Périple dans le grand nord

Deux véhicules, 4 vélos, huit jambes. On est prêt pour les fjords.
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Juin 2022
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Publié le 4 juin 2022

Vendredi 3 juin. Départ de Cesson dès potron-minet. La voiture de Jean et Cathy est chargée à ras la gueule mais tout rentre. La tente est sur le toit prête à être dépliée. Les placards du California regorge de victuailles en bocaux. Caen, Rouen, Lille… en cette veille de pont de la Pentecôte, il faut slalomer dans le flux incessant de la circulation. On apprécie le camping de Gand (Gent en Belge), lové dans des espaces verts à proximité de plusieurs plans d’eau.

Samedi 4 juin. Le petit déjeuner avalé, on enfourche nos vélos. Direction : le centre, « cœur historique de la Flandre », surnommé « la Manhattan médiévale ». C’est à pied qu’on déambule le long des canaux, sur les ponts et dans les ruelles, alternant le calme absolu au brouhaha de la foule. Le château des Comtes, l’Agneau mystique, les trois tours ou les musées gantois, nous avalons les kilomètres sans effort. Requinqués par des frites belges… Quarante ans après une étape à Gand, le charme de la ville a opéré une fois de plus.

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C’est étonnant de voir un troupeau de moutons en pleine ville à Gand ; mais efficace pour nettoyer les talus sur les bords des canaux, nous a expliqué un charmant monsieur à l’accent prononcé. Quand un nouveau berger étranger a pris les rênes du troupeau, « moutons et chien ne comprenaient plus rien ». « Ils ont dû apprendre une nouvelle langue ». Et de conclure avec humour : « c’est le surréalisme belge ».

Nous avons visité la maison de Maurice Maeterlinck, prix Nobel de littérature francophone en 1911. Cet avocat de formation, auteur de poèmes, d'essais et de pièces de théâtre, est considéré comme un des chefs de file du mouvement symboliste. Le nom de Georgette Leblanc lui est associé. Leur relation qui dura pendant 23 ans fit scandale. La bonne société catholique de l’époque supportait mal leur vie en concubinage.

De belles surprises à Gand. L’architecture qui mixte l’ultra contemporain - comme la bibliothèque ou les maisons en acier Corten - et les constructions anciennes parfois moyen-âgeuses.

Après le beau temps, l’orage a frappé en soirée après le dîner. Et presque toute la nuit. Accompagné de trombes d’eau. Autant dire que le sommeil s’est invité par intermittence. Au petit matin, il a bien fallu plier bagage… et la tente. Sous une pluie battante. Au moment de partir, le hic. La clé de la voiture était restée dans une pochette… à l’intérieur de la dite tente ! Rebelotte. Dépliage, repliage. Le tout bien arrosé.

La sortie de Gand - avec « Germaine », le GPS aux mises à jour anti diluviennes- nous a rappelé Valladolid. Quand on se trouve embringué dans le centre piéton, en voiture, sans pouvoir s’en extraire. Heureusement, la police se reposait.

La route vers Brême en Allemagne alternait forêts et plaines cultivées. Difficile de différencier la Belgique, les Pays-Bas et l’Allemagne où la brique s’impose. Orange, rouge, noire. Quelques toitures, façon granges Amish accrochent le regard. Les gars ont repéré, qu’à Brême, est distillée la bière Beck’s. On dit que 3 000 bouteilles de bière Beck’s sont ouvertes chaque minute dans le monde.

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Faute de place dans un camping, nous avons dormi sur une aire de stationnement dans un parc, à proximité de L'Universum Bremen, un musée scientifique situé près de l'université. L’édifice en forme d'OVNI de 2 000 mètres carrés est composé de 40 000 plaques d’acier rutilant. Ce lieu accueille plus de 200 expositions proposant des expériences interactives sur la technologie, l’humanité et la nature.

Jean et Cathy ont décidé de dormir dans la voiture. Un savant jeu d’empilement s’avère indispensable avant de déplier la structure confectionnée par Jean. Entre leurs corps et le plafond, il reste peu d’espace.

Ce matin, nous avons enfourché nos deux roues, curieux de découvrir cette grande ville de plus de 500 000 âmes (le double dans l’aire métropolitaine). Le second port allemand en tonnage (bremerhaven compris), derrière Hambourg, cumule une activité le long du fleuve Weser et en mer du nord, 60 km plus loin. Prenez Saint-Nazaire et multipliez tous les chiffres, vous aurez un aperçu de son dynamisme. Brême, l’industrielle, compte trois chantiers de construction navale, une usine de construction automobile, et aussi Airbus, Arcelor Mittal, sans compter l’agroalimentaire. Bref, un haut lieu économique. Culturel aussi.

Son centre-ville est considéré comme l'un des quartiers historiques les mieux préservés d'Allemagne. La cathédrale Saint-Pierre, la Marktplatz, la Böttcherstrasse (rue des Tonneliers) ou encore le vieux quartier Schnoor du 16 et 17e siècle regorgent de petites échoppes d’art et d’artisanat

Sur la route qui nous conduit au Danemark, la circulation est dense près de Hambourg. La ligne d’horizon le long de l’Elbe est hérissée de portiques et autres grues. N’est pas numéro Un qui veut ! Ce soir nous dormons à Aarhus.

Le musée des sciences. Une bouche d’égout à travers laquelle on entend des pleurs d’animaux et d’enfants. 
Hambourg, un immense port.  
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Orages violents et pluies diluviennes ont secoué notre nuit. Une bonne douche devait nous requinquer au petit matin. Mais nous ne sommes pas tous égaux face à la technologie ! Il fallait passer une carte magnétique de haut en bas dans un lecteur pour avoir de l’eau chaude. Ni trop vite, ni trop lentement… 50% de l’effectif (je ne citerai pas de nom) ont dû renoncer. L’eau étant restée froide vraiment trop froide.

Aarhus, ville de plus de 200 000 habitants, mériterait sans doute qu’on s’y attarde. On s’est contenté d’une halte de quelques heures. Le temps d’admirer la plus grande cathédrale du pays. Proprette, sobre, claire et élégante. Les chaises de style scandinave invitaient à méditer un peu.

Face à l’édifice religieux, le théâtre de style art nouveau trône. Majestueux. Chapeauté par un diable. L’architecte Hack Kampmann a d’abord pensé à Apollo, la lyre et d’autres attributs mais a abandonné l’idée. En revanche, il ne s’est pas expliqué sur son choix de la figure du diable . Mystère. En 1900, à l’ouverture du théâtre, personne n’a été choqué ou troublé. Plus loin dans le centre historique, la rue Møllestier - pavée - est caractérisée par des petits cottages traditionnels peints de couleurs vives avec des jardinets de fleurs. Quelques centaines de mètres plus loin, de nombreuses boutiques animent un quartier, surnommé « le quartier latin ». Sans doute fréquenté par les 40 000 étudiants.

Direction, Hirtshals. Tout au nord de la péninsule du Jutland. Ses longues plages et ses dunes. Son port plusieurs fois agrandi. Nous aurons traversé le Danemark en ignorant Legoland. Un parc d’attractions qui met en scène le fameux petit cube empilable , à côté de la première usine de fabrication. Lego fait la fierté du pays.

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Nous avons plus de trois heures de traversée. Le ferry a des allures de paquebot. Sols et moquettes haut de gamme à l’esprit seventies. Nous avons pris l’option dîner. Un superbe buffet. Nous avons ainsi dégusté de belles langoustines, des moules, du saumon…. Et des légumes. Les bienvenus car les patates, ça lasse à la longue ! A minuit, Kristiansand apparaît en milliers de points lumineux. Le site Park4night nous indique un site de stationnement à l’écart de la ville. La pluie accompagne une fois de plus notre installation. Dans le quart d’heure suivant, nous sommes rejoints par une armada de camping-cars.

Après une bonne nuit et un petit déjeuner au soleil (enfin) nous remontons la côte est. Premier objectif : retirer des couronnes norvégiennes. La devise - krone en norvégien - ou nok correspond à 0,099€. Disons 10 centimes d’euro. On ne s’attarde pas dans le grand port industriel

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Publié le 9 juin 2022

Nous y voilà. La Norvège, terre des Vikings et terre des Samis. Des rennes et du Père Noël. Berceau des romans noirs de mes nuits blanches ! Mon pays rêvé ne va-t-il pas s’écraser sur le mur de la réalité ? Je ne l’imagine pas une seule seconde.

Très vite, on emprunte quelques tunnels. Très vite aussi nous sommes encerclés par des forêts de conifères. On dévore l’asphalte au rythme de 80 km/h, parfois un peu plus. Ici pas de concours de vitesse sur les autoroutes. D’ailleurs pour y circuler, l’inscription préalable est obligatoire. Pas de péage mais des caméras. Comme au Portugal et sans doute ailleurs.

On se pose à Kragerø, charmante station balnéaire avec ses maisons de marins en bois. Dans l’une des 495 îles de la commune.

Edvard Munch y a vécu six ans après un séjour en psychiatrie. C’est ici qu’il a peint plusieurs de ses œuvres majeures en particulier Le Soleil. Avec ses 190 étendues d’eau douce, les réserves sont conséquentes. Égoïstement, on apprécierait que le ciel cesse ses pleurs interrompus. Surtout lors des trajets à vélos. Nos noks en poche, on se réfugie dans un bistrot. Au diable la note plutôt salée. Une boisson chaude est la bienvenue. Heureusement le moral reste au beau fixe. Au retour, la douche chaude et le soleil, qui se pointe avant de se coucher, terminent la journée en apothéose. Pour une première nuit sans pluie. Youpi.

Munch et Cathy 
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Publié le 10 juin 2022

Deux jours à Oslo. Prononcez Ochelo. Le berceau de Munch qu’il est fortement conseillé d’épeler Munk. Qu’on se le dise ! Deux jours à vélo et à pied. Le camping domine la ville. L’avantage : ça descend mais au retour ça monte. Logique. Laurent prend la tête, vaillant comme il se doit. Jean et Cathy forment le peloton. Et moi en queue de course. Mon vélo à assistance a décidé de faire grève. Alors la tâche n’est pas aisée de pédaler sur un tank.

À Oslo, nous sommes saisis par la modernité, la fluidité et la propreté des artères et des jardins. La capitale accueille 700 000 habitants dont plus de 25% d’immigrés. Ce qui en fait une ville vivante et cosmopolite. On admire l’opéra majestueux tout de marbre blanc vêtu. Les édifices religieux renvoient une image plutôt austère. L’eau est omniprésente. Un torrent serpente entre des immeubles. Parcs et jardins offrent aux familles le bol d’air dont elles ont besoin. Des quartiers se transforment et se gentrifient. D’anciens entrepôts industriels deviennent des lieux branchés. Réunissant des échoppes qui proposent des plats de tous les pays. Ce midi, on mange asiatique.

On remarque beaucoup de papas s’occuper de nouveaux nés, pousser un landau, jouer ou câliner. Ici la parité se décline dans les faits. Et se voit jusque dans les crèches ou la garde royale.

Nous empruntons l’avenue Aker. Il existe aussi les chantiers navals Aker Yards, les Norvégiens qui avaient racheté la construction navale nazairienne. Un nom courant ici. Je pense qu’Aker n’a rien à voir avec le dieu égyptien. Cette divinité double, personnifiant la terre, ses profondeurs, et le monde souterrain des morts… Bref, je n’ai pas de réponse

Nous passons devant l’ancien parlement, soufflé par un attentat d’extrême-droite qui a traumatisé Oslo. Et trouvons les rares maisons de bois colorées dans le quartier de Grünerlokka. Nous terminons par le parc aux 200 sculptures monumentales, signées Gustav Vigeland. Des hommes, des femmes, des enfants, unis sans doute par des liens familiaux et sensuels. En tout cas, pas de dieux et de figures bibliques mais plutôt des scènes du quotidien. L’artiste s’est même inspiré de son enfant pour le « Bébé rageur » en bronze, devenu l’emblème de la ville.

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Nous avons quitté la côte Est et bifurqué vers l’ouest. Doit-on s’arrêter à Kongsberg ? Oui ? Non ? Flottement général entre les deux G.O. Cathy et Laurent. Nous profitons de notre halte pour nous ravitailler chez Kiwi, un équivalent norvégien de Lidl, Netto et autre Aldi. Le poumon des mines d’argent (jadis) garde une position stratégique avec sa manufacture d’armes. On circule !

Nous nous contentons d’admirer ses « eaux tumultueuses ». Pas étonnant que la région soit équipée de centrales hydrauliques. Nous passons pas loin de Rjukan dont le patrimoine industriel est classé à l’Unesco. Deux films racontent la bataille de « l’eau lourde » lancée contre l’Allemagne nazie en 1944. Dont un français.

Laurent se sent davantage inspiré par Notodden, capitale européenne du blues le temps d’un festival et organisatrice de deux festivals de métal. A Hadden, on pique-nique. Tranches de saumon et fraises locales. Délicieux. Difficile de s’adapter au climat. Quand quatre saisons se succèdent sans cesse. Froid, chaleur, pluie. On se couvre, on se découvre et on recommence.

L’église vaut le détour. L’unique exemplaire au mmmooonnndddeee ! Construite en 1248 en bois debout. Superbe. On en profite pour acheter un blouson tout temps déperlant. Sur la route qui nous conduit à Dalen puis Amot, on aperçoit nos premiers sommets enneigés. La nature est grandiose : des forêts à perte de vue, des lacs. Dans un espace herbacé près d’un torrent, nous installons notre campement. Pas question de laisser notre poubelle dehors, nous pourrions attirer un ours ! On a vu un panneau.

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Je ne sais pas si on peut tracer une route aussi impressionnante - on n’est pas au bout de nos surprises - que celle empruntée entre Dalen et Ulvik. D’abord par les paysages : monts enneigés, lacs gelés, cascades et torrents rugissants par dizaines. D’une force telle qu’un brouillard vous enveloppe.

Nous entrons dans l’univers des trolls. Les toitures végétalisées accentuent encore l’atmosphère de contes et légendes. On a du mal à imaginer les nuits hivernales continues. Certaines vallées ne voient pas la lumière, même en plein été. D’immenses miroirs compensent l’absence de clarté. Côté météo, on n’est pas verni. On frôle les 6 degrés. La pluie et le brouillard, invités indésirables, nous empêchent de randonner. Trop dangereux sur les roches mouillées, conseille le guide. On pique-nique à la norvégienne : des tartines en forme de galettes épaisses, recouvertes d’un mélange à base de crabe ou de crevettes. On apprécie.

On se balade le long d’un fjord. Entre les maisons blanches en bois. Un hôtel datant de 1848 expose une Buick de la même année. A notre arrivée à Ulvik, la pluie persiste. Heureusement, un chalet équipé d’une cheminée, nous permet de passer une excellente fin de journée. Scrabble, apéro au vin rouge, poulet aux épices grillé au feu de bois. Nous rencontrons Nicolas, un Français de Francfort. Il voyage en camion, en compagnie de Katerine sa femme et de Benjamin son enfant de 13 mois. S’ensuit une bonne nuit de sommeil malgré le jour persistant.

Photos trouvées sur le net montrant une ancienne station électrique et des miroirs pour éclairer une vallée trop sombre.  
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Sur l’écran plat de notre pare-brise, la nature grandiose s’affiche en Technicolor. Nous longeons des fjords, apercevant les premières fermes aquacoles en contrebas. Nous empruntons des tunnels, certains s’étirant sur 9 km. On commence à s’habituer. Le pays est transpercé par plus de 1000 tunnels, le record du plus long atteignant 24,5 km.

Norheimsund, rive nord du Hardangerfjord, possède l’un des trois centres norvégiens de restauration d’anciens bateaux de bois. Une aubaine, ce chantier quand il pleut des hallebardes. D’entrée, j’investis dans un chapeau de pluie doté d’un large rebord sur la nuque. Me voilà parée. Il n’est pas exclu que j’investisse dans un pantalon étanche. Le pays est si lié à la mer qu’il épouse aussi la navigation. Sous toutes ses formes et pour tous les usages. Voir des jeunes femmes et hommes fabriquer des cordages, s’atteler au calfatage, reproduire préceinte, virure, rablure, galbord, quille… à l’identique, à partir d’une pièce de bois, fascine les néophytes que nous sommes.

En fin d’après-midi, à quelques encablures du centre-ville, la chute de Steinsdalsfossen attire les visiteurs. Nous gravissons le chemin afin d’accéder derrière les trombes d’eau qui déboulent de la montagne. Nous sentons l’attirance de Laurent pour les cascades. Il est comblé. Plus loin dans un jardin, il se régale à conduire une grue avec bruitage du moteur. Il est mûr pour devenir papy !

Nous sommes bien trempés quand nous reprenons les voitures. Bergen nous attend. Les campings trop éloignés de la ville sont blindés de camping-cars. Nous nous installons pour la nuit sur un parking dans un quartier calme et boisé. Cathy a acheté des chaussettes bien chaudes. On n’est jamais trop prudent…

Tesla très présente en Norvège investit dans des chargeurs de batterie. Ici dans un supermarché.  
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On ne regrette pas notre journée passée à Bergen. Capitale jusqu’en 1299, et aujourd’hui capitale des fjords. La 2e ville de Norvège est située à l'extrémité d'une péninsule formée par de nombreux fjords s'avançant dans les terres. L’un d’entre eux, le plus long, s’incruste dans plus de la moitié du pays. Un archipel et trois îles plus massives la protège de la mer du Nord. Curieusement, il ne pleut pas quand on se balade. Une chance. Avec ses 200 jours de précipitations par an, elle se classe championne européenne. Bergen, non sans une pointe d’humour, a choisi le parapluie comme emblème. La ville aux sept collines conservent encore plusieurs quartiers de maisons en bois colorées et ruelles pavées. Elle compense sa météo par une offre culturelle importante. Plusieurs grands musées (Kode), des expositions, des concerts quasi quotidiens et des festivals. Grace Jones chantait le soir de notre bref séjour. Émile Parisien donnait un récital quelques semaines plus tôt.

Un marché aux poissons fournit la population depuis 1276. Est-ce les conditions climatiques ou un vieux reste de pollution russe ? Toujours est-il que les crustacés sont surdimensionnés par rapport à la pêche bretonne. Une pince de crabe vous fait un repas ! Pas question de manger un steak de baleine (très rouge). Un fish & chips fera l’affaire. Les quais abritent différents navires : du yacht, au voilier en passant par les ferries et les paquebots. Un Costa fait escale ce jour-là. On l’aperçoit du parc qui domine. L’endroit qu’aimaient fréquenter les sorcières.

Parking à trottinettes et grand musée.  
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Publié le 16 juin 2022

S’il y a bien une journée d’émotions, c’est sûrement celle-là. Aucune photo, aucune vidéo n’arrive à traduire les sentiments que procure la vue de paysages aussi grandioses. La nature est si…. Et si… Et si… Les mots manquent décidément. En revanche, nous lilliputiens de la terre sommes remis à notre juste place. Petits, si petits. Prendre le tunnel le plus long - et soi disant ennuyeux- de presque 25 km, nous aurait privés de ces vues uniques.

La matinée avait pourtant mal commencé. Katy en prenant un chemin vers la réception d’un minuscule camping au fond d’une vallée a tourné boulé, fait des tonneaux sans carrosserie, valdingué, dégringolé. Bref, elle s’est vautrée. Sur une souche d’arbre et un caillou. Bilan : arcade sourcilière ouverte, bosses sur le front et la cuisse. Jean a posé des strips. Et a réparé les lunettes. Notre cascadeuse s’est fait peur. Désormais sur les chemins humides, elle choisira des chaussures à semelles crantées ! Nous aussi par la même occasion. Avec ses lunettes de soleil, l’accident passe presqu’ inaperçu.

La beauté de la nature requinque le groupe. Au fond d’un fjord, des paquebots ont accosté. Le gigantesque MSC s’impose en titan. Ou en verrue. Selon. Moi je ne peux pas m’empêcher de ressentir un pincement de fierté. On les construit, nom de dieu. Du bel ouvrage. Nazairienne un jour, Nazairienne toujours. L’équipage déjeune en plein air pendant que les passagers excursionnent.

La route qui serpente dans la montagne, et ouverte seulement l’été, nous conduit vers le sommet entre des congères. On décide de pique-niquer, entouré de cet ample manteau neigeux. On est chanceux. Le soleil vient nous réchauffer le visage.

On continue vers le nord et traversons un fjord à bord d’un bac. On s’arrête rapidement à Sogndal au pays des pommiers. On choisit Gaupne et son camping au bord de l’eau. On abandonne le Scrabble pour des parties de dés. Pour une fois, je gagne.

L’équipage déjeune en plein air pendant que les passagers excursionnent. 
On trinque à la santé de tous nos amis  
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On avance vers le nord à la vitesse tranquille de 50 ou 60 km/h. Parfois moins car les croisements de véhicules ralentissent. Priorité à ceux qui montent. Heureusement, le réseau routier est en très bon état et parfaitement entretenu. La plus vieille église de Norvège se cache au fond d’une vallée. Une autre en bois debout de l’an 1150 révèle aux groupes de croisiéristes en escale sa richesse décorative. Ses murs de clôture sont chapeautés de tavaillons. Nous montons jusqu’au plus haut col du pays. Une maison isolée dans l’immensité blanche ne verra jamais l’été, contrainte à la rudesse de la neige éternelle. Le brouillard s’installe au fil de la journée.

Nous nous arrêtons à Lom manger une pizza et prendre un court chemin de randonnée. La spécialité locale : pulls et autres déclinaisons en laine. Autre spécificité : toutes les constructions sont recouvertes de bois noir. Nous admirons les paysages en écoutant Brad Meldhau et Radiohead. Dans cette région, un pan de montagne, haut de 1000 m, fait le bonheur des escaladeurs de l’extrême.

Nous stoppons pour la nuit à Geiranger, au fond du fjord. A cause des torrents rugissants qui s’y jettent, Jean et Cathy sont gênés par le bruit et dorment en pointillés.

Le combat de coqs ! 
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La route des aigles, la route des Trolls. Le vent, le froid, la pluie, la tempête. Quelle journée !

Nous sommes passés des fjords majestueux aux glaciers puis des vallées cultivées aux forêts touffues et enfin des côtes déchiquetées aux îlots reliés par des ponts. Nous avons rejoint l’ouest et l’île d’Averøy. Cette route des Trolls justement parlons-en. Il a fallu huit ans pour construire la Trollstigen, son nom norvégien. Un véritable exploit technique avec ses onze virages en lacet creusés à flan de falaise. Une impression de vertige saisit le voyageur, accentuée sans doute par un fort dénivelé de la route. Très étroite, elle est interdite aux véhicules longs. On a croisé quelques cyclistes courageux. Cette route -parmi les plus belles au monde- relit les villes de Åndalsnes et Valldal. Inaugurée en 1936 par le roi Haakon VII, elle ouvre uniquement à la belle saison. Elle serpente sur 100 km à travers des paysages des plus remarquables.

On entre dans le royaume des trolls, géants de pierre du folklore nordique. Il faut se méfier de ces créatures qui peuplent les forêts ! Elles s'apparentent à de gentils lutins un tantinet benêts. Mais quand ils sortent à la nuit tombée, ils sont beaucoup plus diaboliques... Ils ont peur de la lumière et de la foudre parce que Thor avec son marteau tonnerre - mythologique - aime détruire les Trolls. Ils sont alors transformés en pierre. Selon Odd Hølaas dans son livre écrit « les trolls en Norvège » : « le troll incarne l’esprit naturel de la Norvège. Il est la forêt et la montagne en mouvement. Il est le symbole de notre peur de la nature ». Nous profitons d’un vieux chalet transformé en cuisine pour dîner. On apprécie le confit de canard. Gavés et réchauffés, on dort comme des bébés, secoués par la tempête.

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Deux nuits sur l’île Averoy. Un paradis sur terre. J’aimerais bien y avoir un pied à terre. Et même les deux ! Je révise ma géographie. Elle est située dans l’alignement des îles Féroé. Féroé sonne pour moi comme Tonga ou Fidji. Et ses chants rythmés de aka. Bref, je ne les imaginais pas entre l’Islande et la Norvège. Pas de ballons ovales donc mais plutôt des avirons de six à dix rames.

Nous profitons de notre halte pour randonner à vélo et à pied. La pluie nous accompagne tel un camarade un peu trop collant. Par giboulées. Les chemins sont gorgés d’eau. Les pieds trempés, on ne se lasse pas des paysages marins, criblés d’îlots dans lesquels viennent se lover des maisons souvent carmin, rappelant les enduits anciens au sang de bœuf. Quelques chalutiers s’ancrent ici et là. On pense aux abers bretons que les pins auraient colonisés. On se requinque dans le chalet du camping qu’on squatte aux heures des repas et des parties de dés. Laurent et Katy dominent au Scrabble.

Désormais les nuits ressemblent aux jours. Nos voisins allemands partent pêcher sur les pontons proches. Et s’interpellent bruyamment alors que la montre marque 5 h du matin ! Ils relèvent des maquereaux à tour de bras. On petit-déjeune au soleil face à la mer. 14 degrés. Le pied total. Nous reprenons la route. Toujours plus au nord.

Notre circuit vélo  
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Nous empruntons plusieurs tunnels qui s’enfoncent sous l’eau par des dénivelés de 10%. Et aussi des ponts parmi les 17300 de Norvège. On arrive à Trondheim. 3e ville du pays. Elle marque à peine la moitié du voyage avant l’arrivée au cap nord. La ville est charmante sous le soleil. 16 degrés. On jubile.

Nous stationnons près de la cathédrale dite de Nidaros, richement travaillée. Aux gargouilles purement esthétiques. Nous partons à la découverte de la cité ancienne, occupée depuis des milliers d’années. Le roi viking Olav Tryggvason - sanguinaire et violeur - la développe à l’embouchure de la rivière Nidelva qui se jette dans un fjord protecteur. Converti au christianisme, on attribue à ce satané Olav l’édification de la première église de Norvège.

La ville marie volontiers constructions traditionnelles et contemporaines. Les formes de radoubs et les entrepôts réhabilités accueillent désormais des commerces et des lieux de vie. Elle s’est lancée dans des ouvrages d’envergure écologiques. Comme la Powerhouse Brattørkaia à énergie positive. Des espaces de bureaux occupent la base sous-marine allemande Dora. Trondheim dispose d’une importante université de sciences et technologie. C’est là qu’enseigne mon jeune cousin Victorien. Sa spécialité : la mécanique. Toutes les mécaniques. Ses recherches qui s’effectuent avec des médecins portent sur le cœur humain.

La rencontre familiale me fait plaisir. Nous faisons plus ample connaissance avec Estelle, sa femme, et leurs deux filles Joséphine et Natacha. Nous trinquons au spritz, clin d’œil à Mathilde, ma cousine milanaise et sœur de Victorien. Nous nous installons en bord de mer pour la nuit. Nous constatons qu’il n’y a plus d'obscurité. Et ce jusqu’au 20 juillet.

A droite, la résidence royale. 
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Publié le 21 juin 2022

Notre objectif est de rejoindre Bodø en deux jours. Il fait froid mais beau. La route traverse des étendues de forêts sans discontinuer et sans âme qui vive. Peu d’habitations, peu de circulation. Nous longeons des rivières, des lacs, et des cascades furieusement déchaînées. De mémoire de Norvégiens, ce mois de juin est particulier pourri. Si bien que les habitants se ruent dans les charters vers des destinations ensoleillées. On les comprend. La température a du mal à dépasser les 10 degrés.

Un immense panneau nous prévient que l’on entre dans le Norge, le Nord de la Norvège. Nous choisissons notre campement du soir à l’écart du monde, à proximité d’un monument du souvenir. Les moustiques nous accueillent !

Des panneaux nous indiquent qu’un ancien camp de prisonniers yougoslaves (sans doute juifs) a été édifié lors de la 2e guerre mondiale par les Allemands dans ce lieu reculé. Ces hommes étaient utilisés pour construire une route. Dans des conditions extrêmes et inhumaines. 400 corps ont été retrouvés mais combien sont morts en réalité ? Ce tracé routier est appelé « la Route du sang ».

Alors que nous jouons au Scrabble - que Katy a largement dominé par 3 scrabbles en 3 coups - une dame est venue planter des œillets au pied du monument. Ce matin nous reprenons la route sous la pluie.

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L’étape du jour revêt une importance toute symbolique. Mais pas seulement. Car la ligne a beau être imaginaire, nous sommes bien en chair et en os sur le cercle polaire arctique. Qui porte bien son nom. Polaire ! 7 degrés au thermomètre. Ressenti, 5 degrés. Moins sans doute à cause de l’humidité. Nous superposons les couches pour aller sur le plateau aussi chauve que Yul Brynner. La végétation même rase n’a pas encore pointé le moindre brin de toundra. Tout le monde s’arrête et dépose un caillou sur le tas de son choix. L’étendue minérale surprend. Une atmosphère de désolation se dégage de ce paysage d’un autre monde.

A partir de cette ligne, le soleil ne se couche plus la moitié de l’année. L’autre moitié, il ne se lève plus. Aucune autre alternative. Ils sont 393 576 Norvégiens à vivre au nord du cercle polaire arctique. Soit 7.5% de la population du pays. Leur organisme doit souffrir de ces changements radicaux de rythme.

Nous reprenons la route jusqu’à Bodø sans que cesse la pluie polaire. Sur le port, nous croisons les concurrents d’un rallye touristique. Partis de Hambourg, les 200 participants effectuent le « grand tour de la mer baltique » en passant par la Norvège jusqu’au Cap nord puis la Finlande, l’Estonie, etc. 9 pays en 16 jours et 7500 km.

Le navire de 18 h30 part sans nous. Nous patientons et prenons le suivant à 3 h du matin. 3 h 30 de traversée. A l’arrivée : les îles Lofoten. Nous sommes bien décalés.

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A l’arrivée du ferry, nous stationnons à Å qu’il convient de prononcer O. Le village a gardé ses allures du 19e siècle grâce à un programme de réhabilitation. Nous dégustons des viennoiseries fabriquées à l’ancienne. Au musée de la morue, un film en français de Thalassa tourné en 1994, montre la vie rude des pêcheurs de morues. Encore d’actualité selon un ancien pêcheur.

La Norvège ne suit pas les règles européennes de la pêche. Depuis l’époque Viking, de janvier à avril, lorsque les Skeir (cabillaud de l’arctique) descendent de la mer de Barens plus au nord, jusqu’aux eaux plus chaudes des îles Lofoten, la morue est pêchée. Aujourd’hui encore 30.000 professionnels et quelques centaines d’amateurs viennent à la pêche miraculeuse. Les Norvégiens ont mis en place une réglementation très précise autant sur les horaires que sur les techniques de pêche. Cette réglementation permet le renouvellement de l’espèce et garantit un commerce constant. Les bateaux ont grossi en tonnages. Les jeunes s’occupent toujours d’extraire les langues des têtes avant que ces dernières soient séchées. Une activité lucrative. De retour au port, le poisson est soit vendu frais, soit préparé pour le séchage.

Pour un bon Stockfich. Aucun poisson blessé ne sera sélectionné, aucune trace de sang ne sera admise et l’entaille de la décapitation devra être nette. Les Skeir sont méticuleusement lavés à l’eau de mer, reliés par deux et suspendus sur les rondins de bois des séchoirs à poisson. La nature fera le reste. Vent et soleil. La morue perd 70% de son poids en eau en séchant, mais conserve ses principaux éléments nutritifs (protéines, fer et calcium).

Le gros de sa production part au Portugal. L’Italie et la Scandinavie sont également friands de ce poisson. Quant aux têtes, elles partent broyées en direction du Nigéria. La poudre servira de source de protéine qui fait défaut auprès d’une population souffrant de carence. Je ne vous parle pas de l’huile de foies de morue. Produite et avalée par les Norvégiens. Ses vertus sont multiples mais son goût rebute quand même.

Nous campons face mer sur les hauteurs du camping. Nous allons visiter le village de Reine à vélo. La nuit - éclairée - est très agitée. Nos couchages sont secoués comme un prunier par la tempête. Vers 3 h du matin, on replie tout et on dort dans les véhicules. En fin de matinée, on rencontre des copains de Saint-Nazaire, Didier et Sylvie. Un croisement bref mais bien sympa.

Didier et Sylvie, des copains croisés aux Lofoten. 
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L’aventure se poursuit toujours plus au nord. Nous décidons de rallier Borg et le musée des Vikings. Celui d’Oslo étant fermé durant plusieurs années. Ciel menaçant et vent froid nous accompagnent. Nous commençons à être blindés à vivre dehors par tous les temps. Les espaces muséographiques nous dévoilent l’histoire de ce peuple voyageur, combattant et croyant. Les esprits maléfiques ne sont jamais bien loin…

Les Vikings sont païens et polythéistes. D’abord vous avez Odin, le Dieu des dieux. Du savoir, de la guerre et de la victoire. Fin stratège, il combat peu. Ben voyons ! Puis arrive Thor, le fiston. Son nom signifie Tonnerre. Il protège les humains des géants, du froid et de la faim. Enfin vient Frey ou Frigg, l’épouse d’Odin. Même sagesse et même vision du futur. Déesse de l’amour, elle porte la pomme d’or dont la vertu magique les empêche de vieillir. Pas con. Une belle promenade nous transporte des siècles plus tôt. Forgeron, tisserand… sont à l’ouvrage. Jeux d’adresse ou de force sont proposés aux visiteurs près de l’immense ferme reconstituée à l’identique.

Laurent se distingue au lancer de hache. Je ferai bien de me méfier ! A Henningsvær, dite la Venise du nord, on découvre un grand canal. Au lieu des gondoles, des navires de pêche. Nous trouvons un coin sympa, vert et abrité à l’écart de la route pour passer la nuit. Par précaution, nous n’ouvrons pas tente et toit.

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La longue étape du jour nous conduit des Lofoten aux îles des Vesteralen. Plus au nord. L’archipel est composé de multiples îles et îlots. Premier arrêt à Storvagan, le village le plus ancien de la Norvège du nord. À la sortie, l’église en bois, surnommée « la cathédrale des Lofoten » occupe une position dominante. En voiture Simone. L’asphalte déroule son ruban, enfermé dans un rideau de camaïeu de verts de forêts infinies. Il nous manque la profondeur de champ. Nous passons à Narvik, connue comme étant la première victoire militaire des alliés en 1940. En position de force avec près de 25000 hommes, ils décident - en haut lieu - que la priorité est en France. Et ils se retirent laissant l’ennemi sur place pendant 5 ans. Ah, la stratégie !

Nous entrons en territoire Samis. Et c’est avec plaisir que nous retrouvons les chaînes de hautes montagnes enneigées . Et encore des glaciers. La Norvège en compte 2534. Dont le Jostedalsbreen, le plus grand glacier de tout le continent européen avec ses 60 km de long et ses 600 mètres d'épaisseur à son maximum, La beauté des contrastes est saisissante.

Nous stoppons pour la nuit à Tennes dans un écrin apprécié des pêcheurs à la ligne. Ils plient leurs gaules à minuit. Pendant ce temps, nous trinquons à la saint Jean en levant notre verre de vin chilien à 40 €, acheté dans un magasin d’état. La vente d’alcool est contrôlée dans ce pays. On apprécie d’autant plus qu’il ne pleut pas.

Chanceux de pouvoir s’arrêter pour la non-nuit dans ce cadre magnifique. 
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Dans le paradis des pêcheurs à la ligne, l’arrêt est volontaire. Nous avons remarqué qu’à Tennes des gravures rupestres sont visibles sur la roche. Nous empruntons donc un chemin de moyenne montagne. Très bien aménagé, comme la plupart des sites accueillant du public. Pas d’autres touristes ce jour-là. La balade sous le soleil est agréable. On savoure. On reconnaît des animaux, des hommes et des bateaux. Ces gravures défient les éléments depuis 6 à 7000 ans. La mer s’élevait alors à 16/17 m de sa hauteur actuelle.

Nous rejoignons la ville de Trompsø, centre culturel majeur au-dessus du cercle Arctique. C'est un point d'observation célèbre pour les aurores boréales. Le centre historique de la cité, sur l'île, se distingue par ses maisons centenaires en bois. La cathédrale Arctique arbore un toit pointu caractéristique. L'édifice date de 1965 et surplombe la ville.

Au « musée polaire », Jean aimerait manger un esquimau ! Nous sommes impressionnés par la taille des morses et des chiens de traîneaux « taxidermisés ». Nous plongeons dans l’histoire passionnante de l’expédition du Norvégien de Trompsø, Roald Amundsen, et de son équipage. Ses plans initiaux se concentraient sur l'Arctique et la conquête du pôle Nord en dérivant sur un navire pris dans les glaces. Il obtînt le droit d'utiliser le navire polaire Fram du fameux explorateur Fridtjof Nansen. Il laisse finalement son nom à l’expédition en mer de Ross en Antarctique (1911).

Nous longeons les quais. Le port héberge des bateaux de pêche et les fameux paquebots Hurtigruten. Le numéro 1 des croisières en Norvège sillonne les mers du Nord et les fjords toute l’année depuis 130 ans. Un bail. Nous ne monterons pas à bord du baleinier et chasseur de phoques. Le musée est en maintenance. Pas de quoi s’émerveiller non plus. Les chasseurs de phoques ont réussi à décimer les 7 espèces de phoques !

Les terrasses des bistrots sont bondées. La population plutôt jeune bénéficie d’un niveau de vie supérieur aux Norvégiens du continent. Elle est aussi moins taxée. Nous passons devant la brasserie la plus septentrionale du monde ! Les garçons décident de goûter la bière locale Mack. Après cette étape très agréable, nous stoppons à Skitbotn, au bord d’un fjord.

A gauche : chasse à la baleine. 
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On the road again ! Nous roulons en Laponie norvégienne. La route Kvaenangsveien embrasse un paysage impressionnant. Un sentiment d’amplitude sereine se dégage de cette nature XXL. Il n’y a plus aucun doute : ces paysages grandioses remplacent notre Tour Eiffel et tous les châteaux de la Loire ! Ce sont eux les bijoux du pays. Ces monuments naturels laissent sans voix. Le soleil a décidé de nous accompagner. On est aux anges. 21 degrés au bord de l’eau. Ressenti : beaucoup plus car on n’a plus l’habitude.

Avant d’arriver à Alta, on ne manque pas l’important site d’art rupestre, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1985. Lorsque les gravures sont teintées, elles sont plus facilement lisibles. En tout cas, la vie d’alors apparaît. Scènes de pêche, de navigation, de combat, de fêtes. Les femmes se distinguent par deux bâtons à la place des jambes. Les hommes trois. Mammifères terrestres et marins, volatiles sont également repérables. 5 kilomètres de parcours en plein air nous dégourdissent les jambes.

Nous passons la ville d’Alta qui a été le théâtre en 1979 de la plus grosse opération policière de son histoire afin de déloger des manifestants opposés à la construction d’une centrale hydroélectrique. On se pose pour la non-nuit au camping Solvang situé dans les pins à l’embouchure de la rivière Gammelbollo. Nous dégustons un plat de morue/pommes de terre cuisiné à la norvégienne.

L’invention du chemin de fer et du clavier d’ordinateur ne datent pas d’hier !
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La route est longue mais très belle. Diversité et immensité époustouflante. Chaque jour, nous avons notre lot de woaaaooouuuhhh. L’émotion prend aux tripes. Ce n’est pas qu’une formule. Prenez cette nouvelle journée sous le soleil, par exemple. La route a enchaîné les premières fois. Après d’autres montagnes et d’autres fjords, nous avons accédé, plus au nord, à des steppes. D’immenses étendues de montagnes pelées. Les bouleaux ont très difficilement résisté aux vents incessants et à la rudesse hivernale. Décharnés, effrités, quelques-uns peinent à reverdir. Plus haut, les arbres ont disparu. La végétation se limite à une fine couche verdoyante. Et c’est sur ce fragile tapis herbacé que les rennes viennent brouter le lichen. Qui se raréfie, déplorent les éleveurs Samis. Nous admirons nos premiers cervidés. Jean tente même d’approcher un clan. Sans succès. Les troupeaux sont apparus plus haut encore.

Robes crème et bois naissants gainés de velours. Ces bois atteindront leur plein développement durant la période de rut. Ils ne jouent pas seulement un rôle à caractère sexuel, ils offriraient aussi une meilleure audition, agissant comme une sorte de réflecteur parabolique (selon une étude des chercheurs américains George et Peter Bubenik).

Plusieurs tunnels facilitent l’accès au « bout du monde ». Nous admirons les cyclistes qui affrontent des ascensions aux dénivelés à 10% sur plusieurs dizaines de kilomètres. L’habitat dispersé laisse entrevoir un isolement compliqué en hiver. Vivre dans la nuit permanente n’a rien d’une sinécure. Aux beaux jours, les quads remplacent les motos-neige. Ici pas de Tesla mais plutôt de gros 4X4.

Le NordKapp apparaît enfin. Le bout du bout…. Du bout du monde. Au nord Arctique. La pointe ultime tombe à pic dans la mer de Barents. Nous ne sommes pas seuls au rendez-vous. Une myriade de camping-cars s’alignent sur le parking. Tous plus gros les uns que les autres. Les motards se regroupent et plantent leur tente en contrebas. Les bus des paquebots déversent leurs passagers. L’accès aux boutiques et restaurants est payant. 31 euros par personne ! Surprenant. Au fil de la soirée, le vent se lève. Fort et froid. On remet nos couches de vêtements. Et on patiente. La poussière, soulevée à tout va, attaque les yeux. Tout le monde attend « le soleil de minuit ». A cette heure précise, il s’assoit sur la ligne d’horizon sans plonger. Cinq minutes plus tard, il remonte déjà.

La non-nuit peut commencer sur le haut plateau échevelé. Les rangs automobiles s’éclaircissent. Le silence s’installe. Notre esprit suit encore les bancs de dauphins, surpris dans l’océan nordique, lors de cette fameuse nuit polaire. Mythique.

0h et 0h10.  
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Le thermomètre affiche 23,5 degrés à 9 h. Nous quittons la Cap Nord sous le soleil et sans le vent de la nuit. En reprenant l’unique route jusqu’au bord du fjord, à Honningsvåg. Ce petit port ramassé dans une anse n’a pas de charme particulier. Son attrait réside dans sa flotte de navires de pêche. Ses eaux sont envahies par le crabe royal (jusqu’à 2 m d’envergure) volontairement introduit par les Russes. Les pêcheurs en ont fait un atout. Autre source de revenus, les escales de paquebots. Deux sont à quai. Dont le Havila Castor : un navire écologique et moderne au design norvégien lancé en mai 2022. A titre d’exemple, la propulsion du navire est une combinaison de gaz naturel liquéfié (GNL) et d'un bloc de batteries de 6,1 mégawattheures (MWh). La compagnie de croisières a investi environ 500 millions de couronnes norvégiennes pour rendre ses navires aussi écologiques que possible, et elle prévoit d’utiliser un mélange de biogaz à l’avenir en guise de carburant.

Nous stoppons le long d’une plage. 30 degrés à 16 h. Si ça continue, on va se plaindre. Jamais contents ! On met les pieds dans l’eau transparente. Jean habitué des bains à La Torche en Bretagne ne se risque pas. 10 degrés. Ça calme.

On s’arrête dormir à Karasjok. La randonnée dans la forêt et la soirée sont perturbées par les moustiques. Malgré nos bombes aspergées sur la peau, les insectes agressent sans répit. On en est (presque) à regretter le froid. D’autant que nos non-nuits sont de plus en plus courtes. A cause du jour et de cette chaleur soudaine. Faites du bien à un âne, il vous chiera des crottes !

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À Karasjok, nous plions les gaules assez rapidement car un hélicoptère posé au bout du camping va décoller. Nous explorons les environs à vélo. La visite du musée Sami est intéressante, celle du Parlement aussi. Ce dernier est construit en rond et l’hémicycle se loge dans la partie évoquant une lavvo (la tente de cette population nomade). Le parlement sami a siégé pour la première fois en 1989, après de nombreuses manifestations, dans les années 70 et 80, contre la construction d’une usine hydroélectrique sur l’Altaelva, en Norvège du Nord, surnommée « la controverse d’Alta ». Depuis lors, les Samis de Norvège peuvent élire leurs représentants dans un parlement entièrement dévoué à leurs affaires.

Les « originaux » norvégiens parlent trois langues samies totalement différentes les unes des autres. Pour se comprendre des traducteurs officient au Parlement comme à Bruxelles. Le gouvernement norvégien s’est excusé auprès de ces peuples longtemps méprisés voire persécutés. On estime à environ 80 000 le nombre total de Samis vivant en Norvège, Suède, Finlande et Russie. La moitié d’entre eux vit en Norvège. La vaste majorité se concentre au Nord, principalement dans le comté du Finnmark. Où nous sommes. A l’école, les enfants apprennent au minimum sa langue originale, le Norvégien et l’Anglais.

Beaucoup pensent que la culture samie est uniquement le rayonnement de traditions ancestrales. Mais l'héritage est resté vivant et a même évolué. On l’observe dans la musique rap, l'architecture moderne, l'art contemporain et le design. Le Sami d’aujourd’hui peut être à la fois cinéaste primé et éleveur de rennes sur sa motoneige. En revanche, il partage avec son ancêtre la même relation profonde avec la nature.

Après avoir passé la frontière finlandaise, nous stoppons à Inari, la plus grande commune en superficie du pays -2e à l’échelle européenne- là aussi territoire Sami. Grande comme Israël ou la Slovaquie. A 20 h, nous remarquons que l’heure a changé. Il est 21 h. Un nouveau décalage ? Peut-être pas car la nuit n’existe toujours pas.

Nous nous enfonçons dans la forêt et trouvons un endroit idyllique au bord d’un lac. Les garçons tentent un combat de rennes. La petite brise écarte un temps les colonies de moustiques. Le silence est roi ou rennes ! Mais c’est un élan qui s’approche au petit matin. On touche du doigt le rêve éveillé.

Photo aérienne du Parlement Sami norvégien trouvée sur le net.  
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Nous traversons la Finlande du Nord, pays lapon. Très peu habité. 183 000 sur une population de 5,5 millions soit 3% pour près d’1/3 de la superficie du pays ! Il faut dire que les conditions de vie sont ingrates dans cette partie du pays. Les températures subarctiques peuvent facilement atteindre les -40°C en hiver. L’été plus clément n’empêche nullement les variations rapides surtout en altitude. Outre le tourisme, le ski, l’élevage de rennes, on y transforme le bois en pâte à papier. Autres spécialités : la céramique et le chrome.

Nous longeons des forêts uniformes (vertes sapins sans discontinuer. Rien pour accrocher notre regard sauf peut-être quelques rennes égarés et des lacs à profusion. Ours bruns, lynx, et renards rouges vivent dans ces parcs naturels. Sur de longues lignes droites, peu de poids lourds et de rares cyclistes courageux. Les 30 degrés sont dépassés.

Nous nous arrêtons dans un supermarché acheter de l’eau fraîche et du pain pour le pique-nique. Les rayons diffèrent des voisins norvégiens nordistes. Moins de bons pains, davantage de choix de légumes, pas de fraises et de cerises. Globalement mieux achalandés. Nous retrouvons l’euro.

Nous ne pouvons faire l’impasse sur Rovaniemi. La capitale de la Laponie finnoise - quasi détruite lors de la Seconde Guerre mondiale-est connue pour être la demeure "officielle" du père Noël. Imaginez un Disney Land dédié au Père Noël, construit de toute pièce sur le Cercle polaire. Boutiques, restaurants, hôtels et loisirs à gogo. Des chalets, des Igloos en verre, des accessoires rouges… Et des chants de Noël. Dehors il fait 35 degrés et la poussière a remplacé la neige et balayé la magie. En neuf jours, nous sommes passés de 7 à 35 degrés sur le même cercle polaire ! Dingue, non ?

Dans l’hôtel où nous trouvons des boissons fraîches, la télévision consacre une émission au Tour de France cycliste. C’est toujours à Rovaniemi que se situe l'Arktikum, centre des sciences explorant la région arctique et l'histoire de la Laponie finlandaise. Le Science Centre Pilke présente des expositions interactives sur les forêts septentrionales. Nous dormons au bord de la rivière Kemijoki. Au menu : boulettes de viande norvégiennes.

Un rassemblement de belles mécaniques au pays du Père Noël  
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Le vert-sapin, on connaît. Et plus que bien. A force de rouler vers le sud, on arrive à Tornio, ville frontière entre la Finlande et la Suède. Tout au nord de la mer baltique : le golfe de Botnie. Première image - et je n’invente pas - un magasin IKEA. Immense. Jaune et bleu aux couleurs du drapeau national. Pour ceux qui ne le savent pas encore, chaque meuble et objet de l’enseigne porte le nom d’un lieu, d’un cours d’eau - ou que sais-je - de ce pays.

On descend avec Luela en ligne de mire. Port déjà florissant à l’époque médiévale. Base des brise-glace du pays, la ville abrite aussi une usine d’assemblage de Scania, le Suédois présent à Angers ! Elle accueille aussi depuis fin 2011 un centre de stockage de données de Facebook. Un choix pris à cause des basses températures. En ce moment, ce n’est pas le cas avec plus de 30 degrés.

Nous faisons un crochet à Gammelstad. La « ville-église », site classé par l’UNESCO comme héritage mondial. Et la mieux préservée du pays avec ses 553 chambres réparties dans 408 maisonnettes. A l’intérieur pas d’équipement pour les repas. Seulement des lits et des poêles à bois. La messe étant autrefois obligatoire, les croyants isolés pouvaient ainsi dormir sur place, après l’office. Une mamy nous accueille dans son « réduit ». Nous sommes autorisés à entrer dans l’église alors qu’un cercueil n’a pas encore été sorti après l’enterrement !

Nous déjeunons dans le seul restaurant ouvert. Délicieuse, la salade aux crevettes. Direction : Storforsen. Et sa cascade. On en a pourtant vu et revu. Trois raisons : 1/Laurent aime les cascades. 2/Laurent est fasciné par les cascades. 3/Laurent est impressionné par les cascades. Mais unanimement, on adore la belle balade le long de ces plus grandes chutes d'eau d'Europe. Entre chemins, ponts et passages en bois, on se régale de la furie du débit. Le bois coupé empruntait ces rapides. L’arrivée des troncs comportait bien des dangers pour les hommes qui les réceptionnaient. Nous cherchons en vain un accès dans la forêt pour y passer la nuit. Impossible. Un joli camping au bord de l’eau nous reçoit pour la nuit.

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Publié le 3 juillet 2022

Chaque jour qui nous ramène vers notre point de départ, nous ciblons des étapes stratégiques. Disons, dignes d’intérêt. Cette fois l’arrêt marche à pied se situe à Umea, ville qui a vu grandir Stieg Larsonn.

Pour rappel, Karl Stig-Erland Larsonn (son nom complet), journaliste de métier, est connu dans son pays pour son engagement contre l’extrémisme de droite et le racisme. Mais le reste du monde l’apprécie davantage comme écrivain. Sa trilogie Millenium a remporté un succès phénoménal. Une assurance vieillesse, pensait-il. Mais il est mort prématurément sans connaître son immense notoriété.

Nous perdons une heure à payer les places de stationnement par QRcode. La ville, animée, marie sans complexe ancien et moderne. Les mouettes rieuses ont enfilé leur cagoule marron. Elles plairaient à Gaston Lagaffe. La présence de la rivière Ume donne du cachet et une certaine douceur de vivre. Des jeunes fêtent la fin de l’année scolaire bruyamment sur un bateau. Des groupes de demoiselles s’amusent à enterrer des vies de jeunes filles. Avec à peine 85000 habitants, la ville réunit pas moins de trois musées sans compter le Parc des sculptures.

Une cinquantaine d’œuvres monumentales d’artistes du monde entier y sont réparties dans un secteur vert autrefois occupé par l’ancien hôpital psychiatrique et désormais réhabilité en logements et lieux de travail. Une balade très agréable. Avant d’arriver à Gullvik en bord de mer, nous passons à côté d’une usine aux cheminées crachant des fumées fort dérangeantes. Son nom : Donsje phonétiquement Donges ! Une dernière marche en bord de mer nous fait espérer une bonne non-nuit.

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Nous marchons dans la forêt qui longe la mer. Des chemins bien balisés sillonnent entre des épicéas et autres résineux, majoritaires dans la partie nord du pays. Les espaces dégagés sont équipés de bancs - souvent d’un abri - et d’un grand barbecue. Le bois est également fourni. Pas de poubelle. Les randonneurs laissent les lieux propres et redescendent leurs déchets.

Nous déjeunons face à la baie. Jean n’a pas envie de se baigner. Il faut dire que la mer baltique - fermée- est considérée comme la plus polluée au monde. Les déversements agricoles sont notamment pointés du doigt. Des expériences sont actuellement menées avec des moules. Le Baltic Blue Growth, projet européen expérimental, est suivi par des exploitations éparpillées autour de la Baltique : au Danemark, en Suède, Estonie et Lettonie. Les fermes marines ont pour but de lutter contre la pollution de la mer de manière écologique. Les moules filtrent l'eau et contribuent à réduire l'excès de nutriments.

En passant à proximité de Sundsvall, la côte aligne les usines et nous rappelle l’industrialisation, un peu oubliée jusque là. D’ailleurs au large de cette ville, une vaste nappe de 70 km carrés, d'origine et de composition inconnues, a été détectée récemment dans un secteur s'étendant sur près de 200 kilomètres. Peut-être du biocarburant, plus compliqué à retracer.

Nous poursuivons notre route et traversons de jolis villages. Jusqu’à un écrin de « carte postale » signalé sur l’application park4night. Saltharsvägen.

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Nous prenons le temps de randonner à Saltharsvägen. Nous dégustons des fraises des bois et des myrtilles sauvages qui tapissent le sol. L’endroit est idyllique. Avant de partir, nous poussons jusqu’à la pointe. Un hameau coquet. Les maisons rouges et fleuries sont tournées vers la mer. De grands hangars abritent les bateaux. La pratique de la pêche occupe les habitants. Nous reprenons la route.

À la hauteur d'Älvkarleby, une énorme construction attire le regard. Le Dragon Gate. Étrange bâtiment, aux fausses allures de Cité Interdite, qui semble fermé. Hôtel ? Centre commercial ? Centre culturel ? École de Kung-fu ? Des péripéties et déboires entourent sa construction et son exploitation. Plusieurs fois revendu, il avait pour vocation de créer un pont entre la culture chinoise et suédoise. Des répliques de soldats de l’armée enterrée ont même été importées. Un fiasco.

Nous arrivons dans l’après-midi à Stockholm. La ville attire les visiteurs. Les places de camping se font rares. Premier contact avec la capitale : en métro et à pied. Nous commençons par le centre historique. Le Palais Royal, le Parlement, l’hôtel de ville, les places de caractère, les maisons colorées…. C’est un voyage dans le temps de plus de 700 ans. L’eau s’insinue dans la ville. Avec ses quais et ses bateaux partout. De toutes les tailles. Construite sur 14 îles, Stockholm a été surnommée la Venise du Nord… comme Bruges. Le soleil se couche. Enfin, la nuit revient ! On est fourbu. 20 km à pied, ça use, ça use. Pas seulement les souliers.

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Nous choisissons de rallier le centre de la capitale à vélo, à onze kilomètres du camping situé à l’ouest. Nous savons qu’en une journée complète, on survole notre étape. Comme dans d’autres domaines, des choix s’avèrent nécessaires. Alors nous ciblons les visites. Un séjour plus long sera à programmer afin de prendre réellement le pouls de la cité maritime et de voguer dans l’archipel. Pourquoi pas à Sandhamn. Mais comme dit Jean, la réputation de l’île laisse à désirer avec tous ses meurtres. Clin d’œil à la série policière.

Une ville belle et aérée : c’est la première sensation qui s’en dégage. Elle regroupe les sièges de la majorité des entreprises du pays. Elle concentre aussi écoles et universités. Bref, les qualificatifs ne manquent pas : dynamique, jeune, culturelle, sportive, écologique… Un million d’habitants et plus du double avec l’agglomération. Elle est la seule région européenne figurant parmi les dix plus grandes économies de la connaissance au monde, à côté de 8 villes américaines et Tokyo !

Nous commençons par le musée Vasa, axé sur un navire de guerre éponyme incroyable qui a passé 333 ans dans la vase. Construction épique et coûteuse, lancement en forme de catastrophe puisqu’il a coulé 1300 m plus loin le 10 août 1628. D’une longueur hors tout de 69 m, il était trop haut, pas assez large, pas assez lesté… Procès, oubli. Je vous passe les détails. L’histoire de son renflouement et de sa sauvegarde est tout aussi passionnante.

Après ce grand classique, un stop au Blå Porten café et son jardin-patio, idéal pour une pause déjeuner. On change d’île et de quartier pour admirer les sculptures du couple Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely, concentrées dans un minuscule parc devant le musée d’art contemporain. Nous continuons en direction d’un autre quai. Le musée de la photo regorge de grands noms. La proposition éclectique du Fotografiska réunit des clichés d’Andy Warhol, de Terry O’Neill, le photographe qui magnifie les stars et ceux particulièrement remarquables de ’The New Black Vanguard’.

On termine notre journée dans le branché Södermalm, désigné par Vogue comme l’un des quartiers « les plus cools du monde ». Le Mosebacke, conseillé par Biorn (notre Suédois préféré) est blindé. On trouve de la place juste à côté. Au 7e étage, on domine une partie de la ville.

A notre retour au camping, surprise. Deux camping-cars nous serrent en sandwich. A peine un mètre de part et d’autre. Gênant !

Sculptures aux peintures vives. Des squelettes ont été retrouvés. On a pu recomposer les visages.  
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Adieu belle Stockholm. Promis, on reviendra. On reprend la route. Peu d’arrêts jusqu’à Gränna. Petite bourgade charmante qui flirte avec l’immense lac Vättern. Sur lequel l’ île de Visingsö réserve un circuit de randonnée dans la forêt de chênes la plus importante du pays. La commune se déploie de part et d’autre de l’unique et longue rue commerçante. Sachez que vous pourrez y visiter le musée du vélomoteur et de la motocyclette ! L’église, sobre et lumineuse, vaut un coup d’œil.

Mais sa spécialité est tout autre. Un domaine bien particulier : la confiserie. En effet, les polkagris y ont été inventés en1859. La tradition veut que ce bonbon soit confectionné avec de la menthe poivrée. Désormais tous les parfums se déclinent, en ce qui ressemble aux berlingots nantais. Nous poussons jusqu’à Jönköping. Au bord d’un lac et… d’un aéroport ! Heureusement pas trop fréquenté. Pétanque et lecture. Des canards se ruent sur le cochonnet pensant becquetter. Fin de la partie.

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On y est presque, dans notre dernière capitale. Mais avant : ce fameux pont, rendu célèbre par la série policière The Bridge. On n’a pas eu Sandhamn, on se rattrape. À la fois pont et tunnel. Au total, 12 km sur et sous l’eau. Il relie Malmö la Suédoise à Copenhague la Danoise. Il termine sa phase aérienne sur une île avant de disparaître dans les profondeurs. Son nom : Øresunsbron, faisant référence au nom du détroit qui sépare les deux villes.

Les têtes couronnées sont venues inaugurer l’ouvrage en 2000. Le trafic initial s'est avéré inférieur aux prévisions. Le tarif ? Certainement. Mais entre 2005 et 2006, il a augmenté fortement. A cette période, bon nombre de Danois ont acheté leur maison en Suède en raison d'un prix de l'immobilier plus faible, et continuent de travailler au Danemark.

Nous trouvons un camping à Copenhague même. A 4 km du centre. Sorte d’immense terrain de foot sans arbre. Équipements roots. Vite les vélos. En cet fin d’après-midi, pas de temps à perdre pour une première approche avant la nuit. La ville nous plaît d’emblée. Mon téléphone ne marche plus, la 4G a cessé le voyage. Désormais, les envois seront aléatoires. En fonction de la wifi.

Vue aérienne (photo trouvée sur le net) 
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Se lancer à vélo à Copenhague relève presque de l’aventure. La ville, plate, a organisé la circulation en intégrant des pistes de deux-roues partout. Ici, elles servent de moyen de déplacement rapide et pas vraiment à baguenauder le nez en l’air. Bref, les touristes n’ont qu’à bien se tenir. Vélos cargos à gogo et cycles électriques ou non foncent et pilent ; parfois se rentrent dedans. Vocifèrent et invectivent. La règle à appliquer consistent à lever l’avant-bras en cas de ralentissement. Nous, qui avons roulé dans de nombreuses capitales européennes, sommes un peu déstabilisés. On s’adapte. Une fois arrivés dans un quartier, nous poursuivons à pied. Les Danois aiment les dragons. On n’en trouve pas seulement sur le faîtage de l’ex Bourse de Copenhague mais aussi en lampadaires et fontaines.

Selon une légende locale, la Børsen (construite entre 1619 et 1640) serait protégée par son insolite tour en forme de flèche de 54 mètres de haut, représentant quatre dragons et leurs queues emmêlées en torsade. Ces quatre animaux mythiques symbolisent les quatre royaumes des pays nordiques.

Le centre historique de la ville, Indre By, se distingue par des édifices du XVIIIe siècle de style rococo appelé Frederiksstaden : c’est ici que l’on trouve le palais d’Amalienborg, résidence de la famille royale. Non loin, les châteaux de Christiansborg et de Rosenborg. C'est dans ce dernier que sont conservés les joyaux de la couronne.

Évidemment, on ne rate pas la petite sirène. Sculpture emblématique de la ville. Un bronze d'Edvard Eriksen représentant le personnage d’un conte de fées de H.C. Andersen. Nous sommes à l’heure pour la relève de la garde. Pas de quoi fouetter un bonnet à poils ! Couvre-chef adopté en référence à Napoléon. Des termes français sont toujours employés dans ce corps d’armée, selon les historiens spécialisés.

Un petit tour à la basilique - la plus grande de Scandinavie - avec ses faux airs de Saint-Pierre du Vatican et nous allons grignoter les « tartines » danoises avant d’attaquer Christiania. Aussi célèbre que la Sirène. La fameuse « ville libre », quartier autogéré. L’herbe ou la weed se vend aux petites échoppes. L’esprit bab et squatteur transpire dans chaque allée. La récup’ règne en maître. Perso, je n’aimerais pas y habiter. Trop de monde partout.

En sortant, nous bifurquons à l’église Saint Sauveur, célèbre pour son clocher spirale fantaisie construit 50 ans plus tard. 400 marches jusqu’à la pointe viennent se rajouter à notre journée sportive. Il est temps de prendre l’apéro coloré. Le Spritz. Soyons raccords avec Nyhavn, caractérisé par les teintes vives des maisons qui bordent un canal du centre. Les terrasses à touche touche respirent de vitalité.

Les dragons protecteurs  
L’eau de la ville de bonne qualité permet de se baigner.  
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Rosenborg. Nous avons décidé de visiter ce château en déambulant dans le joli parc qui l’entoure. Le jardin aux roses d’où ce monument historique tire le nom, déçoit un peu. Avec ses briques rouges, ses décorations de grès gris, ses pignons à volutes et ses proportions élégantes, le château possède les traits architecturaux caractéristiques du style flamand et néerlandais de la Renaissance. Et une pointe de maniérisme. L’intérieur plutôt sombre vaut le détour. Un mobilier magnifiquement travaillé, des pièces rares et uniques en argent, la chaise de couronnement des rois absolutistes et le trône des reines avec les trois lions d'argent… et les bijoux de la couronne. Que le bon peuple vient admirer en payant son entrée. Nous les premiers. Désormais le château est tombé dans l’escarcelle de l’Etat.

Autre visite mémorable plus au nord : le musée d’art contemporain, surnommé le Beaubourg du nord. L’un des plus dynamiques d’Europe. Situé à une trentaine de kilomètres de Copenhague, il est blotti entre la mer et les bois de la petite ville d’Humlebæk. Il tient son nom de la demeure d’origine. Louisiana. Les extensions et galeries s’intègrent parfaitement dans les jardins. Les collections présentent les travaux d’artistes majeurs ayant surtout œuvré après la Seconde Guerre mondiale, tels Picasso, Giacometti, Dubuffet, Klein, Warhol ou Jorn, et bien d’autres. Des sculptures de Moore, Calder ou encore Serra donnent un cachet unique au parc boisé. On se régale. Et cerise sur le gâteau pour les amateurs de photographie. La grande rétrospective Diane Arbus. Née Diane Nemerov. Célèbre pour ses portraits de rue et son travail sur une communauté de handicapés mentaux. Et plus globalement pour tous les exclus…

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Notre périple touche à sa fin. La dernière étape au Danemark, Odense - berceau d’Andersen- nous sert de base pour la nuit. Park4night nous indique un « petit coin tranquille face au canal ». Nous nous éloignons de la ville, remarquée par sa politique offensive en faveur de l’environnement. Une énorme usine et ses grosses cheminées apparaissent, entourées d’immenses moellons de protection. Sans doute la Fyn Power Station, une centrale électrique alimentée au charbon, à la paille et aux déchets municipaux. On s’inquiète un peu. Finalement, l’endroit nous convient.

À la tombée du jour, des voitures continuent de stopper à proximité et leurs passagers empruntent un petit chemin à travers des haies touffues. Nous sommes intrigués. Nous commençons à échafauder des scenarii. Plus saugrenus les uns que les autres.

Lorsque - ta-ta-ta (roulement de tambour) - une première automobile de grosses cylindrées, aux anneaux enlacés, noire, vitres teintées stationne face à nous. Phares allumés. Sommes-nous sur un lieu de rencontres ? Une 2e voiture en tous points identiques se gare juste à côté de la première. Puis une 3e, une 4e et une 5e. Toutes alignées. Les trois au centre ne pouvant pas ouvrir leurs portières.

On ne fait pas les malins. Nous apercevons des hommes de « type méditerranéen » comme dirait la police. Personne ne bouge. Nous avons l’impression d’être au mauvais endroit au mauvais moment. Des témoins involontaires. Le coffre ouvert indique que de la marchandise s’y trouve peut-être. Nous supposons que ce ne sont pas des fraises Tagada. On retient notre souffle. La discussion s’engage par le biais des smartphones. Par carte pré payée ? A force de lire des romans noirs, j’imagine les dialogues. Mais je n’en connais pas l’issue. Vous oui. Puisque j’écris. Donc je ne suis pas morte. Rassurez-vous, mes acolytes non plus. La réunion dans les voitures alignées dure 30 minutes. Un temps très long quand on retient son souffle. Une par une les grosses Audi et BMW quittent notre campement.

Le lendemain matin, nous décidons d’aller dans les fourrés. Un petit chemin nous conduit à une sculpture géante en bois et sa petite cabane. Quant à notre alignement inquiétant : sans doute un débriefing de dealers !

Encore une étape dans la campagne des Pays-Bas, puis nous passons en Allemagne et en Belgique et nous nous arrêtons une dernière fois à Amiens. La cathédrale revêt ses habits colorés en musique. Le dispositif est courant. Les alentours aussi sont mis en lumière. Une belle façon de fêter le retour dans nos pénates.

On teste la cabine de douche.  
Amiens 
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Publié le 11 juillet 2022

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