Samedi 11 novembre, je suis montée au sommet du Mont Yahiko.
634 mètres, et si vous visitez quelques sites Internet qui le mentionnent, ne les croyez pas quand ils disent que c’est facile ... manifestement, les rédacteurs de ces articles ne l’ont pas grimpé, ou alors ce sont de grands sportifs. J’ai vu beaucoup de gens (même des jeunes...) peiner pour arriver au sommet...
côté Mer du Japon, avec l'Ile de Sado en fond et côté village de Yahiko Mais bon, je ne vais pas vous parler de mon tout petit exploit.
Ce que je voudrais vous faire découvrir aujourd’hui, c’est une pensée, le Shintō 神道.
Le premier kanji 神 signifie dieux, divinité, esprit, âme.
Et ceux qui pratiquent un art martial japonais connaissent bien le 2nd kanji 道 , qui signifie route, chemin ... et qui se retrouve dans Judō, Kendō, Aikidō, Kyudō (voie de l'arc) et Shodō (la voie de l'écriture, c'est à dire la calligraphie)...
Le Shintō signifie donc littéralement la voie des dieux, la voie des esprits. On les appelle les KAMIS.
Je parle de pensée shintō, plutôt que de religion shintō, car le mot religion a beaucoup trop de connotations et de perceptions différentes pour exprimer et faire ressentir ce qu’est le Shintō. Et je ne sais pas ce que les japonais mettent dans le mot "religion" ; en effet, selon l'Agence pour les Affaires culturelles du Ministère de l'Éducation, de la Culture, des Sports, des Sciences et des Technologies japonais, en 2015, on comptabilisait 85 millions de shintoïstes (67 % de la population) et 88 millions de bouddhistes (69 % de la population).
C’est un ensemble de croyances très anciennes, datant de l’ère Jōmon (de - 13 000 à environ - 400 av. J.-C..) et dont les premières traces archéologiques remonteraient à l’époque Yayoi (environ 800-400 av. J.-C. - 250 apr. J.-C.). Il n’y a pas de dogme dans le shintoïsme. Chacun pratique comme il veut.
C'est une pensée animiste dont le concept principal est le caractère sacré de la nature.
Dans le Shintō, tout peut être sacré : une pierre, un arbre, l'eau, une rivière, une cascade ...
... et aussi une montagne, comme le Mont Yahiko, important lieu du shintoïsme dans la préfecture de Niigata.
Un kami est un esprit, ni bon ni mauvais, ou les 2 à la fois comme les hommes, et peut s’incarner de multiples façons.
Ainsi, un objet aussi peut avoir un esprit, une âme. Pour que vous compreniez la place que prend le Shintoïsme dans la pensée collective japonaise, je vais vous parler de la sonde spatiale Hayabusa.
Hayabusa est la première sonde spatiale à avoir ramené sur terre quelques grammes du sol d’un astéroïde, après un voyage de 6 milliards de kilomètres aller-retour.
Je reprends les mots d’Emiko Kieffer, dans son livre «Le Shintō, la source de l’esprit japonais».
«Le programme d'origine de la mission prévoyait que la sonde Hayabusa reste éternellement dans l'espace après le lancement de sa capsule. Mais à cause de nombreux problèmes techniques, JAXA (l’agence spatiale japonaise) n'eut plus aucune autre option que sa destruction. Comme il n'avait pas été prévu de protection contre la chaleur pour son entrée dans l'atmosphère terrestre, JAXA était obligée de laisser la sonde se désintégrer. De nombreux fans japonais ont pourtant demandé à l'agence spatiale de ne pas laisser mourir Hayabusa... Mais JAXA, en s'excusant, leur à expliqué qu'il n'y avait pas d'autre solution.
Le patron de la mission d'Hayabusa, Junichiro Kawaguchi, a écrit plus tard : "La préparation de la rentrée dans I'atmosphère est cruelle pour Hayabusa. Nous avons étudié plusieurs fois toutes les options pour lui éviter le destin d'une mort brûlante. Mais on ne pouvait sauver sa vie. Malgré tout, toi, Hayabusa, tu as effectué ta mission jusqu'à la fin. La capsule lancée par Hayabusa est son oeuf pour les recherches futures. Nous devons recevoir son message et le faire éclore. [..] Nous sommes arrivés enfin à comprendre ce qui était meilleur pour elle. C'est de servir au maximum pour l'avenir. C'est sa demande".
En traduisant littéralement les mots de M. Kawaguchi, nous découvrons qu'il considère la sonde comme une personne. ll personnifie pleinement un objet qui n'est pourtant qu'une machine. Il ne considère pas que ce soit étrange et les Japonais non plus. Les scientifiques de JAXA ont voulu montrer à Hayabusa sa planète natale une dernière fois avant qu'elle meure, après avoir lancé sa capsule vers la Terre. lls lui ont donné un dernier ordre, celui de se retourner et de regarder la Terre à l'aide de sa caméra. Un peu plus tard, la sonde leur a envoyé une image de la Terre, prouvant qu'elle avait revu sa planète natale. Elle est rentrée dans l'atmosphère trente minutes plus tard et s'est désintégrée. La capsule contenant les précieux prélèvements et bien équipée pour pénétrer dans l'atmosphère, fut récupérée par JAXA."
Le Shintō imprègne donc toute la vie des japonais. Les valeurs qu’il véhicule sont la pureté, tant physique que spirituelle, l'harmonie, la solidarité familiale et ancestrale, la subordination de l'individu au groupe, le respect de la nature.
Il est présent partout sous forme de sanctuaires, minuscules ou imposants, en ville dans des endroits inattendus, au détour d’une rue, dans les forêts ... Vous verrez aussi des autels shintō dans des commerces, dans d'anciennes demeures etc ...
Minuscule autel accroché au mur dans une brasserie de Sake. Petit autel dans le bâtiment Next 21 de Niigata (voir Semaine 2)Kita Makoto Jinja à Furano (Hokkaïdo)
Il est présent dans les très nombreuses fêtes qui ont lieu dans tout le Japon.
https://ohmatsuri.com/en/articles/kyoto-aoi-matsuri-festival
Il participe de la vie de famille, avec la fête 七五三 , Shichi Go San, la fête des enfants de 7, 5 et 3 ans, qui a eu lieu dans tout le japon ce mois de novembre.
On le retrouve aussi dans le «itadakimasu», qui signifie «je reçois humblement», mot que les japonais prononcent avant de commercer leurs repas, et le "gochisōsamadeshita" prononcé à la fin du repas, qui signifie "merci pour le repas".
C’est une façon de remercier la nature pour ce qu’elle offre, mais aussi remercier ceux qui ont contribué à l’élaboration du repas.
Un sanctuaire Shintō se reconnaît au Torii (鳥居) qui en marque notamment l’entrée.
L’origine du mot 鳥居 est incertaine. Bien que le 1er kanji signifie oiseau, certains japonais estiment que, phonétiquement, cela voudrait dire 通り入る tori-iru qui signifie « traverser et entrer » (cf https://furansujapon.com/culture/torii/).
Et effectivement, le torii est symboliquement le passage entre le monde profane et un monde sacré. On s’incline en passant sous le torii, par respect pour le, (ou les) kami qui résident dans le sanctuaire.
A SUIVRE ....