Oh, des oiseaux migrateurs ! Le genre qui ne se gratte que d’un côté.
Après Luang-prabang et Vang Vieng, c’est toujours accompagnée des Theos que je descends vers le sud. Arrivés à Vientiane, capitale supposément ennuyante, nous nous retrouvons dans une auberge où la vodka est gratuite pendant une heure. Encore du grand n’importe quoi ! On se retrouve dans une boîte de nuit locale à tenter de monter sur la scène pour rejoindre un groupe pourri, en vain. On se fait surveiller de près par les vigiles. Les gars partent aux WC tout heureux car la coutume locale est de se faire masser les épaules en urinant. Dérangeant pour l’un, apprécié pour l’autre. Entre deux boîtes je perds mes tongues népalaises, grosse grosse déception bien vite essuyée par l’envol d’un billet de 100 000 kips (10€ !!!) de Théo Caca depuis le tuk-tuk … belle image que de voir ce billet glisser entre ses doigts et voler quelques instants dans les airs pour se diriger avec grâce vers le Mékong, pendant que nous le regardons cloués au siège, bouche-bée face à la beauté de cette connerie.
Pour se punir le lendemain il se fracasse la tête contre un panneau dans la rue, chute depuis le haut du lit superposé sur l’angle écorché d’une plaque de métal rouillé et c’est donc avec une bosse à la tête, un trou dans le pied et un compte en banque vidé que l’on peut voir Théo arriver, heureux, avec deux pintes de Pastis à emporter pour 2€50. Le p’tit bonheur consolant mais un peu trop enivrant.
Finalement, Vientiane c’est rigolo. Comme on n’est pas des bourins, on a aussi visité la ville, avec une esplanade décorée de drapeaux communistes et des poteaux penchant dangereusement vers la droite … coïncidence ? Je ne pense pas.
Ils ont des boulangeries françaises près d’une arche qui rappelle un peu la capitale Française. Les coco-loniaux chez les coco-mmunistes.
Le lendemain c’est complètement claquettes (beaucoup claqués, un peu pompettes) que nous montons dans un sleepy-bus au pare-brise fissuré pour une nuit sur des couchettes qui étaient déjà trop petites pour moi (Théo fait 1m87), en compagnie d’une chinoise silencieuse et heureusement. La bissextilité de la route fait bondir le corps en plein sommeil et ma tête heurte régulièrement un colis à ma droite, mal emballé par un scotch qui préfère coller mes cheveux. La banquette en cuir fait glisser mon corps transpirant pour un sommeil optimal, dans des conditions inoubliables avec une arrivée bien méritée à … Paksé !
Balade dans le plus grand marché du Laos, entre les tas de piments, de poissons séchés et de tabac, nous parcourons les étales odorants, tantôt kiffant, tantôt gerbant. Des animaux morts mais pas toujours, des perches à selfi entre un poulet et des machettes, c’est un marché original dans lequel on pourrait se perdre des heures, si on n’avait pas plutôt pour idée d’aller manger.
On loue des motos et on part pour 5 jours de road-trip sur le plateau de Bolavens.
La route est plutôt bonne mais parsemée de chiens, de cochons, de poules et d’humains. Petit chassé de l’arrière pour éviter deux vaches qui se battent, on roule vers le soleil et on s’arrête dans une plantation de café.
Ca c'est des bananes pas du café hein MINUTE CULTURE GENERALE !
Un fermier éthiopien voit ses animaux ne jamais s’endormir lorsqu’ils reviennent de la forêt. Il va y jeter un œil et finit par comprendre que ce qui pousse autour de lui sont des plantes magiques qui n’éteignent jamais le cerveau !
C’est en Syrie qu’on brûle pour la 1ere fois les graines de café pour chasser les maladies.
Avant que les Allemands ne mettent de la caféine dans le C*ca-c*la, les américains y mettaient de la cocaïne !
Fruit immature vert tendant vers le rouge grâce au soleil, le café se décline en une vingtaine de sortes dont nous en retiendrons 3 pour le moment : Arabica, Robusta, Liberica. La différence venant de l’espèce de l’arbre qui sera plus ou moins caféiné et goûtu. Demandant 1000 L d’eau par an, l’arbre a besoin d’être entre 15 et 36 degrés dans une atmosphère alternant sécheresse et humidité.
Plus un café est fort en caféine, plus il est faible en goût.
Une fois prêt à être cueilli, le fruit est plongé dans l’eau froide pour enlever l’opercule et ne garder que la graine qui sera lavée puis noyée afin de ne récupérer que celles qui coulent, question de qualité. Deux graines par fruit chez les femelles, une chez les mâles. Séchée puis brûlée, elle est prête à être moulue ou mangée. Et oui ! On peut la croquer directement, ça donne l’énergie pareil !
Un lecteur peut-être se reconnaitra dans l’idée de conserver des fonds de café dans une tasse oubliée au pied du lit, faisant émerger des champignons qui en plus d’être joli parait-ils sont bons à faire pousser.
ASTUCE ! Un peu de mare à café dans un récipient mis au réfrigérateur capture les odeurs. Big up frère, tu peux arrêter de laver ton frigo.
On grimpe à nouveaux sur nos motos et on se dirige vers la cascade Tad Lo, magnifique coin calme gâché par la présence d’éléphants exploités.
Petit Théo a sauvé un type de la noyade, fierté cumulée avec le fait qu’il a mangé des fourmis… écrasées dans une feuille, on peut les saupoudrer dans une salade de papaye pour un peu d’amertume. Beurk.
On dort chez Mama Pap, une mamie trop choupi qui a aménagé son grenier avec une dizaine de matelas à même le sol, avec de jolies moustiquaires roses. Ambiance pyjama party on rencontre Cléa et Karine mais aussi Marie, pour une soirée mignonne à partager nos journées, nos émotions, nos convictions autour de bières et de cacahuètes.
Le jour suivant : émouvant. Dérangeant. On sort de la route pour s’enfoncer sur une piste qui mène à un village où nous sommes accueillis par le Captain Hook.
Membre d’une ethnie qui ne comprend pas le laotien mais communique avec un dialecte, ce monsieur nous explique sa vie. Dans ce village de 784 habitants, les femmes ne sortent jamais. Sauf pour aller accoucher dans la forêt de laquelle elles sortiront seulement si le bébé est « bon ». Dans le cas contraire, au bûcher ! Si bébé a la chance de survivre, il aura le droit à partir de 3 ans de fumer le bang. « Manger le feu » étant signe de puissance, on peut voir une maîtresse donnant un cours à quelques enfants en fumant un gros bang sa race. Situation étrange.
Sous les huttes, les cercueils, qui seront brûlés à la prochaine pleine lune jonchent le sol. Captain Hook nous fait visiter sa plantation de café et c’est muets mais attentifs que nous buvons ses paroles remplies de savoir et de sagesse. Incroyable. Il parle anglais car il a quitté le village il y a quelques années pour aller étudier. En rentrant, pour des raisons qui le concernent, il a été interdit de quitter le village, à vie. Les hommes normalement ont le droit de « voyager ». Je ne veux pas parler pour lui, mais il ne doit plus se sentir à sa place. Il est le seul à savoir que la Terre est ronde et bleue. Ses amis ne le croient pas, sinon les huttes tomberaient ! Le reste de l’ethnie le prend pour un fainéant, car il ne va plus travailler dans la montagne. Ils pensent que l’on est blancs car on boit du lait, blonds à cause du vin et la couleur claire de nos yeux est due à la consommation de soda…
Au détour de la balade il casse une branche dont la sève est récupérée dans une feuille, et après avoir tortilloné une brindille, on peut faire des bubulles ! Des bubuuuulles !
Avec la tige d’une autre plante, il fait un harpon qui bien manié, peut tuer un oiseau. Un villageois passe près de nous avec son fusil et Captain Hook nous raconte avec fierté qu’il y a quelques jours grâce à lui ils ont mangé un singe. Ca a le même goût que les chiens à ce qu’il paraît…
Ici ils n’ont pas de calendrier. La notion du temps fonctionne avec la nature : saison des mangues, saison des champignons … C’est troublés par cette rencontre que nous repartons, non sans avoir goûté son café et testé le bang.
On roule sur des sentiers couleur rouge vif, avec une fois encore, mes excuses, des arbres rendant la vie belle. Ca s’explique pas, les mots ne marchent pas pour ça.
Et les mots ne marchent pas non plus pour vous décrire l’angoisse triste ressentie lorsque l’on s’est arrêtés devant un paysage magnifique, au milieu duquel cramait des tonnes de déchets… avec des femmes fouillant dedans. Faut faire quelque chose. Cogitation.
On s’arrête dormir dans des tentes au bord d’une rivière qui nous offrira le lendemain matin un lever de soleil à trouer le fion grave. Mais avant ça, on se prend une petite bière dans un hamac et l’aubergiste étant parti se coucher, on se fend la poire à passer le bras derrière la porte du frigo verrouillé par un cadenas pour prendre des bières en catimini. On ne sait pas trop si on est filmés … le proprio revient, on serre les fesses. Il s’asseoit près de nous et semble nous surveiller… alors innocemment petit Théo part lui demander si on peut prendre une bière dans le frigo. Il ne trouve pas la clef et on voit Théo revenir vers nous, dépité, en lancant un laconique « on est dans la merde les gars… » En compensation il nous offre un panier garni de Lao Lao … autant vous dire que devant le lever de soleil on avait mal aux cheveux ! Wouhou !!
On repart sur des motos dont les sièges brûlent au soleil, nous tirant un petit « Ah ! Ouch ! » lorsqu’on y pose nos p’tits culs fris par le cuir.
On croise quelques villages et on trace la route… On passe se reposer près des cascades, on continue, on roule sous un soleil de plomb, les bouteilles sont dans le sac à dos, il est 15h, on a faim et le Lao Lao de la veille tambourine nos estomacs vides. Un motard pas malin sur un sentier fourbe ça donne un Théo croûteux, laissant une plaie charnelle qu’il faudra cacher au loueur de moto pour tenter de cacher la chute. SPOILE : il a du payer la carrosserie.
En tant que bonne pote je gratte mes 27 boutons de moustique actuels : SOLIDARITE CROUTE !
A croire qu’on manque d’adrénaline on se lance sur des tyroliennes à 120m du sol au-dessus d’une vallée où coulent des cascades de folie.
Avant-dernière sensation forte avant de prendre la route pour Champassak et ses temples pré-angkoriens. On se tape un coucher de soleil dans les rétroviseurs.
On arrive dans un bungalow avec balcon hamac face au Mékong, le tout pour 2€ la nuit mais où va le monde ?! On part visiter les temples et nouvelles grosse claque dans la face ! Trop beau. Je vous laisse juger par les photos.
On se prend le lever de soleil du siècle avant d’enfourcher une dernière fois les motos pour rejoindre Paksé, avec sur la route les moines bouddhistes faisant la quête journalière de nourriture auprès des villageois.
Un trajet un bus et un trajet en bateau plus tard, nous voilà amarrant sur Dondet, une des 4 000 îles créées par la dentellisation du Mékong. J’invente des mots si je veux. On y retrouve Antoine, Cléa et Karine. Paraît qu’il n’y a rien à faire ici. Nickel, c’est ce qu’on cherchait. Tous ensemble à l’heure où j’écris, c’est ambiance cocktails, partage de photos, échange de livres et de conseils, devant un coucher de soleil de malade mental.
C' est parti pour 5 jours de glandage intense sur la petite ile de Dondet, a lécher des timbres et éplucher des macarons, pour préparer tranquillement ma prochaine destination ... Le Cambodge! 😋
Faille temporelle ...