On dirait le sud

Nous avons décidé de partir quand même. Direction, le sud. Avec casque et masque. Forcément.
Du 16 septembre au 18 octobre 2020
33 jours
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Nous adoptons cette fois la formule camion/vélo. Je vous passe les détails des préparatifs et des listes complétées de jour et de nuit. En sachant qu’aucun oubli n’a d’importance sauf peut-être les anti-douleur contre un lumbago persistant.

Première étape : Preignac. Les vignes, les vendanges, les caves et les amis Denis et Anita du domaine de l’Omerta. Au pays des Graves, l’ambiance est joyeuse. Comme dirait le maître des chais : « Il faut manger du pain tant qu’on a des dents ». Il a raison.

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Jeudi, on roule sous le soleil. Une lourde chaleur nous enveloppe. Le camion refuse de nous rafraîchir un peu. C’est vitres ouvertes qu’on traverse le pays basque. Arrivés en Espagne, les paysages arides s’étirent de part et d’autre de l’autoroute peu fréquentée. Sauf par des chapelets de camions.

Essence, sandwiches, dès qu’on met un pied dans un magasin, on sort nos masques. Ici pas de gel hydroalcoolique. A Burgos, le camping municipal tourne au ralenti depuis le début de la saison. Les campeurs choisissent parmi des dizaines de places disponibles.

Nous sortons le nouvel auvent. Un véritable chapiteau ! Zavatta attention à la concurrence. Question montage, on est les rois des clowns.

Personne regrette le temps d’assemblage quand la pluie s’invite à la soirée. Les clowns sont à l’abri.

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« Ici, le temps est changeant », nous explique une aimable restauratrice. Exact. Nous partons sous une pluie drue ; nous poursuivons la visite du centre historique de Burgos comme en plein été. Soleil et ciel bleu. Mais le retour au camping prend des allures de déluge, rythmé par de violents orages. Le chaud et le froid, l’été et l’automne.

Burgos, nichée dans une cuvette, a fière allure. Ceinturée de collines hérissées d’éoliennes, la cité - à l’architecture médiévale remarquable- ne vit plus du commerce de la laine depuis longtemps. Nous longeons la rivière Arlanzon. Un poumon vert parfait pour les marcheurs et les cyclistes.

La beauté des édifices nous fait oublier que Burgos a été le siège du gouvernement nationaliste du général Franco. Retenons plutôt le légendaire chevalier Rodrigo Diaz de Vivar, commandant militaire au XIe siècle, El Cid. La cathédrale Santa Maria conserve son tombeau et son coffre. Le Castillo n’a rien d’impressionnant. Il faut dire que les Anglais et les Français lui ont mené la vie dure. Mais de son promontoire, on embrasse la cité d’un regard.

De retour dans le centre-ville, le calme règne sur les grandes places. L’effet Covid. La capitale de la gastronomie « créative » ne s’intéresse pas qu’au boudin, mis à toutes les sauces. Agneau rôti, soupe à l’ail et tapas figurent parmi les spécialités. Nous optons pour la soupe chaude. Délicieuse.

Une ville-étape sur le chemin de Compostelle que les pèlerins doivent apprécier. Le seul hic, Burgos est à l’Espagne, ce qu’Aurillac est à la France en matière de climat.

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Burgos recèle bien des trésors. Le plus spectaculaire s’érige au cœur de la vieille ville : la cathédrale Santa Maria. Le 3e monument de ce type le plus imposant d’Espagne qui fêtera l’an prochain ses 800 ans. Il a fallu plus d’un siècle pour construire l’édifice qui résume à lui seul l’histoire entière de l’art gothique. Pas seulement par la flamboyance de son architecture. Stalles marquetées, retables colorés et dorés à la feuille d’or, vitraux, peintures, sont autant de chef d’œuvres à admirer.

Nous plions tente et auvent sous des trombes d’eau. La galère. Nous prenons la route vers Madrid, plus exactement à 40 km de la capitale à El Escurial. L’immense monastère royal reproduit la forme d’un gril, instrument de torture de Saint Laurent, le bien nommé. Sa sobriété toute militaire offre une beauté presque glaçante. Le plafond bas et gris du ciel se confond avec le site.

Pas question de s’installer sous cette pluie persistante. Conciliabule. Décision unanime. On trace jusqu’à Tolède. Les prévisions météorologiques nous donnent une bouffée d’espoir. On y croit. Le camping El Greco nous accueille pour deux nuits seulement. Après, il ferme. Pas assez de monde. Dommage.

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Comme il est bon de se réveiller sans une goutte de pluie. Nos vêtements de la veille sont encore bien mouillés mais notre moral est au beau fixe. Nous partons à l’assaut de la vieille ville de Tolède à bicyclette. Puis nous arpentons les rues pavées à pied.

La cathédrale évidemment retient notre attention. Elle figure dans le trio de tête avec celles de Burgos et de Séville. Nous sommes époustouflés par tant de grandeur, de richesse et de préciosité. Ah, nous sommes à l’exact inverse de l’art minimaliste. Même les chérubins en perdent la notion d’apesanteur. Leurs ailes s’emmêlent.

Laurent voulait voir l’œuvre du Greco exposée dans une petite église. Son vœu a été exaucé 37 ans après l’avoir admirée la première fois. L’enterrement du comte d’Orgaz. L’artiste de son vrai nom Domenikos Theotokopoulos a été redécouvert après une longue période d’oubli. De tradition « maniériste », son œuvre reste entourée de mystères. Unique.

La balade dans les rues se poursuit tranquillement. À peine dérangés par la sortie dominicale de quelques familles espagnoles. Nous déjeunons comme chaque jour vers 15 h, testant de nouvelles spécialités. Nous avançons le nez en l’air dans les ruelles pleines de charme. L’Alcazar, s’impose enfin, dominant la ville. Pour que la journée soit parfaite, il ne nous reste plus qu’à déguster un petit blanc sec.

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Tolède se réveille sous le soleil. Et nous sommes seuls au monde dans le camping déserté. Nous prenons nos aises pour faire sécher le matériel, vaporisé par la rosée. Nous apprécions le silence. Mais c’est quand même bizarre de n’avoir personne alentour.

Pas un mot de travers pour démonter le auvent. À croire que nous devenons experts. N’allons pas trop vite dans l’autosatisfaction. Un coup de sang est si vite arrivé. Une simple sardine tordue suffirait à échauffer les esprits. Restons zen.

Nous devions partir à Madrid mais en écoutant les informations alarmantes du matin et les mesures drastiques imposées à la population, nous changeons de programme une fois encore. La prochaine étape reste au sud de la capitale. Météo oblige. Nous traversons des paysages arides et rocailleux, à peine vallonnés. Plus loin, un immense ensemble de bâtiments est édifié au milieu de nulle part. Il s’agit d’un centre pénitentiaire, plus pimpant que ses homologues français. Une prison quand même.

L’arrivée à Aranjuez nous séduit. La chanson de Richard Anthony nous revient en mémoire. L’arrangement de l’artiste de variété ne fait cependant pas oublier l’adagio du Concerto d’Aranjuez de Joaquìn Rodrigo.

Arcades, grandes places et jardins donnent au centre-ville un cachet indéniable. Le camping sur les bords du Tage vit au ralenti.

À bicyclette, nous empruntons le circuit bleu, proposé par l’office de tourisme. Il ne casse pas quatre pattes à un canard ! Un tour dans un grand jardin - en compagnie d’un charmant monsieur qui avait envie de nous transmettre sa passion des arbres - et la journée tire à sa fin. Une soupe et au lit..

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Nuit fraîche, journée ensoleillée, camping quasi vide et propre, sites désertés, commerçants contents d’avoir de la visite : la condition de « touriste étranger » comporte des avantages. Même si pédaler avec un masque n’est pas très confortable, les routes et chemins ne présentent aucune difficulté.

À l’extérieur, le Palais Royal, remanié à plusieurs reprises, souffre un peu des affres du temps. Par comparaison, l’intérieur resplendit. Les rénovations effectuées par Isabelle II laissent les visiteurs ébahis. Parmi plusieurs splendeurs, on retient : la salle du trône, le cabinet arabe et le salon de porcelaine. Imaginez une pièce aux murs entièrement recouverts de motifs en porcelaine ! D’un espace à l’autre, la reine a osé des associations de couleurs audacieuses. Le site mérite amplement son classement au Patrimoine mondial de l’UNESCO.

Plus loin, l’immense Jardin del Principe - au fond duquel est niché le musée des barques royales - s’étire le long du Tage.

Nous retournons dans le même petit restau que la veille. Entrée, plat de résistance, dessert, boisson et taxes : 9,90€. Du choix, des spécialités et la bonne humeur du serveur. Parfait.

L’actualité nous rattrape malgré tout. À Madrid, la population des quartiers populaires (850 000 personnes) ne sont pas à la fête. Demain, nous contournerons la capitale. Au jour le jour, nous nous adaptons.

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Aranjuez mon amour. Ton Palais, tes jardins, ton confinement de trois mois qui te pèse d’autant plus que ton été a été catastrophique. Nous avons bien failli rester une nuit de plus. Mais la pluie montrant le bout de son nez, nous avons choisi de poursuivre notre périple vers des cieux plus cléments.

Pourquoi pas Avila ? Le camping le plus proche se situe à 32 km de la ville fortifiée. Son emplacement au bord du lac Burguillo dans un cadre naturel remarquable nous attire.

Nous roulons sur des routes et autoroutes (gratuites) en excellent état. D’abord dans un paysage de western puis curieusement à travers des forêts de pins parasols. Nous montons et descendons. Les ronds-points et bretelles se multiplient. Tomtom est déboussolé. Heureusement, le téléphone prend le relais. Arrivés sur place, nous trouvons portes fermées. Faute de clients.

Il est presque 16 h. Il est temps de déjeuner. L’auberge isolée nous propose des tripes aux pois chiches, des joues de porc et autres plats bien consistants.

On reprend la route, non plus vers Avila mais vers Ségovie. Là encore, les clients du camping se font rares. Un couple et nous quatre. L’installation prend de moins en moins de temps. Ambiance au beau fixe malgré des nuages bas et sombres.

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La première image forte de Ségovie, quand on arrive à vélo, est son aqueduc romain édifié au Ier siècle et composé de 20 400 blocs de granit liés par leur propre poids. Sans aucun mortier. Une prouesse technologique.

La vieille ville ceinte de remparts regorge de bâtiments remarquables. La cathédrale et son cloître recèlent quelques pépites. Le château fortifié, l’Alcazar, construit (à partir de 1120) sur un éperon rocheux, près de la Sierra de Guadarrama, est l’un des plus remarquables d’Espagne. Cette forteresse a servi de Palais Royal, de prison d’état et d’académie militaire.

Pour y pénétrer un agent de sécurité prend notre température. La distanciation physique est imposée. Nous ne sommes pas très nombreux pourtant à admirer les magnifiques plafonds ; les armures et les paysages du haut de la tour. Après avoir gravi 156 marches.

Nous terminons par une longue grimpette à vélo. Une journée bien remplie.

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Au petit matin, le thermomètre affiche 9 degrés à Ségovie. Il est difficile de sortir les épaules des couettes. Nous décollons tôt. Nous souhaitons faire une halte à Avila. Nous traversons des paysages cultivés à perte de vue. Dans cette Beauce espagnole, l’énergie renouvelable utilise des coteaux pour ses champs de panneaux solaires.

Nous arrivons dans la cité de sainte Thérèse. Avec 1182 m d’altitude, la ville est la plus haute capitale de province d’Espagne. Nous trouvons un parking sans ticket et nous déambulons dans la vieille ville. Devant chaque étal du marché, les clients masqués se mettent en file indienne.

La première cathédrale gothique du pays a été construite ici. Grise et plutôt massive. Nous faisons l’impasse sur la visite. Nous avons notre dose de religiosité. Nous décidons de monter sur les remparts moyenâgeux. Les mieux conservés... au monde. 87 tours entourent la ville. Les pierres de l’époque romaine ont été réutilisées. Après 1200 m en hauteur sur la muraille et une superbe vue plongeante, nous nous écartons des remparts à pied afin d’avoir une vue d’ensemble. Impressionnant !

De retour au parking -après le déjeuner pris comme il se doit vers 15 h- il n’est pas facile d’en ressortir. Le système de lecture des plaques minéralogiques ne marche pas bien. Il confond les lettres ou refuse de les lire. La température ne remonte pas, le vent se lève. Cette nuit, il faudra bien se couvrir.

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Le vent et le froid n’ont pas rafraîchi notre envie de découvrir Salamanque. Une grande ville plutôt bien desservie en pistes cyclables. Direction le centre historique, en longeant le Rio Tormes. D’entrée, nous admirons le paysage urbain, couleur terre de Sienne. Le monastère ciselé, majestueux. La cathédrale là encore impressionnante. L’ancienne et la nouvelle sont entremêlées. La baroque côtoie la moyenâgeuse. Plus loin, la maison de la conchas (coquilles) abrite une bibliothèque. Son patio est remarquable. Ici les universités sont logées dans des palais. La première université d’Espagne s’est ouverte à Salamanque, il y a plus de 800 ans.

Autre attrait, la Plaza Mayor. Comme la place Saint-Marc à Venise, elle attire la foule. Et cette animation nous fait du bien. Nous prenons une grande bouffée de vie. Même masqués. Une halte au pont romain et nous terminons la journée par le musée Art Nouveau et Art Déco, à l’architecture singulière. Sculptures, bronzes, vases, poupées, bijoux, mobilier... Pendant quelques heures le soleil nous a réchauffés. De retour au camping, le froid retombe avec la nuit. Ce qui ne nous empêche pas de rire.

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Nous avons pris la route par le nord de Salamanque. Les grands ensembles d’immeubles jusqu’à l’horizon nous donnent une idée de l’étendue de la ville, peuplée comme Rennes ; ville qui se termine de manière abrupte. Quasi en ligne droite. Les champs prennent le relais. Puis le paysage change et devient plus vert. Les reliefs s’accentuent.

Nous empruntons des chemins de traverse, en l’occurrence la nationale 630. D’abord jusqu’à Zamora puis Bragança, première ville portugaise. Parfaite pour le déjeuner. Nous retenons la morue cuisinée de plusieurs manières. Nos téléphones indiquent une heure de moins qu’en Espagne et en France.

La sortie de la ville se complique. Une erreur de direction et nous voilà arpentant des villages de moyenne montagne, sur des routes étroites et pavées. Une grande boucle plus tard et nous nous retrouvons quasi au point de départ. Et sur l’autoroute. Rien ne nous indique les portiques qui flashent nos plaques. Nous sommes sensés avoir un pass spécial. Trop tard !

Jean et Cathy qui nous suivent, nous préviennent que leur voiture ne marchent plus. Ils arrivent à stationner sur la bande d’arrêt d’urgences. Le temps de prévenir l’assurance, le dépanneur pour évacuer la Ford et de les transférer vers un hôtel, jusqu’à la réparation, nous voici installés sur un quai au bord du Douro à Régua. Une station touristique entourée de montagnes dont les flancs sont couverts de vignes qui produisent le fameux Porto. Combien de jours passerons-nous ici ? Pas de réponse. Nous verrons bien.

Les azuléjos de Bragança.  
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Jean et Cathy sont logés à l’hôtel. Un quatre étoiles peu esthétique et austère. Mais confortable. Merci la Maf. Nous avons installé le camion à proximité, le long du fleuve, en contrebas. Nous évitons ainsi le vacarme de la rue. La journée coule tout en douceur. Marche et lecture. Nous admirons les coteaux de vignes qui plongent vers le fleuve.

L’attente des coups de fil de l’assurance s’étire. En fin de journée, nous apprenons que la voiture est arrivée dans un garage Ford à une vingtaine de kilomètres de notre camp de base. Demain peut-être saurons-nous si une réparation rapide est possible. Être à quatre, permet d’atténuer le stress et la contrariété. Rire est un bon antidote.

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Branle-bas de combat ce matin. Le rituel commence. Ouverture de la porte du camion. Un regard sur le Douro, un café bien fort au snack du coin, une douche dans la chambre de l’hôtel. C’est le jour de l’action. Les garçons partent à Vila Real, pour régler de vive-voix les réparations à prévoir par le garage. L’application de langue Franco-portugaise est téléchargée.

L’assurance de son côté... n’assure pas vraiment. D’un interlocuteur à l’autre, les versions divergent. Les filles restent à Régua à se grâler sous un parasol (il fait chaud) en lisant un polar. La Ford stationnée à l’ombre de la concession se pâme en voyant arriver son copain le van. Un peu de compagnie, le temps d’une discussion sans un mot via un smartphone. Le garagiste est professionnel. Il s’engage à inspecter la grande « malade » et à tenir les propriétaires au courant. Le rapatriement du duo rennais semble s’éloigner.

Personne se laisse abattre. Direction un petit restau familial qui propose des menus complets, boissons incluses à 6,50€. Ici les taxes sont moins élevées qu’en France. Et les salaires oscillent entre 600€ et 900€ par mois. En revanche, l’essence coûteuse explique le peu de circulation hors des grandes villes.

Nous déambulons dans Régua jusqu’au musée. Nous plongeons dans l’histoire des vignes de Porto qui nous entourent. De ces hommes et ces femmes qui ont façonné les paysages en espaliers. En travaillant comme des forçats. Les pentes abruptes rendent les vendanges compliquées. Quant aux tonneaux chargés sur des bateaux de bois, ils étaient acheminées sur un Douro aux courants dangereux.

Nous commençons à bien connaître Régua. Et ses ruelles. Malgré les navires de croisière qui s’y arrêtent, l’économie semble mise à mal. La décrépitude des maisons anciennes donnent un sentiment d’abandon.

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À Lamego, on ne fume pas ! Ainsi parle Jeanjean. L’homme originaire de Rennes dont la grand-mère connaissait tout de la religion catholique, traîne un peu des pieds pour entrer dans une église. Pourtant les splendeurs du pays passent en partie par les monuments religieux. Il se lance quand même sur les marches... à genoux. Il doit expier. Quoi, je ne sais pas. Peut-être en prévention.

Aujourd’hui, on décide d’oublier la Ford, lâchement abandonnée dans un garage, les tripes à l’air. Direction, la montagne, de l’autre côté du fleuve. La ville de Lamego nous accueille . Charmante en tout point. De vieilles façades, des monuments remarquables, des azuléjos.....

Nous montons 307 marches au centre et 309 sur les côtés (aller-retour) soit 923 marches au total. Même pas mal ! A peine essoufflés. Le sanctuaire de Nossa Senhora dos remédions se dévoile. Plus exubérant à l’extérieur qu’à l’intérieur. A peine redescendus, une animation peu commune agite la ville. Voitures, motos, sirènes, camions de pompiers. Nous assistons en direct au passage du Tour du Portugal.

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Aujourd’hui, le ciel se charge de nuages et le vent se lève. La veille au soir, nous avons rencontré un couple de Portugais, établi au Luxembourg, dans un petit restaurant familial très sympathique. Il nous a offert un pousse-café ambré et très doux. D’une tournée à l’autre, nous avons terminé la soirée très guillerets.

Silence assourdissant de la Maaf assistance. Jean et Laurent repartent à Vila Réal dans l’espoir d’accélérer la prise en charge de la Ford. Les éclaircissements attendus dans la journée n’arrivent pas. Les heures s’étirent entre lectures, déambulations dans la ville, admiration du panorama et blagues plus ou moins fines. Nous ne manquons pas non plus de déguster le Porto.

La tempête attendue en Bretagne n’épargnera pas non plus une partie des côtes portugaises. Cinq navires de croisière ont accosté à Régua. Peut-être pour se protéger des vents forts annoncés sur Porto.

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Les cinq jours d’hôtel, pris en charge par l’assurance, sont épuisés. Nous plions bagages sous la pluie, essayant de charger un maximum de bagages pour quatre dans le camion. Avant cela, il faut plier la banquette. Arrivés à Vila Réal, on ne peut s’empêcher de s’arrêter au garage. Faire avancer les réparations de la Ford sans agacer les gars de l’atelier : un art subtil.

En attendant une issue... qui roule, nous stoppons devant un ADI pour un plein de courses. Un ravitaillement indispensable avant de rejoindre notre logement perdu dans la montagne. Nous devrions tenir quatre jours - en liquide comme en solide- sans problème. Les filles pensent aux fruits et aux légumes, les garçons à l’apéritif et au chocolat.

La petite maison en pierres de schiste est tellement isolée que le GPS ne nous propose qu’un chemin de terre pour la rejoindre. L’ancien pressoir est réhabilité simplement mais avec goût. À la nuit tombée, il sera bien difficile d’admirer la lune gibbeuse car le ciel devrait à nouveau pleurer. Au diable les caprices de la météo. Blottis sous un toit bien solide, rien n’arrêtera notre bonne humeur.

Cochon grillé à la campagne et poissonnier à sa porte. 
Notre nouveau nid. 
Une table à la place du vieux pressoir. 
Il reste des maisons à réhabiliter. 
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Réveil 7 h du matin. Comme nous n’aurons pas de nouvelles de la Ford avant lundi, inutile de se morfondre dans notre montagne isolée. Nous prenons le camion en direction de Porto. À une heure d’autoroute de notre gîte. La 2e ville du Portugal - deux fois moins peuplée que Lisbonne - n’est plus aussi pauvre que dans notre souvenir (1983). Même s’il reste beaucoup à faire, Porto se métamorphose.

Nous marchons dans les ruelles étroites et accidentées et sur les places, nous poireautons une heure pour admirer la plus belle librairie d’Europe, nous levons les yeux sur les azuléjos du XIXe de la gare, nous déambulons sur les rives du Douro et dans les rues commerçantes pentues. À la FNAC, le concert des carillons retient l’attention des badauds. À l’heure du déjeuner, pas de tripes. Dommage. Le poulpe, les Francesinha et les calamars les remplacent aisément. Pas de vin râpeux, ce midi. Juste de l’eau.

Les grands noms du Porto ont pignon sur... quai. Beaucoup de jeunes s’attablent pour déguster 3 ou 5 crus. Notre dernière visite nous conduit à l’église San Francisco et ses catacombes. Un temps, ce lieu de culte a été fermé par... décence. Dans un contexte d’extrême pauvreté qui sévissait alors, qui aurait pu supporter la réhabilitation de cette église ? Pas moins de 500 kg d’or ont servi à redorer l’édifice religieux. Trop d’or tue l’or.

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Aujourd’hui, nous partons dans le district de Braga et plus exactement dans la région du nord. À Guimarães connue comme le « berceau de la nation portugaise ». Nous avons rendez-vous avec l’histoire. Son centre, classé Patrimoine mondial de l’UNESCO, est considéré comme le plus beau de tout le pays. Il y règne en tout cas un climat propice au bien-être. C’est ici qu’a eu lieu en 1128 certains événements politiques et militaires qui ont conduit à l’indépendance et la naissance d’une nouvelle nation, le Portugal.

L’ancien château ressemble à ceux assemblés par les enfants. Le palais des Ducs est reconnaissable à ces hautes cheminées, érigées tels des bistouquets (sans les boules de billard!). Autres attraits, ses plafonds en coques de bateau inversées et ses grandes tapisseries.

Nous déjeunons dans un petit lieu prisé par les Portugais. Le veau aux champignons n’a rien de transcendant. En revanche, les garçons décernent la « Christiane d’or » à la mousse au chocolat. Une distinction en hommage à la maman de Laurent qui concoctait une mousse si souple qu’elle formait des dessins quand les enfants jouaient avec leur petite cuillère. Nostalgie quand tu nous tiens.

Nous prenons le téléphérique jusqu’au sanctuaire situé sur le point le plus élevé de Guimarães, la montagne de Penha. Il est entouré d’un parc de 60 hectares et bénéficie d’une vue somptueuse sur la ville, les montagnes et jusqu’à l’océan par beau temps. Il pleut quand nous redescendons à pied.

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Hier, nous avons descendu la montagne à pied. Entre coup de chaud et pluie froide, ce matin je me réveille avec la crève et le cerveau vasouillard. Jean et Cathy prennent des nouvelles de leur Ford. Dans ses prévisions, le garagiste ne s’est pas souvenu (!) que le 5 octobre était férié. Le Portugal commémore en effet ce jour-là l’instauration de la République. Le 5 octobre 1910, le coup d'État fomenté par le parti républicain portugais mettait fin à la monarchie constitutionnelle.

Il faudra donc attendre 24 heures supplémentaires pour espérer avoir un devis. Nous décidons de faire un saut à l’Amarante. Pourvu qu’elle soit gaie ! Les montagnes nagent dans un épais brouillard. Il bruine quand on arrive dans cette petite ville qui a conservé une partie de son habitat du XVIIe siècle. Les rues un peu de guingois ont ignoré le goniomètre et autre inclinomètre...

Beaucoup de vieilles bâtisses n’ont pas été réhabilitées. Boutiques kitchounes et musée fermé, on se dirige vers LA pâtisserie de référence, située sur l’une des rives boisées du Tâmega, en empruntant le pont aux solides piliers. Autrefois, les filles à marier tentaient d’attirer leur promis avec de succulentes spécialités. « Papos de anjo », « brisas do Tâmega », « toucinho do céu », « bolos de São Gonçalo », « galhofas ». Le premier samedi de juin, elles fêtaient São Gonçalo, en espérant trouver un mari.

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Ce matin, nous réservons une nuit supplémentaire dans notre gîte montagnard. Avant de prendre la route à la découverte de nouveaux horizons. Sans oublier de faire un détour par Vila Réal. Car aujourd’hui est un grand jour. Normalement. Le garage devrait nous donner des nouvelles. Premier arrêt, plutôt décevant. Le devis devrait arriver dans la journée par mail. Un leitmotiv qui commence à agacer Jean et Cathy. Ils ont l’impression de se faire balader.

Pour faire passer la pilule, nous allons à Pinhão, berceau vinicole du Douro. La montagne étire ses coteaux en douceur. La température clémente nous renvoie des saveurs estivales. La gare terminus affiche ses azuléjos avec panache. Dans un petit café-épicerie-souvenirs, nous grignotons des saucisses à l’ail et chorizo sans appétit. Nous embarquons sur un bateau traditionnel en bois. Une sortie d’une heure sur le fleuve. Nobles et immaculées, les propriétés des grands noms du Porto s’offrent ici et là aux regards des visiteurs. À notre retour, sans nouvelle du garage, nous nous arrêtons une nouvelle fois. Le devis tombe. Sévère. Quant à la réparation, aucune date n’est arrêtée. La double peine.

Nous rentrons préparer le repas du soir. Les gars me surnomment Spontex. Doux côté éponge, rugueux côté décapant. Je ne sais pas si je dois bien le prendre. Il est vrai que je ne peux pas concurrencer la perfection de Laurent et Jean. Ah, ah.

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Ce matin levés tôt. Nous quittons la montagne portugaise, abandonnant la CMax aux mains des garagistes pour une durée indéterminée. La brume gagne la vallée à la manière d’un lac duveteux.

Tels des explorateurs, nous attaquons les kilomètres par l’intérieur des terres. À l’extérieur, le thermomètre monte à 30 degrés. Les paysages retrouvent leur aridité. Peu de monde sur les routes. L’impact de la COVID se fait davantage sentir en Espagne qu’au Portugal. Nous arrivons à Cacéres en fin d’après-midi. Notre grande location d’un soir, très confortable, coûte moins chère qu’une nuit au camping.

La ville construite par les Romains, est classée au Patrimoine mondial de l’Unesco. La cité historique garde les empreintes passées (baroque, renaissance). Autre particularité : ses magasins de spécialités locales. Jambons, saucisses et saucissons plus ou moins relevés, sans oublier les fromages. Une étape très agréable.

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Une longue route vers le sud nous attend aujourd’hui. Nous traversons des espaces déserts. Puis des champs d’oliviers, d’amandiers et des vignes. Avant Séville, la température extérieure monte à 33 degrés. À Rincon de la Victoria, nous retrouvons mon frère Gilles. Cheveux longs, façon danseur de flamenco. Plus à l’aise sur un vélo qu’en bailarìn !

Cette ville balnéaire de plus de 50 000 habitants, créée par les Phéniciens, accueille davantage d’Espagnols autochtones que de touristes. Une longue promenade piétonne et cycliste s’étire le long de la mer sur des kilomètres. Familles, enfants et sportifs de tous poils (rouflaquettes comprises) s’y retrouvent quotidiennement. Au loin, les grues du port de Malaga se découpent dans la brume de chaleur. Lors du dîner, les blagues fusent. Alors « jé-ricane ».

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Comme il est bon de ne pas prendre la voiture aujourd’hui. Confortablement installés dans l’appartement de Gilles et Isa, nous savourons la douceur estivale. Avant de déjeuner à l’heure espagnole, nous profitons de l’immense plage au sable brun pour farnienter. La distanciation physique n’est pas un problème.

Les deux nageurs d’expérience enfilent des combinaisons. Ils envisagent de rester longtemps dans l’eau. Celle empruntée par Jean s’avère un peu étroite et sa cage thoracique se trouve compressée. Il avance dans l’eau d’une démarche simiesque. Ne respirant pas convenablement, l’exercice s’annonce difficile. Plusieurs centaines de mètres plus tard, il ressort de l’eau suivi de près par Gilles, solidaire de son camarade de nage.

Lecture, promenade jusqu’à Sainte Carmen, achat de masques plus confortables, quelques courses, et la journée se passe agréablement.


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Les vélos rennais étant toujours accrochés à la voiture en panne, Cathy emprunte le deux-roues d’Isa et Jean en loue un pour la journée. Nous longeons le littoral, passant d’une plage à l’autre. Immeubles, maisons collées-serrées et belles villas, les ambiances changent. Nous arrivons sur le port de Málaga, spécialement aménagé pour recevoir les croisiéristes. Malheureusement, pas l’ombre d’un paquebot, en raison de la covid.

Nous partons à la découverte de la ville à pied. D’abord le marché. Un site attractif, pas seulement pour son architecture. Nous avançons en maul, comme les rugbymen. Mais attirés par les couteaux, crevettes et autres poulpes, nous nous déployons en ligne et dégustons les mets au comptoir.

Requinqués, nous déambulons dans les rues piétonnes. L’imposante cathédrale Renaissance nous fait lever la tête. Elle est surnommée La Manquita, La Manchote, car l’une de ses tours a curieusement été laissée inachevée. Plus loin, les deux citadelles massives dominent le paysage urbain moderne : L’Alcazaba (un mix d’Alcazar et de Casbah) et le château en ruines de Gibralfaro. Des vestiges du règne maure. De là, la vue sur le port est magnifique. Il est temps de rentrer. Il fait toujours aussi bon.

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Ce matin sur les conseils de Gilles, nous avons acheté des spécialités sucrées dans une fabrique d’Antequera. Une charmante bourgade toute blanche située dans l’intérieur des terres. Nous achetons des douceurs locales directement à la fabrique La Perla. Antequera, capitale de la Comarque occupe une place stratégique et fertile, arrosée par la rivière Guadalhorce. La vallée est entourée par une chaîne de montagnes, la cordillère pénibétique, dont le très renommé massif karstique d’El Torcal.

L’espace naturel attire ce jour-là des milliers de curieux qui comme nous aimeraient observer les formes que l’érosion a données à ses roches calcaires. Mais, à des kilomètres à la ronde, le stationnement est impossible. La ville aussi est prise d’assaut. Un immense bouchon bloque la circulation. On se croirait au Mont Saint-Michel un 15 août ou à Lourdes un lundi de Pentecôte.

Après un bol d’air, nous décidons de revenir à Rincón de la Victoria pour un déjeuner face à la mer. Pas de tilapia mais de savoureuses recettes de poissons cuisinés ou grillés comme des poulpes à la gallegas ou de la rosada fritas. Il fait si beau que nous terminons la journée à la plage, baignade incluse. Moi je m’abstiens évidemment.

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Après des fruits frais au petit-déjeuner préparés par Gilles, nous sommes prêts à sauter dans un bus. Une journée supplémentaire à Málaga est indispensable D’abord, nous allons chercher la fraîcheur au musée Pompidou. Les grands artistes espagnols - qui pour la plupart ont vécu en France - y sont exposés. Picasso, Dali, Miro, Gris, Tapies, Blanchard, Chillida & Co. L’expo temporaire est consacrée à Nicolas de Staël. Une courte vie prolifique.

Nous rejoignons Gilles dans « LA » bodega la plus courue de la ville. Un établissement à l’ancienne comme on les aime. Au hasard des rues piétonnes et des places arborées, nous tombons sur la maison natale de Picasso.

Ce lundi est férié. Les familles sont de sortie et se rassemblent à la terrasse des bars et restaurants. Le niveau sonore monte au fil des heures.

Toute la journée, la tension monte dans l’attente de l’appel du garagiste. Appel qui ne vient pas. Jean et Cathy maudissent ce miskin incapable de tenir ses promesses. À force de téléphoner, ils finissent par avoir un interlocuteur. La Ford ne serait plus en pièces détachées. Victoire.


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Snif. Nous avons quitté « frérot de la Málaga » ! Nous sommes remontés dans notre camion. Et en route. La nature est grandiose. Sur la crête des montagnes, s’alignent des éoliennes, des moulins à vent... à l’arrêt. Il fait beau et encore frais quand nous arrivons dans le parc naturel de Los Ardales. Pour cette randonnée pas comme les autres, il est indispensable de prendre ses billets plusieurs jours auparavant. Un nombre limité de personnes partent chaque jour à flanc de falaise.

L'ex-chemin surnommé « le plus dangereux du monde » a rouvert son accès au public en 2015 après plus d'un an de travaux. Il aura nécessité la pose de 14 kilomètres de câbles d'acier, de milliers de traverses en bois et d'un million de pièces métalliques.

À l’origine, le chemin a été créé pour les besoins de la construction en 1901 d’un barrage hydroélectrique aux chutes Chorro et Gaitanejo. Construction qui se termine en 1905. Vingt ans plus tard, c’est le réservoir Conde del Guadalhorce qui vient compléter les installations. Comme le roi Alphonse XIII emprunte le chemin lors de l’inauguration, il est surnommé « le chemin du roi ». Dès lors, inutilisé et pas entretenu, il se dégrade. Le parcours devient alors périlleux et vertigineux. Plusieurs accidents mortels poussent le gouvernement local à fermer les deux entrées en 2000.

Il faut attendre 2006 pour que l’Andalousie et Málaga consacrent le budget nécessaire à sa restauration. Afin de conserver son aspect impressionnant, un balcon au plancher de verre surplombe à un endroit la gorge de Gaitanes à 100 mètres au-dessus de la rivière. La marche alterne ombre et soleil, de plus en plus intense. Nous sommes contents de notre journée.

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Et de trois ! Pour rien au monde, nous aurions fait l’impasse sur Ronda. La magnifique. À chaque passage, nous découvrons une nouvelle facette de la cité historique. Cette fois nous remontons par l’ancien pont et les palais qui se font discrets dans la végétation.

Romaine, arabe, puis chrétienne, Ronda est bâtie sur un plateau rocheux entaillé par une gorge de 180 mètres de profondeur et de 80 mètres de largeur ; creusé par l’érosion du fleuve Guadalevin. Cette crevasse sépare la vieille ville de la ville moderne. Un promontoire offre des panoramas superbes. La ville est reliée par le Pont Neuf - haut de 100 mètres - qui enjambe la vallée. Il a fallu 42 ans pour le construire. Avec l’une des plus anciennes arènes d’Espagne, Ronda est reconnue pour être le berceau de la tauromachie.

Une nouvelle fois, on est charmé par le palais de Mondragon au style mauresque, la belle plaza Duquesa de Parcent et son église Santa Maria la Mayor mais aussi par ses rues étroites empierrées. Nous terminons à la terrasse d’un bar devant une sangria à imiter De Caunes dans Popopop ! Ce n’est pas glorieux.

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Après Ronda, nous disons au-revoir à l’Andalousie. Nous remontons le Portugal par les nationales. Les montagnes reviennent et avec elles la couleur verte. Des oliviers, des vignes, des fruitiers, des pins...

Nous arrivons à Alcácer do Sal. Une ville ancienne, alignée sur le rivage nord du fleuve Sado. Une des plus importantes de l’Occident péninsulaire à posséder alors un port intérieur et qui fut connue pour sa fabrication de sel et pour les industries dérivées de salaison et de pâtes de poisson. Aujourd’hui, c’est ici qu’est né Pedro Nunes dit Nonius. 1492-1577. Astronome et mathématicien de renom dont la découverte porte son nom latin. Nonius. Il s’agit d’un procédé remarquable pour la graduation des instruments destinés à mesurer avec précision des petits angles. Une statue lui rend hommage.

Alcácer do Sal garde les stigmates de sa grandeur passée mais son habitat s’est dégradé. Un délaissement qui nous fait mal au cœur. Dans une petite boutique, nous achetons l’huile d’olive locale. Plus loin, nous prenons des crevettes qui accompagneront parfaitement le Porto de l’apéro.

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Parmi les sites que nous voulons voir, figure Nazaré. Sans doute la plage la plus populaire et la plus célèbre du Portugal. Dans cet ancien village de pêcheurs, les attelages de bœufs tiraient les bateaux sur le sable jusqu’au début des années 80. Les femmes vêtues de manière traditionnelle avec leurs sept jupons ont quasi disparu. Mais Nazaré a conservé un certain charme avec ses ruelles étroites, ses maisons blanches à toits rouges, sa ville basse et sa ville haute reliée par un funiculaire.

Nous montons au fort de Saint-Michel Archange sur lequel un phare rouge marque la pointe qui délimite deux mondes. D’un côté, la station balnéaire et sa plage de sable blond ; de l’autre une longue plage battue par les vents et encore sauvage. C’est là qu’à partir d’octobre, on peut admirer « La » vague. Celle qui fait frémir tous les surfeurs de la planète. Le phénomène s’explique par une faille qui accentue les ondulations de l’océan. Les plus grands noms viennent affronter les vagues qui peuvent atteindre 30 mètres de haut.

Faute d’éléments déchaînés, on admire la vue à couper le souffle. Est-ce qu’à la pointe de Péniche, au sud, les paysages sont aussi saisissants ? Nous ne le saurons pas. Puisque nous remontons plus au nord. Les chênes-lièges sont déshabillés pour dix ans. Les eucalyptus, champions de la cellulose, envahissent les montagnes.


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« T’as voulu voir Viseu. Et on a vu Viseu ». Cette ville étape - en tête pour sa douceur de vivre - n’a pas ravi mes équipiers. En revanche, notre logement spartiate ne manquait pas de charme.

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Ce matin nous roulons toujours vers le nord du Portugal. Nous retournons au garage à Vila Réal. La voiture est prête. Youpi. Le moteur, les injecteurs et les soupapes ont été remontés à neuf. C’est reparti pour 140 000 km ! La voiture a été briquée comme un sou neuf. Nous arrivons à Valladolid en Espagne en fin d’après-midi. À deux reprises, la police espagnole nous aide à sortir nos voitures de la zone piétonne, avec le sourire et sans contravention. Sympa.

La ville est aérée, l’hyper-centre très agréable et très fréquenté. Tout le monde est masqué même assis dans les bars mais l’ambiance est plutôt détendue. Nous buvons un vin blanc dans un bel établissement. Jean trinque en lançant : « contre-verres de Valladolid » ; en clin d’œil à La Controverse de Valladolid qui se fonde sur des faits historiques situés vers 1550. Les grandes sommités politiques et ecclésiastiques - colonisatrices de l’époque - s’étaient penchés sur le cas des Indiens. Étaient-ils des humains ou des sauvages ? Avaient-ils une âme ? Quel humour, ce Jean ! Après notre dernier repas espagnol dans une excellente adresse de tapas, nous rentrons à l’hôtel. Notre chambre est chauffée. Nous n’avons pas l’habitude. Heureusement que je peux ouvrir la fenêtre sur l’espagnolette.


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Avant de quitter définitivement la péninsule ibérique, nous stoppons à San Sebastian, resserrée autour d’une baie fermée. Le soleil, la mer, la montagne : un autre morceau de paradis.