Notre périple se poursuit, toujours plus au nord, toujours plus dans le désert. Après une nuit passée dans le bus, nous arrivons de bon matin à San Pedro de Atacama, une ville-oasis située non loin du tropique du capricorne, ancrée dans le désert le plus aride du monde, ses lagunes, ses salars, ses geysers, ses volcans, ses minerais, ses vallées colorées et son histoire : Atacama.
L’humidité y est quasi-inexistante, il peut ne pas y pleuvoir pendant plusieurs dizaines d’années. L’aridité permet aux scientifiques de partir à la découverte du passé de notre planète, non seulement en observant l’univers, mais également en se tournant vers l’archéologie et la géologie où les objets, momies, roches et minéraux extrêmement bien conservés ont une histoire à raconter. Cette même aridité renferme également les secrets d’un lourd passé chilien, car les corps jetés dans le désert pendant la dictature s’y conservent presque sans altération aucune. Des associations de femmes continuent, décennie après décennie, leurs battues dans le désert à la recherche de leurs proches disparus.
L’aridité est cependant atténuée par l’altitude, et San Pedro, ville désormais très touristique abritant des centaines de tour-opérateurs et donc de touristes, est située à 2500m d’altitude. Les écarts de température sont extrêmement forts (entre -10 à 0 la nuit et 30 degrés la journée, en hiver) et le soleil tape quotidiennement depuis des millions d’années - c’est aussi l’un des plus vieux désert. La clarté du ciel et l’altitude attirent les astronomes et passionnés d’étoiles du monde entier, et il est possible de faire une multitude d’excursions pour admirer les merveilles géologiques qui composent le secteur. La plupart des sites sont éloignés de plusieurs heures de la ville, mais la beauté et la morphologie des paysages font vite oublier les longues distances...
Loin des agences touristiques et de leur mini-bus, nous avons choisi d’explorer cette région d’une manière plus économique en louant des vélos et en partageant la location d’un pick-up avec des francophones (merci Facebook !) pour arpenter le désert sur plusieurs jours. Au final, nous avons passé une semaine avec notre petit groupe composé de Max (Américain), Fanny (Suisse) et Jonathan (Français) avec qui le courant est super bien passé. Voici dans l’ordre chronologique un petit résumé pour chaque excursion, bien qu’il soit difficile de retranscrire par écrit ces chefs-d’œuvres de la nature.
Valle de la Luna (vallée de la Lune)
Après quelques kilomètres lancés sur nos vélos, nous entrons dans la vallée de la Lune, qui porte effectivement bien son nom. Le chemin n’est pas toujours facilement praticable, mais l’environnement si saisissant dans lequel nous pédalons nous fait avancer sans même réaliser l’effort demandé. Le décor semble irréel, d’une autre planète...pourtant, les quelques voitures et mini-bus qui nous doublent nous ramènent sur Terre. Les évaporites (sels, gypse) sont très présentes, sous forme de cristaux ancré dans la roche, en filons ou en concrétions au sol; mais aussi le sable, avec les gigantesques dunes formées par le vent pendant plusieurs millions d’années.
Pukara de Quitor
Ce site archéologique précolombien, quasi millénaire et construit en pierre sur un flanc de montagne fût un lieu de passage et de commerce partagés entre les atacaméens, le incas et les nomades. Lorsque les colons arrivèrent, les nombreux remparts constituaient un lieu fort de défense contre les envahisseurs, et de nombreuses batailles eurent lieu en guise de résistance à Pukara de Quitor. Aujourd’hui, la balade vaut vraiment le coup pour prendre de la hauteur et admirer l’environnement dans lequel les ruines de cette forteresse sont bâties. Le mirador offre une superbe vue sur les environs de San Pedro. En contrebas, il est possible d’admirer les visages pré-incas sculptés dans la roche.
Valle Arcoiris (vallée arc-en-ciel)
Encore une vallée qui porte bien son nom, tant les couleurs sont aussi variées qu’inattendues. Après avoir emprunté l'une des plus belles routes sur lesquelles nous avons roulé jusque là, seuls, éblouis par la beauté du paysage à chaque fin de virages, nous arrivons dans cette vallée sous un soleil flambant.
Les couleurs dans la vallée nous ont paru irréelles. Sur un même relief, la teinte des roches variant du rouge au blanc, en passant par le mauve, bleu, vert, jaune et autres...Grâce à la presque absence d'humidité dans le secteur, cette variation de couleurs ayant pour origine des compositions chimique différentes se conserve a l'air libre depuis des milliers voire millions d'années (le rouge étant associé aux sulfures, le vert au cuivre et fer, le bleu à l'arsenic et cobalt, le blanc au gypse et kaolinite...). Ce mélange est probablement dû à la présence de chambres magmatiques distinctes, qui après des épisodes de refroidissement, de mouvements lors de la formation des Andes et d’altération, se sont retrouvées en surface pour notre plus grand plaisir.
Sur le chemin du retour, nous avons pu observer quelques pétroglyphes, des sortes de gravures dans des roches gréseuses et ryolithiques, témoins de la présence de communautés Atacaméenes depuis plusieurs centaines d'années. Ils représentaient les animaux qui peuplaient le secteur (lézards, guanaco, lamas ?) mais aussi certains renards à deux têtes (l'herbe devait être bonne).
Valle de la muerte (vallée de la mort)
Dans cette vallée, nous avons effectué une superbe balade à pied en commençant par longer une longue corniche aux parois abruptes, nous ouvrant un large panorama sur la vallée, le désert et les volcans de la cordillère des Andes au loin. Nous avons ensuite dévalé plusieurs immenses dunes de sable, avec une impression de flottement, tellement le sable était léger et abondant. Nous sommes alors tombé sur quelque chose d’insolite : des snowboarders pratiquant le ‘sandboard’, en short et t-shirt en plein désert.
Auparavant, cette vallée s’appelait ‘valle de Marte’ (Mars), mais a subi avec le temps une déformation de prononciation par les touristes. La comparaison avec Mars semble pourtant mieux appropriée : les canyons étroits, l’inclinaison (ou pendage) des roches aux teintes rougeâtre dont l’érosion fait ressortir les sels blanchâtres, l’absence de végétation et les dunes de sables nous évoquent la planète rouge.
De retour sur le haut de la corniche, nous avons terminé la journée par un coucher de soleil mémorable, aux couleurs incroyables.
Les geysers d’El Tatio
Situé à 4200m d’altitude, El Tatio est le plus haut et plus vaste parc de geysers au monde. Pour les admirer, il faut s’y rendre au petit matin, lorsque les différences de températures permettent à ces phénomènes naturels de s’exprimer pleinement. Ambitieux, nous voulions arriver avant les agences de tourisme, et sommes partis à 4h du matin, sur une route défoncée. Charles a assuré les deux heures de conduite pour nous mener à bon port, et nous étions la troisième voiture à l’entrée, à 6h du matin. Il faisait -16 degrés, encore nuit, et l’on pouvait deviner les cheminées de fumerolles qui s’élevaient à quelques mètres dans les airs. Nous avancions à pas timides dans l’obscurité car une chute dans un geyser serait fatale. Il y avait du mystère dans l’air, les silhouettes apparaissaient et disparaissaient derrière les vapes de fumées, et avec le levé du jour, des jets d’eau bouillante de deux à trois fois notre taille ont commencé à se former.
Heureusement que nous avions des chaufferettes, car les extrémités des mains et des pieds, malgré les gants et les chaussettes techniques, ne pouvaient résister au froid saisissant. Nous avons fait l’impasse sur la baignade dans les sources chaudes, qui n’étaient “qu’à” 25 degrés. La foule de touristes et le froid nous ayant finalement fait fuir, nous avons découvert de jour la magnifique route de retour, et sommes tombés sur nos lits à l’hôtel pour une sieste bien méritée.
Nous découvrons de jour la route sur le chemin du retour, ayant parcouru l’aller en pleine obscurité. Des paysages à couper le souffle avec quelques vigognes rencontrées en chemin.
Lagunas Baltinache / Escondidas
Cette succession de 7 lagunes permet au photographe de jouer sur les couleurs, les reflets et l’effet miroir des eaux. Il faudra cependant travailler le cadrage pour éviter que les groupes de touristes n’envahissent les images. En plein cœur du Salar d’Atacama, il est possible de se baigner dans certaines des ces lagunes d’eau salée, permettant de flotter comme jamais.
Piedras Rojas / Lagunas altiplanicas (Miscanti y Miniques)
Nous empruntons encore une fois une route défoncée mais « de toute beauté », qui nous mène vers certains des plus beaux paysages qu’il nous ait été donné de voir jusqu’à lors; les lagunes altiplaniques à plus de 4200m. Le site de Piedras Rojas lui-même était fermé, mais la lagune qui le borde offre un spectacle qui vaut le détour. Les couleurs s’entremêlent dans ce paysage surprenant, loin des zones d’affluence touristique.
Pour le pic nique, nous nous dirigeons vers les lagunes Misconti et Miniques. Un renard nous fait du gringue sur le chemin, mais il ne récoltera que les flashs de nos appareils photos. Nous mangeons du guacamole maison et autres mets anniversairesques au bord des lagunes, d’un bleu intense. L’altitude fait des ravages, et c’est ainsi que les différents toilettes du parc n’auront plus de mystère pour certain(e)s d’entre nous.
Space Obs’
Alain, un astronome d’origine lorraine (personne n’est parfait, mais ça aurait pu être pire, il aurait pu être normand!) est un puits de savoir. Assaisonnant son discours parfois très technique d’une bonne dose d’humour, il nous mène à travers les constellations, les nébuleuses, les planètes, et l’histoire, du micro au macroscopique, et tout ça en français !!. Une dizaine de télescopes nous font voyager dans l’espace. A l’œil nu, nous voyons passer des dizaines d’étoiles filantes. Il n’y a pas de meilleur endroit au monde qu’Atacama pour observer le ciel, car l’aridité offre une visibilité d’une rare netteté. Cette deuxième expérience en observatoire était fascinante, clôturant notre séjour à Atacama de la plus belle des manières.