7h15 : Je rêve, je suis allongé sur un nuage qui flotte très haut dans le ciel, un maitre de méditation m’enseigne apparement l’art de la lévitation. C’est très agréable, je m’élève, puis je redescends, je m’élève, puis je redescends, je m’élève et Baaam … black out. J’ai très mal au crâne, je sens tous les muscles de ma nuque qui me tiraillent. Comme si je sortais tout droit d’un lave-linge. En fait, je viens de taper le plafond de ma cabine, dans une descente de déferlante, au milieu de l’atlantique.
8h00: Ca y est , j’émerge, j’envisage un petit dèj. Bien que je sente encore le plat de l’avant veille sur l’estomac.
8h40: C’est bon, j’ai tout avalé, j’y ajoute par dessus un café pour bien digérer;
8h44: Je cherche les WC;
8h46: Je restitue la totalité du petit dèj, du plat de la veille et celui de l’avant veille dans le WC qui n’en demandaient pas tant.
9h00: Le Capitaine revient du cockpit : « Aller p’tit con ! c’est ton heure de quart, moi je vais pioncer » . C’est donc à ce moment la que je m’équipe: harnais, gilet, gants. Il va falloir barrer, le pilote automatique ayant rendu l’âme la veille c’est parti pour plusieurs heures à cramer au soleil des tropiques.
10h25: L’heure du Point! Le point consiste à tenter de savoir ou est ce que l’on est, ce qui, vous comprendrez, peut s’avérer utile. Un coup d’oeuil a l’avant du bateau: de l’eau!, un coup de d’oeuil à l’arrière: de l’eau! A priori nous sommes bien là ou il faut qu’on soit. On calcule ensuite la distance probablement parcourue les dernières 24h. Parfois il ne vaut mieux pas regarder au risque de tomber dans une profonde dépression.
12h00: Il se fait faim, le Capitaine, à l’image d’Obelix, qui a du tombé dans l’eau de mer quand il état petit, s’affaire a la cuisine. Ne semblant pas perturbé par le roulis permanent de notre esquif il nous prépare un chef d’oeuvre culinaire tel qu’il sait les faire.
13h30: Bien repus, sieste, pêche, vaisselle, lectures, on s’occupe comme on peut.
14h20: Chaleur de dingue, j'ai la raie du cul qui fait canal, je sort la tète par le hublot.... On rame! Je regarde les compteurs, le vent souffle à 20 noeuds, toutes les voiles sont de sorties et on avance à peine a 3 noeuds. Bordel En fait nous sommes entourés de Sargasses, algues vicieuses qui s'accrochent par paquets sur les quilles et le safran. Sale garce ! A ce rythme la on arrivera en juin; le capitaine ne bronche pas, "C'est la vie" dit il!
19h00: Après deux siestes et trois bouquins achevés c'est l'heure de l'apéro,. Si par hasard ce jour la nous passons au même moment un seuil de 100 miles parcourus alors nous ouvrons deux bouteilles de Rhum... que nous regrettons instantanément.
21H00: Après un repas bien mérité les quarts s'organisent et quand l'un dort l'autre veille au grain.
1H00: Les grains m'aiment bien! Du moins c'est ce que je déduis lorsque les yeux à moitié fermés j'aperçois derrière nous une masse très sombre, en lévitation, quelques dizaines de mètres au dessus de la surface de l'océan, qui n'en finit pas. Encore une! Alors, harnaché, je m'affaire à réduire les voiles histoire de ne pas finir au tapis. Quelques minutes plus tard il est la... Le bateau devient incontrôlable et finit par se mettre au travers du vent et de la houle, impuissants, le capitaine enfin réveillé me rejoint et nous faisons silence face à ce spectacle qui nous remplit d'humilité.
2h30: L'orage est passé, le bateau reprend sa route et je peux enfin fermer les yeux. Demain, il restera une quinzaine de jours similaires a vivre, entre appréhension et joie extrême.
un des rares voiliers croisés lors d'une météo capricieuse au large du cap vert