ce que c'est? C'est le bruit de la pluie qui ruine tes projets.

Il est tôt, et Google semble dire que l'orage va s'arrêter en milieu de matinée. Croisons les doigts, car il n'y a pas grand chose à faire dans ma guest house. Au petit déjeuner, menu local: du nasi goreng et du fruit du dragon. Ça ne me dérange pas vu que je n'ai pas mangé hier soir. Finalement, vers 9h30, la pluie se calme, il bruine, ça devrait aller. Je vais dans la guest house d'en face, qui propose des tours et une location de scooter. Je booke pour le volcan Ijen cette nuit, et je vais avec le gérant pour prendre possession du scooter. Surprise: il ne veut pas démarrer. On dirait un problème de contact, heureusement que ça m'arrive maintenant. Il va en chercher un autre qui a bien plus la pêche. Ce n'est pas un Scoopy, d'ailleurs il est deux fois plus cher. Les poignées sont en mousse, ce qui est agréable, mais ce n'est pas facile de le faire tourner, il faut s'habituer à la bête. Ce que j'apprécie, c'est qu'il y a un Kway avec, qui couvre aussi mes jambes. C'est vraiment pratique! La pluie me dérange moins, et la visière est assez transparente pour que je puisse conduire convenablement avec. Je me promène un peu dans Banyuwangi pour m'entraîner. C'est une ville sans grand intérêt, avec de grandes avenues qui la traversent. Comme partout, il y a des drapeaux indonésiens tout le long pour préparer la fête de l'indépendance. D'abord, je vais prendre de l'argent et m'enquérir du bus pour Surabaya au terminal. Il part à 11h tous les matins. Une fois cela fait, je prends mes affaires et finalement, le temps s'éclaircit. Je vais pouvoir faire ce que j'avais prévu : une visite au Parc National de Baluran, à 45 kilomètres de là. Il n'y avait personne pour un tour organisé, je dois donc le visiter par mes propres moyens. La conduite de ce scooter est fluide, c'est agréable. Je repasse devant le terminal de ferry: on peut voir Bali en face, et les montagnes de son parc national. Vu de loin, ça n'a pas l'air extraordinaire. Mais c'est une bonne façon de dire au revoir une dernière fois à l'île. De ce côté, il y a beaucoup de palmiers derrière lesquels on peut apercevoir la mer. Le trajet n'est pas compliqué, c'est tout droit. Après environ une heure de conduite, me voici devant l'entrée du parc, il n'y a pas l'air d'y avoir foule.

Ce parc est en fait surnommé la savane de Java, du fait de sa végétation qui nous transporte en Afrique. Je ne sais pas pourquoi j'avais lu qu'on pouvait voir quelques animaux africains, comme des gnous ou des girafes, mais c'est faux. Il y a des panthères de Java et des tigres, mais on ne peut les voir que la nuit. Pour accéder à la savane, il faut conduire sur une route pendant 12 kilomètres. C'est bien mais ... Bien sûr, ce n'est pas une route goudronnée. C'est une piste qui alterne de la terre (ça c'est très bien), de gros cailloux (à éviter) mais surtout, du gravier, et là c'est un peu plus dangereux car mon scooter peut glisser dessus. Ce qui manque d'arriver plusieurs fois. Je conduis donc avec les pieds en dehors, prête à me stabiliser en cas de dérapage incontrôlé. Il y a quelques Jeep qui me doublent et qui m'envoient de la poussière en pleine face, comme c'est agréable. Il va falloir prendre son mal en patience. Le trajet semble bien long, mais j'arrive à la Savannah Bekol 45 minutes plus tard après avoir contourné le Mont Baluran. Ah oui, effectivement. Il fait très sec ici et l'herbe est jaunie par le soleil. C'est vrai qu'on se croirait presque partis pour un safari! Comme je suis toute seule, je me demande si je vais arriver à voir des animaux. Je commence à prendre des photos et repère un peu de mouvement entre les arbres, pas si loin de la route. Je m'approche doucement: ce sont des antilopes? Non, des cerfs et des biches qui broutent tranquillement. Ils finissent par me repérer et lèvent la tête. Les biches semblent craintives tandis que le cerf paraît me juger. Amie, ennemie? Il pourrait m'encorner facilement s'il décide que j'ai de mauvaises intentions. Pour l'instant, ça a l'air d'aller. Un pas de plus, et la biche se met à bramer, comme un avertissement. D'accord, je vous laisse tranquille. Merci pour votre temps, merci pour cette rencontre. Ils s'en vont de leur côté et moi du mien. Je m'aperçois en revenant qu'un macaque a sauté sur mon scooter à la recherche de nourriture. Ça va, faut pas s'embêter. Il repart assez vite en s'apercevant qu'il ne peut rien se mettre sous la dent. J'explore un peu les environs, je vois aussi un arbre à Golden Tail monkeys, on dirait qu'ils ont poussé dessus comme de gros fruits noirs. Je me promène un peu sur un chemin, mais je décide de ne pas aller très loin car depuis ce matin je me sens un peu nauséeuse, et ça continue. Peut être le contre-coup d'une hypoglycémie d'hier, malgré le riz de ce matin. Mais ce n'est pas bien grave. Je retourne sur mes pas. À 3km de là, il y a une plage, Bama Beach, où l'on peut faire du snorkelling. Bien sûr, vous imaginez bien que je ne vais pas me faire 6km de plus avec une route pareille. Je l'emprunte mais je vais jusqu'au bout de la savane, et je vois une forme grise allongée, avec des cornes. Je m'arrête, je m'approche, j'espère que ce n'est pas une illusion d'optique et que je vais tomber sur un gros caillou. Non, c'est bien un buffle d'eau qui se prélasse, tout seul. Il semble écarquiller les yeux quand je m'approche. Je décide de rester derrière un arbre, s'il me fonce dessus soit je grimpe soit il se le prend entre les deux cornes comme dans les dessins animés. Je crois que ça marche en vrai, il ne verrait pas 36 chandelles mais il serait coincé. Je prends ma photo, il est amical mais je ne vais pas tenter de lui faire des câlins. Allez je m'arrache, merci la vache. Je spotte encore des cerfs et des biches, pendant que des touristes font des selfies de l'autre côté sans même les avoir vus. Je suis satisfaite et repars en sens inverse car par moments je vois flou devant moi, donc je ne distingue pas bien le relief, ça peut être dangereux. J'ai faim et pas faim en même temps, mais ce serait bien que j'avale quelque chose. Je rebrousse chemin et ... je vois de la fumée sur le versant du Mont Baluran. Super, encore un incendie, décidément la nature m'en veut. Personne ne semble trop s'en soucier mais ils n'ont peut être pas échappé à un séisme, un tsunami et un autre incendie. Je dis souvent que je pars en voyage pour faire un break du poids de mes responsabilités, mais la seule que j'ai c'est moi même, c'est de rentrer vivante et en un seul morceau. Le vent devrait pousser le feu dans l'autre sens, mais on ne sait jamais, c'est tellement aléatoire ici qu'il pourrait tourner. Donc je me ravise, je ne vais pas manger ici, je trace. On s'habitue à la route, et paradoxalement c'est en allant plus vite que l'on prend le moins de risques de déraper. C'est tout de même agréable de retrouver le bitume.

Il y a plein de petits restaurants au bord de la route mais je me sens trop barbouillée pour tester des choses que je ne connais pas, encore moins des soupes. Sauf que je ne reconnais aucun nom sur les menus, à part "nasi" avec d'autres choses. Cependant, je sens que mon cerveau bugue car j'ai failli faire une bêtise avec le scooter, il me faut des glucides. Je m'arrête au hasard. Il y a une famille qui va déjeuner et comme ils m'accueillent, je pense qu'ils sont du restaurant mais il n'en est rien. Ils se nomment Jun et Titin, et ils ont un petit garçon timide du nom de Farik. Nous essayons de parler et de nous comprendre, et nous partageons un repas ensemble, des brochettes de poulet dans la sauce au beurre de cacahuètes. Par contre, ils essayent de me caser avec un de leurs amis. Quelques photos ensemble plus tard, je prends congé avant qu'ils ne me prennent la tête ou me présentent un autre ami. Je refuse de croire qu'avec ma tête de déterrée et mon look Décathlon je sois "beautiful", c'est juste parce que je suis occidentale.

Sur la route, le trafic se densifie. Que se passe-t-il, des travaux? Non, mieux! Il y a un défilé en habits traditionnels et en costumes! Des adultes mais surtout des enfants trop mignons. Je pense que cela fait aussi partie de la fête de l'indépendance. Quelle chance! Je suis contente d'assister à cela même si c'est dur de prendre des photos rapides depuis l'autre côté de la route. Il y a aussi des chars et bien sûr, des gens qui jouent de la musique.

Le temps se gâte, un gros nuage noir semble m'arriver dessus. En rentrant à Banyuwangi il me reste une chose à faire: vérifier les trains pour Surabaya, c'est mieux que le bus, quand même. En fait comme je rentre du volcan à 9h (ou plus), il m'en faudrait un qui parte en début d'après midi. À la gare, il n'y a personne, juste quelqu'un de la sécurité qui me dit qu'il y en a bien un qui part à 14 heures. Mais impossible de confirmer cela sur Internet, je ne le trouve pas. Je n'ai pas envie de me retrouver coincée à Banyuwangi sans moyen de rejoindre Surabaya, donc je penche pour la solution de sécurité plutôt que de confort: le bus. En plus je ne suis pas sûre qu'il reste des places si je m'y présente, et je réalise que je ne pourrai peut être pas réserver sur Internet vu que ma banque m'envoie une confirmation par sms lors de mes achats.

Le tour pour le Kawah Ijen part à ... Minuit. En fait c'est un volcan qui produit des flammes bleues qu'on ne peut voir que dans la nuit. Et il faut bien monter jusqu'au cratère! Donc, la randonnée se fait en pleine nuit. Encore un challenge. Je décide de me reposer et même si je ne dors pas, je ferme les yeux et me décontracte. Il est 18h, ça ne va pas être facile de piquer un somme. Je ne sais même pas si je vais avoir faim, je devrais manger avant de partir, ce serait une bonne idée ... Je fais mes exercices de respiration habituels, je crois que ça me permet de passer d'ondes betas à alphas donc ça calme le cerveau. Finalement après 4 heures de demi-sommeil je ressors pour dîner. Je trouve un café restaurant très sympathique près de ma guest house, qui sert des plats japonais et coréens. Un boeuf teriyaki avec du riz, c'est exactement ce qu'il me fallait! Il y a un live et le chanteur a une très belle voix. Mais je remarque qu'ici, personne n'applaudit à la fin de la performance. Ce restaurant s'est aussi doté d'un appareil à hologrammes, c'est la première fois que j'en vois un dans le quotidien. C'est très sympa mais cela dit, je dors encore à moitié, comme si j'étais en décalage horaire. Il est 22h30, je me recouche, je peux dormir une heure mais pour une fois, d'un sommeil réparateur.

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Jour 2, ou nuit 2?

Je suis étonnée de ne pas être aussi à la ramasse que je le pensais. Je dois être trop impatiente d'aller voir le cratère. Minuit, je vais en face. Je rencontre Mattéo et Gianluca, deux Italiens qui vont partir avec moi. Notre guide Yush vient nous chercher, et nous faisons connaissance avec Pedro, un Portugais, et un Indonésien de Surabaya dont je n'ai pas saisi le nom. Nous prenons la route dans la noirceur de la nuit sans lune, et dans le brouillard. Le chauffeur va vite, il ne semble pas gêné par la buée que nous produisons sur la vitre. Il y a des gens qui montent en scooter et nous sommes parfois coincés par d'autres voitures. Nous voici arrivés au point de départ de la rando, l'Indonésien a juste le temps de sortir pour vomir dehors. Je le remercie de ne pas avoir vomi sur moi et lui donne un Motilium pour s'il est encore nauséeux. Nous nous installons pour prendre un thé avec d'autres touristes et prendre les masques à gaz. Le café-warung a l'allure d'un phare dans la nuit, et d'un refuge car il bruine. J'ai bien fait de prendre un haut à manches longues et mon Kway car il ne fait pas très chaud. Il y a des gens qui sont bien équipés, avec des parkas et des bonnets, et heureusement que je n'ai pas perdu mon écharpe, en fait. Si nous ne bougeons pas, je vais m'endormir, il est 2h30 du matin. Mais enfin nous nous mettons en route. Les garçons tracent, ils ont un très bon niveau de rando et je les perds très vite. Il faut dire que la pente est raide! Et de là où nous sommes, il n'y a pas de plat ou de descente. Que de la montée, et de la montée. Au bout de 5 minutes, tout le monde commence à peiner, et moi je ralentis. J'ai l'espoir de retrouver mon groupe, au moins mon guide, parce que là je me sens seule dans l'épreuve même si je suis entourée de gens. Je ne pensais pas que ça allait être aussi fréquenté en une seule nuit. Je continue, je continue, je reste motivée. Je ne m'arrête pas beaucoup, et au bout d'un moment ça y est, j'ai moins de mal, muscles chauds. Comme il pleut, il faut faire attention à ne pas déraper dans la boue quand on monte. Et puis sur le chemin, il y a des gens qui crient "taxi". Comment ça, taxi? Et là, c'est mon premier gros choc culturel du voyage: il y a des gens qui proposent à d'autres de les monter sur des carioles, sauf que ce sont eux qui poussent à la force de leurs bras pendant que d'autres sont littéralement attelés pour tirer la cariole dans la pente. C'EST QUOI CE BORDEL. Comment c'est possible. Comment les gens acceptent de monter là dedans? Les gars ne sont pas tout jeunes, en plus, et la pente comme je l'ai dit ce n'est pas n'importe quoi, en ski ce serait une rouge. J'entends même un homme hurler de douleur en tirant. Ah vous pensiez que l'esclavage avait été aboli? Je suis dégoûtée et encore plus par les gens qui en profitent. Et même pas des occidentaux, des asiatiques! J'ai envie de leur cracher dessus. Je ne pense même pas à prendre de photo, j'aurais dû et balancer ça sur les réseaux sociaux, et faire un lynchage public ou quoi. Comment on peut gagner sa vie comme ça, il y a tellement d'autres options. Au bout d'un certain temps, le chemin devient rocailleux et fait des lacets. On peut voir tous les gens monter avec leur lampe de poche comme une procession, ou de petits feux follets. En haut, ça devient plat, je me rapproche du cratère. Il y a un sacré vent glacé, mais ça va c'est toujours moins pire qu'Uyuni. Une Française du nom de Charlène qui vient d'à côté de Montpellier (décidément!) m'aborde car elle n'était pas dans ma voiture mais elle dépend aussi de Yush, que nous avons perdu il y a bien longtemps. Elle est avec deux Autrichiens, ils m'ont reconnus à mon parapluie sur la tête. Nous ne sommes pas contents car les autres guides sont restés avec leurs groupes alors que le nôtre c'était vraiment débrouillez-vous, quoi. Je suis contente de ne plus être seule. Nous voulons descendre dans le cratère mais il y a énormément de gens qui le font, pire que le Canigou au 15 août, sans mentir. C'est très dangereux en plus, les rochers glissent à cause de l'humidité et les gens se poussent et se croisent sur ce tout petit sentier. C'est une vraie usine mais ce n'est pas le meilleur endroit pour le tourisme de masse comme ça. Il y a un moment où je glisse, mais côté roche, en fait je me retrouve accroupie mais préfère me laisser tomber assise, aucun mal, donc. Tant bien que mal, nous parvenons un peu plus bas, Charlène trace jusqu'au lac du cratère mais moi je suis stoppée par la fumée sulfureuse qui m'étouffe et voilà, asthme. Même avec le masque à gaz j'ai du mal, en même temps je ne m'attendais pas à du matériel de pointe. Mais waouh, je suis dans un volcan, quoi. Je peux voir la source des fumigènes, et les fameuses flammes bleues! Il n'y a que deux endroits au monde où c'est possible. Ce ne sont pas de grosses flammes, elles commencent par faire de petites lueurs dans la fumée et ensuite quand ça se dégage, on peut voir un peu de lave d'un bleu électrique suinter de la roche. Il fait bien trop sombre et je ne parviens pas à la prendre en photo, trop peu de contraste, dans la fumée en plus. Je vous mets une photo réaliste trouvée sur Google. C'est fascinant mais je suis gelée. Le soleil commence à se lever, les lueurs de l'aube éclairent le cratère. C'est super car nous l'avons descendu un peu à l'aveugle, et maintenant que nous sommes dedans, nous le découvrons un peu comme dans un spectacle. Il y a de très belles formations rocheuses! Le lac bleu turquoise se dévoile aussi. Mais il y a vraiment, vraiment trop de fumée aujourd'hui. On le voit mieux d'en haut, mais pas en entier non plus comme sur les photos de promotion (étonnant).

Les nuages s'invitent à la fête. Nous avons rendez-vous à 7h30 en bas, mais vu comme j'ai froid, je préfère partir maintenant. Il est 5h45. Tout le haut du volcan a la tête dans les nuages, au départ ce n'est que de la bruine mais ensuite ça devient franchement de la pluie. Je suis trempée de la tête aux pieds. Mais dans tout ça, Charlène me retrouve, je suis contente car je pensais l'avoir perdue (pour toujours!). Nous descendons donc ensemble accompagnées de militaires qui friment. Ça va, personne ne tombe. Il y a des gens qui montent à cette heure là, c'est dommage pour eux car on ne voit vraiment plus rien de jour. Nous arrivons enfin au warung au sec. Tout le monde qui a fait le volcan Bromo dit que les flammes bleues c'était bien, mais le paysage est plus joli à Bromo. Forcément quand il pleut pas. Moi, un seul volcan à gravir me suffisait, donc j'avais fait mon choix. C'est l'heure, les autres partent mais nous, nous attendons Pedro, qui arrive avec une demi-heure de retard. Un peu plus au chaud, nous redescendons et nous arrêtons pour voir une cascade. Il faut descendre, remonter, j'ai la flemme. Je mange un peu de banane frite mais c'est lourd. Je vérifie sur le téléphone de Gianluca: il y a bien un train cet après midi (à 13h30 donc pas à 14h) mais il est complet. Evidemment, en Indonésie c'est génial de voyager par train. Donc pas le choix, ce sera le bus qui va mettre une durée indéterminée. Pedro a dû le prendre entre Probolinggo (au volcan Bromo) car le train était complet aussi. Je devrais anticiper pour mon train entre Surabaya et Yogyakarta ... Quand aurais-je le temps? Je peux le prendre en rentrant mais je vais probablement devoir trouver un portable débloqué pour mettre ma carte sim dedans et avoir le code de confirmation mais à mon avis, c'est mal parti. En fait c'est mieux quand je m'organise tout à l'avance ... J'ai une idée, je propose à Gianluca de prendre mon billet et je lui donne de l'argent. Je suis un peu stressée, la connexion est mauvaise, mais ça marche. Par contre, avec la fatigue et la précipitation, je ne me rends compte que trop tard que j'ai laissé. com à la fin de mon adresse mail alors que c'est .fr. Gianluca m'a pourtant dit de double checker, il l'a fait lui même, m'a donné le code de confirmation que j'ai heureusement noté (même pas sûre que je l'aurais fait sinon) mais j'ai tout regardé sauf ça. Donc, je n'ai jamais reçu mon e-ticket ...

Nous arrivons finalement à la guest house vers 10h du matin. Je suis étonnamment en forme, ça doit être l'adrénaline. Le temps de faire des photos ensemble et de dire au revoir, je file. Je demande un petit déjeuner car sinon je ne mangerai pas de sitôt, finis de faire mon sac, me change, je mange (je crois que c'est un soto quelque chose, une soupe quoi) et ça va être l'heure d'y aller. La dame, qui n'est pas Isha, n'a pas compris quand je lui ai demandé si elle connaissait quelqu'un pour m'emmener au terminal de bus. Après tout, ils proposent tous leurs services pour les déplacements, autant payer quelqu'un qu'elle connaît. Mais même en essayant d'appeler un taxi, ça ne semble pas très bien rouler cette affaire. Je n'aime pas les gens qui font semblant de comprendre alors que ce n'est pas le cas. Bon ok moi ça m'arrive souvent, mais je ne travaille pas dans l'hôtellerie et on ne me pose pas des questions importantes et pratiques. En plus elle a de quoi traduire sur son téléphone, on aurait dû commencer par là. Je finis par partir à pied vers l'avenue dans l'espoir de trouver quelqu'un qui fasse taxi. Je tends mon pouce en criant "taxi"- comme les rôles sont inversés c'est ironique mais comme quoi on se fait comprendre quand on cherche - et quelle chance, un jeune couple s'arrête. Ça va que je ne vais pas loin, mais à pied ça m'aurait pris 20 minutes que je n'avais pas. Si encore je savais par où le bus passait ce serait plus simple, je lui ferais coucou depuis la route. Mais ces gens sont très gentils, je leur propose de l'argent en cadeau mais ils refusent. J'abuse beaucoup de la gentillesse des gens aujourd'hui, ça va me filer un mauvais karma tout ça.

Il y a deux bus, un direct et un autre où il faut changer. "This one direct, this other one you have to change at the BRRRR" "The what now?" "The BRRRRR", je vous jure que ça sonnait comme ça et ça m'a autant fait rire que peu inspiré confiance. Je crois avec le recul qu'il parlait de la ville de Jember. Je préfère donc le soit disant direct pour Surabaya, il n'y a pas la clim dedans, pas comme le premier mais je n'ai pas chaud donc c'est parfait.

Comme la dernière fois, il va très lentement tant que nous sommes à Banyuwangi pour racoler des gens. Sauf que je me rends vite compte qu'il y a un problème : il ne dépasse jamais 15 voire 20 km/h. Putain, on a 300km à faire comme ça? On n'arrivera que demain. Bon au moins, je suis bien installée et dans un état second. Mais qu'est ce que c'est long. C'est désespérant. Nous nous arrêtons 10 à 20 minutes à chaque terminal de bus, pour récupérer des choses. J'ai envie de secouer le chauffeur. Mais ai-je le choix? Le point assez positif dans mon cas c'est que le bus est fumeur. Les fenêtres sont tout le temps ouvertes ce qui évite l'effet aquarium, donc ce n'est pas si désagréable, ce le serait pour un non-fumeur probablement. Je sens souvent qu'ils fument les cigarettes aux clous de girofle qu'Anika m'avait faites goûter. Heureusement qu'ils ne fument pas des cigares. J'ai aussi l'impression qu'il n'y a que les hommes qui fument. Je dois les impressionner, avec mes manières à l'opposé de la délicatesse. Le long trajet me donne le temps de regarder le paysage. Les aires urbaines se concentrent autour des routes et il y a peu d'espace entre un village et un autre, c'est comme une grande agglomération. Sinon topologiquement parlant ce n'est pas bien différent de Bali car il y a des rizières et des bananiers, mais c'est un peu plus plat. Ça manque de temples, je trouve que cette plaine est un peu fade. Ce qui l'est moins ce sont tous les gens qui montent pour jouer du banjo et vendre à manger quand le bus s'arrête, donc assez souvent. On peut monter dedans par devant ou par derrière, moi je suis devant et ces gens ont tendance à monter par derrière. Donc la plupart du temps je les vois arriver dans mon dos sans être prévenue. En fait c'est comme les moustiques, tu laisses ta porte ouverte, ils voient de la lumière et hop y'en a 10 qui rentrent! D'ailleurs pour les joueurs de banjo c'est un peu bête car au bout du cinquième plus personne n'a de la monnaie. Je repère d'autres détails insolites dont je n'ai pas encore parlé ici: les dentistes se nomment les "Dokters Gigi". Et là je vois même le nom d'un "Dokter Kiki" qui est urologue. Non mais c'est le vrai nom qu'on leur donne, hein! Il faut bien s'occuper, en plus j'ai deux enfants derrière moi qui crient à plein poumons, la mère ne fait rien et tout le monde s'en fiche. J'aimerais avoir ce flegme au quotidien. Cette patience aussi. Mais cela me donne quand même l'impression que les mères d'ici, même en Malaisie, sont très permissives. Je pense qu'ensuite les enfants apprennent le respect par le biais de la religion.

Ah, nous arrivons au pied de collines, le paysage va être plus intéressant. Nous passons dans des forêts de conifères sur une route à virages. Je ne comprends pas car il y a des gens au bord de la route qui ne font que nous dire de passer avec la main. Non pas des policiers, pas des travailleurs, juste des civils. Il n'y a même pas de travaux ou de bouchons à cet endroit. C'est quoi, ça sert à quoi, c'est pour se donner l'impression d'être utile, c'est pour se dire qu'on travaille? Au retour quand je vais m'ennuyer, je vais aller faire ça au bord de la route. Mais j'ai l'impression qu'ici ils aiment montrer l'évidence. Comme quand ils te désignent les toilettes juste en face de toi au cas où tu sois malvoyante. Le bus va un tout petit peu plus vite car il n'y a pas de ville ici, ouf. Les gamins se sont endormis, ça fait des vacances. Nous arrivons à Jember vers 16h. Donc, 5h pour faire 100km. Tout va bien, tout va bien. "I am right where I'm supposed to be". J'ai fait un ou deux micro-sommeils et c'est un peu mieux. Mais vraiment... À quelle heure vais-je arriver? Je dois me lever à 6h30 le lendemain. J'essaye de rester zen. Nous devons changer de bus au terminal de Jember, j'ai envie d'en trouver un qui ne s'arrête pas partout... Mais ils ne parlent pas bien anglais et ils rigolent, ils se moquent de moi comme d'habitude. Je prends un ton autoritaire sans leur crier dessus et enfin j'ai une réponse. Et oui les gars, en Europe on n'est pas toutes de petites soumises dociles. Je monte dans un autre bus avec la dame qui était à côté de moi. Je dois avoir l'air d'être au bout du rouleau. Mais qui dit changement de bus dit changement de chauffeur. Le nouveau annonce être à 22h à Surabaya, donc 6h de route encore. Et en fait mes prières silencieuses ont été exaucées: il va vite. Un peu trop même, il met beaucoup de coups de frein, il est toujours en train de doubler même quand les voitures arrivent en face, tout le monde lui fait des appels de phare et il klaxonne toutes les 30 secondes. Un gros excité du volant. Mais curieusement cela me remplit de joie, je retrouve mon optimisme et je lui en suis reconnaissante. Non seulement nous arriverons à l'heure mais en plus je ne vais pas m'ennuyer! Voilà, là il y a du risque, là c'est intéressant. Je le remercie intérieurement de tout mon coeur. Pour risquer ma vie de la sorte. Oui. Même dans les bouchons il nous évite une attente interminable. Nous filons et les kilomètres s'enchaînent. Il ne ralentit que quand il doit mettre de l'essence. Et voilà, au bout du temps annoncé, alors que je commence vraiment à m'endormir, nous arrivons au terminal de Surabaya, hors de la ville. Taxi, taxi! Je ne suis pas en position de dire non mais quand on me propose un prix je leur dis clairement qu'il faut arrêter de me prendre pour une conne, que je n'ai plus de patience car je dors debout et qu'ils me donnent ce prix uniquement parce que je suis une femme blanche. Ils le prennent un peu mal en disant que je n'en sais rien, que le parking est cher, oui probablement mais tu m'as quand même donné un prix au dessus. Comme si on ne connaissait pas votre manège. J'ai été sur un groupe Facebook avec des Indonésiens et ils étaient insultants dès que l'on parlait d'essayer de payer moins. Je pensais avoir négocié pour 50k au lieu de 75k (ce qui est déjà un peu abusé, non je n'ai aucune idée des vrais prix mais je sais qu'ils nous annoncent le double de ce qui est attendu), finalement il me dit que je vais payer le parking en plus à la fin, 10k. Nous avons un peu de mal à trouver mon hostel mais j'arrive à destination. Je vais l'embêter un peu, je ne lui donne que ce que j'avais convenu au départ. Il s'énerve. Ah ben oui mais c'est toi qui te fiche de moi, hein. Il ne fallait pas m'embrouiller comme ça. Il râle vraiment, il n'est pas violent mais au bout d'un moment je sens que c'est assez sincère et il n'est pas trop méchant. Je lui donne ses 10k de plus pour le parking et je le laisse s'en aller. Si je sens que je me fais encore arnaquer mais que je n'ai pas le choix, je vais faire ça, tiens. Les faire mariner un peu et ensuite leur donner ce qui était convenu, juste pour faire passer le message que moi aussi, je peux te prendre pour un con de la manière dont moi tu me prends pour une pigeonne. C'est aussi pour cela que je ne voyage pas des mois et des mois: c'est ce qui me lasse le plus.

L'hostel fait à manger mais comme il est 22h45, c'est trop tard. Ils passent cependant par Go Eat pour me dépanner, c'est comme Allo Resto. J'ai le temps de prendre une douche avant que la commande arrive, et je ne fais pas long feu. C'est enfin la fin de cette longue journée!

13
août

Cette histoire de billet à récupérer était d'une facilité déconcertante.

Il suffisait juste, en arrivant à la gare de Surabaya Gubeng, d'entrer le code de réservation sur une machine qui imprime le billet. Hop, un souci de moins. Le système de trains indonésiens est très performant comparé au niveau de vie du pays. L'agent de gare appelle tout le monde pour le train Sancaka (qui n'est poutant pas de la merde; il faut prononcer Santchaca, d'ailleurs) une demi-heure à l'avance. Et tout le monde l'attend sur le quai. Et tout le monde monte dedans 10 minutes en avance. Et le train part à l'heure. C'est incroyable. Il va aussi vite qu'un TER français. J'ai hérité d'une place à contresens et côté couloir, je me suis installée proche de la fenêtre et dans le sens de la marche, on n'est pas venu me déloger. Une jeune Indonésienne du nom de Mira s'asseoit à côté de moi et nous discutons un peu. Elle est en école d'infirmière à Yogyakarta. Pendant ce temps, la télévision du train passe des vidéos de DIY avec des choses très moches. Je n'ai même pas le temps de voir passer le trajet de 5h15 que nous arrivons en gare de Yogyakarta à l'heure.

Je ne peux pas aller à mon hostel à pied. Je dois prendre le bus et comme je suis dans les environs, je vais manger sur Malioboro Street. C'est un peu les Champs-Elysées de Yogya, sauf que je trouve que ce n'est pas si extraordinaire. Les vêtements vendus font très fripes, encore pire que d'habitude. Par rapport à Bali, on les trouve dans des tons beaucoup plus ocres et dorés, ce qui est tout de même joli. Après manger, je prends ensuite le bus. Le réseau est très bien organisé, il faut passer un petit tourniquet après avoir payé et on se retrouve à la hauteur du bus. Je pense qu'il est fait comme cela pour ne pas que tout le monde monte ou descende quand il veut. Malheureusement il n'y a pas de "halte" proche de mon hostel. Je dois donc marcher une bonne vingtaine de minutes avec le sac sur le dos. J'ai l'impression de l'avoir mal réparti. Enfin me voici au Abrakadabra, qui a toute la tête d'un squatt de hippies. Je fais connaissance avec le propriétaire, et je vais faire une petite sieste pour rattraper le sommeil en retard. Quand je décide de me bouger, le soleil va bientôt se coucher. Je décide de faire tout de même un petit tour dans les rues du quartier. Ma promenade m'amène à Alun-Alun Kidul, une grande place assez connue pour son challenge des arbres Berigin. Deux grands arbres se font face en plein milieu de la place, le but est de passer entre les deux en se bandant les yeux en partant de 20 mètres plus haut. Il y a de la place entre les deux, c'est large! Je vois les gens essayer et certains partent directement sur la droite ou sur la gauche. Bon et bien non, ça n'a rien de facile, j'ai raté deux fois et à la troisième j'ai mis mes pieds l'un devant l'autre comme si je marchais sur un fil et ça a marché. J'espère que mon voeu se réalisera. Sur Alun-Alun Kidul, il y a aussi des voitures à pédales avec de gros néons fluos dessus, qui jouent de la musique à fond, ainsi que des stands de street-food. Je goûte (enfin) un bakso, une soupe avec des boulettes de poulet. Ce n'est pas extraordinaire, mais c'est sympa parce que je suis assise sur une natte par terre comme tout le monde.

Je rentre ensuite à l'hostel pour faire connaissance avec un groupe de Français et une Italienne. C'est sympa de parler avec eux mais j'ai l'impression que comme ils ont déjà inclus l'Italienne à leur groupe, ça leur suffit. Je me demande si l'ambiance est au beau fixe entre eux car même s'ils font leurs activités ensemble, ils sont un peu renfermés sur eux mêmes et par moments ils tirent la gueule. Ou ce sont leurs états naturels. Je vais me coucher, et là ... un insecte sur mon oreiller. Je le tue et je vais demander tout de suite si c'est une punaise, car c'est visible à l'oeil nu. Deux personnes me disent non, juste que la bestiole va me piquer mais c'est tout. Ils travaillent ici, ils doivent savoir de quoi ils parlent, non?

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Jour 1: Borobudur

Non.

Je n'aurais pas dû faire aveuglément confiance et regarder sur Google. Sauf que c'est à n'y rien comprendre: la première fois au Pérou, ça n'avait rien à voir. On dit soit qu'elles sont petites comme des points noirs (Pérou) soit grosses et rouges (ici). Quand j'avais vu les photos de nombreuses fois je pensais qu'elles étaient donc agrandies. Apparemment non, c'était plus gros qu'une fourmi. Aussi la première fois, mes piqûres étaient localisées sur les bras et le dos, rouges, elles brûlaient, mais je n'avais rien dans le cou, sur les jambes ou sur la figure et ça concordait avec les explications sur Internet. Là j'en ai vraiment partout et ça gratte, et ce n'est pas forcément rouge. C'est à n'y rien comprendre, je me demande si nous n'appelons pas "punaise de lit" deux insectes différents qui font plus ou moins la même chose. Au final, est-ce vraiment la punaise dont il est compliqué de se débarrasser ou pas? Le doute persiste. Peu importe, je suis complètement minée. Après tout ce temps à les éviter, ça arrive dix jours avant mon retour. La malédiction de la troisième étape avant la fin? Je me sens comme une cloque géante. Les gens de l'hostel me donnent de la pommade à la cortisone et ça va un peu mieux, mais quand même. Le seul avantage de la situation, c'est que mon gros sac n'a pas été en contact avec le matelas, il est dans un casier. En revanche elles auraient pu pondre dans mon petit sac même si je l'ai mis sur la tablette en hauteur pour qu'il ne soit pas en contact avec le matelas, pour prévoir le coup. Tout ce qui a été proche du matelas va être mis dans mes sacs hermétiques pour éviter toute contamination puis lavé à plus de 60 et remis dans le sac hermétique encore. Je réfléchis mais je n'ai pas pu les amener moi-même : mon gros sac a été dans le porte bagages du train mais pas dans la chambre, mon petit sac c'est l'inverse, il n'était même pas sur un siège. Donc ça ne doit pas être moi qui les ait amenées mais le gars là avant moi. MERCI. Je suis la première à être piquée mais plus tard ça sera le tour d'un autre Français.

J'essaye de ne pas me laisser abattre. J'essaye vraiment. Mais là j'ai juste envie de pleurer de désespoir à l'idée de comment je vais être accueillie au retour. Si c'est comme la dernière fois, comme une pestiférée. Je garde à l'idée que ce n'est pas la fin du monde, ce ne sont que des piqûres après tout, je n'ai pas un cancer. Mais là, tout de suite, ça y ressemble.

Je me motive pour bouger cet après-midi et me changer les idées. Je vais visiter Borobudur, un immense temple bouddhiste ancien. Ce n'est pas très compliqué d'y aller en bus, même s'il faut faire un changement. Je mets environ deux heures à me rendre sur place. En général, la grosse période d'affluence est au lever du soleil, sauf qu'encore se lever dans la nuit, très peu pour moi merci. Ce qui est agréable c'est qu'il y a un thé ou café de bienvenue quand on achète un billet. Je prends un combiné avec celui de demain. Le temple est construit sur le flanc de la colline, et vue de loin avec ses stupas et toutes ses niches qui renferment des Bouddhas, on dirait une forêt-noire géante.

Le temple a été construit vers l'an 800 puis abandonné en 1100. C'est Raffles qui a fait découvrir le bâtiment et réaménagé par ses ingénieurs. Des stupas avaient été détruits par le temps, ils ont été restaurés grâce à l'UNESCO. En comptant le gros stupa central, le temple est construit sur les fameux 11 étages. Des fresques couvrent ses murs inférieurs, racontant l'histoire du Bouddha Sakyamuni. Les étages inférieurs représentent Khamadhatu (le monde des désirs), puis quand on monte un peu plus haut Rupadhatu (le monde des formes) et enfin pour accéder à l'illumination, Arupadhatu (le monde sans formes). Il y a quatre entrées, chacune à un point cardinal. On ne sait pas d'où vient le nom Borobudur qui pourrait avoir plusieurs origines qui se tiennent, comme "grand Bouddha", "gros temple"' "temple sur la colline" etc ... Borobudur a survécu à des éruptions et des tremblements de terre, mais pas 9 stupas pendant une attaque terroriste dans les années 80, déjà.

Je trouve ce site magnifique, surtout dans la lumière de l'après-midi. Il y a du monde mais pas trop, et je comprends pourquoi tant de monde se presse pour le lever de soleil: il y a une magnifique vue sur la plaine à 360 degrés. Dans chaque petite stupa, il y a une statue de Bouddha. Certaines n'ont pas de tête. Je me pose pour admirer la vue. Des gens demandent à faire des photos avec moi, mais maintenant j'ai décidé de refuser. Surtout aujourd'hui, bien que la beauté du temple me réchauffe le coeur, je ne suis plus d'humeur. Et puis ce que je n'aime pas, c'est qu'on me prend parfois en photo contre mon gré. C'est très embarrassant, je n'aimerais pas être une star. Ce comportement est assez insupportable en fait. Maintenant je vais toujours demander. Je redescends du temple pour aller visiter le petit musée, qui n'est pas bien passionnant finalement. Pour finir comme je fais les choses à l'envers, je vais visionner le petit film explicatif.

Quand je sors, il y a des gens sur une scène, qui font une chorégraphie qui ressemble à une danse de Club Med. Puis, je m'en vais reprendre le bus. Sur la route je peux voir un haut volcan au loin. Je ne connais pas son nom car ce n'est pas le plus connu, le Merapi. La nuit tombe, au retour je vais acheter une bombe anti-cafards pour en passer mon sac pour la nuit, je vais manger et passe la soirée à l'hostel avec Dyon qui est volontaire ici, à avoir des conversations profondes sur la psychologie et la communauté LGBT. Cela fait plaisir de connaître un jeune Indonésien progressiste. Ce soir, je change de dortoir, c'est gentil d'avoir accepté.

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Jour 2: Les Palais de Yogyakarta, les Temples de Prambanan

J'ai beaucoup mieux passé la nuit et ai retrouvé un certain optimisme. C'est motivée et après un petit déjeuner assez étrange que je me dirige d'abord vers l'atelier de cuir où je veux aller demain, pour fabriquer un porte-monnaie. J'ai réservé mais je n'ai aucune nouvelle. J'emprunte un certain chemin, qui en fait est le plus long. Yogyakarta, c'est grand. Les rues en lignes droites peuvent sembler interminables, mais heureusement il est possible de trouver un peu d'ombre. Je me retrouve dans un quartier défavorisé. Les enfants me disent "hello" puis rigolent, je commence à avoir l'habitude même si je n'aime pas ça. J'aimerais leur dire que je trouve malpoli de se regarder et rire de la sorte, mais à quoi bon? Cela me donne l'impression de faire quelque chose de mal. J'essaye de ne pas trop y penser. J'arrive au bord de la rivière où des ordures sont entassées. Ça sent aussi la fiente de poulet. Mais d'autres endroits sont assez mignons, comme le bassin à poissons. Je traverse sur un pont de bois, mais une fois sur place, je crois que le lieu est mal positionné sur maps.me car je ne trouve rien. Et je ne comprends rien aux indications qu'on me donne. Avec de la 4G je n'aurais pas eu ce problème, je serais allée vérifier l'adresse. Bon et bien je ne vais pas y passer la journée, j'ai perdu du temps inutilement. Je repars donc vers le centre de Yogya.

Maintenant, je vais visiter le Taman Sari, qui signifie Jardin des Fleurs en javanais. Il a été construit par le premier sultan de Yogyakarta et il était entouré d'un grand lac artificiel. Il était relié au Palais Royal par un tunnel sous-marin, pour que le Sultan puisse aller s'y prélasser sans avoir à sortir en ville. Il y avait même une mosquée sous l'eau, la Masjid Bawahtanah! En fait, quand je commence à visiter le palais, c'est très agréable car il fait beau, mais il y a mention de plusieurs structures sur mon dépliant que je ne parviens pas à repérer. Ça me paraît petit ... heureusement, un guide vient me parler. Il m'emmène en dehors des murs, dans de petites rues autour du palais. Je me retrouve devant un magasin de café assez cher. Pourquoi? Parce que les grains sont fermentés dans l'estomac d'un raton-laveur et récupérés dans ses selles. Oui vous avez bien lu! Le luwak, en indonésien, s'appelle Louise même si c'est un mâle. Il est en cage, ce qui est fort dommage. Une victime du capitalisme. Je ne tente pas de boire ce café, parce que je n'aime pas que l'on me force à acheter quelque chose sur le moment. Peut-être demain, au calme. Nous continuons notre promenade dans les ruelles étroites qui me font un peu penser à celles d'Agrabah dans Aladdin, mais en version indonésienne. Nous atteignons l'entrée du tunnel et de la mosquée. En fait j'en parle maintenant mais je n'étais même pas au courant qu'elle existait, et d'où elle était. Et je suis vraiment étonnée de savoir qu'elle était sous l'eau! D'ailleurs les galeries portent les traces d'humidité. C'est fou.

Je ressors assez proche du Keraton, ou Palais Royal actuel. Yogyakarta est toujours dirigée par un Sultan, Hamengku Buwono IX. Deux jours après la Déclaration d'Indépendance de l'Indonésie, le Président Soekarno l'autorisa à garder son pouvoir dans "l'État Spécial de Yogyakarta". Le Palais lui-même n'a rien de très spécial, cependant. Dans quelques salles on peut voir de la vaisselle, du batik, des photos du Sultan dont un portrait sur lequel il semble cosplayé en elfe, vu ses oreilles! Ou un âne, c'est selon. En tout cas ça me file un fou rire. Je me fais alpaguer par un autre guide mais là j'ai la flemme. Il me montre quand même l'atelier de marionnettes en cuir, à l'effigie de Brahma, Vishnou, etc. On peut les différencier par leur couronne, sinon ils ont tous le même profil. C'est joli, mais je ne suis pas trop intéressée par un achat ou même un spectacle. Ensuite, je prends congé pour retourner me reposer en repartant dans le dédale de petites rues où je m'étais trouvée auparavant. Elles sont très étroites et partent dans tous les sens mais je parviens à me repérer.

Pour le déjeuner, je décide de me rendre dans un restaurant méditerranéen qui fait du risotto et de la paëlla. Je commande du riz noir avec des crevettes et ... de l'aïoli! Je me suis sentie comme à la maison. Il est bientôt 14 heures et je veux me reposer un peu à l'hostel. Enfin, au homestay, je viens de lire que le propriétaire ne voulait pas qu'on appelle sa maison comme ça. Un "Art B&B" même. Je teste la piscine, mais elle n'est au soleil qu'à midi donc malgré le beau temps, l'eau est froide. Une heure plus tard, je repars prendre le bus pour Prambanan.

Le site hindou est plus proche de la ville que Borobudur, je pensais y être bien avant. En fait, cela a quand même pris deux heures. Je dois changer de bus à l'aéroport. La carte n'est pas claire, j'ai l'impression que mon bus n'y passe qu'au retour. Je repars en sens inverse sur la route pour l'attraper à la station d'avant. Il est déjà 16h30 et le temple ferme à 18h, dernière admission 17h. Le bus arrive, il est plein, le contrôleur ne laisse monter que deux personnes et les portes vont se refermer. Sans réfléchir, je saute en passant sous son bras. La dame de la station crie. Et je suis dedans, il y a largement la place. Il passe par l'aéroport. C'était complètement inutile. Il est 16h40. Il finit par arriver à la station de Prambanan à 16h50. Il faut marcher 500 mètres pour arriver à l'entrée. Je cours, heureusement que j'ai déjà mon ticket combiné. Je rentre pile à 17h. Ouf.

En fait Prambanan est un complexe de temples hindouistes. Le plus grand est dédié à Brahma le Créateur, puis on trouve aussi celui de Shiva, Vishnou, Garuda, Nandi et Angksa. Les bas reliefs représentent l'histoire de Kresnayana et Ramayana.

Le site bien que majestueux se visite vite, et je reste jusqu'au coucher du soleil. Il y a trois autres petits temples sur le site, que j'ai le temps d'aller voir avant que la nuit ne tombe complètement. Puis, je dois être prête pour le Ramayana Ballet à 19h30. Je me rends sur place, et il y a un buffet pour les spectateurs. Je vais ensuite m'installer assez rapidement pour avoir une bonne place, mais comme je n'ai pas pris le carré VIP, je suis un peu loin et sur le côté.

Le ballet conte l'histoire du prince Rawa Wijaya, qui voyage dans la forêt avec son épouse Shinta et son frère Laksmana. Le méchant roi Rahwana, qui a bien une tête de méchant pour qu'on le reconnaisse, passait par là. Il a alors un coup de foudre pour Shinta, mais comme il est méchant il veut la kidnapper. Il transforme son ami Kalamarica en muntjac d'or (un cervidé). Shinta le trouve magnifique et demande à Wijaya de lui ramener le muntjac. Wijaya prend beaucoup de temps, Laksmana s'inquiète et part à sa recherche, et trace un cercle magique pour que Shinta soit protégée. Rahwana sort alors des buissons, essaye de prendre Shinta mais le cercle fait bien son effet. Alors il se métamorphose en vieux brahmane qui fait la charité, obligeant Shinta à sortir du cercle. Et bim, ça marche, il l'embarque avec lui. Bon, elle ne se débat pas trop, la petite. Les deux princes arrivent et constatent sa disparition. Ils partent à sa recheche, et tombent sur Hanuman le singe blanc qui a besoin de leur aide pour régler un conflit entre deux membres de sa famille, Sugriwa et Subali. Bien sûr, cela se termine dans le sang, Wijaya décoche une flèche qui tue Subali. Maintenant, les deux frères ont les singes de leur côté. Hanuman va partir faire l'espion au royaume de Rahwana, mais il n'est pas très discret, il provoque l'armée et se fait arrêter. Il est condamné à être brûlé vif mais ne meurt pas grâce à ses pouvoirs (pratique!) et il incendie le palais. Pendant ce temps, Wijaya construisait un pont pour accéder au palais: il est terminé, mais la guerre commence. Wijaya tue Rahwana et retrouve Shinta. Se passe alors un truc pas du tout sexiste: Wijaya pense que Shinta l'a trompé et lui demande de s'immoler par le feu pour prouver sa virginité. Ça marche. MAIS BON.

Je suis assez subjuguée par ce ballet. Les danseurs sont très performants, l'histoire est limpide et surtout la mise en scène est très travaillée. J'aime beaucoup comment quand un personnage meurt et doit quitter la scène, ils ne font pas un fondu au noir mais mettent de la lumière bleue, plus personne ne bouge et le danseur quitte juste la scène accompagné par des anges. C'est très ingénieux. Il y a de belles scènes d'action, et au moment où Hanuman embrase le palais, ils utilisent du VRAI FEU et brûlent de la paille dans un superbe climax. Je ne m'y attendais pas et je trouve ça épique. J'ai vraiment adoré ce ballet, avec Prambanan illuminé en toile de fond. Pour seulement 100k de plus, ces danses étaient cent fois mieux que celles de Bali.

Photos de loin, sombres et floues. Désolée, je vous ai habitués à mieux. 

Maintenant, il faut rentrer. J'essaye de trouver quelqu'un pour rentrer sur Yogya, invoquant le fait je ne veuille pas être seule. Je me retrouve à partager un Grab avec un couple de Hong Kongais très gentils qui refusent que je leur donne une partie de l'argent. Comme moi je vais un peu plus loin, le chauffeur m'emmène à la maison. Il me demande ce que je pense des Indonésiens et je préfère être honnête quant aux gens qui travaillent dans le tourisme. Si on ne le dit pas, personne ne saura. J'ai envie qu'ils comprennent que c'est dysfonctionnel. Mais il comprend très bien le souci. Il me trouve quand même sympathique.

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Jour 3: Artisanat 

Je n'ai aucune nouvelle de l'atelier de cuir dans lequel je veux passer la journée, mais je tente quand même. Et cette fois-ci je trouve facilement, il faut dire qu'il y avait un panneau que je n'avais pas vu et c'était à gauche dans la rue et non à droite. L'atelier se nomme Kaula Leather et je suis accueillie par Opik qui ne parle pas bien anglais, et avec un accent à couper au couteau. Nous sommes rejoints par deux Allemands, Vera et Florian. Vous vous souvenez de Lucy et Pia, les Allemandes paniquée de Padangbai? Et bien ce sont des amies de Florian. Quelle coïncidence, j'adore!

Nous nous mettons au travail. Je voulais faire des sandales mais il n'y a plus de semelles et en plus ça prenait deux jours. Je me rabats sur ma première idée : un portefeuille car celui du Pérou que j'ai actuellement est catastrophique. Vera va faire un sac et Florian un étui à dés pour ses jeux de rôles. Première étape, découper le cuir au cutter. Opik fait les patrons, je découpe et il rattrape mes bêtises.

Maintenant que mon futur portefeuille est en pièces détachées, il faut que je fasse des trous au poinçon et au marteau à l'endroit où il va y avoir les coûtures. Cela prend du temps et je dois demander à Opik de me tracer les lignes sinon je ne vais pas droit. J'ai peur de me taper les doigts mais finalement, ça n'arrivera pas. Cette partie est assez relaxante.

Ensuite, je passe tous ces bouts à la teinture car j'opte pour un rouge foncé. Maintenant, il faut que ça sèche, et nous sommes déjà en début d'après midi. L'atelier donne sur les rizières et il y a du vent, nous n'avons donc pas trop chaud. Il fait même parfaitement bon. Opik va nous chercher à manger, de l'ayam goreng pour changer, que les chats essayent de quémander. Nous somes quand même tous d'accord sur le fait que la nourriture manque de variation, même dans les épices d'ailleurs. Puis retour au boulot.

Il faut que je passe le fil dans les trous. Au départ, pas trop de souci, et ça commence à prendre forme. C'est quand il faut mettre de la glu à certains endroits que ça se corse car les fils passent ensuite moins bien. J'utilise le burin pour écarter les trous. Cela prend un temps monstrueux. Et j'ai mal aux doigts. Mais j'y parviens tant bien que mal.

La partie porte-carte est aussi compliquée, il faut mettre du tissu pour les faire tenir, mais au moins ce sera de meilleure qualité. Puis il faut coller un autre bout par dessus. Et comme il y a de la glu et qu'il faut encore tisser, c'est insupportable, mes trous sont trop petits. Je réutilise le poinçon et le marteau pour les refaire en plus grand, ça passe mieux. J'ai mal aux doigts, ça fait 6 heures que j'y travaille. Ce n'est pas fini! Je crée mon design que je veux sur le devant, un mix entre une rose des vents et un attrape rêve. Je dois ensuite graver le dessin. Et pour finir, Opik ajoute les boutons.

Le raconter est rapide, mais il a fallu en tout 8 heures de travail! Mais le résultat est génial! C'est le meilleur portefeuille que je n'ai jamais eu.

Et là, j'avais oublié la carte mémoire du Reflex. Donc, photos pourries avec la tablette.
Mais j'ai enfin le nom de cette chanson qui passe partout.

Retour à la maison, c'est très calme ce soir. La journée est passée très vite même si le travail était long. Je n'ai finalement pas eu le temps de faire plus de shopping. Je serais bien restée encore plus longtemps ici, l'ambiance de cette ville et du B&B va très certainement me manquer! Par contre ce qui me rend triste est que je n'ai pas pu dire au revoir à Dyon, qui est sorti. Je n'ai réalisé que trop tard que les gens sortaient ce soir pour célébrer et pas demain ...

17
août

Je suis peinée de quitter Yogyakarta.

D'abord, parce qu'aller à Sumatra commence à sentir la fin du voyage. Ensuite, parce que j'ai la sensation que je vais galérer plus que de raison là où je vais. Les connexions ne me semblent pas faciles, les infrastructures un peu pourries, pour moi Sumatra c'est la cambrousse. Je ne sais même pas si je vais rencontrer des gens là où je vais être. En fait, je pense que je vais être livrée à moi-même. Quelle idée d'y aller! Je quitte Abrakadabra en remerciant le staff et en disant au revoir aux deux chats, Bonnie and Clyde, ce dernier s'étant installé dans mon casier.

L'aéroport de Yogya est tout petit pour une ville si touristique. Il y a une salle d'attente avec quelques boutiques, où j'achète des souvenirs, comme si j'en avais besoin, qui c'est qui va encore se plaindre de ne plus avoir de place dans son sac? Air Asia va me faire la tête quand je vais partir de Sumatra car mon sac pèse actuellement 15,4 kilos. On verra, j'ai des solutions. Mais aujourd'hui c'est la compagnie Citilink que je prends, avec une escale de 3 heures à Jakarta Halim. Il y avait bien un vol direct de Yogya à Padang, mais il était opéré par Lion Air, mauvaise compagnie, et surtout il arrivait à 23h30. Je ne reste même pas à Padang, je vais à Bukit Tinggi qui est à plus ou moins 130km au nord. Le kilométrage peut être très approximatif à Sumatra. Le premier vol accuse un peu de retard, ce n'est pas bien grave. En décollant, nous pouvons voir l'épine dorsale de Java composée de beaucoup de volcans: le Merapi, le Sindoro, le Sikindang, le Dieng qui est un complexe volcanique car sa caldeira compte 5 cratères, le Candradimuka, le Slamet ... Ça fait beaucoup de volcans qui explosent et qui crachent du feu, comme dirait un petit que je vois au boulot. Sur les 150 volcans d'Indonésie, 45 sont concentrés sur Java qui n'a pourtant pas une grande superficie. Nous atterrissons au son de l'hymne national et dans la brume jaune de pollution de Jakarta, un peu à l'écart des ombres des gratte-ciels de la capitale. Cela ne donne pas envie d'y rester. Halim est un "aéroport légendaire" comme le clament des posters, mais je n'ai aucune idée de pourquoi tant il est réduit, encore plus petit que celui de Yogyakarta. Pour faire le transit il faut aller dehors et repasser la sécurité. À l'extérieur il y a des restaurants, mais il fait lourd, je serai mieux dedans. Oui sauf que dedans, il n'y a en fait pas grand chose, on passe la sécurité et c'est tout, on est dans la salle d'attente. Ça va qu'il y a quelques cafés et que je peux grignoter quelque chose. Je m'installe et retouche les photos en attendant. Sur un écran, la météo passe. Et montre "Tsunami 16 Ag. West Sumatra" avec un gros point rouge là où je vais. C'est quoi encore, ça? C'est pas vrai! Bon, le 16 c'était hier. Aucune trace sur Google d'un tsunami, les avions décollent, c'est que ça doit aller. En regardant mieux c'est sur les îles et moi je vais en hauteur. Peut être juste une alerte.

L'avion part ... En avance. C'est nouveau. Je m'asseois à côté d'une dame, pourtant ni âgée ni handicapée, qui me demande de lui attacher sa ceinture car apparemment elle ne sait pas le faire seule. Cela renforce l'impression que j'ai vis à vis des femmes dans ce pays depuis un petit moment: elles n'ont pas confiance en elles. Quand je demande mon chemin à des locales, elles vont systématiquement demander à un homme. Dans la restauration et le tourisme, c'est ok. Mais sinon on dirait qu'elles sont dans une dépendance psychologique, pensant qu'elles ont besoin d'assistance en permanence pour des gestes simples. Je ne sais pas ce qu'on leur dit, comment on les élève. Sont-elles inférieures? Se trompent-elles tout le temps? Sont-elles indignes de confiance? Je ne sais pas. J'ai parlé en majorité à des hommes et c'est un sujet très délicat qu'on n'aborde pas comme ça. Cela pourrait expliquer pourquoi tout le monde a l'air étonné et admiratif quand je dis que je voyage seule, alors que je ne suis pas un cas exceptionnel non plus. Sur ces réflexions personnelles, nous arrivons à Padang quand le soleil se couche. Je récupère mon sac qui n'a pas été perdu et demande à un hôte de l'aéroport comment aller à Bukit Tinggi. Il me parle d'un minibus, c'est parfait, ça! Il y a des bus publics mais beaucoup de "bed time stories" (histoires d'horreur) circulent dessus. Retards, lenteur, saleté, chaleur, vols, hommes tripotant les femmes qui dorment ... Autant éviter. Ces bus prennent la route qui traverse l'île du Nord au Sud: la Trans-Sumatra, que tout le monde emprunte. Forcément. Dès que je sors, je me fais alpaguer pour ce fameux minibus. Il y a marqué 300k (18€) jusqu'à Bukit Tinggi. Ça me paraît un peu cher. Je suis le chauffeur et en fait je suis seule, donc il s'agit plus d'un taxi qu'autre chose ... Je lui fais la remarque. C'est parce que les taxis ne vont pas aussi loin, ils restent dans les environs de Padang. Il est sympathique ce chauffeur, il n'a pas entendu parler de tsunami, par contre. Il met du rock dans la voiture, c'est chouette. Scorpions et Bon Jovi, décidément, ils les aiment ici! Après un début de trajet sur de petites routes, nous rejoignons la Trans-Sumatra. Ah oui, d'accord. C'est juste une route normale qui traverse les villes et villages et qui fait des virages, et qui est embouteillée, pas étonnant que ce soit long. En bus ça doit être horrible. Je vais définitivement faire ma riche et reprendre un taxi au retour.

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Jour 1: Au bon endroit au bon moment.

La nuit s'est bien passée, et pour le petit déjeuner je prends des oeufs brouillés avec un toast. Je propose à Ali, mon copain de dortoir, de m'accompagner au Pacu Jawi cet après-midi, mais je ne connais pas les horaires. Lui me dit de 11h à 13h ce qui semble peu, un autre me dit de 13h à 16h. On va donc y aller un peu avant 13h si possible ... Ce matin, j'en profite donc pour aller voir la rafflesia après avoir loué le scooter, dont les freins ne sont pas bons et le coffre ne ferme pas. Et bien on va faire avec. Je quitte Bukit Tinggi pour prendre la petite route Trans-Sumatra. Il fait beau et wahou ... Les paysages sont splendides. Sous le soleil équatorial, les couleurs ressortent profondément et intensément. On dirait des photos retouchées en saturation. Cette partie de Sumatra est montagneuse, les rizières se calent entre deux collines. Je rate une première fois la route, mais finis par trouver ce qui est plutôt un chemin. En fait, il y a un gars devant moi qui me dirige jusqu'au café. Il me dit "for the rafflesia, you have to take a local guide", ce qu'il ne me dit pas c'est qu'en fait c'est lui le local guide. Je l'apprends en arrivant au Luwak Café. Comme je n'ai pas toute la journée, nous partons à pied tout de suite, dans les rizières. Il me montre du curcuma et de la citronelle. Nous arrivons rapidement dans la jungle, il faut grimper un peu, passer sur les pierres et traverser des ruisseaux. Et ça glisse, vraiment plus que partout où je sois allée. J'ai failli tomber, mon pied a glissé dans un trou mais je n'ai pas eu mal. Heureusement que le guide m'aide, je ne fanfaronne pas et accepte quand il me tend la main, j'ai l'impression de ne pas avoir un bon équilibre aujourd'hui en plus de ça. Nous passons d'abord devant une rafflesia non éclose, dans une semaine peut-être. Et cinq minutes plus tard, voilà la grande fleur star! Oui, elle est énorme, 90cm de diamètre, soit 10 de plus que la moyenne de Bornéo. Ici elle fleurit 7 jours par an et non 5. Il y a beaucoup d'insectes qui tournent autour, on m'a demandé si elle sentait mauvais, non elle est plus bruyante qu'autre chose. Je m'amuse à faire des photos avec le guide et à contempler cette rareté, puis nous redescendons au café. Donc si vous avez bien suivi l'article précédent que j'ai mis du temps à publier, le café Luwak est fait à partir des grains qui sont dans les crottes des ratons-laveurs d'ici. Et à Yogya, Louise était dans une cage, ce qui ne donnait pas trop envie de leur donner de l'argent. Et bien ici c'est bio: les luwaks sont dans la nature mais ils font leurs besoins toujours au même endroit. Parfait. Ce café a beaucoup de vertus: pour la peau, pour les vergetures, on peut l'étaler en masque, ce que j'essaye. C'est la poudre de café hein, pas la crotte. Il est bon pour la digestion, et bien sûr l'énergie, et contre la gueule de bois. Je le goûte : il est bon mais je trouve qu'il est un peu trop dilué. J'entends quelques gouttes de pluie tomber sur le toit, mais ça se calme rapidement. Je ne vais pas trop tarder de toute manière ... J'achète 200g de café (24€ quand même! Mais moins cher qu'à Yogya, c'est le café le plus cher d'Indonésie) et je repars pour la suite des événements.

Au retour à la guest house, je ne trouve pas Ali, qui est parti pour acheter quelque chose il y a une heure de cela. Comme il est midi dix, je ne l'attends pas. Je me remets en selle et c'est parti pour quarante kilomètres! Au départ la route est très virageuse sur 15km, puis elle est en ligne droite, je fonce. J'arrive à Batusangkar une heure plus tard. J'ai repéré une adresse sur Internet pour l'événement d'aujourd'hui, mais quand j'y arrive, il n'y a rien. Je continue sur la route. Des rizières, des rizières ... Mais aucune trace du Pacu Jawi. Je demande mon chemin à des locaux, qui me disent de continuer tout droit. Quand je demande à des femmes, elles se tournent vers les hommes ou ne répondent pas ... Je persévère. J'arrive bien à un endroit: le Palais Royal Pagaruyung. Je demande à un guide qui enfin me renseigne correctement: le Pacu Jawi se tient dans le village d'Ambula, à 10km proche de là d'où je viens, et se tient jusqu'à 22h. Soulagée d'avoir enfin de bonnes informations, je m'y rends. Là, je trouve des locaux qui savent de quoi je parle, et me disent de suivre deux personnes à scooter. On dirait qu'ils n'ont aucune idée de ce qu'il se passe dans les villages voisins, mais c'est possible car je me demande comment l'information passe alors qu'il n'y a pas grand chose sur Internet. Heureusement que j'ai croisé ces gens! Je n'aurais jamais trouvé seule tant c'est au milieu de nulle part. Bon et donc, c'est quoi ce fameux Pacu Jawi? Le suspense a assez duré : c'est une course de vaches pratiquée par les Minangkabau. Enfin ils appellent ça une course, mais c'est plutôt une démonstration de force car cela consiste en un jockey qui met ses deux pieds suur deux harnais, lance ses buffles à toute allure sur un champ boueux et ne doit pas tomber. Il peut mordre la queue de ses bêtes pour qu'elles aillent plus vite. Alix dirait que ce n'est pas très vegan, ma mère dit que ce n'est pas très PETA, ils ont raison. Le gagnant, probablement jugé par un jury, peut vendre ses bêtes plusieurs milliers de dollars, ce qui est juste énorme pour l'Indonésie! Je ne sais pas s'ils les mangent, je parierais surtout sur la reproduction. Je dois dire que c'est très impressionnant de les voir concourir! C'est très technique, très physique, et ils se prennent une quantité de boue monstrueuse dans la face. Les gens crient, les buffles courent, tout droit ou non, les jockeys arrivent au bout du champ ou s'écrasent dans la gadoue. Ces événements ont lieu une fois de temps en temps, j'ai eu de la chance d'être là mais j'avais aussi fait exprès. Les petits restaurants ne servent pas de viande mais des brochettes de chèvre, génial, j'adore ça! Je reste une bonne heure et demie car une course, deux courses, cinquante courses et c'est pareil.

Je retourne maintenant au Palais Royal où j'étais précédemment. Il est vraiment majestueux, avec ses toits pointus en forme de cornes de vaches qui transpercent le ciel de Sumatra! Des personnes portent des costumes traditionnels pour l'animation. Mais ce qui est vraiment rigolo, c'est que les murs ne sont pas droits, encore moins les fenêtres. On dirait que Numérobis s'est chargé de sa construction. D'ailleurs, le Palais original a brûlé dans un incendie, et il a été reconstruit il y a une dizaine d'années. Il comprend trois étages. Celui du milieu est nommé Anjung Paraginan, et accueille les appartements d'une princesse qui n'est pas encore mariée.

Les Minangkabau sont connus pour être la plus grande société matrilinéaire du monde, mais aussi pour être des travailleurs acharnés et avoir un très bon sens de la diplomatie. Le premier président de Singapour était d'ailleurs un Minangkabau! Ils sont musulmans mais ont des traditions très animistes. Leur nom signifierait "victoire du buffle" selon une légende assez rigolote. Se disputant des terres, deux princes voulurent régler leurs différents par un combat de taureaux. Les premiers envoyèrent un bovin très fort, les seconds un petit veau aux cornes très affûtées. Au moment du combat, le buffle ne le perçut pas comme une menace, mais le petit s'approcha en quête de lait. En se frottant contre le ventre du buffle, il l'éventra de ses cornes, et c'est ainsi que naquit le nom Minangkabau. Ils étaient dirigés par un roi, mais la famille royale est tombée pendant la colonisation par les Hollandais. Pendant la guerre pour l'indépendance, les Minangkabau étaient très actifs.

Super visite, mais maintenant je dois retourner sur Bukit Tinggi, surtout que j'ai prévu d'arriver à la guest house au bord du lac Maninjau pour ce soir. J'emprunte une autre route qui serpente entre les rizières, jusqu'à Padang Panjang. De là, je prends encore la Trans-Sumatra pour arriver sur Bukit Tinggi. Je me dépêche car je vois de gros nuages noirs qui m'arrivent dessus. Il se met à pleuvoir, pour changer. Mais juste un peu, une petite bruine qui rafraîchit trop quand on est à scooter. Enfin, j'arrive en ville, il y a des bouchons et il est 18h. Le soleil se couche à 18h30, je suis fatiguée, je n'ai pas de nouvelles de ma guest house pour ma réservation, il va peut être pleuvoir et quelqu'un du De Kock (mon hostel) me dit que la route a beaucoup de virages. Ça va être insupportable mais surtout dangereux avec mon sac arrimé sur ce scooter aux freins pourris. Je décide de rester une nuit de plus ici, surtout que l'Allemande est revenue et il y a un couple de Hollandais sympathiques. Pourquoi se mettre à mal? J'envoie un mail pour m'excuser de mon absence, et nous dînons ensemble. Il y a même un concert live ce soir! Qui débute un peu tard, juste quand je commence à avoir sommeil. Le chanteur me dit qu'il veut que je chante "J'ai demandé à la lune" d'Indochine, mais je suis trop fatiguée pour ça, sinon, peut être. Je monte pour me mettre dans mon lit en pensant écouter la musique les yeux fermés, mais je m'endors comme un bébé malgré le bruit, ce qui est très rare dans mon cas! La journée a été trop passionnante et intense.

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Jour 2: Au bord de l'eau

Donc aujourd'hui, je vais aller m'installer dans la guest house au bord du lac. Je peux laisser mon gros sac au café, ce qui va être bien mieux car pour l'arrimer dans les virages, ça sent le plan galère. Je n'y avais même pas pensé, merci un membre du staff pour l'idée. C'est juste une nuit, donc le strict minimum est parfait, je peux le mettre dans un sac plastique dans le coffre du scooter. Je dis au revoir à tout le monde, l'Allemande va prendre le bus qui dure 15 heures (en théorie) aujourd'hui, je lui souhaite bien du courage. C'est parti! Il y a environ 40 kilomètres pour aller à Maninjau mais en fait, je vais mettre 1h30 car je m'arrête tout le temps pour prendre des photos. C'est tellement beau, ces tons de verts, cet ocre pour les plants de riz qui ont séché, les rivières qui courent entre les champs, les montagnes et les falaises qui bordent la route. Ça monte, et c'est vrai qu'il y a beaucoup de virages. Mais ce n'est rien comparé à ce qui m'attend pour descendre à Maninjau. C'est une route bien connue qui comprend 44 virages en épingles à cheveux. Ah ouais, j'ai vraiment bien fait de ne pas le faire de nuit et ne pas risquer ma vie. Déjà que de jour avec mes freins, c'est difficile ... J'arrive à la guest house, tout au bord du lac, et j'ai bien mérité de me poser un peu pour manger un boeuf rendang. C'est en fait une spécialité d'ici, et celui-ci est très bon. Il y a beaucoup de chats qui réclament du poisson, qu'on leur donne en entier. Moi j'aurais peur qu'elles se perforent la gorge avec les arêtes! Le dortoir où je m'installe est très, très basique. Et actuellement il n'y a pas de courant, l'électricité a sauté, donc pas de wifi. Je ferais mieux d'aller m'occuper ailleurs.

D'ici, on peut aller à l'océan, c'est à 40km. La portion de route que j'emprunte n'est pas tout à fait au bord du lac, donc pas le meilleur point. Elle passe ensuite entre les montagnes et file jusqu'à l'océan, où j'arrive une heure plus tard après avoir brûlé sous le soleil et eu du mal à trouver. Je vais pouvoir me poser ... Et en fait non. Une armée d'enfants vient me souler. Mais quand je dis me souler, je n'exagère pas. Ils ne me laissent pas tranquille, je n'en peux plus, barrez-vous! Je leur fais signe de partir mais ils se moquent de moi. Ils vont en chercher d'autres et là ... Je me cache carrément dans une maison abandonnée. J'attends qu'ils partent, mais non. Ils me cherchent ces petits enfoirés. Ils vont peut être me trouver, là ça va craindre. Je m'en vais par une autre porte quand je comprends que je dois laisser tomber pour la tranquillité. Je n'en peux plus, je les insulte en partant. Merci d'avoir ruiné mon moment. Je vais à une autre plage, c'est pareil avec deux enfants. Cette fois-ci je ne leur réponds pas mais ils ne partent pas, ils s'asseoient juste à côté de moi et ne comprennent pas que j'ai l'air excédée. Je pars, encore, avant de leur mette des claques. Je déteste, vraiment. Ça et les gens qui vous prennent en photo sans demander. J'en ai même marre de ceux qui disent "hello", me dévisagent et se mettent à rire. C'est pesant, je me sens de plus en plus mal. Je ne pourrais jamais être une star, c'est insupportable! Alors les gens des hostels qui sont gentils et avec qui on peut avoir des conversations ok, mais les autres dans la rue ça me fait le même effet que le harcèlement. C'est irrespectueux parfois, je sais qu'ils ne font pas exprès, mais merde quoi. Super, l'Océan Indien. Je rentre vers le lac et décide d'en faire le tour, ça fait 70km. Et là je m'éclate c'est super, mais il y a encore des gosses partout et si je m'arrête je sais qu'ils vont encore me harceler. Je ne sais pas si je vais pouvoir retenir ma colère plus longtemps donc non, ne tentons pas. Il y a de magnifiques points de vue, mais cette route est vraiment bonne, je peux aller vite! À un moment donné par contre je m'arrête pour une photo disons à, allez, 2 mètres de la fin du virage. Je me fais rentrer dedans, tout doucement, rien de grave. Je m'excuse, c'est vrai que bon ... Je n'y ai pas pensé Le type me fait une scène car un petit bout de plastique est parti de son scooter. Un tout petit bout. Presque il se mettrait à pleurer "ouiiin tu m'as cassé mon scooter" oui mais tu allais vite dans le virage aussi, moi je les prends tout lentement! Je réprime un rire car moi je ne suis pas Indonésienne, et je repars sans lui donner l'argent qu'il me réclame. Une bonne dizaine de minutes plus tard, je suis revenue à Maninjau, et me cale au bord de l'eau. Les gens sont un peu dans leurs trucs, chacun de leurs côtés respectifs, ça va ce n'est que pour une nuit. On me sert un poisson du lac, grillé, dans une sauce au curry. C'est bon, c'est beau ici, mais il y a une tonne de moustiques! Je préfère m'abriter dans le dortoir, à l'abri. Il se met à pleuvoir, mais comme il fait nuit on ne voit pas la pluie sur le lac. Pas de ventilateur dans le dortoir, j'espère quand même bien dormir, après avoir pris une douche froide!

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Jour 3: Le chemin du retour

Mal dormi. La chaleur ça allait, mais je me suis réveillée souvent, du mal à m'endormir, et vers 7h des gosses se sont mis à hurler. Malgré une petite migraine, je vais devoir rentrer en scooter dans les lacets en montée, ça va être sympathique. Je pars après le petit-déjeuner, de toute manière j'ai demandé pour faire du parapente et c'est trop cher, à ce prix là autant en faire avec de meilleures conditions de sécurité.

Oui, moi qui de base ne sait pas bien négocier les virages en scooter, là c'était infernal. Heureusement que j'utilise le klaxon pour avertir que je suis là, sinon on me rentrerait dedans, et vice-versa. Comme j'ai déjà pris des photos à l'aller, curieusement ça va beaucoup plus vite. Enfin, presque ... je sens qu'il commence à y avoir un problème avec le guidon. Ça tremble de gauche à droite. Super, il va me rester dans les mains. Ça me blase un peu cette situation, car pour mon dernier tour à scooter avant bien longtemps, j'aurais aimé en profiter au maximum et aller vite. Et bien non, tant pis. Je trouve quand même la patience d'aller voir Koto Gading, un village réputé pour son travail de l'argent ... je m'attendais à un marché, il n'y a que des boutiques. Un type essaye de m'alpaguer pour que je vienne lui acheter quelque chose, du coup je refuse et me remets en route pour Bukit Tinggi qui est juste à côté. Ouf, pas d'accident. Je prends le temps d'aller faire un saut pour voir la tour de l'horloge, qui est le symbole de la ville, ça aurait été bête de la zapper. Sur le chemin du retour, il y a encore un défilé, toujours pour la Fête de l'Indépendance mais trois jours plus tard. Génial !

Retour au De Kock, je signale le souci. Apparemment c'est à cause du pneu qui est dégonflé, j'aurais parié sur un truc dévissé mais hé, qu'est ce que j'y connais après tout, ça fait qu'un mois que j'en refais. Je m'installe en attendant le taxi collectif pour Padang que les gars m'ont appelé, il arrive vers midi et demie. Ah ben voilà, ça, c'est un minibus. Nous nous arrêtons pour aller chercher des gens chez eux ou dans des agences, et nous empruntons une petite route sinueuse qui descend de la montagne mais qui au moins n'est pas bouchée. Ça ne fait que trois heures de trajet mais je m'ennuie et je regarde un film sur la tablette. J'opte pour Coco, comme c'est un Pixar il est forcément bien. Ça m'occupe jusqu'à ce que le chauffeur me dépose à ma guest house. Il y a un Français dans le staff qui m'accueille. Par contre je ne sais pas ce qui m'avait pris, mais j'avais réservé une chambre simple, peut-être pour la tranquillité. Alors oui elle est tout en haut du toit et c'est chouette avec la vue, mais ... c'est un four. Le ventilateur est fatigué et ne refroidit rien du tout. À voir quand la nuit sera tombée mais je n'y crois pas trop, sinon je dors dehors sur le canapé!

Je suis vraiment très fatiguée mais je décide d'aller faire un tour dehors. Quelle erreur. Ici ils sont encore plus chauds qu'ailleurs, ils hésitent bien moins à me gratifier de "sexy girl" - mec, je vais te faire sentir mes aisselles, tu vas tomber dans les pommes. Beaucoup de regards appuyés bien sûr. Je n'en peux plus d'être fixée de la sorte. Je rentre vite, j'en parle au Français, c'est bien car sans vraiment condamner leur attitude - il vit en Indonésie depuis 5 ans donc il est habitué - il comprend que ce soit lourd pour une femme seule. Il me raconte les histoires d'autres Blancs qui ont eu ce genre de souci, qui se sont sentis comme des singes que l'on observe et dont on se moque. Ouf, ce n'est pas qu'une sensation personnelle.

Le reste de la soirée sera tranquille, de toute manière je suis épuisée. La chambre est toujours brûlante, ça ne va pas le faire. Il y a un dortoir qui a la climatisation, il y fait si bon que je demande à m'y installer. Il fait trop chaud et humide à Padang. Mais ça me prépare pour mon retour à Singapour!

21
août

Il est temps de quitter l'Indonésie.

La jeune fille de la réception semble perdue lors de mon check-out. Elle se trompe de 100k en ma faveur, mais je la corrige, j'ai décidé d'être honnête aujourd'hui. Pas de Grab cependant car elle n'a pas l'application, mais GoCar qui est un peu plus cher. Je n'ai pas le temps de prendre le bus de toute manière, ce n'est pas grave. Mon chauffeur est très rapide, il arrive deux minutes plus tard. L'aéroport est un peu loin, le trajet prend 45 minutes. Et arrivée là, il faut passer la sécurité une fois ... Deux fois ... Et trois fois pour passer en zone internationale.

Padang serait-elle spécialiste dans les avions qui partent en avance? L'embarquement commence 10 minutes avant l'heure et se termine rapidement car l'avion n'est qu'à moitié plein. Avant le décollage, j'ai le temps de me caler près d'un hublot. C'est nuageux, donc je ne perçois que quelques fragments de Sumatra, jusqu'à ce que le ciel se découvre pour laisser place à une vue de ... Palmiers. Ah tiens, ça m'avait manqué. Le vol pour Kuala Lumpur est assez court, et me voici revenue dans l'hémisphère nord.

Donc maintenant, une petite synthèse personnelle sur l'Indonésie, bien qu'à mon avis vous avez compris qu'il y a du positif et du négatif. D'abord ce que le pays a à offrir: énormément de choses différentes au niveau des paysages et des cultures. D'Ouest en Est, on croirait presque changer de pays dès que l'on saute d'une île à l'autre. Sumatra et sa jungle, Java et ses volcans, Bali et ses temples, Florès et ses îles arides. L'Indonésie est un pays à multiples facettes qui s'offrent au voyageur comme un kaléidoscope. Un pays intense, qui défie chaque jour, qui met à mal parfois comme il émerveille. La nourriture, ensuite. Plus épicée qu'en Malaisie, plus de saveurs mais au final, toujours les mêmes ingrédients de base: poulet, riz, légumes. Du poisson délicieux de temps à autre, à chaque fois que j'en ai mangé ça a été un régal. À Bedugul, à Padangbai, à Maninjau ... Mais il faut avoir la chance de trouver un endroit où il n'y aurait pas que du nasi goreng ou de l'ayam ... Et puis, last but not least, les gens. Je vais être honnête: comme vous l'avez compris dans l'article précédent, ils m'ont tapé sur les nerfs. Il y a deux types de relations que l'on peut rencontrer: ceux avec qui l'on peut vraiment avoir une discussion, auquel cas c'est vraiment très agréable. Les anglophones sont prévenants, prêts à rendre service. Dans tous les hostels où je suis allée, le staff était à chaque fois adorable. Et puis il y a les autres ... Ces adultes et ces enfants irrespectueux - d'un point de vue européen - qui te toisent et te disent"hello" en rigolant comme s'ils se moquaient de toi. Qui ne te laissent pas en paix. Qui t'empêchent de profiter de ta visite. Qui te prennent en photo sans ta permission comme si tu étais une bête de foire. Au début, on pense pouvoir faire avec, on s'en fiche, mais au bout de trois semaines, qu'est ce que ça devient pesant. On se sent comme une souris prise au piège. Être une femme seule empire les choses. En plus, je dois être impressionnante, moi qui fume et qui ait des manières que l'on pourrait qualifier non pas forcément de masculines, mais pas à ce qu'ils s'attendraient de la part d'une femme d'ici. Je ne sais pas comment ils voient les Européennes, je n'ai pas osé demander s'ils nous voyaient comme des débauchées. Mais ce serait fort possible. On recueille une attention que l'on ne veut pas. On sent qu'ils ne passeront pas à l'acte, mais ils emploient des moyens détournés. Et ça a été difficile à vivre pour moi sur la fin.

Trêve de bavardages, nous atterrissons à l'aéroport de Kuala Lumpur. Qui est immense. Je dois récupérer mon bagage et repasser la sécurité car Air Asia a décidé qu'ils ne faisaient pas de correspondance internationale. Et je marche, je marche, dans les couloirs qui semblent si grands tant ils sont vides. Seuls mes pas résonnent sur le sol car j'ai laissé les autres passagers loin derrière moi. Vingt minutes, déjà, j'ai traversé tout l'aéroport. J'arrive enfin au contrôle des passeports après ce trek imprévu, alors que je me sens nauséeuse. Je récupère mon sac sans souci, et je sors fumer. J'avais oublié ce contraste entre les deux pays: en Indonésie tu fumes partout, en Malaisie tu fumes nulle part. Je vais ensuite manger ... Un plat de Penang, avec des ingrédients différents, mais un goût fade. On ne peut pas tout avoir, ici. J'enregistre le bagage sur la borne et je scanne moi-même l'étiquette que j'ai mise - "l'aéroport du futur, avec encore plus de robots et encore plus de chômage" et je repasse la sécurité. Finalement, j'ai un peu d'attente devant la porte d'embarquement. Et nous décollons pour Singapour, sur la ligne aérienne la plus empruntée du monde.

Oh, cette moiteur, à l'arrivée. Vite compensée par la climatisation de l'aéroport de Changi. Au passage de l'immigration, plein de touristes chinois s'agglutinent pour passer la barrière. Une employée vient leur dire de se mettre en LIGNE, je pouffe de rire. Je n'ose pas lui dire "peine perdue", j'espère qu'elle a compris. Elle me raconte sa journée, j'avais oublié leur fichu accent incompréhensible, cela me demande un certain effort pour la comprendre. Petit tampon sur le passeport, j'attends mon bagage sur le rail et ... C'EST QUOI ÇA. Ils ont arraché ma housse. C'est la première fois depuis tout le début du voyage! Avec tous les avions que j'ai pris! Ma housse qui tient ma moustiquaire, un petit sac sur les poches du côté mais surtout mes tongs achetées aux Perhentians. Il n'y en a plus qu'une, ils ont tenté de réparer leur bêtise tant bien que mal mais ... Je suis dégoûtée. Elles étaient belles et je n'avais rien perdu jusque là. Bon, je peux toujours prétendre à ce record vu que ce n'est pas de ma faute. Mais quand même, je suis en rogne. Et après ça se dit "meilleur aéroport du monde"?

Je prends ensuite le métro mais cette fois-ci, je ne me rends pas à Chinatown: j'ai décidé de changer pour le quartier de Little India. Trajet un petit peu moins long et surtout, le Bunc Hostel est juste en face de la station de métro de Jalan Besar. C'est un endroit qui m'a été recommandé sur le groupe de voyageuses sur Facebook pour son rapport qualité-prix et parce qu'il pourrait y avoir une possibilité de parler un peu avec les gens, ce qui est compliqué en général à Singapour: les hostels n'organisent rien, il n'y a aucune vibe. Quel dommage pourtant, il y a du potentiel! Première constatation dans cet hostel: il y a de tous les âges. Beaucoup d'Indiens évidemment, beaucoup d'hommes, heureusement que je suis en dortoir réservé aux femmes. Je discute avec un Malaisien qui est là pour travailler, et les logements sont si chers à Singapour que beaucoup d'employés se rabattent sur les hostels de ce genre. En tout cas bonne surprise: mon lit est très bien situé dans le dortoir, en bas et au fond, la climatisation est à la bonne température, c'est propre et confortable.

Je ressors car il y a des expositions pour le Night Festival, des sculptures contemporaines éclairées à certains endroits non loin de ma localisation. Ah, Singapour, un pas dehors et tu as déjà perdu 1 kilo d'eau. Mais en revanche, quel plaisir de se sentir à nouveau anonyme. Qu'est-ce qu'il me tardait qu'on me fiche enfin la paix! Même si j'ai mal au ventre, je me promène autour de la station de Bras Basah, parmi les immeubles et les palmiers. C'est vrai que c'est vert. Je fais le tour des oeuvres dans ce quartier aux nombreux musées d'art: c'est sympathique mais je ne suis pas subjuguée. En fait il y aura des spectacles bien plus intéressants à partir du jour où je pars. Je découvre cependant de jolis recoins comme ces petites églises, quelques parcs, et un son et lumières sur la façade d'un bâtiment. Ce n'est pas tout ça, mais étrangement je n'ai pas faim, et je me sens toujours nauséeuse, j'hésite à manger mais je crains que si je ne le fais pas, l'hypoglycémie s'invite à la fête. Donc, petit repas et au dodo, prête pour la journée de demain!

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Jour 1

... Je suis malade. Et je suis immobilisée par des crampes, et des frissons par moment. Mais j'ai connu pire. Je vais déjeuner pour prendre des forces, me recouche un peu et au moment où je veux ressortir, il pleut. Pas une petite bruine, un bel orage tropical. Encore un peu de repos alors. Je ne peux avaler rien d'autre que des chips, et de l'eau isotonique, ce qui est pratique. Vers 14 heures il refait beau, je tente une promenade dans Little India mais je me sens bien faible ... Je crains les chutes de tension qui me font faire des malaises plus que le reste.

Alors, je repars au lit, encore. Je fais encore un essai vers 16 heures, là c'est un peu mieux. Je ne vais pas hésiter, et prendre le métro pour tous mes déplacements. Quand je dois marcher, je vais doucement, je m'asseois dès que possible et je respire à fond. Parce que pas question de rater des opportunités de visites à cause de mon état, je peux le faire et je le sais. Pas comme l'année dernière où avec une entorse du genou, il fallait se rendre à l'évidence que c'était infaisable.

Donc premier arrêt, la fontaine du Merlion. C'est le symbole de Singapour et son nom indique très bien ce qu'il représente. Enfin, quoique ... C'est un lion sirène, quoi. La fontaine fait quand même 8 mètres de haut, à inscrire dans la rare catégorie du "j'imaginais ça plus petit". On y accède en passant par Raffles Place, là où le business se fait puisque rappelons-le, tout s'appelle Raffles ici. Complexe de Dieu, Sir Thomas? D'ailleurs attendez ... Si on rajoute-ia à la fin ... Non, encore lui pour la rafflesia? Mais quel mégalo! (Après vérification, oui c'est bien ça). Bon, toujours est-il que sur Raffles Place, je devrais enfin pouvoir changer ma monnaie car si je le fais, je n'ai même pas besoin de retirer de l'argent superflu, que je ne dépense même pas en nourriture. Chouette, il y a un endroit qui s'appelle "Change Alley", je ne pouvais tomber mieux. Et qui est ... Fermé ... Car c'est la fête nationale je crois, il y a marqué "Happy Birthday Singapore". Qu'ont-ils tous à gagner leur indépendance en été, les Européens fondent à cette période là? Bon et bien, on verra plus tard.

Je repousse encore un peu mes limites pour une prochaine étape et pas des moindres: le Skybar du Marina Bay Sands. Voilà, ce serait bête de l'avoir raté au coucher du soleil, demain ç'aurait été trop juste. Sur le chemin, ouf je trouve de quoi changer mon argent! Au revoir ringgits et roupies qui encombrent ma pochette. Et maintenant, je marche dans le hall éclairé de lumière dorée de l'hôtel (dont j'avais déjà pris une photo pour le premier article) pour aller prendre l'ascenceur qui monte tout en haut dans l'espèce de bateau qui surplombe la ville. Il faut payer $20 pour l'accès, mais l'entrée est sous forme de coupon à utiliser pour les boissons. Quel regret de ne pas pouvoir boire une petite Tiger à $16 aujourd'hui, mais c'est ça ou rien. Arrivée en haut, je ne peux retenir un "wah!" d'admiration. Oui, ça valait le coup de risquer le malaise. La vue est impressionnante. Belle? Je ne sais pas, après tout ce sont des immeubles, certains sont des blocs, et on ne voit pas jusqu'à perte de vue à cause du smog, les silhouettes des habitations se fondant avec l'horizon. Mais oui, c'est impressionnant de mesurer la ville dans toute sa grandeur. Un peu de sucre! Pour $10 le jus de fruit, ils doivent être frais et pressés pour les riches clients de l'hôtel. Ah non, ce sont des jus en briques, d'accord. C'est parce que nous sommes du côté des pauvres et pas de celui des p*tains de riches que l'on peut apercevoir dans la piscine à débordement! Mais plus de 500€ la nuit, c'est quasiment le prix d'un aller-retour à Bangkok.

Allez, dernière activité. Je me traîne pour aller voir une dernière fois le show des Gardens by the Bay. Je suis un peu en retard car du monde faisait la queue à l'ascenceur, et les escaliers, pas aujourd'hui. Donc au lieu de descendre jusqu'aux arbres, je me contente de me poser en hauteur au bout de l'accès au Marina Bay Sands. Ça me fera moins loin pour aller au métro et je peux m'asseoir sur une marche. Je peux entendre un peu la musique quand ça commence mais je m'attendais à plus d'acoustique ... Je profite surtout des effets de lumière. Une dernière fois. Et puis il est temps de dire au revoir aux Supertrees et à la skyline illuminée de Singapour ...

Il faut que je mange, quand même. Je vais commander du riz dans un restaurant indien. Que du riz. Personne ne comprend pourquoi je fais ça, et les hommes me regardent bizarrement. C'est une grosse portion, au bout de 5 cuillères c'est déjà dur, et sans sauce ni épice c'est insipide. Je le prends à emporter pour continuer à le manger en petites quantités. Allez ... Demain ça ira mieux.

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Jour 2: Le dernier jour.

Ouf, ça a marché. Je peux me lever sans avoir l'impression que je vais tomber dans les pommes. C'est un peu plus ragaillardie que je me dirige vers le Sri Veerkaliamman, consacré à la déesse Kali, pour mon dernier temple hindou, pour m'imprégner des couleurs, des musiques et des odeurs d'encens avant de m'en aller.

Quel miracle, j'arrive à manger un naan et un roti (le pain, toujours) et ça me cale. Maintenant métro, encore: direction une ambiance différente pour l'insolite Haw Par Villa. Elle a été construite par les frères qui ont fait fortune grâce au Baume du Tigre. Et l'on peut dire qu'elle est plutôt spéciale ... Il y a des statues colorées et cartoonesques dans les jardins, représentant des scènes du folklore chinois. Par moments on dirait du Disney, à d'autres du Dali, et puis il y a "Les dix cours de l'Enfer". Dans une grotte artificielle sont représentés les châtiments des pêcheurs, souvent assez graphiquement. C'est légèrement malsain mais c'est drôle. La bonne nouvelle c'est qu'à la fin, quand ils ont assez payé leur tribut, une Déesse leur fait boire un thé qui leur fait tout oublier, Enfers comme vie antérieure. Ils peuvent alors se réincarner et repartir sur des bases saines. Croyance un peu différente de celle du bouddhisme classique, mais qui est finalement plus pertinente car décisive. Pourquoi payer pour les erreurs de sa vie antérieure? On n'y peut rien, on ne s'en souvient même pas. Là le casier est vierge, et on paye en temps et en heure.

Il fait lourd et j'ai dû monter des escaliers: fatigue. Une petite pause, et il me reste une dernière chose à faire avant de rentrer me reposer: un peu de shopping à Chinatown. Mes dernières emplettes terminées, si j'allais voir un tout dernier temple? Le dernier pour la route, dernières boiseries dorées sur lesquelles sont gravés des caractères chinois, dernières prières et dernières offrandes.

Il ressemble à tous les autres temples chinois, et je me remémore Malacca, Kuala Lumpur, Penang, comme s'il s'agissait d'un autre voyage, comme si j'avais vécu plusieurs vies en parallèle pendant ces sept semaines.

La mer si bleue des Perhentians, l'Océan Pacifique, l'Océan Indien, les îles de Komodo, les lacs de Bedugul et de Maninjau.

La jungle du Taman Negara et de Bornéo, les insectes et les grands singes. Les fleurs, les plantes, les tribus. La moiteur, la chaleur, la vie.

La force de la terre, les volcans perdus au milieu de la mer, le bleu des flammes du Kawah Ijen, ces pics arrondis ou acérés qui surgissent du relief comme des pointes meurtrières, qui fument ou qui s'apaisent, qui offrent leur plus beau spectacle vu du ciel quand on n'est pas un randonneur aguerri qui se lève de nuit pour un lever de soleil.

La religion, partout. Les Bouddhas dorés, les Bouddhas en pierre. Les statues de Ganesh, de Vishnou, de Bramah, les Barongs qui paradent, les danses qui subliment toutes ces légendes qui évoluent dans les volutes d'encens, pendant que retentit l'appel à la prière du muezzin dans toute la ville.

L'urbanisme, les gratte-ciels qui côtoient tout ce joyeux monde, les passages ombragés, les chics tours Petronas illuminées depuis le rooftop, les shophouses, le street-art et, avant de s'engouffrer dans les tunnels du métro, un dernier regard aux buildings de Singapour ...

Les expériences que, peut-être, on ne vivra qu'une fois dans sa vie.