Carnet de voyage

Dévoluy - Vercors - Toussaint 2019

10 étapes
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Notre habituel trek montagnard pour les amoureux des cimes que nous sommes
Octobre 2019
10 jours
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Deux mois que notre itinéraire est couché sur le papier, finement étudié et tracé sur fond de carte au 1/25000.

Quinze jours que les sacs de randonnée attendent impatiemment un dos protecteur pour leur faire connaître une fois de plus la beauté des hauts sommets du Dévoluy suivis de ceux bordant les hauts plateaux du Vercors.

Des semaines d'attente à trépigner d'impatience depuis notre dernier périple dans les Pyrénées ( www.myatlas.com/Michel60/une-vue-de-la-haute-route ) pour enfiler nos grolles et taquiner le rocher.

Des nuits à fantasmer sur la jeune et candide inconnue qui occupait ma couchette de l'intercité de nuit lors du retour de notre précédent périple dans le Dévoluy ( www.myatlas.com/Michel60/le-devoluy-toussaint-2018 ) et qui se languit certainement du beau gosse que je suis.

Vendredi, veille du départ, nous révisons notre trajet ferroviaire et c'est mû par une précognition que je me connecte sur l'application de notre prestataire ... C'est alors que je me transforme en moulin à interjections spontanées et disgracieuses.

Adieu belle inconnue, j'imagine ton désarroi quand tu apprendras que je ne t'aiderai pas à partager ta couche(tte) en ma compagnie, tous deux bercés par les cliquetis soporifiques des passages d'aiguillages songeant au chef-d'oeuvre érotique que nous aurions pu fomenter en co-intervention.

Bonjour panique quand nous nous apercevons que tous les convois de ce samedi sont aussi soit annulés soit complets.

Réagir ! Vite ! Échafauder rapidement de nouveaux plans pour coordonner d'autres possibilités de départs avec nos réservations de gîtes car les trains des jours suivants affichent complet au fur et à mesure que la soirée progresse.

Que faire ? La nuit portera-t-elle conseil et nous aviserons demain ? Vaut-il mieux qu'un tien deux tu l'auras ? C'est sans compter sur nos compétences acquises par le passé dans ce genre de situation. Nous choisirons l'item de la sécurité en découvrant qu'il reste un dernier départ proposant quelques places vacantes à 7h49 ce dimanche. C'est en tenant que nous éviterons de courir. Trois clics ! Réservation confirmée, carte bancaire enflammée : contrairement à ma moute qui les écrase, l'urgence explose les prix. Presque quatre fois plus cher que la réservation trois mois auparavant.

Ce samedi matin nous essayons vainement de contacter le service client de la Sncf, certainement pris d'assaut par autres centaines d'infortunés voyageurs et abdiquons en nous rendant au bureau voyageurs de la gare pour obtenir les modalités de dédommagement. La guichetière nous confirme que nous avons eu raison de réserver un nouveau voyage dans la foulée car cela fait plusieurs heures que tous les trains du dimanche affichent complets. Mais nous devrions être remboursés des billets perdus et compensés de la différence monétaire du nouveau titre de transport. Mon portefeuille commence à cesser de panteler.

Et ce soir je passerai ma nuit avec celle qui, à défaut de n'être ni candide ni inconnue, m'apporte tant de joies dans l'accomplissement de nos périples quelquefois épiques mais toujours enrichissants.

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A défaut d'une circulation ferroviaire heureuse nous avons choisi de surfer ce dimanche, plantés devant nos écrans.

A l'aide d'une frénétique souris nous navigons à tout va, le clic rageur, sur le site de notre prestataire. Annulations et réservations se succèdent entretenant espoirs et déceptions.

Espérant que le voyage proposé lundi matin ne soit pas une coquecigrue, cette soirée dominicale sera encore consacrée à l'entretien de nos chevilles fatiguées d'une chimérique randonnée.

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Publié le 22 octobre 2019

C'est le dos chargé que nous entamons notre périple ferroviaire rassurés par la guichetière de la circulation des trois trains que nous allons enchaîner, réservés la veille pour atteindre Veynes-Devoluy.

Grenoble atteint, la pluie arrose copieusement les voitures du TER final qui parcourera la vallée du Buëch, se lovant entre monts et cours d'eau, trajet que nous avons déjà parcouru plusieurs fois et qui nous émerveille toujours.

Élodie, ma Poule(*), est venue nous accueillir à la gare vers 17h00. Son compagnon et elle, pleins de compassion, ont eu pitié de nous, nous évitant les 22 kilomètres de montée sous une pluie battante à la nuit tombante.

Installés dans la chambre nous pouvons entrevoir entre deux éclaircies quelques sommets que nous savourons des pupilles tels le fruit défendu.

Vue du Dévoluy depuis Les Garçins 

Le jeune couple élève 300 ovins destinés à fournir à notre délicat palais le célèbre agneau dit de Sisteron.

Nos chaussures tapant du pied, nous décidons de braver le déluge pour monter au col du Festre afin de saluer un ermite Mongol et d'étudier le point de départ de notre randonnée du lendemain.

C'est trempé jusqu'aux os que nous retournons à notre logement pour un frugal dîner et une nuit dans un silence absolu, les brebis s'étant certainement comptées toutes seules pour accéder à leur laineux sommeil. Au dodo.

(*) il s'agit du sobriquet de la maison donné à une époque oubliée des jeunes propriétaires.

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Publié le 23 octobre 2019

Ce mardi matin nous quittons la poule, hésitant entre le VTT d'époque victorienne et nos godillots imperméables.

Les pneus pluie étant absents de cette époque révolue nous choisirons d'évoluer d'un pas rassuré vers le col des aiguilles, regrettant cette année encore d'abandonner la prospection stellaire du plateau de Bure trop courtisé par une corpulente masse nuageuse.


Un agaçant crachin a décidé d'altérer notre marche mais il aura tôt fait de se déliter sous la puissance d'une brise qui, malgré sa fraîcheur, est la bienvenue.

Après quelques remises en forme de la machine à souvenirs avec la crête des Baumes en arrière-plan, il est temps d'aborder un passage évoqué comme délicat dans les descriptions du trajet que nous empruntons. Notre hôte de cette nuit nous avait rassuré en nous narrant qu'il s'y était engagé plusieurs fois chargé de brebis refusant de s'y aventurer. Hormis des pierres glissantes et un vide rapproché et fascinant nous n'avons pas cédé au pusillanime et l'avons franchi avec brio.

La cascade de Saute Auré dépassée il nous reste deux derniers ressauts à surmonter.

Les ressauts avalés nous atteignons le vallon des Aiguilles.

Nous baguenaudons longuement dans cet endroit niché entre deux imposantes crêtes où nous croyons apercevoir des silhouettes humaines qui s'avèreront n'être que de vulgaires piquets de bois.

C'est dans cette incommensurable binôme solitude qui nous est chère que nous nous dirigeons pour une dernière montée afin d'atteindre le col des Aiguilles dont nous écourterons la visite, titubant grâce aux violentes rafales de vent.

Nous décidons de nous lancer dans la descente vers le vallon de la Jarjatte pour prendre notre déjeuner plus abrités.

Après plusieurs embardées causées par quelques pierres décidées à en découdre avec nos semelles nous trouverons une thébaïde pour notre repas d'où nous observerons une harde de chamois raclant les pierres pour brouter quelques jeunes pousses.

Nous poursuivons la descente quand le chemin suivi s'interrompt, avalé dans une gorge profonde à cause des récents orages dont la violence n'a eu d'égal que leur soudaineté, nous contera un taciturne habitué au zinc de notre étape de ce soir. Aucune issue autre que de descendre vers le torrent l'ayant ravinée.

Telle Filochare, mon audacieuse compagne décide de descendre les quatre à cinq mètres de dénivelé constitués d'un amalgame de fine caillasse, d'humus et de terre humide. Mauvaise décision : l'agglomérat décide de se venger en regagnant le torrent accompagné de moult pierres qui s'y fracasseront . Et voilà ma conjointe qui Ribouldingue pour le rejoindre. Elle terminera avec de Croquignolettes fesses ripolinées aux sédiments.

Le chemin retrouvé juste avant que le torrent ne s'évanouisse dans une impressionnante cascade nous poursuivons notre descente aux couleurs de l'automne vers la Jarjatte puis Lus-la-Croix-Haute non sans admirer régulièrement les Aiguilles.

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Publié le 24 octobre 2019

Ce matin nous quittons tardivement "L'envie des mets" où nous avons séjourné non sans en avoir profité (des mets bien sûr !) Car le petit-déjeuner est servi après 08h00.

Le ciel se drapant de nombreux stratus et le hurlevent dans les ruelles du haut de Lus-la-Croix-Haute signent les prémisses de l'épisode méditerranéen aannoncé par la météo.

Nous hésitons entre flâner aux environs du "Grand Logis" puis attraper le train jusque Clelles dans l'après-midi afin de rejoindre Chichilianne à pieds.

N'aspirant qu'à prendre de la hauteur dans le massif du Vercors nous décidons de chatouiller la limousine du pouce le long de la départementale 1075.

Quelques minutes suffisent pour que la cinquième guimbarde providentielle nous propose ses services.

Dans nos maillots jaunis notre sang ne fait qu'un tour : Frantz, au volant, nous invite à prendre place dans son SUV après avoir cherché une place pour nos sacs parmi le bric-à-brac s'éboulant dans son coffre.

Parti de Sisteron, Frantz a pour objectif l'Allemagne afin de rendre visite à sa famille, chargé de cadeaux dont une quantité impressionnante de tartes aux noix dont tout le monde raffole.

Il nous explique qu"il est médecin neurologue installé en France et depuis qu'il est rayé des cadres il est bénévole chez Médecins Sans Frontière afin de préparer les jeunes praticiens à affronter les situations dramatiques qu'ils rencontreront au cours de leurs missions

Dans le courant de notre entretien nous apprenons que le Vercors est un lieu de mémoire qu'il considère sacré car sa famille fût aussi résistante au nazisme et 20 d'entre-eux furent déportés à Dachau, premier camp de concentration annoncé en 1933 et d'abord destiné aux prisonniers politiques.

Quelques vingt kilomètres plus tard il nous dépose à Clelles et nous nous dirigeons vers une crête afin de découvrir le gouffre et l'arche des Cabornes puis continuer vers le sommet du Platary.

La montée boisée nous gratifie d'une vue ensoleillée sur le Mont Aiguille mais s'avère laborieuse - les chemins sont défoncés, entravés par des amoncellements de grumes laissées a l'abandon.


Après deux heures d'errances nous décidons de déjeuner puis de rebrousser chemin, le seul itinéraire praticable longeant maintenant la falaise qui s'avérera infranchissable sans équipement d'escalade.

Pour obtenir notre clémence le sentier du retour nous concède de nouvelles vues sur les falaises environnantes et sur le Mont Aiguille qui commence à magnétiser les nuages s'y frottant - l'atmosphère vesperale confirmera ce phénomène.

Nous arrivons enfin au gîte du Mont Aiguille où nous nous installons pour deux nuits sans oublier de remplir nos chaussures d'une délicate attention olfactive surtout destinée à protéger les muqueuses nasales des gérants.

Après un repas gargantuesque, comme toute ripaille montagnarde servie en gite ou en refuge, nous nous installons pour une nuit tempétueusement zébrée de décharges électrostatiques qui pourraient assurer la transition énergétique de toute la flotte de véhicules circulant actuellement sur notre territoire.

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Publié le 25 octobre 2019

Petit-déjeuner tranquille mais conséquent ce matin avant un départ vers les crêtes environnantes afin d'y effectuer un devoir de mémoire que chacun devrait connaître pour que cela ne se reproduise plus.

Depuis notre gîte que nous retrouverons ce soir nous passons La Richardière surveillés par le Mont Aiguille avant d'atteindre la piste forestière encombrée ici aussi de grumes qui nous mènera vers la montée du lugubre vallon aboutissant au pas de l'Aiguille. Sur un monument sont gravés les noms de huit maquisards que nous retrouverons plus haut.

La montée est raide et humide. Le soleil peine à éventrer les nuages mais nous persévérons à lever chaque pied pour nous hisser dans la pente tout en profitant de périodiques vues sur le Mont Aiguille.

Arrivés au col nous découvrons la plus haute nécropole de France en mémoire aux résistants tués en défendant le passage du pas de l'Aiguille, appelés depuis l'Angleterre le 6 juin 1944 par la phrase " Le chamois des Alpes bondit "

Profitant du paysage s'ouvrant sur les lapiaz du plateau sud du Vercors, nous avançons de quelques dizaines de mètres pour trouver la cabane de Chaumailloux où nous nous restaurons avec un fabuleux pique-nique préparé par Patrick et Zora, gérants du gîte.

En quittant la cabane nous rencontrons un jeune couple, Julie et Benjamin Corrençon, qui a passé la nuit dans celle de l'Essaure plus loin sur notre parcours. Ils y ont vécu un enfer lumineux et sonore, se trouvant au beau milieu de l'orage dont la tempête pluvieuse dura jusqu'au petit matin. Vers trois heures la violence du vent a ouvert la porte avec fracas. Ils se réveillèrent épouvantés, s'imaginant attaqués par la famille Mallussène descendue de Belleville pour les égorger. Ce n'était qu'un cauchemar généré par la récente lecture d'un roman de Daniel Pennac, habitué de ces lieux chargés d'histoire.

Nous reprenons le chemin souvent introuvable mais heureusement jalonné de cairns. Lapiaz et pelouses se succèdent dans une ambiance sépulcrale chargée de vestiges douloureux provoquant chez ma muse d'imperceptibles angoisses tandis que se profile régulièrement le Mont Aiguille.

Nous arrivons enfin à la cabane de l'Essaure, constatant que le poêle est encore chaud et qu'une flaque d'eau subsiste à l'entrée, preuve que Julie Corrençon ne nous a pas galégé (comme votre serviteur).

Il est temps de reprendre le chemin du retour, interminable descente pendant laquelle nous débusquons un crapoussin qui, surpris de notre rencontre, renverse son panier rempli de champignons en carapatant dans un taillis inextricable.

Notre chemin contournant ce dernier, nous arrivons aux abords d'une cascade dans laquelle nous espérons qu'il ne s'y soit pas noyé.

Foulant enfin la première ruelle de Chichilianne nous apercevons à plusieurs reprises un chat noir nous observant régulièrement tout en conservant ses distances. Et si c'était notre cacochyme mycologue ?

Il est temps de rentrer se restaurer.

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Aujourd'hui j'ai décidé de modifier l'itinéraire planifié qui proposait une partie du trajet en train pour rejoindre Gresse-en-Vercors.

La carte examinée je conjecture la possibilité de cheminer le plus verticalement possible (en supposant que le nord garde sa position). Patrick, notre hôte acquiesce tout un observant du coin de l'oeil un couple attablé devant un café et se querellant au sujet du temps qui passe, des opportunités de jouir de la vie et de l'investissement dans le travail. Au fond de la salle une famille déjeune, les enfants belliqueux s'injuriant vertement le regard noir. J'imaginais la famille Mallussène.

C'est décidé, même si le dénivelé semble important nous suivrons le balisage jaune et vert de la GTV (Grande Traversée du Vercors) à travers bois. Un livreur nous conseille d'éviter la crête jurant que la brume d'altitude ne se lèvera pas.


Le départ donné nous observons encore une fois le Mont Aiguille illuminé par le soleil levant.

Les torrents ont enflé avec les pluies intenses de ces derniers jours et la rareté des ponts nous obligent parfois à de scabreuses traversées de gués que nous empruntons souvent à cause d'un itinéraire digne d'une attraction à sensations tellement nous passeront de monts en combes.

Le soleil se targue d'un barroude d'honneur sur le Mont Aiguille avant d'abdiquer laissant la brume nous envelopper dans les sous-bois.

Nous traversons Trezanne dont l'ortographe varie selon l'emplacement des panneaux et pouvons observer à sa sortie un camp de Roms fraîchement débarqués de Mongolie pour reconnaître plus loin des abris à cochons

L'affrontement reprend entre lumière et brume nous laissant entrevoir quelques sommets tout en gérant notre équilibre dans la montée boueuse au col de Papavet où nous rencontrons trois cyclistes aux mollets proéminents qui s'interpellent pour élaborer un itinéraire de secours pour le retour, le plus jeune d'entre-eux ayant perdu une pédale dans la descente du col des Pellas.

Trezanne en contrebas nous poursuivons, pour ensuite rencontrer dans un vallon perdu un étrange personnage peignant assis devant un feu de bois dont la fumée devait aromatiser sa barbe hirsute et se sentant obligé de nous indiquer un chemin pour rejoindre facilement Gresse-en-Vercors : "vous voyez la fourche là-bas, et bien si vous allez à gauche vous vous perdrez alors qu'à droite vous n'arriverez pas à Gresse. Par contre de ce côté là il vous faudra passer la barrière avant de revenir sur vos pas ... "

Le chapelier dans Alice au pays des randonneurs !

Une heure et quelques nuages plus tard nous atteignons La Bâtie où nous déjeunons au pied de l'église.

Sans tarder nous reprenons le chemin passant sous un hêtre protecteur, foulant une petite vire avant de découvrir deux panneaux incongrus probablement posés par notre énigmatique peintre.

Montées et descentes se succèdent encore et c'est poisseux que nous passons le col de l'Allimas avant que nous n'apercevions les chalets de la station de sports d,'hiver de Gresse-en-Vercors.

Un coup d'oeil à l'altimètre : 1194 mètres cumulés pour cinq heures de marche et huit heures de présence sur le terrain, pas étonnant que nous n'aspirions qu'à rejoindre rapidement notre logement.

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Publié le 27 octobre 2019

Il a gelé ce matin. C'est un bon présage pour attaquer le Grand Veymont à plus de 2300 mètres d'altitude .

Nous quittons tôt notre chambre pour constater que la journée sera agréable.

La montée nous déplace dans la station de ski de La Ville où l'assemblage des remontées mécaniques n'a pas débuté. Le réchauffement climatique est un bon faire-valoir à la procrastination.

En montant par les sous-bois les fragrances font remonter mes souvenirs du goût du bonbon resineux dont on a retiré l'écorce, le fameux bonbon à la sève de pin que tout le monde a connu et censé guérir toutes les infections de la sphère ORL.

En chemin Christine fait un écart brusque pour une photo ratée car nous croisons un trailer effrayé dont nous ne percevons dans les cris que les mots "ne pas y aller" "bouquetin" et "horreur". Que se passe-t-il là-haut ? Un bouquetin aurait il bousculé un randonneur dans le vide, l'ayant auparavant éventré ?

Notre curiosité attisée nous poursuivons patiemment un pas devant l'autre , les crêtes alentour se dessinant de plus en plus précisément quand un problème latent ressurgit soudainement.

Depuis quelques années mes lacets vivent avec mes chaussures une relation conjugale que beaucoup de couples envieraient.

Mais hier mon lacet droit a démasqué ma chaussure droite qui entretenait avec mon gros orteil une relation charnelle souvent décriée par mon quintus affirmant que ce n'est pas la taille qui compte ! Suite à cette trahison Monsieur Lacet ne pense qu'à démonter la coquette cocarde que je renoue régulièrement. Afin de calmer un peu la situation et redémarrer l'ascension avec sérénité je promets aux deux belligérants de leur trouver un avocat pédestre dès notre retour.

Quelques relaçages plus tard nous arrivons au Pas de la Ville, porte d'entrée pour le Grand Veymont même si ce n'est pas encore gagné .

Sitôt le col franchi un bouquetin coquin cligne de la corne en direction de ma compagne. Les yeux sur le côté et la pupille rectangulaire et horizontale lui permettent un champ de vision étendu pour détecter les prédateurs.

Serait-ce le bouquetin de notre trailer effrayé ?

Ma compagne se laisse subjuguer par cet oeil semblant pousser la chansonnette sur un air de " aie confiance..."

La belle ensorcellée, notre fier animal décide de la ressusciter en lui présentant son postérieur (quiconque y décellera autre chose qu'un postérieur sera banni de nos lectures jusque la septième génération)

Nous quittons prestement les lieux enchaînant vires et éboulis quand nous nous retrouvons pieds à nez avec un contrefort érigeant son éperon rocheux. Décidément, la montagne s'érotise de plus en plus !

Ma compagne affolée par tant d'exhibitions interpelle un randonneur lui invectivant de rebrousser chemin. Ce qu'il refusa avec véhémence, lui précisant que la situation n'était pas plus enviable au ressaut suivant où même un humain y a été contaminé.

L'emotion passée nous poursuivons notre ascension debusquant deux bouquetins étonnés qui interjectent quelques jurons avant de déguerpir poussant leur petit cri annonçant un danger

Cliquez pour le cri


Enfin le sommet !

Les mots nous manquent ici tellement le paysage qui se dévoile devant nous émerveille nos yeux d'enfants et entretient notre bonheur.

Plusieurs centaines de mètres de vide s'ouvrent sous nos pieds dévoilant le Trièves et divers villages traversés le jour précédent, Grenoble apparaissant au nord.

En fond de décor se dessinent le Mont-blanc, les Ecrins, le Dévoluy pour ne citer que les plus connus.

Et l'impressionnante courbe de la chaîne du Vercors menant à la Grande Moucherolle.

Après une heure trente de béatitude il est temps d'entreprendre la descente qui s'annonce diabolique sur une pente où se sont accumulées pendant des siècles une multitude de pierres sardoniques ne pensant qu'à se dérober sous nos pieds.

Mon lacet n'en mène pas large !

Quatre cents mètres plus bas des gémissements sont perceptibles au-delà d'une vire isolée. Une randonneuse épuisée a décidé de stopper net son ascension. Après quelques palabres et entre deux soubresauts larmoyants elle promet de continuer son périple, remise en confiance par ma conjointe.

Nous poursuivons.

Une heure avant notre retour, une petite fille de sept ans d'âge se repose sous l'oeil protecteur de son père qui l'initie au bonheur de la montagne en l'emmenant bivouaquer près d'une cabane de berger sous le Grand Veymont.

Continuant notre descente, l'astre flamboyant ayant perdu son éclat en se crachant derrière les cimes, il est temps pour les brebis de rejoindre leur enclos, non sans se servir un cornet à la baraque à frites.

De retour à la chambre notre repas sera plus diététique.

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Publié le 28 octobre 2019

Ce dimanche, dernier jour de marche.

Nous devions quitter Gresse-en-Vercors pour rejoindre Monestier-de-Clermont par le Pas de Serpaton afin d'attraper un train pour Grenoble à 15h04 en se permettant une excursion au Rocher du Baconnet.

Mais tout ne se déroule pas toujours comme prévu.

Panne de la motrice ? Catastrophe ferroviaire ? Différent conjugal ? Panne musculaire ? Endommagement squelettique ? Attentat montagnard ?

Commençons par effectuer quelques foulées dans les sous-bois vers le Pas de Serpaton où la chaleur s'intensifie nous obligeant à alléger rapidement notre couche vestimentaire.

La dépense énergétique promet encore d'être élevée.

Dans le cadre de la mise en situation pédagogique, vous supposerez que pour monter au rocher du Baconnet les mains dans les poches il faut 2h15 et votre dépense énergétique sera empiriquement de 500 kcal/heure. Quelle puissance (en Watt) aurez-vous développé ?

Est-ce le genre de question qu'un randonneur se pose et qui lui ferait rater son train ?

Nous continuons l'ascension pour découvrir la rénovation d'un câble laitier qui sera remis en service afin de relancer la transhumance locale pour protéger l'alpage.

J'ai tout de même un peu peur que la stérilité ne guette les brebis vue la puissance électromagnétique émise au col par une multitude d'antennes destinées à nous maintenir dans un environnement technologique bien souvent superflu mais qui nous a déjà rendu dépendant.

Nous progressons prestement.

Enfin nous atteignons la crête louvoyant vers le rocher et le regard ne peut que s'émerveiller devant sommets et vallées qui se dessinent devant nous quand nous approchons (prudemment !) du bord de la falaise.

Estimant que nous avons encore un peu de temps devant nous, nous naviguons encore sur la crête, le Mont Aiguille dans l'axe de la proue de nos pupilles quand nous accostons un couple de randonneurs qui se gaussent à notre arrivée.

Erika, citoyenne allemande installée à Grenoble depuis douze ans, fait remarquer à la fille qu'elle a laissé filé dans la pente l'œuf qu'elle pelait pour son ami.

Laissant exploser sa colère le jeune homme se lève, promettant de catapulter son sac vers la brunette qui le menace alors du poing.

Comprenant le danger, la pente s'accentuant dangereusement, ma compagne s'interpose, évitant une fâcheuse plongée vers des barres rocheuses situées 200 mètres en contrebas.

Au paroxysme de sa colère, l'atrabilaire personnage grommelant sont courroux avec véhémence décide alors de lâcher sa compagne et reprend le parcours de la crête se débarrassant au passage de sa boussole qui effectuera un vol plané mémorable dans les 600 mètres de vide nous séparant de Monestier. Elle s'arrêtera dans une cavité de la falaise où elle terminera probablement sa vie corrodée par quelques années d'intempéries.

Un coup d'oeil à la pendule nous informe que cette animation vient d'avorter le compostage de notre billet en temps voulu.

Nous poursuivons donc la surveillance de notre quidam tout en échafaudant différents plans d'itinéraires de secours. Une habitude prise au début de notre périple.

Le personnage calmé nous décidons de le raccompagner à Gresse-en-Vercors.

Trois cents mètres d'altitude viennent d'être perdus et il faut rebrousser chemin. Le dénivelé total sera de 1200 mètres, ce qui n'était pas non plus prévu. Des envies de meurtre se profilent.

Heureusement nous rencontrons Josette et Jean-Claude, deux paisibles retraités, venus glaner suffisamment de cynorhodons pour réaliser une profusion de gelée de gratte-cul dont l'explication par de la recette par Jean-Claude relève plus d'une prouesse artistique que culinaire. Leur philosophie épicurienne mettra un terme à notre contrariété.

Nous sommes de retour à Gresse-en-Vercors vers seize heures où nous retrouvons Laurence et Stéphane - rencontrés la veille autour d'une fondue biochimiquement et mémorablement succulente qui a eu pour effet de décharger une dose conséquente d'un cocktail de sérotonine, ocytocine, endorphine et dopamine dans nos neurones positivement stimulés depuis déjà une semaine - qui nous proposent avec générosité de nous raccompagner sur Grenoble où nous passerons la nuit dans un petit hôtel pour y attendre le TGV du lendemain la tête pleine des souvenirs accumulés.

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Publié le 17 novembre 2019

" Ce monde est si vaste et j'ai de telles histoires mémorables à raconter, certaines absurdes, d'autres humoristiques et d'autres juste un incident après l'autre. Les histoires que les gens écoutent, parfois avec incrédulité." Penelope Riley - Travel Absurdities - 2008.

Voyageuse invétérée, Penelope Riley, par ces mots, traduit avec une désinvolte maestria un des sentiments que nous éprouvons aux retours de nos périples

Ces rencontres imprévues gravées dans les rochers que nous foulons intaillent* nos mémoires du chemin parcouru.

Les paysages enchâssés dans l'électronique du capteur de notre appareil photographique seront aussi témoins des grands moments de bonheurs que nous avons vécus à évoluer sur les tapis colorés des pâturages automnaux ainsi que d'admirer les sommets caressés de la flamboyance de notre étoile.

Ces moments d'ataraxie que nous revivons régulièrement par des projections véprées en attendant un prochain périple méritent ici quelques photographies choisies.

* et non pas entaillent.