17 janvier 2018. C'est le grand jour !
Nous prenons la route depuis Collingwood en direction de Totaranui. Nous sommes un peu tristes de quitter ce petit coin de paradis, mais complètement excitées à l'idée de relever ce nouveau défi ! On est même tellement motivées que l'on ne réalise pas que la météo n'est pas du tout favorable pour ce premier jour de marche. Alors oui, il pleut. Il pleut même énormément, et toute la journée. Nous sommes censées commencer à marcher à une heure précise dans l'après-midi pour arriver à la première hut (qui n'est pas si loin) car il faut faire attention aux horaires de marée. En effet, pour atteindre Awaroa Hut, il faut marcher sur la plage, puis la forêt et enfin traverser un estuaire habituellement sous l'eau, à marée basse, pendant 15 minutes.
Départ sous la pluie mais avec le sourire ! Le passage dans la forêt n'est pas de tout repos. Il a plu tellement que de petites rivières se sont formées et s'écoulent sur les chemins boueux. A un moment, nous devons même grimper sur une motte de terre pour contourner un endroit apparemment écroulé à cause de l'eau. Point positif : au niveau du sac à dos, tout va bien ! Je suis agréablement surprise. C'est là que je découvre le pouvoir magique de la ceinture. Cela change tout !
Sympa... Nous ne croisons qu'une seule personne, un jeune homme, qui fait le chemin inverse. Il nous averti qu'il y a une rivière à traverser. Nous pensons tout de suite à l'estuaire, mais il n'a pas l'air d'être au courant. Il nous dit que l'eau va nous arriver jusqu'à la taille, et qu'on pourra porter nos sacs sur notre tête, et que c'est même plutôt marrant. Nous continuons donc notre périple, toujours sous la pluie. Je tiens à préciser qu'en parfaites débutantes, nous n'avions même pas prévu de protection imperméable pour nos sacs... Nous avons dû improviser avec des sacs plastiques.
La fameuse rivière à traverser... ou plutôt l'estuaire !Nous arrivons à cette rivière à traverser, qui, nous nous en doutions, s'avère être le fameux estuaire. Ce dernier, censé être à marée basse, s'est effectivement transformé en véritable rivière torrentielle à cause de la pluie. Nous pouvons voir les panneaux oranges et surtout la hut, de l'autre côté de l'eau. Nous ne nous rendons pas compte de la profondeur, mais nous décidons de nous lancer, complètement habillées évidemment. C'est là que l'histoire se complique.
Une traversée épique
Je passe en premier, sac sur une épaule, que je porte à bout de bras. Plus j'avance et plus l'eau monte. Elle finit par m'arriver en dessous des épaules... Je ne sais pas si vous imaginez la scène, mais Mathilde, étant plus petite que moi, n'a quasiment que la tête qui dépasse. Au bout de quelques mètres, je sens qu'il y a du courant. De plus en plus fort. Soudain, je vois Mathilde qui me dépasse en criant, entraînée par le courant, son sac sur la tête, et qui me tend la main. Là, je me dis, soit je lâche mon sac et lui attrape la main, soit je sauve mes affaires d'une noyade certaine. Je réussis finalement à retenir Mathilde (qui file également droit vers une noyade certaine) avant qu'elle ne soit trop loin et à maintenir mon sac sur ma tête avec une seule main. Ouf !
Je me sens également entraînée par le courant et l'estuaire semble tellement large que nous n'avançons pas. Nous en arrivons à la conclusion que nous ne pouvons pas traverser. Trop d'eau, trop de courant, (déjà) trop de risques encourus. Nous revenons sur la plage, désespérées. Nous ne savons pas quoi faire. Si nous rebroussons chemin, nous ne sommes pas sûres de l'état de certains passages dans la forêt, certainement déjà inondés, voire écroulés. Au moment où nous décidons de faire demi-tour malgré tout, nous voyons deux hommes en short sortir de la hut de l'autre côté de l'estuaire, et se diriger dans l'eau, d'un pas décidé. Ils viennent vers vous, bravant le courant.
Nous remettons nos sacs sur nos têtes et retournons dans l'eau, pour aller à la rencontre des ces messieurs. Ils arrivent à notre hauteur, et nous disent que si on veut traverser, c'est maintenant ! Le jeune de 18 ans, très grand et athlétique, transfère mon sac sur son épaule et l'autre homme, beaucoup plus âgé, qui s'avère être le gardien de la hut, s'occupe du sac de Mathilde. Il lui vide même ses bouteilles d'eau pour alléger.
Nous voilà partis, tous les quatre, progressant tant bien que mal dans ces eaux hostiles, en se tenant les bras. Le courant est de plus en plus fort, et parfois je ne touche même pas le sol ! Je me sens entraînée plusieurs fois, et le jeune parvient à me retenir d'une main, tout en tenant mon sac. Impressionnant ! Mathilde, elle, flotte, tremblante. On se serre la main très fort et on se dit que ça va aller. Elle manque de perdre une chaussure. Nous avons pour consigne de continuer de marcher ou plutôt battre des jambes, même si nous ne touchons plus le sable.
La traversée n'en finit pas, j'ai le cœur qui bat fort, mais ne panique pas. Je reste concentrée et fait de mon mieux, même si je suis inquiète que mon appareil photo prenne l'eau dans mon sac. Après des minutes interminables, nous retrouvons la terre ferme et arrivons devant la hut. Nous ne réalisons pas ce que nous venons de faire.
Exténuées, nous nous avançons vers la hut, et là nous voyons des dizaines de paires d'yeux qui nous regardent derrière les fenêtres ! Tous les gens sortent et commencent à applaudir ! On vient nous aider pour nos sacs, on nous laisse de la place vers le fourneau, et on nous demande si tout va bien. On nous offre des saucisses grillées ! Une dame un peu âgée vient même nous voir pour nous dire "Oh les filles, vous êtes tellement courageuses ! Vous avez eu le temps de prendre des photos ? C'était bien mieux qu'un épisode de Survivor !". Du coup, nous sommes devenues connues dans la hut, comme les deux françaises qui ont traversé l'estuaire. Nos affaires sont un peu mouillées, mais cela aurait pu être pire. Mon appareil photo va bien, par contre le passeport de Mathilde, oublié dans sa poche de manteau, a bu la tasse.
Awaroa HutNous avions un peu honte d'emmener des muffins au chocolat en rando, et puis finalement, c'est exactement ce qu'il nous fallait. Quelle épopée !
Vivantes ! Je tiens à remercier ces deux hommes qui sont venus nous chercher et qui, dans un sens, nous ont secourues. Chapeau à eux ! Nous avons fait preuve d'inconscience durant cette première journée car nous ne mesurions pas les risques. Nous serons plus prudentes à l'avenir, c'est sûr ! Cet épisode restera une anecdote de voyage dont on se souviendra pendant longtemps. Une première randonnée qui commence fort en tout cas !