À propos

Créateur du jeu d'aventure Banana Road sur Instagram & voyageur éco-responsable, j'ai à coeur de partager mes aventures sur les réseaux.

Week-end en raquettes

Dans cet article, on enfile les raquettes et je vous embarque autour du Lac des Perches !
Janvier 2022
2 jours
3
J1
matin

Tout commença lorsque j'ai décidé d'initier un ami à la randonnée sur un week-end avec nuit en cabane non gardée dans le massif des Vosges. J'avoue que faire commencer quelqu'un par une rando hivernale en raquette, c'est assez sportif, mais le souvenir n'en sera que plus grand.

Nous prenons en point de départ le petit village d'Urbès. Notre première étape sera le lac des Perches en passant par le col du même nom. Ce lac accessible uniquement à pied à la chance de rester très préservé. Été comme hiver, je ne peux que vous conseiller de venir à sa rencontre, lui qui est blotti dans un ancien cirque granitique d'origine glaciaire. Sa naissance résulterait de phénomènes volcaniques très lointain. Se trouvant à 984 mètres d'altitude dans le département du Haut-Rhin, il nous donnera un peu de fil à retordre pour le rejoindre. Par contre la météo est de notre côté. Du moins, pour le moment...

Massif des Vosges

Rapidement, nous quittons le village en suivant l'itinéraire de randonnée recommandé pour rejoindre le lac et en l'espace de quelques minutes, nous sommes dans la neige et la magie commence à opérer. Et quoi de mieux que découvrir le paysage environnant vu du ciel, tandis que nous nous équipons de raquettes et bâtons.

Plus nous prenons de l'altitude, plus la vue se dégage, plus nous sommes seuls sous les sapins blancs et dans ce décor où le temps semble s'être arrêté comme figé par le froid. Après quelques kilomètres de marche, le sentier se poursuit en forêt, mais entre temps, des arbres sont tombés, des éboulements ont eu lieu et avec la neige pour recouvrir le tout, il est impossible de déceler le moindre passage sécurisé. Deux options s'offrent à nous : faire du hors-sentier, à tâtons pour ne pas chuter et essuyer un dénivelé positif bien raide ou faire un détour par un autre sentier qui grimpe plus lentement. Depuis huit ans, je vis d'aventures aux quatre coins de l'Europe, mais je ne suis pas seul, la décision ne me revient pas. Mon ami décide d'aller droit devant même si c'est plus difficile.

Nous voici donc à chercher des appuis sous la neige fraîche, passant au-dessus d'une multitude de troncs cachés sous le manteau blanc, manquant de glisser à chaque pas sur les bois morts ou les rochers ensevelis sous la neige. Malgré la trentaine de minutes qu'il nous aura fallu pour franchir tous les obstacles, nous retrouvons le tracé originel. Et comme si le destin voulait nous féliciter de n'avoir pas pris le détour, nous nous retrouvons nez à nez avec une cascade qui se dessine au loin entre les arbres. Depuis ce point, la vue est totalement dégagée et nous n'aurions pas pu découvrir ce spectacle si nous ne nous étions pas faits violence. Bien que loin devant, la chute d'eau semble majestueuse et je décide d'en avoir le cœur ferme en y envoyant le drone.

Après cette petite pause, nous reprenons la marche pour tomber sur une chaume, la vue est totalement dégagée en contrebas et découvrons le village d'Urbès. Notre point de départ, si petit, si loin devant nous. Environ 30 cm de neige et quelques mètres nous séparent d'un gîte fermé, mais où se trouve un abri avec table et banc que nous utiliserons pour manger. Effectivement, il est environ midi et la faim nous gagne. Ce sera l'occasion de chauffer un cassoulet qui même s'il est en boîte, aura le mérite de nous réchauffer avant de reprendre le chemin vers le lac.

La descente vers celui-ci est sinueuse et glissante. Heureusement qu'une main courante est présente sinon j'aurai chuté plus d'une fois. Oui, je suis tombé quand même une fois. Vous me connaissez si vous suivez mes aventures sur Instagram. J'avais déjà fait ce chemin, mais en sens inverse un an auparavant et je dois dire que je suis bien heureux de ne pas devoir le grimper à nouveau ! Surtout enneigé.

J1
après-midi

Une fois arrivé, le lac s'offre à nous avec comme arrière-plan le fameux cirque glaciaire dans lequel il est blotti. Le lac à moitié gelé, entouré d'une végétation sèche et recouverte de neige, offre au lieu une aura presque mystique. Nous restons là, debout dans le froid à nourrir nos regards par ce spectacle saisissant.

La température glaciale nous happe tout autant que le paysage duquel nous savourons chaque instant avant de reprendre la randonnée à raquettes pour rejoindre plus haut, sur une autre chaume, la cabane abandonnée de la Haute Bers dans laquelle nous passerons la nuit. Au vu de la neige qui commence à retomber et du dénivelé positif restant, nous devrions être au sec d'ici une heure.

Si vous arrivez dans une cabane ou refuge non gardée, généralement il y a du bois pour vous réchauffer et vous êtes content de le trouver pour ne pas avoir à en chercher à la hâte surtout s'il neige ou pleut... Donc la règle veut que si vous avez brûlé une partie du stock, le lendemain vous le reconstituez pour les suivants afin qu'ils soient tout aussi content que vous en arrivant.

Le manteau de neige devient de plus en plus épais sur ce versant et la montée de plus en plus raide. Mais le paysage sublime se révèle un peu plus à chaque pas avant d'entrée de nouveau en forêt et comme pour le matin, sans obstacle cette fois-ci, nous décidons de couper pour nous éviter une longue boucle. Un peu plus raide, nous mobilisons plus nos forces, mais plus rapide, car en lisière de forêt, nous apercevons devant nous au loin un morceau de toit. La cabane de la Haute Bers est là devant nous.

Il ne nous reste plus qu'à traverser la chaume qu'elle surplombe, non sans difficulté, car le vent souffle fort ici, fouettant notre visage sans compter sur la neige qui redouble d'intensité et nous rends presque aveugle. Les yeux plissés, la tête baissée, nous avançons droit devant. La poudreuse atteignant jusqu'à 60 cm par endroits nous engloutis à chaque pas malgré les raquettes. Nos genoux deviennent douloureux, nos corps sont mis à rude épreuve, mais nous y sommes. Je lève les yeux et aperçois mon ami qui est en train de rentrer. Quelques pas de raquettes plus tard, à mon tour, j'entre dans la cabane.

J1
soirée

La cabane est équipée de deux tables et de bancs, d'un poêle et d'un balai. Plutôt propre, mais le tube du poêle est en mauvais état. J'ai déjà été enfumée et croyez-moi, je n'ai pas envie de revivre ça. Nous décidons de rafistoler comme nous le pouvons le tube de sortie avec du papier aluminium que j'avais dans mon sac en prévision des patates à la braise. Une fois rafistolé, il est temps de se répartir les tâches. Mon ami ira chercher de l'eau à la source se trouvant à environ 100 mètres pendant que je commence à couper du bois. Par chance, un petit stock est présent sous le toit extérieur bien que le vent a recouvert de neige la plupart des bois. Quoi qu'il en soit les branches doivent être coupées pour passer au feu. Je m'y attelle.

Nous avions chacun dans nos sacs, quelques bûchettes sèches que j'avais pris en amont de la randonnées ainsi que du petit bois, car je savais qu'en hiver cela pourrait nous être d'une aide incommensurable pour démarrer la flambée. Pour le moment, nous n'avons pas froid, car nous bougeons et la cabane nous protège du vent. Je tends une cordelette qui servira à sécher nos vêtements et à pendre nos lampes afin d'y voir clair. Bientôt, la nuit tombera et c'est à ce moment qu'un couple en randonnée passe par là et entre. Le temps d'une petite pause et de se chauffer un thé. Nous discutons de nos diverses expériences en montagne (toujours des moments incroyables que ces rencontres) puis ils repartent, car la nuit arrive à grands pas.

Nous savons que notre stock de bois sera suffisant pour deux heures tout au plus de feu alors nous décidons d'attendre avant de commencer l'allumage. Pour patienter, nous nous changeons pour des vêtements secs, sortons des chips et un coca de nos sacs (car il faut savoir se faire plaisir) et dégainons le UNO Flip pour quelques parties où j'ai mis à mal mon adversaire.

Deux heures plus tard, nous sommes réchauffés par les flammes dansantes dans le poêle. Après quelques galères que vous avez pu suivre sur Instagram (mes gants brûlés en tentant de les sécher), les braises sont prêtes à accueillir les chipolatas et par chance dehors sous l'abri se trouvait des grilles de barbecue et l'une d'elles passe à merveille. Après le cassoulet, le repas de ce soir nous enchante. Chipo, fondue et pomme de terre cuite à la braise : un régal après une longue journée de rando hivernale.

Aux alentours de 21 h 30, nous avons terminé de manger. Nos duvets sont installés et nous chargeons les derniers morceaux de bois (que nous avions mis à sécher au-dessus du poêle puisqu'ils étaient dehors) avant de rentrer dans nos sacs de couchages. Nous dormons à même le sol, les tables étant trop peu large pour dormir dessus, mais nos matelas forment une couche protectrice contre le froid. Nous étions bien loin d'imaginer que la nuit, un visiteur inattendu allait nous empêcher de dormir.

J2

Tout d'abord, il y eut le vent et ses bourrasques infernales qui venaient frapper la cabane. Les claquements nous empêchaient de plonger dans le sommeil. Vers minuit, l'intensité du souffle diminua et Morphée nous accueillit. Jusqu'à ce qu'un rongeur sous le sol de la cabane s'amusait à gratter le bois. Chaque heures, nous y avions droit. Chaque fois, un nouveau réveil, il n'y eut qu'au lever du jour que l'animal se calma, mais il fallait se réveiller et se préparer pour notre seconde journée. Je crois que je n'ai jamais aussi peu dormi en huit ans d'aventure. La nuit fut courte.

On s'habille rapidement et nous préparons un café que nous petit déjeunons avec une boîte de cookie avant d'ouvrir la porte et de découvrir que toutes les traces de la veille sont recouvertes par le vent et par une nouvelle couche de neige. Effectivement, par endroits, nous avons plus d'un mètre de neige qui nous attendra et celle-ci continue de tomber à gros flocons. L'objectif était de rejoindre la voiture puis de continuer une autre rando autour du lac de Gérardmer et notamment de l'observatoire des Mérelle, mais nous arriverons trop tard pour nous le permettre et puis le ciel étant couvert, il serait dommage d'aller un un observatoire pour ne rien voir.

Première étape, rejoindre le Rouge Gazon. Le début est rendu difficile par l'épaisseur de poudreuse qui est importante. Si bien que la source de la veille se retrouve totalement recouverte et que ne l'ayant pas vu, j'ai mis le pied dedans. Nous marchons lentement, car il faut vérifier en permanence sur une application que nous sommes toujours sur le tracé. Il est impossible de se repérer quand celui-ci est recouvert, sans aucune trace d'autres randonneurs et lorsque la neige et le vent ont recouvert les balises des arbres. Sans application, nous serions à l'aveugle et c'est pourquoi l'hiver, soyez vigilant et suivez les tracés en direct sur une appli. Il en existe plein qui fonctionne très bien en mode hors ligne et gratuitement. Cela vous évitera de vous perdre ou pire d'avoir un accident.

À environ mi-chemin, la chance nous sourit et nous croisons un groupe en raquette qui arrive devant nous et tente de rejoindre la cabane que nous avons quittés. Nous leur offrons nos traces, ils nous lèguent les leurs et tout de suite, tout devient plus facile et plus rapide. Une fois le Rouge Gazon franchit, c'est au refuge du Gazon Vert que nous nous rendons. Une autre cabane non gardée qui nous surprendra par sa beauté et sa décoration de Noël installée par les randonneurs bénévoles qui s'en occupent. À l'intérieur, se trouve un groupe de retraités venu marcher et s'y arrêter pour faire une raclette. Ils ont fait du feu, nous nous réchauffons en parlant avec eux pendant que l'on mange quelques barres de céréales. Ils étaient montés avec tout, même des verres à vin... en verre ! Tout sauf le tire-bouchon. Par chance, j'en ai toujours dans le sac et aussitôt on se retrouve avec eux, un petit verre de blanc et du cake au lard. C'est ça la convivialité de la montagne et les rencontres avec les autres randonneurs. On ne se connaît pas, mais on partage un moment tous ensemble.

Après notre pause, il est temps de continuer la descente. Dernière ligne droite vers la voiture. Dernière galère, car une bonne partie du sentier pour redescendre à Urbès n'avait vu personne de la journée donc de nouveau le nez sur l'application. Même si malgré cela, nous sommes partis dans la mauvaise direction au moment de quitter le refuge. Retour en arrière, reprise de l'itinéraire et début de notre descente vers le village. Il nous reste environ 5 km de marche à travers la forêt et très vite la couche de neige s'amoindrit. Bientôt, nous quitterons les raquettes pour retrouver des sensations de marche "classique", puis nos pieds seront dans de la neige fondue puis de l'eau et enfin, nous arriverons sur une route départementale goudronnée sur laquelle la pluie vient s'écraser. C'est fou la différence de température et de météo qu'il peut y avoir à seulement 500 mètres d'écart.

Il est environ 15 h quand nous arrivons à la voiture. Nos dos sont heureux de pouvoir déposer les sacs dans le coffre. En route, nous pensons à ce week-end hors du temps. Coupé de tout, dans notre bulle. C'est ma vie j'ai l'habitude, mais pour mon ami, c'est la première fois et il comprend ce que procure la montagne et la randonnée. Un week-end comme celui-ci même s'il est intense et éprouvant, vous coupera davantage de votre quotidien qu'un week-end à la maison. Il vous ressourcera, car vous n'aurez pensé à rien, aurez vécu à 100 à l'heure et où chaque seconde un nouveau paysage vous émerveillera. Bien plus qu'un week-end, c'est comme prendre des petites vacances alors je ne peux que vous conseiller de partir vivre l'aventure dès que vous le pouvez, car le plaisir que cela vous procurera vous comblera !

Et c'est ainsi que nous revenons à nos vies. Fatigué, mais comblé.