Nous profitons d'un week-end de repos pour entretenir notre exploitation potagère. Notre attestation de déplacement dérogatoire complétée, nous disposons d'une heure pour effectuer la plantation décidée, j'ai nommés les truches. Le temps imparti s'avérant trop court, Scott et Alan Tracy viennent nous porter assistance et la tâche sera compendieusement achevée nous permettant un départ rapide.
Le chronoscaphe réglé sur juillet 2015 pour une virée au Svalbard, archipel arctique ancré entre la mer de Barents et la mer du Groenland à la limite de l'océan arctique, nous décollons sans tarder.
Pendant le ravitaillement au spatioport d'Oslo en hydro-oxonium, issu de la solvatation de Solanum tuberosum savamment élaborée clandestinement par le Professeur Caupet, nous rendons une petite visite à une corpulente amie poissonnière reconvertie dans l'accueil en hostellerie de luxe pour disgracieuses voyageuses..
Après cet intermède nous filons plein nord et, nous survolons longuement Longyearbyen, ville de l’île du Spitzberg dans l'archipel du Svalbard, territoire norvégien, où il est admis que la population d'ours blancs est supérieure à celle des humain.
Longyearbyen est l'une des trois bourgades de l'archipel où vivent environ 2000 habitants qui composent 80% de la population. A 40 kilomètres se trouve Barentsburg, une petite ville où habitent en autarcie 400 russes abandonnés par leur gouvernement et n'ayant plus les moyens financiers de rentrer sur le continent. Un troisième lieu de population plus au nord, Ny-Alesund, accueille sporadiquement une communauté de scientifiques. Il existe aussi quelques communautés anecdotiques (Sveagruv, IsfjordRadio ainsi que Pyramiden dont nous vous entretiendrons plus loin).
A Longyearbyen la vie est plutôt calme sauf aux horaires nocturnes (bien qu'à cette époque de l'année il fasse jour 24 heures sur 24) pendant lesquelles la bière coule à flot pour apporter l'oubli de la rudesse du travail des ouvriers dans les mines de charbon (consommé sur place), seule ressource de l'île avec le tourisme. Le seul acte criminel s'y étant déroulé fut l'attaque de la banque, seul endroit de la ville où les armes sont interdites, en décembre 2018 par un touriste. Le braquage le plus improbable et irréfléchi de Norvège ! La seule fuite possible à cette époque de l'année étant l'aéroport de la ville, son arrestation fut quasi-immédiate.
Ville calme - mine - entrée de la banque Comprenant, ami lecteur, que tu n'es pas là pour recevoir la continuité pédagogique d'un cours de géographie sur cette contrée polaire à la limite du 80ième parallèle convoité par tant d'explorateurs mais pour suivre une épopée, nous allons à grande foulée entamer la chronique de notre première sortie.
L'ours rôdant aux alentours et bien que les Gewehr 98 (Mauser pour les collectionneurs), abandonnés par les allemands en 1945, soient en location libre sur l'archipel, mon aversion pour les armes s'est montrée la plus forte. Nous nous sommes donc octroyé les services d'une charmante garde du corps locale prénommée Hjørdis pour programmer une randonnée sur le plateau de Longyearbyen afin de découvrir le frossen edens hage (jardin d'Eden glacé). Si certains d'entre-vous nous considèrent givrés, nous avons tout de même troqué la tenu d'Adam contre un ensemble vestimentaire plus adapté au climat ici-haut.
Notre première sortie sur les sommets de la ville nous permettra de croiser un Rangifer tarandus platyrhynchus, renne arctique du Svalbard pour les intimes, à la pilosité défaillante, se préparant pour un été de deux mois à engranger suffisamment d'énergie afin de survivre à une période noctambule pendant les six mois d'hiver.
Nous poursuivons notre mise en jambes en patinant sur les pentes verglacées raquettes aux pieds.
C'est au retour en ville que nous aurons la bonne fortune de croiser un lagopède (rare perdrix des neiges) ayant déjà revêtu sa tenue estivale.
Le lendemain matin, nous nous levons à l’aurore (chacun observera que le terme aurore succédant à la nuit est inconnu ici à cette période de l'année, on lui préférera dans ce cas l'expression "tôt sur la pendule") car nous sommes attendus à l'embarquement par Sören, baroudeur nautique, pour une navigation tranquille dans l'Isfjord afin de découvrir le glacier de Petunia Bay au pied duquel des scientifiques étudient l'avancée du monstre de glace vêlant ses séracs dans le Billefjord.
C'est glacialement réfrigérés que nous quittons à regret ce spectacle merveilleux pour rejoindre Pyramiden, ancienne ville russe d'extraction charbonnière.
La visite de la ville s'effectue sous la surveillance d'un pétrouquin armé, Alexander Romanovskiy coiffé de sa chapka à l'étoile rouge, seul citoyen présent et délégué à la protection et la visite de ces lieux dont on ne perçoit que la respiration silencieuse du vent tournaillant langoureusement entre les bâtiments. L'atmosphère est pesante. Toutes les installations sont intactes, comme abandonnées la veille par une évacuation précipitée de ses habitants suite à un cataclysme nucléaire.
Il est temps de quitter notre ami d'un autre temps.
Avant l'embarquement nous avons repéré une capsule de tork dans le bric-à-brac qui encombre le quai de débarquement. Nous la larronnons. Elle fera l'affaire pour remplacer l'angreal défaillant du tableau de bord de notre engin.
Le lendemain nous décidons de rester sur la terre ferme pour une randonnée sur le plateau de Platåberget où nous découvrons la Svalbard Satellite Station qui permet de suivre les satellites en orbite polaire essentiellement destinés à l'observation météorologique.
Nous poursuivons plus en avant et prenons de la hauteur sur les étendues glacées.
Arrivés à l'apogée de notre parcours nous rencontrons un groupe de marcheurs autochtones avec qui nous lions amitié. Par quelques pas de danse ma compagne les embabouine et ils finissent par nous proposer de partager leur repas vespéral et déguster la bière locale avant d'être accueillis par une couette douillette où nous passerons une nuit lénifiante.
Il y a tant à faire ici pour les personnes amoureuses de grandes étendues glacées que nous nous levons de bon matin et décidons d'user nos semelles dans une randonnée d'altitude au delà du Sukkertoppen,(Pain de Sucre en français) pour surplomber l'Isfjord.
Ingemund nous accompagne pour assurer notre sécurité car cette zone est réputée pour attirer attirer les ours polaires friands de la chair tendre des touristes continantaux. Hors de question d'en enlever un pour dorloter notre petite fille dans ses rêves nocturnes.
Nous serons toujours aux aguets pendant notre excursion.
Même si nous ne percevons pas la décroissance lumineuse, il se fait tard et la température commence à chuter accompagnée d'une couverture nuageuse s'épaississant vélocement. L'onglée a aussi décidé de nous chatouiller les doigts.
Nous réaliserons la descente sur la pente hyperboréenne du sommet atteint afin d'apercevoir la plus grande réserve mondiale de semences (non visitable) abritant près d'un million d'échantillons.
La fin de notre séjour approche et c'est flânant en ville que nous apprenons qu'une expédition de secours est organisée pour rapatrier deux kayakistes contus dans un camp de base au pied du glacier de Svea.
Nous nous précipitons au port où nous retrouvons Brynhild avec qui nous avions dîné deux jours auparavant. Engagée sur le Polarsyssel, navire de secours en mer, sous les ordres du Sysselmannen (gouverneur du Svalbard), elle nous propose de les accompagner, nous engageant à nous tenir à l’écart pour ne pas gêner les opérations.
Nous rentrons tard dans la soirée les montagnes alentours jouissant d'un éclairage flamboyant.
Notre périple touche sa fin et il est temps de rejoindre le tarmac pour y retrouver notre spationef qui piaffe d'impatience de nous renvoyer à notre réalité télétravailleuse, en espérant que vous avez pu nous accompagner par la pensée dans nos souvenirs intemporellement déconfinés.