Je publie ici des articles écrits en 2008, lors de ma découverte de la Palestine.
Juillet 2008
3 semaines
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1

Apres un bref repos, l’heure de la prière arrive.Je me dirige vers ce fameux Dôme du Rocher, cette magnifique mosquée bleue avec son dôme d’or.L’entrée de l'esplanade est "gardée" par des policiers et soldats israéliens, ils "veillent" à ce que les non- musulmans ne rentrent pas lors des heures de prières. Le hic c’est qu’ils refoulent aussi les musulmans !En gros lorsque l’on arrive, ils vérifient nos passeports, demandent si on est musulmans, et la plupart du temps, nous prennent la tête avec leurs questions : "tu parles arabe ? c’est ton prénom ça ? mais c’est pas un prénom musulman! récite-moi du Coran... ils aiment surtout nous faire perdre notre temps (ainsi que notre dignité ?).

Le premier jour je me fait refouler !!! genre j’avais pas l’air assez musulmane pour ce crétin. Il me dit que aujourd’hui il y a trop de monde et qu’ils laissent uniquement rentrer les musulmans arabes … il se moque de moi là, hein ?

Je réessaie le soir, les gardes ne sont jamais les même et là, je passe. Parfois je passe sans que l’on me pose de question, parfois on me demande de réciter, mais je passe. Un jour je retombe sur le crétin du premier jour, il me prend la tête, mais les autres gardes de la mosquée étaient habitués à nous voir et nous font passer.

Prier dans cette mosquée est un bonheur, et la récompense en est immense.



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La première fois que je réussi à passer le barrage de la mosquée, le lieu est tellement grand que je ne trouve pas la salle d’ablution pour les femmes, je perd patience parce que je loupe la prière en commun. Je tourne un bon moment mais rien y fait, je galère!

Je m’assois car la chaleur est intense.Au bout d’un moment des enfants se mettent à coté de moi et m’observent.Une fille m’aborde en arabe, je lui fait comprendre que je ne comprend pas et la, surprise, elle me dit : "Comment tu t’appelles ?" . Ici les enfants parlent tous minimum anglais.Je crée un lien avec 3 frères et sœurs : Saker, Nariman et Julia.Saker est un petit garçon de 9 ans tout a fait épatant, il parle très bien l’anglais, un peu espagnol, français et hébreux, et bien sur l'arabe.Je lui demande de me montrer la salle d’ablutions, ils me prennent tous par la main et en route !Ensuite Saker me fait visiter la Mosquée et ses recoins.Je passe un moment formidable, le petit garçon s’éclipse un instant et revient avec une bague pour moi avec un M sur le dessus.

Mise à jour 2019 : J'ai revu à plusieurs reprises cette famille avec qui je me suis liée d'amitié lors de mes différentes visites en Palestine. Leur mère Sana m'a préparé une de mes meilleures maqlouba, leur grand-mère ses plus beaux sourires,...Aujourd'hui, grâce aux réseau sociaux, nous gardons contact. Saker est devenu un grand garçon, danseur de Debkeh et étudiant en médecine en Jordanie.

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Aujourd’hui Murad, le fils de Naji le directeur du centre, nous a fait visiter le camps. Nous sommes passés voir deux centres associatifs, dont un pour femmes, où elles peuvent suivre une formation d’esthétique, faire de la gym, il y a aussi une garderie, … et beaucoup d’autres choses!

Mais le plus émouvant pour moi aura été la visite du cimetière des martyrs.

Très émouvant car Murad les connaissait tous, et connaissait les circonstances dans lesquels ils ont été assassinés. Il nous a tout dit.

En France lorsque l’on nous parle de « martyrs », on désigne un « fanatique religieux » qui porte autour de lui une ceinture d’explosifs et qui fait exploser un bus rempli d’innocents.

Ici, dans ce contexte, le mot reprend son réel sens.



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Aujourd’hui visite de la ville de Al Khalil. C’est une ville très particulière car colons et palestiniens y "cohabitent". Le climat est donc tendu, tout comme l’accueil du soldat nous visant avec son arme pendant que nous passons devant lui, à pied et non armés. Nous sommes allés sur le toit d’un habitant de la ville, où son fils nous a raconter ses mésaventures avec les soldats et colons. En résumé, ils sont venus, ont cassé la jambe de son petit frère, ont blessé au visage l’autre, ont laissé sa mère accoucher dans la rue. Les militaires occupent parfois des maisons pendant plusieurs jours pour surveiller la ville (vu que la sienne est en hauteur, elle est idéale). Au dessus de son toit, il y a une tour de contrôle, où un militaire observe, perché dans sa cage. C'est à se demander qui est vraiment prisonnier dans ce conflit.


Al Khalil est surtout la ville où il y a les tombeaux d’Ibrahim, (Abraham), son épouse Sarah, ainsi que Ishaac et sa femme Rafka. Pour l’accès a la Mosquée, premier check point, puis un deuxième pour fouiller le sac, et un troisième à l’entrée même de la mosquée. Et en prime on a le droit au soldat qui chante fort, histoire de déranger pendant le recueillement. il doit s'ennuyer...

Dans la vieille ville les touristes sont rares, les magasins pas tous ouverts, car la violence est fortement présente. On peut d'ailleurs constater que la poubelle des colons se trouve au dessus de nos têtes lorsqu'on se promène dans le soukh.

Nous croisons un vieil homme, il nous explique que les commerçants font face à de grandes difficultés. 

Il nous dit aussi qu’avant 1948, arabes et juifs s’entendaient bien, qu’ils cultivaient leurs terres et que tout se passait pour le mieux.




5

Les Palestiniens ne peuvent nous laisser indifférents et insensibles à leurs conditions de vie. Ceux sont les habitants et leurs récits qui nous font prendre conscience de l’injustice qu’ils subissent depuis maintenant 60 ans.

RÉSISTANCE! c’est le mot d’ordre.

Malgré le climats tendu, les palestiniens sont extrêmement souriants et accueillants. Les enfants sont curieux et intelligents. Ils nous parlent avec beaucoup d’humilité. Si nous prenons le temps de les écouter, et Dieu sait qu’ils ont beaucoup de choses à dire, nous prendrions conscience qu’ il est impossible de supporter ce qu’ils vivent au quotidien : destruction de leurs maison, vol de leur terre, assassinats, humiliations, aucun droits,… Mais malgré ça ils demeurent dignes.

Ils nous ouvrent leur maison, c’est a dire leur cœur. L’échange est rempli d’émotion. Certains nous offrent du raisins fraîchement cueillit, comme un habitant du village de 'Anata, d’autres nous invitent chez eux comme les frères rencontrés à Al Aqsa. Ma plus belle rencontre pour le moment à été celle des enfants sur l'esplanade, ces petits si jeunes mais si intelligents.

Certaines visites nous mettent la rage au ventre, comme celle de la ville de Kermiel, où le village de luxe des collons venus de l’Est ne cesse de s’accroître sur les terrains d’un des nombreux villages palestinien non reconnus par Israël. Au début, l’accès à l’eau leur à été coupé, puis interdit. Maintenant ils ont le droit à un tuyau, qui passe sur la terre, l’eau qui en sort est bouillante. L’armée menasse et met la pression sur une population dont les droits sont bafoués. Les colons occupent illégalement les terrains, tout ça avec la bénédiction du gouvernement, processus de colonisation mis en oeuvre par A.Sharon.

Tous ces témoignages, ces anecdote, sont pour nous une manière de se rappeler pourquoi nous sommes venus ici. Pour être Tous Témoins, Tous Acteurs.

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Ni’lin, nous participons à une manifestation pacifique contre la construction du mur. La population locale nous demande de les soutenir en tant qu’internationaux, le mur ne cesse de s’agrandir et ne respecte pas la ligne verte. Le Mur traverse des terrains, des maisons, et des villages.

Apres une brève formation sur la conduite à tenir face à l’armée, d’ailleurs aucun d’entre nous étions sereins lorsque l’on nous a annoncé qu’il fallait faire attention aux bombes lacrymogènes, aux balles en caoutchouc et aux arrestations … nous partons pour la manifestation à pieds. Face à nous, des militaires, armés, enthousiastes de nous faire partager leur attirail, lorsque je dis partager c’est l’utiliser contre nous, bien évidement.

Nous arrivons vers un chemin en pente, plein de cailloux, quelques oliviers, beaucoup de soleil. Nous avançons et très vite on nous indique de presser le pas, des hommes nous disent en arabe d’aller vite. Nous dévalons la pente en courant, tout en essayant de garder les petits groupes que nous avions formés au cas ou il y aurait affrontement direct avec les militaires. Mais impossible de rester grouper, j’arrive à rester avec H., avec laquelle on ne s’est pas lâchée de toute la manif. Les tirs de lacrymogène se font tout de suite sentir, H et moi sommes devant à ce moment la et une lacrymo atterrit juste à coté de nous. Tout de suite, H. a beaucoup de mal à respirer, je lui prend la main et l’éloigne en lui faisant respirer de l’oignon que j’avais mit dans ma poche, apparemment ça aide (pas vraiment!). Moi j’ai très mal aux yeux mais ça va, pour le moment. L’adrénaline est à son maximum. On court, on entend les sifflement des lacrymos qui nous passent au dessus de la tête, qui atterrissent à nos cotés,… On repart devant, avec un petit groupe, on s’arrête, on met des pierres sur la route au cas ou l’armée veuille passer avec son char, et nous mettons le feu a des branches d’olivier. Ce qui a du les énerver car la ils nous ont gazé. On essaye tous de fuir vers le haut, mais là je m’en prend plein dans la figure. Non seulement j’ai mal aux yeux, mais je ne peux vraiment plus respirer, je m’étouffe et je crache mes poumons. J’avance en courant mais je ne vois rien. J’arrive juste a apercevoir un jeune palestinien qui vient vers moi pour m’aider, je m’appuis sur lui, j’entend une fille qui pleur derrière moi, je l’attrape aussi, et il nous emmène nous abriter sous un arbres. H est la aussi, on s’assoit, on crache,on tousse...on est au summum de notre glamour.

On a du mal à respirer mais la colère est tellement forte qu’on y retourne. Mais au bout de la 3 ème lacrymo c’est trop, tout le monde se replie. Puis beaucoup repartent au front, avec pour but d’aller jusqu’aux soldat et jusqu'au mur, mais A, S, L et moi restons en retrait. On a eu notre dose. J’apprend alors que l’un de nos participant qui filmait c’est prit une balle en caoutchouc dans la joue, et a eu 6 points de sutures.

En voyant au loin les autres participants au front, dont certains sont des amis proches, j'ai été submergée par mes émotions. Ils se battent pour une cause juste, trouvent la répression en réponse.

Beaucoup d’enfants nous ont accompagné, on jeté des pierres, ne semblant pas effrayés ou freinés par les lacrymos, preuve qu’ils en ont malheureusement l’habitude.


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Wall of SHAME

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Finalement j’ai de la peine pour certains jeunes israéliens . Dès leur enfance ont leur ment, on leur lave le cerveau, on leur fait croire que les israéliens sont chez eux et sur le terre. On doit certainement leur dire : "Tu seras un Homme mon fils". Sauf que ce passage à l’age adulte s’effectue à travers les armes, des M16 plus précisément. Cette pensée me donne envie d'écrire ceci :

« Tu seras un homme certes, et pour y arriver va sur les territoire occupés (par nous-même!). Fais ta loi, car là bas, les palestiniens n’ont aucuns droits, mon fils. Tu aurais aimé sortir ce soir et te réveiller auprès de ta bien aimée. Non mon fils, tu vas servir ton pays. Tu vas protéger les colons, mon fils, tu vas utiliser la force, tu l’exercera sur les hommes, les femmes, les enfants, les malades, les vieux, … même les animaux. Si tu t’ennui, tu peux tirer au hasard. Avec un peu de chance? tu arriveras à en blesser un. Fais les attendre aux ckeck-points des heures durant, sous la chaleur intense du soleil, car ainsi, ils seront à bout de nerf. Si l’un de se rebelle, humilie le. Ainsi, tu seras un homme mon fils »




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 "Les femmes de 1948 cultivaient leur terre en portant le fusil"

C’est ce que nous témoigne Souad, l’épouse de Nadji.

La femme dans la société palestinienne a joué plusieurs rôles, notamment économique, politique, social, en plus d'être un pilier dans le cadre familial. 60% des palestiniens sont des femmes.

La femme palestinienne est la première victime de la colonisation : elle se retrouve veuve ou orpheline avec une famille à charge, ou bien c’est sa propre vie qui est mise en péril. L’armée ne fait pas de différence, elle tue hommes et femmes.

Bien avant 1948, il y avait déjà des femmes martyrs. Elles résistaient par les armes, en assurant la responsabilité du cadre familiale.

Lorsqu’elle avait 8 ans, Souad et sa famille vivaient à 12 personnes dans une pièce. Ils n’avaient ni eau courante, ni cuisine. Ils marchaient pieds nus 1h par jour pour amener la nourriture dans un four, et une autre heure pour remplir les sceaux d’eau. En tout elle parcourait 1.5km, 3 fois par jour. Il n'y avait qu'un wc pour 100 personnes. Lorsqu’il pleuvait, l’eau s’infiltrait dans la maison.

Un jour elle demande à ses parents et grand parents : "Pourquoi vivons nous comme ça?". Ils lui répondent qu’avant, ils avaient un grand pays, qu’ils étaient heureux, qu’ils avaient du bétail et des terrains. " Pourquoi avez vous accepté ? ", "Car ils étaient plus armés que nous ", lui répond-t-on.

C’est donc vers 14 ans qu’elle commença à mieux comprendre la situation politique.

Son rôle de résistante commence. Elle cache des résistants, elle lance des pierres. Elle est vite confrontée à la réalité, à savoir beaucoup de femmes martyrs, prisonnières, mutilées,… Deux grandes figures : Dalel Muharabi, une fedayin. C’est la première martyr palestinienne. Il y a aussi Layla Khaled, premier détournement d’avions. Sur 11 000 prisonniers politiques en Palestine, 74 sont des femmes.

Les femmes en Palestine meurent et accouchent aux check points, les femmes dont le mari est en prison ou martyr, ont toute la responsabilité de leur famille. Elles ont donc commencé à travailler, à jouer le rôle de l’homme.

"La résistance ne se résume pas à porter une arme ", nous dit-elle. "Éduquer les enfants en leur inculquant des notions de patriotisme et d’engagement , est une forme de résistance".

"C’est pas une vie d’être traité comme un animal, dans ces conditions, on se demande pourquoi on vit. S’habituer à ce que des militaires rentrent dans ta maison, de jour comme de nuit, voir son mari frappé, se faire frapper… On vit dans une grande prison qui s’appelle la Palestine "

Résister face au nombre croissant de colons. "Nous ne faisons pas ça pour le plaisir, nous ne sommes pas différents des autres peuples du monde. Je sais que je n’ai jamais eu une vie normale. Je ne dors pas bien, j’ai constamment peur, très peur. Toutes les nuits je sais qu’ils peuvent rentrer à tout moment"

Souad a 48 ans aujourd’hui, et depuis ses 8 ans, elle vit ainsi.

Elle aimerait vivre comme toutes les autres femmes, mais elle n’a plus d’espoir, elle a peur pour ses enfants.

" C’est dur d’élever un enfant jusqu’à ses 25 ans et de le perdre. Comment veux tu qu’ une femme palestinienne pense à la liberté alors que son fils est en prison".

La liberté de la Palestine est plus importante que la liberté individuelle. Si un homme prend 20 ans de prison et qu’il meurt après 10 ans, son corps est gardé jusqu’à la fin de sa peine dans les morgues israéliennes.

Parfois Souad est heureuse, elle danse, mais la souffrance de son peuple, le peuple palestinien, est ancrée dans son âme.