"Les femmes de 1948 cultivaient leur terre en portant le fusil"
C’est ce que nous témoigne Souad, l’épouse de Nadji.
La femme dans la société palestinienne a joué plusieurs rôles, notamment économique, politique, social, en plus d'être un pilier dans le cadre familial. 60% des palestiniens sont des femmes.
La femme palestinienne est la première victime de la colonisation : elle se retrouve veuve ou orpheline avec une famille à charge, ou bien c’est sa propre vie qui est mise en péril. L’armée ne fait pas de différence, elle tue hommes et femmes.
Bien avant 1948, il y avait déjà des femmes martyrs. Elles résistaient par les armes, en assurant la responsabilité du cadre familiale.
Lorsqu’elle avait 8 ans, Souad et sa famille vivaient à 12 personnes dans une pièce. Ils n’avaient ni eau courante, ni cuisine. Ils marchaient pieds nus 1h par jour pour amener la nourriture dans un four, et une autre heure pour remplir les sceaux d’eau. En tout elle parcourait 1.5km, 3 fois par jour. Il n'y avait qu'un wc pour 100 personnes. Lorsqu’il pleuvait, l’eau s’infiltrait dans la maison.
Un jour elle demande à ses parents et grand parents : "Pourquoi vivons nous comme ça?". Ils lui répondent qu’avant, ils avaient un grand pays, qu’ils étaient heureux, qu’ils avaient du bétail et des terrains. " Pourquoi avez vous accepté ? ", "Car ils étaient plus armés que nous ", lui répond-t-on.
C’est donc vers 14 ans qu’elle commença à mieux comprendre la situation politique.
Son rôle de résistante commence. Elle cache des résistants, elle lance des pierres. Elle est vite confrontée à la réalité, à savoir beaucoup de femmes martyrs, prisonnières, mutilées,… Deux grandes figures : Dalel Muharabi, une fedayin. C’est la première martyr palestinienne. Il y a aussi Layla Khaled, premier détournement d’avions. Sur 11 000 prisonniers politiques en Palestine, 74 sont des femmes.
Les femmes en Palestine meurent et accouchent aux check points, les femmes dont le mari est en prison ou martyr, ont toute la responsabilité de leur famille. Elles ont donc commencé à travailler, à jouer le rôle de l’homme.
"La résistance ne se résume pas à porter une arme ", nous dit-elle. "Éduquer les enfants en leur inculquant des notions de patriotisme et d’engagement , est une forme de résistance".
"C’est pas une vie d’être traité comme un animal, dans ces conditions, on se demande pourquoi on vit. S’habituer à ce que des militaires rentrent dans ta maison, de jour comme de nuit, voir son mari frappé, se faire frapper… On vit dans une grande prison qui s’appelle la Palestine "
Résister face au nombre croissant de colons. "Nous ne faisons pas ça pour le plaisir, nous ne sommes pas différents des autres peuples du monde. Je sais que je n’ai jamais eu une vie normale. Je ne dors pas bien, j’ai constamment peur, très peur. Toutes les nuits je sais qu’ils peuvent rentrer à tout moment"
Souad a 48 ans aujourd’hui, et depuis ses 8 ans, elle vit ainsi.
Elle aimerait vivre comme toutes les autres femmes, mais elle n’a plus d’espoir, elle a peur pour ses enfants.
" C’est dur d’élever un enfant jusqu’à ses 25 ans et de le perdre. Comment veux tu qu’ une femme palestinienne pense à la liberté alors que son fils est en prison".
La liberté de la Palestine est plus importante que la liberté individuelle. Si un homme prend 20 ans de prison et qu’il meurt après 10 ans, son corps est gardé jusqu’à la fin de sa peine dans les morgues israéliennes.
Parfois Souad est heureuse, elle danse, mais la souffrance de son peuple, le peuple palestinien, est ancrée dans son âme.