On the road again!
Novembre 2017
5 semaines
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Premier contrôle : la douane féline ! C'est OK, allez-y !

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On se retrouve dans un bon mois !

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Connecting to San Francisco. Dans l'avion depuis Paris, j'ai fait la connaissance d'un français expatrié en Islande, qui organise des trecks ici. Un contact pour un prochain voyage !!

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Trouvez le cœur....



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Lever Matinal pour cause de décalage horaire, il fait assez frais à cette heure mais la journée s'annonce très belle.

Je décide de marcher, direction le Golden Gate: c'est loin, très loin (et plus encore que je ne le pensais...), mais j'ai envie de "sentir" la ville, donc je n'hésite pas.

Et bien SF c'est comme dans les films, c'est vraiment, mais vraiment très pentu... Toute la journée ne pourra pas se faire à pieds....

Un peu par hasard, je tombe sur Lombard Street, un gros spot touristique calme à cette heure-ci, car cette rue est tellement inclinée que pour réduire la pente on a aménagé toute une suite de lacets très étroits. Ca ressemble à ça:

Bon, c'est pas vraiment ma tasse de thé, mais plus loin je tombe sur le Museum of Fine Arts, très joli:

Et encore après une bonne marche, enfin le Graal!

Un aller-retour de bout en bout, pour dire de l'avoir fait d'abord, et puis surtout pour profiter de la vue sur la baie, la (modeste) skyline de San-Francisco, et l'île d'Alcatraz... Et oui, quand on est sur le pont, ça bouge...

Retour sur la plage, c'est la ruée des dog keepers, ou pet sittings, les nounous à chiens! J'ai aussi croisé Wonder Woman qui faisait son jogging, et elle a morflé! (et donc nous aussi, CQFD...)

A ce moment-là, j'ai déjà du faire 5 ou 6 kilomètres à pieds, et je les sens bien, donc je saute dans le premier bus, direction The Heights. C'est le quartier où est né et s'est vraiment développé le mouvement Peace and Love, l'ambiance est très décontracté, assez bobo quand même (l'endroit est de plus en plus couru), et l'odeur de la marijuana est partout!

Pas très loin, Castro, le quartier gay mondialement célèbre de San Francisco, pour une pause déjeuner bien méritée, et passage dans la boutique autrefois occupée par Harvey Milk, et qui perpétue sa mémoire en vendant divers produits destinés à financer des actions en faveur de la communauté.

Et pour ça aussi, quand même:

C'est une maison bleue... 

Le reste de l'après-midi est occupé à flâner dans divers quartiers, le nez en l'air pour profiter de l'architecture incroyable de la ville

Une petite déception en revanche, car Halloween et son cortège de maisons décorées pour le pire et le meilleur du (mauvais?) goût semble faire peu recette ici. Il paraît que l'Amérique profonde reproche souvent à San Francisco d'être une ville trop européenne, un peu comme New York finalement, mais dans un style très différent. Ceci explique peut-être cela. Bon heureusement, j'en ai trouvé quand même, ainsi que pas mal de parents, d'enfants et aussi beaucoup d'adultes déguisés dans les rues pour le fameux "Trick or Treat" ("Des bonbons ou un sort !").

Cela dit, l'ambiance est vraiment là, bon enfant, les gens s'abordent et discutent très facilement et dans la bonne humeur. Une maman m'a même offert des bonbons, j'étais peut-être déguisé en francais ??

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Qui s'est réveillé ce matin, tellement courbaturé de sa marche de la veille qu'il a pris les transports en commun toute la journée? Aujourd'hui, je ne vais pas quadriller la ville, mais plutôt me concentrer sur un ou deux quartiers...


J'avais réservé avant mon départ un billet pour visiter l'île et la prison d'Alcatraz (il peut y avoir plusieurs semaines d'attente), on engage la conversation une autre passagère, son fils et moi en attendant un tram qui tarde, elle est très sympa et va aussi faire la visite, mais va finir par être en retard (les billets sont valables juste sur un créneau horaire), du coup elle attrape un taxi et propose de m'emmener. Of course! Moi du coup j'arrive en avance, donc je switch mon billet et monte dans le premier bateau . C'est encore un très beau matin, le Golden Bridge émerge de la brume, et Alcatraz est bien là:

Le bateau part, et la lumière sur la baie est vibrante:

L'arrivée sur "The Rock" est rapide. L'île a d'abord abrité une forteresse, puis une prison militaire, et enfin la célèbre prison fédérale de haute sécurité qui hébergea notamment Al Capone. Robert Kennedy décide sa fermeture en 1963: à cause de sa position, exposée aux intempéries de la baie, la prison coûte très chère à restaurer et à maintenir, et son isolement implique des frais importants de fonctionnement. De plus, les temps ont changés: on ne considère plus que les détenus doivent être exclus du monde, mais plutôt réhabilités afin qu'ils puissent un jour reprendre leur place dans la société. L'île est ensuite brièvement occupée par des activistes Amérindiens, qui réclament sa propriété, notant qu'à l'égale des réserves où sont parquées les diverses ethnies indiennes, "l'île ne possède aucune richesse naturelle, aucune source de travail, qu'elle est impropre à toute culture, n'a ni école ni même eau courante, pas de service de santé, et que de tout temps sa population y a toujours été considérée comme prisonnière."

Assez vite on comprend qu'on n'est pas là pour plaisanter, c'est assez "creepy"... Mais la visite devient vite passionnante, et nous mets dans la peau d'un nouvel "hôte". D'abord on récupère ses petites affaires, et ensuite, tout le monde à la douche:

Là on peut enfin gagner ses nouveaux appartements et se poser un peu. Une fois par semaine, on prend l'air dans la cour, puis chacun rentre chez lui...

La plus fameuse évasion d'Alcatraz est rappelée: les prisonniers ont creusé le ciment à la petite cuillère, et en trompant les surveillants avec des têtes en papier mâché!


Dans le réfectoire, le détail du repas du dernier jour de la prison est toujours affiché

On découvre aussi les quartiers des surveillants

Qui eux pouvaient sortir pour profiter de la vue

4 heures de visite ça creuse. Rien à manger ici, donc retour au bateau pour Fischerman's Wharf, très touristique quartier bâti sur une série de jetées. Je prends un "clam chowder", ce sont des palourdes servies en sauce dans un pain, et franchement c'est délicieux!

Un petit bonjour aux habitants des lieux. Les lions de mer sont arrivés à San Francisco dans les années 90, chassés par le tremblement de terre de Loma Prieta. De quelques dizaines au départ, ils sont maintenant plus de 1500 et sont devenus un des symboles de San Francisco. Bon à part ça, ça pue, ça beugle sans arrêt et ça n'arrête pas de se chamailler avec son voisin en tentant de le pousser à l'eau. Bon esprit de camaraderie...

Dans le quartier, il y a une activité totalement régressive à faire, c'est le Musée Mécanique, avec plein de jeux anciens de foire, des automates et jusqu'aux jeux d'arcade genre Pac Man, tous en état de marche et surtout utilisables par le visiteur, c'est l'intérêt du musée. Je dépense pleins de "quarters" de $ et c'est super !

Juste en face, accosté au quai, je vais ensuite visiter l'USS Pampanito, un sous marin datant de la seconde guerre mondiale. Un vrai de vrai, pas celui du Capitaine Nemo à Disneyland!

C'est l'heure de rentrer. Le soir tombe, c'est beau cette lumière sur les buildings...

Mon hôtel est juste en face de l'entrée de Chinatown, la DragonGate est de l'autre côté de la rue. Ce soir je dîne chinois !

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J'ai vu plus de choses que je ne pensais en faire en deux jours, alors aujourd'hui je n'ai pas de plan bien précis en tête. C'est encore mieux, ce sera à l'aventure!

Après un réveil tardif, je monte dans le tram emblématique de San Francisco, un de ces quelques wagons anciens qui demeurent en activités, et dans lesquels toutes les manoeuvres se font à la main. La ligne n'est pas électrifiée, et c'est une chaîne enfouie dans la chaussée qui tire les engins. Oldies but goodies ! On descends vers le port, pour rejoindre les quais de Fischerman's Wharf.


Dans le tram de San Francisco, on a tout à fait le droit de se mettre debout sur les marchepieds pendant la marche, et même de se pencher dehors pour éviter que le gros truc orange vienne pourrir toutes vos photos (oui Monsieur, on parle de vous!)


Après un déjeuner rapide sur le port, je tombe par hasard sur le sigle du NPS. Il s'agit du National Park Service, incontournable aux Etats-Unis. Pour comparer avec la France, le NPS c'est un peu les Monuments Historiques qui auraient fusionné avec les Eaux et Forêts. Le National Park Service gère donc la plupart des sites naturels d'importance, et aussi les monuments nationaux, au niveau fédéral. Par exemple, la prison d'Alcatraz est un site du NPS. Dans les parks, les employés sont des Rangers.


J'ai prévu de visiter de nombreux parcs naturels, ce qui à l'unité est très cher, 20 à 30 $ l'entrée . Je dois donc impérativement me procurer le pass, qui permet d'accéder partout sans limitation pour 80$. Alors autant profiter de l'occasion.

Une fois le fameux sésame en poche, le ranger m'informe que je peux commencer à le rentabiliser immédiatement, puisque je suis dans un park historique - ce que je n'avais pas remarqué! Le site dans lequel on se trouve présente et préserve plusieurs des bateaux les plus emblématiques des USA: un Steamer, un Ferryboat ( le bateau avec une roue à aubes qui navigue sur le Mississippi, un Schooner (une Goélette)... C'est parti pour la visite: d'abord le Schooner Thayer. Majestueux, même si la visite se limite au pont.


Ensuite le Steamer Hercules:


Et le Ferryboat Eureka, qui transportait au pont inférieur les véhicules, et au pont supérieur les passagers. C'est assez luxueux, je trouve. Il y avait même un shop à bord:


Enfin, un "Ark", genre de radeau à moteur, utilisé dans les rivières ou les anses, à des fins de loisir à la fin du 19ème siècles et jusqu'au milieu du 20ème siècle. Ils sont donc aménagés comme de petites propriétés de campagne... Ca fait envie...


Je finis cette visite imprévue totalement emballé par ce retour dans le passé et par la beauté de ces navires, en ayant l'impression d'être à la fois dans Moby Dick et dans Tom Sawyer! Et dans Les Oiseaux aussi, un peu


Comme j'ai du temps, je décide d'aller au Lincoln Park. C'est assez loin, pas forcément bien desservi par les transports, mais à cet endroit assez sauvage, on domine à la fois la baie et le Pacifique. Et en prime, il n'y a presque pas de touristes!


Revoilà nos copains d'hier


La journée se finit sur un coucher de soleil, à cet endroit appelé Land's End... Magical...


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Aujourd'hui débute vraiment le rêve américain, la quête de tout vrai voyageur, le credo du routard: le Road Trip.

Je récupère la voiture, je charge les bagages, et me voilà prêt, tel Steve McQueen, à dévaler les rues de San Francisco à toute allure en volant au-dessus des carrefours.

Sauf que non, pas vraiment. Parce que si Steve pour tourner sa scène avait dû maîtriser pour la première fois (ou presque...) une automatique, il l'aurait moins ramené... Après avoir sué pour démarrer, tattonné pour trouver comment bloquer la vitesse, je perds 10 minutes à tenter de mettre la main sur la commande de l'essuie-glace arrière (qui en fait n'existe pas...)

J'avais prévu initialement de me diriger tout de suite vers Yosemite, mais voilà, là-bas le temps se fait menaçant, et dans la crainte de la neige, on ferme de manière provisoire une partie les routes. Or, mon projet premier était de traverser le parc pour aller jusqu'à Bodie, un village fantôme de chercheurs d'or, à peu près impossible à atteindre autrement. Je prends donc le parti de temporiser un peu pour voir l'évolution de la situation, et je me dirige au Nord de San Francisco, où se trouve une région assez sauvage et isolée, là où la montagne vient se jeter dans le Pacifique, en me disant aussi que pourrais tranquillement prendre la voiture en main avant une route plus conséquente...

Du coup, traversée du Golden Gate au volant! Ca change du Pont Neuf...


Comme on voit, le temps a changé, il fait froid et nuageux...


La première étape, c'est le National Park de Muir Woods, un espace perdu dans vallées, où embaument les séquoias et les fougères.

Alice, y es -tu? 

C'est impressionnant, majestueux, et les visiteurs osent à peine élever la voix dans cette cathédrale végétale. On entend seulement la vie animale.


Je projette ensuite de rejoindre Point Reyes. Cet endroit perdu au bout du monde me fait un peu fantasmer, j'ai lu pas mal de récit de voyageurs qui parlent de la beauté très particulière du lieu, avec son phare solitaire au bout des landes.

Un premier arrêt sur la côte me séduit beaucoup


Donc c'est décidé, c'est encore un petit détour, mais je verrai Point Reyes.

Ou pas...

Au début, tout va à peu près bien: le paysage est âcre et rugueux, assez dur, on est plutôt en pleine ruralité un peu extrême, et moi j'aime bien...


Mais voilà, dans les derniers kilomètres, la situation se brouille pas mal


Je continue à pied, l'ambiance est assez irréelle, je croise d'autres marcheurs émergeant de la brume, on se sourie, tout le monde est très touché par l'atmosphère ouatée et silencieuse


Et voici au bout du compte, ce que j'ai vu du phare de Point Reyes... Au bout de cet escalier, fermé car hors saison, il y a quelque part, sis dans le brouillard, l'objet de ma quête...

Je repars doucement, reprends la voiture et fais encore quelques arrêts avant de laisser la région derrière moi


Et je me dit que c'était pas mal finalement, de ne pas avoir vu Point Reyes...

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J'ai roulé jusqu'à un peu tard hier soir, et j'ai fini par trouver un motel un peu moche, un peu sale et trop cher sur le bord de la route, parce que j'étais fatigué et qu'il fallait bien m'arrêter quelque part. J'ai vu des cafards, j'ai été réveillé toutes les heures par le bruit des voitures et des voisins, et je suis heureux de partir ce matin, tout en me disant que ça aussi c'est l'Amérique et que ça fait partie du road trip...


Je file tout droit sur l'autoroute pour traverser cette portion de Californie sans trop d'âme entre la côte pacifique et la sierra Nevada. A midi, le paysage change , on touche les contreforts de la montagne... Les espaces deviennent immenses et les couleurs plus fortes.

Je m'arrête dans la petite bourgade de Mariposa, née avec la ruée vers l'or, et qui a conservé un bel ensemble de bâtiments d'époque.


Je rentre dans "le plus vieux building de cette ville", dit une plaque sur la façade, et je mange plutôt bien et bon. L'intérieur est assez chaleureux et il y a des américains qui boivent et regardent les soccers à la télé, à un bar au-dessus duquel est suspendue une collection de fusils...



J'arrive en milieu d'après-midi à Yosemite, je pose mes valises au motel, cette fois c'est bien, perdu dans la montagne, c'est propre et ça sent bon !


Je décide de faire un premier repérage dans la vallée de Yosemite... Un premier bonjour à El Capitan et au Half Dome.

El Capitan et The Half Dome 

Retour au motel avant une journée sportive demain !

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Dans les montagnes et les bois de Yosemite, pas de réseau... Et quand le wifi de votre hôtel a décidé de se faire la malle pour le week-end, ça devient compliqué... Je n'avais pas imaginé que l'accès à une connexion puisse être parfois aussi compliqué durant mon voyage, mais tous les motels n'ont pas de connexion, et je pense que je continuerais à écrire quotidiennement, et poster aussitôt que je le pourrais, donc peut-être plusieurs posts à la fois !


Yosemite, c'est une étape très attendue de mon parcours. Je ne peux dire combien de photos j'ai vu de cette endroit avant d'y venir... Yosemite, c'est peut-être la plus belle vallée glaciaire du monde, dominée par des monolithes gigantesques, le premier espace naturel protégé au monde, en 1864... A droite, El Capitan, la plus haute falaise monolithique du monde (900 m); au fond le Half Dome ("le demi dome"), l'emblème du parc...


Dans les nuages c'est beau aussi... 

Au fond de la vallée coule la Merced River, vestige du lit du glacier.

Ici et là, des chutes dévalent de hauteurs vertigineuses. A cette époque, ce ne sont que de minces filets d'eau, mais après l'hiver elles deviennent énormes !

La journée est consacrée à randonner dans le parc. Le matin, je marche avec les nuages, mais ensuite le ciel se dégage... Un petit tour près des chutes...

Avant de passer au village pour les produits vitaux... Et ce moment où devant les rayonnages tu te dis : "God bless America!"...

Puis ensuite entamer un petit circuit de 3 heures... Et ça grimpe sec... Mais je ne suis pas seul sur le chemin...

Pour finalement parvenir au pied d'une nouvelle chute...

Bon il faut redescendre... A Yosemite, il y a des ours, des loups, des pumas et des daims. Mais moi j'ai juste vu des écureuils!

La journée se finit dans la région des Hautes Terres, où le soleil se couche sur un paysage plus lunaire. Malheureusement, la route, au-delà, est fermée, depuis 2 jours. Rendez-vous manqué, car en général la fermeture ne se fait pas avant mi-Novembre, début Décembre...Pas de chance, et je dois abandonner mon projet d'atteindre la ville fantôme de Bodie, et le lac Mono...

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La bonne nouvelle du week-end: aux Etats-Unis, on passe à l'heure d'hiver début Novembre ! (et le 5 cette année). What means: double ration d'heure supplémentaire de sommeil pour moi (et oui, j'ai bien réalisé que j'allais tout perdre en rentrant en Europe...)

Je prends la route de bonne heure en direction de Sequoia, c'est un endroit assez isolé, et c'est sympa car on passe par des axes assez tranquilles dans l'arrière pays...

Aux Etats-Unis, cette route est classée dans les "Scenic Roads", les routes remarquables, et c'est vrai que c'est très beau:

Arrêt à la station-service, plus sympa que chez Esso

Et me voici à Sequoia: cet endroit présente des conditions géologiques et climatiques très particulières, qui font que c'est à cet endroit du monde que ces arbres atteignent leur taille maximale, et que l'on trouve donc les plus grands organismes vivants du monde!

Bon, le problème, c'est que quoi qu'on fasse, un séquoia géant, ça ne rentre jamais vraiment dans la photo (donc j'imagine que vu comme ça, on se dit "Bon, c'est juste des arbres..."). Mais faites-moi confiance, on se sent vraiment tout tout petit à côté... Une photo pour avoir une idée de l'échelle (on dirait que le van est un petit jouet à coté...):

Il y aussi des arbres tombés par terre dans lesquels on peut marcher, et une cabane datant de 1872 (personnellement, elle m'a fait surtout penser à la cabane de l'horreur dans le film Evil Dead, pour ceux qui connaissent...)

Le parc offre des points de vues splendides:

Du coup, à force de m'arrêter pour profiter du paysage, je me fais surprendre par la tombée de la nuit, dans des routes de montagnes très étroites et sinueuses. Petit schéma (simplifié) pour expliquer la situation: sur le croquis la route qu'il me reste à faire dans la nuit noire

C'est là que l'on fait appel à l'indéboulonnable optimisme du routard: "Ca pourrait être pire, il pourrait y avoir du brouillard..." (marche aussi avec : de la neige; des chutes de pierres; un feu de forêt; une avalanche...) Sauf que l'optimisme a quand même ses limites, et que quand un troupeau de daims déboule juste devant la voiture, on se dit que ça va, ça commence à bien faire... Mais qu'on se rassure, les petits animaux n'ont rien, ni la voiture (en même temps, à 15 miles/h ... moins de 25km/h...) Et puis maintenant j'ai vu des daims américains...


Je trouve enfin un diner et un petit motel sympa à la sortie du parc, dans un patelin appelé Three Rivers (donc j'imagine qu'il y a de l'eau, même si dans la nuit je ne la vois pas...)

Demain, longue route vers la Death Valley !

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Ce fut une journée étape, étape en l'occurence qui m'a emmenée du Parc Sequoia,Californie, au point de chute improbable que j'avais choisi ce matin, à savoir l'Atomic Inn de Beatty, Nevada...

Quand on fait un road trip, évidemment la route c'est un point essentiel du voyage. Pour moi qui aime conduire, ce n'est pas un problème, mais je craignais un peu de trouver cette journée fastidieuse, d'abord parce que j'avais presque 7 heures de conduite à faire, et aussi à cause du type de route, de la route toute droite, dans le désert...

Et bien en fait, j'ai trouvé ça vraiment super, sans ce côté ennuyeux que j'attendais, et j'ai vu des paysages si fabulous que je n'ai pas pu m'empêcher de garer la voiture régulièrement pour en profiter.

D'abord, j'ai eu le droit à mon premier champs de puits de pétrole:

Petit à petit, on s'enfonce dans le désert, et la civilisation disparaît progressivement:


Les routes s'étendent à l'infini, toute chose devient presque abstraite, c'est reposant et apaisant


Avant de rentrer dans la Vallée de la Mort, il faut passer une première vallée désertique, la Panamint Valley. Il n'y a rien, nada, que de la roche, rouge et brune, à l'infini... Quand j'arrive à cet endroit, le soleil commence à décliner, la nuit ici se couche tôt, à 17heures 30 il fait nuit noire.

L'avantage de voyager en cette saison ici, outre le fait d'échapper à la masse des touristes, c'est que l'on profite d'une lumière incroyable. Dans le désert, en été, toutes les couleurs sont écrasées. Mais en ce moment, on peut saisir, même en photos, les incroyables vibrations de l'air, on a le sentiment que l'on pourrait toucher ses couleurs...



Je traverse la Death Valley dans la nuit, la visite sera pour demain! Pour la nuit, j'ai opté pour l'Atomic Inn de Beatty, un petit motel sympa des années 50. Le thème de l'hôtel: les essais nucléaires américains qui eurent lieu non loin d'ici (928 en 40 ans, quand même!) et la proximité de la mystérieuse zone 51, bien connue des fans de X Files, mais qui apparaît dans un nombre incalculable de films (par exemple dans Independance Day, c'est là qu'est conservé le vaisseau extraterrestre...). Comme ça si je ne suis pas affecté par les radiations, je risque d'être enlevé par un ET !

Pour le diner, je trouve un petit resto saloon sympa, tout en bois. En fait, il s'agit d'un vieux bâtiment qui a été transporté ici après l'abandon de la ville de Chloryde, une ville fantôme de la ruée vers l'or, à quelques miles d'ici... A l'époque c'était un saloon et un bordel !


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Alors aujourd'hui j'ai fait pas mal de choses, donc ca va être un peu long, et aussi, il y aura beaucoup de photos, car je les trouve toutes si belles que j'ai du mal à choisir. Désolé pour ceux qui aiment aller vite...


Déjà, je dois dire qu'au départ, la Vallée de la Mort pour moi, c'était juste une étape en plus. J'étais content d'y passer mais ca s'arrêtait là. Sauf qu'au final, je suis tellement in love avec cet endroit que j'y passe encore une partie de la journée demain (car je veux en voir encore plus !)


Bon, commençons par le début! Déjà la Vallée, ça ressemble à ça:

Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'ici, c'est le wild du wild, la death de la death, le point le plus chaud du monde. "Toi qui entre ici, abandonne tout espoir !" Le plus grand parc des USA après l'Alaska, mais juste deux ou trois patelins dans cette immensité, et entendons nous bien, ca se résume à 6/7 bicoques en préfabriqué écrasées de soleil... Pas d'ombre, bien sûr. Des routes longues à l'infini, sur lesquelles tu as tout intérêt à utiliser le speed control, une fois que tu as appris que la vitesse est de loin la première cause de mortalité dans le coin...

Donc vendu comme ça, à priori ça ne fait pas rêver(en tout cas pas moi). Sauf qu'en fait, si... Détails de la journée:

Au petit matin, je quitte Beatty et son célèbre Atomic Inn Motel et sur les indications de la patronne, me rends à Rhyolite, une ville fantôme à portée de là. Il n'y a pas grand chose à voir, me dit-on, mais le site est joli. D'accord: Let's go...

Rhyolite est une ville qui eut une existence très brève. Née de la ruée vers l'or en 1905, elle grimpe rapidement à 8000 habitants, avant d'être abandonnée en 1911 (le dernier habitant meurt en 1924). Surestimation du filon d'or, et tremblement de terre de San Francisco, qui détourne définitivement tout investissement financier de la ville...

J'ai toujours trouvé ce genre d'endroit assez fascinant, cette vie grouillante et d'un coup plus rien... Ici, il y avait pourtant une gare, 50 Saloons, 3 banques, 4 barbiers, etc...

Un bâtiment bien conservé, c'est celui du Facteur Cheval local: sa maison est en tesson, son jardin aussi

Il y a une atmosphère particulière, désolée et jolie... D'ailleurs, l'endroit à servi pour le tournage d'une scène du film The Island (voir rhyolite The Island sur Youtube)


Puis direction Lesquite Flat Sand Dunes: tout d'un coup apparaît dans ce désert rocailleux, aux tons rouges et ocres, une large bande de sable blanc, la seule de toute la Vallée. C'est saisissant.

Le sable est d'une finesse extrême, c'est très agréable. Je ne résiste pas à enlever mes chaussures pour profiter de ce moment, car non, même pas peur de toutes les gentilles bestioles qui ne doivent pas manquer de traîner la-dedans (genre mygales, scorpions, serpents et autres fennecs...) Ha Ha !

D'ailleurs, les petites bébêtes ont laissé leurs traces:

Quand on voit les personnages dans les dunes dans le premier Star Wars, et bien, c'est ici que ce fut tourné.


Ensuite, je me rends à Stovepipe Wells pour le déjeuner. C'est... local...

Puis, je pars pour Salt Creek, un des rares endroits où, passé l'été, on peut trouver de l'eau, tellement salée que tout les abords du site sont blanchis:


Après ça, un petit arrêt à ce qu'il reste d'une des mines de Borax de la vallée, la mine d'Harmony.

On y employait essentiellement des chinois, payés 1$30 de la journée, moins le logement et la nourriture... Comme quoi ça ne date pas d'hier !


A présent, attention, les deux clous du spectacle. Le premier, c'est Zabriskie Point. Ces collines ondulantes, ravinées par les éléments, sont en fait les restes des dépôts au fond du lac qui existait ici il y a bien, bien longtemps:

Le Zabriskie Point du film éponyme d'Antonioni, et bien c'est ici! C'est vraiment magique, et en cette fin d'après midi, la lumière changeante ne cesse de modifier l'aspect et les reflets des roches


Mon coup de coeur total cependant, c'est la Dante's View. Il s'agit d'un des points les plus hauts de la vallée; de là, on en domine une grande partie

Je profite d'un long coucher de soleil sur cet endroit hors du monde: un instant d'éternité suspendue



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Ce matin, je sors le bout du nez de mon hotel casino perdu dans le désert


Et déjà je remarque bien que la journée s'annonce beaucoup plus chaude qu'hier (en revanche toutes les nuits il fait un froid de gueux...)

Evidemment on est quand même loin des températures estivales. C'est ici que fut enregistrée la température la plus élevée sur terre: 54°, pour un ressenti de 93° au sol. Mais alors justement, pourquoi est-ce qu'il fait si chaud ici? Et bien, la Death Valley, c'est en fait un rift: l'endroit précis où se brise la croûte terrestre, tandis que les deux côtés de la fracture s'écartent. Le rift chute entre les deux côtés qui elles s'élèvent. C'est pourquoi la Vallée de la Mort, qui possède le point le plus bas des Etats-Unis, n'est qu'à 125 kilomètres du Mont Whitney, qui lui en est le point le plus haut. Coincé entre deux chaînes de montagnes qui empêchent à peu près tout nuage d'arriver jusqu'à elle, la Death Valley voir son air emprisonné et tourner et retourner en se réchauffant encore davantage... Voilà voilà...

Du coup, la bonne idée de la journée, ce fut surement de commencer par la visite du Golden Canyon, qui nécessitait de gambader un peu, avant qu'il ne fasse trop chaud.

Dans les voyages, il y a toujours les gros spots touristiques qu'on ne peut pas manquer, et assez souvent c'est justifié. Mais j'ai remarqué aussi que ce sont souvent les visites imprévues ou moins attendues qui marquent davantage ou plus durablement. Ce fut le cas avec ce canyon; au départ, la gentille ranger du parc me dit "Ne manquez pas ça, c'est vraiment great!" Moi, pas convaincu "Ah?? Vous pensez?" (Le guide du Routard n'en parle même pas...) Mais je fais confiance aux Rangers d'une manière générale, car ils sont souvent super disponibles et sympa, donc...

Et bien, c'est une des plus belles choses que j'ai jamais vu! Magique, incroyable, irréel:

Donc, je circule dans ce long boyau plus ou moins étroit, et toutes les nuances du jaune, de l'or à l'ocre défilent. Et comme je m'arrête un instant, je prends conscience du silence qui règne ici. Un silence total, pas le moindre bruit! C'est encore plus surprenant.



Je reprends la route pour rejoindre The Artist's Drive: un petit amphithéâtre naturel, dont les pigments donnent à la roche des couleurs appuyées et variées


Cet endroit est un lieu touristique très connu et fréquenté. Je trouve ça beau, mais je suis encore sous le choc du canyon précédent et je passe assez vite à la suite. Enfin, encore faut-il retrouver où j'ai garé la voiture sur le parking...

Le Devil's Golf Course! Un ancien lac asséché, dont le fond de sel est déchiré et retourné par la chaleur et le vent!


Et ma dernière étape dans la Death Valley: Badwater! Et c'est ici qu'on touche le fond du fond: Badwater est le point le plus bas des USA!



Il s'agit du résidu d'un lac salé qui recouvrait l'endroit il y a bien longtemps. Pour la petite histoire, un pionnier remarquant la présence d'un peu d'eau à cet endroit s'y précipita pour y faire boire son âne. Mais la bonne bête devant le taux de salinité de l'eau refusa de boire: Too Bad !! Alors le pionnier nota sur sa carte, à cet endroit: Bad water (eau imbuvable). Et voilà!

Je marche un peu sur le sel, en regardant (les dernières victimes de la Death Valley) les crétins qui prennent des bains de soleil en plein midi sur un sol qui réverbère à mort, et je remonte dans mon carrosse. Ah et j'ai gouté le sel aussi, et c'était bon!

Mais là, je vis mon fond du fond à moi, mon Too Bad perso, la chose qui doit arriver une fois tout les dix ans ici: l'embouteillage de charrettes de Mormons!! 1 heure pour faire un demi-miles quand même!

Après ça, je peux enfin dire au revoir à la DV, que je traverse et quitte sur un coucher de soleil bien sympa

Un peu de route, et arrivée à Las Vegas pour la nuit avant de repartir plus au nord. J'ai choisi le Downtown de Vegas, la partie historique de la ville, où furent implantée les premiers casinos. C'est rétro, et ça c'est pas mal... Surement un peu moche, mais complètement délirant.



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Au départ, Valley of Fire était un point en suspens dans mon itinéraire, une étape entre parenthèse: peut-être, mais sans doute non... Un parc pas si grand, perdu dans un coin paumé du Nevada (le Nevada étant lui-même l'exemple type de l'état paumé des Etats-Unis)... Je n'étais pas sûr que ça en vaille vraiment la peine, l'idée première étant plutôt de quitter Las Vegas pour rejoindre directement le Parc de Zion, plus au Nord, dans l'Utah.

Mais voilà, dans les hotels de Las Vegas, on dort mal. Le bruit est partout, présent jusqu'à tard dans la nuit. D'ailleurs à LV, on vous offre des bouchons d'oreilles sur les tables de nuit... Alors avec un réveil plus tardif que d'habitude, je revois mes plans et me dit que plutôt que de foncer vers l'Utah pour y arriver en fin d'après-midi et n'avoir rien fait d'autre que rouler toute la journée, ce serait plus sympa de m'offrir le détour, Valley of Fire étant juste à une heure d'ici.

Le désert autour de Las Vegas est assez gris et terne, et puis après avoir roulé un peu, j'arrive aux prémisses des montagnes, grises elles aussi. Pour l'instant, rien ne laisse présager de ce que je vais trouver dans le parc.

Et puis, passé ce col, je roule encore juste un peu, et j'y suis.

Et même là, juste avant de descendre cette route, je ne me doutais pas que ce parc allait m'en mettre plein la vue... Dès le premier arrêt, j'ai droit à ça:


A plusieurs endroits du parc, on a retrouvé des pétroglyphes, vestiges de civilisations natives amérindiennes, dont on ne sait pas grand chose. On n'a d'ailleurs à ce jour pas de réelles connaissances sur leurs significations.

Les points de vues dans ce parc sont époustouflants, je gare la voiture toutes les 5 minutes

Une petite marche dans un petit canyon:

Puis une courte randonnée pour atteindre la Fire Wave, la Vague de Feu:

Sauf que ces photos vendent du rêve... Car en réalité, la Fire Wave, c'était comme ça:

Ca a failli être le coup de gueule de la journée. Cet instant où tu voudrais être seul au monde, ou au minimum entouré de gens capables d'apprécier un chouia le spectacle mais que non, tu as le droit à des photographes d'art et d'essai qui veulent impérativement immortaliser ce moment où ils ont fait semblant de faire du surf ici (ben oui, on est sur une vague ha ha ha...), aux beuglements des uns et des autres, et aux selfieurs qui refont 60 fois la même prise en espérant qu'il y en ait une de bonne...

Après ça heureusement, j'ai retrouvé un peu de sérénité en marchant dans la White Domes area, où on trouve encore un autre canyon

C'était très beau, et le jour commençait doucement à décliner...

Dernier point de vue sur la vallée, pour profiter du coucher de soleil avant de quitter le parc:

Je quitte le parc en me disant que ça aurait été vraiment dommage de ne pas consacrer une bonne demie journée à cet endroit, et qu'il faut savoir toujours se laisser surprendre.

On finit la journée sur une bonne route, pour dormir dans la région du parc Zion...

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L'Utah est un état un peu particulier, longtemps enclavé, à la fois très aride mais aussi avec des oasis de verdure (comme le parc de Zion). Il ne suit pas l'heure d'hiver (ce qui m'a valu de perdre une heure de ma journée), et surtout, 60% de sa population est mormone, et c'est pour ca que sa capitale, Salt Lake City, est connue mondialement comme la capitale des Mormons! D'ailleurs j'en ai déjà vu pas mal (le Mormon de campagne se remarque à son look vestimentaire...décalé).

Pour mes premiers pas dans l'Utah, le projet était de passer la journée dans le Parc de Zion. Ce sont les Mormons qui nommèrent l'endroit ainsi, en référence à ce royaume de Dieu qu'ils rêvaient d'établir sur Terre. Et il est exacte que ce Canyon encaissé, parcouru par une rivière qui le transforme en une vallée verdoyante, a des airs paradisiaques... Pendant longtemps extrêmement isolé et difficile d'accès -ce fut un des tout derniers endroits des Etats-Unis a être aménagé- cette partie de l'Utah fut d'ailleurs durablement occupée par les seuls Mormons et leurs descendants...


Le parc de Zion est surtout connu pour la richesse et la beauté de ses randonnées. D'ailleurs j'en avais repéré une petite, pas piquée des hannetons, sur laquelle on remontait un pic rocheux avec une partie en bord de falaise (mais sécurisée par une chaîne), puis parcours de l'arête rocheuse pour atteindre le sommet. J'avais juste besoin d'un peu de temps, c'est-à-dire 4 heures.

Mais voilà, dans le road-trip, c'est toujours difficile de tout prévoir, et parfois on est pas là au bon moment, ou les choses ne se passent pas comme on le souhaiterais, et ça fait partie du jeu. Je n'avais pas prévu par exemple ces travaux de voirie dans la petite bourgade précédant l'entrée du parc, qui ont créé un embouteillage monstre puisque l'on se trouve dans un canyon sans réelle possibilité de faire demi-tour... Je n'avais pas prévu que le plan remis à l'entrée du parc serait un peu flou et m'entrainerait sur une mauvaise route. Et que le manque d'infrastructures dans le parc finirait par m'agacer...

Ayant perdu trop de temps pour suivre ma première idée, je me rabats sur une randonnée plus courte (2 heures). Ca grimpe un peu quand même, et ca permet de se dégager quelques beaux panoramas de la vallée.

On emprunte des escaliers dans les rochers, on trouve de petites baignoires naturelles, on passe sous des cascades et les feuilles mortes sont trop jolies... C'est pas mal !!

La descente est sympa aussi

Résultat des courses, ce parc est un peu un rendez-vous manqué, mais ce que j'en ai vu est très beau, et dans un autre contexte j'aurais probablement pu en profiter davantage...


La nuit tombe à 17h00 / 17h30 ici, donc je choisis de sortir du parc, car je n'ai plus assez de temps pour partir sur un autre sentier (et surtout en revenir indemne dans la nuit noire). J'ai repéré une petite ville fantôme pas trop loin, le guide du routard n'est pas emphatique, mais moi je le sens bien, et je me lance sur sa piste. C'était une bonne idée, puisque c'est devenu la plus value de la journée!

Grafton est bien un village de pionniers, mais ceux-là ne viennent pas en 1862 chercher de l'or. Ils sont mormons, et s'installent ici pour y cultiver le coton et y élever un peu de bétail. On y arrive aujourd'hui depuis le bas de la vallée par un pont métallique hors d'âge .

Quelques maisons, cabanes et une église sont préservées et entretenues, disséminées dans une prairie entre montagnes et canyons...

Il y a une vraie poésie qui se dégage de cet endroit perdu et loin de tout... D'ailleurs, une mamie américaine locale et adorable, venue ici visiter avec ses petits enfants, semble assez interloquée qu'un français soit venu de si loin pour visiter Grafton !!! Mais moi je suis assez sensible à ce "petit patrimoine", loin des grands sentiers touristiques, et qu'il est souvent très enrichissant de découvrir...

Passage au cimetière, pour constater que 1866 fut "l'annus horribillis" de cette bourgade: 14 morts, 6 par diphtérie, 2 par scarlatine, 2 chutes de cheval, une mort inconnue... et 3 tués par les Indiens!

Le soleil se couche sur cet endroit magnifique, et il est temps de trouver un hôtel...

Ce soir j'ai décidé de me faire plaisir, et je pousse jusqu'à Kanab, le Little Hollywood de l'Utah. Aujourd'hui la bourgade est bien tranquille, mais dans les années 40/50, John Wayne, John Ford, Clint Eastwood, Ronald Reagan, Frank Sinatra et autres Lana Turner venaient dans ce lieu de tournage de moult westerns de la grande époque... Et ils dormaient alors au Parry Lodge, motel historique et iconique de la ville. Je ne pouvais pas résister...

Petit resto délicieux et retour au motel en passant devant les 2 églises, catholique et mormone!

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Hier, je vous ai parlé un peu de mon arrivée à Kanab, le "little Hollywood" de l'Utah, où se sont tournés la plupart des westerns des années 40/50 et par la suite pas mal de séries.

Déjà je dois dire que j'ai adoré le Parry Lodge, le motel où j'ai passé la nuit et dans lequel dormaient les stars du cinéma de ces grandes années. A la lumière du jour, ça avait encore plus de cachet:

Ma chambre était hyper confortable et j'ai dormi comme un bébé. Et dans la cour au milieu des lodges, il y a une vieille grange d'époque où en été on passe tous les soirs de vieux westerns. J'aurais adoré en voir un là dedans !

Partout dans les bâtiments, il y a des photos dédicacées, genre celle d'Ava Gardner qui en jetterait pas mal sur le mur de mon salon:

Comme j'étais bien sous le charme, j'ai décidé de faire un tour dans cette petite ville qui est vraiment très agréable. Mais bon, on était dimanche, et un weekend férié puisque le 11 c'était le Veteran Day, l'équivalent de l'Armistice, mais ici c'est vraiment très tourné vers le souvenir de ceux qui ont combattu... D'ailleurs certaines maisons étaient pavoisées:

J'ai quand même réussi à dégotter un petit musée ouvert, le Frontier Movie Town. En réalité, il s'agit de l'arrière-cour d'une boutique, mais qui présente une reconstitution d'un petit village du Far West, à partir des décors récupérés de certains tournages ayant eu lieu dans le coin!

C'est vraiment un bric à brac d'un peu de tout, il y a des boutiques, des saloons, des cabanes, et même un cimetière! C'est ringard, kitsch et funny, et donc indispensable dans mon road trip !

Et il y a aussi une prison dans laquelle gardien et prisonniers semblent être restés bien trop longtemps enfermés !!!

Après avoir ri un bon coup, je prends la route pour rejoindre le parc de Bryce: encore une fois une très belle route

Bryce Canyon est un des parcs préférés des américains, sans doute à cause de l'originalité de ses paysages. Il tient son nom des premiers colons - Mormons évidemment- qui s'installèrent là, Mary et Ebenezer Bryce, et qui ne s'imaginaient sans doute pas une telle postérité...

En réalité, il ne s'agit pas d'un canyon, et aucune rivière d'importance n'y coule. Bryce est un plateau calcaire soumis à une érosion très importante qui le creuse et le déchiquette en une armée de cheminées fantasmagoriques. En été il subit un phénomène climatique se rapprochant de la mousson, l'eau dévale alors en torrents de boue, et l'hiver le gel fait éclater ses roches.

L'ensemble forme un gigantesque amphithéâtre, dans lequel il faut descendre pour s'imprégner de la magie du lieu en se baladant entre les milliers de hoodoos (ce sont les noms des cheminées).

C'est donc parti pour une bonne marche très sportive: la descente n'est pas pour tout le monde. Amis du vertige, bonjour!

Parvenu en bas, on est à l'abri d'une forêt de pins qui poussent entre les hoodoos

Les habitants des lieux: de petits écureuils tigrés. Il y en a partout

La remontée est ... brutale. En chemin il y a même des arches de pierre

On peut observer de près l'effet de l'érosion


La pente est plus que raide: on se retourne et on se félicite d'en être venu à bout!

Arrivée au motel, pour une petite douche bien méritée, le tout dans un cadre 60' à souhait !

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Cette journée était principalement consacrée à la route, puisque je quittais l'Utah pour gagner l'Arizona où je vais passer quelques jours.

Mais je me suis rendu compte avant le départ que j'avais un peu sur-estimé la distance à parcourir, et du coup j'ai pu profiter un peu de la journée en prenant le temps de traîner ici et là.

Ce matin, petit-déjeuner dans la bourgade de Panguitch, où se trouvait mon motel. Note pour moi: Se souvenir qu'aux US quand tu commandes un pancake, on te ramène une pizza 8 personnes...

Panguitch a clairement connu des jours meilleurs et plus agités. Aujourd'hui les boutiques abandonnées ou à vendre sont légions...Quoiqu'il en soit, il flotte toujours dans la rue principale un petit air de FarWest...


Sur la route, j'ai vu quelques jolies maisons:


Avant de quitter l'Utah, je passe au bord du Grand Starcaise Escalante National Monument, un autre parc, gigantesque, mais que je n'ai pas visité: il faut faire des choix...

J'arrive en Arizona, destination Page, sur les bords du Lake Powell


La caution touristique du jour, ce sera le célèbre Horseshoe Bend, ce piton rocheux autour duquel vient se lover un méandre du fleuve Colorado.

C'est vertigineux, là encore. On se tient à flanc de falaise, car sinon le recul manque pour voir vraiment grand-chose... Comme souvent, aucun garde-fou. C'est une chose que j'ai remarqué ici, par rapport à la France, souvent on laisse le public se gérer tout seul, même sur des lieux où il y a toujours beaucoup de monde...

Cela dit, c'est très beau, et encore une fois, je suis là pour assister au coucher du soleil. De quoi faire des photos sympas...



Avant une bonne nuit au motel, un petit resto. Après tout le Mexique est juste à côté !

Pièce Jointe: sur une demande expresse de Monsieur Rameau-Crays, qui souhaiterait voir autre chose que mes pieds, un selfie !


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Page est une ville nouvelle perdue au fin fond de l'Arizona, isolée du reste du monde, et clairement plutôt sans intérêt... Avant les années 60, il n'y avait ici à peu près rien. Mais la construction d'un barrage dans ce paysage de canyons profonds où se prélassait le fleuve Colorado a changé la donne: en créant le deuxième plus grand lac artificiel des Etats-Unis, le barrage a suscité l'intérêt pour cet endroit, seul oasis de fraîcheur dans l'aridité brutale de ce désert. Page est donc devenue une sorte de base de loisirs pour tout les Etats alentours, en plus d'être un site énergétique important, puisque outre le barrage, il existe ici une centrale électrique à charbon...

Mais la première raison qui amène à Page les touristes du monde entier est une curiosité naturelle unique. La visite commence, et on nous préviens bien que :

Il est nécessaire de faire "attention aux inondations soudaines, aux serpents, aux araignées et aux scorpions" ! La visite risque d'être sympa... (je passe le commentaire sur " Surveiller vos enfants et chiens"...)

Vu de l'extérieur, on ne voit à peu près rien, sauf la fente d'un canyon qui affleure à peine du désert environnant

On descend dans le canyon par tout un réseau d'escaliers et d'échelles

Ce que l'on trouve ensuite est très surprenant et inattendu. L'Antelope Canyon (il y eu un temps où l'on trouvait ici des antilopes) a été creusé dans ce grès beige et orange rosé par l'eau et le vent. A l'intérieur, ce n'est plus qu'une succession de vagues de pierre aux nuances subtiles et sans cesse changeantes:

Les tons de la pierre évoluent et se modifient sans cesse en fonction de la luminosité, de la manière dont la lumière vient caresser la pierre, et des réglages de l'appareil...

C'est totalement sensuel et abstrait...

Les guides navajos (on est sur leur territoire ici) sont attentifs à tous et prennent volontiers des photos, malgré l'affluence


L'autre curiosité de Page est la conséquence inattendue du barrage: la réflection des eaux du lac sur les parois orangées des canyons est saisissante et esthétique...

Page n'a été qu'une étape assez rapide le long de mon trajet, dans l'après-midi je reprends la route, car ce soir je dors à Monument Valley!

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Quand j'étais à la fac, je suivais des cours de Filmologie, et mon prof qui était un fan absolu nous donnait régulièrement à étudier les films de John Ford: La prisonnière du désert, La chevauchée fantastique, Le massacre de Fort Apache... Alors pour moi, l'incarnation totale du Wild Wild West, elle est ici, à Monument Valley.

J'ai dormi dans l'hôtel historique de Monument, Le Goulding's Lodge. Il faut dire aussi qu'il n'y a pratiquement rien d'autre hormis Le View, l'hôtel Navajo, qui lui était full. Et la vue depuis ma chambre était assez potable...

Le Goulding's Lodge est bâti là où en 1928, deux pionniers, le couple Goulding, s'installèrent dans cette région où il n'y avait alors encore rien, pour y fonder un trading post, un poste de commerce. Ils furent acceptés par les Navajos qui vivaient là, et dont le mode de vie et la culture les captivaient. Aujourd'hui l'endroit ressemble à ça (et attention, ne régler pas vos écrans d'ordinateurs, de tablettes ou de portables, ils fonctionnent parfaitement bien, c'est mon appareil photo qui a rencontré quelques difficultés de réglages aujourd'hui, ce qui vous vaudra des clichés très ... hauts en couleurs variées et diverses!):

Harry et Mike (de son vrai prénom Léone) Goulding sont devenus un mythe tout comme cet endroit, car c'est grâce à eux que Monument Valley est devenu célèbre... En pleine Grande Dépression, les affaires s'effondrent et le couple décide de se rendre à Hollywood pour faire le siège du bureau de notre fameux réalisateur, John Ford . De guerre lasse, celui-ci les reçoit au bout de 3 jours. Les Goulding lui montrent des photos de Monument Valley, en expliquant qu'ils y possèdent un lodge et qu'ils peuvent donc y loger et y nourrir une équipe de tournage! Ford, emballé, décide aussitôt d'y tourner son prochain film, La chevauchée fantastique... Le premier d'une série d'une dizaine de films du réalisateur, qui forgeront la légende mondiale de Monument Valley!

Le trading post des Goulding existe toujours, en son état d'origine.

A l'étage, leur habitation, elle aussi conservée, et qui donne un aperçu touchant de la manière de vivre de ces pionniers américains du 20ème siècle

Après ça, en voiture pour un petit tour de piste autour des pitons de Monument !

D'ailleurs je ne m'étais jamais interrogé sur le pourquoi de ces curieuses formations rocheuses... J'ai donc maintenant l'explication: au départ il existait un immense plateau rocheux, qui s'est totalement érodé, sauf ces buttes disséminées dans l'immensité... (attention, on change de couleurs!!)

Sincèrement, au-delà de la charge mythique que le lieu possède je pense pour un peu tout le monde, il y a vraiment une intensité très forte dans cet endroit, et dans ces formations entourées de désert à perte de vue

Ensuite j'ai bougé pour aller . Oui là, à ce lieu précis marqué par l'histoire! Attention, grand jeu concours!: que s'est-il passé à cet endroit où je me tiens à mon tour?? Le gagnant se verra octroyer un lot incroyable, une barre Snickers Peanut Butter, totalement introuvable en France!! Hey Rameau-Crays, si tu veux tes friandises t'as intérêt à te remuer les méninges illico !

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Mouhaha...

Après tout ça, j'ai repris la voiture pour atteindre le Navajo National Monument. Il s'agit d'une curiosité archéologique dissimulée au fond d'un canyon sauvage

Vous ne voyez rien? Normal! On se rapproche...

Toujours pas? Ok encore un peu...

Voilà, là vous y êtes... Cet auvent naturel a abrité un des tout premiers peuples natifs connus ici, les Pueblos, que les Indiens Navajos, appellent dans leur langue "l'autre peuple ancien". On pense que les Pueblos se réfugiaient ici en période de guerre ou de sécheresse, le reste du temps ils vivaient dans des campements dans la plaine.

On a pu estimer que 100 à 130 personnes avaient vécues ici. Les poutres ont permis une datation très précise du site: environ 1250 apr JC, pour être abandonné moins de 40 ans plus tard. Un fait touchant: on a retrouvé beaucoup de victuailles stockées, les Pueblos ayant fait des réserves au cas où ils reviendraient ici un jour...

L'endroit est si bien caché qu'il a fallu attendre 1909 pour que les américains le découvrent à leur tour (puisque les indiens qui eux savaient depuis longtemps n'avaient rien dit...) !

Je laisse les Pueblos pour reprendre la route en direction de ma prochaine étape, le Grand Canyon, sous un ciel de feu!

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J'ai remarqué qu'en général, pour beaucoup de voyageurs qui ont visité l'Ouest Américain, le Grand Canyon est souvent LE souvenir phare de leur parcours, ou en tout cas un repère vraiment important, celui qui résume à lui seul leur voyage.


Et oui, c'est un site exceptionnel, et peut-être d'autant plus pour les européens car chez nous, il n'existe absolument rien de comparable. On est dans une démesure totale, gigantesque...

Mais sans doute pour cette raison, j'ai été moins touché par l'endroit que par d'autres sites que j'ai visité. Je suis content de l'avoir vu, attention , mais ce ne sera surement pas THE souvenir de mon voyage...


Déjà le ciel était couvert, le temps un peu brumeux, j'ai même eu quelques gouttes de pluie, les premières du voyage, et il faisait plutôt très froid car on est en altitude, et la neige ne va pas tarder à arriver ici. Dans l'Ouest américain, le soleil et la lumière sont des éléments importants pour apprécier les sites, ils modifient complètement le regard et la perception que l'on a d'eux...

Et aussi, il y a une certaine frustration dans le fait qu'il est impossible d'appréhender le site dans son ensemble, on ne peut en voir ni la fin, ni le fond, et finalement on ne voit qu'assez peu le colorado, ce qui est normal quand on sait qu'il passe quand même 1500 mètres plus bas !!

En fait, la bonne façon de visiter le Grand Canyon, c'est soit de le descendre par ses rapides, soit de faire la marche jusqu'en bas, et remonter ensuite. Dans les deux cas, il faut plus d'une journée! Mais si on manque de temps, on est condamné à le regarder du haut, des belvédères, et ce n'est probablement pas la meilleure manière de l'apprécier...

J'ai quand même fait un petit bout de chemin de randonnée, mais rien en comparaison de ce qu'il aurait fallu descendre!

Là encore des écureuils partout, mais cette fois encore différents que dans les autres parcs. Ici ils sont souvent plus gros. A Grand Canyon, il y a en moyenne 50 morsures d'écureuils par jour, les visiteurs essayent de les nourrir et oublient que ce sont des animaux sauvages, et qui véhiculent d'ailleurs pas mal de maladies...

Ce qui m'a vraiment intéressé, c'est d'apprendre le rôle joué par Mary Colter, que je ne connaissais pas, notamment à Grand Canyon. Elle fut une des rares femmes architectes et designers de son temps, et à l'inverse de la mode d'alors qui reproduisait le style européen, elle créa un style inspiré des cultures amérindiennes et locales, à la fois rustique et respectueux des sites de construction, au point même de paraître très organique: parfois on ne sait pas où finit le bâtiment et où commence le site... Son travail connut une grande répercussion, et fixa en partie le "style de l'ouest américain", et aujourd'hui toutes ses réalisations sont classées. Il a d'ailleurs donné le "la" des constructions dans tous les parcs américains: des bâtiments qui se fondent dans les sites, construits avec des matériaux et des styles locaux... Personnellement je trouve ça vraiment pas mal...

Encore quelques pas sur les hauteurs du canyon:

En partant, j'ai croisé des troupeaux entiers de cerfs et de chevreuils!

Je finis la journée avec un peu de route pour parvenir jusqu'à la bourgade de Flagstaff, sur la mythique route 66!

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Pour commencer la journée, un petit tour de la jolie cité de flagstaff. C'est une bourgade de montagne,perdue dans une immense forêt de pins, et à juste quelques miles d'ici, on retrouve le désert... En attendant, on est à 2300m, et aujourd'hui il fait très froid et il pleut.

C'est vraiment une cité agréable. Plantée sur la route 66, elle mélange à la fois l'architecture 50' et 60' avec ses motels et ses diners, et celle du far west de la ruée vers l'or, dont elle a gardé plusieurs bâtiments. C'est une ville étudiante, et l'atmosphère est sympa...

Après avoir fait une promenade dans le centre ville, je me suis rendu à quelques kilomètres de là, dans un parc très peu connu et fréquenté, le Sunset Crater Volcano National Monument.

Et encore une fois, cet endroit est la preuve qu'il faut impérativement savoir sortir des grands axes touristiques et se laisser aller à la curiosité... J'ai adoré ce lieu, et j'en suis sorti si enthousiasmé que j'y retourne demain pour pouvoir y randonner plus longuement!

On est sur le site d'un volcan dont les dernières éruptions, aux XIème et XIIème siècles ont laissé d'importantes coulées de lave qui permettent d'imaginer l'importance du cataclysme.

Un ranger est venu discuter avec moi et me conseiller des itinéraires qui étaient vraiment fabuleux. Il m'explique qu'on pense que dans les siècles à venir, le volcan va se réveiller, et là, il me dit très sérieusement: "N'hésitez pas, revenez dans 2 ou 3000 ans, le paysage aura totalement changé !"


On déambule entre les énormes coulées, et on passe près des pentes du volcan, constituées de cendres si fine que l'on croirait marcher sur une neige noire!

C'est un lieu assez irréel et très poétique, je pense qu'on accroche ou qu'on déteste, car il y flotte une certaine nostalgie... J'ai croisé très peu de monde, et se promener presque seul ici renforçait encore cette impression.

Contigüe au cratère, il y a un autre parc, le Wupatki National Monument.

En quelques kilomètres, l'environnement change complètement, on est en bordure du désert, là où sont venues mourir les coulées de l'éruption. Sur le site, on trouve les vestiges de plusieurs villages et habitations des anciens Pueblos, dont descendent certaines ethnies indiennes. On pense que l'éruption les a chassés et obligés à s'installer ici, très peu de temps après.

Le désert tout autour est vraiment très beau.

En toile de fond, on aperçoit un autre site sublime, le Painted Desert. Ce sont les pigments du sable qui lui donne ces incroyables nuances...

Fin d'une journée esthétiquement forte et retour à Flagstaff pour la nuit, dans un cadre 70' cette fois !

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Tout ce week end, j'ai prévu de parcourir une portion de la Route 66, en gros celle qui part de Flagstaff et me permet de remonter ensuite vers Las Vegas. Ce n'est pas une très grande section de la route, mais ça me permet de m'arrêter dans les patelins traversés et de prendre un peu mon temps.

Cependant, comme je l'avais prévu hier, je suis retourné après un réveil très matinal en direction du parc de Sunset Crater. Auparavant, j'en ai profité pour visiter un autre site sur la même route, le Walnut Canyon National Monument. Il s'agit d'un canyon relativement étroit et en à pic, dans lequel on a retrouvé les habitations troglodytes des indiens Sinaguas, dont l'actuelle ethnie indienne Hopi descend.

En suivant un chemin qui contourne un piton rocheux, on peut s'approcher de certains vestiges de ces habitations, ou contempler celles se trouvant sur les parois opposées.

Là encore, on estime que c'est l'éruption du volcan tout proche qui a obligé ces populations à s'installer dans ces canyons et faire peur d'imagination et d'audace pour inventer de nouvelles formes d'habitats.

Je suis donc ensuite retourné sur les pentes du volcan, pour une randonnée autour d'un cône volcanique. Après avoir dépassé les coulées de lave gigantesques et cataclysmiques, je déambule sur une surface soyeuse de cendres, sur laquelle bon gré mal gré s'est implantée une forêt de pins.

Retour au volant, avec une première étape à Williams. On joue ici à fond la carte touristique de la Road 66, mais là encore, le mélange de bâtiments 50' 60' et Old West est vraiment chouette.

Au crépuscule, la 66 est bien tranquille, et m'emmène pépère vers ma prochaine étape

Je passe la nuit à Seligman, un bled perdu au milieu de nul part, se résumant principalement à une rue sur laquelle alternent boutiques de souvenirs dédiées à The Road, et motels d'un autre âge, et bien sûr une station service. Un peu d'Amérique (vraiment) profonde...

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"La Mère de toutes les routes", disent les américains... Aujourd'hui j'en ai parcouru quelques centaines de kilomètres - pardon de miles - et c'est trop peu pour résumer ce qu'elle est dans son ensemble, mais assez pour donner un aperçu de ce que moi j'en ai vu...

Ma Road 66, c'est:

  • une belle route qui traverse de beaux paysages, parfois toute droite et filant vers l'horizon, parfois dessinant des lacets vertigineux...
  • une route avec des dinosaures tout rouillés ou vert menthe qui font même pas peur aux oiseaux (et des vieux camions de pompiers à côté)...
  • une route avec des vieux diners plus ou moins kitsch au bord, et ça c'est cool...
  • une route avec de belles voitures dessus (et des motos, évidemment), et de vieilles carlingues toutes pourries sur les côtés (et un drapeau pirate)...
  • Une route avec des bébés Road-Runner dessus. Et si vous pensez ne pas savoir ce que c'est, he ben en fait vous savez: un Road-Runner, c'est l'oiseau Bip-Bip des dessins animés Tex Avery ! Je suis d'accord, comme ça, ça saute pas tout de suite aux yeux, et pourtant... On les appelle Road-Runner parce qu'ils se déplacent plutôt en marchant qu'en volant, avec une démarche assez caractéristique, et qu'ils adorent courir après les voitures. Sympas, mais un peu cons...
  • une route avec de vieilles villes du temps de la Ruée vers l'Or près de mines abandonnées... Quant on a abandonné les mines, on a aussi rendu abandonné les ânes, dont les descendants se baladent maintenant tout naturellement en liberté dans les rues...
  • une route sur laquelle il y a l'hôtel perdu au milieu de nul part dans lequel Clark Gable et Carole Lombard ont passé leur nuit de noce. Même qu'il y a encore leur chambre et pleins de dollars accrochés partout sur les murs et aux plafonds...
  • une route sur laquelle tu trouves des villes fantômes, sauf que tu t'aperçois que les maisons sont habitées, et que là tu sais que t'es vraiment dans l'Amérique profonde...

Voilà, ma route 66 c'est un peu tout et son contraire, du beau et du laid, du rutilant et du déglingué, beaucoup d'histoire, d'histoires et de nostalgie... Cette route résume pas mal de choses de l'Amérique, et c'est probablement ce qui la rend aussi importante...

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Que fait-on à Las Vegas quand on n'a pas la passion du jeu? On se balade sur le Strip, principalement pour rire un bon coup en admirant le patrimoine mondial vu sous l'oeil américain...

  • Le Caesar Palace: Un résumé de l'Empire dans un bâtiment gigantesque... Finalement assez réussi dans son côté kitsch.
  • Le Paris-Las Vegas: dans les grandes lignes, plutôt respectueux du modèle original, pour le coup. Dans les galeries marchandes, on arpente les rues d'un Paris tel qu'on le rêve outre Atlantique.
  • Le Planet Hollywood: inspiration décor de cinéma, bien sûr !
  • Le New-york New-york: Avec une montagne russe qui passe entre la statue de la Liberté et les buildings.
  • L'Excalibur: Las Vegas a son château de béton-pâte !
  • Le Louxor: Je le trouvais affreux avant de l'avoir vu, et c'est toujours le cas!
  • Le Bellagio: Sans doute l'hôtel le plus raffiné, et le moins "artificiel". Avec son célèbre (et impressionnant) jeu de fontaines

Et enfin:

  • Le Venetian: Délirant et démesuré. Le tour de gondole sur le Grand Canal coûte 150$ (de mémoire plus cher que sur le vrai !!)
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Après une journée hier passée en grande partie en transit par l'aéroport et écourtée de 2 heures de décalage horaire, j'ai fait mes premiers pas aujourd'hui à La Nouvelle Orléans, "The Big Easy". Historiquement, ce surnom vient du fait qu'à la création de la colonie par les français en 1718, il n'y eu durablement pas de réelles structures sociales, religieuses ou politiques, d'où un sentiment relatif de liberté plus importante que partout ailleurs. La mixité avec une forte population amérindienne aux moeurs réputés beaucoup plus libre joua aussi un rôle. Aujourd'hui, ce surnom évoque surtout l'atmosphère chaleureuse et bruyante de la ville...

J'ai surtout fait un petit tour dans le Quartier Français, Le Vieux Carré, car d'abord, j'étais un peu patraque, et ensuite, c'était aujourd'hui le jeudi de Thanksgiving et presque tout les musées étaient fermés.

J'ai quand même pu visiter le Musée du Vaudou, qui consiste surtout en un énorme bric-à-brac d'autels et de talismans, mais qui permet d'avoir une première approche de l'univers de cette religion qui s'est installée ici par la traite des Noirs, et reste importante. Ca m'a permis d'apprendre divers choses plus ou moins utiles, comme à recycler mes pattes de poulet, ou à réagir en cas d'apocalypse de zombies.

Du coup, pour votre gouverne, et parce que ça peut toujours être utile, sachez qu'au cas où vous doutiez d'avoir affaire à une attaque de zombie, on peut facilement en reconnaître un, car les pieds d'un zombie ne touchent jamais le sol ! Encore plus utile: si on donne à manger du sel à un zombie, il comprend qu'il est mort et qu'il doit aller faire dodo dans sa tombe. En revanche, aucune info sur comment faire manger du sel à un zombie, donc j'imagine que tu lui sers ton voisin tout cru-salé...

PS: maintenant je sais comment faire une poupée vaudou

PS bis: pensez bien à mes cadeaux de Noël, merci...

Après ça, je suis passé voir l'ancienne demeure de Marie Laveau. Elle était au 19ème siècle la plus grande prêtresse vaudou de La Nouvelle Orléans et sa renommée et son culte demeure jusqu'à aujourd'hui (@Alexandra: elle est un des personnages dans une saison de American Horror Story). C'est maintenant une boutique vendant tout le nécessaire pour préparer ses petites recettes vaudous...

L'architecture du quartier est splendide, bien qu'à mes yeux beaucoup plus andalouse que française, mais il faut dire que la première ville française a disparu en grande partie dans un immense incendie, et que les espagnols ont occupé ensuite la ville avant que le retour des français...


En tout cas, c'est vraiment un quartier très agréable, très différent des quartiers touristiques des autres villes américaines, l'ambiance y est plus relax et la musique omniprésente. A la nuit tombante, les bâtiments bas, l'éclairage parcimonieux et souvent distribué par des lampes à gaz, donnent aux rues une atmosphère chaude et intime...

Pour finir, quelques photos du Bayou Saint Jean, le quartier dans lequel je réside:

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Après avoir enfin trouvé un coiffeur et fait quelques courses, je suis parti en début d'après-midi faire un tour dans le quartier de Garden District.

Ce quartier est né de la "colonisation" américaine. Lorsqu'ils s'installent à La Nouvelle Orléans au 19ème siècle, les riches immigrants anglo-saxons, ou ceux qui font fortune dans le marché du coton, font construire ici de fastueuses demeures d'avant la guerre de Sécession, dans un style souvent italianisant ou néo-grec. En effet, à cette époque, le Vieux Carré, le "French Quarter", est celui des riches familles créoles, et il est impensable pour les anglophones de s'y installer. Entre les deux quartiers s'établit une frontière géographique et raciale...

Construites aux milieux de grands terrains, elles sont souvent précédées d'un jardin en façade...

Assez souvent, le plafond de l'auvent est peint en bleu ciel: il s'agit d'un trompe-l'oeil destiné à donner aux abeilles l'illusion du ciel et éviter qu'elles n'y établissent leurs nids...

On trouve régulièrement devant les maisons de grands blocs de marbre et des attaches. Elles étaient destinées aux calèches: on attachait les chevaux, et les passagers pouvaient confortablement descendre grâce à ces marches.

Evidemment, ce quartier a de tout temps été très prisé. On y trouve donc plusieurs demeures historiques, comme celle de Mark Twain, auteur des Aventures de Tom Sawyer et des Aventures de Huckleberry Finn:

ou celle de Jefferson Davis, l'unique président des Etats confédérés:

Et bien sûr les maisons de pas mal d'acteurs ou d'actrices, mais aussi, ça va de soi, celle d'Anne Rice, l'auteur d'Entretiens avec un vampire, qui se passe...à La Nouvelle Orléans!

C'est vraiment une belle balade architecturale, parmi les chênes séculaires

Et puis, sur les abords immédiats du quartier, il y a des maisons plus modestes, mais vraiment pleines de charme:

Je veux le même auvent chez moi à Paris !!!

Demain, visite plus confidentielle du Vieux Carré et du quartier de Tremé. Accompagné d'un guide, je vais pénétrer dans les cours, les arrières-boutiques et les petits secrets de ces quartiers de NOLA!

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Comme indiqué hier, j'avais réservé pour ce samedi des places pour deux visites guidées, l'une du Vieux Carré et l'autre du quartier de Tremé.

Au vieux Carré, la visite a commencé dans le jardin du Père Antoine, juste derrière la cathédrale Saint-Louis, duquel les botanistes envoyaient des spécimens destinés à enrichir les collections du Jardin des Plantes à Paris. Très abimé par l'ouragan Katrina, il a été replanté après des recherches dans les archives du Muséum d'Histoire Naturelle de Paris par les paysagistes du Château de Versailles!

On se dirige ensuite vers la Pharmacie Française. Conservée dans son état d'origine, elle fut la première pharmacie créée en Amérique du Nord, en 1823. Son propriétaire doutant parfois de l'efficacité de certains des remèdes de l'époque, travaillait en étroite collaboration avec une prêtresse vaudou afin de fournir en sus d'étranges potions aux effets hallucinogènes et avec les tribus indiennes locales pour se fournir des sirops d'opium...

Adjoint à la boutique existe un petit patio dans lequel le pharmacien cultivait ses plantes...

Pour la petite anecdote, le fondateur et propriétaire de cette pharmacie portait le nom de Louis Joseph Dufilho. Ce gascon d'origine descendait déjà lui-même d'une lignée de pharmacien, qui se perpétua encore durablement après lui...jusqu'à ce qu'un de ses descendants décide de rompre avec cet avenir tout tracé pour devenir...acteur. Il s'appelait Jacques Dufilho...

Nous passons ensuite dans l'arrière cour d'une propriété élégante du Vieux Carré, pour visiter le patio d'inspiration andalouse. Sa structure est conforme à celle pratiquée à l'époque: une maison élégante côté rue, un patio intime derrière, et tout au fond le logement pour les esclaves. Evidemment celui-ci devait à l'époque être bien moins luxueux qu'aujourd'hui!

Direction ensuite le Saint Louis Cemetery n°1, le plus ancien cimetière de la ville, créé en 1789. Avant sa création, les colons eurent d'abord l'idée toute simple d'enterrer leurs morts dans la terre. Mais ils finirent par s'apercevoir qu'en période d'inondation, sur le site marécageux de La Nouvelle Orléans, les cercueils avaient une fâcheuse tendance à venir flotter au milieu des rues! Evidemment, cela faisait un peu désordre et ils résolurent de concevoir des tombes hors-sol pour résoudre le problème, solution qui se pratique toujours aujourd'hui!

On y trouve la tombe de plusieurs célébrités de l'époque, dont celle de Marie Laveau et d'autres personnalités reconnues pour leur pratique du vaudou. Aujourd'hui, pour éviter les dégradations, le cimetière n'est plus ouvert qu'aux visites guidées, mais auparavant, un culte intense se pratiquait sur ces tombes: pour faire sa demande, tracer 3 croix sur la tombe, prier le défunt et taper 3 fois le caveau... Il est conseillé de laisser une offrande, notamment cigare et rhum (ai-je dit que NOLA était la plus caribéenne des villes d'Amérique du Nord?)

Une petite curiosité: Nicolas Cage, amoureux de la ville, s'y est fait construire sa tombe... qui bien que vide est régulièrement ornée du rouge à lèvres de ses admiratrices!

Puis une partie de l'après-midi est consacrée à la visite du quartier de Tremé. Tout proche du Vieux Carré, celui-ci est pourtant peu visité, car il a connu pendant de longues années d'importants problèmes d'insécurité dus à la pauvreté et au trafic de drogue. Il a de plus relativement souffert de l'ouragan Katrina, même s'il n'a pas connu d'inondation. D'ailleurs les fonds dégagés par cette visite guidée sont pour moitié reversées aux associations du quartier...

Aux yeux de la communauté noire et de l'histoire de la ville, c'est pourtant un lieu important. C'est en effet le plus ancien quartier afro-américain des Etats-Unis. Mais aussi, c'est ici qu'est né le Jazz, et nombre de grands musiciens en sont originaires, dont Louis Armstrong.

D'ailleurs, je ne le savais pas, mais Armstrong ici a plutôt une image assez négative dans la population noire, car il n'a jamais vraiment voulu prendre parti de manière très claire dans la lutte pour les droits civiques. Il est avéré cependant qu'il fut un des grands soutiens financiers des activistes, et notamment Martin Luther King. Quoi qu'il en soit, il refusa d'être enterré à La Nouvelle Orléans, lui préférant New-York...

Quelques maisons portent encore les séquelles de l'ouragan

Mais les habitants historiques du quartier connaissent depuis Katrina un nouveau problème: après l'ouragan, beaucoup durent vendre leurs habitations pour une bouchée de pain. Aujourd'hui retapées, ces habitations ont pris une valeur 7 à 10 fois supérieure, une nouvelle population s'installe, entraînant la gentrification du voisinage, et chassant les habitants plus pauvres...

En contrepartie, cela a permis de sauver de nombreuses maisons, et de restaurer leur beauté initiale...

Après cette visite, j'ai marché un peu dans le Faubourg Marigny, tout proche, mais plus bourgeois et trendy...

Petit regard sur le Mississippi:

Et un passage devant la maison de l'horreur de NOLA, la Mansion Lalaurie. Delphine Lalaurie était une créole richissime qui menait grand train et organisait des réceptions fastueuses dans sa propriété. C'était donc un personnage éminent et très apprécié. Mais suite à un incendie, on découvrit dans son grenier plusieurs esclaves déjà morts ou toujours en vie, victimes d'expériences cruelles et effroyables... Or la Louisiane bénéficiait du Code Noire, exception française, qui interdisait les violences sur les esclaves. Delphine Lalaurie prit la fuite et mourut à Paris. On pense qu'elle aurait fait près d'une centaine de victimes... Pour info, la maison a appartenu quelques années au même Nicolas Cage, qui refusa toujours d'y habiter déclarant que la propriété était hantée, et du s'en débarrasser pour cause de divorce ruineux !

Pour finir cette riche journée, je pars écouter un concert au Preservation Hall, haut lieu du Jazz à La Nouvelle Orléans!

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Pour ma dernière journée à La Nouvelle Orléans avant de partir demain sur la route des plantations, j'ai juste fais quelques pas ici et là. Il faut dire que je traîne un gros rhume depuis mon arrivée ici, la faute probablement aux clims omniprésentes dans ce pays, et que les deux derniers jours ont été un peu difficiles...

J'ai quand même pu visiter les deux musées du quartier français, un consacré à l'histoire de la Louisiane, le Cabildo, et l'autre, le Presbytere, présentant des expositions consacrées à la tradition du Mardi Gras à NOLA et à l'ouragan Katrina. Plus ou moins intéressant, et pas de photos, les scénographies et présentations ne s'y prêtant pas...

En sortant de ces musées, j'ai enfin trouvé la St Louis Cathedral ouverte. Il faut dire que les horaires d'ouverture de nombre de bâtiments à la Nouvelle Orléans sont assez abscons... Ajoutons d'ailleurs à ça que d'une manière générale, les bâtiments religieux aux Etats-Unis sont la plupart du temps fermés... Bref, j'ai profité de la fin de messe pour me ruer à l'intérieur... Assez simple, et plutôt épurée...

Quelques pas plus loin, j'arrive à la Meurieult House, qui présente des expositions temporaires liées à l'histoire de la ville.

La Madame John's Legacy House était ouverte (alors qu'elle aurait dû être fermée, mais ouverte les jours d'avant où elle était close ?!?). C'est plutôt une coquille vide, qui ne sert pas réellement d'espace d'exposition, mais sa particularité est d'être une des rares maisons permettant de visualiser ce qu'était l'architecture coloniale française en Louisiane. En effet, elle échappa à l'immense incendie de 1788 qui détruisit 80% de la ville française, et à celui de 1794 qui détruisit encore une grande partie de ce qu'il en restait... Eh oui, en réalité, l'architecture du quartier français est...espagnole !

Les balcons donnant sur la rue avaient une fonction de socialisation... Tous les grands planteurs avaient leurs résidences d'hiver au Vieux Carré, et un mariage pouvait très bien commencer par un regard jeté à un balcon...

Pour autant, les garçons vivaient souvent dans des garçonnières séparées de la maison, et situées dans leurs cours...

Je n'ai malheureusement pas pu visiter une propriété que je désirais vraiment voir, la Beauregard Keyes House, fermée durant tout mon séjour pour cause de pont de Thanksgiving... Il faudra se contenter d'une vue sur le jardin...

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Départ matinal ce matin pour récupérer ma voiture de location. Après avoir tenté de me vendre toutes les options possibles et imaginables, l'employée de Hertz essaie de me facturer 300 $ de plus que prévu sur ma note de 200, sous prétexte que j'arrive avec 25 min de retard... Mauvaise idée, faut vraiment, mais alors vraiment pas me mettre de mauvais poil au saut du lit...

Une fois installé dans mon carrosse si chèrement défendu, je prends la direction de ce que l'on appelle la Route des Plantations, qui désigne la voie longeant le Mississippi. Autrefois, toutes les plantations donnaient sur le fleuve, qui était la seule véritable voie de communication effective, et donc essentielle au business.

Le premier arrêt est la Plantation San Francisco, une propriété colorée et très ornée, affublée de 2 curieux châteaux d'eau... Les temps changent et ne se ressemblent pas: ce qui était autrefois une immense propriété a été démantelée il y a bien longtemps, et est à présent cernée d'installations pétrolifères ! Sue Ellen a remplacé Scarlett O'Hara...

Malheureusement, il est interdit de prendre des photos à l'intérieur. C'est dommage, car le nom de la propriété vient de la restauration opérée par la femme d'un des propriétaires, si fastueuse que la rumeur dit qu'elle avait laissé son époux "sans frusquin", sans un sou, ensuite déformé en San Francisco...

je n'ai pas forcément été transporté par les intérieurs, qui accumulent sans compter les faux marbres, faux bois, et autres putti d'un goût discutable, mais je dois dire que j'étais accaparé par le spectacle de cette guide en jupe d'époque et haut de fitness (!) qui débita pendant 45 min de façon parfaitement mécanique, impersonnelle et sans la moindre interaction, un texte appris par coeur devant la foule nombreuse, constitué en l'occurence d'une visiteuse mutique et de moi-même...

Pour finir la visite, un coup d'oeil sur un baraquement d'esclaves, ramené ici d'une autre plantation...

Je me suis rendu ensuite à la Laura Plantation, dont j'avais beaucoup entendu parlé, et qui est une des plus intéressante à visiter, sinon la plus spectaculaire...

C'est un des plus beaux exemples de la culture créole en Louisiane. En Louisiane, le terme "créole" possédait un sens particulier, et différent du terme créole habituel qui désigne d'abord une culture centrée sur une langue . En Louisiane, les créoles étaient les descendants des colons français et espagnols, nés sur la colonie par opposition à l'ancien continent, et parlant le français. Quand les américains arrivèrent en Louisiane, qui était alors l'état le plus riche et le plus distingué d'Amérique du Nord, les habitants locaux furent si horrifiés par ces gens qu'ils trouvaient incultes et parfaitement vulgaires, qu'ils prirent l'habitude de définir par "créole" toute population même noire et métisse, parlant le français par opposition à ces crétins d'américains qui n'y comprenaient mot, et n'avaient aucune éducation !!!

Il y avait une visite en français, donc j'avais sauté sur l'occasion. L'anecdote rigolote, c'est que la guide et moi, nous nous jetions des regards du coin de l'oeil, persuadés tous les deux que nous nous étions déjà rencontrés quelque part, et cherchant, cherchant... Et bien oui! On avait fait ensemble, tous les deux comme visiteurs, la visite du quartier de Tremé à La Nouvelle Orléans ce dernier samedi !

La visite était vraiment passionnante, l'histoire de la propriété est d'ailleurs assez épique. Elle fut essentiellement dirigée par des femmes, les hommes de la famille ayant tendance à mourir jeune ou sans descendance masculine. Le parcours est axé sur cette saga familiale, et pour le coup, on est vraiment dans "Dallllaaass, ton univers impitoyable...", ces dames ayant en plus une grande tendance à se détester entre elles et se faire les pires crasses.

Mais également, l'intérêt de cette propriété est que la vie quotidienne en est très bien connue, grâce à cette femme, Laura Locoul, une des héritières du domaine, d'une des familles les plus importantes de La Nouvelle Orléans, qui a donné son nom à la plantation:

Née en 1861, sous Abraham Lincoln et quelques mois avant le début de la Guerre de Sécession, elle vécut 103 ans et mourut en 1963, quelques mois avant l'assassinat de Kennedy. Un jour, dans les années 40, ses petites filles lui amènent un livre d'un auteur inconnu, Margaret Mitchell, intitulé... "Autant en emporte le vent..." ! Les enfants la pressant de questions pour savoir si sa vie avait été la même que celle du personnage du roman, elle décide alors d'écrire ses mémoires, laissant nombre d'anecdotes détaillées et riches sur la vie de cette époque...

Ecoeurée par l'ambiance familiale, et prenant conscience devenue jeune femme de la réalité de l'esclavage, elle décide rapidement de se séparer de la propriété...

On visite ensuite le quartier des esclaves, qui est réellement celui d'origine et un des rares sauvegardés. La guide développe de façon très intéressante la transition entre l'avant et l'après guerre de Sécession, expliquant que l'esclavage physique avait fait place à un esclavage économique: en effet, on décida de payer les nouveaux "travailleurs", qui n'avaient pas de réelles opportunités de trouver un nouveau emploi ailleurs, en bons utilisables et échangeables uniquement dans les magasins des propriétés, dans lesquels se pratiquaient des prix fixés librement par les planteurs, qui faisaient par ailleurs en sorte que les anciens esclaves s'endettent le plus possible...

Et désignant alors un camp de caravanes siégeant sur les côtés de la propriété, elle nous explique que ce sont en grande partie les descendants des esclaves de l'époque qui vivent là aujourd'hui, peinant toujours à sortir de la misère...

La visite se finit sur une note plus légère, en visitant le jardin "à la française", quoique planté d'essences locales!

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Une autre journée sur la Route des Plantations...

J'ai débuté la matinée avec LA superstar des plantations, la très célèbre Oak Alley.

Déjà connue pour son allée de chênes tricentenaires s'étendant de la bâtisse jusqu'au Mississippi, une variété à feuilles persistantes, la plantation est devenue culte après que le tournage du film "Entretien avec un vampire", dans laquelle elle figure la propriété du vampire Louis, joué par Brad Pitt. Aujourd'hui la villa de style néo-grec symbolise tout le faste et l'exubérance des anciennes plantations.

On fait la visite avec une guide habillée de crinolines, au milieu d'un mobilier de style Louis-Philippe, très en vogue chez les créoles de la période antebellum...

Dans la salle à manger, un éventail au-dessus de la table permettait d'oublier l'air étouffant des étés de Louisiane. Ne fonctionne qu'avec un esclave...

On passe à l'étage, la maison est joliment meublée. C'est grand, mais on est loin d' "Autant en emporte le vent"...

Mention spéciale pour la suite parentale...

Un coup d'oeil dans la chambre des filles... Dans les familles de planteurs créoles, dès qu'ils devenaient adolescents, il était impensable que les jeunes garçons puissent être élevés avec les filles. Ils dormaient donc dans des "garçonnières" (en français dans le texte) construites sur les côtés de la maison...

On passe ensuite sur la galerie extérieure, donnant sur la fameuse allée, avant de gagner les jardins...

Auparavant, toutes les propriétés de planteurs avaient une vue directe sur le Mississippi; maintenant, une digue construite pour contrer les inondations bouche la vue... Mais une fois passée la digue, on trouve un beau bateau à aubes qui fait une escale à la plantation:

Petite promenade dans les jardins avant de voir le quartier des esclaves:

Clairement, la visite guidée ne s'appesantit pas sur les conditions de vie des esclaves, pour développer de préférences les relations et les aspects financiers de la vie de la famille propriétaire. Cependant, au quartier des esclaves, une exposition plutôt bien faîte quoique un peu succincte évoque assez efficacement le sujet.

Après cette visite, je me suis rendu un peu plus haut sur le fleuve pour visiter la Houmas House, une propriété toute aussi luxueuse.

Mais voilà, à la Houmas House, on était déjà passé à l'heure de Noël ! Et là, il faut expliquer un truc que j'ai remarqué en Amérique, c'est qu'avec la déco, les américains ont souvent du mal à doser. Par exemple, si la maîtresse de maison aime les fleurs, il y aura des papiers peints et des tissus et des coussins à fleurs partout! Un peu comme le drapeau national qui flotte presque sur toutes les maisons. Alors à la Houmas, on avait pas fait non plus les choses à moitié:

Bon en fait, au moment de la visite, mon propos était plutôt d'essayer de faire des photos sur lesquelles j'arrivais à échapper un peu à cette ambiance de Noël tellement oppressante qu'elle ne permettait même plus de se rendre réellement compte du style de la maison. Avec le recul, j'ai eu tort, ç'aurait presque pu être une étude sociologique...

Le luxe est lui aussi ostentatoire, mais la collection de mobilier et de fournitures est intéressante, notamment l'escalier en colimaçon sans appui et cette étagère dont chaque niveau tourne de manière autonome...

La guide est sympa et plutôt gentiment délirante, on est 3 pour la visite, et on peut toucher un peu tout ce que l'on veut, c'est rare!

Je reprends ensuite la route pour parvenir à Lafayette, que je visiterai demain!

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Lafayette, où je suis arrivé hier soir, est le coeur du pays Cajun.

Pour être tout à fait honnête, avant d'être ici, je ne faisais pas trop de différence entre Cajuns, Cadiens et Acadiens, et même Créoles.

La visite de Vermilionville m'a permis de remédier un peu à ça.

Vermilionville était le premier nom donné par les Acadiens à la ville de Lafayette, avant que les américains la rebaptisent. Aujourd'hui, ce qu'on appelle Vermilionville, c'est un parc, dans lequel a été reconstitué un village acadien, à partir de bâtiments originaux ramenés là pour assurer leur conservation, et lorsque ce n'était pas possible, de quelques reconstitutions, rebâties avec les techniques anciennes.

Alors!!! Pour tenter de faire court, les Acadiens sont des francophones et catholiques vivant aujourd'hui principalement au Quebec et un peu au Canada et dans le Maine. Ils sont les descendants des colons français établis au Nord de ce qui était alors La Nouvelle France, une immense colonie s'étendant du Québec jusqu'à La Louisiane actuelle, plus ou moins axée sur le cours du Mississippi.

Les Cadiens eux, sont le groupe ethnique établi en Louisiane, dont les Acadiens sont les ancêtres.

Les Cajuns... sont juste le mot anglais pour Cadiens !

Dans la seconde moitié du 18ème siècle, c'est le "Grand Dérangement": les Britanniques prennent pas mal de nos colonies en Amérique du Nord et déportent en masse les Acadiens, francophones, auxquels ils ne font guère confiance....

Des Acadiens parviennent à fuir et prennent la direction de la France et de la Louisiane... L'intégration se fait facilement en Louisiane, mais pas en France, où ils sont mal accueillis: ceux-là repartiront donc généralement pour la colonie française...

Le parc présente donc plusieurs bâtisses typiquement cadiennes, et leur évolution au fil du temps, et des influences des cultures environnantes: de typiquement acadiennes au départ, puis mâtinées du Créole Louisianais, puis les influences anglophones... Et également les maisons très modestes et celles plus bourgeoises des Cadiens enrichis, souvent grâce au commerce des plantations et à l'esclavagisme...

Le parc développe également les métiers et les activités traditionnels de la culture cadienne, et des membres de cette ethnie possédant encore ce savoir-faire jouent les figurants dans le parc. Evidemment, on peut être très suspicieux sur cette façon de faire, mais quoi qu'il en soit, ils semblaient heureux d'expliquer ce qu'ils faisaient, et encore plus de parler français, pour ceux du moins qui le parlent encore...

En effet, en visitant l'école, on découvre que les Américains ont tout fait pour que la langue française finissent par disparaître...

I will not speak french on the school grounds 

Le parc est installé sur les bords d'un petit bayou et le site est assez sympa, entre cyprès, chênes, et mousse espagnole...

On pénètre bien sûr dans les habitations, et on découvre les intérieurs reconstitués avec des pièces d'époque, des maisons très humbles...

Jusqu'à celles bien plus bourgeoises...

Un point commun aux constructions ici en Louisiane, créoles ou cadiennes: les cuisines séparées des maisons, pour éviter les incendies très fréquents à l'époque... Le bois utilisé ici pour les constructions, le cyprès, est extrêmement résistant à l'humidité et aux inondations, mais si sec qu'il brûle comme paille...

Il y a aussi l'église, catholique bien entendu...

Finalement, j'ai passé bien plus de temps que je ne pensais à Vermilionville, et j'en suis ressorti en ayant le sentiment d'avoir réellement appris des choses sur cette culture que je connaissais si mal, ce qui j'imagine est le but de ce genre de parc, et le signe que celui-ci fonctionne plutôt bien.

Dans l'après-midi, j'étais sensé naviguer sur les bayous, au milieu des cocodrils et autres bestioles plus ou moins sympas...

Sauf que arrivé là-bas, il se met à tomber des cordes... Le bonhomme me dit que là, il ne fera pas d'autres tours aujourd'hui, que je retente ma chance demain, mais même là c'est pas sûr car il risque de pleuvoir encore, et si je suis le seul client il ne partira pas...

Je fais quelques pas qui me permettent de toucher un peu l'ambiance très particulière des bayous, et de saisir quelques volatiles:

J'hésite, et puis finalement je décide que tout ça est trop hypothétique, et qu'il faut mieux sans doute partir en direction de Houma, où je suis arrivé ce soir, avec l'espoir de pouvoir naviguer sur les bayous ici, ce qui n'est pas certain non plus au vu de la météo... A suivre demain!

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La journée commença sur une désillusion: au téléphone, le marin que j'avais contacté la veille pour naviguer dans les bayous des environs me confirma qu'il ne sortirait pas. Il est vrai que depuis 2 jours, le ciel alterne entre averses et soleil assommant, le tout dans une humidité étouffante...

Mais là encore, il est intéressant de constater que la vie a souvent d'autres plans pour nous... Je m'interroge un peu sur ce que je vais faire de cette journée, et je décide de rejoindre la côte toute proche du Sud de la Louisiane.

A cet endroit, la terre vient se perdre et se dissoudre dans les eaux du Golfe du Mexique. On emprunte une route qui s'étire de ponts en passerelles dans les bayous , et bientôt ce n'est plus même la terre mais une multitude de confettis, une fine dentelle de marais et de roseaux qui ne se différencie plus qu'à peine de l'eau, et puis on arrive dans ce bout du monde qu'est Cocodrie.

Factuellement, il n'y a rien à faire ou à voir à Cocodrie, qu'un endroit perdu tout à la fin d'une route qui n'ira pas plus loin. Est-ce que c'est parce que j'ai vu tant de choses ces dernières semaines, mais j'avais envie d'être là, et puis aussi juste de voir la mer. C'est juste ça qui m'a amené ici, et quand je sors de la voiture, il y a l'odeur de la boue et des embruns, et je me sens tout de suite bien.

Les maisons sont sur pilotis, il peut y avoir des inondations énormes ici, et d'ailleurs les bourgades de ces petits bouts de terre ont subi de plein fouet l'ouragan Katrina. D'années en années, l'érosion s'accélère, réduisant à peau de chagrin ce pays... Sur les jambes en bois, les bâtisses semblent encore plus fragiles.

Il est midi, et je marche jusqu'à la seule épicerie à des kilomètres à la ronde pour trouver quelque chose pour le déjeuner...

Cet endroit qui n'a l'air de rien, la Cecil Lapeyrouse Grocery, est pourtant une institution. D'abord parce qu'elle existe depuis plus d'un siècle, et ensuite parce qu'elle est tenue depuis toujours par des cajuns descendants présumés de notre La Pérouse à nous, le navigateur français du Roi Louis XVI...

A l'intérieur, c'est une caverne d'Ali Baba où se différencient à peine antiquités et journaux du jour...

Etta et Cecil, les propriétaires, sont adorables, elle parle anglais, lui français acadien. On discute longuement, ils sont amoureux de ce bout de terre, de la vie à la fois simple et compliquée qu'ils mènent ici... Ils me disent: "Mais bon, on s'y fait. Après tout, après un ouragan, si ta maison est encore debout, tu ouvres les portes, tu prends un balais, et tu y vas..."

Ils veulent que je marque un mot dans leur Guest Book, et puis Etta insiste pour que j'aille m'installer tranquillement dans son petit jardin derrière la maison pour déjeuner. "Il y a une balançe !" me dit Cecil.

Je m'installe donc sur la "balance", et ensuite je me promène, c'est un jardin bohème, il y a une petite cabane un peu magique et un chat timide, et au bout du jardin, un ponton qui donne sur le bayou...

Ils me parlent d'un jardin étrange pas loin d'ici, et puis on se dit au revoir... Je leur fait confiance, et en chemin je m'arrête pour observer les bateaux destinés à la pêche à la crevette.

J'arrive au lieu qu'ils m'ont indiqué, c'est un endroit pas très grand, un petit bout de terre sur lequel un excentrique a bâti ... quoi? C'est même difficile à définir...

je suis à peine arrivé, il y a là une femme, je ne l'avais pas vu, elle est dans un fauteuil, elle est handicapée. Je dois avoir l'air un peu perdu devant ce que je vois, tout de suite elle m'adresse la parole: "Moi, je viens de temps en temps ici, et chaque fois je vois de nouveaux détails, des choses qui m'avaient complètement échappé les fois précédentes... J'essaie de comprendre moi aussi, mais c'est moins important que ce que l'on sent..."

Elle me raconte l'histoire du lieu: un jour, au début des années 90, un homme surgit de nulle part et sur lequel on ne sait pas grand-chose s'est installé ici, il s'appelait Kenny Hill. Après son travail (il était maçon) il fabriquait ce petit monde sur ce bout de terrain. Il refusait de donner des explications aux quelques journalistes qui venaient là, leur interdisait de filmer ou prendre des photos, mais à ses voisins qui lui demandait la signification de tout ça, il répondait toujours: "C'est une histoire de salut"

Le terrain est peuplé d'anges, parfois indiquant la voie, parfois interdisant le passage. Il y a Jesus, l'Amérique, les Indiens et les Cowboys, les Cajuns, les pêcheurs et Kenny Hill lui-même qui s'est représenté plusieurs fois. C'est la Foi, mais aussi la Lutte et la Douleur mélangés.

Ellen me raconte qu'un jour, au début des années 2000, à la suite d'un conflit avec la Paroisse qui l'a exproprié car il ne coupait pas l'herbe de son terrain, Kenny Hill est resté assis 3 jours dans son jardin, en face du Christ. Le troisième jour, on l'a vu se lever et casser la tête du Christ; puis il est parti, juste avec ce qu'il avait sur le dos, abandonnant sa petite maison toute proche, et disparaissant totalement. Malgré des recherches, personne n'a jamais pu savoir ce qu'il était devenu.

Et voilà, il a laissé tout ça derrière lui, comme une guerre perdue contre ses propres démons. L'explication la plus détaillée de son oeuvre qu'il ait donné un jour, c'est: "C'est à propos de la vie, de son expérience et tout ce que j'ai appris"

J'ai encore pas mal discuté avec Ellen, elle est drôle, on rit pas mal, on parle de nos voyages, du fait d'être seul et d'être ensemble, et puis à un moment on se sépare en s'embrassant...

J'ai décidé de quitter la côte pour remonter au-dessus de Bâton-Rouge, dans une bourgade appelée Saint-Francisville, une petite trotte quand même. En remontant dans la voiture, je repense à cette journée si étrange et si dense.

Qui a dit : "Le voyageur est celui qui se donne le temps de la rencontre et de l'échange" ?

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Au départ, j'étais sensé passer à Saint Francisville après avoir fait la route des plantations. Et puis finalement j'avais changé d'avis, pas persuadé qu'il y avait vraiment grand chose à faire ici. Mais bien heureusement, je me suis ravisé et je suis venu aujourd'hui par ici, pour découvrir un peu plus ce très charmant petit village sur le Mississippi...

Ce fut d'abord une petite colonie française, mais elle fut abandonnée. A leur arrivée, les espagnols reprennent possession des lieux, et aujourd'hui, on parcours quelques rues du quartier historique qui a conservé toutes ses petites ou grandes maisons d'époque...

La nature est omniprésente, il y a des arbres magnifiques, dont une curiosité: un arbre qui a poussé dans un autre arbre!

Et surtout, il y a une église cachée derrière des grilles mystérieuses, et son cimetière qui remonte aux moines capucins qui vinrent ici avec les français!

C'est un voyage en soi de marcher entre ces tombes souvent très anciennes, sous les chênes séculaires et la mousse espagnole...

On y trouve la tombe de John Elliot Hart, officier de l'Union Navy pendant la guerre de Sécession. En Juin 1863, la petite bourgade de Saint Francisville, confédérée, subit un blocus des unionistes, et même des bombardements. Mais l'officier contracte la fièvre jaune, et comprenant qu'il est en train de devenir dément, se suicide dans sa cabine, alors que son navire bloque le fleuve en contrebas du village.

Evidemment, il n'est pas question de renvoyer son corps dans le Nord du pays. Mais l'enterrement du bonhomme pose un problème, car il a exigé d'être enterré selon le rite maçonnique...

Les Unionistes finissent par entrer en contact avec une loge maçonnique de Saint Francisville. Une trêve est conclue durant un jour, afin que le dirigeant de la loge, lui-même officier confédéré, puisse procéder à l'enterrement de son ennemi et néanmoins frère, unioniste, en présence des combattants des 2 armées. Depuis la Louisiane commémore ce jour, "The day the war stopped"... Autre symbole, il fut décidé ensuite d'enterrer les deux hommes ensemble !

Le village était entouré de plantation, et dans l'après-midi j'ai visité celle de Rosedown. Ce fut une visite privée, car j'étais le seul à m'être présenté !

Cette plantation a une particularité qui la rend vraiment exceptionnelle au regard des autres que j'ai visité, c'est qu'elle est restée dans la même famille de sa création jusqu'en 1950. Elle fut ensuite achetée, mobilier et fournitures compris, par une riche américaine qui la remis en état, mais en décidant de conserver scrupuleusement la maison telle qu'elle avait toujours été, jusqu'à l'emplacement d'origine des meubles !!

On parvient du coup à ressentir assez bien l'atmosphère de cette propriété, et même, dans une certaine mesure, de la vie de l'époque...

Le jardin lui-même n'a pas changé, et il a conservé toutes ces dépendances qui parlent du quotidien utilitaire de la vie de l'époque...


J'ai adoré cette visite, et j'ai pas mal discuté avec la jeune guide, assez pointue et passionnée du Style Français en vogue à l'époque ici...

Pour finir la journée, une petite marche sur les bords du Mississippi...


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Après deux échecs successifs, un ici même sur ce lac près de Lafayette il y a quelques jours, et un autre près de Houma, j'ai enfin pu embarquer et à partir à la découverte des bayous de Louisiane... Il m'a fallu de la persévérance, mais pour moi, il n'était pas question de quitter la Louisiane sans voir de plus près cet univers fantasmagorique qui me paraît assez indissociable du pays...

Un bayou normalement, c'est un bras de mer qui avance dans les terres, alors que le marécage lui est un milieu d'eau douce. Mais ici en Louisiane, on appelle en général "bayou" l'ensemble de ces milieux, d'eau salé ou douce... Ce bayou ci est celui du Lake Martin, qui n'est pas un très très grand lac, mais qui est connu pour sa beauté, le grand nombre d'espèces animales qui s'y trouvent...et pour être encore assez peu fréquenté par les touristes!

Ici, les forêts submergées des bayous sont plantées de cyprès et de chênes. Pour les différencier, c'est simple: le chêne a un tronc plus étroit et circulaire, le cyprès a un tronc très large et qui prend la forme d'un pied d'éléphant. Le cyprès vit plusieurs centaines d'années, car son bois est extrêmement résistant (à la pourriture justement), et c'est la raison pour laquelle il était presque systématiquement employé pour la construction des maisons de planteurs... Bon, il devait quand même être moins cher à l'époque, puisqu'aujourd'hui, un gros tronc de cyprès de plusieurs centaines d'années se marchande environ dans les 75 000 € !

Cyprès 
Chêne 

Tous ces petits troncs qui dépassent sont en fait les racines des cyprès, qui viennent à la surface chercher l'oxygène...

Il y a beaucoup d'oiseaux, et notamment des aigrettes et quelques hérons...

Et des tortues seules ou à la queue leu leu...

Mais tout le monde est venu ici pour voir des crocrodiles ! Et bien en fait ici, ce sont uniquement des alligators, qui en cajun se disent... cocodrils !

La couleur des cocodrils varie selon leur nourriture. Quand ils mangent beaucoup d'algues, ils sont verts. Mais ici, à cause des tannins dus aux arbres, ils sont beaucoup plus sombres. Ces mêmes tannins font que sur le lac, il n'y a presque pas de moustiques (une plaie en Louisiane), qui détestent ça...

On a vraiment eu beaucoup de chance, car en ce moment, les alligators passent le plus clair de leur temps à hiberner... Le conducteur du bateau nous disait que ces dernières semaines, il a fait plusieurs sorties sans en voir aucun. Mais aujourd'hui, le soleil tape fort ( j'ai même pris un coup de soleil ), et les bébêtes viennent se réchauffer au soleil ! En tout cas, on en a vu au moins une quinzaine.

Bon, en tout cas, entre les crocros qui se font dorer la pilule, les oiseaux qui prennent le soleil sans pudeur et les tortues qui font du stretching des pattes arrières, ça a pas l'air de bosser fort sur ce lake !

On en oublierait presque d'apprécier le bayou...

On sort de cette promenade comme d'un rêve, c'est vraiment un milieu très particulier et inspirant... 2 heures de route plus tard, me voici de retour à New Orleans, ma chambre d'hôtel est dans une vieille maison typique de la ville...

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C'est la fin du voyage ! Ou presque, puisqu'au retour je fais une longue escale à Lisbonne qui me donnera l'occasion de faire un tour en ville. Quoiqu'il en soit, je n'avais pas d'autre plan pour la journée que celui de profiter de la ville et de la vie, du beau temps qu'il fait ici, et de l'atmosphère très particulière de New Orleans le week-end. En Louisiane, il y a en cajun une expression qui résume ça : "Laissez les bons temps rouler" ...

Alors pour commencer, j'ai fait une grasse mat' terrible dans mon lit à la Scarlett O'Hara tellement confortable que je ne pouvais même plus en sortir, mais c'est vrai aussi que globalement, je me suis toujours plutôt levé tôt et couché tard, donc j'en avais bien besoin...

Après avoir déjeuné au restaurant de cuisine créole et cajun de Jackson Square au coeur du Vieux Carré, qui a un peu été ma cantine le temps que j'ai passé à La Nouvelle Orléans, j'ai traversé la place pour me rendre au musée 1850 House. C'est un espace qui appartient à la ville, qui a reconstitué dans cet immeuble cossu les intérieurs de familles riches dans les années 1850, à partir des documents existants sur les anciens habitants de cette adresse et leurs esclaves...

L'adresse était alors une des plus en vue de la ville, sur la place principale, suffisamment grande pour accueillir une petite famille, mais loin cependant de la taille et de la richesse des hôtels particuliers que les planteurs se faisaient construire en ville pour venir passer l'hiver après être restés en saison sur leurs plantations, à la campagne...

Le musée présente donc les espaces où se faisaient la vie en société, très importante dans ces milieux et à cette époque, comme le parloir, et bien sûr la salle à manger, avec sa porcelaine, française bien évidemment...

L'étage supérieur abrite les chambres du couple...

D'un jeune adulte...

Et la chambre d'enfant...

Vue sur la cour de l'habitation avec sa cuisine, où oeuvraient les esclaves, qui eux dormaient dans les combles !

La visite terminée, il était l'heure du thé et d'une pâtisserie. C'est chez Muriel's que ça se passe !

Ce vieux bâtiment et cette institution de la ville est connue, outre son raffinement, pour abriter un fantôme, celui de son ancien propriétaire, Pierre Antoine Lepardi Jourdan, qui s'y suicida après avoir perdu sa maison au jeu... Il aimait tant sa demeure qu'il n'a apparemment jamais voulu la quitter. Du coup, il a en permanence une table dressée juste pour lui, et inutile d'insister pour s'y installer, ce sera non!

Au cours des siècles, l'étage servit un temps de maison de passe raffinée, dont on a conservé les salons!

Et voilà, je te dis au revoir Nouvelle Orléans, et peut-être à une prochaine ! J'ai aimé ta chaleur, ta liberté, ton style, ton jazz, tes musiciens dans la rue qui font danser les passants, et tes habitants à l'élégance surannée qui s'assoient dans tes cafés...

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Voilà, cette fois c'est bien fini ! Après avoir récupéré un peu du décalage horaire, il est temps de clôturer ce carnet de voyage...


Le retour en Europe s'est fait via Lisbonne, où j'avais pu organiser un long transit, le temps de prendre un bon vrai petit-déjeuner européen dans cette ville que j'adore.


A Lisbonne, l'aéroport est presque en centre-ville, c'est très pratique et je suis arrivé au Bairro Alto pour le lever du jour...


Et de là, descente au bord du Tage pour assister au lever du soleil sur la Praça do Commercio...


A Lisbonne, il y a encore de ces boutiques historiques qui ont traversée les époques. J'en ai profité pour acheter un béret dans ce beau magasin, tenue par une vendeuse habillée en léopard qui avait déjà fort à faire à l'ouverture de sa boutique !


C'est sur les azulejos de cette ville magnifique que s'arrête ce voyage qui m'a entraîné si loin, et j'ai été heureux de le partager avec vous. Mais surtout j'ai été heureux de vos commentaires et soutiens, et je vous en remercie énormément...


A bientôt peut-être pour un nouveau voyage !