Carnet de voyage

MEDIOVAS EN MER CARAÏBE

31 étapes
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Voici la troisième partie de notre voyage à bord de MedioVaS. Nous allons naviguer dans ce dédale d'îles paradisiaques mais aussi surpeuplées. Les surprises sont devant nous.
Octobre 2021
90 semaines
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18515 miles plus tard, MedioVaS va nous emmener dans les diverses îles de la mer des Caraïbes. Ce n'était pas du tout prévu, mais la crise de la COVID 19 nous y a un peu forcés. L'Asie attendra encore un peu et Yves aussi.

Nous avons atterri à Grenada où nous sommes restés trois mois au mouillage dans la baie de Woburn. Pourquoi si longtemps ? Pour laisser passer la saison cyclonique ! Cette période nous a également permis de nous rendre en Europe à tour de rôle, pour retrouver nos familles. Et j'ai eu le bonheur de recevoir Elise pendant presque un mois.

Notre mouillage pour trois mois, entre soleil et orage, le cyclone balance . 

Nous avons profité de ce repos imposé pour réviser la garde-robe de MedioVaS. Il repartira avec deux jeux de voiles : les anciennes réparées sur place et de toutes nouvelles venues du Sri Lanka.

Mais maintenant il est temps de partir, de bouger, de s'aérer les voiles. Nous restons prudents, sans trop nous éloigner du douzième parallèle nord, la limite théorique de la route des cyclones. La saison se termine réellement fin novembre et nous le savons. Les cyclones de fin de saison se forment directement aux Caraïbes et sont à la fois plus violents et moins prévisibles.

C'est un bon début et pourvu que cela dure ! 


Depuis une semaine, Yves passe son temps à nettoyer la chaîne de notre ancre. Les coquillages de la baie s'y sont installés, un vrai DCP. Quarante mètres de chaîne, c'est du boulot. Heureusement, les vingt mètres logés dans la vase sont propres. Je relève le mouillage mètre après mètre, à mesure qu'Yves attaque les coquillages au tournevis. Maille après maille, avec beaucoup d'huile de coude, la chaîne retrouve son éclat et sa souplesse, le guindeau peut enfin l'accueillir. Le guindeau a également eu droit à son gros nettoyage-graissage.

Nous occupons aussi notre temps à coudre de nouvelles tirettes sur notre capote fatiguée. Pendant les pauses, Yves me hisse plusieurs fois au mât pour tenter de réparer le feu de mouillage, mais en vain. Le câble électrique dans le mât doit être mort !

Le tissus supporte difficilement le soleil. 


Après avoir fait le tour des ship, je trouve enfin une nouvelle pompe à eau pour le circuit de refroidissement du moteur. Celle en place fuit à nouveau. Ça y est , MedioVaS est prêt !

Grenade est encore sous couvre-feu de 19h à 6h et la navigation entre les îles est restreinte et très surveillée. Les infrastructures hospitalières sont rudimentaires et il faut en éviter l'encombrement. J'envoie donc une demande de navigation vers Carriacou avec comme justification : "nous souhaitons quitter Grenade depuis Carriacou". C'est un des motifs dérogatoires, mais nous n'y croyons qu'à moitié. Pourtant la réponse arrive dès le lendemain : autorisation accordée pour le 14 octobre, la date demandée. MedioVaS frétille déjà .


Le 13 octobre au petit matin, nous appareillons vers la baie de Saint Georges. C'est dans cette baie que nous avions subi la quarantaine d'arrivée et mené les formalités après notre traversée de l'Atlantique.

Il y a moins de dix milles à parcourir, mais il faut rester très attentif. Beaucoup de récifs entourent l'île et le vent est très instable, passant de 5 à 25 noeuds sans crier gare ! Une fois vaincu le labyrinthe des récifs, nos muscles un peu rouillés reprennent rapidement les bons réflexes, une manivelle de winch en main. Nous naviguons au large, loin de tous les dangers.


Enfin nous pouvons naviguer ! 

La route est plus longue mais quel bonheur de prendre et larguer des ris. Une fois la pointe sud de l'île contournée, nous terminons la route au près, jusqu'à l'une des bouées du mouillage. Le tout n'aura pris que deux heures mais nous aura bien ouvert l'appétit. 11h00, c'est une bonne heure pour une grande assiette de pâtes, non ?


Le moteur hors-bord retrouve son poste sur MiniVaS et nous propulse jusqu'à Saint-Georges, afin d'y faire quelques courses. Je vais au supermarché en bus pendant qu'Yves s'occupe du gazole et de deux ou trois bricoles chez le Ship du coin. Nous nous retrouvons deux heures plus tard, bien chargés. Les cales se remplissent un peu, de quoi tenir une fuite en cas de cyclone tardif.

Avant le grain  

Un dernier petit bain s'impose pour nettoyer un peu la coque, sous un grain. Le soi-disant grain durera longtemps, très longtemps. Drache et vent nous ont accompagné une bonne partie de la nuit. Une fois le vent tombé, nous avons subi la houle de travers, très inconfortable. Enfin, ce fut une nuit courte et pas très reposante.


Le 14 octobre à 07:30, nous larguons la bouée. Popof est prêt à barrer. L'hydrogénérateur est à poste, pour être enfin testé depuis la réparation de son câble en France.

Au revoir St Georges. 

Nous partons au large et hissons les voiles. Une petite brise d'est nous permet d'avancer tranquillement vers le nord. Mais elle ne sera pas de longue durée. Deux heures après le départ, le moteur doit prendre le relais. Le vent est tombé et le courant nous porte à l'ouest. Nous longeons ainsi pendant une heure la superbe côte de Grenade. La brise thermique se lève, est-nord-est, les voiles sont ravies et le moteur peut se reposer. Nous avançons au près, en luttant toujours contre ce courant qui veut nous écarter de notre route. Pauvre Popof est désorienté , il ne pourra pas barrer.

Un poulet curry mijote en cuisine. Nous doublons la pointe nord de l'île. Le vent forcit un peu, mais pas de rafales pourtant réputées pour être violentes entre les îles de la chaîne caraïbe. Nous maintenons le cap vers l'Ile Ronde, sachant que nous ne l'atteindrons jamais, le courant est fort entre les îles, lui. À l'ouest de cette île se trouve un volcan immergé, régulièrement en activité. Pour éviter tout risque aux navigateurs, deux zones d'exclusion sont indiquées sur la carte : l'une dessine un cercle d'un mile de diamètre, lorsque le volcan est au repos ; l'autre est large de trois miles, lorsque le volcan est en activité. Pour le moment il dort, grand bien lui fasse !

On ne passe pas où l'on veut. 
Ile Ronde et le volcan immerge pas très loin de notre quille.


Carriacou apparaît dans la brume. Nous continuons, toujours au près dans un bon clapot. MedioVaS est ravi et nous aussi. Nous savons que nous n'atteindrons pas le mouillage en un bord, mais peu importe, nous ne sommes pas en retard.

C'est ainsi que nous doublons Tyrell Bay, le mouillage choisi pour atterrir à Carriacou. Nous subissons quelques rafales dues au relief de l'île mais le clapot diminue fortement. Prise de ris et virement de bord, nous allons vers la terre. Un dernier virement de bord, MedioVaS flaire le mouillage et se dirige droit dessus.

À 15:30 les voiles sont enroulées et l'ancre repose dans 5 mètres d'une eau enfin claire. Bonheur !

MiniVaS retrouve son moteur et nous conduit sur le bateau Margot (Robert et Nicole) qui est arrivé quelques jours avant nous.

La baie est couverte de bateaux, plus particulièrement de bateaux français ! Mais peu importe, nous sommes contents d'avoir quitté la grande île de Grenade, nous allons enfin pouvoir profiter des îlots et mouillages. Cet endroit, paraît-il, est le début " des îles paradisiaques des Caraïbes ". Allons donc y voir de plus près !


Carriacou ! Karyouacou ! 
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Le 14 octobre, nous sommes installés dans la baie de Tyrell, à Carriacou. Le cadre est splendide mais la baie est bondée, comme à Woburn.

Une fois le mouillage bien éprouvé, nous allons découvrir ce qu'il se passe côté terre. MiniVaS nous dépose au ponton de la marina sud. Le terre-plein est couvert de bateaux qui se font une beauté pour la saison à venir.

Après une belle montée, nous n'avons plus qu'à suivre la route pour arriver au village. Nous croisons Nicole (cata Margot) qui nous donne quelques informations pratiques. Il fait chaud, très chaud, une bonne excuse pour faire un petit tour au supermarché climatisé et découvrir le rayonnage. Il n'y a pas beaucoup de stock, mais nous avons vu pire, et il fait frais !

Nous poursuivons notre promenade jusqu'à la marina suivante, où Margot se fait dorloter.

Promenade dans le village, enfin, la rue du village. 

Vers midi, nous déjeunons dans un petit restaurant tenu par un couple de navigateurs britanniques qui travaillent ici dans la restauration, depuis quelque temps. Ce sont des anciens de Secret Cowes Marina… à Woburn ! Robert et Nicole nous y rejoignent. Le cadre est mignon et la vue somptueuse. Nous sommes bien (enfin) dans les Caraïbes.

Nous passons le dimanche après-midi à terre, sur un petit parking désert. Quelle drôle d'idée ? C'est la journée "entraînement au drone". J'aimerais beaucoup pouvoir faire des images du bateau au mouillage, mais l'appontage d'un tel engin sur un bateau n'est pas évident du tout, surtout sur MedioVaS qui aime bien naviguer autour de son ancre. Il faut donc l'attraper en vol, avec le risque d'y laisser un doigt ou deux ; les hélices sont très affûtées. Nous voilà donc en grande séance de pratique à terre. Yves s'est équipé d'une bonne paire de gants de sécurité, de lunettes de soleil et d'une casquette. Pas question que je le scalpe en cas d'approche ratée. Nous nous débrouillons vite assez bien, à l'abri du vent et sans mouvement. Nous passons aux essais sur MiniVaS, amarré au ponton. La manoeuvre est plus délicate, étant donné les mouvements de l'annexe, mais nous nous rapprochons ainsi de la réalité. L'entraînement est stressant mais c'est une réussite. Maintenant, il faudra oser manoeuvrer à bord de MedioVaS au mouillage. Ce n'est pas gagné…

Piste d'entraînement. Yves joue la piste d'atterrissage  

Nous décidons de faire quelques petites courses et de changer notre ancre de baie. Le 19 octobre, nous appareillons pour Sandy Island. C'est une navigation de deux heures au près, dans une jolie brise avec rafales, comme il est de coutume dans la région.

Petite navigation pour un beau mouillage. 

Sandy Island est une bande de sable, couverte de quelques cocotiers. Elle a été dévastée par l'ouragan Ivan, dit "Le Terrible", en 2004. Aujourd'hui, c'est un parc marin protégé, considéré comme l'un des plus beaux endroits des Caraïbes pour l'exploration avec masque et tuba. Nous posons l'ancre dans sept mètres de fond, sur une belle bande de sable. Aussitôt fait, un des agents du parc arrive sur sa petite vedette super rapide. Comme il y a des bouées de libre (à vrai dire, elles le sont toutes) il est préférable d'un prendre une, mais après qu'il aura fini leur maintenance. Et il passera dans l'après-midi récolter son dû, évidemment !

Sandy Island 

Nous sommes entourés de jolies mouettes et de majestueux pélicans. Les petits poissons sont pris au piège entre les plus gros poissons du fond et les oiseaux marins en surface. C'est un magnifique ballet qui se joue devant nous : "Le sauve qui peut sous les eaux bleues". Le spectacle est aussi prenant qu'il est bruyant.

Chacun son style. 
L'heure du repas ... 
Sous les couleurs de fin de journée. 

Malgré le fort courant traversier, je décide de rejoindre la plage à la nage. Yves me rejoint avec MiniVaS. Nous faisons un peu d'exploration, lorsqu'un bel orage nous tombe dessus. Mouillé pour mouillé, autant rester dans l'eau. Des énormes bancs de petites poissons nous offrent une danse parfaitement synchronisée. Fatigués mais émerveillés, il est temps de rentrer. Je palme jusqu'au bateau, Yves et MiniVaS pas loin, au cas où je défaille. Le sommeil sera profond.

L'île est un cliché des Caraïbes et nous y sommes, exceptionnellement, seuls. C'est l'occasion idéale pour s'offrir un petit pique-nique sous les cocotiers survivants, d'ailleurs plutôt nombreux !

Les cocotiers-piquenique. 
Petite promenade digestive. 

Suivant les conseils du gardien du parc marin, nous explorons les fonds du côté nord de l'île, dans l'après-midi. Le récif est varié et couvert de poissons jouant à cache-cache. Cela faisait longtemps que nous ne pouvions pas profiter de beaux fonds marins. Ils sont superbes, mais nous sommes un peu déçus . S'agissait-ils vraiment des plus beaux récifs des Caraïbes ?

Dans l'après-midi, nous quittons ce petit coin merveilleux. Le vent se lève et nous ne faisons pas entièrement confiance au corps-mort de la bouée. Nous allons à un mille de là, dans la baie d'Hillsborough, qui est la ville principale de Carriacou… enfin, était la ville principale. La baie est presque vide, c'est rare. La houle rentre dans le mouillage et le rend un peu rouleur, donc inconfortable pour les touristes. C'est ce qui fait fuir tout le monde, ainsi nous sommes seuls, car bien amarinés. Nous y retrouvons néanmoins un bateau connu… Mais oui, c'est bien "Pit Ponny", avec Judi et Fred à bord.

Ces deux Australiens, rencontrés aux Seychelles, faisaient partie des rescapés du lockdown maldivien. Ils étaient au coeur des légendes de jalousies, captations de provisions et autres relations difficiles entre une trentaine de plaisanciers confinés trois mois dans un lagon. Ils étaient repartis assez vite vers l'Afrique du Sud, bien avant tout ce monde qu'ils avaient sans doute assez vu. Ainsi, ils nous ont tenus informés de ce qui nous attendait (un pays fermé, évidemment !). Ils n'avaient pas pu faire escale à Saint-Hélène, l'île étant encore interdite lors de leur traversée. Ils se sont donc arrêtés à Ascencion puis à Grenade.

La visite de la ville est assez courte : une rue principale et quelques rues latérales. Les échoppes ont gardé leur authenticité, pas de supermarché climatisé, par ici. L'ambiance est très paisible, voire un peu endormie. Nous suivons un petit chemin vers la plage, qui nous conduit au restaurant "La Playa", ah ah. Nous sommes seuls, c'est parfait ! La carte n'est pas très étayée : sandwich, poulet ou barracuda, tout avec frites, évidemment. Le choix est vite fait, au moins.

"La Playa" 
Sympa le risque Tsunami ... nous rencontrerons ce panneau un peu partout et des chemins fléchés vers lac haut de la montagne. 

Carriacou est une île volcanique des Grenadines, géographiquement. Mais elle dépend, politiquement, de l'archipel de Grenade, dont elle est la plus septentrionale. Elle était d'abord habitée par les Indiens Arawaks, puis par les Caraïbes, qui lui donnèrent son nom : "le pays des récifs". Bon, il existe une autre interprétation : Kari Aku qui, en Tainos, signifie : "l'oeil du Seigneur". Honnêtement, la première traduction lui correspond beaucoup mieux : il n'y qu'à regarder les cartes marines et compter les épaves ! Colonisée par les français, elle fut cédée au Royaume-Uni en 1763, avec Grenade. Elles font toujours partie du Commonwealth aujourd'hui.

Oui, il y a beaucoup de récifs. 

Ses habitants sont, pour la majorité, des descendants d'esclaves africains. Beaucoup d'entre eux ont émigré vers le Royaume-Uni, les Etats Unis ou d'autres îles des Antilles, faute d'emploi. L'activité principale reste l'agriculture. Aucune rivière ne traverse l'île, le seul approvisionnement en eau provient des précipitations… avec une saison sèche s'étalant de février à juin, la vie n'est pas facile.

Nous proposons à Judi et Fred un petit dîner à bord, pas trop tard, le couvre-feu est toujours à 19h00… Nous ne le respecterons pas complètement pour une fois, les récits d'escales et de traversées s'éternisent au jeu des comparaisons. La soirée est très agréable, malgré le vent qui continue de souffler fort. Nos chemins se croiseront encore, très certainement.

Le lendemain, nous décidons de satisfaire notre curiosité en allant visiter Windward. Ce petit village est situé, comme son nom l'indique, au vent de l'île c'est-à-dire à l'est. C'est là qu'ont encore lieu les constructions de bateaux traditionnels, les "bateaux-pays"… avec des méthodes tout aussi "traditionnelles". On y trouve une surprenante communauté, descendants d'Écossais et d'Irlandais.

Windward et Petite Martinique en face. 

Après un bon quart d'heure de petit bus à travers les collines de l'île, nous descendons à l'entrée du village pour poursuivre à pied. Pas de risque de nous perdre, le village est, une fois de plus, constitué d'une seule route. Nous montons dans un sens, redescendons dans l'autre, toujours pas de chantier en vue. Pourtant, nous en voyons des bateaux-pays, au mouillage. Nous recommençons notre marche et prenons un chemin qui descend à pic vers ce que l'on pourrait appeler un terre-plein ou une plage de terre, avec deux bateaux en réparation.

Superbes maisons créoles. 

Des locaux nous disent que les bateaux se construisent tout le long de cette bande longeant la mer. Mais en effet, il y a peu d'activité pour le moment. Fred nous avait avertis que les chantiers fonctionnaient au ralenti, à cause… de la COVID, bien sûr. Ce n'est pas grave, nous sommes quand même satisfaits. Deux magnifiques spécimens de ces fins voiliers sont sagement à l'ancre. Ils attendent les prochaines régates. Tous les ans, c'est la grande fête autour des "Carriacou Regatta". L'événement est réputé dans toutes les Caraïbes. Les régates mettent à l'honneur les traditionnels bateaux-pays, made in Carriacou depuis des générations. La fête a lieu début août (donc annulée cette année), depuis 1965.

"Bateaux-pays" voilier et pêche  

Face au Fish Center, un autre bateau attend son achèvement. C'est un bateau de pêche, très probablement, on aperçoit ses semblables partout sur l'eau, arborant toutes les couleurs possibles. On a un peu l'impression qu'ils sont faits essentiellement de planches contre-plaquées et de beaucoup de peinture !

Taxi-bateau attend ses passagers, Pêche-bateau attend sa peinture . 

Nous découvrons la côte au vent, donc, et Petite Martinique juste en face. Sur notre carte marine, il y a un point de mouillage. À la vue des épaves et des récifs, l'endroit ne donne pas vraiment envie d'y mouiller MedioVaS, malgré la beauté du lieu.

C'est toujours triste. 

Le long de cette unique route, contre toute attente, une belle case sur pilotis propose des pizzas. Yves en raffole. Nous ne pouvons pas passer devant sans une dégustation. C'est une Américano-Anglaise, Jenny, qui joue le pizzaiolo, très bien d'ailleurs. Nous nous sommes régalés d'une énorme pizza, il n'y a qu'une taille, capable de nourrir tout un chantier-pays !

Merci pour cette bonne pizza,  Jenny .

Il est temps de retourner au bateau. C'est toujours un moment d'angoisse de le laisser seul dans la houle et le vent, sans parler de son annexe, gesticulant sous le vent d'une jetée clapoteuse. Mais le vaisseau est fier de son ancre, il n'a pas bougé d'une brasse, son annexe non plus, ouf. Un dernier petit plongeon s'impose, sous prétexte d'aller gratter la coque, avant notre prochaine navigation vers …..…

... 
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… Petite Martinique.

Dimanche 24 octobre nous quittons la baie de Hillsborough. Nous voulons tester le mouillage de la baie de Sparrow, situé à un peu plus d'un mile au nord, face à Jack Adan Island. Amusant, non ? Jack… Sparrow (le héros de "Pirates des Caraïbes", pour les réfractaires au cinéma).

Yves plonge pour vérifier la tenue de l'ancre dans ces fond coralliens : elle est très mauvaise et la chaîne arrache tous les petits coraux du coin. Nous partons directement vers l'anse La Roche, au nord-ouest de l'île. C'est une toute petite anse qui a une très belle réputation pour un mouillage de jour ou par temps très calme. Il y a déjà trois bateaux, on se demande si MedioVaS y trouvera une petite place. En avançant vers la plage, le fond monte rapidement à 6 mètres. C'est parfait. Yves plonge à nouveau, l'ancre est bien enfoncée dans un sable mou. La brise est soutenue, le mouillage un peu houleux, mais nous ne bougeons pas. Nous explorons toute la baie à la nage. Les récifs de part et d'autres sont magnifiques, beaucoup plus beaux que ceux de Sandy Island, les plus beaux des Caraïbes ? Nous en sommes ravis.

Nous rendons une petite visite à un bateau de Canadiens. Ils sont là depuis quelque temps, déjà. C'est plutôt rassurant et nous y resteront deux nuits.

Une petite buvette-restaurant est installée sur la plage : musique à fond et langouste au barbecue pour les plus gourmands. J'aurai bien aimé faire des images vue du ciel, mais il y vraiment trop de vent.

Entre rochers et rochers se trouve une belle plage accessible que par la mer. MedioVaS n'a pas vraiment envie de chasser. 

Nous levons l'ancre, bien ensablée, pour aller explorer la façade au vent de Carriacou. En naviguant vers le nord et l'est, nous sommes toujours au près.

"Denis a dit à Robert qui nous a dit : naviguer aux Caraïbes , c'est toujours vent de travers…" Avec Robert, on cherche toujours le travers! Mais peu importe, MedioVaS adore le près, surtout dans 15-20 noeuds de vent. Et nous, il semblerait que nous aimions tirer des bords. En plus, cela rallonge la traversée ! Une fois doublée la pointe nord de l'île, nous nous écartons de Carriacou, de Windward et ses épaves le long du récif. Nous pointons l'étrave vers Petite Martinique.

Se méfier quand cela devient bleu. 

MedioVaS doit se faire une place entre tous les bateaux-pays-pêche et les bouées de casiers. Nez au vent par 12 mètres de fond, nous déroulons 50 mètres de chaîne pour assurer une bonne tenue.

Nous remarquons que nous sommes les seuls plaisanciers. Il est vrai que, pour le moment, il est interdit de se déplacer d'une île à l'autre sans autorisation, petit détail que nous avions oublié (ou négligé ?)

Notre valeureux MiniVaS traverse tout le mouillage, contre vent et clapot, et se trouve une place entre les bateaux-locaux-cigarette-grande-vitesse.

Jetée de Petite Martinique. 

Au bout du ponton je suis très surprise de voir un petit office de tourisme ; je m'y précipite. Innocemment je demande aux deux copines "très occupées" s'il y a un bus qui dessert l'île. Explosion de rire. De fait, je n'avais pas encore regardé le plan de l'île : 2,3 km2 et une route qui n'en fait pas le tour. Nous allons donc user nos semelles sur cette route sinueuse jusqu'à son extrémité est. En fait, le plan de l'office du tourisme n'est pas vraiment un plan touristique ; c'est une " Carte d'évacuation du Tsunami", qui indique toutes les issues de secours, c'est-à-dire les chemins qui convergent vers le piton, point culminant.

Sorties de secours ! Très prévoyants.  

Petite Martinique, petite île volcanique, reste à l'écart des vagues touristiques et des plaisanciers. C'est pourquoi elle garde son authenticité. Les quelques sept cents habitants, descendants de pêcheurs, ont la réputation d'être les plus accueillants des Grenadines. Ils nous ont semblé au mieux distants, parfois réfractaire au contact, le Covid sans doute ?

Promenade sur LA route. 

Son homonymie avec sa grande soeur française du Nord lui vient des anciens colons français qui l'occupèrent dès le XVIIIème siècle. Certains disent que sa forme tronconique, culminant à plus de 200 mètres, rappelle le massif de la Montagne Pelée de Martinique.

L'activité principale reste la pêche, mais les insulaires maintiennent aussi leur réputation de contrebandier. On dit de l'île que l'on y trouve plus facilement des spiritueux que des légumes et ce n'est pas faux ! Ils conservent également la pratique de la construction des bateaux-pays et participent fidèlement aux différentes régates !

Nous décidons d'aller renifler l'air au sommet du Piton. Bonnes chaussures au pieds et bouteilles d'eau dans les sacs, nous partons tôt le matin. Le départ de la route annonce très vite la suite, ça monte. Ça monte très fort. Après un kilomètre et demi de marche, la route se termine. À nous de trouver le sentier, maintenant. Le jeu de piste n'est pas très difficile, il suffit de suivre des belles flèches rouges indiquant l'évacuation du tsunami, évidemment ! Nous traversons un semblant de forêt, puis des petites "prairies" piétinées par le passage de chèvres, pour arriver à la partie plus sportive, l'escalade des rochers. Quel bonheur lorsque nous posons le pied au sommet du Piton ! La vue est magnifique et l'air est frais. Nous pensions avoir grimpé une grosse montagne ; bon, il n'y avait que 250 mètres de dénivelé !

Un oeil sur nos prochaines escales et sur MedioVaS. 
Pas evident en cas de Tsunami  !
Arrivés!!! 

Les petites flèches rouges n'indiquent que la montée et, bien entendu, on se trompe un peu pour la descente. Mais nous finissons par retrouver le village et MedioVaS. La baignade s'impose, il fait chaud par ici, beaucoup plus chaud.


Dans l'après-midi, nous trouvons le ciel bien brumeux malgré une bonne brise bien installée. Nous voyons à peine le sommet du Piton. Il en sera ainsi pendant deux jours. Nous apprendrons qu'il s'agit d'un mélange de cendres du volcan en éruption de Las Palmas, aux lointaines Canaries, mélangées aux poussières du Sahara. Le monde est-il si petit ?

Union dans la brume. 


Les règles du couvre-feu évoluent et nous remarquons très vite la différence. La petite buvette du bord de plage fait vibrer sa sono jusque tard dans la nuit (limite autorisée 21h…), ambiance assurée.


Le 29 octobre nous appareillons vers Hillsborough. Nous contournons le petit bout de sable de Morpion et Punaise (prononcez Pinaise). MedioVaS, toutes voiles dehors au portant, glisse sur une eau cristalline. Une fois doublée la pointe nord de Carriacou, nous empannons et nous pouvons enfin naviguer au travers ! Nous filons plus de 7 noeuds. Nous mouillons à côté de Pit Pony qui devraient partir le lendemain vers Union… un problème de réception des résultats de leurs tests Covid les retardera.

Retour à Hillsborough. 

Il y a un grand arrivage de voiliers venant de Grenade. C'est l'effet de la fin des autorisations spéciales pour naviguer entre les îles. C'est ainsi que nous retrouvons Normand et Marguerite, du bateau I Sail 2:0, Canadiens. Nous allons déjeuner ensemble au Paradise Beach Club, en face de Sandy Island. Robert, Nicole et Pilou nous y rejoignent. Le lieux est magique, c'est le cliché des Caraïbes. Le repas est divin, un peu trop arrosé au rosé. J'ai bien essayé de faire des prises de vue avec le drone, mais interdiction de décoller, nous sommes dans une zone aéroportuaire. Apres avoir vu un petit avion passer au-dessus de nous, je comprends mieux le risque !

Bleu, c'est très bleu.  

Yves organise un petit pique-nique dans une des baies au hasard. MiniVaS escalade la plage pour faire face aux cactus. Nous nous installons entre mer et falaise. Le tout sera de courte durée, la marée monte rapidement. Même si le marnage n'est que de 30 centimètres, la différence se fait rapidement sentir, et notre petite bande de sable disparaît rapidement sous des petits rouleaux.

Pique-nique express. 

Le départ de Grenade-Carriacou est annoncé. Ça y est ! Le nouveau protocole d'entrée à Saint Vincent et Grenadines est paru. J'envoie le "Request for entry and quarantine on board" dans les temps. Il n'y a plus qu'à subir les tests PCR lundi avant midi pour qu'ils prennent le ferry de 15h vers Grenade. Espérer qu'ils montent dans ce ferry. Remplir le SailClear d'entrée en ligne. Attendre les résultats des tests les doigts croisés, pour qu'ils arrivent avant jeudi matin. Si tout se passe bien, alors nous devrons faire notre clearance de sortie avant jeudi midi, remplir le Sail Clear de sortie en ligne et naviguer vers Union pour être mis en quarantaine. Selon l'humeur de l'officier de santé sur place, nous devrons ou non subir un nouveau test. Pfiou…


C'est ainsi, les doigts provisoirement décroisés, que nous naviguons vers Tyrell Bay pour ravitailler et lessiver. Margot nous a suivi dans les démarches. D'autres suivront également. Un mois dans les Grenadines …

A bientôt !!!!! 
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Mardi 2 novembre, nous quittons la baie de Hillsborough vers la baie de Tyrell. Départ grand largue pour finir avec des ris et au près, nous sommes devenus de habitués des particularités de l'île. Une heure plus tard, nous sommes au mouillage et prêts pour ravitailler. Il faut aussi penser à retirer des espèces, il paraît que les distributeurs sont souvent vides du coté des Grenadines.

Dernier lever du jour à Hillsborough  

Je retrouve avec joie le supermarché Alexis et sa climatisation, même si les rayons frais ne sont pas très garnis. Yves remplit notre bidon de gasoil, à peine 10 litres depuis l'arrivée à Grenade… MedioVaS navigue à la voile. Nicole me dit où trouver de la viande et des oeufs. Me voilà donc sauvée par une petite boutique, installée dans une case au fond d'un jardin.

Nous sommes chanceux. Enfin, Yves, Robert et Nicole le sont. Dès mardi après-midi, ils reçoivent les résultats de leur test PCR. Et pas moi ! J'envoie un mail au laboratoire et, ouf, le mien arrive en fin de soirée. Nous pouvons faire la sortie de Grenade mercredi matin, bien plus tôt que prévu.

Le bureau des formalités se trouve dans la marina. Un seul homme porte les multiples casquettes, douanier-policier-capitaine de port ; il s'occupe de tout. Je constate qu'il ressaisit tous les documents que j'avais remplis en ligne, ça valait bien la peine. Enfin, nos passeports sont tamponnés et nous avons 24 heures pour quitter cette île qui nous a merveilleusement bien accueillis.

L'après-midi, Nicole se joint à nous pour aller au Paradise Beach Club, laisser une trace de notre passage. Nous y retrouvons Normand et Marguerite, les Canadiens de ISail 2.0. L'atelier peinture est ouvert, nous sommes comme de jeunes écoliers, à nous disputer les planches, les pinceaux et les pots de peinture, pour finir très concentrés et en silence, lunettes sur le nez et front plissé, le pinceau à la main.

Ne pas trembler... 

Nous fêtons nos réussites artistiques autour d'un verre, il faut au moins cela pour se détendre après tant de labeur !

Nous laisserons une trace de notre passage. 

Le jeudi 4 novembre, pour mon anniversaire, nous appareillons à 7h du matin vers Clifton, port d'entrée d'Union Island, Saint Vincent et les Grenadines. Enfin nous allons parcourir l'archipel des Antilles. Margot partira plus tard dans la matinée, ils doivent faire le plein de gasoil, beaucoup plus gourmand, surtout avec un problème de génois qui les prive de naviguer à la voile. Avec la clearance de sortie, le gasoil est vendu détaxé, un avantage non négligeable, dont nous n'avons pas bénéficié. Parce qu'il faut en prendre une certaine quantité, au moins 100 litres, dit-on. La veille, Yves avait découvert, mais trop tard, les arrangements locaux : on écrit 100 litres sur la feuille de douane… et l'on prend ce que l'on veut ! Gagnant- gagnant, commerce-commerce… Nous n'aurions pas perdu grand chose pour nos 10 litres, mais pour les 300 litres de Margot, ça vaut rudement la peine.

Le ciel est gris et menaçant, le vent au plus bas confirme l'arrivée du grain. Nous sortons quand même les voiles, grand largue, le temps de sortir de la baie. Le moteur nous aide un peu pour contourner le cap et éviter de dériver sur les Sisters' Rocks. Nous retrouvons très vite du vent en rafales, grâce au grain qui semble s'éloigner de nous. Nous faisons route au nord-nord-est, au près, grand voile et génois arisés. Nous doublons Sandy Bay, Hillsborough, Anse la Roche et la pointe nord de Carriacou. Le grain finit par nous trouver, cela faisait longtemps que nous n'avions pas eu une grosse averse en navigation. Mais elle est de courte durée. Une fois dans le chenal entre les deux îles, nous sommes obligés de serrer le vent au plus près. Comme toujours dans ces passages le vent forcit et le courant traversier également, n'ayant plus d'îles au vent pour nous protéger. MedioVaS est ravi de sa petite douche et file vers Union Island dans une mer agitée.

Entre Fregate et Clifton, nous dérivons fortement vers les récifs. Nous pourrions tirer un bord au large mais préférons mettre en route nos chevaux-diesel pour le mile qu'il reste à courir, arriver tôt et espérer faire notre clearance d'entrée dans l'après-midi. J'envoie un message à l'agent sur place, Corine. Pit Pony, nos amis Australiens, nous avaient précédés et donné tous les bons tuyaux pour l'arrivée.

Le beau "Roundabout Reef" entouré de bouées pour les bateaux . 

Corine me répond en français, elle nous attend. L'entrée dans le port de Clifton est assez délicate. Les bouées sont placées autour du "Roundabout Reef" (le récif rond-point), c'est très parlant ! Buddha, le taxi-boat en embuscade, arrive sur son super bateau-pays-rapide et aide Yves à l'avant du bateau pour prendre la bouée. L'étrave de MedioVaS caresse le récif devant une bouée impossible à prendre, son anneau étant immergé. Cela doit être fait exprès pour donner du travail à notre cher Buddha, l'homme à tout faire du mouillage. À 09h30, les amarres sont à poste, Corine nous prévient que nous pouvons descendre à terre à 10h30 pour prise de température par l'infirmière (cela remplace le test Covid d'entrée), Corine s'occupera du reste des formalités, Buddha repart avec notre bouteille de gaz pour la remplir.


MiniVaS saute à l'eau, tout content de nous amener à terre. Quelle belle surprise en arrivant : un très mignon petit port à dinghy l'attend, de l'autre côté d'un petit pont, face à l'hôtel Bougainvilla. L'endroit est digne de Venise. Nous trouvons Corine et l'infirmière. Pendant qu'elle s'occupe de tous nos papiers, nous sommes libres de nous promener en "ville". Faut pas nous le dire deux fois !

MiniVaS est très fier dans son petit port bien abrité. 

Nous commençons par longer la mer. Nous croisons plusieurs backeries dont l'une propose des petits pains au chocolat, aussi surprenant qu'alléchant ! Il y a même un marché de fruits et légumes, bonheur. Lorsque nous débutons une promenade, nous ne savons jamais quand elle se terminera, emportés par le plaisir de découvrir notre nouvelle escale.

C'est ainsi que nous arrivons dans les hauts. Nous apercevons MedioVaS, tout petit à côté des gros catas de charter. La palette de bleus, turquoise et vert nous confirme notre présence aux Antilles.

MedioVaS flirte avec le récif. Clifton et son tapis de panneaux solaires. 

Il est temps de faire demi-tour, en s'arrêtant au marché pour acheter quelques légumes et quelques fruits. À notre retour, Corine nous annonce que les papiers ne sont pas encore tout à fait prêts. Hum, ce petit complot me fournit l'occasion de me faire offrir un apéro-versaire.

Un rhum-quelque chose pour mon anniversaire! 

Margot est sur la ligne d'arrivée . Nous prévenons Buddha afin qu'il aille leur apporter son aide. Très vite nous nous retrouvons avec Nicole et Robert autour d'une méga-pizza.

Nos entrées sont faites, nous sommes libres ! Nous partirons dès le lendemain ....

5

Vendredi 5 novembre, nous larguons notre bouée face au récif pour naviguer vers Morpion. Margot nous précède, au moteur : toujours son soucis de génois. Remonter au vent, pour un cata avec seulement une grand voile, ce n'est pas évident.

MedioVaS fait le beau en les doublant, il a senti Nicole le filmer. Il a fière allure et file au bon plein dans la mer agitée. Il serre ses varangues en passant dans l'étroit chenal entre Morpion et Punaise (Pinise) et sa quille tremble à l'idée de rencontrer une patate de corail. Une fois debouqué la passe, nous roulons les voiles et mouillons 40 mètres de chaîne dans 12 mètres d'eau. Morpion est un tout petit îlot de sable blanc, 10m sur 5 à marée basse, très prisé pour les déjeuners en amoureux… ou les fiestas en groupe bruyant. En effet, un couple du prestigieux hôtel de Petit Saint Vincent vient d'y être déposé avec un gros panier pique-nique. Nous viendrons perturber leur tranquillité, suivant de peu un groupe d'autres Français venu pour la seule photo. Le point culminant de l'île doit avoisiner les 2,5 mètres de haut grâce au toit d'un beau petit faré tout rond, qui nous offre un peu d'ombre à partager.

Morpion  
Pique-nique d'anniversaire sur Morpion.

Nous passerons l'après-midi à explorer les fonds marins autour de l'îlot, bien protégés par une barrière de corail.

Au petit matin je reçois un message de Nicole m'annonçant leur départ précipité vers la Martinique. Tout leur système électrique a sauté. Ah, non ! Yves rejoint leur bord pour tenter de comprendre ce qu'il s'y passe avec Robert. Pendant ce temps, je regarde dans le guide si je trouve un "électricien spécialiste" à Union. Il y en a deux apparemment… Entre-temps, à bord de Margot, les câbles font un peu ce qu'ils veulent. Tout se remet en route en allumant la pompe de cale ; pourquoi pas ? Robert voudrait suivre ses câbles principaux depuis les cales moteur, Yves soupçonne un relais qui colle… Il est décidé que Margot retournerait à Clifton, voir un des électriciens. Nous les escorterons, mais sous voiles. Nous prévenons Buddha de leur arrivée, leur téléphone étant utilisé pour la navigation. Une fois devant la délicate entrée de Clifton, Margot en sécurité, nous empannons et continuons vers Fregate.

Fregate ou baie d'Along ? 

Fregate est un énorme rocher qui se donne des airs de baie d'Along au Vietnam, en face de la ville d'Ashton. Il y a des bouées devant et un oiseau frégate au-dessus. Ne sachant pas trop si les bouées appartiennent à quelqu'un et si elles sont payantes, nous préférons jeter l'ancre.

Notre mouillage qui est aussi le paradis des kite-surfers 

MiniVaS traverse tout le platier en effleurant les rochers et nous dépose au ponton pour faire une petite promenade. Nous rêvons de quelques provisions fraîches. Evidemment, c'est dimanche et tout est fermé. Nous irons alors explorer toute la côte rocheuse en nageant, en faisant bien attention à ne pas se faire décapiter par un kite-surfer.

On trouve toujours un bateau-pays en chantier. 

En fin de journée, nous recevons des nouvelles de Margot. L'électricien n'a rien diagnostiqué, Margot a décidé que tout allait pour le mieux dans ses branchements. Le frigo, le congélateur et l'aspirateur fonctionnent. Donc tout va bien, non ?

Après une bonne lecture du guide et de quelques sites internet sur l'île, je propose à Yves une randonnée : escalader le Pinacle. Ce n'est pas la ballade la plus facile du coin ! Mais nous aimons les défis.

Pinacle, c'est la pointe rocheuse qui dépasse à droite.  

Avant de partir, nous prenons une bouée, finalement elles sont disponibles pour tout le monde et gratuites.

Au moment où nous embarquons dans MiniVaS, chaussés de nos bonnes chaussures de randonnée, Yves croit reconnaître le cata qui arrive dans la baie : c'est Margot ! Nous les aidons pour prendre la bouée libre à côté de nous et nous partons à terre pour affronter ce pic.

La montée est rude jusqu'au deux antennes radio qui servent de repère. Après elles, il n'y a plus de sentier. Il faut trouver la voie tout seul et il n'y a guère qu'une petite tortue terrestre pour nous confirmer que nous sommes sur le bon chemin.

La route est longue jusqu'au point de rassemblement "tsunami". 
La montée  n'est pas terminée  

Très vite la randonnée se transforme en escalade de rochers. Le sommet n'est plus très loin. Mais pour y accéder, il faut longer la falaise tout en escaladant. Yves commence à trouver toute l'affaire un peu trop risquée. Je suis vexée de ne pas avoir atteint l'objectif, mais c'est certainement plus prudent ainsi. Et la vue reste exceptionnelle. La descente s'annonce encore plus difficile que la montée. Nous aurons marché nos 6 km avec un bon dénivelé et nos jambes sont ravies. Nous retrouvons Robert et Nicole à terre et nous allons d'un supermarché à l'autre, c'est-à-dire d'une échoppe à la suivante, il y en a plein la rue. Le prix du vin nous laisse sans voix, nous allons devoir revoir une partie de nos plans.

Nous laisserons la suite de l'escalade aux arbres et aux cactus. 

Ashton est le deuxième village après Clifton. Leurs histoires ne se ressemblent pas.

Clifton a été fondé par André Beaufrand, un navigateur au long cours, qui avait acquis un terrain marécageux. Il l'assécha et y construisit un petit aérodrome ainsi qu'un hôtel de résidence, l'Anchorage Yacht Club. Avec lui commença le développement nautique et touristique de la région. Clifton devient alors la plaque tournante du tourisme des Grenadines avec les Tobago Cays à une encablure. Au milieu des années 1980, le domaine est vendu à un prince autrichien qui en confie la gestion à Charlotte Honnart. Elle rénove le tout à merveille. Malheureusement, son départ entraîne un changement de propriétaire et un déclin de l'activité. Le pôle touristique se tourne vers Bougainvilla, l'autre complexe situé sur le même rivage. Le Gouvernement décide d'allonger la piste de l'aérodrome sur la mer. Mais les compagnies aériennes locales n'ont pas suivi, par manque de rentabilité. Clifton a perdu son statut au sein des Grenadines mais pas au sein de l'île.

Quant à Ashton, l'histoire est toute différente. Un grand projet de marina, 300 places sur ponton et un complexe immobilier, fut mis en chantier mais abandonné après avoir coulé les fondations. On peut encore voir tout le terrassement à fleur d'eau, comme autant de stigmates de la destruction des massifs coralliens. Aujourd'hui, on tente de sauver les fonds en délimitant un parc marin. Le village est ainsi resté à l'écart de l'affluence touristique. C'est un bien pour nous mais certainement pas pour la richesse de ses habitants.

Vue des terrassements de la Marina abandonnée  
Petit tour en annexe dans cette même Marina. Il y a à peine assez d'eau pour MiniVaS. 

Nous poursuivons notre route à la voile vers la baie de Chatam, au nord. C'est une grande baie, bordée d'une longue plage de sable blanc, agrémentée de quelques cocotiers et de cabanes-restaurants. Il s'agit, paraît-il, de l'endroit à ne pas manquer ! Pour Yves, c'est surtout le nom légendaire d'un plan de voilier de grand voyage à construire soi-même. Nous atteignons ce petit paradis en tirant deux bords au près. Nous tentons de mouiller face à la petite falaise rocheuse, le coin le plus charmant, mais le fond en faux-sable est trop dur pour que l'ancre accroche. Nous devons nous rabattre au milieu du mouillage en veillant à la hauteur d'eau.

4,5 mètres, c'est parfait. Il y a déjà Seckie qui tourne autour de nous dans son bateau, pour faire la promotion de son bar-restaurant-cabane-rose. Patience Seckie, laisse-nous contrôler le mouillage et on y va. Une demi-heure plus tard, nous allons rejoindre Robert et Nicole sur la terrasse ombragée du bar de Seckie and Vanessa.

Chatam Bay. Les chenilles dégustent les fleurs de Seckie avant de devenir de beaux papillons. 

Cette baie fut longtemps dépourvue d'accès par la terre. Le monopole du bar-restaurant était celui de Shark Attack, son propriétaire ravitaillant par la mer. Voyant son commerce très lucratif, une fois la route construite, d'autres ont suivi ses traces.

Aujourd'hui c'est la course du rabatteur. Dès qu'un voilier arrive, chacun saute dans son bateau-pays, très puissant et très coloré, pour aller faire sa propagande et tenter de séduire le touriste le premier.

Nous finissons par commander deux plats d'Accra et quelques rhum-punchs. Tout est fait sur place par Seckie. Nous pensions en avoir trop mais, finalement, c'est tellement bon qu'il ne reste plus rien. Il faudra une bonne baignade pour digérer tout cela.

Chez Seckie et Vanessa. 

Comme souvent, nous partons explorer la baie par le terre. Nos chaussures de marche pensaient être en vacances aux Caraïbes ; elles se trompaient. Nous longeons un peu la plage vers le nord et trouvons le petit sentier, qui monte fort, bien évidemment. Nous escaladons encore des rochers qui se terminent, cette fois-ci, dans une petite prairie toute en pente. Nous continuons vers une "route" qui nous mène à un autre petit champ. La vue y est exceptionnelle sur toute la baie ! Nous découvrons ainsi qu'il y a une sorte de crique de l'autre coté de la baie, un bon endroit pour explorer les fonds.

Baie de Chatam pas surpeuplée, nous avons de la chance. 

Le chemin se termine sur un canon posé là par le propriétaire du Bougainvilla. Pourquoi ? L'Histoire ne le dit pas. Généralement, il s'agit de chasser les Anglais ; ou les Français, chacun son tour.

Ou alors juste pour y faire des photos. 

Nous rebroussons chemin et décidons de continuer notre randonnée autour du mont Olympus. Un choix tactique s'impose, par la droite ou par la gauche. Apres avoir analysé finement les courbes de niveaux et fait des hypothèses scientifiques sur les dénivelés, c'est la droite qui s'impose. La montée semble plus longue mais plus douce. Cela sera confirmé. Notre application pour randonneurs nous annonçait 1h20 de marche, nous avons fini notre tour en 50 minutes.

Une bonne douche, un bouteille de vin blanc dans un sac et nous allons déguster un rougail-saucisse préparé par Robert. Il n'y a rien à faire, le réunionnais, c'est le meilleur ! Le tout suivi d'une plongée avec Nicole.

Nicole salive déjà devant le calamar ... 
Une raie nous offre une belle danse. 

Nous assistons matins et soirs aux arrivée-départ de voiliers et catamarans. Le nombre reste assez raisonnable pour la taille de la baie, mais les plaisanciers sont grégaires. Ils aiment se coller aux autres, ça les rassure sans doute. Ou alors les grands parkings leur manquent.

Nous prenons MiniVaS et allons à l'autre bout de la baie, coté sud, où nous avions aperçu la crique depuis la colline. MiniVaS est amarré à un petit rocher en plein milieu et nous plongeons. Les fonds sont moins beaux que la crique elle-même, malheureusement. Mais, avantage déterminant, nous y sommes seuls, avec quelques pélicans.

MiniVaS, tel le chien abandonné le long de la route. 
L'approche furtive du nid de pélicans, ratée ... 

En soirée, nous voyons une grande arrivée de voiliers, nous sommes maintenant 17 bateaux au mouillage, au secours ! Il est grand temps partir, de quitter Union Island et ses plages de rêve… pour d'autres plages de rêve ?

A bientôt ! 
6

Jeudi 11 novembre à 07h30, nous appareillons. Margot nous suit, un quart d'heure plus tard, ainsi que d'autres voiliers.

Nous longeons Union Island au près, les voiles arisées, dans 15 à 18 noeuds de vent. Comme d'habitude, il y a du clapot, une houle de face et un courant qui nous écarte de notre route idéale. Nous avons décidé de contourner l'île de Mayreau par le nord, pour entrer dans les Tobago Cays par la passe nord. La passe sud est fortement déconseillée aux néophytes des lieux. Nous tirons ainsi un long bord vers le nord pour virer vers les Tobago Cays, une fois Mayreau bien dégagée. Nous pouvons ainsi viser la passe nord tranquillement. Nous embouquons le chenal sous voiles. La route sinueuse, entre patates de corail et rochers, mène au mouillage principal entre Petit Rameau et Petit Bateau. Margot a déjà pris une bouée et l'endroit est bien encombré. Les rabatteurs de bouées-langouste-barbecue se disputent bruyamment autour de nous ; il doit y avoir un ordre de passage que nous ne comprenons pas toujours, un peu comme pour les taxis.

Nos amis les rabatteurs, chacun a son poste. Ils sont toujours prêts à nous aider.

Nous voulons explorer le lagon et les autres mouillages qui s'y trouvent. Nous entamons le tour de Petit Bateau au moteur. Côté lagon, le vent souffle fort et le Horse-Shoe Reef (barrière de corail en forme de fer à cheval) ne protège pas suffisamment de la houle entrante. Le lieu est somptueux, dans une spectaculaire déclinaison de bleus. Nous revenons vers le chenal où des places se libèrent, nous pouvons poser l'ancre derrière Margot sans gêner les bouées.

Nouveau mouillage 

Yves plonge pour vérifier le fond et l'ancre, tout est parfait. Nous pouvons descendre à terre déguster une langouste. Entre Romeo, Big Mama, Terminal 2, Free Willy… nous ne savons pas trop à qui nous avons à faire. Une chose est sûre, 150 EC par personne, c'est beaucoup trop cher ! Je sors mes talents de négociatrice et fait tomber le prix de moitié, 150 EC pour deux. Nicole est persuadée que nous aurons des bébés langoustes. Mais après une demi-heure de préparation, e sont bien les parents qui arrivent. Le plat est énorme, trois grosses langoustes pour nous quatre avec salade, riz et pommes de terre dorées au feu. La cuisson est parfaite, nous nous régalons !

Seuls, avant l'arrivée des catamarans géants qui viennent déposer les rares touristes en excursion à la journée.  
Un invité surprise pour nous aider à finir les plats. 
Un petit film ?  

Pour digérer la langouste, je m'offre un petit bain dans les rochers derrière MedioVaS. Beaucoup de rochers et peu de vie !


Les Tobago Cays, cinq îlots perdus au milieu d'une multitude de coraux, sont un parc marin, le seul des Grenadines. Quand on parle de parc marin, on parle rangers et taxe. Elle n'est vraiment pas élevée et nous décidons d'y rester deux nuits. Nous aurons ainsi le temps de mieux les explorer côté mer et côté terre.

Je vous présente Margot, au mouillage pour la deuxième nuit à notre babord. 

Une nuit et un petit déjeuner plus tard, MiniVaS file contre vent et clapot du lagon pour aller à la découverte de la Dinghy Pass. C'est un passage au milieu de la barrière de corail pour les petits bateaux. Il paraît que l'on peut y voir beaucoup de poissons et même des requins. Je ne suis pas très friande de me retrouver nez à nez avec un requin mais la tentation de nager dans la passe est trop grande. MiniVaS est mouillé sous le courant de la passe. Nous allons attaquer le moment sportif de la journée, nager à contre courant. Il n'est pas question de s'arrêter de palmer ! Après avoir rasé les coraux pendant une bonne demi-heure, nous arrivons au tombant de la passe. Nous verrons une multitude de poissons en tous genres mais pas de requin. Le retour est beaucoup plus facile et, en guise de récompense, une belle raie croise notre route. En la suivant un cours instant, Yves croise le regard d'un jeune adulte Spyraena Barracuda. Jeune adulte mais déjà impressionnant ! Yves me conseille de ne pas trop l'approcher, ils peuvent se défendre ou attaquer préventivement. Nous ne sommes pas mécontent de notre escapade dans les eaux bleues du lagon.

Activité : la nage à contre courant. 
L'une vole librement, l'autre reste figé à ses coraux.  

À midi, il y a déjeuner à bord de Margot. J'apporte une préparation de poulet qui se marie très bien aux nouilles chinoises de Nicole. Ensuite, nos annexes nous déposent sur une minuscule plage de Petit Rameau. Nous découvrons ainsi cet îlot couvert de cactus et bordé de petites plages entres les hauts rochers. La vue sur le lagon est somptueuse, un kaléidoscope de couleurs dorées, bleues et turquoise.

Nous traversons ensuite le chenal pour aller sur l'îlot Baradal, le sanctuaire des tortues marines. Avec Yves, nous chaussons à nouveau palmes et tuba et partons au loin à la recherche de tortues vertes. C'est juste en dehors de la limite du sanctuaire que nous les trouvons. Quel bonheur de pouvoir les observer pendant qu'elles broutent ou qu'elles volent dans l'eau à la recherche d'une bouffée d'air.

Bon appétit les amies !!! 

Margot part de bonne heure, ils vont faire leur sortie des Grenadines à Bequia puis naviguer vers La Martinique.

MedioVaS reste encore dans le coin mais nous disons également au revoir aux Tobago Cays et ses couleurs.

Au revoir Petit Bateau et tes bonnes langoustes ! 
7

Nous appareillons le 13 novembre, à 07h30. J’ai l’impression que c’est devenu notre heure habituelle pour lever l’ancre. Une belle brise gonfle aussitôt les voiles. Nous sortiront des Tobago Cays par la passe nord, le même passage que pour y entrer. Nous préférons rester prudents et cela nous permettra de naviguer grand largue puis travers, une fois doublée la pointe nord de Mayreau. Nous négocions le passage entre Catholic Island et l’île principale. La route est courte et rapide. À peine une heure plus tard, l’ancre repose à Saline Bay, au sud de ce petit bout de terre d’à peine 3 kilomètres carrés. Elle a beau être la plus petite et la plus pauvre des îles de Saint Vincent et les Grenadines (SVG), elle est remplie d’histoire et de beautés.

C’est la seule île catholique des SVG, un anachronisme dans cette région où le culte réformé est omniprésent. Cela vient des anciens esclaves de colons français. Ces derniers, propriétaires de l’île dès la fin du XVIIIè siècle, tentèrent d’en rentabiliser les maigres ressources par esclaves interposés et maltraités. Révoltes et répressions s’en suivirent. Bien après l’abolition de l’esclavage, anciens maîtres et esclaves cohabitèrent sur ce minuscule caillou, les seconds dépendants toujours des premiers. Un demi-siècle plus tard, un instituteur venu de Saint Vincent, vengea, à sa manière, ses frères de couleur. Engagé pour instruire la population, il passe surtout son temps à séduire la fille du maître des lieux. Il l’épousa et la séquestra, assurant ainsi sa descendance et sa mainmise sur l’île. La population restait pourtant tout aussi pauvre. Elle a toujours refusé l’offre du gouvernement de s'installer à Canouan. Le grand réservoir à poisson des Tobago Cays les transforma, au fil des années, en d’habiles pêcheurs.

Subsistait toujours un problème : l’eau douce. Arrive alors le Père Divonne, sa bonne parole et es bonnes idées. En montrant l’exemple, il suscita assez de courage pour construire, à main nue et à flanc de colline, un grand récupérateur d’eau douce collectif.

Le valeureux moine partit finir ses jours en Martinique, la santé minée par son labeur et sa vie d’ermite. Reste, en haut de la colline, une minuscule église. Entièrement restaurée, c’est le dernier témoignage d’un prêtre et de la foi de sa petite communauté.

Petite chapelle du haut de la colline 

Les quelques habitants de l’île, au nombre de deux cents aujourd’hui, on commencé à maçonner les cases de leur village accroché à la colline, ainsi que la route pour y accéder.

Toutes en couleurs. 

Beaucoup de pêcheurs ont ouvert de sympathiques restaurants pour les plaisanciers. Ce petit caillou commence à se tourner vers le tourisme, lui aussi.

Un resto, une création. 

Récemment, les propriétaires de l’île - la famille Eustace - eut un élan de générosité. Elle a fait don aux habitants des terres qu’ils occupaient. La métamorphose s’est vite fait sentir. Les plages sont de plus en plus fréquentées, sauf en période Covid. Les vieilles voiles des bateaux de pêche ont été remplacées par des moteurs super-puissants et la langouste a diminué en quantité, à l’inverse de son prix.

Nous partons visiter cette petite île. La montée est rude sur la seule route de ce village, en équilibre à flanc de colline. Les locaux nous saluent et l’on entend toujours un bon vieux morceau de Bob Marley sortir d’une enceinte du fond d’un minuscule bar-échoppe. Nous laisserons le First Stop Supermarket, première échoppe, pour le retour. Nous avons appris à faire les courses dans le bon sens de la pente !

Allo ? ... 

Arrivés au sommet, nous découvrons la fameuse petite chapelle. La messe est au programme pour le lendemain à 08h00… nous ne serons pas prêts pour y assister.

Pour Léon : je suis au regret de te dire qu’une nouvelle église, pas du tout jolie, a été construite une cinquantaine de mètres plus loin, de l’autre côté de la rue.

Nous prenons un sentier qui conduit au vent de l’île, la vue sur les Tobago Cays est magique.

Notre nouveau guide 

Il est temps de faire demi-tour, nous nous réservons un tour de l'île pour plus tard. Quelques uns des restaurants aux décorations très créatives sont ouverts, mais vides. Nous poursuivons jusqu’au fameux supermarket ; comme souvent, notre petite escapade se prolonge et nous sommes partis sans eau. Juste à côté, se trouve une sorte de bar-restaurant et la propriétaire nous propose de nous installer à une table avec nos boissons fraîchement achetées. Évidemment nous nous laisserons tenter par ses wraps, très locaux mais délicieux.

A droite, le mouillage. A gauche, le marais salant 
Les optimistes ont également droit aux couleurs locales comme leurs amis, les bateaux rapides. 

Après une journée calme à peine troublée par le plein d’eau de notre réservoir, nous chaussons nos bottines de marche et décidons de suivre la randonnée de notre super application, avec de l’eau cette fois-ci.

Un WE sur l'eau à Mayreu, les jeunes s'entraînent.   
Ponton vue sur plage de rêve pour MiniVaS, randonnée pour nous. 

Le sentier passe derrière l’hôtel fermé et nous arrivons au marais salant, utilisé uniquement pour la consommation locale. Malheureusement, ce sentier est aussi celui de la déchetterie de l’île, entrepôt de toutes sortes d’ordures qu’ils brûlent au fur et à mesure … mais le verre, les boîtes de conserve, les restes de machines ménagères ne brûlent pas ! Nous poursuivons quand même en contournant le marais pour arriver sur la rive au vent. C’est marée haute, il reste un petit bout de plage de sable blanc pour continuer. Une pauvre tortue verte, morte, se fait trimballer entre les petits rouleaux des vagues, rien à faire pour elle, juste espérer que la marée l’emporte au large.

Petit marais salant 
L'envers d'un décor de paradis. 
De la cabane improvisée jusqu'au faré sur pilotis, en passant par les sargasses. 

Nous croisons plusieurs chemins qui retournent vers le village, mais une cabane sur pilotis nous fait de l’oeil. C’est le Ranch Escapade, un bar-restaurant. Nous pensons que la boutique est fermée… Mais, sorti de nulle part, un rastafari, comme il y en a beaucoup sur l’île, vient nous accueillir. Le cadre est inattendu, on se croirait presque dans un hôtel de luxe. Nous y resterons un bon moment autour d’une boisson bien fraîche. Nous rencontrons un couple et leur trois enfants qui sont venus de Norvège sur leur Halberg Rassey 41 ketch, que j’avais pris en photo aux Tobago Cays. Évidemment, je propose de leur envoyer la photo et nous discutons un peu des projets de chacun : pour faire court, Le Covid décidera !

La plage ne faisant pas le tour complet de l’île, il est temps de prendre le chemin qui nous ramènera de l’autre côté. Le petit sentier monte et monte encore, pour devenir de plus en plus large et nous assistons même à sa métamorphose en route.

Attention, chantier ! 

Nous reprendrons un autre sentier, enfin, un ancien sentier envahi par la végétation, qui se termine sur la belle et unique route de l’île. Nous arrivons ainsi à Salt Whistle Bay. C’est une splendide petite baie, très touristique. Nous envisagions de nous y rendre en bateau, mais les hauts fonds des lieux ne sont pas très engageants. Surtout la baie est bondée de voiliers. Les nuits étant très venteuses, nous ne prendrons pas de risques inutiles. Et le marchand de glace est fermé !

Salt Whistle Bay

Il ne nous reste plus qu'à reprendre la route reliant les deux baies, c'est-à-dire une belle montée suivie d’une énorme descente, quasi vertigineuse.

MiniVaS nous attend au bout de l’énorme ponton en compagnie de quelques mouettes. Le départ vers l’escale suivante est proche.

" - Vous allez où ? " 
8

Le mardi 16 novembre, nous appareillons un peu plus tard que d’habitude, à 09h50. La route est un peu plus longue que d’habitude, également, au moins sept miles ! Nous partons avec le vent sur l’arrière du travers, pour nous éloigner de l'île et de ses nombreux pièges. Puis un long bord de près nous fait passer le chenal venteux entre Mayreau et Canouan. Le courant porte toujours à l’ouest et nous éloigne de notre route directe. Une fois doublé le mouillage, nous virons de bord et courons en route directe vers Charlestown Bay, à Canouan. À midi, après avoir parcouru presque le double de la route directe, nous mouillons au fond de la baie en laissant un large passage pour le ferry des îles.

Petite embarcation ... mouillée dans la nuit devant nous . 

Nous n’envisagions pas cette escale, mais nous avons besoin d’argent liquide. Selon les plaisanciers des réseaux sociaux, il semble que les distributeurs d’argent à Bequia sont vides, qu’il faut donc s’approvisionner à Canouan. Notre escale devrait être de courte durée.

Nos amis de Margot nous ont fait une description rapide du village, pas très joyeux. Et le mouillage est assez houleux.

Le lendemain nous décidons donc de descendre à terre. Nous avons le choix entre un magnifique ponton face à un hôtel ou le quai du ferry. MiniVaS préfère le bois au béton. Nous descendons et nous sommes rapidement interpellés par un barman du bar sur la plage de l’hôtel , nous ne sommes pas autorisés à laisser l’annexe au ponton, nous ne sommes pas membre. Nous lui promettons que nous viendrons ensuite consommer au restaurant, mais rien n’y fait. Arrive alors le responsable du restaurant qui voit deux couverts de perdus, il veut tenter de nous laisser l’accès. Mais le patron intervient, MiniVaS devra aller au ponton-béton et nous aussi.

MiniVaS devra aller rejoindre le ponton pêche-ferry, et il est ravi, finalement. 

Nous y sommes beaucoup mieux accueillis, le patron du bar-cabane du bout du ponton vient nous aider et nous propose une bière fraîche à notre retour de promenade, nous acceptons. Un autre nous proposera de la bonne marijuana, que nous refuserons.

Nous commençons notre marche en prenant la route à droite. Toujours de belles maisons créoles toutes en couleurs et des jardins bien fleuris attirent nos regards. Au milieu de tout cela, on a planté petites cases colorées.

le charme est envoûtant. 

Nous voyons quelques échoppes mais pas de banque ni de distributeur. Nous devons rebrousser chemins et partir de l’autre côté du village. Enfin, il est là ! Je sors la carte magique, et le distributeur me donne mes quelques billets. Yves n’a pas pris sa carte, il passera le lendemain.

Nous en profitons pour nous arrêter au marché de fruits et légumes, deux stands face à face avec les mêmes marchandises proposées. A vrai dire, il y a davantage de fruits que de légumes, mais cela nous satisfait, nous n’avons plus rien de frais à bord. Alors rien que la vue d’une banane ou d’une mangue fait saliver.

Évidemment nous terminons par deux bières fraîches comme promis.

Dans l'après-midi nous partons explorer Rameau Bay en MiniVaS, une petite plage visible de notre mouillage m’attire beaucoup. On n’y voit que des catamarans, la carte annonce des hauts fonds et le guide nautique le considère comme mouillage de jour. Après une exploration méticuleuse des lieux, nous jugeons possible de tenter le coup avec MedioVaS le lendemain.

Avant de partir, Yves va aussi jouer avec sa petite carte magique. Il est moins chanceux, le distributeur doit être vide et ne distribue aucun billet. Tant pis !

Petit havre de paix et belle piscine naturelle.

Nous partons retrouver cette belle petite plage, vidée de ses catamarans. L’ancre croche bien au fond, la houle est inexistante et personne ne vient perturber notre tranquillité. C’est assez idyllique. Avec palmes et tuba, nous partons explorer les fonds et la petite plage. Quelle surprise, de l’autre côté de cette bande de sable, une autre petite baie somptueuse est habitée par un hôtel, vidé de ses touristes.

Nous resterons deux nuits dans cet havre de paix, aucun bateau n’y vient, fort heureusement, il faut dire que c’est vraiment étroit.

Je retrouve la raie de la veille. Je ne sais pas qui observe qui. Elle fait de grands ronds sous moi en agitant lentement ses grandes ailes, je découvre ainsi son "museau, bec,...". Je suis toujours fascinée par ces oiseaux des profondeurs.

Le poisson coffre qui fait le beau, le poisson lézard qui se croit bien caché  et la raie aigle qui vole ,libre comme l'eau ... 

Il est bientôt temps de partir. Notre prochaine escale est encore plus loin, une vingtaine de miles !

Nous pourrions faire un arrêt à l'île Moustique. Le nom est très attirant mais le droit d’entrée l’est beaucoup moins. C’est une île qui a son propre statut. Les milliardaires s’y sont installés pour trouver et garder le calme, loin du flot de touristes. Pour éviter une invasion, ils ont établit un droit d’entrée très onéreux, un dress code et une circulation dans l'île uniquement sur quelques chemins. Rien de tout cela nous tente. Nous ne connaîtrons pas le Bazil’s Bar !

MedioVaS, il est temps de partir ! 
9

Nous quittons donc Canouan vers Bequia. Un rendez-vous important nous y attend. Mais nous avons encore quelques jours à patienter.

Une petite île au sud de Bequia attire mon attention dans le guide. Je propose à Yves d’y aller. Si le mouillage est risqué, nous pourrons toujours nous rabattre sur Friendship Bay, un mille au nord.

Nos amis nous ont dit : « s’il n’y a personne dans un endroit, ni allez pas, vous allez vous faire dépouiller ».

Après un bon bord au près et trois heures trente de navigation, nous virons en direction de Petit Nevis. Et cela tombe bien, il n’y a personne. Le courant y est fort, très fort. L’ancre croche dans 7 mètres d’eau. Je plonge pour la vérifier. MedioVaS pointe son étrave face au courant et sa poupe au vent. Je n’ai pas besoin de nager beaucoup, à peine dans l’eau j’aperçois l’ancre sous le bateau qui se trouve en équilibre entre vent et courant.

Petit Nevis, notre nouveau mouillage isolé. 

Nous déjeunons tranquillement, le temps de voir si l’on ne dérape pas, et nous partons explorer cette île mystérieuse. À Bequia, la chasse à la baleine est encore autorisée. Oui, je sais, cela me désole aussi. Ils ont un quota de quatre baleines par an. Fort heureusement, ce quota n’est jamais atteint, les baleines circulant rarement par ici et la chasse étant entièrement manuelle, baleinière à l’aviron et harpon à la main. Cela dit, en saison, de janvier à avril, il y a toujours un guetteur dans les hauts de Bequia qui scrute l’horizon à la recherche d’un souffle de baleine, un évent. Et Petit Nevis, alors ? Cette île était justement l’endroit où la baleine capturée était emmenée puis dépouillée, vidée de son huile et de tout ce qui avait de la valeur. Depuis quelque temps, les pêcheurs tirent le mammifère sur l'île voisine, Sempler’s Cay.


Nous tentons d’accoster MiniVaS au reste de ponton, mais c’est trop dangereux pour lui. Je saute à terre en voltige et Yves contourne le rocher pour rejoindre la cale « voisine ». Je cherche longtemps le chemin de cette cale, côté terre. La végétation est dense mais j’arrive enfin à retrouver Yves. Nous hissons MiniVaS et partons explorer la plage au vent, décorée d’une belle cocoteraie. Nous saluons Moustique au loin.

Tout le monde semble bien dans son décor. 
La mer brise davantage au vent de l'île, mais les cocotiers résistent. 
Je manque d'entraînement... 

Nous trouvons un passage entre cocotiers et végétation, pour retourner vers le ponton. MedioVaS est face au vent, résultat de la renverse du courant, tout va bien pour lui. Nous continuons notre exploration ; plus un seul os de baleine ne traîne, tous furent utilisés pour fabriquer des bijoux pour les touristes. Nous trouvons un sentier bétonnée et longé d’un beau petit muret de pierres. Splendide !

Yves a trouver une utilisation au muret. 

Mais à quoi devait-il servir, nous n’en saurons rien. En tous cas, il monte encore et encore, entourant l’ile en spirale. Il commence à se perdre dans une végétation plus dense, la chaussée de béton disparait et nous suivons le muret pour unique repère. Nous sommes de l’autre côté de l’île, en hauteur. Un superbe paysage volcanique s’ouvre à nous. Ce mélange de Saint-Helene et des îles Anglo-Normandes fait remonter de beaux souvenirs. Nous sommes ravis de cette grande randonnée surprise.

D'un côté la cocoteraie, de l'autre la vue sur Friendship Bay. 
Le lieux est très photogénique! 

Nous récupérons des branches de bois flotté sur la plage et nous retournons au bateau. Yves a eu une idée, j’ai désormais une mission : fabriquer un sapin de Noël !

Activité post-randonnée. Tout est question d'équilibre, trouver le centre de gravité. 

Le lendemain, nous rallions un point de mouillage proche du fameux rendez-vous, à Port Elizabeth dans Admiralty Bay. Nous choisissons de mouiller l’ancre face à la plage Princess Margaret.

Nous retrouvons Pit Pony et nos amis australiens, ainsi que Peterel, le bateau d’un Américain, également rencontré aux Seychelles.

Joli petit ponton bien accueillant pour les annexes. 

Nous descendons à terre de nouveau, à la recherche d’une banque et de son distributeur de billets ! Le village est superbe, très touristique, certes, mais il y règne une bonne ambiance,. Il y a des couleurs partout et une bonne musique de fond ; je suis charmée.

La banque, nous la trouvons rapidement, c’est l’endroit où il y a la plus longue file, évidemment.

Nous savons que le montant de retrait est limité. Nous misons donc sur nos deux cartes de banque. La mienne me donne mes petits billets, davantage que prévu, mais le jeu ne fonctionne encore pas pour Yves. Il commence à trouver la blague très mauvaise. Pas de soucis, nous aurons quand même de quoi nous réapprovisionner et nous offrir quelques extras avant le départ. Nous allons examiner les différents supermarchés et leur stock, pas terrible. Il y a bien un « yacht-market », mais ses prix appliquent la définition littérale du mot yacht ! Nous optons surtout pour les échoppes de rues qui ont leurs étales pleines de fruits et légumes ; « - Welcome to my little establishment! ».

Une petite ville toute en couleurs. 

Après un petit déjeuner tardif avec du pain-bateau-grillé, nous partons découvrir le Princess Margaret Trail. C’est un petit chemin qui parcourt la côte entre Port Elizabeth et la plage Princess Margaret. Il circule en longeant la mer, de splendides maisons et des bars-restaurants très attirants, bien évidemment.

Et ne pas se laisser tenter par les maisons aux vues exceptionnelles qui sont à vendre ! 
Le moment tant attendu. 

Nous avions prévu une approche aux alentours du déjeuner, en face de Max, le pizza-man du coin. Nous sommes un peu trop tôt, le temps d’en profiter pour goûter au rhum punch et m’éclipser un moment au Dive Center. Il est temps d’offrir à Yves son cadeau d’anniversaire, deux belles plongées ! Nous commanderons ensuite une pizza pour deux, hawaïenne ..... je dois vraiment aimer Yves pour accepter ce sacrilège, de l’ananas sur une pizza. La taille est énorme et même à deux nous n’arriverons pas au bout. Il est temps de continuer ce magnifique petit sentier qui contourne le rocher en hauteur. La vue est splendide et c’est parfait pour une bonne digestion.

 Princess Margaret Trail

De retour au bateau, je plonge à l’eau, rien de tel pour se rafraîchir. Il me reste encore de l’énergie, et je remonte le courant jusqu’au bateau devant nous. ISail 2.0 appartient à nos amis canadiens, Normand et Marguerite, rencontrés à Grenade. Ils nous proposent de les retrouver le soir chez Jack, un bar chic sur la plage. Chose dite, chose faite, à 18h00 nous les rejoignons. Ils sont accompagnés par deux amis américains qui vont faire la même plongée que nous le lendemain matin.

Nous sommes attendus à 11h00 pour la plongée. Je suis toujours physiquement stressée avant d’aller dans les profondeurs et mon estomac est là pour me le rappeler. Mais je sais que cela passera une fois à bord. Nous préparons notre équipement et embarquons. Le gros bateau à moteur remonte la côte ouest de l’île, contre vent et courant, nous seront déjà bien mouillés avant même de se mettre à l’eau.

Il y a six autres personnes avec nous, tous un peu indisciplinés sous l’eau. Je surveille les coups de palmes et je reste un peu à l’écart du troupeau. En binôme avec Yves, je suis rassurée mais c’est fatiguant pour lui. Je ne suis pas très disciplinée non plus, il y a toujours un poisson ou un corail que j’ai envie d’aller voir. Ça le rend un peu nerveux, un binôme est sensé rester à portée de respirateur de secours ! La plongée est magnifique, des poissons et des des coraux magnifiques nous entourent. Pouvoir rester sous l’eau et les observer dans ce calme des profondeurs me procure une sensation de grande liberté. Pour nous qui passons notre temps en apnée avec un tuba, la plongée-bouteille est toujours un peu magique.

Joyeux anniversaire !!
Chaque corail a ses petits habitants cachés. 

Nous avons juste le temps de déjeuner à bord avant de repartir pour la deuxième plongée. Cette fois-ci, nous visiterons l’épave Strathman. La végétation a déjà pris ses aises et complètement recouvert le malheureux navire. Comme c’est tout de même le cadeau d’Yves, je reste bien sagement derrière lui et il est ravi. Nous allons d’ilot de corail en colonie de poissons, c’est une très belle promenade.

Après cette petite mise en jambe et deux plongées relaxantes, nous pouvons attaquer les choses sérieuses. J’ai une fois de plus dégotté le rocher à ne pas manquer… au sommet de la montagne !

Nous prenons le bus qui nous dépose au point de départ du Mount Peggy Trail, chemin qui n’est pas du tout mentionné sur notre super appli de randonnées. Aucun chemin n'apparaît au bout de la route, tout juste une prairie bien en pente, en haut de la dernière maison. On se prend pour les chèvres du coin et on traverse la prairie qui donne sur un accès à un petit bois. C’est là que nous trouvons un sentier ; en route pour grimper ! Le sentier se transforme en rivière asséchée, puis de nouveau en sentier, et après une heure de marche, en gros rochers à chevaucher et escalader. On se demande toujours si l’on est au bon endroit.

Friendship Bay , encore elle. 

Mais oui ! Nous le voyons enfin. Hop, je grimpe sur Mount Peggy. C’est vertigineux et la vue est bouleversante. Pour le retour, nous optons pour le sentier qui mène directement à Lower Beach Bay, sur l’autre versant, juste à côté de Princess Margareth.

Au sommet ... 

Le sentier est plus ou moins indiqué sur une grosse pierre, mais très vite nous retrouvons le lit d’une rivière. Les jambes fatiguent et les genoux souffrent mais nous y parviendrons. Le bout de la route nous fait atterrir chez Petra, une gargotte-boulangerie-langouste-le-dimanche. Nous prendrons le temps d’une boisson fraîche et d’une préparation locale. À défaut de crêpes, nous avons une salade de poisson et de petits beignets… le repas de midi s’annonce plus tôt que prévu ! Avant de retourner au bateau, nous explorons un peu la plage. C’est le lieu du rendez-vous du lendemain. L’excitation monte, mes parents arrivent en escale à Bequia. Mais, gros soucis, ils ne pourront pas quitter le groupe pendant l’excursion. Ma mère a retourné toutes les excuses possibles pour que l’on puisse se voir, le staff-excursion en pleurait presque pour elle, mais le règlement c’est le règlement ; quand il y bubble, il n’y a rien à faire, il faut rester en bulle. C’est là que ma mère a eu cette idée de génie, prendre l’excursion la plus simple possible : un après-midi à la plage. Nous espérons que la plage ne sera pas privatisée.

Pour évacuer ma pression, nous retournons par la longue route qui serpente la colline. Elle nous promène entre les superbes villas et la foret tropicale. Il fait chaud, les montées sont rudes, mais cela change de la promenade côté plage.

À 07h00, je vois le Silver Whisper mouiller son ancre en face de nous. Nous décidons de tourner autour de ce géant des mers à la voile. Ma mère est là, l’émotion est grande. Vous pouvez imaginer tous les signes échangés. Après trois passages, nous allons mouiller devant la plage du rendez-vous.

MedioVaS fait le show pour les passagers du bateau pendant que l'on échange toutes sortes de signes avec ma mère.

Et, à 13h30, c’est MiniVaS qui nous dépose sur cette plage où un un bon nombre de transat ont été joliment installés.

MiniVaS, MedioVaS et Silver Whisper. 

Mes parents arrivent en taxi, avec leur groupe. Ma tante et mon oncle, qui font partie de la croisière, sont restés à bord. Nous nous incrustons discrètement dans la bulle et personne ne nous remarque vraiment. C’est la joie de retrouver mes parents aux Caraïbes.

C'est magique et trop court, mais quelle chance ! 

lls connaissent la région et ses îles presque par coeur. C’était leur lieu de navigation, ils louaient régulièrement un bateau, seuls ou avec des amis, et s’évadaient sur ces eaux cristallines. Chaque endroit leur rappelle une anecdote, une aventure. C’est formidable. Baignade, promenade, boisson fraiche, tout est là pour notre plus grand bonheur. Le soleil commence à descendre sur l’horizon, il est temps pour chacun de retrouver son vaisseau. Le Murmure Argenté appareillera vers 21h30.

Et voilà, nous pouvons quitter St Vincent et les Grenadines, maintenant.

Dès le lendemain, je vais au bureau du port demander la clearance de sortie, pendant qu’Yves remplit courageusement notre réservoir d’eau. Chaque tâche achevée, nous faisons quelques dernières courses, avalons une part de pizza et allons déambuler vers le Fort Hamilton. Oups, c’est encore une sacrée montée. Dernier tour d’horizon : d’un côté le mouillage et de l’autre la mer des Caraïbes sur laquelle sont pointés les canons protégeant l'île contre les envahisseurs (anglais) (ou français).

Canons de dissuasion ? 
Crunch, crunch dit le futur papillon en dévorant toutes les feuilles autour du fort.


Nous appréhendons notre prochaine escale, La Martinique. Depuis quelques jours l'île suit le mouvement de la Guadeloupe : grève générale, barrages, incendies, vols d’armes, tirs contre les forces de l’ordre ou les journalistes… enfin, tout ce qui nous rappelle Mayotte et ses moments difficiles. Mais nous ne pouvons pas reculer ni l’éviter. Nous allons y retrouver Isabelle, une vieille amie et le marraine de ma fille Elise. Elle atterrit le 30 novembre. Nous devons arriver avant, pour éviter le test COVID qui est remis en place à partir du 29, et surtout pour évaluer la situation et concevoir des plans pour la récupérer à l’aéroport ! Nous devons également ravitailler MedioVaS, si les supermarchés ne sont pas déjà dévalisés. C’est bon de rentrer en France…


Au revoir SVG.

Tes petits coins paisibles, tes habitants chaleureux, tes couleurs à terre comme en mer, ton vent de 15 noeuds et toujours dans le nez, enfin, tout cela nous manquera.

10

Samedi 27 novembre, à 7h35, nous levons l’ancre. Nous quittons Saint Vincent et les Grenadines, le coeur lourd. Nous ne savons pas trop ce qui nous attend en Martinique, la situation s’y dégrade de jour en jour. Nous avons 120 miles à courir et nous avons été prudents dans nos calculs pour ne pas arriver de nuit.

Le gennaker respire à nouveau. 

La météo est annoncée clémente, avec un vent de 10 noeuds de l’est-sud-est. C’est vraiment parfait ! Même le gennaker sort de sa soute et prend l’air. Nous prenons le rythme des quarts et Yves prépare une bonne casserole de pâtes. Nous devons faire tourner nos bons 29 chevaux lorsque le vent est trop faible, mais cela ne durera qu’une bonne heure. Nous longeons et doublons Saint Vincent de jour, quelques grains croisent notre route. L'île a l’air somptueuse, un dégradé de verts magnifiques des forêts tropicales. C’est sur cette île qu'a eu lieu le tournage des « Pirates des Caraïbes ». Évidemment, nous aurons aimé nous y arrêter mais malheureusement elle a très mauvaise réputation : le racket est le sport national !

Sainte Lucie apparaît de nuit, ses illuminations nous permettent de découvrir son relief. Au nord nous apercevons le halo créé par les lumières de la Martinique. Nous sommes parfaitement dans les temps, presque trop tôt… ça alors ! Le jour n’est pas encore levé et nous pointons difficilement le rocher du Diamant, un fort courant traversier veut nous chasser à l’ouest. Yves me réveille pour mon quart de trois heures du matin, il me montre quatre pistes AIS, des Imoca de la course transatlantique Jacques Vabre. Le premier est le bateau de Romain Attanasio, l’émotion est forte. J’avais été marraine de la petite abeille qu’il avait transportée dans son Imoca vers le Brésil, symbole de son association pour les enfants, quelques années auparavant.

Ils vont beaucoup trop vite ! 

Le courant nous porte vraiment trop à l’ouest et les grains arrivent. J’arrise les voiles, le vent monte à 25 noeuds et une bonne drache me rafraîchit. Je vire de bord pour espérer pointer Le Marin, notre port d’entrée. Mais, après quelque temps, le vent refuse et tombe, nous sommes à 5 miles du port, le jour se lève. Le bateau Corum passe devant. C’est magique mais il temps de faire ronronner le moteur si nous voulons arriver.

Quelle surprise, en rentrant dans la baie ! J’avais déjà vu beaucoup de bateaux au mouillage à Grenade, le parking à bateaux en saison cyclonique. Mais là, c’est incroyable. D’abord, c’est un dock flottant océanique déchargeant son flot de « porte-couillons » plus démesurés les uns que les autres, signe que la saison Caraïbe commence ! Nous doublons la pointe des Boucaniers, où se trouve le Club Med, et il faut chercher un endroit où mouiller dans cet amoncellement de bateaux plus ou moins amarrés à des bouées.

Faites vos choix . 


Nous trouvons un endroit, en bout de baie, en face du supermarché Leader Price, parfait pour faire des courses.

Le dimanche 28, à 7h15, l’ancre va s’envaser, pas besoin de plonger pour la vérifier. D’ailleurs, vu la couleur de l’eau, ni Yves ni moi ne voulons tester.

MiniVaS retrouve son moteur et Yves me dépose à l’autre bout de la baie, au ponton de la marina du Marin. Il retourne au bateau, des grains arrivent et il vaut mieux surveiller un mouillage « jeune »et MedioVaS est quand même très proche de ses voisins. Quelques têtes de mât sortent de l’eau à proximité, épaves oubliées qui nous rappellent à la vigilance. Je fais la clearance d’entrée et puis un tour au supermarché Auchan tout proche. Comme prévu, les rayons de frais sont vides, complètement vides. On se croirait à Mayotte, pendant les trois mois de grève ! On voit bien que Nicole est passée par là avant nous et quelle a bien rempli son méga-congélateur ! Je trouve des boîtes de cassoulet et de petit salé, c’est toujours ça (et c’est bon). Un fromage a survécu à la razzia ou bien il m’attendait ?

Bon ...  

Yves me retrouve et nous rejoignons la file devant la boulangerie, une bonne baguette française, on en rêve depuis deux ans. Nous déposons tout au bateau et allons voir si le Leader Price est mieux rempli. En effet, il l’est : je trouve du poulet et quelques fruits et légumes. Nous envisagions de rester quelques jours ici, nous avions même réservé une voiture pour aller chercher Isou à l’aéroport et se promener dans l’île, mais il faut se faire une raison, nous ne pourrons pas bouger. Les barrages se renforcent et tout est bloqué entre l’aéroport et le Marin. J’arrive à obtenir un avoir pour la voiture, sans limite de date. Le mouillage est oppressant, je propose à Yves de partir au plus vite. Le lendemain, nous tentons d’obtenir du gasole et de l’essence à la pompe de la marina. Après avoir tourné en rond pendant une demi-heure, sous le regard mauvais des concurrents, nous fuyons au plus vite ! MedioVaS déploie ses voiles et nous transporte à vive allure, 20 noeuds de vent nous portant vers la baie de Fort-de-France. Passé le rocher du Diamant, nous nous faisons rattraper et doubler par deux superbes Class 40 de la Jacques Vabre. Nous étions pourtant à huit noeuds dans les vagues… mais ils filent le double, pas de bataille possible !

MedioVaS, ne sois pas jaloux ! 

Au bout de deux heures, nous sommes dans la baie de Fort-de-France. Je reçois un message sur mon téléphone, c’est Nathalie du voilier Erias. Il nous ont repérés, entre les Class 40. Quelle bonne surprise, nous ne les avions pas vu depuis Saint-Hélène ! Mais pas facile de savoir où ils vont, pour se rencontrer. De notre côté, nous avions repéré un endroit tout au fond de la baie, proche de l’aéroport, avec dans l’idée de s’en approcher au mieux, en annexe. Martial, mon vieux copain de l'université vétérinaire me téléphone pour me dire qu’il est au Marin après avoir passé deux barrages et crevé un pneu, aïe. Il fait demi-tour et vient nous retrouver au Club de voile Neptune. Quelle joie de le revoir, vingt-neuf ans plus tard ! MedioVaS tient bien, le mouillage est calme et nous ne sommes pas seuls. Martial nous embarque dans sa voiture pour aller déjeuner à la marina de Baywatch, à l'étang Z’Abricots. Coïncidence, c’est là qu’Erias a pris une bouée.

Martial nous offre un super déjeuner, 29 années, il y en a des choses à raconter.

Il nous propose même sa voiture, pour le lendemain à 13h, pour aller à l’aéroport et faire nos courses. Chouette, nous pourrons aller au grand centre commercial. Après ce bon déjeuner, il insiste pour nous amener visiter Fort-de-France. Il se fait tard, on approche l’heure du couvre-feu mis en place à cause des grèves violentes. Yves est réticent, mais j’accepte. Après une centaine de mètres, barrage… Martial parlemente : une grande bringue lui répond avec une mauvaise insolence : « - Vous pouvez passer, si vous arrivez à traverser les flammes ». En effet, les pneus brûlent et bloquent le rond-point, nous n’insistons pas et nous retournons au bateau.

J’avais proposé à la famille d’Erias de venir prendre un brunch le matin. Ils préfèrent un petit-déjeuner à 8h00, ils doivent se libérer à 10h00 pour visiter un catamaran à vendre. À l’heure dite, une annexe bien chargée approche du fond de la baie. Je sors les jumelles, ce sont eux !

La famille au complet vient partager le petit déjeuner. 

Nous passons deux heures formidables à partager nos aventures respectives, Guyane Française pour eux, Grenade pour nous, et les couleurs des Grenadines en commun. Ils envisagent de rester en Martinique pour un bon moment, scolariser les enfants et travailler chacun de leur côté. Cela n’a pas vraiment l’air d’enchanter les enfants. L’heure venue, ils nous quittent, rêvant déjà de bateau plus grand…

Nous terminons de préparer le nôtre pour l’arrivée d’Isou. À midi, Martial m’appelle. Il est coincé à un nouveau barrage juste au bout de la route de notre port ! Il a tenté la diplomatie et reçu un gnon en retour, l’ambassadeur était plutôt alcoolisé ! C’est ainsi que nous ne verrons plus Martial, merci les barragistes ! Il nous faut donc mettre en oeuvre notre plan « MiniVaS » pour récupérer Isou. Vers 13h00 nous arrivons en annexe à Port Cohè. Des voiliers y mouillent déjà devant, nous ne sommes pas les seuls à devoir rallier l’aéroport. Le port se trouve au fond d’une mangrove, abritant surtout de vieux bateaux moteur ainsi que quelques voiliers et de vraies épaves. Nous amarrons MiniVaS et descendons explorer ce petit port du bout de rien. Depuis sa voiture, un homme nous appelle : « - Vou alé a l’èrpor? , moi peu vou kondui, gratui ; fin un ti’ billê ède toujou ! » Et nous voilà arrivés à l’aéroport en cinq minutes, je donne un ti billet plutôt gros et nous prenons langue pour le retour avec Isou et ses bagages. Les grains se suivent, le garde parti faire un tour, nous parvenons à rentrer dans le hall d’attente. L’avion d’Isou atterrit et enfin nous la voyons ! Je lui avais pris un poncho imperméable, heureusement. La pluie ne cesse pas de tomber. Après une centaine de mètres à pied, le chauffeur mystérieux que nous avions vu plusieurs fois revenir avec d’autres pseudo-clients, nous attend et nous fait des grands signes. Nous sommes sauvés et Isou rassurée, nous ne devrons pas marcher. MiniVaS est sous eau, un arbre à grandes feuilles nous abrite à peine. Nous profitons d’une accalmie pour faire la traversée vers MedioVaS. Enfin au sec ! Isou déballe ses affaires, elle avait des kilos de chocolat dans sa petite valise, rien que pour nous, nous salivons d’avance.

Heureusement que les rayons frais étaient vides finalement. le chocolat prend toute la place. 

Nous lui annonçons que nous allons naviguer dès le lendemain, la situation à Fort-de-France est catastrophique et nous ne pourrons pas visiter la Martinique comme prévu. En quelque sorte, nous tournons le dos avec mépris.

Nous appareillerons à 08h45 après une bonne nuit de repos. En route vers Saint Pierre, au nord-ouest de l’île, il y a une vingtaine de miles à parcourir. Nous filons joliment, sous 18 noeuds de vent. Au largue, la route est belle et agréable.

Isou prend ses marques à la barre. 

À 11h45, nous arrivons face au mouillage. Nous devons nous approcher de la plage pour trouver onze mètres d’eau et éviter les épaves. Ça fait très prêt du rivage… Une fois le bateau en sécurité, il est temps de plonger.

À quelques brasses de MedioVaS, nous pouvons visiter l’oeuvre d’art sous-marine Manman Dlo, imaginée par l’artiste martiniquais Laurent Valère. Mises en place en 2004, les 20 tonnes de béton représentent une sirène, créature mythique attirant les navires vers le fond. C’est une référence aux naufrages de 1902, après l’éruption de la montagne Pelée. La statue rend hommage à la mer et recherche sa protection. En 2015, une seconde statue fut immergée, Yemaya, fille de la première, plus féminine, plus sensuelle et beaucoup plus massive (37 tonnes de béton). Ces deux statues immergées dans neuf mètres d’eau sont les prémices d’un parc de sculptures sous-marines de Saint-Pierre.

En créole, Manman Dlo signifie sirène et la légende martiniquaise dit qu’elle faisait chavirer les navires et tuait les marins.
Yemaya est un hymne à la mer et à la femme. 

L'après-midi nous allons visiter le village, chargé d’histoire, renifler sa supérette bien fournie et tenter de trouver le restaurant où l’on doit faire notre clearance de sortie (si, si, la Douane et autre services sous-traitent les clearances !)

Notre nouveau mouillage. 

C’est le 15 septembre 1635 que le flibustier normand Pierre Belain d’Esnambuc débarque dans la rade de Saint Pierre avec 150 colons de la colonie française de Saint-Christophe. Ils s’installent et créent la première colonie permanente, le Fort Saint-Pierre de la Martinique, pour le compte de la couronne de France et de la Compagnie des îles d’Amérique. Ils partent à la conquête du territoire, exterminant les derniers autochtones Caraïbes qui ne veulent pas se soumettre à leur autorité. L'île produit du tabac, du roucou (une épice locale), de l’indigo et du cacao. Au XVIIè siècle, la crise du tabac ruine les premiers planteurs qui se tournent vers la production de sucre. Saint-Pierre, capitale administrative, abrite la maison du Gouverneur. Mais, en 1671 la ville est victime d’un incendie. Elle perd son statut mais maintient celui de capitale économique et culturelle jusqu’en 1902.

En 1789, les Pierrotins soutiennent le pouvoir révolutionnaire contre les békés, partisans de la royauté.

La ville se développe grâce à l’industrie sucrière et au commerce d’esclaves. Les navires et marchands viennent du monde entier au port de Saint-Pierre. Une bourgeoisie commerçante s’y installe, les maisons de campagne fleurissent. Très rapidement, elle est surnommée « le Petit Paris des Antilles », « La Perle des Antilles » ou encore « La Venise Tropicale ». Elle devient la capitale économique et culturelle des Antilles.

En 1900, Saint-Pierre est équipée, grand privilège, d’un réseau d’éclairage urbain électrique, d’un tramway hippomobile, d’une chambre de commerce, de l’un des premiers asiles pour soigner les aliénés, d’un port et d’un théâtre construit sur le modèle du grand théâtre de Bordeaux !

Saint-Pierre resplendit. Mais la montagne Pelée voit les choses différemment. En avril 1902, elle crachote des fumerolles suivies d’une pluie de cendres. Fin avril, le sol tremble et la montagne crache des roches. C’est le moment de l’élection législative et ça sent le souffre… Le 2 mai, détonations et tremblements de terre se succèdent ; une fumée noire masque le soleil. Mais le second tour des élections est trop important, il est hors de question d’évacuer la ville. Les serpents fer-de-lance, les fourmis et les scolopendres quittent les hauts et envahissent l’usine sucrière provoquant des morsures mortelles. Une coulée de boue brûlante fait de nouvelles victimes. Seulement quelques Pierrotins quittent la ville. La mer se retire d’une centaine de mètres, annonçant un tsunami qui envahira tout le bas de la ville. Le second tour des élections législatives a lieu le 11 mai, il semble trop compliqué de reporter, aucune évacuation n’est donc prévue.

Le 8 mai, jour de l’ascension, à 07h52, une nuée ardente dévale le volcan. En quelques minutes, la ville de Saint-Pierre disparaît sous une masse gazeuse et solide, chauffée à plus de 1000 degrés. Vingt-six mille personnes décéderont et quarante navires couleront dans la rade. Deux hommes seulement survivront : le prisonnier Louis-Auguste Cyparis, protégé par les épais murs de sa cellule, et le cordonnier Léon Compère-Léandre. Une seconde éruption a lieu le 20 mai, encore plus violente, et finit de dévaster la ville.

Au lendemain de cette catastrophe, on assiste à un double pillage de la ville : le premier par les habitants des îles et villes voisines, sous prétexte de chercher leur famille ; le second par l’Etat français pour récupérer l’or et les numéraires des banques. Une commission est chargée de récupérer les bijoux se trouvant sur les cadavres avec la promesse de les restituer aux familles des défunts, promesse étrangement non tenue.

La ville reste en cendres pendant plusieurs années et c’est sa rivale, Fort-de-France, qui devient la capitale économique et culturelle de l’île. Saint-Pierre tombe sous le coup d’une loi, dite du 15 février 1910, qui la raye de la liste des communes de France. Son territoire rejoint la commune voisine du Carbet. Cette loi permet à la commune receveuse de vendre le patrimoine de la commune supprimée et d’en garder les bénéfices. Saint-Pierre aura vraiment tout perdu.

En 1923, pourtant, elle redevient une commune et renait timidement de ses cendres. Elle sera reconstruite très lentement. La chambre de commerce revoit le jour, refaite à l’identique.

En 1990 la ville obtient le label Ville d’Art et d’Histoire. Son activité se tourne essentiellement vers le tourisme, notamment la plongée sous-marine autour de ses nombreuses épaves face au port. Trois sociétés exploitent des gisements de pouzzolane dans les coulées de la montagne Pelée. Une fois traitée, cette substance produit plus d’un million de tonnes par an de sable lavé et de granulats destinés à la fabrication des bétons et mortier pour le BTP.


Nous marchons le long des nombreuses ruines, celles de l’asile, celles de la prison et du cachot de Cyparis, celles du fort. Après une belle montée, nous arrivons au musée de Franck-A Perret, qui est le musée vulcanologique et que nous ne visiterons pas.

Ruines du Fort et du cachot de Cyparis. 
Musée de Franck-A Perret.

La ville est presque une ville fantôme, les habitations sont anciennes ou laissées à l’abandon. Seuls quelques petits commerces sont ouverts et, après de longues recherches, nous trouvons enfin le restaurant où l’on peut faire notre clearance de sortie. L’Alsace A Kay est tenu par un Alsacien, évidemment. Il rebranche son ordinateur et je m’installe devant cette vieille machine. Tout finit par se faire, nous obtenons le beau papier. Heureusement que nous n’avions pas abandonné nos recherches… il était fermé le lendemain !

L'art est partout présent . 
Même abandonnées elles ont du cachet. 

Sur le chemin du retour en MiniVaS, nous croisons le catamaran Bella de l’américain Pat que nous avions rencontré à Bequia. Il navigue avec un ami, Brad, tous les deux passionnés de plongée. Ils nous proposent une bière à leur bord, cela ne se refuse pas. Isou est impressionnée par la taille et l’espace du catamaran (« ne jamais emmener sa femme visiter un catamaran »). Ils partent le lendemain, vers La Dominique, toujours pour plonger. Nous recevons quelques tuyaux pour s'approvisionner en frais, le marché couvert de Saint-Pierre est ouvert tous les jours. En revanche, Yves fera choux-blanc devant les deux stations service, elles sont fermées et vides. Des locaux rigolards proposent de l’huile de friture en échange. Bof, c’est à peine drôle !

MedioVaS passe une nuit tranquille sous le regarde bienveillant da Vierge des Marins, toute éclairée. D’ailleurs, elle nous appelle du haut de sa colline.

De bonne heure, nous partons tous au marché. Les stands commencent à se remplir, papaye, citrons, oranges, épices, en tous genres, goyave… tout est présent. Quel bonheur de remplir notre sac. Isou se lance même dans l’achat d’un kilo de thon fraîchement pêché. Et moi je regarde le boucher, un sosie de Will Smith, découper ses demi-carcasses de cabri, de cochon et de boeuf. Enfin je vais pouvoir remplir le mini congélateur de bonne viande.

La bonne viande ... 

Nous déposons nos richesses à bord et nous nous équipons de bonnes chaussures de marche afin de rendre visite à la Vierge.

Nous foulons une belle montée qui nous amène en haut du village, avant de traverser une belle forêt tropicale.

Les cimetières sont toujours magnifiques. 
the rainforest. 

Nous arrivons à Morne Orange, lieu investi à la fin du XVIIè siècle par des fortifications servant « à pallier les inconvénients des batteries basses, qui avaient en première ligne les bateaux français mouillant le long du rivage ». En 1759, la batterie du Morne d’Orange est construite au niveau le plus élevé. Mais un siècle plus tard, celle-ci sera abandonnée en raison de son altitude trop élevée, ordres et contre-ordres…

Nous sommes sur la bonne voie. 

C’est sur cette ancienne batterie qu’est érigée, en 1870, La Vierge des Marins ou Notre-Dame-Du-Bon-Port. Son socle serait réalisé avec les pierres issues du parapet défensif. Le culte marial, introduit avec la colonisation, est encouragé avec vigueur par l’église au XIXè siècle, alors que se développe un athéisme républicain.

Le souffle de la nuée ardente du 8 mai 1902 propulse la statue au bas de son socle. La Vierge sera replacée en 1920, lors de la reconstruction progressive de la ville. Au même moment, la Martinique est officiellement placée sous le patronage de Notre-Dame de Délivrance confortant le voeu de son premier évêque émis dès 1851.

La Vierge des marins. 

Isou a son patch contre le mal de mer, le moteur de MiniVaS est rangé dans son coffre, la voile de Popof est en place ainsi que son safran, le congélateur est plein, Yves a fait ronronner le dessalinisateur… nous sommes prêts pour une longue traversée vers les Saintes, en Guadeloupe. Nous avons 80 miles à parcourir, essentiellement en navigation de nuit, afin d’y arriver au petit matin.

Au revoir la Martinique. 
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Petit rappel historique de nos prochaines étapes. 

Jeudi 2 décembre à 17h15, la mer est calme, MedioVaS a toutes ses voiles ouvertes, le soleil commence à se rapprocher de l’horizon, nous sommes en routes vers Les Saintes, en Guadeloupe. Isou est à l’aise jusqu’au moment où l’on traverse le chenal entre la Martinique et la Dominique. Nous marchons bon plein, le vent monte à 20 noeuds et houle-clapot confondus font mauvais ménage avec l’estomac d’Isou. Elle plonge dans sa cabine retrouver les bras de Morphée. Comme il est de coutume, Yves nous prépare une bonne casserole de pâtes pour tenir les différents quarts. La nuit ne s’annonce pas aussi facile que le prévoyait la météo. Nous filons 6 à 7 noeuds, les voiles bien arisées. A la relève de quart, Yves me prévient que nous sommes suivis par un cargo et derrière lui, un Imoca. Oui, nous sommes sur la route de retour des concurrents de la Jaques Vabre, et vu le climat en Martinique, personne n’y reste bien longtemps. Je prends la veille et surveille donc ces deux AIS parmi tous les autres. L’ Imoca, « Caline », double le cargo et, vers 22h, il nous double également par tribord. La mer est un peu moins agitée, c’est normal, nous sommes sortis du chenal et longeons la Dominique. Une heure plus tard, c’est-à-dire au moins vingt miles au nord de nous, je vois sur notre écran que « Caline » est au ralenti, presque a l’arrêt. Un soucis ? Nous gagnons (à peine) du terrain sur lui, quand évidemment arrive ce que j’attendais, le vent tombe ! Je me retrouve avec le même soucis que Caline. Je remets toute la toile disponible, en veillant bien aux grains. Nous continuons tranquillement à 3-4 noeuds, croisant la route de voiliers descendants. A 4h je démarre le moteur, il n’y a vraiment plus de vent. Et comme souvent, il suffit de le mettre en route pour que la brise réapparaisse avec son lot de grains. Sortir les voiles, prendre des ris, couper le moteur, se protéger de la drache, aller dormir,… Yves prend le quart à 6h et deux heures plus tard il nous fait une superbe entrée entre les différentes îles des Saintes et les très-multiples casiers des pêcheurs (quelques jurons finirons par me réveiller). A 9h15 nous prenons la bouée N15 aux Saintes. Isou apparaît et paraît nettement mieux. Une assiette de pâtes pour un bon petit-déjeuner, rien de tel !

Arrivée aux Saintes 

Nous sommes à nouveau dans un décor de rêve. Nous descendons à terre pour explorer les environs et trouver le local LSM (Les Saintes Multiservices) afin d’y faire la clearance d’entrée en Guadeloupe.

Terre et cocotiers ! 

Le bureau est ouvert de 14h à 15h tous les jours. Une heure par jour, ce n’est pas beaucoup. Nous sommes en avance et avons le temps de déguster une glace. Je vais au bureau vers 13h30, il est ouvert mais la seule vieille machine disponible est déjà occupée. Une fois le précieux document rempli, imprimé et les bouées payées pour trois nuits, nous partons en randonnée vers la baie de Marigot. Cette petite baie se trouve de l’autre côté de l’île. Elle est magnifique. Aucun bateau ne s’y trouve au mouillage, ce serait parfait pour nous y arrêter une nuit. Mais elle est bien défendue, un gros rocher au milieu, peu de fond, et exposée au vent du nord-est ainsi qu'à la houle, nous allons abandonner l’idée.

Petite randonnée. 
Baie Marigot, un chantier naval s'y trouve. 

Apres une bonne nuit de sommeil pour tout le monde, nous envisageons de visiter le Fort Napoléon qui veille sur MedioVaS du haut du morne Mire. Une longue côte nous y mène, le chaleur est déjà pesante et il est à peine 8h30. Nous devons attendre un peu, les portes ouvrent à 9h.

Fort Napoléon et son jardin botanique. 

Le Fort Napoléon n’a jamais été utilisé à des fins militaires et il n’a jamais reçu la visite de quelque Napoléon que ce soit.

Nommé ainsi en 1805, il succède à une ancienne fortification construite entre 1777 et 1779, le Fort Louis, une enceinte de maçonnerie en mortier de terre grasse, pauvre en armement, avec quelques dépendances (citernes, casemates, magasins). Lors des guerres napoléoniennes, en 1809, les anglais débarquent sur l'île et rasent le fort. Il sera édifié tel qu’il est aujourd’hui en deux temps, de 1846 à 1849 puis de 1857 à 1867. Le projet a été lancé par le Général Dauzle en 1846 et entériné par le Comité des Fortifications du Ministère de la Marine et des Colonies lors de ses délibérations de 1846 et 1847.

Le but essentiel du fort est de maintenir sur place une garnison et de protéger la rade considérée comme l’un des abris les plus sûrs des Antilles.

Il est occupé pendant une vingtaine d’années et fermera ses portes au moment du départ de la garnison en 1889 et du retrait de la compagnie de discipline en 1890.

Le fort reprend vie en 1902 sous les ordres du capitaine Sabine. La troupe nettoie, répare et s’installe. Il sera transformé en prison politique entre 1940 et 1943.

Le Gouverneur de la Guadeloupe, Sorin, y fait interner une centaine d’italiens vivant en Guadeloupe, dont une vingtaine de femmes et enfants. Mesure prise pour assurer leur sécurité lors de violentes manifestations anti-italiennes ? Le régime de Vichy doit faire face à un nouvel ennemi : la dissidence gaulliste. De nombreux guadeloupéens tentent de rallier Londres via la Dominique, possession anglaise.

Le fort n’aura jamais connu l'épreuve du feu.

Il servira pour des camps de vacances dans les années 1950-1960, et sera abandonné ensuite.

En 1970, le Club du Vieux Manoir mène une campagne de nettoyage et installe une ébauche de musée. L’Association Saintoise de Protection du Patrimoine s’y installe en 1978.

En avril 2021, une belle enveloppe permet sa restauration.


De là-haut, la vue est exceptionnelle sur l’ensemble des différentes îles des Saintes et les autres forts. 

Nous pouvons alors envisager notre prochain mouillage, l'îlet du Cabrit.

Dans l’après-midi, il est temps de quitter notre bouée pour aller en prendre une autre face à l'îlet du Cabrit. Il faut bien choisir son heure. La saison est ouverte et les voiliers se font de plus en plus nombreux. Il n’y a que dix bouées. En approchant, nous en voyons une de libre, mais pas de chance, un catamaran plus proche se dirige vers elle. Deux autres bouées sont plus ou moins libres ou occupées : sur l’une il y a une annexe, et sur l’autre il y a une défense. Que faire ? Je préviens Yves que je me dirige vers celle où il y a une défense, tant pis. Depuis quand bloque-t-on une bouée ? A peine amarrés, une annexe nous accoste, voilà donc le coupable. Il essaye tant bien que mal de défendre sa cause : « - j’ai réservé la bouée avec la défense, j’ai payé la bouée … ». Euh, nous aussi nous avons payé et le jeu est clair, premier arrivé - premier servi, on ne met pas de défense ni d’annexe pour réserver une bouée. Il va récupérer la fameuse défense et part quelque peu mécontent. Nous le verrons rendre la défense à un des bateaux amarré devant nous. Nous allons ensuite assister à une course à la bouée ou à « la bouée musicale ».

Je plonge vérifier le corps-mort de la bouée et je poursuis ma nage jusqu'à la plage et les restes du ponton utilisé par les magnifiques pélicans.

A mon retour, Yves propose un apéritif sun-downer au pied des ruines du Fort Joséphine. Évidemment, nous acceptons avec joie. Chargé de son petit sac à dos, nous le suivons sur ce petit chemin en forêt qui monte, comme toujours.

L'îlet du Cabrit, anciennement Petite Martinique, occupe une position stratégique, lieu de sentinelle. La France construit au sommet du morne de la Pointe de Sable une fortification nommée Fort de la Reine. Il formait un système défensif avec le Fort Louis (Fort Napoléon) et la batterie de Tête Rouge. Le Fort de la Reine sera renommée le Fort Joséphine. En 1809, les anglais deviennent maîtres des Saintes. Ils conservent ce fort et lui ajoutent une citerne. Une fois le retour de la Guadeloupe sous domination française, le fort deviendra un pénitencier en 1851. Malheureusement il sera ravagé par un ouragan en septembre 1865. Cependant, il continuera d’accueillir les bagnards en route vers Cayenne jusqu’en 1902.

L'îlet du Cabrit deviendra en 1871 un lieu de quarantaine. Un lazaret, chargé de recevoir les immigrants originaires des Indes françaises, destinés à remplacer les esclaves libérés en 1848, sera érigé en contrebas du fort.

Yves a, une fois encore,  pensé à tout. 

Une verre de vin dans une main, un petit toast-terrine dans l’autre, nous profitons du spectacle. Quelques chèvres viennent nous tenir compagnie. A ces latitudes, le soleil se couche vite et la nuit tombe rapidement. Nous ne traînons pas au retour, cet îlet est inhabité, le chemin n’est pas balisé et il faut retrouver MiniVaS.

Ruine du Fort Joséphine. 
Nous ne sommes pas seuls à admirer ce spectacle. 

Un problème se pose à nous, le manque d’essence et de gasoil dans l’île. Aucune station n’est présente en Terre-de-Haut. Notre carte en indique une en Terre-de-Bas, et Yves obtient la confirmation de son existence. De bonne heure, nous partons à la voile jusqu'à la baie voisine où nous jetons l’ancre. MiniVaS se charge d’emmener Yves au tout petit port de pêcheur où se situe cette station service. Arrivé un peu trop tôt, avant l’ouverture, il se renseigne auprès d’une petite échoppe s’il y a encore gazole et essence dans la station. « - Mais bien-sûr, Monsieur, et poukoi y oré pa ? ». C’est vrai qu’aux Saintes, il n’y pas de problèmes de grèves, de couvre-feu, de barrages, … tout est livré directement depuis le port de Point-à-Pitre sans passer par la route.

Avec Isou, on patiente en se faisant une longue baignade à la recherche de tortues. Et nous en trouvons !

Yves revient ravi, les pleins sont faits. Nous pouvons partir vers la baie sous le Pain de Sucre, et c’est une bonne heure pour trouver une bouée. Il faut y aller au départ des bateaux du matin, vers 10h ou de l’après-midi, vers 16h30. Et en effet, nous trouvons une belle place.

L’eau est cristalline, nous voyons les fonds sans même devoir plonger. Il est difficile quand même de résister et nous partons tous les trois explorer ces fonds au pied du Pain de Sucre.

Oh une espèce rare qui fait des bulles sous l'eau ! 

Yves a un soucis de forfait de téléphone et pour le régler, il lui faut du wifi. Évidemment nous sommes de l’autre côté de l’île et la colline nous sépare du village. Une belle promenade de cinq kilomètres aller-retour nous attend. Plus rien n’effraye Isou, nous l’accompagnons. A peine MiniVaS amarré au petit ponton, le ciel se déchaîne, un gros grain bien humide se déverse sur nous. Au moins nous ne mourrons pas de chaud tout de suite.

A pied d'un mouillage à l'autre. 

C’est dimanche, tout est sensé être fermé au village. Mais pas le petit magasin de maillots de bain et jolies robes. Isou et moi abandonnons Yves à son wifi et nous allons faire quelques essayages. Vous imaginez la suite, nous ne sortirons pas de là les mains vides ! La bonne nouvelle est qu’Yves a pu résoudre son problème de téléphone.


C’est notre dernier petit-déjeuner aux Saintes. Nous avons payé pour trois nuits, et elles sont passées. Nous ne voulons pas nous presser pour aller en Guadeloupe. Couvre-feu, grève et barrages ne nous intéressent pas tant que cela …

Nous restons sous le charme des Saintes et y reviendront très certainement . A bientôt ! 
12
Bienvenue à Marie-Galante. 

Nous décidons d’aller à Marie-Galante, comment passer à côté de cette île sans s’y arrêter lorsque les paroles de la chanson de Souchon « Belle-île-en-mer, Marie-Galante » tournent en rond dans nos têtes. Nous avons une vingtaine de miles à parcourir dans le chenal de Guadeloupe, contre le vent et le courant. Nous prévenons Isou que ça va bouger et que la route sera au moins doublée. Nous connaissons bien les pièges des Caraïbes et nous arisons directement la grand voile et le génois. MedioVaS s’éclate dans la houle bien formée, nous un peu moins en voyant le résultat de notre route sur le fond, naviguant nord-est, nous arrivons tout juste à faire du nord … et Marie-Galante se trouve plein est. Après le premier virement de bord, nous ne savons pas si nous nous rapprochons des Saintes ou de Marie-Galante ! Enfin, au bout de trois virements de bords et de six heures de navigation, nous arrivons dans la baie de Saint-Louis.

Isou perfectionne sa maîtrise de la barre. 

Impossible d’y accéder directement, ici ce ne sont pas des pneus en feu qui nous en empêchent, mais des casiers de pêche partout. Après avoir longé pendant un bon moment toutes ces bouées, nous décidons de virer entre deux d’entre elles, et on verra ce qu’il arrive. Pas de filet flottant, tout se passe bien, nous restons à la voile le plus longtemps possible. Quand le terrain est miné, il vaut mieux ne pas faire tourner l’hélice du moteur. Les fonds remontent rapidement, il y a quatre mètres d’eau, Yves roule les voiles et mouille l’ancre.

Nicole, du catamaran Margot, vient nous saluer à bord. Yves veut faire de l’eau, nous le laisserons à cette tâche et partons à terre avec Nicole qui connaît déjà bien l’endroit. Isou est heureuse de retoucher terre et et je lui offre un vrai « ‘ti’punch »local. C’est quand même ici que le meilleur rhum au monde est distillé. Elle est plutôt surprise en voyant nos boissons arriver : deux verres, une assiette avec deux demi-citrons, un petit pot de sucre et un petite bouteille de rhum blanc. C’est comme le filet américain en Belgique, préparé ou à préparer soi-même ? Je fais son petit mélange … waouh, c’est fort ! Je commande un verre de jus de fruit pour diluer le tout.

Dur dur le 'ti punch 

La plage est magnifique, sable blanc bordé de cocotiers derrière lesquels se cachent quelques restaurant-paillotes. Nicole nous en apprend davantage sur les randonnées de l’île et l’on commence à envisager notre journée du lendemain.

La soirée se termine à bord de Margot autour d’un apéritif dinatoire.

Le rendez-vous est fixé à 8h45 au ponton avec Nicole et Robert. Nous trouvons le loueur de voiture, Nicole négocie le tarif et nous partons vers Grand-Bourg, au sud de l’île.

Marie-Galante, Marie-Galande, Marigalant est surnommée « l'île aux cent moulins », « la grande galette » ou encore « le sombrero ». C’est le premier surnom qui m’a interpellée. Pourquoi des moulins ?

Dans un premier temps, l’économie coloniale de l'île se développe autour des cultures du tabac, de l’indigo, du café et du coton. Au XVIIè siècle, c’est la canne à sucre qui prend le dessus. Elle se maintient jusqu’au XXè siècle en s’adaptant à l’abolition de l’esclavage et à la grande crise sucrière de la première moitié de ce même siècle. C’est de cette culture qu’elle a hérité du nom de « l'île aux cent moulins ». En 1818, un peu plus d’une centaine de moulins à vent permettaient de broyer la canne produite par les habitations agricoles. Le jus qui en sortait était alors transformé en sucre ou en rhum. Les premiers moulins étaient actionnés par des boeufs. En 1780 apparurent les moulins à vent, concurrencés par des moulins à vapeur à partir de 1883. Progressivement, les petites sucreries sont restructurées en usines sucrières. En 1931, on comptait dix-huit distilleries et quatre usines à sucre. Comme dans toutes les Antilles françaises, l’agriculture est soumise à une forte concurrence internationale. Aujourd’hui, il reste une sucrerie, l’usine de Grande Anse, et trois distilleries, Belle-vue, Bielle et Poisson. Le rhum blanc produit fait l’objet d’une appellation d’origine simple dont les marques sont Père Labat, Bielle et Bellevue.


Évidemment nous partons à la recherche de ces fameux moulins et donc des usines sucrières et des distilleries.

Sur le chemin de Grand-Bourg, nous nous arrêtons à l’Habitation Roussel-Trianon.

 L'écurie, unique en Guadeloupe, utilisation de pierre et brique
L'auge avec le foin et la stalle avec les chevaux ... modernes 

L’habitation sucrière Trianon date de 1669. Elle appartiendra à Nicolas Bonhomme, un créole marie-galantais, entre 1720 et 1740, puis à la famille Fossecave et enfin à la famille Botreau-Roussel. C’est lui, Paul Botreau-Roussel qui sera le fondateur de la sucrerie Roussel-Trianon à la fin du XVIIIè siècle. L’entreprise est prospère, son moulin à bêtes sera vite remplacé par un moulin à vent (1800) pour le broyage de la canne à sucre. P. Roussel modernise le domaine avec la construction, en 1845, d’une usine à vapeur. A son achèvement, sa sucrerie sera la première des Antilles à être équipée d’appareils à triple effet Derosne et Cail pour les opérations de cuite.

Ainsi, l’on peut constater que la modernisation de l’industrie sucrière a débuté avant l’abolition de l’esclavage. Elle utilise donc pour la partie la plus technique du travail, c’est-à-dire la transformation du vesou (jus de canne) en sucre avec l’aide de la vapeur, des esclaves plus familiers de l’ « ancien système ». Après 1848, c’est la main d’oeuvre, essentiellement composée de « nouveaux libres », qui continue à faire fonctionner une usine performante, en fournissant les ouvriers pour la partie industrielle et les cultivateurs pour les champs de canne.

Le moulin. 
Le parc à bestiaux. 

Cette usine sucrière est une construction unique en Guadeloupe, à la fois par sa précocité (1845) et par ses dimensions. Construite peu de temps après le séisme de 1843 et bien avant l’invention du béton armé, la solidité est recherchée comme en témoignent la dimension des pierres de taille et l'épaisseur des murs. Le bâtiment est édifié en pierres calcaires locales, des pierres de taille forment les chainages d’angles. Les baies possèdent des voutes surbaissées en pierre sur les façades nord et est, et en brique sur les autres façades et l’intérieur.

La sucrerie. 
Vestige d'un des bouilleurs à vapeur.

Le site est somptueux et très bien entretenu. Nous passons un bon moment entre les différents bâtiments. Robert nous en apprend davantage à propos de la végétation et des petites prunes comestibles.

Nous saurons tout sur les petites prunes locales grâce à Robert. 
La taille des pierres et l'utilisation de différents matériaux rend cette usine sucrière unique en Guadeloupe. 

Il faut quand même quitter ce lieu pour avancer, à ce rythme-là nous ne verrons pas beaucoup de moulins.

Yves, au volant de notre bolide roumain sans climatisation, nous conduit à Grand-Bourg. Petite promenade à pied dans la ville, entre marché, église, port, chacun choisit son chemin.

Notre Dame de Marie-Galante. 
Grand-Bourg. 

Nous quittons cette petite bourgade bien agréable pour aller vers une distillerie, elles ne sont ouvertes que le matin. Nous choisissons d’aller visiter la Distillerie Bielle, Robert nous dit que c’est là qu’est fabriqué le meilleur rhum au monde… si c’est un réunionnais qui le dit...

Pas de grands changements ! 
On passe à la dégustation ? 

Malheureusement ce n’est pas la saison du rhum ou de la canne à sucre, mais nous pouvons quand même visiter la distillerie au repos et, bien entendu, déguster les produits ! Heureusement, Nicole et Isou ont acheté de quoi se remplir un peu l’estomac auprès de vendeuses « mobiles » à l’entrée, de bons petits mets locaux.

Des petites informations qui peuvent être utiles.

Nous avons mangé, bu et même acheté du rhum ; nous pouvons partir à la recherche de moulins et de randonnées. Ni les uns ni les autres ne manquent, à Marie-Galante !

Nous partons vers le nord de l’île, à la recherche du moulin Bézard. Mon guide, qui doit être aussi vieux que tous les moulins de l’île, le décrit comme étant encore le seul en état de marche avec ses grandes voiles tournant au vent.

Le moulin de Bézart a perdu ses voiles. 

Construit en 1840, c’est le premier moulin de Marie-Galante à posséder un mécanisme extérieur, trois rolles horizontaux protégés par un auvent, sur le mode des moulins de la Caraïbe britannique. Il ne sera plus utilisé à partir de 1920, et sera fortement endommagé en 1956 par l’ouragan Betsy. En 1995 il est entièrement restauré par les compagnons du Tour de France, mais pas entretenu (pourtant inscrit aux monuments historiques depuis 1976), et le climat dans la région est sans pitié !

Nous croiserons d’autres moulins et distilleries abandonnés, au milieu des champs de canne à sucre, en poursuivant notre route vers Caye Plate. Une petite randonnée nous conduit aux falaises sculptées depuis des milliers d’années par les artistes que sont le vent et la mer.

Caye Plate 

De là, nous poursuivons vers la Gueule Grand Gouffre. J’ai évidemment bien envie de passer par-dessus la barrière, attirée par cet énorme trou creusé par la puissance de la mer, mais mon mari, bienveillant, m’en dissuade. Alors, ce sera une ballade vers d’autres falaises.

Gueule Grand Gouffre 
Et des falaises magnifiques. 

Après tant de mer vue de haut, il est temps de retrouver du sable et des cocotiers, Isou en rêve. Anse Canot nous offrira ce spectacle digne des Caraïbes.

Pour le premier arrêt plage, nous ne serons pas seuls. 
Chat noir contre crabe blanc, baignade dans ce petit paradis d'Anse Canot.

Nous finirons notre visite de l'île affamés. Plus aucun restaurant ne veut nous servir, il est déjà 16h. Nous serons sauvés par la paillote, sur le bord de plage à Saint-Louis, qui veut bien nous servir les derniers plats qui lui restent.

Le lendemain nous allons quitter Marie-Galante, Robert et Nicole décident finalement de nous suivre. Nous ne pouvons pas rester plus longtemps, dans deux jours je vais dépanner une amie vétérinaire…

Partir par un moulin ? Au revoir Marie-Galante, nous sommes conquis !
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Nous avons une quinzaine de miles à parcourir vers Sainte-Anne, en Guadeloupe « Continentale » comme on dit par ici. Le vent sera favorable, au travers, malgré ce courant qui nous pousse toujours à l’ouest.

Yves relève l’ancre : « - haute et claire ». À ces mots, je sors la grand voile avec Isou, pas question de faire tourner l’hélice au milieu de ce champs de casiers et filets de pêche. Yves déroule le génois et nous sommes en route. Les ris sont pris, nous pouvons affronter le vent qui se présentera à nous, en dehors de la baie abritée. Et nous avons bien fait, il y a autour de 20 noeuds et des grains en approche. Nous ménageons toujours notre nouvelle équipière. Sous le premier grain, le vent monte au-delà de 30 noeuds avec évidemment de la pluie. Nous arisons encore un petit peu. Une fois le grain passé, nous sortons un peu de toile. Nous avançons très bien et visons un petit mouillage en face de la plage de la Caravelle, face au Club Med. Il paraît que le lieu fait partie des « immanquables ». Il faut passer entre les casiers des pêcheurs et trouver la petite passe entre la falaise et le récif sur lequel brisent les vagues. Le vent ne diminue pas, les conditions ne sont pas idéales pour tenter cette approche et la baie semble vraiment étroite pour MedioVaS, sans parler de Margot qui nous suit. Nous faisons demi-tour et allons embouquer prudemment la passe de Sainte Anne, pas beaucoup plus grande mais plus facilement identifiable. La baie est vaste mais jonchée des récifs, de patates et de hauts fonds. Nous mouillons dans quatre mètres d’eau, en plein dans le terrain de jeu de l’école de kite-surf, pas trop le choix malheureusement. Margot se trouve derrière nous, mais le mouillage étant un peu rouleur avec cette météo, ils décident de s’approcher de la plage Est de la baie, inaccessible pour nous à cause de notre grand tirant d’eau.


Enfin, nous sommes installés. Je vais rendre visite à ma copine vétérinaire voir comment je peux la dépanner. Yves me dépose pour cela au petit port de pêche. Les alentours semblent très jolis. Il m’accompagne jusqu'à la clinique, histoire de découvrir les environs, et retrouve ensuite Isou qui se promène à Saint Anne.

Baie de Sainte-Anne, nouveau mouillage. 

Robert et Nicole viennent dîner à bord et le lendemain nous dînerons à leur bord.

Je passe deux jours et demi à la clinique vétérinaire, j’y découvre une clientèle très agréable et sympathique. Ça me rappelle un peu le temps où je travaillais à Mayotte. Pendant ce temps, Isou découvre les coins merveilleux tantôt avec Yves, tantôt avec Nicole. Elle a l’air enchantée de pouvoir profiter, entre-autre, de la plage du Club Med. Nicole l'emmène vers Saint François qui cache d’autres pépites.

Nous pique-niquons ensemble face au mouillage en nous appropriant une table d’un restaurant désert jusqu’au moment où le tenancier apparaît. Nous pouvons rester là tant que nous consommons quelque chose. Yves avait prévu du vin blanc dans le sac dégustation, j’opte alors pour un dessert. Après ce magnifique déjeuner surprise, nous finirons avec une superbe glace préparée toute en délicatesse, sans même avoir le choix des saveurs.

Restaurant-pique-nique pour une pause midi bien agréable.

Le samedi 11 nous quittons la baie pour une petite navigation vent arrière, vers l'îlet du Gosier. Après avoir fait plusieurs recherches, je découvre ce petit coin qui fait partie des « incontournables » de la Guadeloupe. Alors, il ne faut pas le manquer. Nous avions oublié que c’était le week-end et nous découvrons le mouillage bondé. C’est l’endroit de prédilection des locaux pour se détendre et faire la fête le samedi soir et le dimanche midi. Nous constaterons que ce n’est pas un mensonge !

Je plonge pour vérifier l’ancre. J’ai un doute quand à sa tenue et demande Yves de faire un deuxième contrôle. Il la trouve bien plantée, entre sable et herbe. Isou plonge également, mais il lui faut ressortir de l’eau : Yves se retrouve nez à nez avec un banc de méduses ! Je descends à terre avec Isou, pas côté îlet mais côté Grande-Terre, pendant qu’Yves refait notre plein d’eau, au doux son du générateur (90 décibels, l’oiseau). Nous débarquons au Gosier et nous visitons cette petite ville bien endormie alors que la plage se réveille. Nous choisissons une paillote pour y déguster un, non deux, punches offerts par Isou. Non seulement ils ont oublié le rhum dans le punch mais, en outre, le prix est exorbitant. Si au moins ils avaient mis la dose de rhum, Isou aurait plus facilement oublié le montant de sa note.

Débarcadère du Gosier avec sa piscine "spéciale jeux". 
Gosier, avec vue sur l'îlet du Gosier

Le soleil commence à frôler l’horizon, il est temps de retourner à bord.

Nous terminons la soirée, comme presque tous les soirs, autour d’un jeu de cartes qu’Isou nous a ramené, le « 6 tu prends ». Nous l’appelons plutôt le « bêtes à cornes ». Vous l’aurez compris, il faut finir la partie avec le moins de cornes de taureau possible. Chacun y tente sa stratégie, parfois ça fonctionne, parfois pas.

La nuit est légèrement bruyante, voire carrément ! Musique à fond sur l'îlet et pour finir, le bateau taxi qui fait ses aller-retour à terre avec la sono au maximum. Le couvre-feu est terminé, c’est la belle vie !

Au réveil, il faut décider si nous allons vers Point-à-Pitre ou si nous restons encore une nuit ici. Beaucoup de bateaux quittent le mouillage, on se dit que l’on est bien là et que nous devons visiter ce petit bijou.

Notre valeureux MiniVaS nous embarque tous les trois et nous attendra patiemment, amarré au ponton du fameux bateau-taxi avec ses amies les annexes. Nous partons à la découverte de l'îlet du Gosier. Ce petit bout de rocher bordé d’une superbe plage de sable blanc et de cocotiers n’a qu’un seul habitant permanent, son phare.

Phare du Gosier. 

Le premier feu est construit en 1852, à 17 mètres de haut. L’intensification du trafic maritime au cours du XIXè siècle rend le balisage de l'îlet du Gosier essentiel pour la sécurité des bateaux et des équipages atterrissant dans la rade de Point-à-Pitre. Mais ce feu est régulièrement endommagé par les tempêtes qui balayent l’archipel. En 1876, des études préparent son remplacement. En 1882, le second phare de l’îlet prend son service. Il est mieux construit et son feu culmine à 24m de haut. Mais les cyclones se suivent, il faut bientôt remplacer sa lanterne. En 1973 il est entièrement automatisé. Le passage du cyclone Hugo, en 1989, a mis fin au gardiennage. Depuis 1991, le balisage est télécommande et automatisé, notamment grâce à des panneaux solaires installés sur les anciens logements des gardiens.

Une équipière égarée ? 

Les deux derniers gardiens du phare ont exercé de 1960 jusqu’à 1991. L'îlet était un petit bout de paradis qu’on leur offrait. A l‘époque, ce merveilleux endroit n’avait rien à voir avec la carte actuelle. Il était bordé d’un banc de sable blanc sur toute sa partie Est. C’était le lieu préféré des naturistes et également des hélicoptères qui venaient s’y poser en exercice. Mais le cyclone Inez passe par là en 1966 et fait disparaître le banc de sable.

Sable, roche et mangrove entourent l'îlet. 
Petite randonnée. 

Après cette belle promenade, nous profitons de la plage et d’une grande traversée à la nage pour explorer les fonds. J’arrive presque à la barrière de corail, il n’y a vraiment pas beaucoup de fond pour nager. La nature a du mal à reprendre le dessus mais je vois quand même de petits coraux naissants et une multitude de poissons. Évidemment, après tout ce sport, il faut goûter au punch et déguster quelques acras.

Punch et acras avec vue ... 

Lundi matin, il est temps de rallier Point-à-Pitre. La route est très courte et nous la faisons au moteur. Nous trouvons facilement le mouillage. Il nous faudra mouiller par deux fois, l’ancre crochant plutôt mollement dans la vase très molle. Point-à-Pitre a la réputation d'être une « puits à grains » et nous le constaterons rapidement. Tous les nuages accumulés sur terre viennent éclater ici. Ces derniers jours, la météo n’est pas terrible en Guadeloupe. Entre deux averses, Yves va explorer les endroits où nous pourrons débarquer tout en laissant MiniVaS en sûreté. Pour ma part, j’ai décidé de rester à bord. Il est temps pour moi de songer à ma valise, pour mon retour en Belgique, et cela demande beaucoup de déplacements de sacs à voiles. Après le déjeuner et toujours entre deux averses, Yves dépose Isou à terre. Elle va découvrir la ville, tandis que nous commençons les différents mouvements de sacs entre les cabines. J’en profite également pour faire un bon coup de propre dans le bateau, les parois accumulent de la poussière ainsi que les cales ; et l’humidité, notre ennemi premier, favorise l’apparition de petits champignons.

Isou revient à la tombée de la nuit. Elle nous raconte sa promenade entre émerveillement et surprises, le tout agrémenté de photos.

Mardi, c’est notre jour J, celui du départ. C’est un vol de nuit, nous avons donc une bonne demi-journée pour nous promener et profiter de l’ouverture de quelques musées. Mais avant cela, nous devons vérifier où se trouve notre arrêt de bus pour l’aéroport. Je cherche également une pharmacie où l’on pourrait recevoir notre troisième dose du vaccin mais en vain.

Alors, en route vers le musée, plus précisément vers le Mémorial ACTe ou « Centre caribéen d'expressions et de mémoire de la Traite et de l'Esclavage ». Il semble que personne ne sache ce que ACTe signifie...

Memorial ACTe 

Le mémorial est né sous l’impulsion du « Comité international des peuples noirs », mouvement indépendantiste. Il sera concrétisé sous l’égide de la région Guadeloupe.

Le 27 mai 2008, en mémoire au décret d’abolition de l’esclavage du 27 avril 1846, la première pierre est symboliquement posée à l’emplacement de l'ancienne usine sucrière Darboussier où le travail forcé existe toujours au XIXè siècle. Le mémorial est terminé en 2015. À l'occasion de la commémoration nationale de l'abolition de l'esclavage, le Président de la République inaugure le Mémorial le 10 mai 2019 en présence des chefs d'État d'Haïti, du Sénégal, du Mali et du Bénin.

Nous nous promenons très lentement de salle en salle, l’audio-guide nous plonge dans l’histoire de l’esclavage dans le monde et dans le temps, en y mêlant celle de la Guadeloupe. Le texte est envoûtant ainsi que les photos, sculptures et peintures. Nous y apprendrons également beaucoup sur l’usine Darboussier.

Quelques faits. 
Quelques oeuvres. 

Nous quittons le mémorial en traversant le quartier du Carénage, quartier dit « chaud » surtout la nuit. Le quartier du Carénage est né aux XIXè et XXè siècle. L’activité croissante de la ville, du port et l’ouverture de l’usine sucrière Darboussier en 1867, qui employait sept cents personnes pour une rémunération considérée comme la plus haute de la région, attirèrent une main d’oeuvre de plus en plus nombreuse. Cette dernière cherchait à s’installer à proximité de son lieu de travail. La période de grands travaux qui succéda au cyclone en 1928 provoqua un nouvel afflux de candidats. Les terrains marécageux furent ainsi occupés sans qu’ils soient vraiment assainis. Les nouveaux venus édifièrent leur logement avec des matériaux sommaires. Rien n’a bougé jusqu’en 2000, année du lancement de l’opération de Résorption de l’Habitat Insalubre. Les travaux se font lentement, mais ont permis d’apporter la salubrité. Malgré la mise en place de logements locatifs, le quartier a gardé l’âme, la trace, la morphologie hérités de l’usine Darboussier.

Des cases repeintes font face à des bâtiments flambants neufs. Des zones en friches et des maisons en ruines attendent patiemment un meilleur destin. En attendant, elles nous offrent une dernière vision authentique, avant l’apparition d’une énième plantation de logements sociaux.

Les unes côtoient les autres. 

Nous traversons ce quartier alors que les commerces, les lolos et certains bars s’activent dans une ambiance populaire, toutes générations confondues. Côté mer, toutes sortes d’activités nautiques s’affairent, des formes de radoub pour l’entretien, le carénage ou le démantèlement de bateaux.

La régate est toujours très présente. 

Nous admirons plusieurs belles fresques réalisées par des graffeurs de renom, qui rappellent que Point-à-Pitre encourage fortement l’Art du Graffiti et le Street Art.

La rue est une exposition à ciel ouvert. 

Nous arrivons Place de la Victoire. Créée en 1763, elle eut plusieurs noms : Grand-Place, Place Sartine (ancien ministre de la Marine et des colonies), Place de la Victoire en 1794, sous l’influence de Victor Hugues. À cette époque, des arbres sabliers y sont plantés comme symbole de la liberté, célébrant la première abolition de l’esclavage. En 1813, sous l’occupation anglaise, elle prend le nom de Place John Skinner, nom de major général gouverneur de la Guadeloupe. Mais elle reprendra son nom très rapidement.

Place de la Victoire. 

Nous déambulons autour de la place pour la quitter en nous dirigeant vers la Cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul. En fait, elle n’a jamais été consacrée mais l’église est appelée localement cathédrale. Construite au même emplacement que celle détruite par Victor Hugues en 1794, les travaux débutent en 1807. Ils sont interrompus en 1810 suite à la prise de l'île par les Britanniques. En 1814, les travaux reprennent sur des nouveaux plans dessinés par l’architecte Nassau, pour se terminer en 1817. Le tremblement de terre en 1843 endommage fortement le bâtiment qui nécessitera de nouveaux travaux. En 1865, en raison de problèmes de structure du toit, une profonde restauration est confiée à l’architecte Trouillé. Il propose une structure métallique réalisée par la maison Joly en métropole. Les travaux se terminent en 1876 et l’église se voit adjointe d’un clocher réalisé par la même maison.

Cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul. 

L’heure tourne et nous allons reprendre des forces dans un petit restaurant local, ce qui nous permet de découvrir de nouvelles saveurs, dont le riz jonjon (apparemment au champignon du même nom).

Nous continuons notre promenade dans la ville vers le musée Victor Shoelcher, journaliste et homme politique français. Il fut un grand défenseur de l’abolition définitive de l’esclavage en France. Malheureusement, le musée est fermé mais nous pouvons admirer la magnifique maison pontoise qui l’abrite, datant de 1883.

 Musée Victor Shoelcher

Nous nous arrêtons au marché Saint Antoine, autrement dit le marché aux épices, situé en plein centre ville. Nous assistons, sous la grande halle métallique, à une exposition de couleurs entre safran, gingembre, poivres, feuilles de thé, piment, cannelle, et les marchandes de madras, de fruits et de légumes. Je m’arrête auprès de la marchande de rhum et de punch pour faire mon petit stock.

Sur le chemin de retour au bateau, je suis absorbée par le Street Art, il est vraiment très présent et d’une grande puissance.

Des trésors sur les murs le long des rues. 
Tronçon d'histoire méconnue. 

Isou et moi terminons nos bagages. Les grains sont proches. Et ça ne loupe pas, Yves nous dépose au plus près du bus, nous faisons quelques pas... et la pluie commence doucement pour se terminer en trombe. Nous nous protégeons sous un gros arbre. Après ce passage bien humide, nous attendons notre bus qui arrive en avance. Une heure de route plus tard nous arrivons à l’aéroport, juste à temps pour passer au centre de vaccination pour mon second rappel ! Yves viendra lui-aussi le lendemain pour sa troisième dose.

Nos meilleurs voeux pour l'année à venir !  
14

31 décembre 2021, j’atterris à Point-à-Pitre vers 19h avec dans mes bagages, mon amie Nathalie de Normandie. Un peu de retard nous vaut un nouvel an aux heures parisiennes, dans l’avion ; rien de très impressionnant, quelques applaudissements pour faire passer le temps aux passagers fatigués que nous sommes. Enfin débarquées et valises à la main, nous partons à la recherche du taxi que j’avais réservé. Bienvenue dans les DOM, le taxi n’est pas là. Un charmant monsieur répond à mon appel téléphonique, mais malgré la confirmation que j’ai reçue par mail, il n’est pas au courant. Qu’importe, les taxis ne manquent pas. Nous sautons dans le premier venu et il nous dépose au point de rendez-vous fixé par Yves, le Carrefour Market de la marina.

Nous embarquons notre lourd chargement dans MiniVaS. Nathalie maîtrise bien notre mini-embarcation malgré l’obscurité bien installée ; elle a fait son apprentissage lors d’une visite à Mayotte.

À bord, nous déballons le plus important : champagne et fois gras, vite au frais ! Yves ayant déjà fait le plein, nous serons obligés de doubler les rations.

La fatigue se fait sentir, mais l’heure de la fin de l’année est proche. Yves nous prépare des toasts, fois gras, saumon et il sort son champagne glacé. Le mouillage est très calme, la playlist d’Yves l’anime un peu dans notre baffle. Minuit sonne, nous sommes entourés de feux d’artifice, il en sort de tous les côtés. Les fêtes publiques ont été interdites par le Premier ministre, il semble que les particuliers aient récupéré toutes les fusées ! Vers une heure du matin, nos paupières lourdes nous obligent à rejoindre nos cabines.

Bonne année à tous et toutes !!!

Traditionnellement, le premier janvier est une journée importante en famille pour les Guadeloupéens. Pas de tourisme donc, tout sera fermé. Et, comme d’habitude, Grande-Terre est sous les nuages, avec des risques de grosses averses. Nous décidons de partir aussitôt vers l'îlet du Gosier. Nous connaissons l’endroit, nous ne prenons pas trop de risques, c’est beau.

L'îlet du Gosier et son phare. 

Le petit et unique restaurateur est en train de balayer et fermer, la nuit précédente fut trop longue. Je me rabats auprès d’une vendeuse de punch coco et biscuits locaux.

Nathalie a l'air heureuse ! 

Le 2 janvier, nous naviguons vers Les Saintes. Le vent est bien présent, entre 15 et 20 noeuds au portant, idéal pour remettre Nathalie à la barre afin qu’elle retrouve les sensations. La forte houle de travers ne lui facilite pas la tâche mais elle se débrouille très bien. J’ai repris contact avec le catamaran Margot, ils font route vers les Saintes également.

Ah oui, faut rester concentrée ! 

À midi quinze, MedioVaS est amarré à une bouée. L’eau est cristalline, un petit plongeon s’impose avant de déjeuner et de débarquer. À terre, le bureau pour obtenir la clearance est fermé, c’est dimanche ! Nous croisons Nicole qui déjeune au restaurant avec Robert, son cousin et son épouse qui sont venus leur rendre visite pour les fêtes. Ils sont en manque de pain pour nous inviter le soir à leur bord… Qu’à cela ne tienne, nous trouverons le pain, plus d’excuse !

Petit pas de danse au rythme de la musique dans les rues des Saintes. 

Nous poussons la promenade jusqu'à la baie du Marigot. Avec Nathalie, nous décidons même d’escalader la colline vers le fort Charlotte.

Baie du Marigot, et sa porte ? 

La vue y est époustouflante, une longue plage de sable blanc bordée d’une magnifique cocoteraie se dessine sous nos pieds. Nous prenons le chemin vers cette plage avant de retrouver Yves.

Ruine du Fort Caroline 
Plage de Pompierre et Terre-du-Haut. 

Le lendemain, Yves et Nathalie vont escalader courageusement une autre colline pour visiter le fort Napoléon. De mon côté, je visite le bureau LSM pour payer nos trois nuits, avant de prendre un peu de repos.

Après le déjeuner, nous déroulons le foc direction le Pain de Sucre. Nous sommes encore en période de vacances scolaires, nous craignons ne pas trouver une bouée libre. Le mouillage est entouré de super-yachts. Fort heureusement, ils sont trop grands pour les bouées et sont obligés de mouiller l’ancre. Ainsi, nous trouvons un bouée bien placée, baignade au milieu des poissons !

Au palme du Pain de Sucre 

Nous bouclerons le tour des Saintes par l'îlet à Cabri. De notre mouillage sous le Pain de Sucre, nous surveillons les bateaux du mouillage cible, toutes les bouées étant prises. Mais il commence à y avoir des départs et déjà des arrivées. Nous larguons notre bouée, en route plein pot vers ce petit mouillage. Une bouée est libre, très proche des patates et de la petite falaise, nous nous y amarrons en serrant un peu les fesses. L’eau est claire et pure, nous pouvons apercevoir le moindre relief sous-marin.

Nous n'aurons pas beaucoup de coup de palmes à faire ... 

Palmes et tuba, je plonge avec Nathalie pour explorer tout cela. C’est une merveille, il est rare d’avoir une eau aussi claire. Etoiles de mer, murène, demoiselles, poissons perroquets, tout le monde est présent. Les coraux resplendissent dans la lumière. Nous nageront jusqu’à une mini-plage un peu plus exposée au vent et au courant. Pendant ce temps, Yves-le-courageux fait le plein d’eau dessalée.


Superbe ! 
Petite plage pour nous détendre. 
Super Yacht en tous genres. 

Il nous reste du champagne et du fois gras qui seront dégustés en haut de la colline, au soleil tombant, contre les murailles du fort Josephine. C’est un peu un deuxième nouvel an, le ciel nous envoyant un feu d’artifice de couleurs. Nous ne sommes pas seuls au coucher du soleil et notre pique-nique fait bien des envieux.

Cheers... 
Meilleurs voeux (bis). 

Les Saintes, c’est fini. Nous allons maintenant vers le nord puis à l’ouest. Nous avions planifié une nuit à l’anse la Barque puis deux nuits à Deshaies. Nathalie avait réservé une voiture pour visiter Basse-Terre et se baigner dans une cascade. Le rêve … Je regarde les prévisions météo de la semaine à venir et il est annoncé 25 noeuds de nord-est tournant nord. J’expose les possibilités à Nathalie : soit partir jeudi avec un vent portant mais pas d’escale pour se baigner sous une cascade, soit partir le samedi avec un vent fort et une mer de face. Nous avons cent vingt milles à parcourir, avec une navigation de nuit, ce n’est pas facile. Et hors de question de partir vendredi, superstition… c’est l’option prudente qui gagne.

Nous quittons les Saintes, tôt dans la matinée, vers Deshaies, dernière étape en Guadeloupe, une belle navigation de 30 milles, vent de travers. Nous doublons l’anse La Barque qu’Yves avait eu l’occasion de visiter avec ses enfants pendant les vacances de Noël . Nous observons la Soufrière, le volcan toujours caché dans son nuage. Nous hésitons à faire une halte dans la réserve Cousteau qui, paraît-il, est magnifique, mais il y a un peu trop de vent.


Nous arrivons finalement à Deshaies. La baie est splendide… et envahie de bateaux. C’est le port d’entrée et de sortie favori des plaisanciers, il a foule. À terre, nous déambulons dans la rue principale et nous trouvons l’échoppe dans laquelle le vieil ordinateur nous attend pour obtenir la clearance de sortie.

Deshaies, notre port de sortie. 

Nous terminerons la soirée avec un punch-planteur sur une terrasse au bord de mer, avant d’y déguster un colombo de poulet.

Au revoir Guadeloupe. 
15

Jeudi 6 janvier, nous appareillons à 8h00 vers une autre île française, St Barth. La météo tient ses promesses, vent Est-Sud-Est, 8 à 10 noeuds. Nous profitons de cette tranquillité pour déguster la galette des rois.

Ce sera une reine, la "Reine des mer Caraïbes". 

Le genaker fait sa sortie en milieu de matinée. Comme prévu, le vent forcit un peu vers midi et tourne à l’est, pour notre plus grand bonheur, nous pouvons naviguer travers au vent. Monserrat et Antigua doublées, nous pouvons abattre légèrement en direction de Saint Barthélémy.

Entre soleil et lune.

Peu après la tombée de la nuit, nous roulons le genaker. Le vent monte à 18-20 noeuds et la mer des Caraïbes se dévoile. Nathalie participe avec entrain à nos quarts, tout en se reposant comme il se doit. MedioVaS file, guidé par Popov, il surfe sur des vagues de deux à trois mètres, sa vitesse moyenne sur l’eau est de 6 noeuds. Et devinez quoi ? Nous arriverons de nuit à Saint Barthélemy !

Il est trois heures du matin quand je prends la relève du quart. Yves m’annonce une arrivée dans les deux heures. Nous pouvons déjà apercevoir les lumières des feux de mouillage tant ils sont nombreux. Il reste un peu moins de vingt milles à parcourir. La mer se creuse sur le plateau de Saint Barth et le vent aime flirter avec les 25 noeuds. MedioVaS accélère. Je ne réduis pas encore les voiles, il faut pouvoir rester rapide dans la houle. Tout se calme lorsque nous arrivons sous le vent de la terre. Je réduis fortement pour ralentir, mais rien n’y fait, MedioVaS est encore trop rapide, l'écurie est proche. Vient alors le moment des ronds dans l’eau. Le jour se lève mais les grains aussi, je finis trempée. Yves prends la relève, il met à la cape, sur un bord puis l’autre. Une fois séchée et changée, nous entrons dans le mouillage. C’est une exposition de super-mega-hyper-monstrueux-yachts ! Nous cherchons un petit trou entre les voiliers pour mouiller l’ancre. C’est chose faite, vendredi 7 janvier à 06h35, l’ancre repose dans sept mètres d’eau, devant la port de Gustavia.

Nous trouvons notre place parmi les plus petits. 

Saint Barthélemy n’était pas une escale prévue dans notre plan de route. Nous y venons parce que nous avions fait cette promesse à Nathalie. Je dois avouer que, encore toute fatiguée au petit matin, je suis déjà émerveillée par la beauté qui nous entoure et la couleur de l’eau.

Saint Barthélemy n’est pas un DOM. Elle était une commune et arrondissement du département de la Guadeloupe jusqu’en 2007 où elle deviendra un COM, une collectivité d’outre-mer. En 2012, elle rejoint le statut des PTOM, pays et territoires d’outre-mer, située donc en dehors de l’Union Européenne et permettant à la collectivité de bénéficier d’une compétence douanière. Malgré son statut de PTOM, elle maintient l’Euro comme monnaie, grâce à un accord entre l’Union Européenne et la République Française.

L’île sera dévastée, le 6 septembre 2017, par l’ouragan Irma. Nous ne verrons plus de séquelle de son passage, les habitations ayant été entièrement rebâties. Les moyens financiers sont bien existants.

Nous réarmons MiniVaS de son moteur et je descends à terre avec Nathalie, à la recherche de la capitainerie, afin d’y faire notre entrée. Nous trouvons le petit ponton de la capitainerie caché derrière les supers- yachts. J’avais déjà fait l’essentiel sur la plate-forme internet, il ne reste plus qu'à imprimer et faire signer. Nous sommes accueillies très froidement, mais tout est fait. Les papiers en main, nous partons à la recherche d’une boulangerie. Bizarrement, elle n’est pas toute proche. Cela nous permet de découvrir la rue principale, encadrée de boutiques aux vitrines somptueuses. Nous constatons rapidement qu’aucun prix n’est affiché…

Baguettes et pains au chocolat en main, nous retrouvons Yves resté à bord pour surveiller si le mouillage tient bien. Un bon petit déjeuner, une petite heure de repos pour moi et nous partons visiter St Barth.

Le "village". 

Nous tombons évidemment dans le piège, happée par les boutiques. Yves, plus prudent, arpente le chemin qui longe la marina et admire les bateaux… sans carte bancaire ! Nos petits sacs d’emplette à la main, nous allons déjeuner au mythique « Bar de l’oubli », le bien nommé, avant une promenade digestive dans les ruelles de St Barth.

Tu ne vas pas à St Barth sans t'arrêter au Bar de l'Oubli, juste pour oublier les dépenses faites l'heure précédente. 

L'île ne fait que 21 km² mais elle est riche d’histoire et l’on en retrouvera les traces en se promenant.

Lors de son deuxième voyage, en 1493, Christophe Colomb découvre les petites Antilles et Ouanalao, île sauvage, peuplée par les indiens Caraïbes. Il rebaptise l'île du nom de son frère Bartoloméo et part pour d’autres aventures.

En 1648, Philippe de Longvilliers de Poincy, officier de marine, administrateur colonial français et lieutenant général des Isles d’Amérique, souhaite s’installer sur l’île. Il confie à Jacques Gente le soin de s’y établir avec une cinquantaine de colons. L'île est alors gouvernée par les Hospitaliers de l’ordre de Saint Jean de Jerusalem. En 1656, les Amérindiens, Arawacks et Caraïbes, massacrent les habitants. Elle est abandonnée jusqu'à la trêve de 1659, date à laquelle elle redevient une colonie française. Le sol est pauvre, le climat rude mais elle demeure un point stratégique dans le nord des Petites Antilles, surtout par son port, Le Carénage, naturellement protégé. Poincy veut alors réitérer l’expérience et y envoie une trentaine d’hommes et de femmes originaires de Bretagne et de Normandie. Ils développent la pêche, l’élevage de chèvres, la récolte du sel, la culture du coton et de l’indigo.

En 1665, Saint Barthélemy est rachetée à l'ordre de Malte par la Compagnie des Indes Occidentales.

En 1674, Saint Barthélemy est rattachée au domaine royal et à la colonie de la Guadeloupe. Elle devient rapidement le repaire des corsaires, des flibustiers et des pirates. En 1744, elle sera pillée par les Anglais. Certains habitants quittent l'île mais ils y retournent vingt ans plus tard, grâce à l’arrivée de Descoudrelle qui la commande et l’administre avec talent. L’espoir et la joie de vivre sont revenus chez ses occupants.

En 1784, le Roi de France, Louis XVI, cède l’île au roi Gustave III de Suède en échange d’un droit d’entrepôt dans le Port de Göteborg. S’ouvre alors une ère de prospérité et d’essor considérable. À la place de l’ancien carénage, Gustave III implante la ville de Gustavia et érige trois forts, Gustaf, Karl et Oscar, du nom des rois de Suède. Le port est nommé Gustavia, en l’honneur du roi, et devient un Port Franc.

Malheureusement, la période faste ne dure jamais. Guerres, catastrophes naturelles, sécheresse et cyclones appauvrissent l’île. Le terrible incendie de 1852 ravage la partie sud du territoire. C’est ainsi que le roi Oscar décide de rétrocéder Saint Barthélémy à la France, après un referendum. Les habitants d’origine française, mais de nationalité désormais suédoise, redeviennent alors Français.

La vie y est difficile entre les caprices du climat, le manque d’eau (pas de source naturelle), les intrusions des flottes anglaises, la révolte des esclaves. Mais rien n’ébranle la volonté de survie : récolte de sel, petit élevage familial, pêche ou tressage de paille. Malgré tous ces efforts, l’économie locale est incapable d’assurer un niveau de vie décent à la population. Certains partent travailler dans les îles voisines, d’autres vont s’expatrier dans les îles Vierges Américaines.

Malgré la misère, conséquences de la grande guerre, et le manque d’eau, le progrès s’installe peu à peu. Des citernes communales sont construites dans les quartiers, des écoles ouvrent leurs portes, des tronçons de routes se dessinent à travers les mornes et la campagne.

En 1946, Haenen ouvre Saint Barthélemy au monde en y posant son avion pour la première fois, dans la plaine de Saint-Jean.

En 1957, David Rockefeller y achète une propriété de 27 hectares pour quelques milliers de dollars. C’est ainsi que commence la transformation de l'île en une destination touristique de haut de gamme.

L'île connait un essor plus important avec les années 80. L’activité touristique devient le moteur de l’économie. Les conditions des écoles s’améliorent, le sport fait une entrée fracassante, une centrale électrique alimente un réseau jusque dans la campagne, l’aéroport ne cesse de se développer. On commence à parler de protection de l'environnement qui est bouleversé par une population qui ne cesse de croître.

Clocher de l'église St Barthelemy et clocher suédois, sa cloche baptisée Sofia-Magdalena en l'honneur de la reine de Suède . 

Ce petit tour dans la ville nous ramène à MiniVas et au bateau. Il est temps de visiter les fonds marins. Pendant que nous chaussons nos palmes, une surprise apparaît dans l’eau : un petit requin. Non ! Je vais examiner celui-ci de plus près, et ouf, c’est un grand rémora. Nous n’en avions plus vus depuis les Seychelles. Et il est vraiment grand. Mais il ne nous privera pas de nager fort heureusement. Je pousse mes palmes jusqu’à l’ancre, elle est bien enfoncée dans le sable. Nathalie observe le rémora, en se rassurant petit à petit, jusqu’à ce que celui-ci nous quitte pour aller retrouver un compagnon.

Je continue de nager un peu quand passe sous moi et MedioVaS une énorme bête accompagnée de son modèle réduit, ils ondulent en rasant le sable. Je préviens Nathalie pour qu’elle observe et surtout me persuader que je ne délire pas. Je m’approche d’eux, mais pas trop. Cette fois, ce sont bien des requins. Après une recherche approfondie dans nos fiches et sur internet, nous déduisons qu’il s’agissait de requins dormeurs ou nourrices, lesquels exactement, je n’en sais rien. Yves, à raison, m’a demandé de ne pas rester dans l’eau et encore moins de les suivre. Je n’en reviens toujours pas et Nathalie non plus, voir des requins !

Nous avons rendez-vous avec nos scooters réservés la veille. Deux beaux scooters de 125cm³ nous permettront de découvrir les recoins de cette petite île de milliardaires. Yves, plus expérimenté, embarque Nathalie sur le sien et j’enfourche le second. Nous traversons l'île d’ouest en est, les avions rasant nos casques en haut des mornes avant de pointer vers la piste d’atterrissage.


« Qu’on me donne la haine pour que j’aime l’amour,

La solitude aussi pour que j’aime les gens

Pour que j’aime le silence qu’on me fasse des discours

Et toucher la misère pour respecter l’argent »


Vous l’avez deviné, notre premier arrêt sera pour Johnny Hallyday au cimetière marin de Lorient. Sa tombe est assez sobre, mais c’est compter sans les fans qui l’ont très largement… « décorée » !

"Que je t'aimeuuu, ....." 

Nous poursuivrons vers les différentes baies, toutes somptueuses. À chaque fois, nous devons pousser les moteurs de nos engins pour passer les mornes, le dénivelé est important et les routes serpentent en pentes sévères.

A Marigot, tu as droit à un bécot, autrement appelle ce numéro. 

À l’anse du Petit Cul de Sac s’annonce un grain en approche. En effet, il nous tombera dessus, ce qui nous fera rater le panneau « piscines naturelles ». Après une petite pause séchage, nous rebroussons chemin et garons nos bolides. Il ne nous reste plus qu'à marcher une petite demi-heure. Nous avons l’impression de fouler le sol de Saint Hélène.

un peu d'élevage bovin, quand même. 
Une plage de coraux qui mène au sentier. 
Un décor de cinéma. 

Les vagues viennent terminer leur route contre cette côte dans un bruit fracassant, creusant des grottes au fil des ans. Les collines sont asséchées par le vent. La roche volcanique, le relief, la déforestation ancienne et les faibles pluies font que l’eau n’est pas retenue. Toutes les forets d’origine ont été détruites par l’élevage caprin et remplacées par une végétation secondaire.

Un peu de hauteur, tout comme les chèvres !

Nous découvrons les piscines sous nos pieds, mais il nous faudra trouver notre chemin entre les parois pour les atteindre.

Chacun trouve sa voie. 

À peine arrivés, Nathalie est déjà en maillot dans l’une d’entre elles. Je la rejoins rapidement. On oublie que nous sommes à Saint Barth, lieu de boutiques de luxe et de super yacht. C’est magique ! Nous profiterons du spectacle et de la baignade pendant une bonne heure.

Un spectacle inouï. 
L'eau est un peu fraîche... 
Non, Yves, c'est fini l'Océan Indien. 

Après la piscine, l’estomac crie famine (d’où l’expression, comme le rappelle Yves). Nous mettons le cap sur les Salines. Un seul restaurant est ouvert, sur les trois prospectés, nous déjeunerons donc au Grain de Sel. Le chef, Eddy, est digne de sa réputation, c’est un vrai régal.

Les Salines 

Nous continuons vers d’autres anses. À l’anse Gouverneur nous rencontrerons notre première tortue terrestre, la tortue charbonnière à pattes rouges. Contrairement à la flore, la faune d’origine de Saint Barthélemy est presque intacte même si elle se raréfie.

Anse du Gouverneur. 

Nous faisons route vers Gustavia. Nous trouvons l’escalier qui monte au Fort Karl. Il ne reste que quelques ruines du passage suédois. De là-haut, la vue est imprenable sur l’anse des Grands Galets, autrement appelée Shell Beach. C’est « la plage où il faut être vu », ce qui est vérifié par la quantité de yacht mouillés dans la baie.

On ne nous y verra pas. 

Nous voulions également visiter le Fort Oscar mais il est transformé en gendarmerie-avec-vue-sur-mer. Nous continuerons donc vers le phare de Gustavia. Il domine la rade de Gustavia, où MedioVaS nous attend patiemment. Ce phare fonctionne encore. Mais, honnêtement, lors de votre approche de nuit, nous ne l’avons pas vu. Sa lampe est si faible qu’elle se confond avec les lumières de la ville.

Le phare de Gustavia, surplombant la rade de Gustavia. 
On ne se lasse pas de regarder de haut.  
Il y a toujours un canon qui pointe MedioVaS, pavillon français pourtant ! 
Et des tortues en réunion ou qui s'abreuvent, chacune à sa manière . 

Un autre gain nous tombe dessus. Et dire que l'île manque d’eau et que nous sommes en saison sèche ! Nous nous mettons à l’abri, le temps de le laisser passer et partons faire le plein des scooters, près de l’aéroport. Nous arrivons à les rendre à notre loueur sans dégâts. Ouf, la caution pour les deux permettait presque d’en acheter un neuf !

Quand même, elles ont aussi droit à une petite photo. 

Dimanche 9, retour à la capitainerie pour y faire notre sortie. Nous partons vers la pointe nord-ouest de l’île, la célèbre anse du Colombier. L’accès à cette anse ne peut se faire qu’en bateau ou à pied. Une courte navigation, sous génois seul, nous suffit, pour y prendre une bouée à 10h30. Les tortues vertes nous souhaitent la bienvenue.

Nous avons repéré une belle promenade à flanc de collines, longeant la mer, jusqu'à l’anse des Flamands. Nous chaussons nos bonnes chaussures et Yves nous dépose sur la plage. Les couleurs dans l’anse du Colombier sont superbes, une eau turquoise bordée de rochers, on se croirait aux Seychelles. Et lorsqu’on lève les yeux, ce sont des pâtures qui apparaissent, comme un petit bout d’Ecosse sous les tropiques.

Nous suivons le sentier de la côte sauvage, exposée aux vents. Nous arrivons à la Petite Anse, plus qu’une colline à passer pour arriver à l’anse des Flamands, que l’on aperçoit déjà.

Waouh, c'est beau !! 
Toujours les mêmes au rendez-vous. 

En levant la tête, nous apercevons la fameuse propriété Rockfeller. Elle trône au dessus de la baie du Colombier.

Enfin, nous arrivons à la plage de sable blanc et ses quelques cocotiers. Nous marchons sur la route qui la longe de bout en bout, jusqu'à entrer dans la propriété du prestigieux hôtel Le Cheval Blanc. Mais aucun accès à la plage ne se présente à nous.

Les Flamands sous trois angles différents. 

Nous rebroussons chemin jusqu’à trouver le seul et unique passage à la mer. Elle est agitée, elle se brise avec force sur la plage. Nous ne pourrons pas profiter d’une baignade au calme. Nous décidons de retourner vers le bateau tranquillement.

La baie du Colombier est nettement plus calme, elle est parfaite pour se baigner. C’est notre dernière nuit à Saint Barth.

Pendant ce temps, Yves a rempli des réservoirs d’eau, nous allons pouvoir les vider en se lavant les cheveux !

Et Snoopy et son ami font le plein également ! 

La soirée se déroule autour du fameux « jeu de cartes à cornes ». Nathalie commence à bien le maîtriser, l'adversaire deviens de plus en plus redoutable et nous devons être de plus en plus vigilants. Nous la terminerons devant un film, « L’Arnacoeur ». Ce film éveille en nous l’envie de revoir « Dirty Dancing »…

Au revoir St Barth, ton île est une petite merveille.  
16

Après trois jours au paradis des boutiques et des super-yachts, nous hissons les voiles vers Tintamarre, à dix-huit milles de notre mouillage du Colombier. Nous naviguons au vent de l'île Fourchue, ayant décidé de ne pas nous y arrêter. MedioVaS file bon train, poussé par quinze noeuds de vent. Nathalie est à la barre, très concentrée dans la grosse houle venant de l’Atlantique.

Tintamarre fait partie de la « Réserve Naturelle de Saint Martin ». Nous devrions d’abord faire notre entrée au port de Saint Martin, mais ce petit bijou se trouve sur notre route. Nous nous attendons à un mouillage très encombré, il n’en est rien. Nous avons le choix des bouées.

Tintamarre, nous arrivons. 

À peine arrivés, Nathalie saute à l’eau. Elle nage les deux cents mètres qui nous séparent de la plage de sable blanc, bordée d’un cordon de raisiniers d’un vert intense. Je pars la rejoindre, après avoir vérifié la bouée qui n’est pas parfaite, un toron est rompu.

Nous nous promenons sur le sentier de cette île inhabitée, vers la côte au vent. Une vielle bâtisse en ruine, souvenir d’un ferme de poulets, alimente le décor. Nous arrivons au Sud, une magnifique barrière de corail, les Cayes, forme un lagon peu profond.

Nous sommes conquises. 
Nous agrandissons les constructions préexistantes . 
L'autre côté de l'île . 

Tintamarre est plate comme une galette, aride et sauvage, recouverte d’une savane durcie par l’air marin. Tout cela pique un peu sous nos pieds nus. Nous décidons de revenir plus tard, avec nos chaussures de plages, pour l’explorer plus profondément.

Aïe ... 

Je retourne au bateau retrouver Yves. Nous plongeons ensemble et il confirme le risque de rupture du câble de notre bouée, ce sont deux torons sur trois qui forment des « gendarmes ». Nous décidons de déplacer MedioVaS plus tard dans la journée, lorsque d’autres bouées se libéreront. Nous partons retrouver Nathalie pour explorer les fonds marins de la partie nord. L’alizé ne se repose pas et lève un fort clapot, ce qui rend l’eau un peu trop trouble.

La nage contre le courant est sportive. Malgré tout, nous pouvons voir de beaux coraux et de gros poissons. En sortant la tête de l’eau nous voyons la bouée idéale se libérer. Nous abandonnons Nathalie sur la plage et nageons au plus vite vers le bateau.

Plus besoin de crier pour couvrir le bruit du moteur et du guindeau. 

La manoeuvre est facilitée par les super casques intercom que le père Noel belge nous a offert. Amarre larguée, amarre à poste… MedioVaS va trôner au pied d’un promontoire rocheux couvert d’une terre rouge, qui tranche avec le sable clair de la bien nommée baie Blanche. Nous pouvons y apercevoir quelques pailles-en-queue qui nichent dans les anfractuosités de la roche, seul point élevé de l’île.

Yves me dépose en MiniVaS, cette fois-ci, sur la plage, chargée de chaussures de plage et de mon petit drone. Nathalie s’est endormie, je la réveille avant qu’elle ne fasse de l’ombre aux couleurs rouge du rocher.

Je lance le drone, trop contente. Mais, grosse déception, la caméra tremble. Après de nombreux essais et plus de batterie, j’abandonne. Je me rendrai compte plus tard que j’ai été vraiment blonde sur ce coup : j’avais laissé la protection de la caméra en place pendant les vols. Mais j’ai quand même quelques photos, enfin ! Le vol de drone est interdit au-dessus de quasiment toutes les îles. De par leur petite taille, elles ont toutes un aéroport « pas loin » et le drone est programmé pour respecter une distance de sécurité toujours trop courte.

Enfin MedioVaS vu de haut , (derrière lui, Saint Martin) .
Tintamarre vu du ciel. 

Nous partons explorer cette vaste galette. Il nous faut d’abord trouver le sentier caché derrière les raisiniers. Nous arrivons dans cette vaste plaine, couverte de plantes à picots. Nous longeons un ancien muret des bâtiments d’une vieille ferme de coton datant du XIXè siècle. Il nous conduit vers une forêt de Gaïacs (arbres protégés). Nous découvrons au sein d’une petite clairière une carcasse d’avion.

L'aéroport "Le Beau Larbi" ? 

L’histoire nous raconte que sur ce petit plateau calcaire (1,2 km²) de sédiments marins, le pilote et aventurier Achraf, dit « Le Beau Larbi », avait créé un terrain d’aviation dont nous pouvons voir les vestiges. Le Beau Larbi avait lié une alliance avec Kevin Dolci de l'île Pinel (petite île à l’est de Saint Martin) et la reine de Saba, Andrea Castellanos, pour lutter contre la soeur ennemie, Cassandra Dolci, connue sous le nom de « Cassou La Sanguinaire ». La guerre dura trente ans, jusqu’en 1515. C’est ce même homme qui créa la piste de St Barth et de Saba. La piste de Tintamarre sera laissée à l’abandon après la construction de l'aéroport de Grand Anse.

Nous continuons notre chemin vers la mer au vent de l’île. Il est difficile de suivre un sentier, il devient inexistant. Sur la plage, une épave git sur le sable, un voilier qui n’a pas dû être assez prudent.

Au vent de l'île, c'est une plage de sédiments marins. Un jour il deviendront du sable. 

Nous suivons la plage jusqu’à trouver ce qu’il nous semble être le bon chemin. Nous apercevons les mâts et coupons à travers les épineux jusqu'à retrouver la baie Blanche. Yves vient nous chercher en annexe.

 Avec le soleil couchant, le rocher nous dévoile son ocre vif contrastant avec le blanc du sable. Le spectacle est saisissant ! Et...

Nous terminerons la soirée devant … « Dirty Dancing ». Un autre moment fort en émotions !


Au revoir Tintamarre, demain nous partons visiter ta voisine qui accueille déjà le soleil.
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Nous ne voulons pas abuser d’un si beau mouillage sans faire notre entrée à Saint-Martin. Le 11 janvier nous larguons la bouée et naviguons vers le sud, toutes voiles dehors. Nous arrivons dans la baie de Marigot en fin de matinée. Au programme : demander la clearance. Nous mouillons au nord de la baie, là où il y a très peu de bateaux et moins de houle. MiniVaS nous emmène à terre, dans la marina du Fort-Louis. Cette marina se donne des allures de Dubaï. D’ailleurs, on se fait gentiment virer des lieux, nous ne sommes pas membres. Nous trouvons le ponton pour dinghy aux pieds du marché de Marigot.

Nathalie se promène au milieu des étals colorés du marché. Yves cherche un petit restaurant local. De mon côté, je cherche le poste douanier. L’indication de Google Map me conduit tout droit au cimetière, la douane est dans la tombe !

Je retrouve Yves et Nathalie installés dans un lolo. Nous pouvons enfin déjeuner d’un bon combo poulet et crevettes à l’ail. Je fais une longue promenade digestive jusqu’au port de commerce, à l’autre bout de Marigot, toujours à la recherche de mes papiers d’entrée. L’accueil est très sympa et, en cinq minutes et 25€, j’obtiens le beau document. J’apprendrai plus tard que le Shipchandler du coin fait le même gratuitement...

Le Mc Do a du prendre la place de ce petit lolo (restaurant local) 
Au rond point, prendre la troisième sortie.  

Nathalie et Yves ont trouvé un glacier au pied du Fort-Louis, face à la baie. Après une petite séance photo des stars des quais, les magnifiques varans, j'ai aussi droit à ma petite glace.

Séance Photo, on prend la pose . 

Nous partons visiter le Fort Louis qui domine la baie. En 1765, le chevalier Descoudrelles organise la défense de la petite cité de Marigot. Il installe trois batteries à des endroits stratégiques : la falaise de point Bluff, sur le morne Rond et sur le morne de Marigot. En 1789, le chevalier de Durat, gouverneur de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, fait construire le fort Louis pour défendre les entrepôts du port où sont stockées les récoltes des habitants (sel, café, rhum, sucre de canne).

Au cours du XIXè siècle le fort fût restauré mais il tomba plusieurs fois aux mains des anglais qui venaient d’Anguilla pour piller ses entrepôts.

Les forts sont toujours en hauteur ... 

Un belle petite montée et nous y sommes. La vue sur la marina et la baie est somptueuse. On se croirait en effet dans un Dubaï miniature.

Et toujours ces canons qui pointent... Nous pouvons découvrir également la partie hollandaise de l’île, à quelques encablures, de l’autre côté de cette frontière purement virtuelle.

La vue ... 
Et le Fort. 

Après tant d’émotions, nous retournons flâner au milieu du marché. MiniVaS nous attend et nous ramène à bord. Yves, du haut du fort, avait repéré un bateau ami… oui, oui, c’est Nomandica ! Nous les avions connus à Saint-Hélène. Nathalie et moi restons à bord, un peu fatiguées. Yves part les saluer. Leur bateau est juste derrière MedioVaS. Ils sont arrivés directement de Saint-Hélène et continueront bientôt leur chemin vers les îles San Blas.

Le lendemain, nous mettons les voiles vers Grand Case, une baie réputée pour sa beauté, l’ambiance festive et la couleur plus locale du village. C’est aussi là que se trouve l'aéroport pour Nathalie.

Oh une raie, cela faisait longtemps. 

À peine arrivés, nous nous mettons en appétit par une longue baignade. Heureusement d’ailleurs, Nathalie nous a réservé une table dans LE restaurant à ne pas manquer. La vue est une photo de catalogue de vacances aux Caraïbes, tout y est. Bon, il manque le palmier, n’est-ce pas Nathalie ? Et nous nous régalons !

"Le temps des Cerises" , un régal.

Quelques belles petites boutiques encadrent la rue principale, histoire de dépenser encore un peu d’argent. Et pour rejoindre le ponton des annexes, nous devons traverser les lolos et les bars.

Oh nous retrouvons les Stars au bar . 

Nathalie doit partir, son avion arrive bientôt. Nous l’accompagnons à pied jusqu'à l’aéroport. Une petite promenade bien chargée pour Yves qui porte le sac rempli des achats et souvenirs. Nous t’attendons à une prochaine escale, Nathalie !

A bientôt !!! 

Nathalie part et nous dormons, nous dormons beaucoup même. Une sorte de paresse s’installe à bord. Pourtant, il y a pas mal de choses à faire. Nous resterons à Grand Case pour le week-end et profiter ainsi de la soirée Salsa ! L’orchestre, composé de Sud-Américains et d’un Espagnol, nous enflamme dans un rythme endiablé. Nous nous entraînons pour les prochaines escales …

Ambiance latina . 

Nous quittons cette belle baie pour Marigot. Il faut passer aux choses sérieuses : l’entretien de notre radeau de survie.

Nous mouillons côté est cette fois-ci. Et nous partons en MiniVaS vers le lagon. La grosse houle nous pousse vers l’étroite entrée du lagon. Le pont s’ouvre une fois par jour pour laisser passer les voiliers. Prudents, nous suivons le chenal, les hauts fonds ne nous rassurent pas trop. Nous constaterons que, finalement, nous passons partout.

Nous traversons tout le lagon pour arriver en Hollande, une frontière inexistante, symbolisée par un autre pont.

A droite la  🇫🇷 , à gauche la  🇳🇱

Mais comment cette île de moins de 100 km² s’est-elle retrouvée divisée, française pour la partie nord et néerlandaise pour la partie sud ? Les premières traces de peuplement datent de 4000 ans av. J-C. Vers l’an 800, l’île est dans la zone des Taïnos (Arawaks). Ils seront remplacés par les Caraïbes au XIVème siècle. Christophe Colomb la baptisera Saint Martin, en passant au large le 11 novembre 1493, jour de la fête de Saint Martin de Tours. Soualiga, "l'île du sel" et Oualichi, "l'île aux femmes" étaient les noms traditionnels en langue caraïbe.

A partir de 1627, les Néerlandais effectuent plusieurs reconnaissances, à la recherche de salines naturelles. Il s’installent en juillet 1631, avec une garnison d’une trentaine d’hommes et quatre canons, à l’emplacement actuel de Philisburg. Quelques familles françaises de la proche colonie de l'île Saint Christophe cultivent du tabac dans la partie orientale.

En 1628, les Espagnols veulent protéger leur hégémonie régionale et attaquent la garnison néerlandaise. Ils s’installent et construisent leur fort. Ils y laissent une garnison en liaison avec Porto Rico.

En 1644, le célèbre capitaine néerlandais Pieter Stuyvesant attaque le fort et il y perd sa jambe. Après cette attaque, les espagnols démantèlent le fort. Les Français et Néerlandais vivant sur place préviennent alors leurs gouvernements respectifs. Mais après quelques intimidations, les deux parties préfèrent transiger et scinder l'île en deux zones de souveraineté distincte, en fixant des règles de coopération mutuelle. Beau clin d’oeil à son patron, l'île fut partagée tel le manteau de Saint-Martin.

L’histoire raconte que le partage eut lieu grâce à deux marcheurs, l’un Français, l’autre Hollandais. Partis dos à dos, chacun devait marcher en suivant le littoral, dans une direction opposée. La frontière serait la ligne reliant leur point de départ à leur point de rencontre. Le Français, plus rapide, gagna en surface. Mais le Hollandais, plus malin, gagna les salines.

Le 23 mars 1648 la convention de Concordia est rédigée et signée par le chevalier de Poincy, au nom du roi de France, et le capitaine-major Thomas au nom du prince d’Orange. Cette convention est toujours en vigueur, malgré quelques incidents et dérapages au cours des 350 derniers années.

Nous ouvrons les portes des shipchandlers, il paraît que tout est détaxé dans l’île. Rien ne nous paraît beaucoup moins cher, enfin rien dont nous ayons besoin. Mais je trouve enfin les gilets de sauvetage de mes rêves, tout confort et de haute qualité, bonheur !

Nous trouvons un beau restaurant en bordure de ponton, les hamburgers ont l’air divin. Nous poursuivons la visite du lagon et nous tombons nez à nez avec l'île Snoopy… en Hollande !

Snoopy est ambitieux, je crois. 

Le côté néerlandais se veut beaucoup plus riche, tous les gros yachts y sont présents. Hôtels de luxe, casinos, golf, il ne manque rien. Même l’aéroport international y est. Nous reconnaissons un point d’accostage, je prends l’avion dans quelques jours.

Le lagon est une réserve d’épaves de voiliers. Ça fait mal au coeur de voir tant de bateaux échoués, démâtés, éventrés, coulés.

Un lagon, un cimetière . 

Que pasó ?

L’île commence, depuis les années 1960, à profiter de l’engouement nouveau d’une population américaine attirée par le soleil. En 1980, le dollar atteint des valeurs très élevées et permet l’ouverture de lignes aériennes directes. Du coté français, la destination reste encore assez confidentielle. Le tourisme de luxe dans la « Friendly Island » devient une nécessité. La France commence à suivre le mouvement. Les lois de défiscalisation permirent un boom immobilier du coté français.

Mais, le 5 septembre 1995, cet essor économique est brutalement interrompu par le cyclone Luis. La nature en avait décidé autrement et avec une force phénoménale, elle anéantit entièrement l’île.

Le 6 septembre 2017, dame nature se rebelle une fois encore sous le nom d’Irma. Le même qui a dévasté Saint-Barthélémy. Irma est l’un des plus puissants jamais enregistré dans l'océan Atlantique Nord. À ce jour, dans le monde, c’est aussi celui qui est resté le plus longtemps en catégorie 5, trente-trois heures. L’oeil, d’un diamètre d’environ cinquante kilomètres, est resté 1h30 sur Saint-Barthélémy avant de toucher Saint-Martin. L'île est complètement dévastée. Nous en voyons encore les conséquences, surtout dans sa partie française.

Grand Case 

Pour notre radeau de survie, après plusieurs recherches, nous avons trouvé le seul atelier de l'île qui peut nous faire sa maintenance. Nous comparons les devis entre maintenance et remplacement neuf. Oui, cela peut paraître bizarre, mais la maintenance est extrêmement chère. Finalement c’est elle qui gagne et nous devons amener notre radeau à Philipsburg, de l’autre coté de l’île. Nous louons une petite voiture et partons de bonne heure. C’est la bonne excuse également pour visiter toute l’île de Saint-Martin.

Sur la route, on a parfois des repères frontaliers. 

Une belle route nous conduit jusqu'à Philipsburg. Nous galérons un peu pour trouver l’atelier, dans un zone commerciale portuaire peuplée de Portoricains majoritairement. Au moins, mon espagnol nous aide à communiquer... mais à trouver le fameux atelier du pélican ! C’est par exploration-déduction des numéros de rue que nous finissons par le dénicher, au fond d’une cour de livraison de supermarché.

Une fois le radeau en lieu sûr, nous garons nos cinquante petits chevaux et partons à pied dans les ruelles de Philipsburg, la capitale de la partie néerlandaise, ville édifiée sur une bande de terre séparant la mer d’un grand étang salé. La ville est fondée en 1763 par John Philips, capitaine écossais de la marine de Pays-Bas.

La ville ouvre ses portes avec le « Little Europe », ensemble de magasins de luxe ; le ton est donné. Il faut garder en tête le soit-disant avantage d’une île sans taxes. Nous nous dirigeons vers le font de mer où restaurants et hôtels se disputent la place. Une belle baie bien abritée assure un bon mouillage à quelques voiliers. Le sable blanc se jette dans une eau turquoise, une belle photo des Caraïbes.

Nous nous dirigeons ensuite vers une des ruelles perpendiculaires pour rejoindre la rue principale. Nous constatons très vite qu’ici ce sont les boutiques de bijoux de luxe qui prédominent. En s’éloignant encore d’une rue, l’ambiance change, les magasins aussi. Tout devient plus authentique et beaucoup plus vivant. Le contraste est saisissant.

Toutes les rues n'ont pas le même statut. 

Nous rebroussons chemin et arrivons dans la « Old Street », petite rue complètement artificielle qui doit certainement représenter ce qu’était la ville auparavant. Nous finissons à une terrasse, les pieds dans le sable, la tête dans les cocotiers pour savourer un bon jus de fruit.

La ville est pittoresque mais vraiment trop artificielle. Peut-être est-il trop tôt dans la matinée pour sentir les vraies couleurs ?

Pas grand chose ... 

Yves me guide dans les plus petites routes qui traversent la pointe sud-est pour arriver à Oyster Pond. Sans même nous en apercevoir, nous traversons à nouveau la frontière. Ce sont nos téléphones qui nous avertissent, en fait, le bing du texto nous souhaitant la bienvenue aux Caraïbes Françaises ou Néerlandaises, pas cher ou très cher !

Différents point de vue. 

Nous terminons notre matinée face à l’anse Pinel et l'îlet de Tintamarre au loin. Tintamarre est nettement plus joli !

Yves avait repéré un restaurant sur la route et nos estomacs commencent à tambouriner. Une superbe table sur une terrasse en hauteur nous offre une vue sur le chenal de Saint-Barthélémy que nous avons traversé quelques jours auparavant. Le repas est un régal.

Nous allons jeter un petit coup d’oeil à l’anse Marcel. Nous avons bien fait de ne pas nous y arrêter. Elle semble vraiment jolie, mais très ‘marina-privée’ également.

Nous ne nous y attardons pas et partons vers le point culminant de l’île, le Pic Paradis, qui culmine à 424 mètres. Les montées sont raides mais notre mini bolide s’en sort très bien. La végétation se fait de plus en plus dense, humide, tropicale en fait ! Nous terminons le parcours par une demi-heure de marche, un pic ça se gagne, ainsi que la vue.

Marigot est déjà toute proche. Nous profitons de la voiture pour repérer les supermarchés, une boutique pour remplir notre bouteille de gaz, mais il reste une dernière chose que je veux voir ici absolument. Cela paraît complètement ridicule et ça l’est, mais peu importe : aller voir atterrir un avion ! Je vous assure, c’est dans 'LE top dix' des choses à faire. Alors en route, il faut retraverser la frontière et rouler vers la plage Maho. Nous ne sommes pas seuls, il pleut, enfin rien n’est idéal. Après quelques tours, une place se libère. Nous nous installons dans le bar où la musique est la plus forte et attendons.

Qui n’a pas vu cette photo de l’avion atterrissant presque sur la plage ? Ben moi, je ne connaissais pas du tout. Donc sur cette petite plage, très jolie d’ailleurs, les touristes viennent, comme moi, regarder les avions atterrir et, encore mieux, décoller. Au décollage, la puissance de l’air propulsé par les réacteurs transforme la plage en tempête de sable, d’ailleurs la petite route en est complètement recouverte, et il est impossible de tenir debout.

C'est surtout très bruyant. 

Nous terminerons notre promenade au milieu des hôtels de luxe, des casinos et du golf, en contournant le lagon, par la route cette fois-ci. Nous pouvons rendre la voiture, je pense que nous avons à peu près coché toutes les cases de Saint-Martin.

Je prépare ma valise pour un petit retour en Belgique. J’ai rendez-vous à l’ambassade des USA, à Bruxelles qu’il ne faut surtout pas rater, le visa B2 n’est plus très loin !

Yves me dépose à l’aéroport en MiniVaS. La météo est clémente, nous pouvons faire la traversée du lagon sans trop craindre une averse. Tout se passe à merveille. Merci, Yves.

Je suis dans l’avion, les réacteurs grondent et j’imagine les touristes, sur la plage, prenant les photos. Et dire que je l’ai fait aussi, pffff …. À bientôt, l’île !

A bientôt , Yves ! 
18

Après quelques longues heures de train, de bus et d’avion, je suis de retour à Saint Martin. Il pleut à verse. Un taxi me dépose côté français, en face du ponton des dinghies. Il pleut et il pleut encore ! Yves arrive entre deux grains, me voici enfin à bord !

Je reviens avec, dans mes bagages, le visa pour les Etats-Unis, c’était presque inespéré. Maintenant, c’est au tour d’Yves de trouver un rendez-vous.

Sympa la caméra de l'avion. 

Une bonne fenêtre météo s’ouvre à nous dans la semaine, pour un départ vers l’Ouest. C’est un peu plus tôt que prévu, mais il faut en profiter car les fronts de vent du nord sont fréquents et déconseillés pour la navigation. C’est d’autant plus important que j’aimerais aller dans un endroit bien spécifique, qui impose une route au nord des îles. Ceci accélère un peu notre planning, après une seule journée de repos pour moi. Il pleut, encore ; elle est où, la saison sèche ?

Dimanche, nous grattons un peu la coque envahie par la végétation. La corvée est pénible, dans le vent qui souffle en rafales.

Lundi, nous attaquons les indispensables : déposer une bouteille de gaz à remplir et faire un tour dans les shipchandlers. MiniVaS nous emmène donc à nouveau dans le lagon des épaves et nous repassons sous le pont-frontière.

Nous apercevons Katydid, le bateau de notre ami Robin, le Canadien solitaire. Il nous avait quittés à Grenade, pour refaire une beauté à son voilier à Trinidad. Évidemment, nous allons voir cela ! Nous nous retrouverons ensuite pour déjeuner. On en a des choses à se raconter, depuis 6 mois. Après ce bon moment de retrouvailles, nous nous disons au revoir et à la prochaine, au hasard d’une escale. De retour à bord, il reste encore du ménage à faire sous la coque de MedioVaS. Plouf !

Mardi, nous partons faire le plein de vivres, récupérer notre bouteille de gaz, remplir nos bidons de gazole et d’essence (très interessants les prix détaxés) et finir par la clearance de sortie.

Chaque petite provision trouve sa place dans les rangements, c’est une petite traversée.

Popov fait le fier à son poste et l’hydrogènerateur plonge son hélice à l’eau.

MiniVaS se fait hisser sur le pont, content d’avoir un peu de repos.

Ça sent le départ. 

Entre tout cela, Yves parvient enfin à obtenir un rendez-vous pour son entretien avec l’ambassade des États-Unis… à Bruxelles ! C’est fixé au 23 juin, ou plus tôt si des créneaux se libèrent d’ici-là. Nos projets américains prennent vraiment forme !

Mercredi matin, nous sommes prêts. En route, à l’ouest, toutes voiles dehors… sauf un petit ris dans la grand-voile. Nous allons courir au devant d’un front !


Au revoir Saint-Martin !!! 

08h45, vent d’est, le génois et la grand voile sont déroulées, nous naviguons vers les Iles Vierges américaines. Un passage délicat au milieu des îles nous attend, il faut y arriver de jour et de préférence le matin, pour le traverser entièrement de jour. La mer est peu agitée, le vent tombe vers 21h, le moteur prend le relais pendant deux heures, pour rester dans les temps. Les voiles ressortent en ciseaux, souvenir de notre longue traversée de l’Atlantique Sud. Le vent monte, il faut ariser.

Il y a Popov, toujours au travail, et un Snoopy toujours au repos. 

Nous arrivons un peu tôt sous l’île de Saint John, le fond passe de mille mètres à cinquante, une grosse houle se lève. Il fait encore nuit, je veille les casiers de pêcheurs. Fort heureusement, il n’y en a point. Le jour se lève, Yves prend la relève et attaque le chenal entre l’île de Saint Thomas et l’île de la Culebra, le fameux passage difficile. Trente miles au travers du vent, le bonheur. Le passage s’avère nettement plus agréable que prévu, personne ne s’en plaindra.

Un bon petit déjeuner pour attaquer l'ile de la Culebra. 

Au déjeuner, les oiseaux tournent autour de nous, à la recherche d’un poisson volant que MedioVaS ferait fuir devant lui.

Oiseaux marins à la recherche de poissons volants, et MedioVaS qui file. 

Le soleil est avec nous, rien à dire, c’est parfait. Nous pouvons pointer plein ouest, à nouveaux les voiles en ciseaux. La nuit de jeudi, nous arisons les voiles : le courant Equatorial nord nous pousse, il faut veiller les grains et les cargos. Nous sommes à vingt miles au nord de la côte de Puerto Rico. Nous la longeons et c’est long, elle semble interminable. Fort heureusement, elle attire les grains et nous n’aurons que le vent des grains et quelques petites gouttes de rappel.

Vendredi, la météo prévoit davantage de vent, c’est le fameux front qui nous rattrape. Nous commençons à le ressentir vers 15h00. La houle croisée se fait plus nerveuse, elle nous attaque par l’arrière et par tribord. Fini les 15/18 noeuds tranquille. Le vent monte à 23 noeuds, ce n’est pas impressionnant en soi, mais c’est la grande houle de l’Atlantique Nord qui vient finir sa course en mer des Caraïbes qui rend les lames droites, puissantes, courtes et désordonnées. Popov, le régulateur d’allure, gère tout cela à merveille, les voiles en ciseaux bougent à peine. Pendant mon quart de 21h00 à minuit, le vent monte à 25 noeuds, bien établis pendant une heure et demi. MedioVaS file, mais une vague croisée vient appuyer sur le safran plus fortement que les autres et le frein de barre ne suffit plus. La barre à roue tourne d’un coup. Le bateau part au lof (remonte au vent) en se couchant. Tout est très rapide, mais je comprends ce qui se passe et je reprends rapidement le contrôle de la barre. Pas le temps de se poser des questions, il faut agir. Une fois tout rentré dans l’ordre, je bloque la barre avec un bout. Je constate que tout va bien, la banquette bâbord est bien trempée, quand même. Il ne fallait pas me demander grand chose après cela, il m’a fallu un peu de temps pour remettre mes idées en place et calmer l’émotion. Yves me confiera plus tard qu’il s’était levé pour jeter un coup d’oeil… Je le comprends, il a bien du rouler dans la cabine.

Il prend la relève à minuit. Cette fois c’est moi qui entend des bruits bizarres dans le cockpit. Le bateau est parti à l’abatée avec empannage involontaire. La poulie de retenue de bôme coince son cordage. Yves tente de la réparer, mais en vain, elle est fichue. Rien de grave, elle a bien joué son rôle de fusible. Il met un place un sytème provisoire, pour éviter tout nouvel empannage violent dans plus de vingt noeuds de vent.

On se croirait dans un dessin de Münch , avec un invité .

Enfin nous avons doublé Puerto Rico. Mais la houle croisée se renforce, nous traversons le passage de La Mona, dont la réputation n'est pas très bonne pour les marins. C’est le couloir entre Puerto Rico et la République Dominicaine, le vent s’y engouffre vers le sud et un fort courant en sort, portant au nord. Heureusement celui-ci ne perturbe pas trop notre trajectoire, nous sommes prudemment assez loin de l’embouchure.

MedioVaS va trop vite, une fois encore. Nous ne devons surtout pas arriver de nuit dans cette vaste baie qui nous attend. L’entrée est délicate, les hauts fonds pas très accueillants et, vu la direction du vent et de la houle, nous craignons que cela ne s’améliore pas dans la baie.

Voiles réduites je prends le quart de 03h00. Un volcan sous marin se trouve sur notre route avec des hauts fonds de trente mètres au milieu des trois milles mètres du coin. Au moins je pourrais déjà voir comment s’établît la mer là dessus, un belle préparation avant l’entrée dans la baie.

Le vent a tendance à baisser, MedioVaS se dandine plus tranquillement et Popov peut se reposer un peu. Le passage du volcan se ressent à peine. En revanche, le courant nous pousse un peu trop au nord. J’empanne la grand voile et je retrouve un cap satisfaisant.

Toujours pas de grain en vue. Nous avons eu une nuit bien venteuse, mais sous un ciel étoilé et une lune presque pleine. Nous nous approchons de l’entrée de la baie de Samaná. Yves prend le quart de 06h00. Je retourne dormir un peu, avant le passage délicat.

À 08h00, Yves me réveille. J’ai mes boules Quies et j’entends vaguement : « - tout se passe bien, je n’ai pas trouvé la bouée d’entrée, mais je crois avoir trouvé les baleines ! ». Dans mon sommeil trop profond, tout à coup je réalise… BALEINES ! Ni une ni deux, je suis dehors et je scrute.

Quand on cherche une baleine, on cherche cela. 

Pour tout dire, j’avais choisi d’atterrir dans cette baie en connaissance de cause. Naviguer au vent des îles était le prix à payer. C’est le lieu et la saison où les baleines viennent passer l’hiver, je ne voulais pas manquer cela.

Et les baleines nous l’ont bien rendu. Quel spectacle ! Nous en avons vues à quelques dizaines de mètres de MedioVaS, toujours sous voiles, dans une lumière somptueuse. Des sauts majestueux, je crois encore avoir rêvé !

A couper le souffle ! 

Nous approchons des hauts fond, Yves est plus vigilant que moi, qui suis encore à l’affût d’un nouveau spray d’évent, d’une dorsale ou d’un saut.

Bienvenue en République Dominicaine ! 

En guettant la baleine je vois le grain, bien noir, arriver par l’arrière. Nous entrons dans le chenal qui nous mène à Puerto Bárbara (en plus !), les voiles ont mérité leur repos, Popov aussi. Le moteur prend la relève. Toujours sous le coup de l’émotion, je prends mon quart de 09h00. Le grain nous épargne de la pluie, mais pas du vent. Nous voyons le mouillage au loin. De rares rayons lumineux traversent l’épaisse couche de nuages gris, pour éclairer les quelques îlots rocheux recouverts de palmiers.

Trois jours une heure et curante-cinq minutes nous séparent de Saint-Martin, à 10h30, l’ancre repose sur neuf mètres de fond. Une douzaine de bateaux nous entourent. une nouvelle aventure nous attend.

Luis nous approche sur sa Kwassa avec un officier de l’Armada. Les démarches d’entrées sont lancées. Bienvenue, en République Dominicaine !

Une bonne nuit de repos nous attend. 
19

Après le passage de l’Armada à notre bord, nous avons rendez-vous avec Luis à terre. Il nous faut rendre visite à l’Immigration et faire tamponner nos passeports. La douane et la capitainerie devront attendre lundi, mais nous serons libres de circuler d’ici-là. Et c’est ce que nous faisons. Nous partons humer l’ambiance latine de la République Dominicaine, à la recherche de cartes SIM pour nos téléphones. Il est déjà 15h, tout sera bientôt fermé. Nous trouvons des forfaits à dix dollars avec internet illimité pour un mois, nous restons très dubitatifs mais nous prenons un risque bien limité, lui !

Après un énorme incendie dévastant la ville, celle-ci fût réaménagée. Un vaste boulevard longe la baie, séparé de l’eau par une esplanade couverte de petits bars-restaurants, de palmiers sous lesquels des bancs attendent ceux qui souffrent de la chaleur et de malecones (sorte de tours d’observation publiques). La musique est présente partout, volume à fond, donnant le ton de l’ambiance.

Promenade le long de la baie. 
La paroisse Santa Bárbara de Samaná. Et un malecón parmi tant d'autres.

Nous continuons vers le centre touristique, juste pour voir. Mais, samedi, tout est fermé. Il y a des priorités et les touristes n’en font pas partie. Peu importe, nous voulions seulement voir à quoi cela ressemblait.

C'est très "touriste". 
La rotonda (rond-point) est nettement plus intéressante. 

Après cette petite sortie, nous retournons au bateau nous reposer un peu. La météo est horrible. Il pleut, encore et encore, à se demander si nous ne sommes pas en saison des pluies. Et nous sommes rétroactivement très heureux de la météo sans trop de pluie, durant notre traversée.

Autour de nous, dans le mouillage, nous retrouvons des bateaux « déjà vus » lors de nos escales précédentes. Et il y a ce pont qui nous intrigue. Localement il porte le nom « the bridge to nowhere ». La nuit, ses arches s’illuminent, il est magnifique. La journée nous voyons beaucoup de randonneurs le parcourir. En fait, il relie la terre à deux îlots qui se succèdent, totalement inhabités : Cayo Vigía.

the bridge to Nowhere. 

Alors, dimanche, nous faisons le tour de la petite baie de Santa Bárbara pour s’y promener. Quelques chevaux broutent ce qu’ils peuvent, le long du parking, dans une musique très locale (à fond). Nous arrivons sous la première arche du pont. Une sorte de bar en plein air impose sa musique (à fond) à une petite plage très animée, qui se trouve de l’autre côté. La petite plage est aussi accessible par un ascenseur inattendu, depuis l’hôtel surplombant la falaise.

Au rythme de la musique.
L'ascenseur de la plage, il se voit de très très loin. 

Nous contournons le pilier et empruntons les escaliers qui conduisent au tablier du pont. Nous ne sommes pas seuls ; quelques touristes et beaucoup de locaux s’y promènent en famille. Après avoir traversée le premier îlot, beaucoup plus haut que son voisin, nous arrivons sur la grande section du pont. La vue est somptueuse. Sous le pont, les eaux de la baie de Samaná viennent se briser sur les haut-fonds qui offrent une belle protection à notre mouillage.

Nous marchons vers Nowhere 

Le pont se poursuit par un chemin de randonnée, traversant une végétation dense et variée, au milieu de laquelle de grands cocotiers se dressent fièrement. Un escalier descend vers une autre petite plage face au mouillage, plus calme celle-ci . Et je peux y trouver de l’eau fraîche.

Cayo Vigía ou Nowhere . 

Tout le reste de l'île est défendue par une belle falaise. Sur le chemin du retour, nous faisons un petit arrêt devant le musée de la baleine… fermé, bien évidemment. Mais peu importe, cela ressemble davantage à une maison avec un musée improvisé. Nous croisons beaucoup de jeunes à cheval et de chevaux qui paissent, on sent bien comme une autre culture.

Lundi, nous partons vers le « mercado público » (le marché, couvert). Sur notre route, nous découvrons la version dominicaine du tuck-tuck, une moto reliée à une sorte de petit wagon. Ces moto-taxis nous proposent leur service mais nous préférons marcher.

Moto-taxi simple et aménagé . 

Nous nous arrêtons à la banque, il est temps de ne plus se faire rouler en payant en dollars américains. Une fois riche de pesos à 63 pour 1, nous déambulons dans le centre névralgique de la petite ville, jusqu’au marché. Le parfum du poisson frais et de la viande nous pique le nez. Nous traversons vite cette partie pour atteindre les fruits et légumes. Enfin, nous pouvons faire quelques provisions fraîches. Les prix sont intéressants, surtout quand je négocie en espagnol ! En repartant, nous nous offrons deux empanadas, souvenir d’enfance en Argentine. Nous revenons par les petites ruelles.

Nous poursuivons le long de la promenade vers la sortie de la baie. La petite marina de Samaná accueille les bateaux débarquant les passagers d’un gros paquebot. Plus loin, le chantier naval est en pleine activité, construction et réparation de « kwassas » et catamarans.


De retour au bateau, Yves remplit le réservoir d’eau. L’eau de la baie n’est pas très propice à cela mais nous n’avons pas le choix et devons compter sur l’efficacité de notre filtre, la résistance de nos membranes et du courant de marée bien estimé. Ultime précaution, Yves ne remplira que le réservoir d’eau de lavage, les bouteilles d’eau potable profiteront des bidons de sûreté.

Et nous n'oublions pas la Saint Valentin !  

Mardi, c’est le grand jour. Nous partons en excursion. À 08h30, comme convenu depuis samedi, nous sommes devant la grille de notre loueur de scooters et motos. Vers 09h00, le propriétaire, arrive, un magnifique automatique à la ceinture ! Les grilles s’ouvrent, son fils nous sort les engins joliment négociés. En attendant, Yves se voit proposer une de ces petites motos locales, personnalisée par son propriétaire, au lieu du scooter réservé. L’engin rutilant est tentant, mais il refuse sous prétexte de confort. Nos scooters sont neufs et même pas immatriculés. On ne nous demande aucun papier et nous partons sans aucun contrat : « - Ici la police ne dérange pas les touristes ». Bon, je lui demande quand même son numéro de téléphone personnel en cas de soucis…

En route ! 

Nous allons remplir les petits réservoirs d’essence, et en route ! Nous arrivons dans les hauts de la Sierra de Samaná, villages et élevages dévoilent leurs trésors, tout cela sous un soleil éclatant.

El campo ... 

Des caravanes de chevaux traversent la route, nous sommes bientôt arrivés à l’une des entrées du Parc National El Limón.

Nous ne sommes plus très loin. 

Nous laissons nos scooters sous bonne garde et continuons à pied, en refusant les propositions insistantes pour nous trouver des chevaux et un guide.

Nous pénétrons dans la forêt humide d'Hispaniola. 

Très vite, nous comprenons pourquoi la randonnée se fait essentiellement à cheval. Avec les fortes pluies des jours précédents, le chemin est devenu boueux à y perdre ses chaussures. Mais nous persistons en longeant tant bien que mal la rivière, ou en marchant sur les quelques cailloux qui dépassent. Nous sommes dans l’une des cinq éco-régions terrestres du pays, une forêt humide d’Hispaniola. La végétation est dense, nous suivons le cours de la petite rivière tantôt calme et sinueuse, tantôt rapide et bruyante. Nous sommes seuls, même pas un moustique, ouf.

" La gadoue, la gadoue, la gadoudoudoue... "

Apres une demi-heure de marche et presque une chaussure en moins pour moi, nous arrivons à la première cascade.

Cascada Minor. 

Nous continuons et, enfin, nous arrivons au poste d’entrée d’El Salto Del Limón, facilement reconnaissable à l’attroupement de chevaux, l’étalage d’objets et de peintures à vendre et la guérite pour payer l’entrée. Cent pesos par personne (1,5 euros), c’est très abordable.

La longue descente ... 

Au milieu de cette forêt, nous entamons la descente, des marches à ne plus en finir, l’une après l’autre prudemment, jusqu'à entendre le bruit assourdissant du Salto Del Limón. La cascade est majestueuse : une masse d’eau tombe le long de la falaise jaunâtre et forme une piscine naturelle, avant de se poursuivre en une autre petite cascade, puis de reformer rivière. Les trois kilomètres dans la boue valaient la peine !

Nous sommes seuls en arrivant. cela ne durera pas ... 

Estomaqués par la beauté du spectacle, il faut reprendre ses esprits et plonger dans cette piscine qui nous offre une eau limpide, douce et juste à bonne température.

Plouf ! 

Nous remontons toutes les marches qui paraissaient interminables en descente. Étrangement, la montée est bien plus rapide. L’eau vive a du nous donner un coup de fouet ! Il est temps de revenir sur nos pas dans la gadoue… Heu, non, pas question. Yves a repéré un chemin, sur l’autre rive, qui paraît beaucoup plus praticable et qu’il espère moins détruit par les sabots des chevaux. Tout en montée, nous cheminons entre prairies et cocotiers. La vue est imprenable. Nous croisons quelques locaux qui doivent connaître l’astuce pour ne pas se tremper les pieds.

La rivière nous cache donc un magnifique sentier. 
Le cocotier appelle à la sieste... 
Yves fait un peu de rangement dans la pâture. Le cheval est ravi, il découvre de l'herbe cachée !
Bon faut pas se tromper de monture . 

Nos scooters nous attendent sagement devant ce que nous prenions pour un restaurant. Un homme nous propose un bon nettoyage de nos chaussures, ça ne se refuse pas. Ensuite il nous conseille un « comedor » ( petite cantine ). Il enfourche sa moto et nous le suivons. Au Comedor De Germán, le plat du jour est du poulet, sous toutes préparations imaginables. L’accompagnement comprend riz blanc, salade et haricots rouges en sauce. C’est parfait, une seule assiette représente bien trois portions, mais notre appétit est grand. Le propriétaire va nous acheter une bouteille de bière fraîche à l’échoppe d’un peu plus loin, il n’en avait plus en stock. Je partage le litre de bière avec d’autres clients qui attendent leur plat à emporter, ils sont ravis de l’aubaine. Je suis surprise de voir des gars armés, une fois encore. Pourquoi ?

Nous sommes prêts pour la suite de notre road-trip. La route sinueuse de la Sierra aboutit au village du Limón. Yves prend la direction du nord de la péninsule, nous arrivons aux plages au vent. Du sable blanc et des cocotiers à l’infini, c’est une carte postale grandeur nature.

Du sable et des cocotiers, ... 

Las Terrenas, village touristique, aligne ses hôtels de luxe le long de la mer. Un grain est proche, Yves opte prudemment pour une pause dessert dans l’une de ces terrasses luxueuses. Je ne refuse pas, évidemment, on dit que le scooter c’est dangereux sous la pluie ?! La gourmandise est bonne et le grain est absent. Il a attendu que nous repartions pour nous tomber dessus, telle la punition. Peu nous importe, nous étions préparés, nous continuons notre route bien protégés dans nos habits imperméables. Finalement, le scooter tient assez bien la route sous la pluie…

La Sierra de Samaná, sens retour. 


Nous devons franchir à nouveaux la Sierra. La pluie renforce les parfums tropicaux, la forêt humide dévoile d’autres couleurs. Nous redescendons vers Sanchez, petite ville portuaire du fond de la Baie de Samaná. Nous longerons toute la baie jusqu'à Santa Bárbara.

Fond de la baie. 

Nous rendons nos scooters à son propriétaire. Et je lui pose la question qui me pend au bout des lèvres depuis le matin : pourquoi porte-t-il une arme ? Pourquoi d’autres en portent ? Avons-nous pris des risques ? Certes, il y a plus d’une question. Il rigole et me rassure. Le tour que nous avons fait ne craint rien, en général ceux qui portent des armes sont ou étaient des militaires. Je vais me satisfaire de sa réponse…

Notre tour à scooter et la suite en voilier. 

Nous rentrons au bateau ; mercredi, MedioVaS change de mouillage.

A bientôt joli mouillage. 
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Le mercredi 16 au matin je me rends à l’Armada pour obtenir le fameux « despacho » qui nous permet de bouger d’un endroit à un autre. L’attente est interminable, il manque toujours la bonne personne. Nous en profitons pour laisser notre linge à Luis, l’homme du mouillage.

10h35, nous appareillons. Très rapidement nous sortons les voiles, le vent est bien présent. Il faut maintenant suivre la route vers le fond de la baie en évitant prudemment tous ses pièges, des haut-fonds un peu partout. Nous filons à bonne allure, le vent a toujours cette fâcheuse tendance de souffler en rafales mais il nous permet d’atteindre le mouillage du parc national de « Los Haitises » à 13h00, juste pour déjeuner.

Los Haitises, un air de Vietnam .

Nous faisons des ronds dans l’eau avant de mouiller l’ancre, nous voulons être abrités de la houle sans pour autant se retrouver au sec. Un seul bateau est présent, ouf, nous craignions la surpopulation.

MedioVaS est entouré d’une forêt escaladant les parois rocheuses, un peu une impression de Vietnam. C’est splendide.

MiniVaS n’attend pas une seconde pour nous emmener explorer les différentes criques. Les formations rocheuses sont sculptées par le bas, creusées par la mer qui vient se frotter à elles. Les racines des arbres tiennent à flanc de paroi par miracle.

La force de la nature, couvrir la roche d'arbres.  

Sous le vent de la mince digue qui protège le mouillage, nous entrons dans une petite rivière au milieu d’une gigantesque mangrove. Je connaissais les mangroves, depuis Mayotte nous en avons vues beaucoup. Mais celle-ci est différente. La nature nous offre ce qu’elle a de plus beau, j’ai l’impression d’un décor surnaturel, d’un tableau. Chaque racine se dérobe à sa manière pour absorber de l’eau, chaque branche se débat ou se lie à une autre pour gagner en lumière.

Faut être malin pour survivre dans cette jungle.  

Au bout de cette rivière se trouve l’entrée du parc, objectif atteint.

Il y a les amoureux, les danseurs, .... 

Nous rentrons à bord, nous ne sommes plus seuls. Un cata a mouillé devant nous et deux grands ketchs Amel, derrière.

Au petit matin, le vent s’est calmé. Nous pouvons explorer toute la baie de San Lorenzo. Nous partons au loin, explorer les baies au vent de la digue.

L'ancien " muelle de las Perlas " (le ponton des Perles) , qui aujourd'hui sert de promontoire.
Cayo de Willy 

Un des arrêts à ne pas manquer est celui de la Playa de la Cueva Arena, pour une petite promenade dans cette grotte dont le sol est ensablé.

Même Snoopy s'est invité ( incroyable Nathalie L., il devient sportif ! ) 


Plus rien n'arrête Yves et MiniVaS.  

Nous nous enfonçons ensuite à l’est de la baie, au milieu de la mangrove, à la recherche du Caño Hondo. Cette « rivière » doit conduire à un eco-lodge. À la première bifurcation de la rivière, nous poursuivons vers la gauche. Nous la remontons longtemps, la mangrove nous dévoile sa faune.

Au bout d’un moment je regarde la carte marine, la rivière n’existe plus, nous naviguons à terre. Google Map nous montre, au contraire, que l’on peut la remonter très longtemps encore, jusqu’au village de Samaná Del Mar. Nous faisons alors demi-tour pour explorer l’autre embranchement, l’eco-lodge est censé se trouver tout près. Même cas de figure, nous remontons longtemps ce bras. Changement de décor dans l’un des virages : la mangrove devient un champ où broutent des chevaux.

Nous apercevons, un peu plus loin, une sorte de ferme et un petit port, point de départ des bateaux de promenade. MiniVaS nous débarque et nous attend fièrement au pied de son bosquet de bambous.

C'est le campo. 

Nous visitons un peu les lieux : un champ, un établissement au repos, certainement par manque de touriste, et une oie qui m’attaque allègrement.

Toujours une embarcation auprès d'Yves. 
En route MiniVaS,  nous rebroussons chemin.

Nous décidons de ne pas nous attarder, il faut retraverser toute la baie, il y a encore beaucoup à voir. Chaque baie a son lot de petites surprises. Mais nous retournons d’abord déjeuner au bateau. À peine arrivés, nos nouveaux voisins viennent nous rendre visite, en quête de renseignements. Nous jouons donc les offices de tourisme.

Nous embouquons la petite rivière qui mène à l'entrée du parc. Une petite guérite se trouve là, donc un petit paiement. Nous marchons un peu dans cette gigantesque forêt humide, pour terminer notre course dans la Cueva de la Linea. La grotte est réputée pour ses pictogrammes datant des premiers Indiens.

Il existe plusieurs légendes autour de cette grotte habitée par les Indiens Ciguapas. Le grand cacique Caonabo, après sa victoire dans la bataille de Navidad (Noël), décide de se préparer à une autre invasion de Christophe Colomb et son capitaine Alonso de Ojeda. Pendant la bataille, le grand cacique veut parlementer avec Colomb, mais le capitaine Ojeda le trahit et il se fait emprisonner. Un ouragan aurait coulé le bateau dans lequel il se trouvait.

Une autre raconte que Caonabo avait épousé Anacaona, la cacique de Jaragua. Et il avait pour maîtresse Onaney, princesse de Samaná. Onaney, favorable à la paix, aurait marché aux côtés de Caonabo jusqu’aux Espagnols, afin de trouver un accord.

Après la mort de Caonabo, Onaney, noyée dans le chagrin, se serait réfugiée dans cette grotte avec quelques demoiselles de compagnie. Lorsqu’elles se déplaçaient dans la forêt, elles le faisaient en marche arrière afin de tromper l’ennemi et que leur cachette ne soit pas découverte. Ceci a donné lieu au mythe des Ciguapas : « des êtres légendaires, protecteurs de nos forêts, qui se présentent comme des femmes aux cheveux longs marchant de dos et dévorant ceux qui veulent leur faire du mal ».

Les pièges sont partout présents. 

Le soir, nous sommes invités à bord du catamaran pour un petit apéritif dinatoire.

Le despacho nous donnait la possibilité de rester une nuit de plus dans ce lieu rempli de magie et de mystères, mais nous en avons déjà bien fait le tour et une bonne fenêtre météo s’ouvre à nous, plus tôt que prévue, pour contourner l'île et partir visiter le sud. Il y a un passage réputé difficile entre RD et Puerto Rico : La Mona. Une bonne météo est essentielle.

Nous appareillons vers 09h00. Nous tirons des bords au près, le catamaran nous suit mais pas pour longtemps… très vite c’est nous qui le suivons. L’ancre touche le fond vers 14h00.

Ce sera beaucoup plus long qu'à l'aller. 

Je suis partagée entre l’envie de poursuivre la visite de cette splendide péninsule et le désir de passer au sud de la République Dominicaine au plus vite. La fenêtre météo est bonne, elle se maintient, il faut en profiter, la prudence est de rigueur.

Petit tour par l’Armada pour le nouveau despacho : cette fois-ci, la règle a changé, l’Armada doit passer à bord le jour du départ. Il nous est donc impossible d’appareiller avant 07h00… nous nous armons déjà de patience.

MedioVaS, la coque bien grattée, et MiniVaS, son moteur dans un coffre, sont prêts au voyage ; nous aussi.

Adios Los Haitises et la Baie de Samaná. 



Lien pour accéder à un petit film très amateur des lieux. J'ai encore des cours de pilotage à prendre! https://youtu.be/mgsKTck8XY4

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Samedi 19 février nous sommes prêts pour accueillir l’Armada à sept heures du matin, on ne sait jamais. Évidemment, personne ne pointe son nez, mis à part quelques grains. Ce doit être cela, la cause de leur retard, il mouille sévère ! Vers 09h15, la pluie cesse et l’Armada arrive, à bord de la petite embarcation pilotée par Luis. Oui, c’est Luis aussi qui joue les taxis pour l’Armada. Le commandante me tend le « despacho » et me prend en photo avec le dit papier. En même temps, Luis nous rend notre linge contre 500 pesos, bien negociado ! Cette fois-ci, nous avons tout, nous appareillons à 10h00.

La route sera longue. Nous aurons le vent dans le nez pendant une bonne partie de la traversée. Nous tirons de longs bords dans la baie, entre les bateaux-sortie-touriste-photo-baleines. Et nous sommes chanceux, quelques baleines viennent tout près nous dire hasta la vista.

Gracias ! 

Nous avons un despacho pour aller jusqu'à Isla Saona, cent trente miles à courir. En temps normal, nous pouvons parcourir cette distance en une journée voire une journée et demie. Mais contre vent et courant, il y a peu de chance d’y arriver. Sachant cela, j’avais déjà demandé à l’Armada ce qu’il se passerait si l’on s’arrêtait avant : Tendra que tener uno nuevo, señora capitana ! Evidemment…

En début d’après-midi, nous sommes enfin en dehors de la baie de Samaná. Maintenant il faut courir d’autres bords pour longer la côte, mais pas de trop près. Le vent de nord-est s’installe autour de minuit, cela nous aide bien. Entre quinze et vingt noeuds, un beau ciel étoilé, quelques rares grains et un quart de lune suffisent à notre bonheur et à celui de nos voiles arisées. Nous maintenons une bonne vitesse, cinq à six noeuds, mais cela ne suffira pas pour atteindre notre objectif : arriver à Isla Saona de jour !

La route Samaná - Boca de Yuma - Isla Saona. 

Nous contournons la pointe nord-est de la RD et entrons dans le passage de la Mona, le fameux que tous craignent, vers 08h00. Nous pouvons enfin choquer nos écoutes et surfer sur les vagues. Dans ce passage, c’est toujours vent contre courant. Le vent passe du nord au sud entre Porto Rico et la RD, tandis que le courant porte du sud vers le nord. C’est pour cela qu’il faut choisir sa bonne fenêtre météo, trop de vent provoque une mer très agitée dans une zone déjà perturbée par la présence de haut-fonds.

Nous allons bientôt approcher la baie de Yuma, seul endroit où l’on peut espérer mouiller l’ancre en cas de problème. Nous sommes tous les deux d’accord pour nous y arrêter et passer la nuit dans le fond de cette baie. Nous pourrons repartir au petit matin tranquillement.

Mon guide datant de 2011 indique cet endroit comme étant protégé du vent de nord-est et est. Au fur et à mesure que l’on s’enfonce dans le baie, on commence à avoir des doutes. MedioVaS fait de beaux surfs, le vent souffle en rafales. Nous arrivons enfin face à Boca de Yuma. Le village est bien protégé par des falaises et des rochers. Le guide indique un petit port pour bateaux de moins de quarante pieds, parfait pour nous. Mais entre les falaises, il est difficile de trouver l’embouchure de la rivière et donc du port.Nous devons utiliser la carte de Google Map pour se repérer ! En s’approchant, nous voyons des bouées rouges et vertes. Attention, ici les couleurs des bouées sont inversées, mais nous avons l’habitude depuis que nous sommes dans les Caraïbes. Yves s’approche de l’entrée, nous entendons la musique du village, des gens se rassemblent et nous observent. Je suis à l’avant, jumelles en main. La couleur de l’eau ne dit rien de bon, il n’y a pas de fond. Yves entame un demi-tour et nous mouillons l’ancre devant le village surplombant la mer du haut de la petite falaise.

Accueillant comme côte, n'est ce pas ? Si si, il y a une entrée la derrière, un petit port bien caché. 

Le vent et la houle nous poussent vers les rochers. La photo est jolie mais nous ne voulons pas finir dans ce décor. Nous décidons d’explorer les fonds face à une petite plage proche. La plupart des côtes de la RD sont très mal hydrographiées, il faut y aller à vue, donc avec le soleil en bonne position et de bonnes lunettes polarisées. Finalement, à 13h40, l’ancre repose sur une bande de sable dans six mètres d’eau, face à la plage baie nommée La Playita.

Il y a toujours une fête quelque part. 

Nous sommes bien abrités du vent mais pas de la houle. À peine installés, une kwassa vient nous trouver. C’est l’Armada ! Nous devons être les premiers ‘clients’ depuis longtemps. Il tente de se mettre à couple mais la houle rend la manoeuvre compliquée et risque d’abimer MedioVaS. J’arrive à lui tendre le despacho, en expliquant que nous restons là pour la nuit et repartons très très tôt le lendemain matin, vers 06h00. Je ne veux surtout pas risquer qu’il me demande de descendre à terre pour refaire le document à l’ouverture des bureaux. Et ça fonctionne. Il attrape notre « despacho », le prend en photo ainsi que MedioVaS, comme toujours. Nous sommes tranquilles, il me le rend en nous souhaitant une bonne navigation.

Et toujours les petites barques de pêcheurs. 

Pour un fond de baie, l’eau est cristalline, magnifique. Des jeunes font la fête sur la playita. En fin d’après-midi, une de leur embarcation vient nous saluer et nous proposent de venir festoyer avec eux. Nous devons refuser l’invitation.

Arc-en-ciel du matin , libère le marin. 

Nous appareillons vers 07h00. Au fur et à mesure que nous avançons, le vent monte. En longeant le côte sud de la baie, nous rencontrons un courant porteur, c’est le bonheur. MedioVaS est souvent à huit noeuds sur le fond. Nous atteignons rapidement la pointe est de l'île Saona. Un nouveau grain arrive, c’est un endroit riche en épaves espagnoles, il faut rester attentif. Finalement, le grain passe au nord de notre route, les haut-fonds se font sentir par une forte houle. La pointe contournée, nous filons en surfant vers le mouillage indiqué sur le fameux guide, Catuano, au nord-ouest de l’île. Nous doublons une baie couverte de catamarans ; la surpopulation mise à part, les lieux semblent superbes.

Isla Saona, nous arrivons. 

14h00, nous mouillons face au Destacamento de l’Armada, un petit bâtiment flambant neuf. Minivas retrouve son moteur et nous descendons à terre. Je vais donner notre despacho, la personne en poste semble très surprise de notre parcours, venir du nord ! Il prend en photo le papier et voilà.

MiniVaS flirte avec le bateau de l'Armada. 

Un petit tour sur la petite plage et nous repartons. L’endroit ne semble pas très protégé de la houle, nous préférons rebrousser chemin et aller renifler les catamarans. Hop, ils partent tous comme un seul homme, on dirait un départ de régate.

C'est le départ toutes classes confondues, moteur et voiles, l'île se vide.

Ainsi, nous trouvons un mouillage presque vide. Nous cherchons une bande de sable pour notre ancre et suffisamment d’eau pour ne pas s’y frotter la quille. C’est ainsi qu'à 16hoo l’ancre repose dans moins de quatre mètres d’eau. MedioVaS flotte dans une eau bleue Caraïbes, pure et claire. C’est le gros cliché !

MedioVaS ne se plaint pas, seul dans une eau cristalline au Caraïbes, un luxe !  

Nous allons faire un tour sur cette grande plage vidée de ses touristes quotidiens. La photo catalogue, c’est ici qu’il faut la faire. Mais il faut la faire rapidement, nous sommes dévorés par les moustiques. Le paradis n’est pas si parfait.

Isla Saona, nous voilà ! 
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Nous sommes enfin sur la côte sud de la RD. Ceci annonce une météo plus clémente, des plages de rêves, une ambiance festive et donc du monde.

Nous passons la nuit, entourés de trois bateaux ; nous n’avons vraiment pas à nous plaindre. MedioVaS flirte avec le sable blanc sous sa quille. Les palmes des cocotiers nous appellent, mais nous repensons aux moustiques et restons à bord.

Un peu de frime ... 

Vers 11h00 , c’est le coup de feu. Les catamarans à voile et les divers bateaux à moteur arrivent en masse, en musique (à fond). Nous prions pour qu’ils ne viennent pas se coller à nous. Mais ils sont tous très professionnels. Comment peut-on mettre autant de monde sur un bateau ? Les peaux blanches sont embarquées dans des vedettes pour être déposées à terre tandis qu’un gardien reste à bord. Les transats et le sable disparaissent bientôt sous le troupeau.

Tout le monde veut goûter au paradis. 

Vers 16h00, c’est le départ, les peaux désormais cramoisies sont ravies de leur journée. Les dernières vedettes transportent une cargaison de sacs poubelles, les transats sont remis en ligne, le sable se réchauffe au soleil. En une heure, la mer se calme et retrouve sa palette de couleurs bleues, nous ne sommes plus que deux bateaux. Nous sommes vraiment privilégiés d’avoir ce petit coin de paradis pour nous, une fois terminées les festivités.

Le calme revenu. 

Nous profitons de la journée pour nettoyer la coque de MedioVaS et plonger à la découverte de notre piscine.

Frotti-frotta au milieu des petits poissons. 

Mercredi 29, nous partons de bon matin vers Catuano. Nous voulons nous promener un peu dans l’île, c’est quand même un parc national, ce serait dommage de rater le côté terre. Nous commençons par chercher une table du restaurant, avant qu’il ne soit envahi par le flot quotidien. Nous dégustons du vin blanc blanc et je me fais séduire par les bijoux en pierre locale, le Larimar. Le repas se fait attendre alors je prends mon temps pour choisir et négocier.

Le Larimar est une pierre classée « fine » depuis 1979 et que l’on ne trouve qu’en RD. Une histoire surprenante entoure sa découverte. En 1916, le prêtre Fuertes de Lorenz, de la paroisse de Barahona, demande au ministère la permission d’exploiter une mine contenant une roche bleue. Demande refusée car personne ne connaissait ce dont il parlait. En 1974, deux habitants de Chupaderos, un village a une dizaine de kilomètres de Barahona, remarquent des traces de couleur bleue sur le sable et dans le fond du fleuve Barahuco. Ils remontent le courant à pied et retrouvent le filon au sommet d’une montagne, sous une végétation luxuriante. Le gisement sera exploité à partir de 1976. Le nom Larimar a été donné à la pierre par Miguel Mendez en associant le début du nom de sa fille Larrissa au mot mar, la mer en espagnol. La pierre est bleue, parfois teintée de vert ou de rouge. Elle résulte de la cristallisation de la perfoliée dans les cheminées volcanique. C’est une pierre photosensible, c’est pourquoi elle perd sa coloration bleue au fil des années. Malheureusement nous n'irons pas jusqu'à Barahona en voilier, cela nous compliquerai le retour vers Saint Martin.

Ma petite récolte. 

Nous pouvons enfin déguster poulet et poisson ! Nous partons digérer en nous promenant le long de la plage qui conduit à un petit sentier boisé. C’est toujours agréable de se dégourdir les jambes… jusqu'à tomber sur les moustiques. Ils sont vicieux car on ne les sent pas quand ils piquent. C’est Yves qui me met en garde, j’ai la jambe gauche couverte de ces suceurs de sang. Nous faisons illico demi-tour. Les piqures de ces bêtes deviennent infernales pendant le sommeil.

Yves fait le plein d’eau pendant que je retourne à terre, rendre visite à l’Armada du Destacamento local, pour obtenir le précieux despacho. Petit problème, le commandant de la base n’a plus de document vierge et me suggère de partir sans. Euh, certainement pas ! Je lui prie de signaler le problème sur notre ancien document, avec nom et tampon. Finalement il me fait un document sur une demi-feuille blanche. Au moins nous avons (plus ou moins) une preuve de notre demande.

Nous devons aller à Bayahibe, le village d'où partent les énormes catamarans vers l'île Saona. Nous avons une bonne dizaine de miles à parcourir mais nous ne voulons pas nous retrouver dans la foule tout de suite.

Nous hissons les voiles et longeons la côte à la recherche d’une plage entre les basses falaises qui délimitent naturellement le Parque Nacional Del Este. Nous trouvons notre bonheur entre Tortuga et Fregatta.

Le mouillage sauvage est sans doute interdit, mais nous tentons le coup. Les couleurs du coucher de soleil sur cette roche vallent bien de courir le risque. Au petit matin, avant que le vent se lève, je tente une sortie du drone. Je rêve d’une image de MedioVaS suspendu sur l’eau turquoise.

Le mythe ! 

Une fois achevé matinal le défilé des bateaux porte-touristes, nous retrouvons la tranquillité de notre petit coin.

Quel spectacle, nous sommes gâtés ! 

Le lendemain, nous ferons de même face à la plage Dominicus. Cette dernière est plus vaste, touristique, avec hôtel et estacade-bar. Je voulais aller à terre et visiter une des grottes qui se trouve à deux kilomètres de là, mais l’ancre repose sur une fine couche de sable et les grains nous rendent toujours une petite visite quotidienne. La prudence commande de rester à bord, le souvenir des moustiques aussi !

Le vendredi 25 nous naviguons enfin vers Bayahibe. Le mouillage est presque vide, normal, ils sont tous à l'île Saona. Nous verrons bien ce qui nous attend à leur retour.

Bayahibe !!! Il fallait bien finir par y venir. 


23

En arrivant à Bayahibe, la première chose à faire est de rendre visite à nos amis de l’Armada, comme d’habitude. Ils sont surpris en voyant la date sur le despacho. Je leur explique que l’on nous avait autorisés à mouiller le long de la côte et que c’est pour cela que la traversée fût plus longue, nous en avons bien profité.

Nous flânons un peu dans ce village qui accueille les bus-tours en masse, un parking est entièrement dédié à cela. Et également les bateau-taxis ralliant les diverses îles des alentours.

MiniVaS se prélasse au soleil, bien amarré au lampadaire du bord de plage, tel le petit chien devant la charcuterie. Nous prospectons pour changer un peu d’argent, nos pesos disparaissant petit à petit. Mauvaise surprise, l’euro se casse la figure, effet papillon de la guerre déclenchée par les Russes.

MiniVaS en ville. 

L’estomac se creuse et je cherche un endroit pour déjeuner, en dehors des sentiers touristiques. Le lieu conseillé par un passant est parfait, c’est un petit comedor comme nous les aimons.

Ce village a tout ce qu'il faut  pour notre bonheur.

Un couple français s’installe à une petite table à coté de nous, étrange ici. Yves engage la conversation, Gérald et Voline sont Bretons, en vacances pour un mois dans les parages. Guide du Routard à la main, ils n’aiment pas le tourisme de masse non plus et sont là essentiellement pour la plongée. Proches de la retraite, ils découvrent le plaisir de voyager. Nous échangeons nos coordonnées et leur donnons rendez-vous le lendemain soir pour un petit dîner à bord.

Nous continuons notre promenade à la recherche de la fleur de Bayahibe en voie de disparition, seule fleur de cactus à feuilles. Pour cela nous allons déambuler dans le Parque de las Rosas. bon, on doit être à la mauvaise saison. mais le parc est joli.

Et dans le petit parc se trouve l'église de Bayahibe. 

Dans nos recherches de l’après-mid figure la gare routière. J’ai trouvé un site à visiter, extraordinaire, complètement artificiel : Los Altos de Chavón. Nous partons samedi matin de bonne heure pour nous y rendre. Ici les bus ont un nom, les guagua. Fini les dalla-dalla et les mattata d’Afrique. Guagua est utilisé pour parler des bébés, vous imaginez donc la taille des bus… Le chauffeur nous prévient qu’il ne peut pas nous déposer aux Altos de Chavón, c’est un lieu privé, on n’y accède uniquement en taxi. Nous poursuivons donc jusqu'à La Romana, où nous prendrons un taxi.

Une demi-heure plus tard, le taxi trouvé et négocié. Nous rebroussons chemin de quelques kilomètres. À l’entrée du dit lieu, refus. Le site est fermé à tous ceux qui n’y ont pas une chambre d’hôtel ou un yacht à la marina de Casa de Campos. Bon, nous ne verrons pas la reconstitution d’un village méditerranéen du XVIè siècle, avec son amphithéâtre accueillant cinq milles personnes et sa cathédrale réputée pour s’y marier, tout cela en République Dominicaine. Le taxi nous ramène à La Romana pour quelques dollars.

La Romana est un port d'entrée et de sortie du pays. Ici, pas de marina, mais la rivière Chavón dans laquelle il faut mouiller. Nous en profitons pour repérer un peu les lieux, c’est certainement de là que nous quitterons le pays. Ensuite, nous voulons longer la rivière, se promener et découvrir les lieux. Au bout d’une centaine de mètres, nous nous faisons aborder par un homme hystérique. « - No pueden ir par ahí, tienen que estar acompañados de un Politur. El centro es por allá. » (Vous ne pouvez pas aller par ici, vous devez être accompagnés d’un Politur. Le centre-ville est par là.). Nous sommes un peu désarçonnés. Un jeune homme, qui sort de chez lui en costume et cravate, vient appuyer ses dires. Il nous explique gentiment qu’il est déconseillé de continuer notre chemin. Ce n’est pas dangereux bien-sûr, mais c’est mieux pour notre sécurité (sic). Les Politur sont les agents de la police touristique ; ils sont là pour encadrer la ville et protéger les touristes contre toute attaque. De fait, ils encadrent généralement les quartiers « autorisés », empêchant, toujours très poliment, les touristes de sortir du cadre. C’est que le tourisme est une chose très sérieuse en République dominicaine ! Flûte, la journée ne se déroule vraiment pas comme voulu. Nous suivons les conseils et marchons vers le centre-ville. Au moins, maintenant, nous savons qui sont ces gens en uniforme avec l’écusson Politur. La ville n’a pas grand intérêt en soi. Une belle grande place au nom de Duarte, comme on en verra beaucoup, est entièrement décorée pour la célébration de la fête de l’indépendance qui a lieu le lendemain, le 27 février.

Plaza Duarte 

Duarte est l’un des trois Padres de la Patria (pères de la patrie). En 1821, cette partie de l'île Hispaniola est à nouveau occupée par les troupes haïtiennes. Duarte fonde en 1838 La Trinitaria, une société secrète dont l’objectif est de créer une République dominicaine indépendante. Le despotisme du président haïtien Boyer et le tremblement de terre de 1842 augmentent les tensions. Des activistes haïtiens commencent également à comploter le renversement de Boyer. En 1843, La Trinitaria est devenue une organisation puissante. Boyer est destitué et remplacé par Hérard, qui ne vaut pas mieux que son prédécesseur et ne témoigne aucune sympathie pour une autonomie dominicaine. Un système de surveillance et infiltrations est mis en place par le président. Duarte doit s’exiler à Curaçao, d’autres sont arrêtés. Seul Sanchez continue, dans la clandestinité, à travailler pour le mouvement. Le 27 février 1844 Mella est libéré. Accompagné de Sanchez, il devient le centre et le chef d’une opération militaire qui parvient à vaincre la garnison haïtienne à Saint-Domingue. La République dominicaine voit le jour. Duarte revient de son exil, il est proclamé président par la population, poste qu’il refuse en promettant des élections libres. Son opposant, Santana, a moins de scrupules et s’empare du pouvoir. Il oblige les trois autres dirigeants, Los Padres de la Patria, à s’exiler. Duarte finira donc sa vie au Vénézuela, mais personne ici ne l’oubliera !

Apres notre petit tour de la ville, nous trouvons un Jumbo, souvenir de supermarché à Mayotte. Nous y faisons des courses qui sont les bienvenues pour remplir un peu les cales et le frigo, mais pas trop, nous devons tout rapporter en guagua, nos sacs sur les genoux.

Arrivés à bord, je commence à préparer un petit dîner pour nos invités, les voyageurs terriens bretons. Yves va les chercher en MiniVaS. Ils sont ravis d’être à bord, souvenirs de quelques croisières en Bretagne. Nous passons ainsi une excellente soirée, entourés d’Yvonne et Gérald. Yvonne ou Voline ? Gerald n’aimait pas le prénom de sa femme, il l’a donc rebaptisée Voline ! Si tout était si simple avec les femmes…

Le 27 au matin nous partons vers une des parties du grand Parque Nacional del Este ou Cotubanama, parc que nous longeons depuis l'île Saona. Une longue promenade doit nous conduire à des grottes bien particulières.

Une fois passée une petite guérite (et donc payé un petit droit de passage), nous marchons sur un chemin carrossable, au milieu d’une vaste forêt qui tient comme par miracle, les arbres ayant leurs racines dans la roche. Au détour d’un virage, nous voyons un petit sentier menant vers un abri et une cabane abandonnée. Le lieu devait être un endroit d’accueil pour touristes. La nature prend le dessus ce qui rend l’endroit encore plus beau et mystérieux. Nous nous y installons pour dévorer notre piquenique. Nous sommes assez étonnés de ne pas être dévorés à notre tour par les moustiques et tant mieux. Yves échafaude une hypothèse sur les droits de passage : ils serviraient à payer le démoustiquage. De fait, nous ne sommes dévorés qu’en dehors des parcs « payants ».

Notre cabane dans les bois. 

Nous repartons, il reste encore du chemin à parcourir. Nous voyons la première petite grotte et une petite rivière qui y coule. Elle semble profonde mais nous ne pouvons pas y accéder. Cela promet pour la suite. Nous continuons le Trail de Padre Nuestro. Au bout de ce chemin, une usine de pompage d’eau. C’est l’eau pompée ici qui est mise en bouteille à Bayahibe. En voulant approcher encore, nous manquons de nous faire mordre par deux chiens de garde. Demi-tour et reprenons le chemin principal.

Enfin, nous y sommes, La Cueva Del Chico. Des marches taillées dans la roche nous permettent de descendre dans ce gouffre. Un petit groupe de quatre personnes profite déjà du lieu. Fort heureusement d’ailleurs, ils ont des lampes frontales et pas nous ! Bête oubli, c’est quand même pour cela que l’on a inventé les lampes frontales dont nous avons toute une collection à bord ! Le spectacle est magique. Dommage que le centre de plongée n’ait pas de moniteur à disposition pour faire un peu de spéléologie dans cette eau cristalline. La pluie abondante est filtrée par la roche formant des stalactites et des stalagmites.Quelques minutes plus tard, nous sommes en maillot de bain et nous plongeons. L’eau est si claire que nous pouvons facilement apercevoir les différence de profondeur. Au centre, il n’est même pas imaginable de plonger jusqu’au fond tant c’est profond. En s’enfonçant par la rivière souterraine de la grotte, aidée par la lumière du groupe, je remarque des bifurcations sous-marine, d’autres rivières qui viennent terminer leur route ici. C’est tout simplement somptueux.

Cueva del Chico 
Mythique ! 

Le soir, après notre souper, nous assistons à un petit feu d’artifice depuis MedioVaS : c’est la Fiesta de la Indepecia ! La musique tout autour de nous continuera à grésiller à fond, un peu plus tard dans la nuit que d’habitude. Nous nous endormirons aux rythme de la bachata et de la salsa.

Nous reviendrons Bayahibe. 
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Isla Catalina 

Le 28 février, au matin, nous allons chercher notre nouveau despacho vers la Isla Catalina. Nous naviguons au portant, dans une dizaine de noeuds de brise. Les voiles peuvent respirer pleinement. Nous prenons un cap vers le sud de cette petite île. Cela nous évite de passer entre la terre et l'île, zone de hauts fonds, et de ne pas se retrouver plein vent arrière. Les vent forcit et l'alizé s’installe dans la brise thermique, comme tous les jours en fin de matinée. Il faut lutter contre un fort courant dans le nez à l’approche de la pointe sud. A priori ce courant doit faire le bonheur des pêcheurs, dans leur petites embarcations laissées à la dérive pendant des heures.

Isla Catalina, plate comme une crêpe, apparaît à tribord. 

Les abords de l'île sont très peu hydrographiés, nous roulons les voiles pour approcher la zone de mouillage au moteur, face à la Punta Perez, avec une extrême prudence. Nous retrouvons les bateaux de plongée, un catamaran-tour et quelques yachts. Les plaques de sables ont l’air d'être toutes prises. Nous mouillons dans quatre mètres d’eau, juste après une zone rocheuse. Je plonge pour vérifier la tenue de l’ancre. Ce n’est pas complètement satisfaisant mais elle tient dans du sable. Nous allons attendre le départ des visiteurs à la journée pour nous déplacer.

La Isla Catalina est un parc naturel de 9 km². Les aborigènes la nommait Labanea ou Toeya. En 1494, Christophe Colomb lui donne le nom de Santa Catalina en l’honneur de la fille de la reine de Castille.

Aussi petite soit l’île, il y a quand même un détachement de la Armada. Nous partons leur montrer notre document. Comme d’habitude, le despacho est pris en photo ainsi que nos passeports et les papiers du bateau. On se demande toujours à qui cela peut-il être envoyé ? Nous partons ensuite nous promener sur le sentier de l’île. Au bas de l’escalier, un panneau : « no isla sin bracelete » (pas d'île sans bracelet). Euh, sommes-nous dans un Club Med quelconque ? Visiblement, nous sommes en dehors des heures de bracelet et nous pouvons nous promener sur le sentier Punta Perez de 476 mètres, sans redevance à payer. La promenade est magnifiquement bien entretenue, bordée d’arbres d’espèces rares et variés, sans moustique. Nous assistons à un exemple extrême d’adaptation.

Cela faisait longtemps que nous ne marchions pas sur du plat. 

Avec le vent, le sel et le manque de terre, il est impossible de croître pour une plante normale. Et pourtant il y en a, elles se sont adaptées et s’accrochent à la vie. Ces plantes ont évolué en développant des petites feuilles dures qui peuvent résister aux vents forts et éliminer le sel.

Les petits habitants croisent notre route. 

Cette roche sur laquelle nous marchons se trouvait sous la mer. En la regardant bien, chaque corail pourrait nous raconter l’histoire de milliers d’années de vie sous mer.

Punta Perez 

Les bateaux commencent à partir, il va être temps de changer notre ancre de place pour la nuit. Nous trouvons une belle bande de sable dans laquelle l’ancre s’enfonce profondément. Il vaut mieux car nous ne sommes pas loin de la côte rocheuse. Nous aurons pour seul voisin un mega-yacht. Quel luxe d'être dans un mouillage désert !

Nous envisagions de rester une nuit mais, une fois encore, ce petit bijou nous garde une nuit supplémentaire.

Avant le rush des arrivées. 

Deux heures dans l’eau, nager avec les poissons, explorer le récif corallien, c’est superbe. Je regrette de ne pas avoir un harpon, j’aurai bien mis une belle sole dans mon assiette.

Quelques bateaux de jour viennent tourner autour de nous, pas besoin de mettre de la musique, ils s’en chargent. Vu le monde à bord, ce doit être le spring-break aux Etats-Unis (la ruée annuelle des étudiants vers l’eau, le soleil et l’alcool).

En fin de journée, nous retrouvons la tranquillité du mouillage, le soleil se couche rien que pour nous, en nous envoyant des belles couleurs.

Le 2 mars, nous allons rendre visite à la Armada pour notre despacho de départ. Mauvaise nouvelle, ils ne les font pas : paresse, pas de papiers ? J’insiste pour qu’ils me le notent sur l’ancien. Rien à faire, ils ne veulent pas, et ils n‘ont pas de tampon. L’un d’entre eux appelle l’Armada de notre prochaine escale afin de les prévenir de notre arrivée. Faut y croire…

Nous vous écrirons ! 
25

Mercredi 2 mars, nous quittons donc ce petit paradis sans despacho, vers San Pedro de Macoris. Honnêtement, l’étape n’est pas très conseillée dans le guide. C’est un arrêt pour raccourcir notre route vers le prochain point. Nous ne voulons pas arriver de nuit dans ces endroits très accueillants pour les yeux mais pas trop pour MedioVaS.

L’ancre quitte son fond de sable blanc et son eau turquoise à 10h00. Nous naviguons sur une mer calme, en longeant les usines sucrières de la côte. Vers 13h00, nous embouquons le Rio Macoris. Le chenal, bien identifié par les bouées rouges et vertes (à l’envers, c’est l’Amérique, ici), nous évite les haut-fonds. À la deuxième courbe, nous découvrons la centrale électrique à bâbord et le port commercial à tribord. Deux gros remorqueurs, quelques pilotines et deux bateaux de la Armada se reposent le long du quai.

Très vite, un homme nous siffle et nous demande de nous approcher. Yves à la barre maintient MedioVaS face à cet énorme quai en béton contre lequel nous ne voulons vraiment pas aller nous frotter. Je discute avec les deux hommes de la Armada, curieux de notre arrivée et pas du tout au courant de notre despacho non rempli… Nous ne sommes pas surpris ! Il est question de savoir si nous pouvons passer la nuit au mouillage dans la rivière et d’obtenir notre despacho pour la prochaine escale.

Après un petit appel VHF à son supérieur, le type nous donne l’autorisation de rester. Les deux montent dans leur lancha et nous indiquent où nous pouvons mouiller, mais nous ne pouvons pas descendre à terre. Cela n’est pas très dérangeant, nous ne raterons qu’une belle église à visiter et l’ambiance du village.

Le commandant, très gentil, me laisse ses coordonnées, si jamais nous avons besoin de quelque chose, et nous promet notre document pour le lendemain matin, à 07h00. Mouillé au pied de l’usine d’électricité, nous profitons d’un bruit de moteur continu très désagréable.

Mouillage d'une nuit, entre port et pont. 

Les couleurs du coucher de soleil sont magnifiques.

Le soleil nous quitte en nous laissant la ville sous de belles couleurs. 

Les pêcheurs sortent aux dernières lueurs du jours. Ils pratiquent une pêche à l’ancienne : lancé de filet lasso et rabattage du poisson en frappant sur l’eau.

Vu la couleur de l'eau, je préfère les regarder pêcher que manger le fruit de leur péché.  

La ville s’éclaire doucement, l’église est superbe et porte toujours ses décorations de Noël. Avec la tombée de la nuit, les rythmes endiablés et calientes sortent de différents baffles. Comme quoi, c’est vraiment culturel la musique à fond, pas seulement pour les touristes, qui ne viennent d’ailleurs pas dans ce trou perdu. C’est beau une ville la nuit.

C'est beau une ville la nuit vue du mouillage. 

Vers 22h00, nous entendons un moteur tourner autour du bateau et des cris. Je sors… C’est la Armada. Aie ! Ils nous demandent de déplacer MedioVaS car nous risquons de gêner la vedette militaire si elle doit sortir en plein milieu de la nuit. Hors de question pour nous, nous n’allons pas remouiller de nuit. Le nouvel emplacement qu’ils nous indiquent se trouve face au ponton flottant de l’usine, encore plus bruyant, avec toutes sortes de câbles et les haut-fonds sont proches. La discussion traîne un peu mais ils finissent par partir et nous ne bougerons pas. Ma démonstration de cercle d’évitage a du les convaincre.


À 07h00 du matin, personne ne vient. 7h30, j’appelle le commandant. 08h00 du matin, personne ne vient. 09h00 du matin, une embarcation approche. Ça y est ! Nous pourrons quitter cette eau saumâtre, le bruit de l’usine et les poussières de béton chargé et déchargé dans le port. Ah non, nous ne pouvons pas. A bord de l'embarcation, le second de la capitainerie du port me demande de le suivre, nous avons des frais de port à payer. Gloups ! Ahah ! Enfin, que faire à part le suivre ? Je prends tous les papiers du bateau et me voilà embarquée dans la lancha. Yves reste à bord pour veiller sur MedioVaS et fulminer en silence.

Je suis mon cerbère jusqu’aux bureaux de la capitainerie. Une femme m’accueille, c’est la capitaine du port, le corps bien enrobé et le caractère bien trempé,. Elle m’explique qu’il faut payer des frais de port, 20 dollars. En soi, ce n’est pas une grosse somme mais c’est le principe qui est gênant. Tous les papiers de MedioVaS sont sur la table, preuve de paiement du droit de circulation dans les différents ports… je me lance dans une discussion en espagnol. À vrai dire, je ne sais pas trop quels sont nos droits, si le document est valable pour tout le pays ou pas, mais peu importe, j’entame le bluff. Et je rajoute que si l’on a fait escale dans cette rivière c’est parce que l’Armada de l’Isla Catalina ne pouvait pas nous despacher et que la Armada locale n'était pas fichue de nous donner un despacho hier soir. Bon c’est un demi gros mensonge, mais c’est ma base de négociation. Une attroupement commence à se former autour de nous quand apparaît un petit bonhomme avec l’écusson de l’Immigration. Il veut rentrer dans la partie et me demande mon passeport. Heureusement je ne le quitte jamais. À ce moment, la capitaine du port part avec les documents de MedioVaS pour en faire des copies et monsieur Immigration part dans son bureau avec mon passeport. Je suis quitte de tout. Je décide de ne pas perdre mon passeport de vue, règle de base, et donc petit bonhomme. Il veut lui aussi trouver une embrouille. Il me demande le passeport d’Yves, que je n’ai pas sur moi. Il commence à jubiler, « - Faudra revenir me le montrer ». Hors de question. Après des copies et des photos de mon passeport, je lui explique le plus calmement possible, entre les cariños et les mi amor qu'il utilise pour s'adresser à moi, qu’ils sont tous en train d’abuser, que notre entrée dans le pays s’est faite tout à fait dans les règles. Je revois le second de la capitainerie, et l’air un peu désespérée je lui demander d'arrêter tout ce cirque ! Il me rend les papiers du bateau et prend mon passeport des mains du petit bonhomme disant que tout est en règle. Il me conduit jusqu'à l’Armada pour me faire le despacho. Enfin, le temps de me faire manger par les moustiques, j’obtiens le maudit papier.

Toujours le même pilote de l’Armada aux commandes de la lancha, un grand black au visage doux et souriant, me fait sauter à bord. Au dernier moment, petit bonhomme de l’immigration se joint à nous. Flûte ! Il va nous suivre encore longtemps ? Je monte à bord de MedioVaS et dit à Yves d’appareiller illico. J’ai le despacho et on a rien à payer, mais il faut dégager au plus vite, on ne sait jamais ce qui peut leur passer par la tête.

Chose dite, chose faite. Vous n’allez pas le croire, partis depuis deux minutes à peine que revoilà le second à l’attaque à bord de sa lancha avec le même pilote.

Yves ne fulmine plus en silence … surtout quand il commence à m’appeler cariño ! Donc je vais chercher le portefeuille, mais entre-temps les vingt dollars sont devenus quarante, ben oui « - cariño, veinte de entrada mas veinte de salida ». Je ne vais pas vous refaire toute la discussion qui a bien duré un quart d’heure, entre-coupée de ses appels VHF à un supérieur quelconque. Je commençais moi aussi à m’énerver. Mais j’ai vu que le pilote approuvait régulièrement mes arguments, surtout celui du despacho que l’on avait et nous donnait toute liberté pour partir.

J’ai fini par « - mon mari est militaire, nous savons très bien que si l’Armada nous donne notre despacho c’est que tout est en règle et nous pouvons donc partir. Nous connaissons nos droits. De toutes façons vous savez quelle est notre prochaine escale, elle est sur le despacho. Alors au revoir et merci. Yves, mets les gaz, on se casse ! ». Le pilote assistant au duel, il sourit et confirme mes dires. Yves met les gaz et on part.

On s’en rappellera de cette petite nuit bruyante dans une rivière aux couleurs douteuses. Les ports de commerces ne sont pas faits pour les petits bateaux… et le mot militaire semble ouvrir bien des portes dans ce pays.

La sortie est par là !!! 
26

Nous prenons donc la fuite de notre rivière de San Pedro de Macoris le 3 mars , direction Boca Chica, à 25 miles. J’ai contacté la marina Zarpar, ils ont de la place et nous y attendent. Faut encore y croire. Après une belle navigation sous voile, nous atteignons le fond de la Bahia de Andres.

Entre haut-fonds et terre (ici, le port de commerce), il ne faut pas se louper. 

Pour atteindre la marina, il faut passer entre la terre et la petite île de La Piedra, avec ses haut-fonds. La quille de MedioVaS va encore trembler. La carte nous signale des sondes de 1,50-1,80 mètres, un peu juste pour nos 2,10 mètres. Nous embouquons le petit chenal bien encadré par les bouées, la terre est toute proche à bâbord et la mer brise sur les haut-fonds à tribord. « Jusque-là, tout va bien ». Je contacte la marina par téléphone, la personne en ligne veut basculer sur la VHF canal 5. J’ai beau appeler, rien ne se passe. Nous nous apercevrons plus tard que c’était le canal 5 au standard américain… Les choses se corsent quand les bouées du chenal nous quittent. Nous sommes un peu livrés à nous mêmes. Yves est à la barre, je suis à l’avant pour guetter la moindre patate de corail ou autre. Le fond a l’air sableux, c’est déjà une bonne nouvelle. J’entends le moteur augmenter de régime et nous reculons, le sondeur annonce 1,80 mètres, Yves stoppe le bateau. Nous devons nous coller davantage aux pontons, selon les conseils de Willy, l’homme de la marina. Ouf, nous n’avons pas touché, le sondeur nous laisse enfin du répit, trois puis quatre mètres d’eau. Nous voyons l’équipe au ponton pour nous accueillir. C’est une place temporaire, nous pourrons prendre une vrai place le lendemain matin lorsque le vent est au repos. Nous faisons les démarches à la marina et la Armada passe nous voir.

Dans l'après-midi, je vais me promener sur le sentier qui longe la mer vers le village de Boca Chica, LE lieu de villégiature des habitants de Santo Domingo. Le sentier borde la mer, c’est une enfilade des cabane-restaurants et de tables.

Faut mettre la musique à fond ! et ne pas regarder coté arbres ... 

Partout des panneaux, laissez cet endroit propre… ils ne doivent pas le comprendre. J’ai assisté à une scène incroyable : une mère et ses enfants terminent leur goûter. La mère, qui a du lire le panneau, ramasse tous ses déchets et les met dans un sac plastique. Bravo ! Elle traverse le petit sentier et jette son sac poubelle dans les arbres. Waouh ! Belle interprétation du panneau. J’ai envie de lui dire quelque chose mais je suis sans voix. Vu la déchetterie côté arbres, cela doit être une coutume locale, malheureusement. Je continue mon chemin bercée par les musiques de chaque cahute. Ici, c’est à celui qui possède les meilleurs baffles pour couvrir la musique du voisin. La plage de Boca Chica est énorme, couverte de palmiers, de restaurants et de gens. L’ambiance atteint des sommets, le week-end est proche. Sur l’eau, ce sont les jet-skis qui font la course.

La plage de Boca Chica, bien surveillée par une copine de Snoopy.  

Le jour se termine, j’avais remarqué quelques Politur au bout du sentier, il vaut mieux que je rentre. Une vingtaine de minutes de marche m’attendent et c’est plus prudent de les faire de jour.

De retour au bateau, nous bénéficions de la musique des vedettes. C’est assez spécial, ces bateaux quittent leur place de port, ils vont mouiller moins de cent mètres plus loin, proche de l'île La Piedra, et restent là à ne rien faire, musique à fond. Vers une heure du matin ils reviennent à leur place, toujours en musique (à fond, oui). Ce petit cirque est quotidien. D’autres se divertissent sur des jet-skis de location, en parcourant mille fois la distance de cent mètres aller-retour !

Les bateaux à moteur ne manquent pas dans le coin, fêtes, musique, alcool et pêche sont les principales occupations.

La belle ambiance latino !!! 

Au petit matin, comme tous les matins, le vent sommeille. Nous en profitons pour déplacer MedioVaS à la place donnée. Ici, les hauteurs de marées sont très faibles et le ponton est fixe : une estacade à l’américaine. On s’amarre cul au ponton, en frappant des pointes (amarres à l'avant) sur des piliers attrapés comme on peut, au passage. MedioVaS est tout content de retrouver une place au port. À 8h30 du matin, nous pouvons partir l’esprit tranquille trouver nos guagua pour aller vers Santo Domingo. La journée va être longue.

MedioVaS, heureux au ponton.  
27

Nous trouvons assez rapidement l’arrêt du guagua, au rond point du gymnase, un rond point effectivement aménagé avec des appareils de musculation pour tout le monde. Nous sautons dans le premier guagua qui se présente. Il va jusqu'à Boca Chica et ensuite jusqu’au point de rendez-vous du guagua de Santo Domingo. Comme nous prenons un correspondance, le premier tronçon est gratuit. Spécial, ce système. La route va être longue, nous ne sommes pas dans un guagua express mais dans un sérieux omnibus. Nous traversons plusieurs petites villes et villages le long du bord de mer, ça grouille de monde partout. Nous finissons par arriver, après une heure de route inconfortable, il est 09h30.

Nous ne savons pas trop où descendre, le choix se fait un peu au hasard en suivant Google Map, peu après le pont qui traverse la Rivière Ozama. Nous sommes au milieu d’un bouchon, aussi bien sur la route que sur les trottoirs. Nous parvenons à nous frayer un chemin et tentons de prendre quelques repères pour le retour. Le quartier, très vivant, est loin de faire partie des beaux quartiers de la ville.

Toujours en musique, évidemment . 

Oh, des vendeurs d’empanadas partout, comment résister ? Nos papilles gustatives sont ravies. Nous continuons vers la Zona Colonial, centre historique (et touristique) de la ville. Alors que nous marchons tranquillement en tentant de ne pas se tromper, un homme nous aborde. « - Je suis guide, je vais vous accompagner. C’est trop dangereux pour des touristes ici ! Remerciez Dieu que je sois arrivé avant que l’on vous plante un couteau. Je suis payé par le ministère ( tout en brandissant un vague badge plastifié qui lui pend au cou). Avec moi vous ne risquez rien… » Enfin, nous essayons de lui expliquer que nous préférons nous promener seuls, que nous avons un peu l’habitude, mais rien n’y fait. Il nous suit ou nous précède, toujours en clamant la dangerosité des lieux et en remerciant Dieu de l’avoir placé sur notre chemin. C’est ainsi que nous arrivons à l’Eglise Santa Bárbara (encore !). Notre guide nous quitte enfin, rassuré de nous avoir emmené en lieu sûr… ou bien a-t-il aperçu la brochette de policiers qui sommeillent à l’ombre, avachis sur des chaises derrière les grilles d’entrée ? L’église se trouve dans l’ancien Barrio de Los Canteros (quartier des tailleurs de pierre), à l’entrée de la Zona Colonial. Elle fût construite à la fin du XVIème siècle sur la mine dont on a obtenu le matériel nécessaire à sa construction. Elle a été reconstruite au XVIIème siècle après le passage d’un ouragan. Son nom complet est un peu plus long, Santa Iglesia Catedral Castrense Santa Bárbara de Los Hombres de la Mar (c’est dire s’il ne nous manque rien). C’est cette église qui a vu le baptême de notre célèbre héros de la guerre de l’Indépendance, Juan Pablo Duarte. La façade se distingue par son style espagnol colonial, tendance baroque. Les deux tours qui flanquent la façade sont inégales, cela lui donne un aspect particulier. L’intérieur est compose de huit chapelles datant d’époques variées.

Et dans le petit parc qui l'entoure, des statues représentant des moments de vie.  

Nous quittons les esprits catholiques espagnols pour rallier l’Alcázar de Colón, autrement dit la maison de Diego Colomb, fils aîné de Christophe Colomb.

C’est le premier palais espagnol fortifié construit aux Amériques, entre 1511 et 1514, dans un style gothique et renaissance.

Alcazár de Colón. 

Les quatre enfants de Diego et Mariá Álvarez de Toledo y sont nés. Diego mourut en 1526, en Espagne, mais Mariá est restée dans ce palace jusqu'à sa mort en 1549. Trois générations des Colomb auraient habité ici. Le palais tombe en ruine lorsque la ville de Saint Domingue perd de son influence, vers le milieu du XVIIIè siècle. Des cinquante-cinq pièces, il n’en restera que vingt-deux. On pense vaguement à transformer le site en prison, idée abandonnée en 1776. En 1870, il est déclaré Monument National et entièrement restauré par le Gouvernement dominicain à partir de 1955.

Nous arrivons juste avant l’entrée de plusieurs groupes scolaires ; c’est le musée le plus visité de Saint Domingue.

A la sortie, sur la belle place, les touristes commencent à affluer. Dans un coin, le long des murailles, une jolie señorita se fait prendre en photo en robe de bal, certainement les photos souvenirs de ses quinze ans.

Nous descendons les marches de la place et continuons vers le Museo de las Casas Reales (Musée des Maisons Royales) également appelé Palacio de la Real Audiencia ou Palacios Reales. Constitué de deux palais, il fût construit au XVIè siècle par la couronne de Castille. C’était le premier tribunal du Nouveau Monde, Il exerçait sa juridiction sur toutes les îles proches, notamment Cuba, Puerto Rico et la Jamaïque. Il servait également de résidence pour les gouverneurs et les capitaines.

Las Casas Reales

En face du palais, les panneaux solaires du Reloj Del Sol attirent tous les regards. L’ombre indique l’heure, presque aussi précisément que nos horloges de téléphone… depuis 1753 ! Un peu plus loin, une petite chapelle, la Capilla de Nuestra Señora de Los Remedios, se fond presque dans l’épaisseur de la muraille.

Je vous laisse lire l'heure.  

Un beau chemin dallé nous mène à la fameuse Calle de Las Damas. C’est la première rue pavée des Amériques. Le soir, María de Toledo et ses dames sortaient du palais et se promenaient sur cette rue conduisant directement à l’Alcazar de Colón. Le long de celle-ci se trouvent évidemment la plupart des palais devenus des musées.

Calle de las Damas 

Collé à la Casa de Los Jesuitas, nous découvrons el Panteón de la Patria et sa façade néoclassique. Son sommet est caractérisé par un blason dominicain et trois cloches. Son intérieur baroque est impressionnant, des peintures murales au plafond décrivent l’Ascension au Paradis et le Jugement Dernier. Une flamme éternelle brûle en dessous. Tous les jours, la garde présidentielle surveille cette ancienne église jésuite datant du XVIIIè siècle. Elle est devenue le mausolée national en 1956 et abrite les dépouilles des héros dominicains, dont celles de Duarte, Sanchez et Malle, évidemment, dans l’Autel de la Patrie.

Casa de los Jesuitas et sa petite place. 
Panteón de la Patria 

Nous longeons la dernière demeure de Colomb et arrivons dans la Calle El Conde. C’est la première rue commerciale du Nouveau Monde et elle continue d’être la rue piétonne la plus populaire de la République dominicaine. Remplie de restaurants, de cafés, de boutiques de souvenirs et peuplée d’artistes de rue, elle est l’organe vivant de la Zone Coloniale. Elle longe plusieurs sites historiques, comme le Parque Colón et sa cathédrale Nuestra Señora de la Incarnation.

Calle El Conde 

Mais nos estomacs se creusent. Nous ne voulons pas d’un restaurant trop touristique. Nous nous enfonçons donc dans la rue El Conde en nous éloignant des points d’intérêts et nous trouvons un restaurant d’empanadas colombiennes, un régal !

Nous déambulons ensuite dans des rues parallèles, il y a toujours une belle façade à admirer et tant de choses à visiter, on s’y perd un peu. On sent bien l’importance de la ville au temps des colonisateurs. Les noms de Colón et de Duarte se disputent la place, les deux sont partout à l’honneur.

Plaza Colón et  Nuestra Señora de la Encarnación
Plaza Duarte. 
Les trésors da la Zona colonial. 

Nous poursuivons par le Forteresse Ozama, construite par les Espagnols au début du XVIe siècle. Elle est la première structure militaire permanente des Amériques, marquant le début de la colonisation espagnole. Se dressant à l’intérieur d’une grande enceinte fortifiée, elle fut construite pour ressembler à un château médiéval. Au centre, se dresse une remarquable tour de 21 mètres de haut, la Torre Del Homaje, dont l’escalier en colimaçon conduit à une plate-forme d’observation. Vous pouvez imaginer les vues impressionnantes sur le Río Ozama et le port de Saint-Domingue. De cette belle plateforme, on guette pirates et envahisseurs et l’on commande les nombreux canons pointés sur le fleuve, qui protègent l’entrée de la ville. Sa construction dura de 1502 à 1508 et fut dirigée par celui qui était alors le gouverneur de Saint-Domingue, Frère Nicolás de Ovando. La forteresse nous replonge aux temps médiévaux avec sa pierre de couleur corail d’origine, ses tunnels intérieurs et ses donjons où des prisonniers, y compris Christophe Colomb, furent incarcérés.

Fortaleza Ozama 

Nous continuons par une promenade sur le bord de mer et nous découvrons l’énorme monument du Frère Antonio de Montesinos. Il a été inauguré en 1983. Il s’agit d’un don fait par le Mexique une année avant. Il rend hommage au célèbre défenseur des indiens Taïnos. Le frère espagnol est représenté debout le jour de l’annonce de l’Avent de 1511, quand il a prononcé son premier discours à la défense de la dignité des indigènes et contre la situation d’esclavage.

Plus grand que les cocotiers . 

Après avoir traversé le boulevard Georges Washington sans se faire écraser, nous sommes partagés entre admiration pour la belle esplanade et les ruines de quelques batteries et tours, et désolation voyant les détritus qui parsèment les superbes petites criques au pied des roches.

L'après-midi avance et nous ne savons pas où nous devons prendre notre guagua de retour. Nous remontons la ville par l’extérieur de la Zona Colonial, cette fois-ci pas de guide qui nous saute dessus pour nous protéger.

Nous passons par Hazard devant l'entrée du Chinatown. Plus beaucoup de chinois sur place ! 
L'ancienne maison de Duarte. et les fameux cireurs de chaussures que l'on croise partout. 

La musique sort de partout et elle rythme nos pas. Les ruelles bouillonnent de monde. Nous approchons des rues plus larges et voyons des mini-bus. Je demande au chauffeur où se trouve l’arrêt du guagua pour Boca Chica : « - Continuez tout droit une cadra et ensuite à gauche. » Nous suivons les instructions, ce n’est pas le bon guagua. Je lance la même démarche et j’ai à peu près la même réponse. Cela se reproduira encore une troisième fois jusqu'à trouver le bon arrêt. Nous avons de la chance, un guagua est en train de partir et c’est un express. Après une heure de route, nous sommes de retour dans l’ambiance de notre marina. Va-et-vient de jetskis, aller-retours de vedettes… musique !

Nous décidons de rester une nuit de plus, le temps de se reposer et de voir un peu quelles sont les démarches de sortie. Pour cela, il nous faut trouver le détachement de la Armada. Nous entamons une longue promenade le long du petit lagon, de la marina des pêcheurs, mais mous ne trouvons pas de militaires. Avec quelques renseignements, il s’avère qu’elle est encore plus loin, « una distancia considerable » avait dit la réceptionniste de la marina…

Publicité et art se confondent. 


Et dans toute sa simplicité, c'est celui-ci mon préféré ... 

Nous longeons un interminable mur bétonné, devenu un excellent support publicitaire. Les fresques peintes à la main se disputent couleurs et slogans,, sans oublier de remercier Dieu pour favoriser les affaires ! Finalement nous trouvons la marine. La démarche est simple, ils prennent les documents et nous apporteront le despacho le lendemain, à l’heure prévue du départ, 06h00. Nous voici devant la fameuse promesse « mañana por la mañana », exacte traduction d’un jour peut-être ! Et pourtant, ils sont là, presque ponctuels pour une fois. Le dimanche 6 mars à 07h15, nous appareillons. Les hommes de la Armada surveillent notre départ avec grande rigueur. Pas question de faire semblant de quitter les lieux avant nous. Ils pendront moult photos de notre manoeuvre, heureusement sans incident !

Au revoir ZarPar . 
28

Dimanche 6 mars, nous partons vers Bayahibe. Enfin, c’est ce qui est noté sur le despacho, mais une fois de plus nous préférons faire escale pour ne pas arriver de nuit. Notre choix se porte sur la petite île Santa Catalina qui nous avait tant plu. Nous mouillons l’ancre vers 16h15. Nous savons que la Armada sur place n’est pas des plus efficaces et nous ne leur signalons même pas notre arrivée. Nous ne passons pas inaperçus pourtant, dès la fin du jour jour, il n'y a que nous face à leur bâtiment. Mais il ne se déplacent pas, et nous sommes tellement bien dans ce petit coin que nous restons deux nuits. Nous assistons toujours au défilé de bateau-musique-touristes, ça va nous manquer.

Isla Catalina et son petit plongeoir. 

Apres cette escale bien reposante, nous partons le 8 mars à Bayahibe. Nous retrouvons Gérald et Violine qui nous offrent une Piña Colada au bord de la plage. Ils repartent bientôt vers le France et nous, nous préparons notre retour vers Saint-Martin. Nos visas arrivent bientôt à expiration, il s’agit de ne pas rentrer dans les prolongations.

Petite pause Piña Colada à l'ombre. 

Nous prenons un guagua vers la Romana. Nous voulons voir où se trouvent les bureaux : douane, immigration… pour préparer notre sortie. Surtout, nous voulons savoir si nous pouvons tout faire en laissant MedioVaS à Bayahibe. La rivière de la Romana ne nous inspire pas trop. Première étape : la douane. Après avoir marché le long du chemin de fer passant au-dessus de la rivière, traversé la moitié du port, nous arrivons devant une guérite qui semble bien être le bon endroit. Et non, le gardien nous fait rebrousser chemin, les bureaux se trouvent « juste » en face, c’est-à-dire de l’autre côté de la rivière. Nous arrivons ainsi à la Armada. Un homme nous interpelle en espagnol : « - Buenos días, ustedes estaban en San Pedro de Macoris, no ? Me ubican ? ( Bonjour, vous étiez à San Pedro de Macoris, non ? Vous me reconnaissez ? ) » Quelle surprise, c’est le militaire au visage doux qui pilotait la lancha lorsque la capitainerie du port nous poursuivait pour payer. Un léger moment d’angoisse également, va-t-il reporter les faits, aurons-nous des soucis pour faire notre sortie ?

La Armada nous confirme que nous devons venir avec MedioVaS « en personne » pour sortir, eux se chargent de faire venir la douane et l’immigration.

Nous profitons d’être à la Romana pour faire quelques courses dans leur super Jumbo. Il est vraiment énorme ce super marché, avec un choix important et surtout de la bonne viande ! Le petit congélateur sera ravi.

Bien chargés, nous reprenons le guagua du retour et remplissons les cales et le frigo de provisions.

Au revoir Bayahibe 

Le vendredi 11 mars, nous faisons route sous voiles vers la Romana. L’entrée de la rivière est délicate, des haut-fonds à bâbord, un goulet d'entrée rendu encore plus étroit par un énorme paquebot.

Oups, on va se faire tout mince. 

Heureusement, il n’y a pas d’autre voilier au mouillage. Le sondeur annonce sept mètres d’eau, nous mouillons l’ancre. Entre courant et vent, MedioVaS tourne en rond, nous décidons de prendre une des bouées qui sert à l’un des catamarans-touristes. Yves saute dans MiniVaS avec 100m de cordage flottant. Il pousse l'arrière de MedioVaS pour l’obliger à éviter. Une fois dans le bon sens, je le maintiens en marche arrière. Yves entoure la bouée de l’amarre. Nous voici à peu près stables, l’ancre à l’avant et la bouée à l’arrière.

Maintenant, c’est moi qui saute dans MiniVaS avec tous les documents habituels et nos passeports. Yves me dépose et retourne à bord, veiller sur le bateau. Il y a une circulation importante autour de la Armada, tous les pêcheurs ou plaisanciers doivent leur signaler leurs mouvements ! Tout cela se fait à bout de bras, entre bateau et quai, les papiers volent au-dessus de l’eau. Mais pas pour nous, bien évidemment, les choses sont plus sérieuses.

C'est la queue pour le despacho. 

L’officier de la Armada commence par contacter les différents services et me demande d’attendre leur arrivée. Le capitaine du port arrive rapidement, avec son facturier. Notre ami de San Pedro de Macoris est là également. J’espère seulement qu’il ne vont pas nous réclamer ce malentendu… Mais non, nous devons payer vingt dollars de sortie, c’est apparement normal. Je négocie pour les payer en pesos car il nous en reste trop. La négociation est dure mais il finit par accepter.

En attendant les autres services, l’officier commence à faire le despacho international de sortie du pays. C’est assez amusant, il utilise le dernier despacho rempli, comme modèle, c’est le despacho d’un catamaran au pavillon américain avec un équipage russe… rire ou pleurer ?

Au bout d’une longue demi-heure, c’est une dame qui se présente pour l’immigration. Contrôle des dates sur les passeports pour être certaine que nous n’avons pas dépassé d’un seul petit jour. Ici, pas besoin de faire de prolongation de visa. Si on dépasse la date, on paye à la sortie pour trois mois de mieux. Elle tamponne nos passeports et me voilà presque libérée.

Pendant ce temps, je vois Yves et MedioVaS qui surveillent un gros catamaran-touriste qui leur tourne autour dans cette étroite rivière.

La Armada imprime un magnifique despacho, tout en couleur, et me dépose à bord de MedioVaS avec un marin qui a reçu l’ordre de prendre des photos. Le jeune monte à bord et fait du zèle en voulant prendre des photos de l’intérieur. Je le laisse faire mais je lui explique que les photos doivent être prises de l’extérieur, le but étant de reconnaitre le bateau de loin. Bon, je pense qu’il s’est fait plaisir aussi en visitant MedioVaS. Il prend ensuite les photos de l’extérieur et nous libère. Yves m’expliquera que la marine locale est largement financée par les USA, dans le but avoué d’éviter l’immigration clandestine et la propagation du communisme ! Haiti et Cuba sont toutes proches… Aussi, prendre des photos de l’intérieur permet de prouver que le jeune marin a bien fait le tour du bateau.

Au revoir La Romana. 

Nous larguons la bouée, remontons l’ancre et mettons en route pour l'île Saona. Une fois encore, ce n’est pas complètement légal. Nous devrions quitter directement le pays. Mais une petite nuit de repos et le plein d’eau dessalée dans un décor de rêve, avant la traversée qui nous attend, c’est un risque qui en vaut la peine.


À 16h30, l’ancre repose dans l’eau claire de Saona. Nous plongeons pour faire un dernier nettoyage de coque. MiniVaS retrouve sa place sur le pont. La nuit est calme. La fenêtre météo que nous avons choisie n’est pas parfaite, mais, à vrai dire, il n’existe pas de fenêtre météo parfaite pour le trajet que nous avons à parcourir. Et quand elle se présente, elle ne dure jamais plus de trois jours. Nous devrons faire des compromis.

Au revoir belle République Dominicaine.  Nous emportons ta musique avec nous. 
29

Le samedi 12 mars à 8h30 nous quittons le merveilleux mouillage de l'île Saona. Nous savons que la route va être longue. Et rude. Nous avions parcouru les 330 miles qui nous séparent de Saint Martin en trois jours à l’aller. Le retour s’annonce plus difficile.

Le défi ... 

Voilà le problème : nous devons naviguer contre le vent et le courant. Nous avons une fenêtre météo de trois Jours plus ou moins corrects, c’est-à-dire sans coup de vent. Il n’existe pas de fenêtre météo de huit jours, par ici. Donc nous allons devoir faire avec ce qui se présente à nous.

En quittant Saona, nous arrivons à peu près à maintenir un bon cap, deux ris dans la grand voile et trois ris dans le génois. Le vent monte rapidement à 17 noeuds, MedioVaS traverse la vague fièrement. Ceci ne dure évidemment pas, nous devons commencer nos virements si nous ne voulons pas arriver au Venezuela ! Nous commençons à faire beaucoup trop de route au sud.

Petites voiles pour gros temps. 

Apres le virement de bord, Yves crie depuis la salle de douche : « - Re-vire, on prend de l’eau !» J’ai du mal à virer, le bateau n’ayant pas encore pris de la vitesse. Je démarre le moteur, mais en réglant le régulateur d’allure, je découvre un cordage que l’on traine dans notre sillage. J’arrête aussitôt l’hélice. Je préviens Yves que, sur ce bord, c’est certainement la vanne de vidange du lavabo que l’on n’a pas fermée et l’eau qui remonte le long du tuyau lorsque l’on gîte fortement. Le virement se termine enfin, il vérifie la vanne. Nous sommes rassurés, c’était bien elle qui nous a fait une frayeur. Et j’annonce à Yves que nous avons une corde à la traîne, hors de question d’utiliser le moteur. Ni une ni deux, il enfile son maillot, nous roulons les voiles et il plonge avec une ligne de sécurité amarrée au bateau. Je suis inquiète, la mer est mauvaise et la coque de MedioVaS se soulève et s’abaisse violemment, je crains qu’il se fasse assommer. Heureusement l’eau est claire, Yves voit que le bout est enroulé autour du safran et non de l’hélice. Il se colle à la coque comme un rémora, pour suivre ses mouvements sans prendre de coup. Il parvient rapidement à dégager le safran, ouf. Nous pouvons repartir sous voiles.

Soudain, c’est un gros clac qui nous fait tourner la tête ! Notre bosse d’enrouleur de grand voile nous a lâchés. Elle est cassée en fin de bôme donc elle est allée finir sa carrière à l’intérieur de la bôme, entraînée par la tension, comme un chat sous un meuble, pas moyen de la récupérer. Sans elle, il nous est impossible de manoeuvrer notre GV. Yves prend une de nos écoutes de rechange et fait tout un montage en urgence avec des poulies externes. De toute façon il est trop difficile d’accéder au bout de bôme dans ces conditions de mer et de vent. Ça tient, mais pas longtemps, la manille textile utilisée rague et elle se déchire. Nous roulons la GV et Yves recommence en sortant une bonne vieille manille en Inox, tout en marmonnant sa rengaine contre les manilles textiles. Que d’aventures en moins de 24 heures !

Réparation pour assurer la suite. 

En fin de journée, nous sommes dans le fameux passage de la Mona, en direction de Puerto Rico. Nous hissons le pavillon de courtoisie américain, pour faire bonne impression, au cas où des Coast Guards viendraient nous reprocher d’être trop près de leur côte. Apres tout, c’est la guerre en Ukraine, on en sait jamais trop quelles règles les Américains vont encore inventer pour restreindre le « passage inoffensif ».


Les grains commencent à faire leur apparition, deux ris de plus dans la grand voile et nous poursuivons notre route. La mer est hachée, courte, puissante, MedioVaS tente de se frayer un passage, mais rien à faire, par moment il tape fort. La pluie vient de temps en temps rincer le bateau après qu’une grosse vague ait inondé le cockpit, ce sont les joies de la navigation au près.

Dans la nuit, le vent tombe légèrement et la mer se tasse à peine, il y a toujours une vague qui s’invite à bord, l’abri de la capote est sans prix.

Ce ne sont pas les Coast guard que Puerto Rico nous envoie mais un troupeau de dauphins ! Bonheur . 

Après trois bords, nous avons la côte de Puerto Rico en vue, dimanche à 11h00. Vers 13h00, un troupeau de dauphins vient nous souhaiter la bienvenue, c’est toujours plus sympa que les Coast Guards américains ! Nous avançons bien, malgré la mer inconfortable, filant une moyenne de 5 noeuds sur l’eau, mais convertis en route efficace, nous sommes très loin du compte… nous devons tirer des bords très longs. Nous allons ainsi pointer vers la côte de Puerto Rico puis nous en éloigner. Il y a un bord un peu plus confortable que l’autre, mais à peine. On commence à prendre nos habitudes avec quinze degrés de gîte en permanence. Il faut choisir son bord pour cuisiner, celui qui convient pour se laver, différent de celui pour aller aux toilettes !

Nous naviguons dans 15 a17 noeuds de vent, avec des grains bien forts la nuit, jusqu’au lundi.

Changement de météo ... 

Vers 06h30, le vent monte pour s'établir entre 23 et 26 noeuds. Le jeu de la journée et de la nuit sera d’éviter les grains et de ne pas se faire mouiller par la vague qui rincera tout le bateau. Si, si, on trouve des occupations. Heureusement que notre vaillant Popov, le régulateur d’allure, maîtrise la barre. D’ailleurs, nous avons hésité à le rebaptiser « Paco », face à Puerto Rico ; Popov n’est pas un nom très diplomatique, ces temps-ci. Nous survivons à cette journée et cette nuit bien humides. Des grains à plus de 30 noeuds accompagnent nos quarts de nuit. Le vent de face est toujours plus terrible et impressionnant, mais j’ai confiance en MedioVaS. La mer est horriblement inconfortable, rien à voir avec le Cap d’Ambre au nord de Madagascar, où nous avions eu à peu près les mêmes conditions.

Mardi, c’est à peine mieux. Nos bords de près deviennent de moins en moins efficaces, mais nous sommes contents malgré tout. Tant que l’on avance sur la route directe nous poursuivons. Aucun impératif devant nous, nous pouvons prendre notre temps.

On était content de voir Puerto Rico, on le sera encore davantage lorsque nous ne la verrons plus ! 

Mercredi, déjà cinq jours en mer, nous commençons à nous dégager de Puerto Rico. Ah oui, c’est long ! La mer semble un peu moins violente, le vent se maintient entre 15 et 20 noeuds. On essaye de faire les virements de bord lors des changements de quart et de profiter de chaque petit changement de direction du vent pour optimiser le bord. Parfois ça marche, parfois pas. Heureusement un nouveau troupeau de dauphins vient nous saluer, agiles et rapides, ils apportent un peu de réconfort.

Lors de mon quart de 21h00, le bord semble magnifique. Le vent est très légèrement sud-est. Malgré le courant, j’arrive quand même à maintenir une route sur le fond plein nord. Après deux heures, c’est la déprime. Le courant est trop important et je constate une dérive de 30 degrés. Si je reste ainsi, je vais reculer sur la route.

Ça casse le moral ! 

Lors du changement de quart, nous virons en espérant de faire mieux sur l’autre bord. Rien n’y fait. On s’approche des US Virgin Islands, la mer est de pire en pire, le courant également, la zone est dangereuse et nous n’avançons plus sur notre route directe. Yves vire et s’appuie au moteur pour contrer le courant. Nous tirons ainsi un long bord vers l'île Saint Croix, toujours une île américaine.

Jeudi, la journée est critique. Il nous reste quelques 120 miles à parcourir. Un gros grains passe au dessus de nous, c’est au tour de la grand voile de nous lâcher. Elle se déchire dans les hauts perpendiculairement au mat. Nous savions qu’elle était en fin de vie. Nous lui avions offert quelques réparations à Grenade, pour parer les risques de cyclone en attendant sa remplaçante, tout en comptant bien la « finir » aux Caraïbes.

Le grain nous laisse une bien triste GV. 

Elle nous tire donc sa révérence en forme de pied de nez, alors que nous avons encore de la route à faire vers notre dernière escale aux Caraïbes. Nous continuons sous génois et moteur en tirant des petits bords le long de notre route.

Nous tentons de continuer sous génois et moteur au plus près du vent . 

Apres quelques essais et un fin calcul de notre autonomie, nous constatons que nous irions plus vite au moteur en ligne droite, pile dans le vent.

Un bon vieux dicton dit : « - La route la plus courte est la ligne droite, mais ... », lentement contre les éléments.

Et c’est ce que nous décidons de faire. Nous avançons à petit régime, nous devons préserver le gazole. Le vent et la mer hachée face à nous, nous avançons à 3 noeuds. Par moment, MedioVaS tape si fort dans les vagues plus fortes que j’ai mal pour lui. Combien de temps peut-il supporter cela ?

Vendredi à 06h00, Saint Martin est en vue. Au fur et a mesure que nous nous en approchons, la mer se tasse. Nous sommes protégés par l’île. A 11h45, l’ancre plonge dans la Baie de Marigot, face au fort Saint Louis.


Nous communions ainsi avec des générations de marins heureux d’arriver enfin à l’abri. Comme toujours, nous savourons le premier repas au calme, la douche chaude sans se cogner et la sagesse maritime ancestrale :

« - La route la plus courte est la ligne droite, mais ... »

« - Naviguer au près, c’est deux fois la route et trois fois la peine », je dirai bien quatre fois la peine.

« - L’eau mouille »

« - L’eau salée ne sèche pas »

Nous aurons pas mal de travail à bord, la navigation au près dans le gros temps ne pardonne rien au bateau. Nous connaissons encore mieux MedioVaS, sa force et ses petites faiblesses qui seront renforcées. Saint Martin est une escale idéale pour tout cela.


Six jours plus tard .... Merci MedioVaS !!!!!  

Une Petite vidéo en plus

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A peine arrivés à Marigot, nous recevons un message de Robin, le Canadien, nous souhaitant la bienvenue. Il avait suivi notre traversée de près, bien heureux de voir l’AIS de MedioVaS au mouillage. Nous retrouverons également Robert et Nicole, sur Margot, nos plus vieux copains de bateau !

MiniVaS de retour à l’eau, nous passons la journée à nettoyer le bateau à l’eau douce, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur. Tout y passe, il faut faire baisser le taux d’humidité en retirant le moindre grain de sel.

Ah j'oubliai le jus d'orange qui a percé dans une cale. 

Nous passons le week-end à lister tout ce que nous devons réparer, changer, améliorer… la liste est longue !

Je commence par plonger pour voir l’état de notre coque : c’est la catastrophe écologique ! Je passerai tous les jours plus d’une heure dans l’eau pour frotter, gratter et retirer toute cette végétation qui prend racine. Yves ayant un soucis aux oreilles ne peut pas partager ce plaisir avec moi tout de suite. C’est après dix jours de frottis-frotta que MedioVaS retrouve sa couleur rouge.

Puis c’est la petite couverture de PVC protègeant MiniVaS des UV qui perd ses bandes Velcro de fixation. Ces bandes sont collées aux boudins et tiennent en général deux ans. Il est grand temps de les remplacer. Ayant vendu ma machine à coudre mécanique à Grenade, il est impensable de le faire à la main. Nous profitons de notre passage chez les Hollandais pour trouver un voilier qui pourrait faire la couture, nous avons le choix entre deux seulement. Et côté français, il n’y en a plus. C’est le deuxième que nous visitons qui obtient la garde de la petite housse de protection.

Parmi les activité du matin suivant, figure un voyage dans le mât pour démonter le radar qui ne fonctionne plus. Yves a retourné les câbles dans tous les sens, le problème est plus grave. La manoeuvre est délicate. Je dois dévisser les quatre boulons du radar sans qu’il tombe sur le pont, six mètres plus bas, ou pire dans l’eau. Yves a mis en place un système de sac à voile, frappé sur une drisse en va-et-vient, hissée parallèlement à moi. J’enfourne le radar et son support dans le sac, tête en bas. Je déboulonne péniblement le radome de son support avec force et dégrippant et je laisse glisser le sac pour qu’il revienne tête en haut. Sept kilos à bout de bras, en équilibre précaire, les jambes crispées sur le mât… je suis éreintée mais tout se déroule à merveille. Le beau radar apponte lentement sur les coussins de sécurité.

Petite pause matelotage : confection de manilles avec anneaux de friction pour la retenue de bôme. 

À midi, nous livrons le radar au maitre voilier qui le remettra au technicien. Ce réparateur d’électronique est le seul de l’ile en charge de notre marque. C’est un personnage laconique et insaisissable. Nous avons déjà essayé l’adresse officielle, une heure de marche avec le radar sur l’épaule d’Yves, sans succès. Nous espérons vraiment qu’il pourra faire quelque chose. Nous avons absolument besoin de ce radar pour les eaux brumeuses du Canada et le remplaçant éventuel est hors de prix ! Pour tromper nos angoisses, nous retrouvons Robin de l’autre côté de la rue, pour déjeuner au Lagoonies. Nous lui raconterons notre mois en République Dominicaine et, surtout, notre retour épique !


Nous profitons d’un jour où le vent semble souffler moins fort pour procéder au replacement de notre grand voile sur enrouleur. Le plus stressant restait de savoir si la grand-voile déchirée allait vouloir sortir du mat. Bien décidée à ne pas poursuivre la navigation, elle est sortie comme une fleur… le nerf de chute est resté vaillant jusqu’au bout, c’était le seul moyen de tirer sur les parties déchirées. Apres l’avoir affalée avec soulagement, il s’agissait de gréer la nouvelle. Ce ne fut pas moins stressant pour autant : la toile est tellement forte que les sangles de tête et d’amure refusent d’entrer dans la gorge du mât. Il nous faut bien des efforts et des astuces pour parvenir à forcer tout cela à l’intérieur. La nouvelle grand voile enfin hissée et enroulée, nous pouvons nous défouler sur l’ancienne. Elle sera découpée pour récupérons tout ce qui peut servir : quelques laies de tissus, pour une future réparation, des morceaux de ralingue et la superbe poulie d’enroulement en acier massif. Nous gardons le logo Jeanneau, une rose des vents, en souvenir des bons services rendus lors des ces quelques vingt-trois milles miles parcourus dans le vent !

La voile déchirée . 
Ce qu'il en reste, un petit tas facile à ranger 
Notre nouvelle GV dans le mât. 

Il nous faut maintenant penser à remplacer la bosse de bordure de grand-voile. Nous passerons beaucoup de temps à trouver un instrument qui nous permette de passer le cordage dans la bôme. C’est dans un genre de Bricomarché que nous trouverons notre bonheur, enfin : une tringle plate enroulante de cinq mètres… pour déboucher les éviers ! Dès le premier essai, la tringle magique guide le beau cordage neuf tout au long de la bôme, grand soulagement ! Nous en profitons pour laisser un messager en place, qui sait !

Petite pause : grand ménage des winchs 

Notre capote de descente lève aussi le doigt pour être remplacée. Les réparations faites aux Seychelles ne tiennent plus la route et elle fuit un peu trop souvent. Les derniers jours avec un déflecteur en toile bricolé pour nous protéger des entrées d’air et d’eau n’ont pas arrangé les choses dans le gros vent de face. Il y a davantage de reprises et de morceaux de scotch à voile que de tissu d’origine ! En allant récupérer la housse de MiniVaS chez le maitre voilier qui a travaillé exceptionnellement vite pour les tropiques, nous lui demandons un devis, sachant que nous comptons partir avant la fin du mois d’avril. Il parait intéressé par le travail, presque d'accord sur les délais. Il nous fait une vague indication du coût, oralement, et nous promet un rendez-vous pour la semaine d’après, afin de réaliser un patron, mais impérativement au calme, dans marina. Flûte, voilà qui complique les choses et augmente déjà notre vague idée du prix. Ce rendez-vous n’aura lieu que deux semaines plus tard, après de nombreuses relances, selon les règles qui régissent habituellement les plombiers !

C’est au génois de prendre du repos dans la soute à voile, relevé par le nouveau modèle de luxe. Nous voilà avec un jeu de voiles toutes neuves, arborant fièrement le logo de Zoom Sails. Nous entrons un peu plus dans le club des tour-du-mondistes avec nos voiles asiatiques. Apres la bosse de grand-voile nous changeons également son écoute, par précaution, ainsi que la bosse d’enrouleur du génois.

Il faut tester tout cela et ne voyant toujours pas le fameux rendez-vous pour la capote se pointer, nous décidons de faire route vers le mouillage de Grand Case. À vrai dire, nous n’irons pas très loin. Nous avons un problème avec le diamètre du cordage de la bosse d’enrouleur de GV. À peine l’ancre relevée, le vent est monté à 18 noeuds, notre GV s’est déroulée toute seule, nous ne pouvions plus la contrôler. Face au vent, nous arrivons à la rouler grâce au winch de secours qui se trouve au pied du mat. Retour au mouillage après moins de cinq minute « sous voile »… Il faudra trouver un cordage plus épais et moins élastique, puis refaire une épissure de bout sans fin et ça c'est un boulot sans fin ! Ce sera le cas quelques jours plus tard et, le dimanche 10 avril, MedioVaS file avec ses nouveaux habits et sa coque toute propre vers Grand Case. Nous profitons dune belle journée de repos dans ce lieu plus calme. Je pars avec MiniVaS du côté des trois rochers pour une petite exploration en palme masque et tuba.

Le mouillage de Grand Case 

Mardi, Robin vient nous rejoindre pour déjeuner dans un des Lolos et découvrir ce village qui a garde des couleurs plus authentiques. En fin de journée, nous embarquons Robin à bord pour repartir vers Marigot. Il ne faut pas plus d’une demi-heure pour faire le trajet, Robin est ravi de sa petite navigation à notre bord.

Les belles voiles !! 

Mercredi, Yves récupère le radar. C’était la courroie d’entrainement qui avait lâché. Ouf, c’est une panne d’usure fréquente pour les radars, mais les courroies sont impossibles à trouver. De fait, le technicien magicien en a recréé une. Yves en profite pour relancer le voilier pour notre rendez-vous ; nous sommes déjà mi-avril ! A priori cela ne l’inquiète pas davantage et il annonce qu’il nous contactera… Maintenant il faut remettre le radar en place, mais sans la technique du sac. Yves et moi préparons un brêlage à faire rougir les scouts. Retour en hauteur au-dessus de l’eau, Yves travaille ses biceps sur les winches et je travaille mes cuisses sur le mât.

Vendredi, nous repartons vers Grand Case. Nous avons proposé à Robin de nous rejoindre pour la soirée-concert Sugar Latin le samedi soir, au bar du Captain Frenchy. Il est enchanté. Nous dinons à bord et MiniVaS nous dépose au ponton. Le groupe est très bon, l’ambiance festive et nous dansons beaucoup aux rythmes endiablés de la musique latine. J’y retrouve Luz, une Vénézuelienne dont le mari argentin fait partie du groupe. Nous nous étions connues avant notre départ vers la RepDom. Après nos exploits sur la piste de danse, nous allons dormir profondément. Robin passera la nuit à bord avant de rentrer le lendemain matin. C’est le Dimanche de Pâques et nous l’avions presque oublié. D’ailleurs Robin devra rentrer en stop, même les bus ne circulent pas.


Le Lundi (de Pâques, donc), nous naviguons vers Marigot. Nous sommes très contents des nouvelles voiles et des nouvelles écoutes et des nouvelles bosses. Tout cela commence à prendre forme !

Yves confectionne de belles sangles pour mieux sécuriser nos bidons de gasoil. 

Mercredi matin, je dépose Yves sur le voilier de Robin. Il va l’aider pour sortir du lagon hollandais et venir du côté français. J’en profite pour rendre visite a notre ami le voilier. Il m’annonce un rendez-vous à la marina pour jeudi, c’est mon jour de chance, mais… Oups ! C’est le lendemain. Il faut réserver en urgence et ce ne sera pas évident. Mais, évidemment, je ne refuse pas.

Je pars ensuite à Port Royal, l’ancienne marina en décrépitude. Sur internet, j’ai trouvé le seul commerçant qui aurait une machine à coudre a vendre. Bingo, il lui en reste une. Je repars avec le lourd paquet dans mes bras pour une marche de vingt minutes et je vais fêter cela devant une galette bretonne. Après ce bon repas, mon chargement et moi repassons sous le petit pont et traversons tout le mouillage de Marigot pour retrouver MedioVas. Il nous reste beaucoup de tissu de notre ancien Bimini et plein de projets.

En arrivant près du voilier, je vois Yves et Robin qui viennent de mouiller l’ancre de Katydid. Je récupère Yves et commence la réservation en ligne pour la marina. Évidemment, faire une réservation à 15h00 pour le lendemain n’est pas quelque chose de facile ici, tout le monde a toujours le temps… de ne rien faire. Donc nous ne saurons pas avant le lendemain matin si nous pouvons être accueillis. Jeudi vers 08h30, Yves va chercher Robin pour qu’il nous donne un coup de main. À 09h00, nous appareillons. Ouf, quelqu’un nous répond sur la VHF. Nous avons une place « cul à quai » et il nous assure qu’il y a au moins quatre mètres d’eau partout. En effet il y a de l’eau, mais je passe sur des fonds de moins de trois mètres juste à l’entrée. C’est stressant. Le maitre de port nous promet d’être là en annexe, pour nous aider… mais il faut toujours ajouter un bon quart d’heure à toutes ses promesses. Nous trouvons enfin notre emplacement. La brise commence à se lever, mais MedioVaS se laisser manoeuvrer à la perfection, tout en douceur, souvenir de notre emplacement du Havre. Je m’avance le long du bateau de la douane, puis je reviens en marche arrière entre les étraves des yachts. Il faut arriver à faire passer la largeur de la poupe entre les bouées qui servent à amarrer les proues. Je manœuvre un peu loin de notre place, sachant que le vent va nous pousser doucement, à défaut de propulseur en panne, et nous terminons notre course parfaitement à notre place. Maintenant il faut amarrer l’avant sur la bouée.

Yves ramène Robin sur son bateau. Le voilier et son assistants sont là ! Prises de mesures, fabrication du patron, nous ne sommes pas déçus. C’est amusant de les voir travailler avec de grandes feuilles de plastique qu’ils tendent sur du scotch à double face sur les montants de l’ancienne capote. Ça parait si facile… Nous devrons quand même revenir lundi pour l’essayage. Deux jours pour faire la capote, c’est rapide en effet. Mais deux jours de marina, la vague idée du prix vient encore d’augmenter !

Laisser bosser un peu les autres ... 

Nous allons déjeuner au restaurant en face de la marina pour fêter tout cela.

L’après midi, je poursuis les travaux de couture. En fabrication : un déflecteur en tissu qui relie la capote au bimini, pour nous protéger de la pluie et des vagues qui s’invitent à bord, l’ancien n’était pas tout à fait adapté.

Pendant le travail de couture à l’extérieur, un de nos voisins de ponton vient discuter avec nous. C’est un Hollandais, propriétaire d’un magnifique Amel 54. Il nous propose de visiter sa merveille. C’est ainsi que je termine la couture de la tirette sur le bimini dans le noir, à la lampe frontale.

Le lendemain il faut quitter cette place, toujours avec le vent qui nous pousse sur le voisin. L’équipe de quai promise n’est là que virtuellement. Nous nous séparons donc en deux groupes de deux : Yves et MiniVaS font des merveilles en poussant l’avant contre le vent, MedioVaS et moi dégageons l’arrière de sa place et, hop, c’est gagné. Yves remonte à bord en route, à la façon des commandos marine, MiniVaS suit à la traine et nous retrouvons notre mouillage préféré avec soulagement.

Quelle belle surprise sur ma messagerie, un mot de Thays : " Hola guapa, mirá tu AIS" ( bonjour ma belle, regarde les AIS). J'ouvre l'app Marine Traffic et commence à cliquer sur tous les bateaux. Je vois Discovery !!! ils sont là, Thays et Andrés, nos amis espagnols du confinement au Seychelles. Ils ont repris du service sur l'énorme catamaran.

Quel joie de les retrouver  ! Deux années se sont déjà écoulées .

Pendant notre traversée, notre feu de navigation tribord montrait des signes de faiblesse. Nous avons du changer tout le câble électrique qui était entièrement corrodé. Et si cela arrive au feu tribord, on peut imaginer que le feu bâbord doit être dans le même état. Notre bateau est très beau avec ses parois intérieures en bois, mais cela veut dire qu’il faut tout démonter lorsqu’il s’agit de suivre des câbles. Je fais le boulot de recherche du câble et de ses connexions et Yves se cogne le reste : retirer les câbles, traverser les passe-coques, remonter les câbles dans les chandeliers et les connecter aux feux. Tout cela parait simple, mais contrairement à une maison, le travail se fait dans des espaces très étroits, par exemple dans la baille à mouillage. Il devra recommencer ses câblages et ses soudures trois fois, une erreur, un oubli, un faux contact… faire et défaire, c’est toujours travailler, non ?

Démontage des parois et découverte du responsable. l'autre partie est dans la baille à mouillage. Faudra se débrouiller ...

Notre liste de choses à faire diminue tout doucement. Il faut attaquer les panneaux solaires. Nous avons deux panneaux fixés sur le bimini par des clips. Ces panneaux sont mobiles et nous les utilisons au mouillage essentiellement, mais nous les avions laissés à poste lors de la traversée. Cela a endommagé notre bimini presque neuf. Les quatres autres panneaux sont, eux, fixés par des tirettes au bimini (des fermetures éclair, traduit Yves). Nous avions remarqué que l’une d’entre elles est abîmée et il faut la changer. Nous démontons toute notre installation. Yves s’attaque à la couture d’une nouvelle tirette sur le panneau et moi je couds des renforts pour les panneaux mobiles. Cela nous prend deux jours complets de travail. Au moment de remonter le tout, nous constatons que plusieurs autres tirettes sont mortes, autant dire toutes ! Gros moment de lassitude… nous enlevons tout à nouveau. Nous faisons cela le soir, une fois le soleil couché pour ne pas avoir les panneaux en charge et créer un court-circuit au moment du branchement. Ce soir, il n’y aura pas de branchement. Il faut trouver une solution. Yves désespère. Je fouille dans les différents forum de voileux. L’un d’entre eux a fixé ses panneaux avec des boulons. Serait-ce une solution ? J’en parle le lendemain matin avec Yves. Nous imaginons le montage, les problèmes éventuels et leurs solutions. Allez ! On opte pour cette solution. Coudre des tirettes sur tous les panneaux pour que cela ne tienne qu’une année, ce n’est pas possible, le travail est trop long. Et allons-nous trouver les bonnes tirettes ? Yves perce les panneaux, six trous pour six boulons par panneaux. On envisage quels renforts il faut ajouter au tissu pour ne pas le déchirer sous l’effort. Il faut remettre le bimini en place et y marquer l’emplacement des trous correspondant à chaque panneau, en tension. Il ne faut surtout pas se tromper. Une fois cela fait, j’attaque la couture des renforts sur le bimini. La petite machine à coudre ne s’attendait pas à tant de travail, à peine sortie de sa boîte. Le travail est titanesque. Le bimini est lourd et grand, il faut atteindre les emplacements. C’est toute une gymnastique.

Atelier MedioVaS Bonjour ... 

Le carré de MedioVaS est transformé en atelier clandestin. Yves part à la recherche de boulons et de rondelles Inox en nombre suffisant : 26 vis, autant d’écrous et 54 rondelles… c’est-a-dire le compte juste et quelques uns de plus, au cas où, il s’agit de travailler au dessus de l’eau ! Ensuite il coud toute les bandes de renforts qui iront sur les bords des panneaux afin d’éviter tout frottement sur le bimini. La cadence est soutenue et nous parvenons à tout finir en deux jours. Le soir tombe, le bimini retrouve sa place, c’est le moment de le percer au fer à souder pour obtenir des beaux trous dans les quatre épaisseurs de renfort. Nous prenons le premier panneau, puis le deuxième … le quatrième, rien à redire, nos mesures sont parfaites. Le bimini a même l’air mieux tendu qu’avant. Les deux panneaux mobiles retrouvent également leur place. Le lendemain matin, nous constatons avec soulagement que la charge est parfaite, nous sommes ravis et soulagés, surtout Yves qui avait refait tous les branchements électriques ! Espérons que tout cela tienne bien en mer.

Et les renforts pour les p'tits trous  .

Nous devons retourner à la marina pour l’essayage de la nouvelle capote. La manoeuvre au port est un peu plus délicate. Le vent est plus fort et souffle différemment. Je n’arrive pas à redresser MedioVaS comme il faut entre le passage des bouées, le bateau est un peu en travers. Mais il s’agit du même emplacement, nous sommes un peu chez nous et je sais comment nous en sortir. Une amarre lancée à terre et l’affaire est réglée. L’assistant voilier est déjà là. Il monte à bord et met en place la capote avec Yves. Nous ne sommes pas entièrement satisfaits. Du coté où l’assistant avait pris les mesures, elle est parfaite, mais pas du coté où le patron les avait prises. Évidemment l’assistant est ravi de voir que son boulot est parfait. Il regarde le tout, met en place des clips et repart avec la capote pour effectuer les quelques reprises. Il revient dans l’après-midi, c’est nickel.

Nouvelle capote et son déflecteur  

Nous avons une bonne fenêtre météo qui se présente le week-end suivant pour notre prochaine traversée. Robin a prévu de partir jeudi dans la même direction. C’est le moment de remplir les cales. Nous avions appris par Nicole que le supermarché livrait (gratuitement) les (grosses) courses des bateaux. Alleluia ! Le lendemain matin, nous partons au Super U, un caddie chacun, et on remplit, encore et encore. Une fois pleins, les sacs sont chargés dans la camionnette de la patronne du Super U qui nous dépose à la marina. Quel luxe, nous n’avons plus qu'à tout emmener au bateau dans les brouettes de ponton. Une fois fait, nous quittons notre place. Une fois encore Yves saute dans MiniVaS pour aider à la manoeuvre. Le maître de port est occupé avec un gros yacht. Sans MiniVaS en appui, il est impossible de quitter sa place de port sans faire de gros dégâts. La manoeuvre est plus bruyante, cette fois-ci, le vent souffle, les moteurs grondent et les aussières coincent dans les taquets de ponton, mais nous sommes entrainés. MedioVaS retrouve son mouillage et l’heure est au rangement. Des boites et des boites, de la viande pour le congélateur, des fruits et des légumes, enfin nous ne manquerons de rien et surtout pas de bons produits français.

Le jeu consiste à trouver une place pour chaque chose, et Snoopy surveille ! 

Je liste le tout sur un beau petit tableur, pour savoir où chaque chose se trouve et en quelle quantité.

Mercredi, nous lançons notre demande d’autorisation de voyager aux Bermudes, une demande par personne. Nous espérons avoir une réponse rapidement, avec le lien pour envoyer le résultat de notre test Covid. Jeudi, c’est le test Covid : négatif, ouf, mais toujours pas de réponse des autorités. Heureusement, Robin part avant nous et il a rencontré le même soucis, il nous explique comment s’en sortir, par téléphone.

Je suis la même procédure : je crédite mon compte Skype de 25 euros et j’appelle. J’ai le numéro 46 dans la file d’attente, oups. Une heure plus tard, si si, j’ai attendu une heure au bout du Skype sans couper, une dame répond. En deux minutes tout est réglé, elle nous envoie un mail, nous lui répondons avec nos résultats. Une demi-heure plus tard nous recevons nos formulaires validés.

Vendredi nous partons pour les dernières petites courses, la clearance de sortie, les pleins de gasoil et d’essence. De retour, après un délicieux sandwich de pain frais, la dernière baguette française avant longtemps, nous nous occupons d’allonger MinivaS, son moteur dans un coffre et sa nourrice dans les filières. Apres l’effort, nous nous offrons un bain utile en grattant la coque de MedioVas. S’en suit une longue douche et un plein d’eau dessalée pour refaire nos réserves. Popof retrouvera son safran et sa voile demain matin, l’hydro-génerateur plongera à nouveau son hélice à l’eau. C’est la fin de la mer des Caraïbes. Nous sommes contents d'avoir passé ce mois et demi à Saint Martin, escale de rêve pour réparer. on y trouve tout ce dont nous avons besoin.

MedioVaS ... nous partons ....  


Nos voiles s’ouvriront en grand, mais avec une certaine prudence, nous partirons pour l’Atlantique Nord avec le plus grand respect !

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Je vais clore ce chapitre aux Caraïbes . Pour ceux qui désirent la version PDF, n’hésitez pas à m’envoyer un mail:

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Un autre chapitre va s’ouvrir , vous recevrez un nouveau mail avec demande d’inscription éventuelle.


Bonne lecture !